Jeudi 10 février 2022

« Nous ne connaissons pas celui qui a trahi Anne Frank et sa famille. »
État actuel de la question après la publication d’un livre qui affirmait le savoir

Le monde n’est pas rempli que d’homme sage comme Thich Nhat Hanh, sujet du mot du jour de lundi ou d’humanistes résilients comme Aurélie Sylvestre ou Georges Salines sujet des mots du jour de mardi et mercredi.

Je crois nous avons tous entendu parler d’Anne Frank et connaissons tous son histoire et sa vie brisée par la barbarie nazie.

Le 12 juin 1942, aux Pays-Bas, Anne Frank, une adolescente juive reçoit un journal intime pour son treizième anniversaire. Le jour-même, elle commence à écrire ce qui deviendra « Le journal d’Anne Frank».

Cachée dans une maison d’Amsterdam, annexe à l’usine où travaillait son père, elle y raconte son quotidien sous l’occupation allemande.

Durant deux ans, la jeune fille se confie à une amie imaginaire, «Kitty», lui adresse des lettres au fil de la plume, partage ses histoires et ses peurs, alors que le moindre bruit provoque sursaut et angoisse.

« C’est une sensation très étrange, pour quelqu’un dans mon genre, d’écrire un journal. Non seulement je n’ai jamais écrit, mais il me semble que plus tard, ni moi ni personne ne s’intéressera aux confidences d’une écolière de treize ans ».

Elle écrira jusqu’au 1er août 1944. Trois jours plus tard, Anne et sa famille sont arrêtés.

La jeune fille désormais âgée de 15 ans est déportée en septembre dans le camp d’Auschwitz-Birkenau.

Après avoir survécu à tant d’horreurs et de drame, elle meurt en février ou mars 1945 à Bergen-Belsen, succombant au typhus, à quelques semaines seulement de la libération du camp par les troupes britanniques.

Son père, Otto, « le plus chou des petits papa », comme elle le décrit dans son journal, est le seul survivant de leur groupe et décide, à son retour à Amsterdam, de faire publier l’œuvre de sa fille.

On ne sait pas qui a trahi et fait arrêter Anne et sa famille.

Mais, récemment je pense que nous avons tous entendu, vu ou lu qu’un livre venait d’être publié  qui après une enquête de 6 ans ! pouvait révéler l’identité du traitre.

Et on a vu, lu ou entendu partout que c’était un notaire juif.

Mais savez vous que ce livre vient d’être suspendu de la vente ?

« Le Canard Enchaîné » du mercredi 9 février 2022 écrit dans sa page 5 :

« L’Éditeur Néerlandais Ambo Anthos suspend temporairement l’impression de « Qui a trahi Anne Frank ? » signé de la canadienne Rosemary Sullivan. Selon « Livres Hebdo » : La maison d’édition souhaite vérifier la véracité de l’enquête avant de prendre une décision ».

Voilà qui est étrange, en principe, il vaudrait mieux vérifier avant de publier que de publier et de vérifier après.

Le canard poursuit :

« L’auteure aurait identifié le délateur : un notaire juif hollandais nommé Arnold van den Bergh. Rien de moins sûr, admet aujourd’hui l’éditeur, qui avait recruté « un détective du FBI à la retraite et une équipe internationale de scientifiques, d’historiens et de policiers. »

Et le Canard taquin d’ajouter : « Une enquête sur cette brillante compagnie ? Cela pourrait faire un bon sujet pour une publication chez le même éditeur. »

On constate donc que l’accusation : « c’est un juif qui a dénoncé des juifs » a été immédiatement et largement diffusée.

Le doute qui vient d’apparaître fait beaucoup moins de bruit.

Après avoir lu le Canard enchainé j’ai fait des recherches et j’ai constaté que sur son site « Le Monde » a également relayé cette information, il y a quelques jours.

Et puis Guillaume Erner, sur France Culture, ce matin, a cité le Canard.

Ce sont des correspondants du Monde : Cécile Boutelet (à Berlin) et Jean-Pierre Stroobants (à Bruxelles) qui ont conduit à une publication du 3 février que je n’avais pas remarqué : <Anne Frank : l’impression du livre sur sa dénonciation a été suspendue aux Pays-Bas>

Je cite « Le Monde » :

« La thèse finale du livre, évoquant l’arrestation des huit occupants de l’Annexe, à Amsterdam, le 4 août 1944, à la suite d’informations livrées à l’occupant nazi par un notaire juif, Arnold van den Bergh, a rapidement été remise en question aux Pays-Bas. […]

Des chercheurs, dont l’historien Erik Somers, de l’Institut néerlandais d’études sur la guerre, l’Holocauste et le génocide (NIOD), avaient rapidement critiqué l’ouvrage. Bart van der Boom, professeur à Amsterdam et Leyde, démentait ainsi que le notaire ait pu avoir accès à une liste secrète des juifs cachés à Amsterdam : le conseil juif, instauré par les nazis et dont van den Bergh faisait partie, ne possédait pas un tel document, a confirmé ce spécialiste.

Dès le 18 janvier, Bart Wallet, historien de l’université d’Amsterdam, qualifiait la démonstration de « château de cartes » dans le magazine allemand Der Spiegel. La semaine suivante, l’hebdomadaire interrogeait d’autres experts à propos du conseil juif, confronté à l’époque à un terrible dilemme, puisqu’il essayait de sauver des vies par le biais de la coopération, tout en étant contraint de participer aux déportations.

Ces spécialistes estimaient, eux aussi, qu’il était improbable que de telles listes de cachettes juives aient existé. David Barnouw, longtemps chercheur au NIOD, auteur en 1986 de la première édition scientifique du journal d’Anne Frank, affirmait ainsi au magazine que « personne n’a jamais vu de telles listes ».

Quant aux doutes exprimés par l’enquête sur la probité du notaire van der Bergh, ils sont jugés « purement spéculatifs » par Laurien Vastenhout, également chercheuse au NIOD. Selon plusieurs historiens, il existe, en revanche, des preuves convaincantes que le notaire et sa famille, s’estimant menacés, se sont cachés des nazis dès le début de l’année 1944, bien avant l’arrestation d’Anne Frank et de ses proches.

Un autre élément-clé de l’enquête est une lettre anonyme qu’aurait reçue Otto Frank après la Libération. Cette dernière désignerait le notaire, mais le père d’Anne aurait refusé de dévoiler son nom par crainte de déclencher une vague d’antisémitisme. « Difficile à croire, a expliqué Johannes Houwink ten Cate, professeur à l’université d’Amsterdam, au quotidien néerlandais NRC Handelsblad. Le fait de désigner un juif aurait-il vraiment été, pour Otto Frank, plus important que de trouver le complice de l’assassinat de sa famille ? »

L’analyste médico-légal Frank Alkemade, consulté par l’équipe d’enquête, affirme, lui, avoir avancé avec prudence l’hypothèse d’une culpabilité sûre « à 85 % » du notaire. La marge d’erreur pouvait, en réalité, atteindre 50 %, a-t-il dit. Le modèle d’analyse de probabilité utilisé par M. Alkemade est, en outre, contesté par plusieurs de ses confrères. »

Le journal nous apprend qu’en France, le 3 février, le livre était toujours en vente assorti d’un bandeau qui affirme : « Notre équipe a atteint son but, comprendre ce qui a déclenché la rafle du 4 août 1944. »

Guillaume Erner dans son humeur du matin du 9 février a constaté :

« C’est probablement l’un des thèmes les plus terribles agités au sujet de la Shoah. Après avoir dit que les victimes se sont laissées tuer comme des moutons, idiotie historique qui a eu la vie longue, voici un autre mensonge : les juifs se sont donnés les uns les autres. Mais bien sûr dans le cas d’Anne Frank, ce pouvait être vrai. Fausse dans le cas général, cette règle pouvait souffrir de terribles exceptions.

[…] Autant la nouvelle du scoop, le résultat de l’enquête avait été accueillis par un tintamarre mondial, autant cette suspension a été annoncée discrètement, elle n’est probablement pas arrivée aux oreilles de tous ceux qui pensent qu’Anne Frank et les siens ont été donnés par un juif.  »

Et Guillaume Erner avance une information supplémentaire :

« Cette enquête indubitable par 30 experts évoque une liste de juifs cachés, conservée par le Conseil juif, et c’est cette liste, une anti liste de Schindler, qui aurait été donnée par le délateur de la famille Frank. Oui mais voilà cette liste n’a probablement jamais existé, pire encore, il s’agit tout simplement d’une fake news, une infox, propagée par trois collaborateurs nazis, expliquant ainsi après-guerre que les juifs s’étaient déportés les uns les autres…
On ne peut pas profaner la tombe d’Anne Frank puisqu’elle n’a pas eu de sépulture, mais on peut faire pire en propageant les pires mensonges déguisés en vérités historiques. »

Nous ne savons donc pas.
Et ceci est une information, une connaissance.
Évidemment elle fait moins de bruit, intéresse moins.

Je ne crois pas à un complot antisémite qui ne voudrait pas remettre en cause la thèse d’un juif qui trahit des juifs et qui plait tant aux antisémites.

Non, la réponse me semble beaucoup plus simple : Une information raisonnable et équilibrée est beaucoup moins « bankable » qu’une nouvelle sordide et abjecte.

<1647>

Mardi 21 décembre 2021

« Apprenez que tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute. ! »
Jean de la Fontaine

Nous sommes en campagne présidentielle. Des femmes et des hommes viennent nous raconter des récits qui tentent de nous séduire, de nous donner l’impression qu’ils s’intéressent à nous et qu’ils ont des solutions pour que demain soit mieux qu’hier.

Je crois sage de rappeler alors la morale de la fable <le corbeau et le renard> : « Apprenez que tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute »

Le Corbeau et le Renard est sa deuxième fable, plus précisément la deuxième fable du Livre I des Fables situé dans le premier recueil des Fables.

Si vous voulez connaître la toute première, celle qui a le numéro 1, du livre 1 du premier recueil c’est <La cigale et la fourmi>,

Jean de La Fontaine est né le 8 juillet 1621 à Château-Thierry, en Champagne, il y a 400 ans.

Sa particule nous trompe, il n’est pas issu de la noblesse, mais de la bourgeoisie champenoise. Son père, Charles de La Fontaine était maître des eaux et forêts du duché de Château Thierry, un métier cumulant les fonctions d’administrateur et de juge.

C’était une charge que l’on achetait ou dont on pouvait hériter.

La Fontaine fera les deux il en achètera une puis reprendra celle de son père.

Jean Orieux dans son livre « La Fontaine ou la vie est un conte » décrit cette charge :

« Pour le travail, elle lui parut lourde et elle l’était assez. Il fallait tenir les registres sur lesquels devaient être portées, avec ponctualité, les amendes et les confiscations. Il devait fournir avec régularité des rapports sur l’état des domaines placés sous sa surveillance. Ponctualité ! Régularité ! […] Il devait, l’épée au côté – c’était le Glaive de la Justice ! – présider la séance hebdomadaire du Tribunal des Eaux et Forêts dont il était juge. […] Il devait réprimander, condamner, taxer les contrevenants.
Qui étaient-ils ? De misérables paysans qui avaient laissé leur bétail brouter les jeunes pousse et les plantations ; « de pauvres bucherons » (clandestins) qui avaient abattu un beau chêne pour en faire la charpente de leur petite maison. Il fallait saisir le bétail, le vendre à la criée sur l’ordre et sous le contrôle de … mais de Jean de La Fontaine ! On le voit bien mal dans ces fonctions répressives, lui que l’injustice et la cruauté de la Justice étonnaient ; lui qui avait horreur, presque autant que des pédagogues, des tribunaux et des juges à bonnets carrés. »
Page 80

Quand Jean Orieux met entre guillemets de pauvres bucherons il cite bien sûr la fable <La Mort et le Bûcheron> qui commence ainsi :

« Un pauvre Bûcheron tout couvert de ramée,
Sous le faix du fagot aussi bien que des ans »

Et plus loin La Fontaine décrit sa compassion

« Quel plaisir a-t-il eu depuis qu’il est au monde ?
En est-il un plus pauvre en la machine ronde ?
Point de pain quelquefois, et jamais de repos.
Sa femme, ses enfants, les soldats, les impôts,
Le créancier, et la corvée »

Je m’imagine, qu’un homme cupide dans la fonction qu’occupait Jean de La Fontaine peut devenir très riche. La morale est sauve, Jean de La Fontaine ne devint jamais riche.

