Vendredi 28 novembre 2014

Vendredi 28 novembre 2014
«J’ai oublié le mot que j’allais prononcer»
Ossip Mandelstam
Pour mot du jour, j’ai oublié le mot que j’allais prononcer.
Car Ossip Mandelstam n’a pas été que l’auteur de l’épigramme à Staline
Voici un poème trouvé sur internet :
J’ai oublié le mot que j’allais prononcer.
L’hirondelle aveugle retourne au royaume des ombres,
L’aile rognée jouer avec les transparentes.
Un chant nocturne chante en cette pâmoison. 
Les oiseaux se sont tus. L’immortelle n’a pas fleuri.
Leur crinière est limpide aux nocturnes troupeaux.
La barque flotte vide en un fleuve tari
Et parmi les grillons la parole se pâme.
Pour s’élever, temple ou coupole, lentement,
Et soudain contrefaire Antigone démente,
Ou tomber à nos pieds comme hirondelle morte,
Parée d’un rameau vert et de douceur stygienne.
Ô ! rendre aux doigts voyants seulement la pudeur
Et la saillante joie de la reconnaissance.
Je crains plus que tout le sanglot des Aonides,
La cloche, le brouillard et la faille béante.
Les mortels ont ce don – reconnaître et aimer,
Même le son coule dans leurs doigts comme une onde,
J’ai oublié le mot que j’allais prononcer.
Désincarnée l’idée retourne au royaume des ombres.
Pourtant ce n’est pas ce que dit la transparente –
Antigone, l’amie, l’hirondelle…
Le souvenir de la cloche stygienne
Bible sur les lèvres ainsi que le gel noir.
Novembre 1920. 

Jeudi 27 novembre 2014

« L’Épigramme contre Staline »
Ossip Mandelstam

Ceci est le 400ème mot du jour.

Pour cet instant particulier je vous offre un moment d’Histoire, un poème politique écrit il y a 80 ans (81 pour ceux qui aiment la précision – novembre 1933) par un des grands poètes russes :  Ossip Mandelstam

L’épigramme d’Ossip Mandelstam demeure, en seulement seize vers, l’un des textes les plus engageants jamais écrits. L’intransigeance du poète, face à Staline et à la Tchéka, font de lui un homme exceptionnel, un exemple de désobéissance civile et de courage contre la barbarie.

Voici ces seize vers :

« Nous vivons sans sentir sous nos pieds le pays,
Nos paroles à dix pas ne sont même plus ouïes,
Et là où s’engage un début d’entretien, —
Là on se rappelle le montagnard du Kremlin.

Ses gros doigts sont gras comme des vers,
Ses mots comme des quintaux lourds sont précis.

Ses moustaches narguent comme des cafards,
Et tout le haut de ses bottes luit.

Une bande de chefs au cou grêle tourne autour de lui,
Et des services de ces ombres d’humains, il se réjouit.

L’un siffle, l’autre miaule, un autre gémit,
Il n’y a que lui qui désigne et punit.

Or, de décret en décret, comme des fers, il forge —
À qui au ventre, au front, à qui à l’œil, au sourcil.

Pour lui, ce qui n’est pas une exécution, est une fête.
Ainsi comme elle est large la poitrine de l’Ossète. »

D’abord, ce poème a été composé à la voix, de tête, puis Mandelstam livre cette épigramme à un cercle restreint de connaissances.

En 1934, le poète confie à sa femme Nadejda Mandelstam : « Je suis prêt à mourir. »

Un jour, il croise Boris Pasternak et lui récite son poème.

Effrayé, Pasternak ajoute :

« Je n’ai rien entendu et vous n’avez rien récité. Vous savez, il se passe en ce moment des choses étranges, terribles, les gens disparaissent ; je crains que les murs aient des oreilles, il se pourrait que les pavés aussi puissent entendre et parler. Restons-en là : je n’ai rien entendu. »

Mandelstam, reçoit la visite de trois agents de la Guépéou dans la nuit du 16 au 17 mai 1934. Ils lui présentent un mandat d’arrêt et perquisitionnent jusqu’au matin et l’arrêtent.

Mandelstam quitte sa femme Nadejda et ses amis à 7 heures du matin pour la Loubianka.

Tous les manuscrits sont confisqués, lettres, répertoire de téléphone et d’adresses, ainsi que des feuilles manuscrites. Mais pas d’épigramme…

Ce poème ne fut écrit que devant le juge d’instruction de la Loubianka où « le poète coucha ces seize lignes sur une feuille à carreaux arrachée d’un cahier d’écolier. Il a défendu « sa dignité d’homme, d’artiste et de contemporain, jusqu’au bout. »

Cette épigramme sera plus tard cataloguée comme « document contre-révolutionnaire sans exemple » par le quartier général de la police secrète.

