Vendredi 30 juin 2017

« Le mot du jour d’Alain »
Le blog qui regroupe tous les mots du jour écrits par Alain K.

Pour garder de la consistance, de la pertinence et de la profondeur il faut savoir se taire, se reposer, se ressourcer.

Le flux quotidien de mots va donc s’interrompre quelque temps.

L’année dernière, j’avais initié cette pause par un mot sur « l’Histoire du silence » d’Alain Corbin.

Et puis j’avais ajouté, des « mots inachevés » qui avaient été imaginés mais non rédigés, pour éventuellement faire patienter celles et ceux qui étaient frustrés de mon long silence.

Cette année, je vous laisse avec le site sur lequel vous pouvez relire tous les 914 mots écrits jusqu’à présent et sur lequel je vais donner quelques précisions techniques dans le message d’aujourd’hui.

D’abord pour celles et ceux qui ne le sauraient pas encore l’adresse du blog est d’une grande simplicité : https://lemotdujour.fr/

Mais vous pouvez aussi le rechercher à l’aide d’un moteur de recherche, en cherchant « le mot du jour d’Alain »

Quand vous utilisez un moteur de recherche sérieux , c’est-à-dire pas celui qui appartient à une société qui a pour ambition de tout savoir sur vous et de ne surtout rien oublier, la recherche est immédiate.

Par exemple Qwant ou Lilo ou même Yahoo, la première réponse tombe sur ce blog.

L’autre malin, lui va vous renvoyer d’abord, vers une tentative de blog sur le site du Monde, mais ce blog n’existe plus. C’est bien d’avoir de la mémoire, mais actualiser ses connaissances est bien aussi.

 

1 Un peu de technique

Du point de vue technique sur ce blog il y a deux « type d’objets » : des articles et des pages.

Un message, ce que j’appelle « un mot du jour » est un article.

Quand vous allez sur le blog par l’adresse donnée ci-dessus vous vous trouvez sur la page « Accueil », sur cette page se trouve toujours le dernier article publié, c’est-à-dire le dernier mot du jour.

Chaque mot du jour possède un lien consubstantiel avec une date. Il n’est donc pas surprenant que le point d’entrée principal vers un article soit une date.

Vous trouverez, dès lors, comme entrée principale d’abord dans la rubrique « articles récents » les 5 dernières dates de publication d’articles et dans la rubrique « archives » une entrée par le mois de publication qui vous envoie vers une page qui comporte les derniers mots du jour de ce mois et au bout de la page vous trouvez un bouton précédent pour avoir accès aux mots précédents du mois.

Il faut comprendre, pour que l’accès immédiat soit vers les mots les plus récents, que le classement est par ordre chronologique inverse, ce qui quelquefois peut surprendre en naviguant entre les pages des archives.

Alexis a, sur ma demande, créé une page qui est appelée liste des mots. Cette page porte tous les éléments identifiants un mot du jour soit 3 éléments :

  • La date
  • L’exergue
  • L’auteur ou l’explication de l’exergue.

Cette page est générée automatiquement grâce à l’ingéniosité d’Alexis.

C’est une page qu’on pourrait dire infinie, elle n’a, en tout cas, pas de limite. Tout au bout, vous trouverez le premier mot du jour envoyé. Et tant que j’écrirais des mots du jour, cette page se rallongera pour les contenir tous. Étonnant non ?

Grâce au monde virtuel, nous pouvons mieux appréhender la notion d’infini.

Et sur cette page, que vous pouvez faire défiler à grande allure, si un article a attiré votre regard, c’est encore sur la date qu’il faut cliquer pour aller vers l’article.

J’ai voulu créer un peu de chronologie dans le bon sens (en allant de l’ancien vers le récent) en créant une entrée au menu appelée : « Série de mots ». Cette fonction n’est pas générée automatiquement, elle demande donc plus de temps à être réalisée et se constituera au fil du temps.

Elle renvoie vers des pages comportant les séries de mots que j’ai écrites quelquefois.

A la date d’aujourd’hui, elle comporte deux séries :

Ces pages sont écrites dans l’ordre dans lequel les mots ont été écrits et comporte le début du message, c’est alors un lien <lire l’article> qui emmène vers l’article complet.

 

2 Pourquoi est-il plus pertinent de lire les mots du jour sur le blog que dans la messagerie ?

Pour de multiples raisons :

  • D’abord parce qu’ergonomiquement, c’est beaucoup plus facile à lire sur tous les écrans et encore davantage sur les smartphones et les tablettes ;
  • Ensuite parce que dès que je constate une erreur, je la corrige. Ce qui n’est pas le cas lorsque vous conservez le message envoyé, je ne peux pas le mettre à jour. Ainsi un lien qui ne fonctionne pas ne fonctionnera jamais
  • Enfin, je mets à jour les articles publiés.

Dans un des derniers mots, une réponse de Marc m’a fait comprendre qu’il y avait une ambigüité. J’ai donc pu préciser les choses pour lever toute ambigüité.

Le mot du 15 juin évoquait le grand remplacement de Renaud Camus, or le 24 juin l’émission Répliques avait invité Renaud Camus mais aussi le démographe Hervé le Bras pour lui apporter la contradiction. J’ai donc pu compléter l’article par un lien vers cette émission que je vous recommande.

 

3 Bienvenue sur Internet

Voilà ce que m’a répondu Alexis quand je lui ai fait part de ce que je constatais sur mon blog.

Il y a un outil statistique et de suivi dans le tableau de bord du blog.

Et donc j’ai été surpris que le N° IP : 103.229.124.198 venait de consulter 867 articles de mon blog, en un seul jour, le 15/06/2017. A ce niveau de consommation, il était clair qu’il s’agissait d’un robot qui scannait le blog. En tentant de localiser ce N° IP, il est apparu qu’il était implanté à Hong Kong. Les chinois s’intéressent, enfin les robots chinois s’intéressent à mon blog.

Et puis j’ai, à nouveau, constaté qu’un même numéro IP a consulté 149 articles le 23 juin, 161 le 24, 166 le 25, 105 le 26.

C’était aussi probablement un robot, même si à ce niveau, un passionné peut éventuellement y arriver, en allant très vite sur certains articles.
Et où était implanté cette adresse IP, me demanderez-vous ?
La réponse est : le centre de la Serbie !

Sur les bons conseils d’Alexis, j’ai accepté les commentaires mais en les modérant, ce qui signifie qu’avant qu’il soit publié je dois donner mon accord. Il y a actuellement 3 commentaires sur le blog. Mais j’en ai refusé une vingtaine, un était écrit en allemand, tous les autres en anglais. Souvent pour dire que le blog était très bien mais invariablement pour donner des liens vers des sites dont l’adresse ne laissait pas de doute quant au caractère pornographique de leur contenu.

C’est probablement dans ce monde virtuel, que nous pouvons le mieux toucher cette réalité que nous cohabitons désormais avec les robots.

Nous vivons dans « un monde d’humains et de robots ». Franz de Waal dirait plutôt « un monde d’animaux et de robots ».

C’est sur cette pensée que je vous laisse.

Le prochain mot du jour est prévu lundi 28 août 2017.

D’ici là, bonnes vacances à tous.

<article sans numéro>

Jeudi 29 juin 2017

«L’homme, en jouant ainsi avec cette machine si compliquée, la nature, me fait l’effet d’un aveugle qui ne connaîtrait pas la mécanique et qui aurait la prétention de démonter tous les rouages d’une horloge qui marcherait bien, pour la remonter à sa fantaisie et à son caprice. »
Eugène Huzar L’arbre de la science, Paris, Dentu, 1857

On oppose souvent notre temps, qui est en plein doute par rapport au progrès, au XIXème siècle où il semble selon la légende que tous croyaient au Progrès, comme Auguste Comte fondateur du positivisme et dont la citation : «Ordem e Progresso» « Ordre et Progrès » orne toujours le drapeau du Brésil.