Alexis Brocas dans le Hors-série de « Lire magazine » consacré à « l’homme à fables » nous révèle qu’entre la cigale et la fourmi, il tint le rôle de la première :

« La Fontaine aimait jouer de l’argent, une passion répandue à son époque et en perdit semble t’il souvent.
S’il savait donner de l’encensoir, il n’était pas du tout de ces courtisans capables de se faire couvrir de pensions. De Chapelain, le poète chargé par Colbert de dresser la liste des écrivains dignes de recevoir des gratifications royales, La Fontaine reçut bien des compliments, jamais d’argent. »

De Colbert, La Fontaine n’avait pas à attendre de bienveillance. La Fontaine avait cru trouver son Crésus, son mécène dans la personne de Nicolas Fouquet, le surintendant des Finances de Louis XIV. Nous savons comment cette histoire finit après la fête somptueuse de Vaux le Vicomte du 17 août 1661 offert à Louis XIV qui ne gouta pas le fait qu’un de ses sujets puissent exprimer plus de magnificence que le roi. En coulisse, et depuis longtemps, Colbert avait œuvré pour discréditer Fouquet aux yeux du Roi soleil.

Or La Fontaine ne reniera jamais vraiment Fouquet et Colbert ne lui pardonna pas ce manque de soumission.

Colbert qui retardera aussi son entrée à l’Académie Française mais ne put empêcher qu’il y entra en 1684.

Alexis Brocas continue :

« Quant à ses livres, ils enrichirent surtout libraires et imprimeurs.
La Fontaine était de ces hommes que les affaires d’argent ennuient, et qui se font donc voler par ceux qui s’y intéressent davantage. Lorsqu’il hérita de son père et que son frère Claude revint sur d’anciens engagements pour demander le plus possible, La Fontaine dut emprunter pour lui payer sa part. Et lorsque le fils du duc de Bouillon se trouva obligé de lui racheter se charges de maître des eaux et forêts, La Fontaine attendit quatorze ans pour être payé !
C’est ainsi qu’il s’achemina vers une ruine irrémédiable : le remboursement de ses dettes excédant ses revenus, il lui fallut vendre peu à peu son patrimoine. […] Plusieurs protecteurs le prendront sous leur aile, mais, à 70 ans, La Fontaine se trouvait encore obligé de solliciter les frères Vendôme pour survivre. »

Il dévoile probablement sa conception de l’argent dans cette fable < L’Avare qui a perdu son trésor> :

« L’Usage seulement fait la possession.
Je demande à ces gens de qui la passion
Est d’entasser toujours, mettre somme sur somme,
Quel avantage ils ont que n’ait pas un autre homme. »

Un homme éminemment sympathique !

Et il alla jusqu’à se séparer de biens avec son épouse en 1658 pour éviter de l’entraîner dans sa ruine.

Sa relation avec femme fut, disons distante…

C’est son père qui lui organisa, en 1647, il avait donc 26 ans, un mariage avec Marie Héricart (1633-1709) qui en avait 14 !

C’était d’autres temps.

Un fils naîtra, 5 ans plus tard. Charles (1652-1722).

La Fontaine est un libertin, il va et vient et délaisse très vite son épouse.

Il ne s’occupe pas non plus de son fils. Jean Orieux rapporte qu’on avait raconté que La Fontaine croisant son fils dans la rue, à Paris, ne l’avait point reconnu !

Mais il ne laissera jamais son épouse sans revenus ou dans la difficulté financière dans laquelle il se trouvait.

Mais on parle de ses fables.

Le premier recueil dans lequel se trouvait le corbeau et le renard a été publié en 1668, il avait déjà 47 ans.

Et avait écrit bien d’autres choses avant des pièces de théâtre, opéras, roman en vers et en prose, une poésie scientifique : <Poème du quinquina>, description poétique <Le songe de Vaux> pour le palais de Fouquet mais qui ne fut achever qu’après l’arrestation sur surintendant.

Mais la grande affaire de La Fontaine avant les fables furent les Contes.

La Fontaine connaît ses premiers succès littéraires grâce à ces Contes et nouvelles en vers qualifiés de licencieux, libertins, coquins, grivois, lestes, érotiques.

Dans « Lire magazine » Robert Kopp écrit :

« Dans ses contes, aujourd’hui négligés et d’un érotisme surprenant pour qui ne connaîtrait que les fables, La Fontaine chante allègrement les joies de la chair comme remède à la mélancolie. Sans étalage pornographique, mais en sachant se montrer élégamment explicite.

Il sera obligé de renier ses contes « licencieux », disait-on, pour être reçu à l’Académie française.

Et pour obtenir l’extrême onction, c’est-à-dire les sacrements de l’Église avant de mourir il sera obligé de renier une seconde fois ses contes en public. Le prêtre chargé de cette tâche persuade Jean de la Fontaine de se confesser et insiste sur une confession publique afin que tous puissent assister au reniement de ses contes. Il le fait dans sa chambre en présence des académiciens. L’abbé lui fait promettre de ne plus écrire que des textes pieux et lui accorde l’extrême onction.

Il meurt le 13 avril 1695, à 73 ans.

Au début du second confinement, j’avais consacré un mot du jour à des fables de La Fontaine dans lesquelles il évoquait un confinement <mot du jour du 29 octobre 2020>

Eric Orsenna écrit dans « Lire Magazine » :

« A bien les lire, toutes ses fables ont des morales contemporaines. Et quelle langue ! La Fontaine, avec Racine, son lointain cousin, Buffon ou Saint Simon est un des plus grands stylistes de son temps, et de toute la littérature française. Cet homme, comme Montaigne, avec tous ses défauts, c’est notre frère. Piètre mari, père inexistant, mais ami formidable. »

<1641>

Vendredi 26 novembre 2021

« La liste de Kersten, un juste parmi les démons »
François Kersaudy

Il me faut quelquefois un peu de temps pour lire les livres qu’on m’offre. Ainsi, il y a plusieurs années, Pablo, m’avait offert le livre de Joseph Kessel : « Les mains du miracle » et c’est pendant notre séjour dans le massif de la chartreuse que j’ai enfin pu lire ce livre incroyable.

Tellement incroyable qu’à plusieurs reprises, je ne l’ai pas cru.

Joseph Kessel raconte en effet l’histoire de Felix Kersten qui fut le médecin ou plus précisément le masseur du Reichsfûhrer SS Heinrich Himmler, cet ignoble criminel qui organisa et mis en œuvre les idées inhumaines et délirantes de Hitler.

Ce médecin qui ne faisait pas payer ses soins à Himmler par de l’argent, mais par des services, des contreparties qu’Himmler lui accordait après qu’il l’ait soulagé de ses violentes douleurs d’estomac.

Kessel le rencontra et écrit ce récit : « Les mains du miracle », publié en 1960, sur la base des entretiens qu’il eut avec lui.

Et Kessel essaie de convaincre au début de son livre de la véracité des faits qu’il relate :

« Il arrivait que je refusais d’accepter certains épisodes du récit. Cela ne pouvait pas être vrai. Cela n’était simplement pas possible. Mon doute ne choquait pas, ne surprenait pas Kersten. Il devait avoir l’habitude… Il sortait simplement, avec un demi-sourire, une lettre, un document, un témoignage, une photocopie. Et il fallait bien admettre cela, comme le reste. »

Kessel en appelle même, à H. R. Trevor-Roper, professeur d’histoire contemporaine à l’université d’Oxford et l’un des plus grands experts des services secrets britanniques sur les affaires allemandes pendant la guerre qui écrivit en préface aux Mémoires de Kersten :

«  Il n’est point d’homme dont l’aventure semble à première vue aussi peu croyable. Mais il n’est point d’homme, par contre, dont l’aventure ait subi une vérification aussi minutieuse. Elle a été scrutée par des érudits, des juristes et même par des adversaires politiques. Elle a triomphé de toutes les épreuves. »

Pourtant, j’avais du mal à croire à ce que je lisais.

J’appris cependant que tout récemment, en février 2021, était paru un ouvrage de l’historien François Kersaudy : « La Liste de Kersten »

Au retour des vacances, j’ai donc emprunté cet ouvrage à la Bibliothèque de Lyon, dès que l’un des exemplaires fut disponible, car visiblement cet ouvrage intéressait beaucoup de monde.

Globalement, l’historien, en s’appuyant sur les archives les plus récentes, valide le récit de Kersten et le livre un peu romancé de Kessel.

Quelques points finalement assez mineurs, même s’ils sont surprenants, sont remis en cause.

Le titre que Kersaudy ou son éditeur ont choisi, entre bien sûr en résonance avec « la liste de Schindler », le film de Steven Spielberg, sorti en 1993.

L’historien commence son livre ainsi :

« Tout le monde en France connaît l’histoire d’Oskar Schindler, qui a sauvé un millier de juifs en les soustrayant à l’extermination nazie durant la Seconde Guerre mondiale. Mais en vérité, Felix Kersten a accompli un exploit plus considérable encore qu’Oskar Schindler. Dès 1947, un mémorandum du Congrès juif mondial établissait que Felix Kersten avait sauvé en Allemagne « 100 000 personnes de diverses nationalités, dont environ 60 000 juifs, […] au péril de sa propre vie ». Encore, à l’issue du récit qui va suivre, de tels chiffres sembleront-t-il passablement sous- évalués… »

L’homme est issu d’une famille allemande installée dans une province estonienne de l’Empire russe, il est devenu finlandais sans vraiment cesser d’être allemand. Par la suite il s’est installé aux Pays-Bas et il est devenu Néerlandais de cœur, avant que la fin de la guerre l’incite à opter pour la nationalité suédoise

Le début de ses études ne furent pas très brillants. Après quelques péripéties il se forma au massage thérapeutique finlandais qui était très reconnu. Il obtint son diplôme à Helsinki et commença à exercer à Berlin.

Homme d’une grande sociabilité il rencontra beaucoup de gens. Un professeur de la faculté de Berlin lui dit un jour : « Venez dîner à la maison, ce soir. Je vous ferais connaître quelqu’un qui vous intéressera 

Kersten découvrit ainsi un vieux monsieur Chinois qui se borna à hocher la tête et à sourire sans fin. Le docteur Kô avait grandi dans l’enceinte d’un monastère du Tibet. Il était initié, en particulier, à l’art millénaire et subtil des masseurs.

Le médecin-lama interrogea longuement Kersten avant de l’inviter chez lui. Une fois chez lui, le médecin chinois demanda à être massé par Kersten. Félix Kersten s’appliqua à pétrir le corps léger, jaunâtre, fragile et desséché du vieil homme.

Après cette séance, le docteur Kô remis ses habits, fixa Kersten et lui dit :

« Mon jeune ami, vous ne savez encore rien, absolument rien. Mais vous êtes celui que j’attends depuis trente ans. J’attends depuis l’époque où je n’étais qu’un novice, un homme de l’Occident qui ne saurait rien et à qui je devrais tout enseigner. »

C’était en 1922. Et Kersten suivit avec assiduité l’enseignement du vieux chinois. Quand le docteur Kô estima qu’il en savait assez, il se retira pour aller passer ses dernières années et mourir dans son monastère du Tibet. Et, il offrit gratuitement toute sa clientèle à Kersten qui fit visiblement du très bon travail et parvint à la fidéliser et à l’étendre. Il avait notamment de riches clients qui appréciaient énormément ses soins, en Allemagne mais aussi aux Pays-Bas.

Pendant ce temps, l’Allemagne plongea dans la folie et Hitler arriva au pouvoir avec comme âme damnée Heinrich Himmler chargée des basses œuvres.