Pour Vitali Chentalinski, c’était « plus qu’un poème : un acte désespéré d’audace et de courage civil dont on n’a pas d’analogie dans l’histoire de la littérature. En réalité, en refusant de renier son œuvre, le poète signait ainsi sa condamnation.

<Un article de Wikipedia sur l’épigramme contre Staline>

<Ici la page Wikipedia sur Ossip Mandelstam>

<Un magnifique texte sur Mandelstam>
Et puis il me semble indispensable aussi de dire quelques mots sur son extraordinaire épouse Nadejda Iakovlevna Khazina née à Saratov le 31 octobre dans une famille juive de la classe moyenne, Elle épouse en 1921 Ossip Mandelstam. Quand Ossip est arrêté en 1934 pour son Épigramme contre Staline elle est exilée avec lui à Tcherdyne, dans la région de Perm, puis à Voronej.

Après la deuxième arrestation et la mort de son mari dans le camp de transit de Vtoraïa Rechka (près de Vladivostok) en 1938, Nadejda Mandelstam mène un mode de vie quasi-nomade, fuyant parfois à une journée près le NKVD, changeant de résidence à tous vents et vivant d’emplois temporaires.

Elle s’est fixé comme mission la conservation de l’héritage poétique de son mari. Elle a appris par cœur la majeure partie de son œuvre clandestine, parce qu’elle ne faisait pas confiance au papier.

Après la mort de Staline, elle achève son doctorat en 1956 et est autorisée à revenir à Moscou en 1958.

En 1979, elle fait don de toutes ses archives à l’Université de Princeton.

Nadejda Mandelstam meurt à Moscou le 29 décembre 1980 à l’âge de 81 ans.

<400>

Mercredi 26 novembre 2014

Mercredi 26 novembre 2014
« le salaire est inversement proportionnel au temps de station debout »
Armand Patrick Gbaka-Prédé ou “Gauz”
Dans son livre Debout-Payé
Un vigile s’ennuie, beaucoup. Surtout lorsqu’il sait qu’il ne sert à rien sinon à faire peur – raison pour laquelle on l’a choisi noir et costaud. Un vigile, aussi, observe et s’interroge. Par exemple, […] Sur les réactions, lorsque sonne le portique de sécurité, de l’Allemand (il “fait un pas en arrière pour tester le système”), de l’Africain (il “pointe son doigt sur sa poitrine comme pour demander confirmation”) et du Français (il “regarde dans tous les sens comme pour signifier que quelqu’un d’autre que lui est à l’origine du bruit et qu’il le cherche aussi, histoire de collaborer”). Ou sur le fait que les pantalons qu’il surveille, fabriqués par des Chinoises “naturellement très plates” pour des Blanches “naturellement plates”, s’accommodent mal de l’anatomie callipyge des Africaines.
Le vigile ici s’appelle Armand Patrick Gbaka-Prédé ou “Gauz”, le surnom qu’il s’est choisi. Il est né à Abidjan en 1971, est arrivé à Paris à 28 ans comme étudiant et partage aujourd’hui sa vie entre les deux capitales. Comme une multitude d’Africains de toutes origines, il a été vigile, à plusieurs reprises, et a su d’emblée qu’il ne devait rien oublier de ce que cette position lui permettait d’observer. Le résultat est Debout-Payé, un roman de la rentrée 2014 qui raconte l’épopée d’Ossiri, étudiant ivoirien devenu vigile après avoir atterri sans papiers en France en 1990. Son histoire est ponctuée par des interludes ubuesques : les choses vues et entendues par l’auteur lorsqu’il travaillait comme vigile dans des magasins des Champs-Elysées et de la Bastille.
Le point donne quelques extraits de Debout-Payé de Gauz :
“Théorie du désir capillaire. Les désirs capillaires contaminent de proche en proche en direction du nord : la Beurette, au sud de la Viking, désire les cheveux raides et blonds de la Viking ; la Tropiquette, au sud de la Beurette, veut les cheveux bouclés de la Beurette.”
“Théorie de l’altitude relative au coccyx. (…) Dans un travail, plus le coccyx est éloigné de l’assise d’une chaise, moins le salaire est important. Autrement dit : le salaire est inversement proportionnel au temps de station debout. Les fiches de salaires du vigile illustrent cette théorie.”
“Théorie du PSG. À Paris, dans tous les magasins ou presque, tous les vigiles ou presque sont des hommes noirs. Cela met en lumière une liaison quasi mathématique entre trois paramètres : pigmentation de la peau, situation sociale et géographie. (…) En Occident, plus la concentration en mélanine dans la peau est élevée, plus la probabilité d’occuper une position sociale proche du néant est grande. Exception faite des Manouches (…), les seuls blancs plus déconsidérés encore que les nègres.”
“Colibri, Langouste, Tapir, respectivement à 92 %, 95 % et 98 % de viscose… Plus la concentration en viscose est élevée, plus les nommeurs choisissent des animaux étranges pour baptiser les habits.”
“Avec la quantité énorme d’habits fabriqués au pays de Mao, on peut dire qu’un Chinois dans un magasin de fringues, c’est un retour à l’envoyeur.”
“Quitter Dubaï, la ville-centre-commercial, et venir en vacances à Paris pour faire des emplettes aux Champs-Élysées, l’avenue-centre-commercial. Le pétrole fait voyager loin, mais rétrécit l’horizon.”
“Debout-Payé”, c’est aussi l’histoire politique d’un immigré et du regard qu’il porte sur la France, à travers l’évolution du métier de vigile depuis les années 1960 à l’après 11-Septembre. Le narrateur est fils et petit-fils de vigile. Une lignée de Debout-Payés, de surveillants presque invisibles aux yeux des clients. Le vigile? Un homme payé – au Smic quand il a des papiers – pour rester debout. Un métier qui consiste à donner une impression de sécurité. C’est un job “qui semble exclusivement réservé aux noirs à Paris parce qu’ils ont le physique pour ça. Parce qu’ils font peur”, dit-il.
De son vrai nom Armand Patrick Gbaka-Brédé, Gauz, diplômé en biochimie et un temps sans-papiers, a exercé nombre de petits boulots. L’auteur est aussi photographe, documentariste et directeur d’un journal économique satirique en Côte d’Ivoire. Il a également écrit le scénario d’un film sur l’immigration des jeunes Ivoiriens, “Après l’océan”. Il était l’invité des matins de France Culture du 5 septembre et Brice Couturier lui a consacré une excellente chronique.
La plus grande part de ce message est tirée de cet article du Point : http://www.lepoint.fr/culture/noirs-donc-vigiles-les-theoremes-de-gauz-06-10-2014-1869705_3.php
Enfin Libération a également consacré un article à ce livre : http://www.liberation.fr/livres/2014/09/17/gauz-veni-vidi-vigile_1102604