Comme toujours la réalité est plus complexe, ainsi au XIXe siècle, en pleine révolution industrielle, un homme, avocat de métier, Eugène Huzar (1820-1890) écrivit deux essais : « La Fin du monde par la science (1851) » et « L’Arbre de la science (1857) » dans lesquels il .exprimait son scepticisme face à la science et à la technique des humains qui entendaient se rendre maître de la nature, et jouaient avec cette « machine si compliquée » sans la comprendre.

L’exergue est assez explicite !

J’ai découvert cet intellectuel dans l’émission de France Culture : la concordance des temps : http://www.franceculture.fr/emissions/concordance-des-temps/la-fin-du-monde-par-la-science-genese-dune-angoisse

C’est l’historien des sciences Jean-Baptiste Fressoz, maître de conférences à l’Institut d’études politiques de Paris qui a découvert cet homme étonnant :

Son lyrisme et son exagération prêtent à sourire, mais certaines mises en garde résonnent comme des prophéties aujourd’hui.

http://www.pourlascience.fr/ewb_pages/a/actu-une-critique-du-progres-19065.php

Vous trouverez derrière ce lien : https://socio-anthropologie.revues.org/1566 une présentation par Jean Baptiste Fressoz de l’œuvre d’Eugène Huzar ainsi que les textes de cet homme surprenant.

Voici d’abord une introduction de Jean-Baptiste Fressoz

L’intérêt d’Eugène Huzar est de proposer la première philosophe catastrophiste de la technique. Dans deux livres curieusement oubliés, La fin du monde par la science(1855) et L’arbre de la science (1857), l’auteur synthétise les débats environnementaux et technologiques de son époque (la déforestation et le changement climatique, la vaccination et la dégénérescence de l’espèce humaine, les catastrophes ferroviaires etc.) pour objectiver d’une manière originale le progrès, non comme la maîtrise technique de la nature, mais comme la perte de maîtrise de la technique. Selon son système, l’humanité parcourt des cycles de progrès et de catastrophes la ramenant à un état de sauvagerie. Pour tenter de retarder la fin du présent cycle, Huzar propose d’établir une « édilité planétaire » chargée de veiller aux équilibres du globe.

Puis directement la prose d’Huzar.

D’abord son inquiétude devant « la cécité » de la science qui déclenche des effets qu’elle n’est pas en mesure de maîtriser :

« L’homme, en jouant ainsi avec cette machine si compliquée, la nature, me fait l’effet d’un aveugle qui ne connaîtrait pas la mécanique et qui aurait la prétention de démonter tous les rouages d’une horloge qui marcherait bien, pour la remonter à sa fantaisie et à son caprice.

Mais, me dira-t-on, ce que fait l’homme par rapport à la nature, ne peut-on le comparer à une simple égratignure faite à l’épiderme d’un homme vigoureux et bien portant ? Je le veux bien ; mais qui ne sait pas que, selon les occasions, par exemple au pied, une simple égratignure donne la mort. Voyez plutôt ce qui a lieu sous les tropiques. […]

Je comprendrais, encore une fois, qu’un sauvage de l’Amérique du Sud, qui n’aurait jamais quitté sa forêt, vînt me dire que la terre est infinie, et que l’homme, par conséquent, ne peut la troubler.

Aujourd’hui, avec la science, la proposition est entièrement renversée : c’est l’homme qui est infini, grâce à la science, et c’est la planète qui est finie. L’espace et le temps n’existent plus par la vapeur et l’électricité. La terre n’est plus pour nous, hommes du dix-neuvième siècle qui pouvons en faire le tour quarante ou cinquante fois dans notre vie, ce qu’elle pouvait être aux yeux des hommes de l’antiquité, qui n’en avaient jamais mesuré la circonférence.

Pour nous, elle est limitée, très limitée, puisque nous pouvons en faire aussi vite le tour qu’un Grec eût pu faire le tour de l’Attique.

L’espace, qui est la mesure des formes, n’étant plus rien pour nous, qu’est devenue la forme ? Rien.

Or, quand on voit une chose aussi limitée que la terre et une puissance aussi illimitée qu’est celle de l’homme armé du levier de la science, l’on peut se demander quelle action peut avoir un jour cette puissance illimitée sur notre pauvre terre si limitée et si bornée aujourd’hui.

Et puis il propose des solutions : une sorte de principe de précaution avant l’heure et une institution mondiale chargée de le faire respecter et de protéger l’Humanité :

« Tout mal appelle après lui un remède ; j’ai signalé le mal, c’est-à-dire la catastrophe, naissant un jour de notre raison insuffisante à la recherche de l’absolu. Je vais chercher le remède, c’est-à-dire le moyen de le combattre et de l’éviter s’il est possible.

Or, il y a deux sortes de moyens : Moyens palliatifs Moyens curatifs.

Les moyens palliatifs, comme on le sait en médecine, n’ont pas pour but de détruire le mal, mais de le retarder et de l’amoindrir. Les moyens curatifs ont pour but de déraciner, de détruire entièrement le mal.

Quels sont les moyens palliatifs que je propose ?

Les voici :

1° L’homme dans l’avenir ne doit pas tenter des expériences capitales, décisives, sans avoir l’assurance qu’elles ne peuvent en rien troubler l’harmonie des lois de la nature ;

2° Il faudra dans l’avenir créer des écoles spéciales ayant pour but de déterminer et d’étudier les lois qui constituent l’équilibre du globe ;

3° Il faudra aussi dans l’avenir créer une édilité planétaire qui réglemente le travail humain, de telle sorte que rien de décisif, de capital, tel que le déboisement d’une continent ou le percement d’un isthme, etc., ne puisse avoir lieu sans l’autorisation de l’édilité planétaire. Cette édilité aura son siège dans une des grandes villes du monde ; elle sera composée de l’élite de la science du monde entier. Chaque édile sera nommé par ses concitoyens. Les édiles seront les premiers magistrats du monde, et chaque fois qu’une nation voudra entreprendre une de ces tentatives audacieuses qui peuvent troubler l’harmonie du monde, elle devra s’adresser aux édiles, qui pourront lui donner ou lui refuser l’autorisation, car ils seront là pour veiller à la conservation de l’harmonie du globe.

La nation qui enfreindrait les ordres des édiles serait mise au ban des nations, comme s’étant rendue coupable du crime de lèse-humanité. Ainsi, un peuple veut-il déboiser ses forêts, il faudra que l’édilité le lui permette. Un peuple veut-il percer un isthme, il lui faudra encore la permission de l’édilité ; enfin, chaque fois qu’une nation devra entreprendre une de ces grandes choses qui peuvent troubler l’équilibre de la planète, il faudra qu’elle ait obtenu la permission de l’humanité tout entière, représentée par ses édiles.

Telle devra être la solidarité de l’homme dans l’avenir. Cette édilité planétaire que je vous propose paraîtra, à tous ceux qui me liront, absurde, et pourtant elle est déjà dans nos mœurs.

N’avons-nous pas en petit, en France, ce que je demande en grand pour le Globe ? N’y a-t-il pas un principe inscrit dans nos codes qui donne aux propriétaires le droit d’user, de jouir de la chose, mais non d’en abuser ? Ainsi, un homme a-t-il le droit de mettre le feu à sa maison ? Non.

Pourquoi ?

Parce que toute une ville pourrait être victime de cet abus de sa propriété. […]

Veiller sur l’harmonie du globe, faire en sorte qu’elle ne soit point troublée, tel serait le but de cette première institution du monde. »

Vous ne trouvez pas cette pensée, imaginée en pleine révolution industrielle triomphante, étonnante ? Prémonitoire ?

Certainement romantique et utopique.

Eugène Huzar était son nom.