C’est un de ses patients, un riche industriel qui le convainquit malgré ses réticences d’aller soigner cet homme ignoble.

Le docteur accepta de se glisser dans ce rôle qui va consister à soigner Himmler de façon journalière pendant toute la période du deuxième conflit mondial. Et, semaine après semaine, mois après mois, en échange des soins prodigués à Himmler, devenus totalement indispensables à ce dernier, Kersten va demander la libération de nombreuses victimes du nazisme.

C’est lorsque Himmler souffrait de douleurs d’estomac d’une intensité paralysante et qu’il se trouvait dépendant des mains de Kersten que ce dernier parvenait à obtenir des contreparties qu’on ne croyait pas pensables.

Au début, ce sont des amis hollandais qui firent appel à lui, puis des suédois, des finlandais : au début quelques individus, puis des dizaines, des centaines et puis des milliers.

Kersaudy valide donc le récit de Kessel. Un des actes fut encore plus incroyables que les autres, en toute fin de guerre. Kersten eut cette idée « disruptive » d’organiser une rencontre entre un représentant du Congrès Juif Mondial et Himmler pour sceller un dernier accord : la libération de 5000 juifs des camps de concentration, alors qu’Hitler avait donné l’ordre de les exterminer tous et de dynamiter les camps, avant l’effondrement. L’accord incluait aussi la non extermination des autres et le non dynamitage des camps.

Pour ce faire, Kersten va organiser cela d’une part avec Himmler et de l’autre le ministre des affaires étrangères de Suède Christian Gunther ainsi que Hillel Storch, le représentant en Suède du Congrès Juif Mondial.

Et ce fut finalement Norbert Masur, citoyen suédois, de confession israélite qui accompagna Kersten à Berlin.

C’est le sujet du chapitre XIII qui est aussi le dernier du livre « Les mains du miracle » qui a pour titre : « Le juif Masur »

Les deux hommes s’envolèrent le 19 avril 1945 sur l’un des derniers avions à porter la croix gammée. Ils étaient les seuls passagers. Et Kessel écrit :

« Dans les environs immédiats de Berlin, on entendait déjà gronder les canons russes. »

Ils débarquèrent sur le terrain de Tempelhof, l’aéroport « crépusculaire et vide » de Berlin. Et après une attente un peu anxieuse, l’heure d’arrivée avait été communiquée en retard à Himmler :

« Enfin, une voiture arriva pour Kersten et Masur. Elle était marquée aux insignes S.S. et appartenait au garage particulier de Himmler. Près de la voiture se tenait un secrétaire en uniforme, qui donna à Kersten deux sauf-conduits au cachet du Reichsführer […]. Il y était spécifié que ces documents libéraient leurs porteurs de toute obligation de passeport et de visa.  »

Et la voiture SS emmena les deux hommes comme prévu dans la résidence privée du docteur Kersten.

La rencontre entre le représentant juif et Himmler accompagné de ses plus proches collaborateurs est totalement incroyable et lunaire. Elle se passe le 20 avril 1945.

Kessel écrit :

Kersten et Masur se trouvaient face à face Masur buvait du thé, Himmler, du café. Il n’y avait entre eux que des petits pots de beurre, de miel, de confiture, des assiettes qui portaient des tranches de pain bis et des gâteaux. Mais, en vérité, six millions d’ombres, six millions de squelettes séparaient les deux hommes. Masur n’en perdait pas le sentiment un instant, lui qui, par les organisations auxquelles il appartenait, avait connu et suivi pas à pas le martyre sans égal, sans précédent, des hommes, des femmes, des enfants juifs. À Paris, à Bruxelles, […] en Ukraine et en Crimée partout, de l’océan Polaire jusqu’à la mer Noire, s’étaient déroulées les mêmes étapes du supplice : étoile jaune, mise hors la loi commune, rafles atroces dans la nuit ou le jour levant, convois interminables où voyageaient ensemble les vivants et les cadavres, et les camps, la schlague, la faim, la torture, la chambre à gaz, le four crématoire. Voilà ce que personnifiait et incarnait pour Masur l’homme assis en face de lui, de l’autre côté de la table aimablement garnie, l’homme chétif, aux yeux gris sombre protégés par des verres sur monture d’acier, aux pommettes mongoloïdes, l’homme en grand uniforme de général S.S. et constellé de décorations dont chacune représentait la récompense d’un crime. Mais lui qui avait imposé impitoyablement le port de l’étoile, donné le signal des rafles, payé les délateurs, bourré les trains maudits, gouverné de haut tous les camps de mort, commandé à tous les tourmenteurs et à tous les bourreaux, lui, il était parfaitement à l’aise. Et même il avait bonne conscience. Ayant bu son café, mangé quelques gâteaux, il essuya proprement ses lèvres avec un napperon et passa à la question juive sans embarras aucun. »

Et Himmler fit même un long discours ou il justifiait la politique antisémite du régime nazi et ses aspects positifs. A un moment Norbert Masur ne put en entendre davantage. En se contenant pourtant, il dit simplement :

« Vous ne pouvez pas nier tout de même que, dans ces camps, on a commis des crimes contre les détenus. Oh ! je vous l’accorde : il y a eu parfois des excès, dit gracieusement Himmler, mais… Kersten ne le laissa pas continuer. Il voyait, à l’expression de Masur, qu’il était temps de rompre ce débat inutile et qui prenait un tour dangereux.»

Et Kersten sut remettre au centre de la discussion la libération des juifs et la préservation de ceux qui restaient dans les camps en arrivant à convaincre Himmler qui était très inquiet à l’idée qu’Hitler puisse être mis au courant de cette décision. L’accord fut conclu : les camps ne seraient pas dynamités, les SS ne molesteraient plus les juifs dans les camps et 5000 juifs seraient libérés..

Et Himmler prit congé de Kersten. Kessel raconte :

« Himmler pénétra dans sa voiture, s’assit. Puis il prit la main du docteur, la serra fébrilement et acheva d’une voix étouffée : Kersten, je vous remercie pour tout… Ayez pitié de moi… Je pense à ma pauvre famille. À la clarté du jour naissant, Kersten vit des larmes dans les yeux de l’homme qui avait ordonné sans hésiter plus d’exécutions et de massacres qu’aucun homme dans l’histoire et qui savait si bien s’attendrir sur lui-même. La portière claqua. La voiture fondit dans l’obscurité. »

Vous trouverez des précisions sur ce site <Le dossier Kersten par Jacques Sabille>

Le 28 avril, Hitler mis au courant, démet Himmler qui se mettra à errer sur les routes, espérant négocier avec les alliés, sans succès. Arrêtés par les forces alliées, il parviendra à se suicider en avalant une capsule de cyanure le 23 mai 1945.

Kersaudy conteste cependant certains des points que raconte Kersten et que Kessel a reporté dans « les mains du miracle » : notamment le récit dans lequel le masseur aurait empêché la déportation massive de néerlandais.

Kessel écrit ce que Kersten lui a raconté : Le 1er mars 1941, au mess de l’état-major des SS, Kersten surprend une conversation entre Heydrich et Rauter qui s’entretiennent de la déportation prochaine vers la Pologne de toute la population des Pays-Bas. Kersten va alors plaider inlassablement auprès de Himmler de faire cesser ce projet en utilisant tous les arguments qu’il parvient à mobiliser. Et après plusieurs discussions, il parvient enfin à ses fins : ce projet est écarté ou au moins renvoyé à plus tard.

Kersaudy après avoir fait son travail d’historien écrit :

« L’ensemble de l’affaire, raconté avec toute la verve de Joseph Kessel, constitue l’un des passages les plus émouvants de son livre. Hélas ! Plus d’un lecteur sera cruellement déçu en apprenant que cet épisode est entièrement fictif. […] Kersten l’a exposé en détail dans trois de ses quatre ouvrages. Mais c’est précisément au niveau de ceux-ci – et des déclarations de Kersten aux enquêteurs dans l’après-guerre – que se révèlent les fragilités de l’affaire : trop de versions incompatibles, trop d’impossibilités dans les dates et les lieux cités, trop de documents introuvables, trop de vérités successives, trop de contradictions, trop de témoignages suspects et eux-mêmes contradictoires »
La liste Kersten page 70

Bref, sur cette partie du récit l’Historien ne confirme pas « les mains du miracle » ni les affirmations de Kersten .

Il y eut un autre épisode étonnant dans la vie de cet homme dont on voudrait qu’elle soit sans tâche. Le comte Bernadotte, diplomate suédois avait organisé matériellement les convois des milliers de juifs libérés des camps grâce à la médiation de Kersten. Il s’en attribua l’ensemble du mérite sans le citer. Mais suite à divers témoignages notamment du ministre des affaires étrangères suédois, il dut bien reconnaître le rôle éminent et dangereux de Kersten, car dans l’entourage de Himmler beaucoup voulait nuire et même tuer le docteur qui avait une trop grande influence sur leur chef.

Cette rivalité avec le comte Bernadotte va conduire Kersten à faire une action peu reluisante pour sa réputation future :

En 1952, il est sur le territoire suédois et demande la nationalité suédoise qui lui est refusé et…

« Sa déception va le pousser à une manœuvre insolite : persuadé que ce sont les anciens obligés de Bernadotte qui ont torpillé sa demande de naturalisation, il fait circuler une lettre censément adressée à Himmler par le comte, en date du 10 mars 1945 : « La présence des juifs est aussi peu souhaitée en Suède qu’en Allemagne. C’est pourquoi je comprends parfaitement votre position sur la question juive. […] Le Medizinalrat Kersten n’a aucun mandat pour négocier la libération des juifs, et il l’a fait à titre privé. […] » Tout cela est évidemment catastrophique, non pour la mémoire du comte , mais pour la réputation de Kersten, car le document est un faux grossier »
La liste Kersten page 354

Les dernières lignes du livre seront les suivantes :

« L’avocat et philosophe juif Gerhard Riegner dira 36 ans plus tard : « Kersten était sans conteste un homme extraordinaire, et le fait qu’il ait eu ce pouvoir d’influencer Himmler a été un présent du Très-Haut ! je ne vois pas comment l’expliquer autrement. »

Et Kersaudy de conclure :

« Une assertion vraisemblable, mais difficilement vérifiable – et qui le restera aussi longtemps que les archives du Seigneur demeureront impénétrables… »
La liste Kersten page 360

Ce bienfaiteur mourut en 1960 à 61 ans.

Et je me pose une question : son savoir de masseur est-il encore actif en Europe ?

<1629>

Vendredi 22 octobre 2021

« La victoire en pleurant»
Daniel Cordier

Daniel Cordier est mort le 20 novembre 2020, à 100 ans. J’ai écrit trois mots du jour le concernant début décembre 2020.

J’étais revenu notamment sur son extraordinaire destin et sur son livre « Alias Caracalla »

Je racontais alors que, pendant l’été 2016, j’avais lu ou plutôt dévoré ce livre extraordinaire qui narre le récit précis des faits auxquels Daniel Cordier a participé entre le 17 juin 1940 et le 23 juin 1943.

La première date correspond au jour du discours de Pétain, dans lequel se trouve cet appel insupportable à Daniel Cordier :

« C’est le cœur serré que je vous dis aujourd’hui qu’il faut cesser le combat.
Je me suis adressé cette nuit à l’adversaire pour lui demander s’il est prêt à rechercher avec nous, entre soldats, après la lutte et dans l’honneur, les moyens de mettre un terme aux hostilités. »

La seconde date est le lendemain de l’arrestation de « Rex », Jean Moulin, le 22 juin 1943, à Caluire.

Et entre ces deux dates, le tout jeune Daniel Cordier s’est embarqué sur un navire qui l’a emmené en Angleterre pour continuer le combat. Il s’est alors engagé corps et âme dans « la France libre » sous les ordres du Général de Gaulle. Il a ensuite été parachuté sur la France et a rejoint Lyon où les circonstances vont faire de lui le secrétaire de Jean Moulin alors que ce dernier va tenter d’organiser et de rassembler toutes les chapelles de la résistance sous l’autorité de De Gaulle.