Mardi 25 novembre 2014

Mardi 25 novembre 2014
« UBS »
Banque Suisse pas rancunière
UBS est une société de services financiers dont les sièges sont à Bâle et à Zurich, en Suisse. C’est la plus grande banque de gestion de fortune dans le monde
L’UBS résulte de la fusion de l’Union de banques suisses et de la Société de banque suisse le 1er juillet 1998, fusion annoncée le 8 décembre 1997. Depuis lors, le terme “UBS” est utilisé comme nom courant de l’entreprise.
En juillet 2009, UBS fait l’objet d’une poursuite judiciaire de la part du gouvernement des États-Unis, car UBS refuse de révéler le nom de 52 000 clients américains fraudeurs du fisc américain.
À la fin de juillet 2009, UBS et le fisc américain sont parvenus à une entente sur le litige qui les opposaient er UBS a dû donner de nombreux noms de clients américains.
Mais si je dis qu’UBS n’est pas rancunier, c’est que j’ai appris qu’elle est a été le premier sponsor des politiciens américains lors des dernières élections au Congrès et au Sénat. Elle a versé la bagatelle de 22 millions de dollars, essentiellement à des républicains. Sympa non ?
Bon ce n’est pas la seule entreprise Suisse qui a participé à cet immense gabegie de dépenses que sont les élections américaines et ce sont les suisses qui le disent : http://www.rts.ch/info/suisse/6273562-les-firmes-suisses-ont-depense-50-millions-pour-les-elections-americaines.html
Vous trouverez aussi en pièce jointe un article de Mediapart “Les élections américaines un show ruineux et bas de gamme” sur la manière dont les politiciens américains dépensent ces sommes colossales pendant les campagnes électorales, c’est presque à désespérer de la démocratie.
Mais une telle attitude de philanthropie ne peut que vous pousser à vous intéresser de plus près à cette belle institution.
Grâce à Stéphanie Gibaud vous en saurez plus. Elle a été embauchée par la branche française d’UBS en 1999, et a été jusqu’en 2012 directrice de la communication, chargée en particulier d’organiser les événements de la banque en France.
Apprenant le caractère illégal de l’activité d’UBS en France, elle révèle le scandale de l’évasion et de la fraude fiscale. En 2014, elle publie « La Femme qui en savait vraiment trop » (éd. Cherche midi).
Vous pouvez lire cet excellent article : <Se taire c’est être complice> (article aussi envoyé en pièce jointe)
La Suisse a de belles montagnes et de riches banques !