<914>

Mercredi 28 juin 2017

« Est-ce que l’homme est plus intelligent que le poulpe ? On ne sait pas »
Franz de Waal

Les lecteurs de « Sapiens » de Yuval Harari ne seront pas surpris par le contenu de ce mot du jour.

Toutefois si on peut classer Harari dans la catégorie des vulgarisateurs ou des « compilateurs » de la science et de la recherche réalisés par d’autres, tel n’est pas le cas  de Franz de Waal qui est un primatologue et éthologue néerlandais. Lui est un spécialiste qui travaille depuis de très longues années sur les animaux. Il travaille particulièrement sur l’empathie des animaux.

Je l’ai découvert lorsqu’il avait été invité par Patrick Cohen <en octobre 2016>, pour parler de son dernier ouvrage : <Sommes nous trop bête pour comprendre l’intelligence des animaux ?>

Il enseigne et exerce ses recherches dans l’université d’Atlanta aux Etats-Unis. C’est un scientifique passionnant et très sérieux même s’il est un peu provocateur, mais c’est pour mieux expliquer le fruit de ses recherches.

Déjà les titres de ses ouvrages précédents constituent un programme : « La Politique du chimpanzé », « De la réconciliation chez les primates » et « Le Singe en nous ».

A Patrick Cohen, il a tenu à peu près ce langage :

« Chaque semaine on trouve de nouvelles choses sur l’intelligence des animaux. Pas seulement sur les grands singes, moi je travaille avec les chimpanzés et les bonobos essentiellement, mais aussi sur les oiseaux les poissons, les rats , les chiens, les dauphins. »

Et quand Patrick Cohen lui demande un exemple précis dont il peut faire le récit, il raconte l’histoire suivante :

« Nous avons fait une expérience avec deux singes à qui on demandait de faire un travail, le premier on le récompensait avec des grains de raisin, le second avec des bouts de concombre. Il est très clair qu’un singe aime beaucoup plus les grains de raisin que le concombre. Au bout d’un certain temps, le singe à qui on donnait du concombre [et qui constatait qu’on donnait à l’autre du raisin], c’est tout simplement arrêté de travailler. Il s’est tout simplement mis en grève, il voulait être mieux payé ! Montrant par là sa perception de la justice. »

Franz de Waal, qui est né en 1948, explique que lorsqu’il était jeune il a eu beaucoup de mal à imposer ses buts de recherche. Les élites universitaires considéraient que les animaux c’étaient de l’instinct et un apprentissage rudimentaire.

Depuis, la science a beaucoup progressé et a montré que les animaux étaient intelligents, savaient faire des raisonnements, savaient utiliser des outils (Franz de Waal parlent non seulement des singes, mais des corbeaux qui utilisent des outils pour parvenir à leurs fins). Ils savent aussi se projeter dans le futur, des singes vont choisir un outil qu’ils utiliseront plusieurs heures après, ou encore privilégieront l’attente parce qu’ils savent que dans plusieurs heures ils auront une récompense plus grande que celle qu’ils auraient obtenu immédiatement.

Et puis ils sont capables d’empathie, particulièrement à l’égard de leurs proches. Des auditeurs ont appelé pour témoigner qu’ils ont vu des ânes pleurer parce que leur petit venait d’être écrasé par une voiture. Franz de Waal a confirmé qu’une telle situation a été observée plusieurs fois.

Franz de Waal conteste qu’il existe un seul type d’intelligence. Les animaux ont des fonctionnalités que les humains ne possèdent pas. Tout juste reconnaît-il que les humains sont uniques en raison de l’utilisation du langage symbolique, mais c’est tout. Pour le reste il y a des variations d’intelligence et l’atout de l’humain d’avoir un cerveau plus gros que la plupart des animaux.

L’homme est un animal qui a un cerveau ordinateur comme les autres animaux, peut-être juste un peu plus puissant. C’est une différence d’intensité mais pas de nature.

A propos du poulpe, il explique que cet animal appréhende le monde de manière très différente d’un homme car son système nerveux est complètement distribué sur tout son corps. C’est pourquoi il pose cette question provocante : « Est-ce que l’homme est plus intelligent que le poulpe ? On ne sait pas »

Pour lui l’erreur est de faire de l’homme la mesure de toute chose, de comparer le comportement de l’animal par rapport aux standards humains. Cette comparaison est évidemment défavorable à l’animal. Mais quand on observe l’animal de son point de vue de sa manière d’appréhender le monde, on constate qu’il est intelligent, qu’il a des raisonnements cognitifs et des émotions. C’est un animal comme nous.

Franz de Waal a approuvé un auditeur qui citait Boris Cyrulnik qui a dit :

« L’homme n’est pas le seul animal intelligent, mais c’est le seul animal qui croit qu’il est le seul à être intelligent »

Mais Franz de Waal a surtout œuvré dans le domaine de l’empathie, dans un entretien <Au Point de 2013>, il disait :

« En 1996, lorsque j’ai publié mon premier livre sur le sujet, Le bon singe, la notion d’empathie chez les animaux était très controversée. Elle a été depuis mise en évidence chez les souris, les rats, les éléphants… Tous les mammifères, en réalité, manifestent une sensibilité aux émotions des autres. »

Et cette interview à Libération en 2010 :

« Tout a commencé il y a trente ans, quand j’ai découvert un comportement dit de «consolation», de réconfort, chez les chimpanzés. Après une bagarre, celui qui a perdu est consolé par les autres, ils s’approchent, le prennent dans leurs bras, essaient de le calmer. Dix ans plus tard, j’ai entendu parler du travail de la psychologue Carolyn Zahn-Waxler, qui testait l’empathie chez les enfants. Elle demandait aux parents ou aux frères et sœurs de pleurer ou de faire comme s’ils avaient mal, et les enfants, même très jeunes, 1 ou 2 ans à peine, s’approchaient, touchaient, demandaient comment ça allait. Ce qu’elle décrivait était exactement ce que j’avais appelé le comportement de «consolation» chez les chimpanzés. C’est à partir de ce moment que j’ai commencé à regarder le comportement des chimpanzés, et des singes en général, en me posant la question de l’empathie.

Vous avez testé l’empathie chez les primates ?

«Il y a eu des dizaines d’expériences. Je vous citerai celle où des singes refusent d’activer un mécanisme qui leur distribue de la nourriture quand ils réalisent que le système envoie des décharges électriques à leurs compagnons. Leur sensibilité à la souffrance des autres était telle qu’ils ont arrêté de se nourrir pendant douze jours.

Vous affirmez que cela va bien au-delà des singes.

Depuis quelques années, on a en effet des exemples nombreux et troublants : des dauphins qui soutiennent un compagnon blessé pour le faire respirer à la surface, des éléphants qui s’occupent avec beaucoup de délicatesse d’une vieille femelle aveugle… Je pense que l’empathie est apparue dans l’évolution avant l’arrivée des primates : elle est caractéristique de tous les mammifères et elle découle des soins maternels. Lorsque des petits expriment une émotion, qu’ils sont en danger ou qu’ils ont faim, la femelle doit réagir immédiatement, sinon les petits meurent. C’est ainsi que l’empathie a commencé. »

La réponse à cette question : Vous évoquez la réticence des chercheurs à parler des émotions animales : leurs raisons seraient moins scientifiques que religieuses ? est aussi très troublante, car il en tire des conclusions pour cet animal qu’est homo sapiens :

« La psychologie vient de la philosophie et la philosophie vient de la théologie. Dans les départements de psychologie et de philosophie, il y a toujours eu une forte tendance à mettre l’accent sur la distinction homme/animal. On est tout le temps en train de s’y demander quel est le propre de l’homme. A la différence des biologistes, pour lesquels l’homme est un animal. Pour moi, c’est intéressant de regarder les psychologues : ils essaient toujours de tracer cette ligne de séparation et ils ne sont d’ailleurs jamais contents. Ils ont d’abord dit que la spécificité de l’homme tenait à l’usage des outils, puis à la culture… Au fur et à mesure que leurs arguments tombent, ils en proposent d’autres. Mais je ne pense pas qu’ils trouveront, parce que toutes les grandes capacités, comme la moralité, se divisent en petites capacités, présentes chez les animaux. Dans la morale, il y a de l’empathie, qui existe chez beaucoup d’animaux. Il est peut-être vrai que la morale, telle qu’elle existe chez l’homme, ne sera jamais trouvée chez un autre animal, mais ça ne veut pas dire qu’il n’y en ait pas certains éléments ailleurs. Les différences sont moins absolues que les gens ne le croient.