« La victoire en pleurant » est la suite de ce récit, jusqu’à la fin de la guerre et la démission de De Gaulle.

Daniel Cordier abandonnera alors le service de la défense nationale pour le chemin de l’art dans lequel il excellera en tant que marchand d’art, collectionneur et organisateur d’expositions.

Il retrouvera beaucoup plus tardivement cette période, à travers son travail d’historien pour réhabiliter et défendre Jean Moulin attaqué par d’anciens résistants obstinés et vindicatifs.

En particulier, il répondra aux accusations d’Henri Frenay qui prétendait que Jean Moulin était un agent crypto-communiste.

Et c’est à la fin de sa vie qu’il écrira ce que beaucoup appellent ses Mémoires en deux tomes, alors qu’il s’agit d’une toute petite période de sa vie, même si elle fut intense.

Il parvint à finir le récit de cette seconde partie avant sa mort, mais sans avoir le temps de relire et de corriger quelques éléments imprécis.

C’est Bénédicte Vergez-Chaignon, qui a longtemps travaillé avec Cordier dans son travail sur Moulin, qui a finalisé l’ouvrage, l’a préfacé et annoté

La lecture de cet ouvrage, bien plus court qu’Alias Caracalla, constitue un devoir indispensable à tout honnête homme qui s’intéresse à l’Histoire de France.

J’ai profité de la pause estivale pour lire ce livre bouleversant et très instructif sur la France qui est sortie de la seconde guerre mondiale.

Pourquoi la victoire en pleurant ?

Parce Daniel Cordier a perdu beaucoup d’amies et d’amis dans ce combat terrible contre l’ennemi nazi. Certains ont été tués, torturés à mort, se sont suicidés, sont morts dans les camps ou sont revenus dans un tel état physique qu’ils sont morts de la suite de leur déportation.

Il explique qu’il ne se doutait pas de ce que ses camarades avaient enduré dans les camps. Dans son esprit de l’époque, il pensait que si les camarades avaient résisté à la torture, la vie au camp marquait la fin des souffrances et de la lutte contre la mort.

A la fin de la guerre, il va chercher des camarades revenant des camps à la gare :

« Je le fixe intensément pour ajuster ce visage squelettique à un visage connu…Heureusement son regard vif et moqueur me permet de le reconnaître : « Montet ». Il s’agit de Maurice Montet qui dirigeait le service d’évasion vers l’Espagne et qui a été arrêté quelques jours avant Rex (Jean Moulin). Nous nous embrassons. Je n’ose lui demander comment il va. Je suis horrifié de ce que je découvre d’un coup et je me sens d’autant plus coupable d’avoir échappé à la déportation, mais surtout d’avoir imaginé la vie paisible des déportés.
Rompant le silence, il me dit « Ça a été dur, mais on les a eus ». […] Il pèse trente-cinq kilos.
Pages 204-205

Le courage et la détermination de ces femmes et hommes et aussi de leur famille étaient inouïs, incroyable à notre vécu d’aujourd’hui.

Les arrestations de la Gestapo désorganisent les réseaux que Cordier anime. Et voilà ce qu’il écrit page 64 :

« Je reçois un mot des parents de Limonti, à qui j’ai annoncé l’arrestation de leur fils : ils me proposent d’embaucher leur fille Dominique pour remplacer son frère. J’accepte avec émotion et je suis comblé de découvrir qu’elle est dactylo. »

Le frère est tombé aux mains de l’ennemi, la sœur le remplace et les parents encouragent cette montée vers le danger.

Rien n’illustre mieux la vérité de ce vers du chant des partisans

« Ami, si tu tombes un ami sort de l’ombre à ta place. »

«En pleurant», aussi à cause des divisions entre les résistants, entre la France libre et la résistance, à l’arrivée massive dans le camp de la victoire des français de Vichy qui se sont révélés tardivement résistants.

Tout cela créant une atmosphère pesante et bien loin du récit d’une France unie derrière De Gaulle.

Daniel Cordier avait révélé à Paulin Ismard dans De l’Histoire à l’histoire en 2013 :

« Après le 21 juin 1943, j’ai vécu la fin de la guerre en somnambule. »

Bien sûr il sera, à partir de cette date, orphelin de Rex, son chef tellement admiré et dans lequel il avait une confiance absolue. Il ne retrouvera plus cette relation avec un autre.

Pour illustrer le panier de crabes qu’est devenu la France de Londres à la fin de la guerre, un fait écrit révèle cette triste situation. Cordier doit fuir la France, quasi l’intégralité de son réseau a été arrêté suite à la maladresse d’un de ses membres qui gardait à son domicile le nom et l’adresse de tous les membres du réseau.

Et quand il revient ainsi, en avril 1944, en Angleterre, le protocole veut qu’il soit soumis à un interrogatoire d’abord du contre-espionnage britannique puis français.

La conclusion du britannique est :

« Un homme très intelligent et intéressant. J’aurais tendance à considérer ses informations comme fiables. […] J’ai remarqué qu’il prenait grand soin de ne pas donner d’informations dont il ne soit pas certain. […] Ne pose pas de problème de sécurité. »

La conclusion du français est

« L’intéressé a de toute évidence « préparé » son interrogatoire. Il était au courant des critiques formulées contre lui et s’est volontairement retranché dans un vague peu compromettant. Ces quelques lignes font néanmoins ressortir le désordre, la prétention et le manque de franchise de cet agent qui en aucun cas ne devra retourner en France où il serait un véritable danger public »

75 ans après, l’Histoire ayant fait son œuvre, on peut affirmer tranquillement que c’est l’officier britannique qui disait la vérité. L’autre était influencé par les milieux résistants hostiles à jean Moulin.

Un livre qui dit la grandeur de certains humains et la moindre grandeur de certains autres, loin des récits mythiques pour les croyants.

Bénédicte Vergez-Chaignon était l’invité <des matins de France Culture> pour parler de ce livre.

Elle était aussi invitée par <Public Sénat> accompagné de l’historien Emmanuel De WARESQUIEL.

<1610>

Mardi 19 octobre 2021

« L’incommensurable difficulté de faire silence. »
Expérience vécue dans la zone de silence du désert de la Chartreuse.

Avec Annie, nous avons passé deux semaines de vacances dans le massif de la Chartreuse.

Bien entendu, nous sommes allés faire la randonnée qui contourne le monastère de la Grande Chartreuse.

Lieu de recueillement et de méditation, dans la montagne qui dessine un sublime écrin dans lequel se pose le monastère où vivent des hommes qui ont fait vœu de silence.

Partout les guides, les prospectus, les panneaux au bord du chemin invitaient au silence les randonneurs qui souhaitaient s’approcher de ce lieu.

Avec Annie, nous nous réjouissions de pouvoir accomplir ce périple dans le silence des paroles et de l’esprit, dans cet espace où la nature et l’homme ont su créer un joyau mystique.

La Grande Chartreuse est le premier monastère et la maison-mère des moines-ermites de l’ordre des Chartreux.

Elle est située sur la commune de Saint-Pierre-de-Chartreuse, dans l’Isère. Elle a été fondée en 1084 par Saint Bruno accompagné, selon la tradition, par 6 compagnons.

C’est le nom du massif de la chartreuse qui a donné le nom au monastère et à l’ordre monastique. Installé dans le vallon de Chartreuse, on appellera, dès lors, ce lieu  « le désert de chartreuse » en raison de son isolement.

L’Ordre des Chartreux est donc un Ordre monastique qui s’épanouit dans la vie contemplative et le silence.

Bruno, le premier des chartreux, écrivait :

« Quelle utilité, quelle joie divine la solitude et le silence du désert apportent à qui les aime, seuls le savent ceux qui ont fait l’expérience. Ici les hommes forts peuvent tout à loisir rentrer en eux-mêmes et y demeurer, cultiver assidument les vertus et se nourrir avec délices des fruits du paradis. »
Cité Dans La Grande Chartreuse par un chartreux Page 99

Et conformément à la règle cartusienne qui veille à protéger la solitude des moines, le monastère ne se visite pas. Seul le musée installé à 2 km environ en aval du monastère autorise les visites.

Ce musée est installé dans la « Correrie » constitué par un groupe de bâtiments monastiques qualifiés de « maison basse » du monastère de la Grande Chartreuse, destinés à l’habitat et aux ateliers des frères convers.

Traditionnellement dans les ordres religieux catholiques, on distinguait deux types de membres :

  • Les moines de chœur, qui se consacraient principalement à l’Opus Dei — « l’œuvre de Dieu » — à l’étude, et à l’écriture.
  • Les frères converts appelés aussi les frères lais qui étaient chargés des travaux manuels et des affaires séculières d’un monastère.

Rempli de ce désir de paix et de silence nous avons donc entrepris cette randonnée de 11 km qui commence immédiatement par la zone de silence entourant le monastère.

Nous n’étions pas seuls !

Mais les autres randonneurs ou promeneurs n’étaient pas dans le même état d’esprit que nous. Je parle de promeneurs car il me semble que tous ceux que nous avons rencontré n’ont pas entrepris l’intégralité du périple mais se sont contentés de faire un aller-retour vers le monastère puis de revenir au parking du musée,

Il y avait d’abord les « polis » qui disaient gentiment « bonjour » en nous souriant.

Évidemment, dire bonjour ce n’est pas faire silence.

Mais ces gens étaient beaucoup plus silencieux que d’autres qui à deux souvent à trois ou quatre engageaient des discussions vigoureuses et produisaient suffisamment de décibels pour qu’il ne soit pas possible d’ignorer précisément l’objet des discussions.

Les forces de l’esprit auraient pu les inciter, dans ce cadre unique, à célébrer la beauté du lieu, ou évoquer la vie monastique, pourquoi pas échanger sur la spiritualité ou sur Dieu ?

Ce n’était cependant pas ce qui était prévu, puisque la demande était celle du silence.

Probablement que ces gens n’ont pas lu ou n’ont pas compris ce qui était demandé.

Mais ces hommes et femmes de plus de cinquante ans, non issus de la diversité qui fait la richesse de la France, et vraisemblablement d’ascendance très chrétienne ne brisaient pas le silence par des propos empruntant les voies de la spiritualité.

Les premiers que nous avons rencontrés parlaient de problèmes de voisinage dans leur lotissement. Comble du paradoxe, ils semblaient se plaindre du manque de calme qu’ils y rencontraient, alors qu’ils avaient choisi ce lieu de résidence parce qu’ils espéraient le trouver.

Un second groupe débattait de la difficulté qu’ils avaient eu à se retrouver parce qu’ils n’avaient pas été suffisamment explicites pour définir leur lieu de rendez-vous.

Nous avions accéléré le pas pour essayer de nous éloigner de ce bruit et de cette agitation engendrés par ces mortels englués dans leurs péripéties quotidiennes.

C’est alors que descendant d’un chemin qui était encore plus proche du monastère, une femme qui précédait deux hommes, expliquait doctement et avec force qu’elle était souvent prise de « violentes douleurs aux fesses », mais qu’elle avait trouvé un ostéopathe qui en manipulant son dos, était capable de faire partir cette souffrance touchant son séant.

Je dois concéder que si l’ambiance était bien telle que je la décris, sans cet éloge tonitruant de l’art ostéopathique, dans ce lieu, je n’aurais probablement pas écrit ce mot du jour.

J’avais commis en juin 2016, un mot du jour sur « L’histoire du silence » qui était un ouvrage de l’historien Alain Corbin qui évoquait le silence à travers les siècles et notait la difficulté, peut être la peur, du silence aujourd’hui.

Il est de plus en plus rare de pratiquer des minutes de silence, particulièrement sur les stades de football. Le plus souvent, on la remplace par une minute d’applaudissements, ce qui évidemment ne mobilise pas les mêmes ressorts intérieurs.