Lundi 24 novembre 2014

Lundi 24 novembre 2014
«Le secteur des nouvelles technologies est obsédé par les corps et la mort »
 Molly McHugh
Ce mot du jour est d’abord inspiré par la lecture d’un article trouvé sur le Monde et que joins au message : “Le high tech c’est la santé (20/11/2014)”
Mais le mot du jour proprement dit vient d’un article anglais du daily dot : http://www.dailydot.com/technology/new-technology-quantified-self-death/?tw=dd
Cité par <Slate> :  «Des bracelets connectés qui relèvent votre rythme cardiaque et le nombre de pas réalisés dans la journée; des capteurs qui tracent votre sommeil ou votre stress; des fourchettes qui examinent vos bouchées… Pour The Daily Dot, tous les objets actuellement produits par les nouvelles technologies démontrent une seule et même chose: le secteur est obsédé par la mort. Bien sûr, écrit le site spécialisé américain, ni Apple (qui vient de sortir son kit d’e-santé), ni Fitbit (du nom d’un bracelet connecté) ne font la promotion de leurs produits en ces termes «parce que ce serait inexact et stupide». «Mais c’est ce que nous essayons bien de faire ici, ajoute The Dailydot: essayer de retarder l’inévitable, essayer de “hacker” la mort.» »
Toutes ces études et surtout la philosophie que sous-tend cette quête proviennent du mouvement du «transhumanisme» évoqué par le mot du jour du Jeudi 18 septembre 2014.
Mais revenons à l’article du site du Monde où nous apprenons que  ” Un patient qui choisit son praticien en ligne, un diagnostic rendu par une machine… Un avenir pas si lointain pour la « médecine exponentielle ».”
L’article nous informe de l’organisation de la “troisième conférence sur la « médecine exponentielle », organisée à San Diego (Californie) du 9 au 12 novembre. Exponentielle comme l’accélération des progrès de la technologie numérique. […]
Les organisateurs sont des adeptes de la disruption (déstabilisation), le concept en vogue dans la Silicon Valley. Après avoir révolutionné l’industrie musicale (iTunes), les transports (Uber), l’hôtellerie (Airbnb), etc., les « techies » entendent perturber le secteur de la santé, ses conventions et ses rentes de situation. « Aucun domaine ne va être autant réinventé que la médecine dans la décennie qui vient, assure Peter Diamandis, cofondateur de Singularity University. Le patient va devenir le patron de sa propre santé. »
[…] Les visionnaires californiens pensent que le docteur tout-puissant a vécu. « Dans trente ans, on n’aura plus besoin du médecin pour les diagnostics » […]
L’intelligence artificielle permettra de saisir des situations beaucoup plus complexes, de considérer l’entier profil génomique d’un patient avant de faire un diagnostic. « Ce qui ne veut pas dire qu’il faut éliminer les médecins, rassure-t-il. On aura besoin d’eux pour d’autres fonctions : la compassion, l’empathie. On choisira les individus les plus humains, pas les diplômés de Stanford.»
Grâce aux Big Data, la médecine sera personnalisée à l’extrême. « Il n’est pas possible que la même aspirine ait la même efficacité pour les 7 milliards d’habitants de la planète, critique l’homme d’affaires. [Une équipe a déjà (Curely) ] mis au point une plate-forme où médecins et patients entrent en relation. « Nous avons voulu répondre à la frustration des médecins confrontés à la bureaucratie du système de santé », explique le cardiologue Christian Assad. Et frustrés par le cloisonnement de plus en plus grand de leurs disciplines : dans les années 1970, on comptait une vingtaine de spécialités ; aujourd’hui, la profession en recense 170.
Curely doit être lancée en janvier. Le patient-consommateur pourra trouver le spécialiste qui lui convient, où qu’il soit dans le monde, et proposer un prix pour la consultation. Les praticiens seront « évalués par le marché » et récompensés par des points. « On a travaillé avec un expert des jeux vidéo [sic] , explique Paul Lee, le cofondateur de Curely. Les médecins gagneront des points de réputation, ce qui leur donnera plus de visibilité auprès des consommateurs. » “
Pour le reste je vous invite à lire l’article joint.
Je ne sais pas quoi penser après la lecture de cet article. L’expérience des uns et des autres montre que les médecins peuvent être défaillants, peut être que des outils peuvent pallier ces défauts.
Alors que j’adhérais totalement à l’évolution du patient-expert [mot du jour du 14 novembre 2014], j’ai plus de mal non pas avec ces évolutions qui sont probablement inéluctables et sur certains points sans doute utiles, mais avec la philosophie qu’elle sous-tend. Quand on ajoute à la “transhumanité”,  “le marché” on ne peut avoir que l’intuition que demain plus encore qu’aujourd’hui, la santé sera avant tout une affaire de riches.
Et puis plus fondamentalement notre vie a une fin. Parfois cette fin est trop brutale, pas assez éloignée du début. La médecine doit nous aider à diminuer ces accidents, ces ruptures.
Mais vouloir, sans cesse augmenter la durée de la vie au-delà des 100, 120 ans voire tenter de rendre le fantasme de immortalité accessible, me semble une quête vaine et manquant singulièrement de sagesse.
Ce n’est pas plus le nombre d’années que nous aurons eu à vivre au-delà du raisonnable que l’accumulation des richesses terrestres dans les mêmes proportions qui nous rendront plus heureux, mais notre faculté à dissocier ce qui est important de ce qui est futile, de vivre pleinement l’instant et le présent,  d’essayer de rester le plus possible en harmonie avec les valeurs auxquelles nous croyons et non celles que tentent de nous imposer la société de la consommation, de l’accumulation et du paraître.