En parlant des trois religions monothéistes, vous remarquez qu’elles sont nées dans le désert, dans des pays sans singes…

Les religions occidentales sont nées dans le désert. Dans le désert, à quel animal l’être humain peut-il se comparer ? Au chameau ? L’homme et le chameau sont de toute évidence très différents. Il est donc très facile de soutenir que nous sommes complètement différents des animaux, que nous ne sommes pas des animaux, que nous avons une âme et que les animaux n’en ont pas. Quand on lit le folklore de nos sociétés, les fables de La Fontaine par exemple, on y rencontre des renards, des corbeaux, des cigognes, des lapins… mais pas de singes. Alors que les folklores asiatiques sont pleins de gibbons, de macaques… En Inde, en Chine, au Japon, il y a toutes sortes de singes. Le développement des civilisations s’y est fait en compagnie des primates, c’est à cette sorte d’animaux que les Asiatiques se comparent. Du coup, la ligne de séparation n’est jamais très nette. Dans le livre, je raconte que, lorsque, pour la première fois au XIXe siècle, les habitants de Londres et de Paris ont vu des grands singes, ils ont été choqués, dégoûtés même. Dégoûtés en voyant un orang-outan ? Ça n’est possible que si on a de soi une idée qui exclut l’animal. Sinon, on voit un orang-outan et on se dit : si ça, c’est un animal, alors peut-être que moi aussi je suis un animal. Aujourd’hui, bien sûr, c’est différent. Les gens se sont habitués à l’idée qu’ils sont des grands singes et à se voir eux-mêmes comme des animaux. Jusqu’à un certain point, en tout cas, en dehors des départements de philosophie. »

Un scientifique, une réflexion et un bouleversement de notre perception du monde passionnant.

Il a aussi été invité à deux émissions de Radio France  :

https://www.franceinter.fr/emissions/la-tete-au-carre/la-tete-au-carre-10-octobre-2016

https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-2eme-partie/lanimal-est-il-un-homme-comme-un-autre

Et vous trouverez cette page sur le site d’Arte avec des vidéos :

http://sites.arte.tv/28minutes/fr/frans-de-waal-le-neerlandais-qui-observe-les-singes-pour-comprendre-les-hommes-28minutes

<913>

Mardi 27 juin 2017

« La chambre forte du Jugement dernier est-elle menacée par le réchauffement climatique ? »
La réserve mondiale de graines, en Norvège, a été menacée par une inondation en raison de la fonte du permafrost naturel

Les records sont synthétisés par des chiffres, ils ont vocation à être battus. C’est ce qui se passe pour les températures presque partout dans le monde et en France en particulier.

Ces derniers jours en France de nouveaux records ont été ainsi établis. Le problème c’est qu’il s’agit d’une évolution qui se confirme d’année en année.

L’article des Echos que je cite ci-après rappelle que l’année 2016 a constitué l’année la plus chaude sur Terre depuis le début des relevés de températures en 1880.

Mais c’est mon amie Martine qui a attiré mon attention sur un incident préoccupant qui s’est passé en Norvège. Les esprits curieux et attentifs sont probablement au courant. Je dois avouer, pour ma part, que j’ignorais l’existence, de la « chambre forte du jugement dernier » jusqu’à mes recherches récentes suite à l’information de Martine.

Ces informations montrent à la fois la prudence des homo-sapiens, en même temps leur angoisse devant l’avenir.

En février 2008, dans l’archipel de Svalbard, cachée sous une montagne sur l’île du Spitzberg, à 1000 km du pôle Nord a été inaugurée la réserve mondiale des semences de l’humanité.

Le site Huffington Post nous apprend que:

« Dans ce caveau enterré dans l’Arctique sont stockées des milliers de graines, mais aussi de documents. Au cas où le pire arriverait.

[…] La réserve de semences, créée en 2008, contient 541 millions de graines de plus de 843.000 espèces différentes de plantes et se situe dans une zone démilitarisée. Elle a d’ailleurs servi lors du conflit syrien, pour reconstituer les stocks dans les pays voisins de la Syrie, dévastés par la guerre. »

Cette réserve mondiale a été, en effet, conçue en 2006 sous l’égide de l’ONU, pour protéger des catastrophes les graines de toutes les cultures vivrières de la planète et préserver la diversité génétique.

Creusée dans le flanc d’une montagne, à 120 mètres de profondeur, Les graines sont stockées dans des caisses ou des caissons alignés sur des étagères dans des pièces où la température ne dépasse pas -18°C, pour une conservation optimale.

Ce lieu de stockage qui est une ancienne mine, est désigné par plusieurs appellations, « Banque des semences de l’humanité », « Arche de Noé  souterraine » et ce nom un peu plus fantasmagorique : « La chambre forte du Jugement dernier » que j’ai eu la faiblesse d’utiliser dans l’exergue de ce mot du jour.

Cette réserve est entourée de glace permanente qu’on appelle le « permafrost » et a été conçue pour être autonome, c’est-à-dire qu’elle puisse fonctionner et perdurer sans intervention humaine. Au cas où le pire arrivait…

Les températures de 2006 ont fait fondre une grande partie du permafrost et l’eau a inondé le tunnel d’entrée, le mois dernier. La chambre forte et les semences ont été préservées. Mais cette information a inquiété les spécialistes qui ne s’attendaient pas à une telle évolution en 10 ans.

Je cite :

Huffington Post :

« L’État norvégien, qui a participé à la création de cette réserve de graines, n’avait pas prévu de devoir s’occuper du site en permanence. Ce qui explique qu’ils ne se sont pas rendu compte plus tôt de cette fuite d’eau.»

Libération :

« La hausse des températures a provoqué une fonte du permafrost naturel, censée rester gelé toute l’année, provoquant des inondations dans le hall d’entrée de quinze mètres de long. «L’Arctique et surtout Svalbard se réchauffent plus vite que le reste du monde », a expliqué Ketil Isaksen, de l’Institut météorologique norvégien, au journal Dagbladet, repris par The Guardian. Le climat change radicalement et nous sommes tous étonnés de la rapidité avec laquelle cela se passe.»

Le courrier international cite le Guardian qui a interrogé Hege Njaa Aschim, membre du gouvernement norvégien, propriétaire de la réserve :

«Nous n’avions pas prévu que le permafrost ne serait plus là et qu’il subirait un climat aussi extrême »

Il n’y a pas lieu de tenir des propos catastrophistes car l’eau fondue n’a pas atteint la réserve. Mais je cite les Echos :

« Les précieuses graines restent en lieu sûr dans l’entrepôt, stockées à une température de -18°C, optimale pour la conservation. Les variétés de semences sont stockées 100 mètres sous la montagne, dans des emballages sous vide. Censée protéger les graines pendant des centaines d’années. Mais cet incident sème le doute sur la capacité de cette « Arche de Noé végétale » à résister au changement climatique. »

Bien entendu le gouvernement Norvégien a pris des mesures pour l’amélioration de la sécurité du site

Par ailleurs il existe dans d’autres endroits du monde des banques de semence, moins importantes que la réserve de Svalbard, mais qui sont des compléments à cette prudence qui s’est emparée d’homo sapiens depuis qu’il sait que la nature et le climat terrestre sont en train de changer à grande vitesse.