L’historien écrivait :

« Le silence n’est pas la simple absence de bruit. Il réside en nous, dans cette citadelle intérieure que de grands écrivains, penseurs, savants, femmes et hommes de foi, ont cultivée durant des siècles. […]
Condition du recueillement, de la rêverie, de l’oraison, le silence est le lieu intime d’où la parole émerge. Les moines ont imaginé mille techniques pour l’exalter, jusqu’aux chartreux qui vivent sans parler. Philosophes et romanciers ont dit combien la nature et le monde ne sont pas distraction vaine. […]
J’ai voulu montrer l’importance qu’avait le silence, et les richesses qu’on a peut-être perdues. J’aimerais que le lecteur s’interroge et se dise : tiens, ces gens n’étaient pas comme nous. Aujourd’hui, il n’y a plus guère que les randonneurs, les moines, des amoureux contemplatifs, des écrivains et des adeptes de la méditation à savoir écouter le silence… »

Le silence n’est pas la simple absence de bruit, il ne se réduit pas non plus au seul fait de se taire. Il est plus profond et plus grand que cela. Il n’en reste pas moins qu’il faut savoir déjà se taire pour espérer accéder à la richesse et à l’intimité du silence.

Nous avons ensuite, après nous être éloigné du monastère, pu gouter au silence du randonneur pendant quelques temps.

A la fin de la randonnée, en revenant vers le monastère nous avons alors été submergé par un bruit « industriel » intense.

A quelques 50 mètres du porche du monastère, un bucheron utilisait une superbe et efficace machine à couper le bois et à l’entasser, en produisant, en plus, un bruit à faire fuir toute personne raisonnable soucieuse de préserver son acuité auditive.

Il était difficilement envisageable que ce travail ne fut pas réalisé pour le compte des moines. Il fallait donc se résoudre à admettre que ces derniers étaient consentants au déchainement de ce tohu-bohu assourdissant.

Même les moines …

Que dire ?

Que penser ?

Laisser la dernière parole à Christian Bobin :

« Le silence est la plus haute forme de la pensée, et c’est en développant en nous cette attention muette au jour que nous trouverons notre place dans l’absolu qui nous entoure »
Le huitième jour de la semaine p. 25

<1607>

Lundi 18 octobre 2021

« Une nouvelle saison»
Nouvelle étape de l’écriture des mots du jour

Notre espèce se préoccupe du temps : celui qui passe, celui du présent, celui qui reste.

Pour inscrire ce temps « dans le marbre », marquer les périodes, dater un évènement, homo sapiens a créé le calendrier.

Pour créer le calendrier, il a fallu d’abord inventer l’écriture, pour inscrire le calendrier sur un support pérenne.

Le consensus scientifique place cette invention au IVème siècle avant notre ère, en Mésopotamie, dans le pays de Sumer. <Ce site> écrit :

« Vers 3400 ans avant J-C que les sumériens inventèrent le premier système d’écriture afin d’enregistrer les transactions commerciales. Cette écriture, appelée cunéiforme, était obtenue par l’empreinte de roseaux sur de l’argile humide. Elle mit plusieurs centaines d’années à évoluer vers un système plus complexe et l’invention de l’alphabet.  »

Et tout naturellement, c’est en Mésopotamie, un millénaire après, que fut inventé le premier calendrier. Sur ce <site> qui parle de l’historique du calendrier, nous pouvons lire :

« Au IIIe millénaire avant J.C, les cités de Babylone sont les premières à appliquer un calendrier, correspondant aux mouvements de la Lune, auquel ils ajoutaient si nécessaire des mois supplémentaires pour conserver une correspondance avec les saisons de l’année. »

Pourtant cette même page évoque une tentative préalable d’un « soi-disant calendrier » qui daterait d’avant l’écriture, en Egypte :

Ce « calendrier » qui daterait du 5e millénaire avant J-C a été découvert dans le sud de l’Égypte, à Nabta Playa.

Cette photo montre une reconstitution du calendrier de Nabta Playa au musée de la Nubie à Assouan.

<Wikipedia> précise :

« Ce monument supposé cérémoniel est impressionnant, même s’il n’est pas très grand (environ 4 mètres de diamètre -). Il consiste en une série de blocs de pierres de grès arrangés en cercle, certaines atteignant deux mètres de hauteur. Sur le cercle, on peut distinguer quatre couples de pierres plus grandes formant comme des « portes ». À l’intérieur du cercle, on rencontre deux rangées de pierres, dont la fonction astronomique, s’il y en avait une, n’est pas évidente. Quant aux « portes », deux d’entre-elles, en vis à vis, sont sur une ligne Nord-Sud. Les deux autres paires forment une ligne à 70° à l’Est-Nord-Est, qui s’aligne avec la position calculée du lever du soleil au solstice d’été il y a 6000 ans […] Le solstice d’été correspond aussi au début de la saison des pluies dans le désert. Mais l’âge exact de ce cercle n’est pas connu avec certitude. »

Nous comprenons donc que cette tentative cherche surtout à se repérer dans une année solaire, c’est-à-dire la période d’une révolution de la terre autour du soleil et à distinguer les différentes saisons de l’année.

Il n’y a pas d’inscription dans la durée, au sens du calendrier que nous connaissons aujourd’hui.

Cette découverte ne remet donc pas en cause le lien étroit entre création du calendrier et invention de l’écriture.

Mais pour qu’il existe vraiment un calendrier il a fallu une autre invention d’homo sapiens : l’invention des récits religieux.

J’avais évoqué ce lien lors d’un mot du jour consacré à souhaiter la bonne année : <mot du jour du 12 janvier 2016>.

Car en effet pour qu’il existe un calendrier qui puisse repérer et dater dans le temps, il faut évidemment en plus de la tentative de Nabta Playa, une date origine qui marque la première année : le premier jour, du premier mois de la première année.

Le mot du jour du 12 janvier 2016 faisait le constat de la coexistence de nombreux calendriers autre que le nôtre « le calendrier grégorien » qui marque pour origine la naissance de Jésus de Nazareth, telle qu’elle a été imaginée par des théologiens.

Pour évoquer cette origine il faut regarder cette émission de l’historien Patrick Boucheron : < La crucifixion de Jésus | Quand l’histoire fait dates >

Notre calendrier se base donc sur un récit religieux comme le calendrier hébraïque, le calendrier musulman et bien d’autres.

Notre calendrier se base sur une année qui commence le 1er janvier depuis  l’édit de Roussillon de 1564 de Charles IX.

Mais force est de constater que si nous fêtons le 1er janvier, notre vie culturelle, économique dans son organisation ne tient quasi aucun compte du 1er janvier.

C’est un autre découpage du calendrier qui est primordial pour nous : l’année scolaire.

Or l’année scolaire ne commence pas au premier janvier mais en septembre.

Et la vie culturelle met ses pas dans cette année scolaire, mais pour le théâtre, les concerts on ne parle pas d’année mais de « saisons». On parle aussi de saison sportive ou de saison de chasse.

Bien sûr la <saison> est d’abord cette période de l’année qui observe une relative constance du climat et de la température. L’année est divisée en 4 saisons qui durent trois mois et se situent entre les 2 solstices et les 2 équinoxes . Actuellement nous sommes en automne.

Et je ne résiste pas au plaisir de partager une photo d’automne canadien découvert sur le net.

On parle aussi des saisons de la vie.

Pour ma part, à 63 ans je peux dire que je suis au bel automne de ma vie.

Ainsi, en faisant référence aux saisons de concerts ou de théâtre, j’ai trouvé pertinent de parler, pour recommencer après la trêve estivale à écrire régulièrement des mots du jour, d’une nouvelle saison.

Cette aventure des mots du jour a commencé le 9 octobre 2012. Ce qui signifie que ce 18 octobre 2021, je commence la 10ème saison de mots du jour.

Le 18 octobre 2012, le mot du jour était : « Il est nécessaire de mettre fin aux petits privilèges d’un grand nombre pour pouvoir préserver les grands privilèges d’un tout petit nombre ! » ce qui constituait un jugement qu’Emmanuel Todd portait sur certaines mesures du gouvernement.

C’est une nouvelle saison, ce n’est pas la dernière.

C’est au moins mon souhait si ma santé continue à le permettre.

C’est pourtant une saison particulière : il s’agit de la dernière réalisée intégralement alors que je reste en activité en tant que fonctionnaire d’état.

En janvier 2023, je prendrai ma retraite et une dernière étape de vie commencera.

C’était un mot du jour un peu plus personnel pour commencer cette nouvelle saison 2021/2022.

<1606>

Lundi 9 août 2021

« Demain nous n’aurons plus peur de voir se lever le jour. »
Georges Moustaki

C’était à la fin d’une émission de radio, il y a plus d’un an déjà, le présentateur a alors annoncé une chanson de Georges Moustaki : « Demain »

Moustaki né en 1934 à Alexandrie, en Egypte, et décédé en France en 2013, fut un des plus grands auteurs compositeurs de chansons françaises.

Il a écrit « Milord » pour Édith Piaf, « Ma liberté » ou « Sarah » pour Serge Reggiani, « La longue Dame Brune » pour Barbara qu’il chantera en duo avec elle.

Car il était aussi interprète, il a notamment composé et interprété personnellement « Le Métèque ». Chanson qu’il a écrite après que la mère d’une jeune fille dont il était l’amoureux ait interpellé sa fille devant Moustaki : « C’est qui ce métèque que tu me ramènes ? »

Tant d’œuvres inoubliables sont de sa main.

Mais cette chanson « Demain » est très méconnue, alors qu’il s’agit d’une œuvre d’une émotion et d’une puissance rare, peut être la plus belle.

J’ai immédiatement été saisi par le ton, la musique d’une subtilité et d’une finesse touchante, le texte d’abord apaisant puis d’une beauté tragique.

Dès cet instant, j’ai voulu la partager.

Mais quand et comment ?

L’évidence m’est apparue : il fallait la partager un 9 août à 11:08

Voici la chanson <Demain>

Et voici le texte :

« Demain nous n’aurons plus peur
De voir se lever le jour
Demain ce sera moins lourd
Mon amour si tu pleures
Au soleil de l’été je sécherai tes larmes
Demain nous n’aurons plus faim
La guerre sera finie
La terre offrira ses fruits
Nous ferons un festin
Pour oublier la fureur et le bruit des armes

Le ciel est sans nuage après la nuit d’orage
La cloche de l’église annonce un mariage
Un prisonnier confie son âme à son gardien
Oublié par l’histoire il meurt au quotidien
C’est un jour un jour du mois d’août
Pareil à tous les jours
Avec des cris joyeux et des chagrins d’amour
Et la guerre est ailleurs si proche et si lointaine
L’espérance est fragile elle existe quand même
Demain nous n’aurons plus faim
La guerre sera finie
La terre offrira ses fruits
Nous ferons un festin
Pour oublier la fureur et le bruit des armes

Demain nous n’aurons plus peur
De voir se lever le jour
Demain ce sera moins lourd
Mon amour pourquoi tu pleures ?

Nagasaki 9 août 1945 11 heures 08 »

C’est donc une chanson sur Nagasaki et la bombe qui explosa le 9 aout 1945 sur cette ville japonaise.

La chanson est de 1992 et parut sur le disque : « Méditerranéen ».

En 1972, il avait écrit une chanson « Hiroshima » dédiée à la première ville touchée par la bombe atomique. Pour le remercier Hiroshima fit Moustaki citoyen d’honneur de la ville.

Malgré de nombreuses recherches sur Internet et même à la bibliothèque je n’ai pas trouvé beaucoup d’informations sur les conditions de création de la chanson « Demain » .

Ce que je sais c’est que Moustaki allait fréquemment en tournée au Japon.

Pour la chanson « Demain » les paroles sont de Georges Moustaki, mais la musique de Teizo Matsumura

Or il existe un film japonais « « Tomorrow-Ashita » de 1988 réalisé par Kazuo Kuroki qui raconte la vie d’habitants de Nagasaki pendant les 24 heures qui ont précédé l’explosion de la bombe.