Vendredi 21 novembre 2014

Vendredi 21 novembre 2014
«tax ruling» ou «déclaration fiscale anticipée»
Spécialité luxembourgeoise et de quelques autres Etats
Quand les journaux ou des ONG accusent le Luxembourg d’optimisation fiscale voire de comportement déloyal par rapport aux autres Etats, le Luxembourg défend sa position en disant “mais nous pratiquons simplement le principe de la déclaration fiscale anticipée !”
Sur le site du Ministère des Finances du Luxembourg, une page défend la position du Luxembourg contre une procédure menée contre lui par la commission européenne : “Le Luxembourg constate que la Commission ne met pas en question les principes juridiques permettant à l’administration fiscale luxembourgeoise d’accorder des décisions anticipées à la demande de contribuables souhaitant obtenir la sécurité juridique quant au traitement fiscal de certaines transactions.”
Bref, on se met d’accord au préalable sur un prix, on négocie. L’impôt devient une transaction comme une autre.
Ce qui est exact c’est que le Luxembourg n’est pas le seul Etat à agir ainsi, les Pays Bas et l’Irlande le concurrencent. Mais la France n’est pas innocente, souvenons-nous comment Fabius avait fait venir Disney à Marne La Vallée.
Et c’est ainsi qu’APPLE paie environ 3% d’impôt sur ses immenses bénéfices dans le Monde.
<Dans un article de Libération Juncker explique : > «Les décisions fiscales anticipées sont une pratique bien établie dans 22 pays de l’UE. La Commission elle-même les a déclarées conformes au droit communautaire dès lors qu’il n’y a pas de discrimination entre les entreprises [qui en bénéficient]», Il a néanmoins admis que «l’interaction entre les règles nationales des uns et celles des autres peut conduire à des taux d’imposition très faibles. [Mais] c’est le résultat auquel conduit la logique de non-harmonisation fiscale au sein de l’UE»
Rappelons que lorsque Juncker était à la tête du Luxembourg il ne voulait pas de l’harmonisation fiscale, comme le premier ministre actuel du Luxembourg qui n’en veut pas non plus.
A tout cela, je répondrai par le mot du jour du  21 mars 2013 qui rappelait un propos tenu il y a plus de 75 ans, aux Etats Unis. par Henry Morgenthau qui avait écrit dans un rapport que lui avait commandé le président Roosevelt en 1937 sur la fraude fiscale : «Les impôts sont le prix à payer pour une société civilisée, trop de citoyens veulent la civilisation au rabais», (Citation originale «Taxes are what we pay for civilized society. Too many citizens want the civilization at a discount»).