J’ai écrit ce mot en m’inspirant ou en citant les articles suivants :

Les Echos : « La réserve mondiale de graines est menacée par le réchauffement climatique «

https://www.lesechos.fr/idees-debats/sciences-prospective/030354054730-la-reserve-mondiale-de-graines-est-menacee-par-le-rechauffement-climatique-2089931.php

Huffington Post : « « L’arche de la fin du monde » prend l’eau avec le réchauffement climatique »

http://www.huffingtonpost.fr/2017/05/22/larche-de-la-fin-du-monde-prend-leau-avec-le-rechauffement-c_a_22103054/

Libération : « En Norvège, la réserve mondiale de graines rattrapée par le réchauffement »

http://www.liberation.fr/planete/2017/05/26/en-norvege-la-reserve-mondiale-de-graines-rattrapee-par-le-rechauffement_1572264

Le Courrier International : « Changement climatique. Le permafrost entourant la banque mondiale de graines a fondu »

http://www.courrierinternational.com/article/changement-climatique-le-permafrost-entourant-la-banque-mondiale-de-graines-fondu

France Inter : « La banque de graines prend l’eau »

https://www.franceinter.fr/emissions/la-une-de-la-science/la-une-de-la-science-22-mai-2017

<Lien vers le site de la réserve de Svalbard>

<912>

Entrée et intérieur de la réserve

 


Lundi 26 juin 2017

« Le vitiligo »
Maladie de la peau qui a fait l’objet d’une journée mondiale ce dimanche 25 juin

<Ce dimanche, il avait été décidé d’organiser une journée mondiale du vitiligo>

C’est le fait d’avoir entendu cette information qui m’a incité à m’intéresser à ce sujet.

Le <site doctossimo> explique qu’il s’agit d’une maladie de peau qui se caractérise par des zones dépigmentées plus ou moins étendues. Ce site précise qu’elle est connue depuis la nuit des temps.

C’est une maladie qui est analysée par les froids techniciens de la médecine comme bégnine sur le plan médical. Mais ce que ces techniciens feignent d’ignorer c’est l’aspect humain notamment dans sa relation à autrui, dans le paraître qu’on peut dénoncer philosophiquement, mais qui est pourtant si important dans la vie en société.

C’est toujours le site doctossimo qui explique que le vitiligo peut conduire à une détresse psychologique sévère et doit, à ce titre, bénéficier d’une prise en charge adaptée :

« Le vitiligo se manifeste par des plaques blanches correspondant à des zones de peau où les cellules fabriquant la mélanine – à l’origine de la pigmentation de la peau – ont disparu. Ces plaques n’ont pas d’autre spécificité : elles ne démangent pas ou très rarement, elles ne sont ni douloureuses, ni contagieuses. Pourtant, ces simples taches décolorées suffisent à provoquer le dégoût, voire le rejet. Mary, atteinte à l’âge de 8 ans, en a particulièrement souffert quand elle était enfant. « A l’époque, il y a 30 ans, on connaissait encore mal cette maladie, que l’on associait à la gale. Pendant des années, j’ai été rejetée, même par mes anciens amis ; ils pensaient que cela pouvait être contagieux et refusaient de m’approcher.»

Une <association française du vitiligo> a été créée avec pour objet d’informer des nouveaux traitements, mais aussi de créer un groupe capable de faire pression pour que cette maladie soit davantage prise en considération et aussi permettre à celles et ceux qui en sont victimes d’être en lien avec d’autres qui poursuivent le même combat.

Le journal <20 Minutes> a écrit un article à l’occasion de la journée mondiale :

« N’avez-vous jamais eu l’impression que l’on vous dévisageait ? Pour ceux qui vivent avec le vitiligo, cette impression est une réalité souvent pesante. Le vitiligo, tout le monde connaît sans vraiment savoir ce que c’est. Ce n’est pourtant pas une maladie rare. En France, entre 900.000 et 1,2 million de personnes vivent avec le vitiligo. Il s’agit d’« une maladie qui entraîne une disparition des mélanocytes de la peau, les cellules responsables de la pigmentation de l’épiderme, faisant apparaître sur le corps des taches blanches »

Pour ceux qui vivent avec le vitiligo, regards insistants et remarques désagréables ne sont pas faciles à supporter. […] Son vitiligo, Amandine, étudiante en licence de communication à Mulhouse, vit avec depuis l’âge de 2 ans. De larges taches dépigmentées parcourent une grande partie de son corps, qu’elle a longtemps caché. « Traverser l’enfance et l’adolescence a été très difficile, se souvient la jeune femme de 21 ans. Etre ado n’est déjà pas simple, mais quand vous y ajoutez les regards incessants, les moqueries et les réflexions déplacées, ça a été très difficile à vivre : j’éprouvais un grand mal-être et j’en avais marre de ne pas vivre comme tout le monde », se souvient-elle. A l’époque, rien n’aurait pu convaincre Amandine de porter autre chose que des vêtements très couvrants. Pantalon et pull à manches longues, sa garde-robe restait la même par tous les temps.

« Certains ne pratiquent aucun sport, d’autres sont dans un désarroi tel qu’ils sombrent dans la dépression, voire le suicide », ajoute Jean-Marie Meurant. Pour Amandine, le vitiligo est devenu une « obsession ». « Je ne suis pas allée à la piscine avant l’âge de 15 ans et dans le bus, je m’asseyais en posant les mains sur mes jambes, paumes en l’air, pour ne pas que l’on voie les taches sur le dos de mes mains ». Une époque difficile à vivre pour elle et son entourage, en particulier son grand-père, atteint lui aussi de cette maladie génétique.

Jusqu’au jour où, à 18 ans, la jeune femme a décidé qu’elle ne voulait plus vivre de cette manière. « J’ai voulu changer, être plus ouverte sur l’extérieur et m’accepter comme j’étais ». C’est alors qu’elle a rejoint l’association, où elle a fait la connaissance d’autres membres, atteints comme elle de vitiligo. Pour favoriser l’acceptation de la maladie, l’AFV propose régulièrement des ateliers de maquillage correcteur à ses adhérents. Objectif : se sentir plus à l’aise dans son corps, mais aussi « rompre l’isolement qu’entraîne le vitiligo », insiste Jean-Marie Meurant. »

Il existe de belles initiatives pour aider à changer le regard, ainsi <Un photographe sublime la beauté des personnes atteintes par le vitiligo> :

« Pour lutter contre les préjugés, le photographe australien Brock Elbank a choisi de réaliser une série de portraits autour du vitiligo. Interrogé par le site I-D, l’un de ses modèles explique : « certaines personnes ont des physiques plus singuliers que d’autres, en ayant des cheveux différents, des marques sur leur corps, ou bien des taches de rousseur… Mais dans tous les cas, chaque personne est unique. Pour s’accepter, il ne faut pas nécessairement avoir quelque chose d’aussi visible que le vitiligo. Aimez tout ce que vous avez ! La beauté est un mélange de qualités qui vous rendent unique, autant à l’extérieur qu’à l’intérieur. » »

Comprendre le monde, c’est aussi comprendre les autres dans leurs beautés, leurs créativités mais aussi leurs combats et leurs difficultés.

Comprendre, c’est permettre de changer notre regard.

Je trouvais pertinent de partager ces réflexions.

<911>

Vendredi 23 juin 2017

«Aujourd’hui dans toutes les grandes démocraties, nous avons le sentiment que le système a failli»
Lawrence Lessig

Lawrence Lessig est ce professeur de Harvard qui a écrit, en 2000, un article célèbre qui a fait date : « The Code is Law ». J’en avais fait le sujet du mot du jour du mardi 22 mars 2016. Dans cet article, il décrivait comment le code informatique, le matériel créatif du monde numérique, influe sur les règles et au sens le plus formel sur la Loi qui s’impose à nous.