Et j’ai trouvé <Cet extrait de la télévision japonaise> dans lequel dans un premier temps on voit des extraits de ce film japonais pendant qu’on entend la chanson « Demain » chantée par Moustaki. La fin de l’extrait est une interview en japonais de Moustaki à laquelle on ne comprend rien.

Je ne connais donc pas le rapport entre ce film et la chanson ni d’ailleurs s’il en existe un, hors le rapprochement fait par cette télévision japonaise.

Si un lecteur peut m’éclairer qu’il n’hésite pas à enrichir ma connaissance.

Un mot du jour n’est pas figé et si de mon coté je trouve plus d’explications, celui-ci sera enrichi et complété.

Il reste cette chanson à la beauté tragique qui ne peut que saisir l’auditeur.

Je pourrais m’arrêter là, sur l’émotion délivrée par cette chanson. Mais il est aussi possible de jeter un regard contemporain sur cette tragédie du 9 août 1945.

C’était la seconde et dernière fois, pour l’instant, et j’espère pour toujours, qu’homo sapiens a utilisé cette terrible arme que son génie et sa folie ont été capables d’imaginer et de réaliser. J’écrivais qu’en 1979 nous avions peur d’une guerre nucléaire alors que nous vivions la guerre froide entre bloc occidental et bloc soviétique.

Depuis la fin de la guerre froide j’ai le sentiment que cette crainte s’est dissipée. Mais, si on examine la situation de manière froide et rationnelle, ce soulagement ne semble pas sage. Depuis qu’il n’y a plus deux pouvoirs ennemis qui pouvaient se parler, en étant conscient de l’équilibre de la terreur, le risque a plutôt augmenté.

Il est vrai aussi que nous avons pris conscience que d’autres risques tout aussi graves et plus inéluctables se dressent devant nous. Demain et déjà aujourd’hui nous devons faire face :

  • A la chute de la biodiversité ;
  • A la diminution des ressources ;
  • Au réchauffement climatique ;
  • Aux tensions sur l’accès à l’eau ;
  • Aux aspirations de démiurge de plus en plus dément de certains humains ;
  • A la folie  totalitaire aidée par la technologie toujours plus invasive et plus capable de contrôler le moindre espace de liberté ;
  • Au fait que quelle que soit la manière dont on aborde le problème, l’espèce homo sapiens prend trop de place et trop de ressources de la biosphère qui constitue la fine couche miraculeuse autour de la terre qui a rendu la vie possible.

Le rapport du GIEC est annoncé pour cette journée du 9 août. Nous savons déjà que « Le nouveau Rapport [constitue] l’avertissement le plus sévère jamais lancé. »

Alors de quoi sera fait demain ?

Edgar Morin écrit  : « Nous n’avons pas la conscience lucide que nous marchons vers l’abîme »

« Moi, je pense que nous avons besoin, toujours, de nous mobiliser pour une chose commune, pour une communauté. On ne peut pas se réaliser en étant enfermé dans son propre égoïsme, dans sa propre carrière. On doit aussi participer à l’humanité et c’est une des raisons, je crois, qui m’ont maintenu alerte jusqu’à mon âge. […]

Surtout, il y a l’absence de conscience lucide que l’on marche vers l’abîme. Ce que je dis n’est pas fataliste. Je cite souvent la parole du poète Hölderlin qui dit que «là où croît le péril croît aussi ce qui sauve». Donc, je pense quand même qu’il y a encore espoir. […]
Ce qui me frappe beaucoup, c’est que nous sommes à un moment où nous avons, tous les humains, une communauté de destin – et la pandémie en est la preuve, on a tous subi la même chose de la Nouvelle-Zélande à la Chine et à l’Europe. On a subi les mêmes dangers physiques, personnels, sociaux, politiques. On a vécu des périodes sombres comme l’Occupation où pendant des années, il n’y avait pas d’espoir, jusqu’à ce qu’arrive le miracle de la défense de Moscou et de l’entrée en guerre des États-Unis. Donc l’improbable arrive dans l’histoire. Des évènements heureux arrivent. Parfois, ils n’ont qu’un sens limité, mais quand même important. […]

Dans le fond, il y a toujours la lutte entre ce qu’on peut appeler les forces d’union, d’association, d’amitié, Eros, et les forces contraires de destruction et de mort, Thanatos. C’est le conflit depuis l’origine de l’univers où les atomes s’associent et où les étoiles se détruisent, se font bouffer par les trous noirs. Vous avez partout l’union et la mort. Vous l’avez dans la nature physique, vous l’avez dans le monde humain. Moi, je dis aux gens, aux jeunes : prenez parti pour les forces positives, les forces d’union, d’association, d’amour, et luttez contre toutes les forces de destruction, de haine et de mépris. »

Demain nous n’aurons plus peur de voir se lever le jour.

<1605>

Mercredi 28 juillet 2021

« Rien de ce qui s’est passé en Europe de l’Est n’aurait été possible sans la présence de ce pape »
Mikhaïl Gorbatchev

Le 16 octobre 1978, une fumée blanche s’élève au-dessus des toits du Vatican.

Après deux jours de réclusion et huit tours de scrutin, les cardinaux réunis en conclave dans la chapelle Sixtine viennent d’élire le 264e successeur de Saint Pierre à la tête de l’Église catholique.

Le cardinal Pericle Felici en tant que doyen des cardinaux électeurs, le terme savant est : « le cardinal protodiacre », s’avance sur le balcon de la basilique Saint Pierre et annonce à la foule des fidèles réunis sur la place Saint Pierre :

« Annuntio vobis gaudium magnum :
habemus papam.
Eminentissimum ac reverendissimum dominum,
dominum Carolum,
Sanctae Romanae Ecclesiae cardinalem Wojtyła ,
qui sibi nomen imposuit Ioannis Pauli »

Pour celles et ceux qui ne lisent pas couramment le latin, je donne la traduction :

« Je vous annonce une grande joie :
nous avons un Pape.
Le très éminent et très révérend seigneur,
Monseigneur Karol
cardinal de la sainte Église romaine, Wojtyła
qui s’est donné le nom de Jean-Paul  »

Voici ce que la télévision a retransmis : <Election du pape Jean-Paul 2>

Quand j’écoute le cardinal, j’entends qu’il prononce : « Woïtiwa »

Un reportage publié à l’époque par le Nouvel Observateur relatait la stupeur qui avait saisi la foule. Certains pensaient qu’il s’agissait d’un africain. Finalement :

« les Italiens se précipitent sur L’Osservatore romano du 15 octobre [qui listait les éligibles] pour découvrir la tête et l’origine de cet inconnu. « E Polacco! » [« C’est le Polonais »], laisse tomber un Romain.»

<Une surprise>, il est relativement jeune (58 ans) mais surtout, il n’est pas italien.

Il faut remonter à 1522 et l’élection du Hollandais Adrian Florisce, pape sous le nom d’Adrien VI, précepteur du futur empereur Charles Quint.

Il est polonais et il est l’archevêque de Cracovie, dans la Pologne communiste.

Le Kremlin se méfie. Des responsables soviétiques téléphonent aux responsables polonais et leur reprochent d’avoir permis que cet individu soit devenu cardinal car s’il n’était pas cardinal, il n’aurait jamais été élu

<Slate> dit à la fois que c’est factuellement faux, mais en pratique très probable :

« On peut même être élu sans être cardinal: il suffit juste d’être catholique et baptisé –si le candidat élu n’est pas évêque, il devient automatiquement évêque de Rome. Le dernier pape non cardinal était Urbain VI (1378-1389). »

Ce même journal révèle que des indiscrétions sur le conclave de 1978 affirment que Jean Paul II n’avait recueilli qu’un nombre très modeste de voix dans les premiers tours, avant de profiter, au bout du troisième jour, du blocage du conclave entre deux cardinaux italiens, un conservateur et un progressiste.

On sait que Karol Wojtyla (1920-2005) est un sportif, il a fait du théâtre et il a même écrit des pièces de théâtre. Mais c’est la Foi et la religion qui l’ont conquis.

Il est doté d’un charisme exceptionnel et il va engager la lutte avec les communistes.

Son premier voyage est en Amérique du Sud. Dans cet Amérique du Sud des religieux se battent contre les dictatures et l’exploitation des ouvriers par des patrons sans scrupules bien que croyant. Leur doctrine s’appelle « La théologie de la Libération ».

Jean Paul II assimile ce courant de pensée à une pensée marxiste et il va la combattre avec ardeur.

Il faut regarder ce documentaire d’Arte <Jean-Paul II le triomphe de la réaction> qui montre que s’il n’a pas de mots assez durs pour fustiger les atteintes aux libertés et aux droits de l’homme dans les pays de l’est parce qu’ils sont gouvernés par des communistes, il n’exprime pas la même critique contre des régimes de droite et d’extrême droite qui violent les mêmes droits de l’homme contre leurs opposants. Opposants que Jean Paul II classe dans la catégorie des communistes.

En 1979, il décide d’aller en Pologne.

Brejnev, le vieux dirigeant soviétique appelle tout de suite Edward Gierek, Premier secrétaire du Parti ouvrier unifié polonais et lui intime l’ordre de ne pas recevoir le Pape. Ce dernier passe outre, il pense maîtriser la situation.

D’immenses foules se déplacent pour voir et participer aux cérémonies religieuses célébrées par Jean-Paul II. La télévision polonaise a ordre de ne pas filmer la foule dans son intégralité. Mais Jean Paul II a emmené une cohorte de professionnels avec leurs propres caméras qui vont filmer ce qui se passe. Ces pellicules ramenées en Italie seront montées en film qui sera renvoyé en Pologne. Film vu dans les églises et qui donnera aux catholiques, 90% des polonais, la conscience de leur nombre et de leur puissance.

Pendant son voyage en Pologne du 2 au 10 juin 1979, il exhortera les polonais à ne pas avoir peur utilisera le langage de la foi et de la croyance pour rejeter le communisme et appeler à sa disparition des terres de Pologne.

En 1980, apparaîtra le syndicat libre Solidarnosc et Lech Walesa sur les chantiers d Gdansk.

Ce ne sera pas un long fleuve tranquille.

Mais le soutien du Pape et les financements du Vatican ne manqueront jamais. Jean Paul II trouvera en Ronald Reagan un allié de poids qui déteste les communistes autant que lui et apportera aussi des financements qui passeront par l’église catholique.

Reagan et Jean Paul II utiliseront la Pologne pour aider à une lame de fond qui aboutira à la chute du mur en 1989.

Brejnev aurait dit que le communisme n’était pas réformable que si on commençait à le réformer il s’écroulerait.

Gorbatchev pensait le contraire et il a essayé de le réformer.

Il s’est même rendu au Vatican avec sa femme Raïssa pour rencontrer le pape Jean Paul II le <1er décembre 1989> et lui annoncer qu’il était d’accord dans le cadre de ses réformes d’accorder la liberté religieuse dans les pays communistes. Et c’est à cette occasion qu’il a tenu ce propos :

« Rien de ce qui s’est passé en Europe de l’Est n’aurait été possible sans la présence de ce pape »

Nous connaissons la fin de cette histoire.

C’est Brejnev qui avait raison !

Deux ans plus tard, le 25 décembre 1991, Michael Gorbatchev annonçait sa démission : l’URSS était dissoute.

La Chine voyant cet effondrement s’est jurée de ne jamais commettre les mêmes erreurs que les soviétiques et Gorbatchev.

L’historien <Pierre Grosser> déclare :

« La référence, pour les dirigeants chinois, c’est 1989-1991, avec la chute des régimes communistes en Europe et de l’Union soviétique, et la victoire des États-Unis dans la guerre du Golfe grâce à leur armée de haut niveau technologique. Il ne faut pas faire les mêmes erreurs que Gorbatchev, qui a sacrifié le rôle dirigeant du Parti et laissé monter les revendications nationales dans l’Empire. Il a aussi laissé les influences idéologiques (la pollution spirituelle) de l’Occident dissoudre le communisme. Les États-Unis arrogants ne doivent pas pouvoir faire la même chose avec la Chine. Le Parti a sauvé la Chine en utilisant la force à Tiananmen en 1989, en relançant des réformes contrôlées qui ont donné naissance à un modèle plus efficace que le capitalisme occidental, et en opérant une modernisation militaire dissuadant les États-Unis. »

Alors est ce que Jean Paul II a été le principal artisan de la chute des démocraties populaires de l’Europe de l’est ?