Jeudi 20 novembre 2014

Jeudi 20 novembre 2014
« Les braconniers font les meilleurs gardes chasse »
Proverbe populaire
La nouvelle commission européenne est entrée en fonction le 1er novembre.
Le mot du jour a été prononcé dans l’émission l’esprit public du 16/11/2014 pour décrire de manière humoristique les qualités des commissaires désignés.
Jean-Louis Bourlanges a ainsi expliqué :
“La composition de la commission est totalement paradoxale
A la tête de la commission il y a Juncker qui était premier ministre et ministre des finances. Il était donc en première ligne sur l’affaire de l’optimisation fiscale luxembourgeoise qui était soupçonnée et qui est désormais révélée à tous et qu’on a appelé l’affaire LuxLeaks : http://tempsreel.nouvelobs.com/politique/20141106.OBS4358/luxleaks-jean-claude-juncker-l-incendiaire-a-la-tete-des-pompiers.html
Donc alors qu’on prône au niveau européen la lutte contre l’évasion fiscale, on met à la tête de la commission un champion d’Europe de l’optimisation fiscale. La Droite européenne a préféré Juncker à Michel Barnier qui lui en tant que commissaire européen a vraiment lutté pour la régulation bancaire et se trouvait beaucoup plus dans la ligne qu’on prétend poursuivre.
Michel Barnier était chargé du marché intérieur et des services. Il a été remplacé par Jonathan Hill  en charge des services financiers, un britannique qui fait partie du pays spécialiste de la dérégulation financière.
Pierre Moscovici a la place du commissaire qui doit contrôler les déficits budgétaires. Moscovici a de grandes qualités intellectuelles, mais il n’a pas prouvé en tant que ministre son grand talent pour réduire les déficits.
On met à la Culture et aux libertés, un hongrois proche de Viktor Orban dont l’action en Hongrie est de plus en plus contraire aux droits fondamentaux et aux Traités européens.
Le commissaire européen désigné à l’énergie et à l’action climatique, l’Espagnol Miguel Arias Cañete est en plein conflit d’intérêt car il avait des intérêts dans des entreprises pétrolières. Il a affirmé avoir vendu ses participations. Mais on a appris qu’en réalité qu’il les avait cédées  à sa femme et à ses enfants.”
De qui se moque-t-on ? a ajouté Bourlanges “Comment le Parlement a t-il pu accepter cela ?”
La réponse a été donnée : Parce qu’il y avait collusion entre les différents partis du Parlement (Droite, Centre et Gauche) qui se sont protégés mutuellement et qui ont chacun accepté les candidats “litigieux” des autres partis pour qu’on accepte les leurs. 
Et la conclusion à laquelle sont arrivés les chroniqueurs a été résumé par ce proverbe  “Les braconniers font les meilleurs gardes chasse”
Espérons que le proverbe est juste et que ces commissaires “ambigües” surprendront par leurs audaces.

Mercredi 19 novembre 2014

Mercredi 19 novembre 2014
« L’Europe, c’est
7% de la population mondiale
25% de la production mondiale,
et 50% des transferts sociaux mondiaux »
Angela Merkel
Dans le numéro du 13 novembre 2014 « du Point », Nicolas Baverez rappelle ce propos de Merkel et il ajoute que, selon elle, cela résume le problème fondamental de l’Europe.
Et Nicolas Baverez applique le même calcul à la France :
la France compte 66 millions d’habitants, soit environ 1% de la population mondiale.
Son PIB est de 2 750 milliards de dollars, soit 3,7% du PIB de la planète.
Son Etat providence redistribue 670 milliards d’euros soit 15% des 4 500 milliards de dépenses sociales mondiales.
Remarquons que si pour l’Europe le coefficient multiplicateur entre le PIB et les transferts est de 2 (25% à 50%) en France il est de plus de 4 ( de 3,7 à 15%).
Baverez considère cette situation insoutenable.
A mon analyse, il me semble en effet que dans une économie ouverte cela doit certainement poser de grandes difficultés et la soutenabilité de ce déséquilibre pose question.
Maintenant ce sont ces transferts sociaux massifs qui caractérisent le modèle européen et le différencie du reste du monde.  C’est un système  moins dur que les autres.
Le drame est comme l’avait souligné le regretté Olivier Ferrand de terra nova, c’est que le système social est ce qui caractérise l’Europe par rapport aux autres ensembles économiques mais ne fait pas partie de la compétence de l’Union Européenne. Ce qui a été mis en commun c’est le marché unique et la libre concurrence qui ne constitue pas une singularité des Etats européens.
Autrement dit : le point commun des européens n’est pas mis en commun.
Vous trouverez derrière ce lien :  l’article du Point écrit par Nicholas Baverez qui cite ces chiffres et fait l’analyse de cette situation.
<394>