Il continue à être à la pointe de la réflexion sur l’Internet où son combat est de garantir les libertés et défendre la licence libre.

Mais à Harvard il dirige aussi un centre de recherche sur la corruption.

<Mickaël Thébault l’a interviewé sur France Inter>

Dans cet entretien Lawrence Lessig revient d’abord sur la problématique de la liberté sur Internet :

« À l’époque, je travaillais beaucoup sur le droit et la loi autour d’Internet. Très peu de gens savaient véritablement comment fonctionnait l’interaction entre la technologie et l’idéal de liberté, la démocratie dans Internet.

Je faisais partie d’un groupe de personnes qui commençait à essayer de formuler des idées autour de ces thèmes

Une réalité assez déprimante, c’est que nos craintes de l’époque, notamment à propos de l’évolution d’Internet, autour de la tournure que pourraient prendre les choses, sont devenues une réalité. Alors qu’à la base, Internet était un endroit où on pouvait protéger la liberté et la vie privée, c’est devenu l’inverse : c’est un endroit où la vie privée n’existe plus et où l’opportunité de liberté d’expression est de plus en plus restreinte par des entreprises ou par des gouvernements. »

Lawrence Lessig juge la démocratie partout en danger, a fortiori aux États-Unis depuis l’élection de Donald Trump. Il nomme le principal ennemi de la démocratie : la corruption.

«  « Dans toutes les grandes démocraties du monde, nous avons le sentiment que le système a failli.

À la fin de la Seconde guerre mondiale, l’idée était de propager la démocratie parce que cela permettrait la paix et la prospérité, génération après génération. Quelque part je crois que nous avons failli ; nous sommes en situation d’échec.

[…] La situation dans mon pays est corrompue, je ne parle pas simplement de pots de vin ou de corruptions mais de corruption de manière fondamentale, constitutionnelle.

Aux USA, nous avons un système où 30 à 70% du temps de nos parlementaires est utilisé à lever des fonds pour leurs campagnes, à générer des tonnes d’argent. C’est une toute petite fraction de l’Amérique qui discipline le reste ».

Ce n’est pas d’ailleurs un problème américano-américain. Qu’on parle du réchauffement de la planète ou des dépenses astronomiques en matière de défense : on ne pourra pas gérer ces problématiques si on ne gère pas la corruption d’abord. »

Il considère que pour protéger la démocratie le rôle des lanceurs d’alerte est fondamental. Il a même fait intervenir, en direct, Edward Snowden, à Harvard par téléconférence depuis son exil forcé en Russie.

Il dit :

« Il existe de nombreux lanceurs d’alerte. Certains peuvent être critiqués mais d’autres comme Edward Snowden méritent tout notre respect. Il paie très cher aujourd’hui son choix de rendre l’information publique : le gouvernement américain s’était lancé dans une opération d’espionnage de chacun ; personne n’était au courant et Edward Snowden a rendu ça public.

D’aucuns diront qu’il n’a rien changé. Le fait est qu’il y a d’énormes décisions, notamment dans les tribunaux américains, à propos de l’anticonstitutionnalité de ces surveillances et travaux d’espionnage menés par les autorités américaines.

C’est ainsi que le changement se produit. Le fait qu’il y a eu des conséquences profondes pour les Etats-Unis. »

D’abord nous comprenons que si la France est corrompue, les autres pays ne sont pas forcément meilleurs. Rappelons que dans la puritaine Allemagne le grand Helmut Kohl dont nous avons parlé cette semaine est aussi tombé sur une affaire de caisse noire.

Ensuite, je crois que Lawrence Lessig a profondément raison, les lanceurs d’alerte constituent une des solutions mais pour rendre cela opérationnel, il faut qu’ils soient protégés, ce qui est loin d’être le cas pour l’instant.

<910>

Jeudi 22 juin 2017

« Un gouvernement généralement mal inspiré, face à une angoisse générale totale, a cherché la chose la plus spectaculaire qu’il pouvait mettre en place et il a décidé de mettre en place l’état d’urgence »
François Sureau

J’ai déjà évoqué l’avocat François Sureau à deux reprises :

  • Une première fois le 18 septembre 2013 : «Le Droit ne fait pas Justice.» où il expliquait qu’une de ses plus terribles expériences de justice fut lorsqu’il dut participer à une décision du Conseil d’Etat qui refusa l’asile politique à un militant basque Javier Ibarrategui qui se disait menacé de mort en Espagne. Ibarrategui retourna donc dans son pays où des groupes d’extrême droite, des anciens franquistes, l’assassinèrent comme il l’avait annoncé.
  • Une seconde fois beaucoup plus récemment, lorsqu’il plaida devant le Conseil Constitutionnel avec une éloquence et une hauteur de vue exceptionnelles contre cette idée absurde de vouloir interdire et de sanctionner la liberté d’aller sur des sites djihadistes : « La liberté de penser, la liberté d’opinion, […] n’existent pas seulement pour satisfaire le désir de la connaissance individuelle, le bien-être intellectuel de chaque citoyen. […] Elles [existent]  aussi parce que ces libertés sont consubstantielles à l’existence d’une société démocratique ». C’était le mot du jour du 13 février 2017. Pour celles et ceux qui ne sont pas convaincus qu’une telle interdiction est à la fois stupide et liberticide, il faut relire cette plaidoirie.

Cette fois, il était invité par France Culture <aux matins de France Culture> lors d’une émission consacrée aux Libertés Publiques et à l’État d’urgence.

Oui ! Parce que nous avons un vrai problème en France aujourd’hui. Un problème grave : l’état d’urgence mis en place dans la nuit des attentats du 13 novembre 2015, c’est à dire un état d’exception, est toujours en place.

Emmanuel Macron semble avoir pour projet de sortir de l’état d’urgence, en inscrivant dans l’état du Droit commun, des dispositions de l’état d’urgence. Et cela est très grave.

Il faut rappeler d’abord quelques fondamentaux sur l’état de droit, les libertés et le combat des lumières.

Voltaire avait été embastillé par la seule volonté du régent à qui il avait déplu, il n’est qu’un exemple parmi beaucoup d’autres de cette époque. Ce fut par la suite son combat de lutter contre l’arbitraire. Mais dans le domaine du Droit et des Libertés il faut bien reconnaître que nos amis anglais ont toujours eu beaucoup d’avance sur nous. C’est eux qui en 1215, ont imposé la <Magna Carta ou Grande Charte > au Roi pour asseoir la Liberté et les Droits individuels. Et notamment ne pas entraver l’application du droit en arrêtant les hommes libres de façon arbitraire, point qui sera appelé habeas corpus. Wikipedia nous apprend que ce texte avait été précédé par la Charte des Libertés, édictée en 1100 par Henri Ier. Mais cette charte des Libertés était tombée en désuétude.

Mais que dit la Magna Carta dans son article 39 ? : « Aucun homme libre ne sera saisi, ni emprisonné ou dépossédé de ses biens, déclaré hors-la-loi, exilé ou exécuté, de quelques manières que ce soit. Nous ne le condamnerons pas non plus à l’emprisonnement sans un jugement légal de ses pairs, conforme aux lois du pays ».

Comment fait-on cela ?

Par la séparation des pouvoirs !

Wikipedia rappelle que pour l’essentiel, la séparation des pouvoirs a été théorisée par Locke et non par Montesquieu ; qui dans De l’esprit des lois conceptualise surtout la limitation du pouvoir par le pouvoir :

Revenons à des choses plus pratiques. Vous êtes dans un pays de Liberté parce que le Gouvernement et son bras armé, l’Administration et la Police ne peuvent pas débarquer chez vous selon leur bon vouloir, ne peuvent pas non plus vous arrêter s’ils le jugent utile ou vous assigner à résidence chez vous parce que cela leur parait pertinent au maintien de l’ordre. Pour faire cela, parce que cela est nécessaire parfois, ils ont besoin qu’un Juge de l’ordre judiciaire les y autorise préalablement. J’insiste sur le préalablement.