A cette question, comme à beaucoup d’autres, l’homme honnête du XXIème siècle est obligé de répondre : « Je ne sais pas ».

Jean Paul II a lui-même relativisé son importance :

« Le communisme est tombé tout seul à cause de sa faiblesse immanente »

Amin Maalouf écrit :

« Né en Pologne, Karol Wojtyla alliait un conservatisme social et doctrinal à une combativité de dirigeant révolutionnaire. […] Son influence allait se révéler capitale »
Le Naufrage des civilisations, page 176

<1597>

Mercredi 21 juillet 2021

« Il est illusoire de penser qu’en se montrant radical, on fait taire les radicaux. C’est souvent l’inverse qui se produit.»
Amin Maalouf

Parmi les évènements majeurs de l’année 1979, Amin Maalouf cite l’évènement qui s’est passé 16 jours après la prise par des étudiants iraniens de l’ambassade des Etats-Unis à Téhéran : l’envahissement de la grande mosquée de La Mecque par un groupe de fondamentalistes sunnites.

La mosquée al-Harâm ou grande mosquée de la Mecque est  le premier lieu saint de l’islam et la plus grande mosquée du monde. Elle abrite en son centre la Kaaba, le plus important sanctuaire de l’islam, dans lequel est enchâssée la pierre noire : c’est elle que les musulmans tentent de toucher au cours des ṭawāf (circumambulations) qu’ils accomplissent durant leur pèlerinage (hajj) ; et c’est dans la direction de la Kaaba que les musulmans du monde entier (y compris ceux qui se trouvent dans la mosquée al-Harâm) se tournent pour prier.

Il faut d’abord raconter les faits.

Mais avant encore, il faut rappeler quelques éléments d’Histoire.

Je pense que personne n’ignore que l’islam est né sur la péninsule arabique. Sur cette péninsule la croyance islamique a déclaré deux lieux saints Médine et La Mecque.

Plus que des lieux saints se sont des lieux sacrés dans lesquels seuls des musulmans ont le droit de pénétrer. Pour tout autre, il est sacrilège de fouler la terre de ces deux cités.

Ces lieux se trouvent dans un État dont le nom intègre la référence à la dynastie régnante. C’est le seul État au monde qui présente cette particularité. Il est étonnant qu’un pays qui prétend être consacré au Dieu monothéiste absolu, comporte une telle expression de l’ego exacerbé de quelques hommes qui se prétendent croyants.

Pour s’emparer du pouvoir et soumettre les nombreuses tribus de la péninsule Ibn Saoud a fait un pacte avec les religieux fondamentalistes wahhabites : Au roi le pouvoir politique, les affaires étrangères, aux Oulémas les règles sociales, les mœurs et le droit civil et pénal.

Bref, les oulémas étaient les maîtres du récit qui organise la vie !

J’avais déjà évoqué ce pacte lors du mot du jour <La Maison des Saoud> qui renvoyait vers un documentaire.

Et j’ai aussi raconté le conflit et la victoire de la dynastie saoudite qui régnait sur le Nejd avec pour capitale Ryad sur la dynastie hachémite qui régnait sur la La zone côtière, de la mer Rouge qui comprend les villes religieuses de La Mecque et de Médine et s’appelle Hedjaz. Ce fut le mot du jour consacré aux « accords Sykes-Picot»

Les Oulémas et la dynastie régnante étaient donc liés par ce pacte et vivaient les uns et les autres dans un luxe et un confort, fruit du pétrole que le hasard ou Allah avait opportunément enfoui dans les sous-sols de ce pays.

Mais de nombreux membres de la famille régnante aimaient voyager et se complaire dans des mœurs occidentales, voire les dépasser. En toute hypothèse, il s’agissait de comportements très éloignés du récit des oulémas.

Des mouvements sectaires issus de tribus rigoristes s’en indignaient.Et, très probablement, inspirés par la révolution islamique iranienne, vont passer à l’acte.

L’évènement s’est passé aux premières heures du 20 novembre 1979 alors que quelque 50 000 fidèles du monde entier s’étaient rassemblés pour les prières de l’aube.

Nous parlons d’une date du calendrier chrétien, mais dans le calendrier de l’islam qui débute par l’hégire, ce jour correspondait au premier jour de l’an 1400, la dernière année du XVème siècle musulman.

Le nombre d’assaillants n’est pas connu de manière précise :  entre 200 et 600 combattants. Il n’y avait pas que des saoudiens. Le groupe était aussi composé d’Egyptiens, de Yéménites, de Koweïtiens, d’Irakiens et de Soudanais

A leur tête un prédicateur de 40 ans, Juhayman al-Utaybi.

Un journaliste du Wall Street journal, Yaroslav Trofimov, a écrit un livre sur cet évènement : « The Siege of Mecca », livre non traduit en français. Mais <cet article> cite plusieurs fois l’auteur.

« Tout d’abord, le groupe d’Utaybi n’était pas surgi de nulle part: son chef lui-même venait d’une des tribus parmi les plus rigoureusement converties au wahhabisme, qui avaient aidé le roi Abdelaziz ben Abderrahmane Al Saoud, dit Ibn Séoud ou Ibn Saoud (1876-1953) à conquérir le pouvoir, mais s’étaient retrouvées par la suite en opposition avec lui à la fin des années 1920, quand il avait voulu rétablir la paix dans le pays et avec ses voisins, et quand il avait autorisé l’introduction dans son royaume d’innovations modernes telles que le téléphone, le télégraphe, la radio et l’automobile. »

Juhayman al Utaybi était aussi caporal retraité de la Garde nationale saoudienne

Ses hommes, dissimulés derrière des tenues de pèlerins avaient placé des cercueils fermés au centre de la cour, un acte traditionnel de recherche de bénédictions pour les personnes récemment décédées. Mais lorsque les cercueils ont été ouverts, il y avait des armes de poing et des fusils, qui ont été rapidement distribués aux assaillants.

Ils vont donc s’emparer des lieux. Les hommes de Juhayman vont prendre position notamment dans les hauts minarets de la mosquée, qui dominaient la ville, et vont se préparer à défendre leurs positions.

Juhayman avait fondé une association appelée al-Jamaa al-Salafiya al-Muhtasiba (JSM) qui condamnait ce qu’elle percevait comme la dégénérescence des valeurs sociales et religieuses en Arabie saoudite.

Très rapidement il va prendre la parole et utiliser les mégaphones de la grande mosquée pour dénoncer la corruption et l’attitude déviante de la dynastie régnante par rapport aux règles du wahhabisme.

Le journaliste du Monde Jean-Pierre Péroncel-Hugoz écrivait dans <un article du 3 décembre 1979> :

« L’idéologie des insurgés paraît encore plus radicale que celle de l’imam Khomeiny et fait penser à celle de l’organisation Takfir Oua Higra, mouvement clandestin dont le nom, Repentir et Émigration, résume le programme : les musulmans doivent revenir à l’islam originel au moyen de la violence et pour s’y préparer ils doivent quitter provisoirement le monde corrompu dans lequel ils vivent, comme le prophète Mahomet choisit la fuite (Hégire) et s’en alla de La Mecque à Médine. »

Et il va faire une autre annonce plus surprenante : « la venue du Mahdi ». Le Mahdi est une figure messianique de l’islam qui vient à la fin des temps établir sur terre une société juste après une confrontation avec les forces du mal.

C’est surprenant parce que si le Mahdi est bien une croyance de l’islam mais elle est surtout vivace au sein de la communauté chiite, beaucoup moins chez les sunnites.

Juhayman avait rencontré un prédicateur et l’a convaincu qu’il était le Mahdi. Ce dernier a adhéré à cette croyance et est devenu le beau frère de Juhayman.

Le nom du Mahdi était Mohammed bin Abdullah al-Qahtani.

Les dirigeants saoudiens ont réagi avec lenteur à la saisie de la Grande Mosquée. Le prince héritier Fahd bin Abdulaziz al-Saud était en Tunisie lors du sommet de la Ligue arabe et le prince Abdullah, chef de la Garde nationale – une force de sécurité d’élite chargée de protéger les dirigeants royaux – était au Maroc.

C’est au roi Khaled, malade, et au prince Sultan, ministre de la Défense, qu’il incombait de coordonner une intervention.

Je ne vais pas rentrer dans les détails mais cela se passe mal pour la garde nationale. Les hommes Juhayman sont très bien armés, très bien organisés et prêts au sacrifice. De leurs positions dominantes ils vont commettre un massacre des gardes nationaux désemparés et mal encadrés.

En outre, ils ne peuvent utiliser de gros moyens militaires parce qu’ils sont sur des lieux saints et ne peuvent pas bombarder la grande mosquée, en plus le droit d’asile est a priori accordé aux fidèles qui y trouvent refuge.

Le roi est obligé de faire appel aux Oulémas pour savoir ce qu’il a le droit de faire.

Or, à la tête de la communauté des oulémas se trouve Ibn Baz.

<L’article précité> explique que selon Trofimov, à quelques exceptions près (par exemple l’identification de Qahtani avec le Mahdi), l’essentiel du message des insurgés était le même que celui des oulémas les plus influents d’Arabie saoudite : d’ailleurs, bien que Utaybi se soit éloigné de son allégeance aux oulémas du Royaume vers 1977, les jugeant trop soumis au pouvoir, Ibn Baz lui-même intervint en 1978 pour faire libérer les adeptes d’Utaybi arrêtés par les autorités, qui s’étaient émues des activités de ce réseau clandestin hostile aux Saoud. De l’avis de Ibn Baz, des hommes qui voulaient ainsi rendre le pays plus pieux avaient de bonnes intentions, malgré des excès de langage (Trofimov, pp. 41-42).

Et après plus de 48 heures de délibérations, les oulémas et Ibn Baz vont accorder le droit au Roi de faire usage d’une force sérieuse mais encadrée pour déloger et châtier les personnes qui ont selon eux profanés le lieu saint.

Mais ils vont y mettre plusieurs conditions et notamment que le royaume et la famille régnante deviennent plus pieux.

Je cite à nouveau l’article consacré au livre de Trofimov :

« Dirigé par Ibn Baz, le Conseil suprême des oulémas donna raison au régime saoudien et condamna les insurgés, mais obtenant en échange une série de mesures contre la libéralisation qui s’était amorcée en Arabie saoudite. »

Cet <article de la BBC> cite Nasser al-Huzaimi qui dit :

« L’action de Juhayman a arrêté toute modernisation. Laissez-moi vous donner un exemple simple. Il a notamment exigé du gouvernement saoudien le retrait des présentatrices de la télévision. Après l’incident du Haram, aucune présentatrice n’est réapparue à la télévision »

Et Amin Maalouf explique encore davantage

Une autre conséquence majeure des évènements de La Mecque fut d’ébranler l’Arabie saoudite et d’amener ses dirigeants à modifier radicalement leurs comportements en matière religieuse. Certains observateurs qui s’intéressent de près à l’histoire du royaume, parlent d’un « traumatisme de 1979 » à partir duquel le régime, craignant d’apparaître comme trop mou dans la défense de la foi, dut redoubler d’effort pour propager le wahhabisme et le salafisme à travers le monde, notamment par la construction de mosquées et par le financement d’associations religieuses, de Dakar à Djakarta ainsi qu’en Occident… »
Le Naufrage des civilisations Page 238

A ce stade, il faut rappeler que tous les sanglants actes terroristes qui ont été perpétrés dans les pays occidentaux par des hommes se réclamant de l’islam, tous ces hommes étaient sunnites !