Mardi 18 novembre 2014

Mardi 18 novembre 2014
«La fabrique des garçons »
Sylvie AYRAL et Yves RAIBAUD
Ce mot du jour ne parle pas de politique ou d’économie, il parle de l’intime de ce qui se passe dans les familles, dans les premières années de la vie.
Les chiffres qui cette fois sont massifs et peu contestables montrent qu’au collège, les garçons  représentent 80% des élèves sanctionnés tous motifs confondus, 92% des élèves sanctionnés pour des actes relevant d’atteinte aux biens et aux personnes, ou encore 86% des élèves des dispositifs Relais qui accueillent les jeunes entrés dans un processus de rejet de l’institution scolaire.
Tous ces garçons ont-ils des problèmes, des troubles du comportement et/ou de l’apprentissage ? Eh bien non, loin s’en faut.
Des travaux récents <Sur la fabrique des garçons> montrent que leurs transgressions et leurs difficultés scolaires sont, le plus souvent et quel que soit leur milieu social d’origine, des conduites liées à la construction même de leur identité masculine.
Je joins à ce message un article de libération parlant de cette étude pilotée par Sylvie AYRAL Professeure agrégée, docteure en sciences de l’éducation et Yves RAIBAUD Géographe.
J’ai laissé à dessein les commentaires des internautes. Certains prétendent que ce n’est pas l’éducation mais les hormones qui rendent les garçons transgressifs !
Les hormones vraiment ?
Qui n’a pas vu, subi ou participé à cet épisode où un garçon ou un adulte mâle pris par une émotion sur le point de pleurer se voit adresser cette injonction dans sa version bourgeoise «Sois un homme !» ou dans sa version plus argotique : “Tu ne vas pas chialer comme une gonzesse !”
Les hormones qu’ils disent !!!
L’article que je joins au message et que je vous invite à lire parle plutôt “d’injonction sociale à la virilité !”.
Mais vous savez que ce sont toujours les artistes qui expriment le mieux la profondeur des choses humaines.
Renaud avait écrit une chanson “Miss Maggie” dont on se souvient comme d’une attaque frontale contre Margaret Thatcher.
Mais si on relit bien le texte, on constatera que le sujet central n’est pas l’insulte à Maggie, mais bien “la fabrique du mâle”.
L’autre sujet n’est qu’une incise où il décrit une femme de pouvoir en mal de “mâlitude” qui veut être plus “mâle” que les mâles :

«Miss Maggie»

Femme du monde ou bien putain

qui bien souvent êtes les mêmes

femme normale, star ou boudin,

femelles en tout genre je vous aime

même à la dernière des connes,

je veux dédier ces quelques vers

issus de mon dégoût des hommes

et de leur morale guerrière

car aucune femme sur la planète

n’ s’ra jamais plus con que son frère

ni plus fière, ni plus malhonnête

à part peut-être madame Thatcher

 

Femme je t’aime parce que

lorsque le sport devient la guerre

y a pas de gonzesse ou si peu

dans les hordes de supporters

Ces fanatiques, fous-furieux

abreuvés de haine et de bière

déifiant les crétins en bleu,

insultant les salauds en vert

Y a pas de gonzesse hooligan,

imbécile et meurtrière

y’en a pas même en Grande-Bretagne

à part bien sûr madame Thatcher

 

Femme je t’aime parce que

une bagnole entre les pognes

tu n’ deviens pas aussi con que

ces pauvres tarés qui se cognent

pour un phare un peu amoché

ou pour un doigt tendu bien haut

Y’en a qui vont jusqu’à flinguer

pour sauver leur autoradio

Le bras d’honneur de ces cons-là

aucune femme n’est assez vulgaire

pour l’employer à tour de bras

à part peut-être madame Thatcher

Femme je t’aime parce que

tu vas pas mourir à la guerre

parc’ que la vue d’une arme à feu

fait pas frissonner tes ovaires

parc’ que dans les rangs des chasseurs

qui dégomment la tourterelle

et occasionnellement les beurs,

j’ai jamais vu une femelle

pas une femme n’est assez minable

pour astiquer un revolver

et se sentir invulnérable

à part bien sûr madame Thatcher

 

C’est pas d’un cerveau féminin

qu’est sortie la bombe atomique

et pas une femme n’a sur les mains

le sang des indiens d’Amérique

Palestiniens et Arméniens

témoignent du fond de leurs tombeaux

qu’un génocide c’est masculin

comme un SS, un torero

dans cette putain d’humanité

les assassins sont tous des frères

pas une femme pour rivaliser

à part peut être madame Thatcher

 

Femme je t’aime surtout enfin

pour ta faiblesse et pour tes yeux

quand la force de l’homme ne tient

que dans son flingue ou dans sa queue

Et quand viendra l’heure dernière,

l’enfer s’ra peuplé de crétins

jouant au foot ou à la guerre,

à celui qui pisse le plus loin

moi je me changerai en chien si je peux rester sur la terre

et comme réverbère quotidien

je m’offrirai madame Thatcher.”