C’est justement à cela que l’Etat d’urgence s’attaque. L’administration agit sans l’autorisation du Juge. C’est une régression fondamentale.

<Un autre avocat Patrice Spinosi a expliqué sur France Inter> comment le Gouvernement s’est fait piéger par manque de clairvoyance et aussi une attitude distante par rapport aux Libertés et à l’Etat de Droit, toujours cité mais peu inspirant.

Lorsque des bandes armées ont déferlé sur notre capitale en tirant sur la foule et dans une salle de concert, il fallait agir vite. L’état d’urgence permettait de le faire et de surprendre les criminels en pleine action ou en train de vouloir continuer leur besogne macabre. Mais dans la semaine, il aurait fallu arrêter l’exception pour revenir dans le Droit commun.

Mais le Gouvernement n’a pas osé. Et plus il attendait, plus cela devenait difficile. Car imaginons un attentat juste après la fin de l’état d’urgence, le gouvernement serait vilipendé et accusé d’inconséquence.

Pourquoi, parce qu’il a essayé de faire croire que l’état d’urgence permettait d’éviter les attentats et de lutter efficacement contre les terroristes.

C’est là qu’il faut être solide et clair dans sa tête et écouter ceux qui savent, pas ceux qui font de la propagande ou de la communication. L’état d’urgence ne sert à rien pour lutter contre le terrorisme dans la durée.

Et François Sureau est un homme solide et clair :

« [En France] nous avons un problème avec la liberté qui tient au fait qu’on aurait pu choisir Montesquieu ou Voltaire. On aurait pu penser [au début de la Révolution française] qu’à l’origine de tout il y avait l’existence d’un homme libre, d’un citoyen libre, d’une personne dont il fallait garantir l’existence, le cas échéant contre l’Etat. Ce n’est pas ce que l’on a choisi. On a choisi Rousseau et le culte de la volonté générale. Il en résulte que lorsque la volonté générale s’exprime par la voix du Parlement et qu’on nous explique que la sécurité vaut tout et la liberté ne vaut rien, tout le monde est d’accord avec cette idée. C’est à dire que le culte absolu de la volonté générale tend à faire disparaître l’idéal des libertés publiques.

Cela a pour conséquence que pendant très longtemps on n’a pas contrôlé les Lois par rapport aux normes constitutionnelles et qu’il a fallu attendre 1971 d’une décision célèbre du Conseil Constitutionnel, à propos de la Liberté d’association, pour que [cette instance] accepte de contrôler la constitutionnalité de la Loi par rapport aux grands principes de la déclaration des droits. Il ne le faisait pas avant. Cela montre quelque chose d’assez profond qui montre que chez nous le combat pour les libertés publiques est toujours à reprendre parce qu’il ne rentre pas vraiment dans l’ADN politique français. […] Nous ne sommes pas un pays libéral [au sens politique de Montesquieu et Tocqueville].

Il faudra probablement que j’écrive un mot du jour sur la fameuse « Volonté générale » de Rousseau que tout étudiant de Droit apprend pendant ses études et qui a servi de fondement aux soviétiques pour considérer que les personnes qui n’étaient pas d’accord avec la volonté générale exprimé par le Parti étaient des dissidents qui sombraient dans la folie et qu’il fallait soit « rééduquer » soit « enfermer » dans des hôpitaux psychiatriques. En effet, celui qui s’oppose à la volonté générale n’est pas un opposant qui exprime une autre opinion, mais un homme qui se trompe. Mais revenons au sujet principal, le diagnostic de François Sureau sur l’état d’urgence.

François Sureau insiste beaucoup sur le fait que nous ne parlons pas ici de libéralisme économique mais politique. En France le mot libéralisme est quasi exclusivement attaché au domaine de l’économie. Il y a d’ailleurs en France une méfiance assez généralisée à l’égard du libéralisme économique qui la distingue de beaucoup de ses voisins. Mais ce n’est pas de libéralisme économique qu’il est question mais bien de politique et de liberté des citoyens qu’il s’agit à la fois de garantir et de protéger. Et surtout de protéger de l’intrusion de l’Etat.

[Cette question des droits de la personne traverse les formations politiques. Il y a tout une partie de la gauche, la gauche de type Vallsiste pour laquelle ces mots n’ont absolument aucun sens exactement comme une partie de la Droite.

C’est alors que Guillaume Erner le relance pour poser la problématique de manière claire : le terrorisme actuel ne mérite t’il pas que l’on pose un mouchoir sur un certain nombre de nos libertés individuelles pour avoir la sécurité collective.

« La vérité est tout à fait l’inverse. […]

Premier point, quand nos pères fondateurs ont posé les principes de nos droits individuels, ils ne l’ont pas fait uniquement pour les situations où tout va bien. Et au moment où nos grands penseurs expliquaient qu’on ne pouvait pas perquisitionner chez quelqu’un sans le mandat d’un juge, qui est à peu près une garantie qu’on a suspendue au moment de l’état d’urgence, on ne pouvait pas traverser la forêt de Bondy sans escorte armée. Les gens qui ont réfléchi [aux exigences] d’une société libre ne l’ont pas fait quand tout allait bien.

Second point, qui est encore plus grave, il y a là-dedans une forme d’imposture. Plutôt que de s’organiser pour que la Police soit réellement efficace à l’égard des 400 personnes qui sont réellement dangereuses, car je suis tout aussi avide de sécurité que tout le monde, pour qu’elle travaille davantage, qu’elle ait plus de moyens pour qu’on recrée par exemple les renseignements généraux, on a préféré suspendre les libertés publiques de l’ensemble des français. Et c’est cela la problématique de l’état d’urgence. […] c’est l’effet de groupes de pression de la justice et de l’administration…]

Les conséquences de l’état d’urgence c’est qu’on s’est servi de l’assignation à résidence pour contraindre des corses à rester chez eux à propos de match de foot en Corse du sud ou encore des écologistes au moment de la COP 21.

C’est cela qui est inacceptable. ! »

L’état d’urgence n’est pas efficace pour ce à quoi on prétend l’utiliser :

« Personne de sérieux ne pense que l’état d’urgence a une quelconque efficacité dans la lutte contre le terrorisme. [La Grande Bretagne n’a pas fait comme nous] Il y a eu 7000 perquisitions administratives pour 4 mises en examen]. Tout le monde sait que cela ne fonctionne pas. Simplement qu’est ce qui s’est passé ? […] Un gouvernement généralement mal inspiré, face à une angoisse générale totale, a cherché la chose la plus spectaculaire qu’il pouvait mettre en place et il a décidé de mettre en place l’état d’urgence. Maintenant, faute de pédagogie ou plutôt avec l’effet de cette pédagogie négative, la plupart des français pense que l’état d’urgence est indispensable à leur sécurité. Il n’en est absolument rien. […] et tout le monde le sait parmi les spécialistes.

On n’a jamais vu un procureur refuser d’ouvrir une enquête préliminaire. On a jamais vu un magistrat anti-terroriste refuser de délivrer un mandat de perquisition.

L’idée de confier au Préfet les missions normalement dévolues aux magistrats est une idée totalement surréaliste.

Mais les gouvernements se sont laissés enfermer dans ce piège. Pourquoi l’ont-ils fait ?

Parce que c’était commode. Parce que c’était de pauvres hommes dépassés par les évènements. »

Sureau parle de la part de nos gouvernants depuis 20 ans d’une furie normative.