Concernant la reprise de la mosquée par les forces gouvernementales, malgré le blanc sein des oulémas, les forces de sécurité saoudiennes n’arrivent pas au bout des rebelles.

Alors les autorités saoudiennes se tournent vers la France.

Le président Giscard d’Estaing envoie Paul Baril et d’autres membres de la nouvelle unité anti-terroriste, le GIGN.

L’opération devait rester secrète, pour éviter toute critique de l’intervention occidentale dans le berceau de l’Islam.

L’implication des français dans l’action directe contre les insurgés est sujet à controverse.

Alain Bauer le criminologue affirme que les français ont été convertis temporairement et rapidement à l’islam pour pouvoir intervenir. Le monsieur X de France inter dans l’émission  <L’attentat à la Mecque du 20 nov 1979> prétend aussi que le GIGN est intervenu directement.

En tout cas ce sont des armes sophistiquées et notamment des gaz qui ont été massivement utilisés pour mettre fin à l’occupation.

Le plan français s’est avéré un succès. Le 5 décembre, les survivants hagards et à bout de force se sont rendus. Le mahdi était mort. Se croyant invulnérable, il ramassait les grenades dégoupillées et les renvoyait vers les forces gouvernementales, jusqu’à ce que l’une d’entre elles explose et le déchiquète mettant fin à son rêve religieux.

La seule photo certaine de Juhayman a été prise après cet assaut.

Un mois après la fin de l’occupation de la mosquée, 63 des rebelles ont été exécutés publiquement dans huit villes d’Arabie Saoudite. Juhayman a été le premier à mourir.

Il reste encore beaucoup de points obscurs au sujet de cet évènement. Qui a armé et permis l’organisation de ce groupe international ?

Monsieur X avance une hypothèse surprenante : <L’attentat à la Mecque du 20 nov 1979> . Ce serait des iraniens aidés par des américains proches du candidat républicain aux élections Ronald Reagan qui auraient en sous-main tiré les ficelles.

La France a été récompensée. J’ai noté en 1980 :

Beaucoup disent que Juhayman a eu une grande influence sur Oussama Ben Laden. L'<article de la BBC> écrit :

« Dans l’un de ses pamphlets contre la famille régnante saoudienne, [Ben Laden] disait qu’ils avaient  » profané le Haram, alors que cette crise aurait pu être résolue pacifiquement […] je me souviens encore aujourd’hui des traces de leurs empreintes sur le sol du Haram.»

Amin Maalouf exprime cette même idée :

« L’incroyable assaut contre ce lieu saint fut l’acte de naissance d’un militantisme sunnite radical dont on allait entendre parler pendant des décennies. Pour l’heure, certains admirateurs de l’audacieux commando, meurtris par sa défaite s’en furent poursuivre leur combat loin de la péninsule arabique. En Afghanistan, par exemple. Et les autorités saoudiennes, soucieuses de s’en débarrasser, encouragèrent cette diversion. Ce fut notamment le cas d’Oussama Ben Laden ; il s’employa désormais à construire […] Al Qaïda (« La Base » »
Le Naufrage des civilisations Page 237

Je laisserai la conclusion à Amin Maalouf et j’en tire l’exergue du mot du jour

« Sans Doute le royaume espérait-il acquérir de la sorte un « certificat » de piété, qui le préserverait des surenchères. Mais ce n’est pas ainsi que les choses se sont passées. Il est illusoire de penser qu’en se montrant radical, on fait taire les radicaux. C’est souvent l’inverse qui se produit. […] L’enseignement qu’il prodigue ne fait que légitimer une certaine vision du monde que d’autres se hâtent de retourner contre lui. […] Le traumatisme causé par les évènements sanglants de 1979 allait se révéler durable.»
Le Naufrage des civilisations Page 238

<1595>

Lundi 19 juillet 2021

« 444 jours ! »
Durée de la prise d’otage des diplomates américains dans l’ambassade de Téhéran qui a débuté le 4 novembre 1979.

Nous avons vu qu’en quelques semaines la révolution islamique s’est imposée, au tout début de l’année 1979. Avec des alliés notamment libéraux ou nationaliste Khomeini allait d’abord chasser le Shah qui en outre était très affaibli par un cancer qui allait l’emporter le 27 juillet 1980. Puis, Khomeini allait se débarrasser méthodiquement de tous ses alliés pour laisser au pouvoir la seule clique de religieux régressifs et violents qui suivaient aveuglément l’islam que le vieux ayatollah prêchait.

La révolution islamique allait provoquer cette même année 1979 un autre évènement inouï qui marquera l’Histoire et allait avoir des conséquences jusqu’à nos jours.

Le 4 novembre 1979, un dimanche, des centaines d’étudiants iraniens envahissent l’ambassade américaine où ils se saisissent de 52 otages et entament une « occupation révolutionnaire » des locaux.

La raison qui pousse ces étudiants est l’extradition du Shah qui se trouve aux Etats-Unis pour soigner son cancer. Ils obtiendront que le Shah quitte les États-Unis. Seul l’Egypte de Sadate acceptera de l’accueillir et c’est dans le pays des pyramides qu’il mourra.

Cette prise d’otage sur le sol de l’ambassade américaine, donc sol américain était d’une part une violation flagrante du droit international et des conventions diplomatiques d’autre part était d’une provocation inouïe à l’égard des États-Unis d’Amérique

L’excellent site d’Histoire <Herodote.Net> raconte cette prise d’otage :

« Quelques mois après le renversement du régime monarchique et la fuite du chah Mohammad Reza Pahlavi aux États-Unis le 16 janvier 1979, l’ayatollah Khomeini proclame l’avènement de la République islamique d’Iran. Fervent détracteur des États-Unis, il exhorte son peuple à manifester contre ce pays qu’il surnomme le « Grand Satan ». L’anti-américanisme imprègne tous ses discours. Le 2 novembre 1979, il déclare que les États-Unis sont un « ennemi de l’islam ».

Dimanche 4 novembre 1979, le temps est maussade sur la capitale iranienne. Près de 400 jeunes étudiants islamistes se réunissent vers 10h. Ils marchent vers l’ambassade américaine tout en réclamant l’extradition du chah, qu’ils veulent condamner à mort.

Les marines qui protègent l’ambassade ne font pas le poids face à la foule qui, après deux heures de siège, parvient à franchir le mur d’enceinte du bâtiment. Le drapeau américain est remplacé par l’étendard de l’islam.

Certains diplomates parviennent à s’enfuir, mais 52 Américains restent pris au piège. Le président américain Jimmy Carter ne réagit qu’en imposant des sanctions économiques à l’Iran. Rien ne se passe. Cinq mois plus tard, le 24 avril 1980, il lance l’opération Eagle Claw en vue de délivrer ses ressortissants par la force.

C’est un fiasco total. Parmi les hélicoptères engagés, plusieurs tombent en panne dans le désert. Huit militaires trouvent la mort dans une évacuation précipitée. Humiliés et mortifiés, les gouvernants américains ne vont dès lors avoir de cesse de combattre la République islamique, jusqu’à encourager le dictateur irakien Saddam Hussein à attaquer l’Iran en septembre 1980.

Par une ultime provocation, les otages seront en définitive libérés par la voie diplomatique le 20 janvier 1981, le jour même de l’accession à la présidence des États-Unis de Ronald Reagan.

Hormis les militaires tués dans l’opération commando, la prise d’otages n’aura fait aucune victime américaine. Cette humiliation va néanmoins entretenir jusqu’à nos jours, un vif désir de revanche dans l’opinion publique américaine. Grâce à quoi le gouvernement de Washington pourra multiplier les gestes hostiles à l’égard de Téhéran, en parfaite collusion avec l’Arabie saoudite… »

Khomeini ne condamnera jamais cette prise d’otage et laissera faire.

Pour une description plus détaillée on pourra lire cet article : <Crise des otages américains en Iran (4 novembre 1979-20 janvier 1981)>

La première conséquence de cette occupation de l’ambassade américaine, est que les islamistes au pouvoir ont pu s’emparer de documents secrets américains concernant leur politique en Iran et aussi révélant des noms d’iraniens qui étaient proches ou collaboraient avec les américains.

La seconde conséquence fut l’humiliation que ressentirent les américains. Ils feront payer cette humiliation au Président Carter et ils éliront Ronald Reagan qui a jouera un rôle très ambigu sur la libération des otages

Amin Maalouf écrit :

« L’occupation se poursuivit pendant près de quinze mois et elle influença de manière significative la campagne présidentielle qui se déroulait alors aux États-Unis. Humiliés par les images de leurs diplomates menottés et les yeux bandés, les Américains en ont voulu au président Carter de n’avoir pas su riposter, surtout lorsqu’une tentative de libérer les otages par une opération commando avorta de manière lamentable. Le candidat républicain Reagan eut beau jeu de dénoncer la faiblesse et l’incompétence de l’administration démocrate.

Le drame de l’ambassade contribua indiscutablement à la défaite écrasante que subit le président sortant. A tel point qu’il y eut des allégations persistantes selon lesquelles des envoyés de Reagan auraient eu des pourparlers à Paris avec des représentants iraniens, pour leur demander de retarder le règlement du conflit jusqu’après l’élection. Les historiens débattront longtemps encore pour déterminer ce qui s’est réellement passé. Cependant, les autorités iraniennes, comme si elles voulaient ajouter foi à ces allégations, choisirent d’annoncer la libération des otages le jour même où Reagan pris ses fonctions très exactement le 20 janvier 1981, pendant que se tenait à Washington la cérémonie d’inaugurations. »
Le Naufrage des civilisations page 240

Officiellement la contrepartie de cette libération fut la restitution par les États-Unis de 8 milliards de dollars des avoirs du shah qui étaient en sol américain

Mais <Wikipedia> rappelle aussi que l’Administration Reagan vendra illégalement des armes à l’Iran. Amin Maalouf le rappelle aussi

« La nouvelle administration ne se montra d’ailleurs pas vraiment hostile envers la République islamique. Un énorme scandale éclata même, durant le second mandat de Reagan, lorsque le Congrès découvrit que la Maison Blanche finançait – illégalement – la guérilla antisandiniste du Nicaragua avec de l’argent obtenus en vendant – illégalement – des armes aux pasdarans, les gardiens de la révolution iranienne. »
Le Naufrage des civilisations page 240

Cette prise d’otage dura 444 jours.

Elle eut des conséquences géopolitiques majeures. Désormais l’Iran islamique devenait un ennemi absolu des américains qui ne pardonneront jamais ces 444 jours. La difficile négociation sur le nucléaire iranien s’explique aussi par ce traumatisme.

L’Iran devenant cet ennemi, les liens des États-Unis avec l’Arabie Saoudite allait encore se renforcer. Et même les attentats du 11 septembre 2001 perpétrés par des saoudiens n’allait pas changer cette situation : l’ennemi principal reste l’Iran.

Mais la première conséquence qui en aura beaucoup d’autres, fut la guerre Irako-iranienne qui débuta le 22 septembre 1980. En effet, les américains incitèrent Saddam Hussein qui en avait très envie, à attaquer l’Iran. Cette guerre n’eut pas de vainqueur mais fit autour d’un million de morts. L’Irak et l’Iran en sortirent exsangues et avec d’énormes dettes. Saddam Hussein pensant que les occidentaux lui étant désormais redevables entrepris un certain nombre d’actions violentes, dont la plus extravagante fut d’envahir le Koweit. Les américains n’acceptèrent pas cet acte et déclenchèrent la première guerre du golfe. Par la suite le fils du Président de la première guerre du golfe qui était devenu président à son tour déclencha la seconde guerre pour détruire le régime de Saddam Hussein. Cela déclencha le chaos dans cette région et l’apparition de DAESH. Depuis DAESH est partiellement vaincu mais le chaos de la région continue.

Le fait de profaner une ambassade fut aussi un traumatisme majeur créant un précédant inquiétant.

Et puis, elle provoqua la victoire électorale de Ronald Reagan sans laquelle la révolution conservatrice initiée par Margaret Thatcher n’aurait pas pu se déployer à l’échelle planétaire.

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