Renaud

<Ici une des versions chantées par Renaud> 

Lundi 17 novembre 2014

Lundi 17 novembre 2014
« La conjuration des imbéciles »
John Kennedy Toole
L’hebdomadaire “Marianne” a, pour décrire certaines “faiblesses récentes” d’hommes de pouvoir en France, utilisé pour titre “La conjuration des crétins”
Le serviteur de l’Etat que je suis ne saurait approuver l’outrance des propos de ce magazine habitué aux provocations.
Mais ce titre fait référence à un livre que m’avait fait découvrir, dans les années 90, mon ami Albert et je l’en remercie encore aujourd’hui, car je n’ai jamais autant ri en lisant un livre.
Et pourtant ce livre est un livre maudit pour son auteur.
En effet, la Conjuration des imbéciles (titre original : A Confederacy of Dunces) est un roman humoristique de John Kennedy Toole, non publié de son vivant. Le titre est une référence à une citation de Jonathan Swift, mise en épigraphe : « Quand un vrai génie apparaît en ce bas monde, on le peut reconnaître à ce signe que les imbéciles sont tous ligués contre lui. »
C’est précisément la déprime et l’épuisement provoqués par l’impossibilité de faire publier son livre, rejeté par plusieurs éditeurs américains, qui poussent Toole à se suicider en 1969, à l’âge de 31 ans.
Mais grâce aux efforts inlassables de la mère de Toole et de l’écrivain Walker Percy, à qui elle l’avait fait lire, le livre a été finalement publié en 1980 par la Louisiana State University Press.
« …Le plus drôle dans cette histoire, pour peu qu’on goûte l’humour noir, c’est qu’aussitôt publié, le roman a connu un immense succès aux États-Unis et s’est vu couronné en 1981 par le prestigieux prix Pulitzer. Une façon pour les Américains de démentir à retardement le pied de nez posthume que leur adressait l’écrivain… ».
Le roman est aujourd’hui salué comme un des plus grands classiques de la littérature humoristique américaine, et comme un des romans importants de ce qu’on appelle la « littérature du Sud », c’est-à-dire la littérature portant sur les États du Sud des États-Unis ou écrits par des auteurs originaires de ceux-ci.
La Conjuration des imbéciles a été vendue à plus de 1,5 million d’exemplaires et traduite en dix-huit langues. De nombreuses tentatives d’adaptation au théâtre ou au cinéma, frappées de la même malédiction que les tentatives malheureuses de Toole pour publier son ouvrage, ont avorté ou connu un succès limité.
L’histoire se situe aux États-Unis, à La Nouvelle-Orléans (Louisiane), au début des années 1963. Le personnage principal est Ignatius J. Reilly, un étudiant en littérature médiévale, remarquablement érudit et d’une intelligence qui confine au génie paranoïaque, mais vivant en vrai pacha chez sa mère arthritique et alcoolique. Ignatius, qui s’exprime pour son créateur, abhorre son époque. Il semble obstinément mais passionnément en décalage constant avec ses contemporains qu’il méprise férocement.
Et tous les archétypes de l’Amérique contemporaine y passent : les marlous, les beatniks, les rockers, le flic, les vieux chrétiens fondamentalistes, la voisine acariâtre, l’activiste anarcho-névrosée, les vendeurs de hot-dogs, etc.
Hypocondriaque et sans cesse tourmenté par son anneau pylorique qui se ferme à la moindre contrariété, Ignatius J. Reilly est un personnage littéralement odieux et égocentré dont les convictions réactionnaires s’expriment de différentes manières.
Marchant, ou plutôt tanguant dans les pas des auteurs anciens (Platon, Diogène, Boèce) et des grands théologiens du XIIIe siècle (la philosophie scolastique), Ignatius rêve d’un monde libéré des « dégénérés et semi-mongoliens » qui le peuplent. En auteur martyr de la décadence d’une humanité « privée de géométrie et de théologie », Ignatius se consacre, en autobiographe, à couvrir des cahiers « Big Chief (en) » de sa vision du monde.
Alors que sa mère est contrainte de rembourser les dégâts qu’elle a infligés au volant de sa voiture, Ignatius se trouve forcé de chercher un emploi pour la première fois de sa vie. Il tâchera lors de cette inévitable confrontation avec la réalité de rendre la société conforme à sa conception du monde
(J’ai tiré ces précisions de Wikipedia qui pour la part dont je me souviens est parfaitement conforme)
Et si on essayait la conjuration de l’intelligence ?