« Plutôt que d’avoir un Ministre de l’Intérieur capable de négocier un compromis d’efficacité avec les syndicats de Police, on a préféré faire passer une Loi anti-terroriste par an pour réduire les libertés de tout le monde. En réalité, il n’y a plus d’Etat et c’est pour cela qu’il y a de plus en plus de Lois. La lutte anti-terroriste nécessite de redonner à l’Etat un pouvoir effectif : la recréation de renseignements généraux, une police plus efficace, une police mieux équipée. Alors cela ne se voit pas, cela ne permet pas d’aller au Parlement et de dire : j’ai fait la Loi Tartemolle ! Mais c’est certainement ce qu’il faut faire. »

Sureau donne une explication peu rassurante sur ces errements normatifs de nos gouvernants en parlant de la disparition de la culture philosophique de la classe politique.

« Quand vous regardez les débats parlementaires de la 3ème ou de la 4ème République à propos des législations d’exceptions vous constatez qu’il y avait de vrais débats. […] Il y a des gens inspirés par la philosophie des droits. Ce qui est frappant c’est que ce débat a entièrement disparu du Parlement. Il faut attendre d’être devant le Conseil constitutionnel pour le tenir. […] C’est dû au progrès incroyable de l’inculture de la philosophie juridique chez les parlementaires et probablement à une culture uniquement instrumentale dans son rapport au Droit de l’Ecole Nationale de l’Administration. [Un exemple] quand le Conseil Constitutionnel a décidé de censurer l’interdiction de consultation des sites terroristes, la décision du Conseil Constitutionnel sort à 14h, à 18h on apprend que 4 mecs se sont réunis en commission pour tenter de contourner la décision du Conseil Constitutionnel. Ceci, il y a trente ans aurait déclenché un véritable scandale public »

Et bien sûr cela ne déclencha aucun scandale.

Il me semble que c’est la 3ème fois ou la 4ème fois que je me sens conduit à citer cet avertissement, qui n’a jamais fait l’exergue d’un mot du jour, de Benjamin Franklin, l’un des Pères fondateurs des États-Unis (1706-1790) : « Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre, et finit par perdre les deux.»

<909>

Mercredi 21 juin 2017

« Le triomphe de Macron pose un problème d’éthique démocratique et de représentativité des partis. »
Jean Garrigues

La semaine dernière, après le premier tour des législatives, mon ami Marc m’a écrit : « Je compte sur toi pour que tu inspires nos réflexions sur la représentativité d’un parlement quand plus d’un électeur (inscrit sur les listes électorales) sur deux a choisi de ne pas voter »

J’ai préféré me taire entre les deux tours. J’ai eu raison, il y a bien triomphe des Macronistes, mais un peu plus modeste que celui que prévoyait les sondeurs après le premier Tour.

Emmanuel Macron, avec beaucoup de talent, une vision d’entrepreneur de start up nous a joué cette pièce que les plus audacieux tentent : « sur un malentendu cela peut passer !».

Je ne rappelle pas toutes ces étapes qui ont conduit d’abord Macron à obtenir au 1er tour des présidentielles 24,01 % des suffrages exprimés ce qui représentait 18,19% des inscrits et ses candidats au premier tour des législatives 32,32% des suffrages exprimés (La République en marche (REM) 28,20 et MODEM 4,12). Mais si on rapporte ces suffrages par rapport aux inscrits, le taux n’est plus que de 15,39%.

Par la grâce du système électoral, du positionnement des candidats macronistes et des institutions de la 5ème République, à partir de 32,32% des voix, la majorité présidentielle (REM et MODEM) a eu au second tour 350 élus sur 577, ce qui représente 60,66 % des sièges. C’est ce que l’on peut appeler un coefficient multiplicateur de la 5ème république, il est ici de 1,88.

Nous aimons nous comparer.

En Grande Bretagne, viennent aussi de se dérouler des élections législatives. C’est comme chez nous, mais il n’y a qu’un tour, celui qui est arrivé en tête gagne. Le Parti Conservateur de Theresa May a eu 42,4% des exprimés et quand même 29,14% des inscrits. Toujours est-il qu’avec 42,4% des voix elle a obtenu 317 sièges des 650 ce qui représente 48,8% des sièges. Il y a un coefficient multiplicateur britannique mais modeste 1,15.

Celui qui est arrivé second était le Labour de Corbyn qui avec 40,0% des voix a obtenu 40,3% des sièges, on peut parler d’un coefficient de stabilisation.

Voilà comment cela se passe dans le pays qui a inventé la démocratie parlementaire moderne.

Chez nos amis allemands, le système électoral est plus compliqué mais en résumé il aboutit à une représentation proportionnelle pour tous les partis qui ont obtenu plus de 5% des voix. ¨Par construction ce système électoral conduit à une représentation proportionnée entre les voix exprimés et les sièges. Il y a un petit coefficient multiplicateur qui provient du fait que les partis ayant des sièges récupèrent la proportion abandonnée par les partis ayant obtenu moins de 5%

Bref, nous comprenons toute l’incongruité de notre système électoral en le comparant. Ce n’est pas un système démocratique, c’est une organisation qui vise à donner une majorité à un homme, même s’il a été élu sur un malentendu.

Ce phénomène était déjà à l’œuvre en 2012 avec François Hollande. La majorité socialiste avait obtenu 39,86% des voix exprimés et 57,37% des sièges avec un coefficient multiplicateur français de 1,44 toujours incongru par rapport à nos voisins mais largement inférieur au résultat de cette année. Je sais bien que techniquement cela s’explique très bien grâce au scrutin majoritaire à deux tours où il faut être en capacité d’attirer des électeurs qui n’ont pas voté pour vous au premier tour, ce qui est encore facilité si vous vous trouvez au centre de l’échiquier et qu’un électeur de gauche préférera un candidat « En marche » contre un  candidat de droite et un électeur de droite un candidat en Marche à un candidat de gauche.

Nous pouvons être cependant rassuré puisqu’au lendemain du premier tour, les sondeurs avait prévu plus de 70 % des sièges pour la majorité présidentielle et que nous sommes en deçà. C’est sur cette base que l’historien Jean Garrigues avait répondu la phrase que j’ai mis en exergue, dans un entretien à Challenges. On constate, par la comparaison avec nos pays voisins, que cette opinion reste parfaitement exacte à 60%.

Le plus instructif est quand même qu’Emmanuel Macron a conceptualisé lui même l’incongruité de cette situation. Je cite le futur Président jupitérien  :  «Dans tous les sondages, aucun candidat ne fait résolument plus de 25%. Alors oui, y’en a qui ont des partis, des vieux partis, avec beaucoup d’intérêts. Mais est-ce que quelqu’un peut penser raisonnablement que, élu président, il aura une majorité présidentielle uniquement avec son parti?», s’interrogeait le futur chef de l’Etat. «Moi je n’y crois pas», ajoutait Emmanuel Macron. Avant de marteler: «Non seulement ça n’est pas possible, mais ça n’est pas souhaitable! Parce que ça serait un hold-up ! ».

Un hold-up ! rien que cela…S’il s’était arrêté simplement à «Moi je n’y crois pas», on aurait pu dire qu’il n’était pas assez optimiste. Mais avec le hold-up ! il condamne ce qui est arrivé à sa majorité présidentielle.

Il y a cependant des raisons pour se réjouir, comme le montre cet article du Monde, le nombre de sièges occupés par des femmes a progressé en grand nombre : elles seront 223 députées à siéger dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, ce qui représente 38,65 % des sièges, soit 68 femmes députées supplémentaires par rapport à l’Assemblée élue en juin 2012 (elles représentaient 27 % de la précédente Assemblée). En outre, ce que je trouve encourageant c’est que le différentiel entre le pourcentage de candidates et le pourcentage d’élues a fortement diminué. Ainsi il y avait 42,4% des candidats qui étaient des femmes pour obtenir 38,65% des sièges. Il y a 10 ans il y avait 41,6% de candidates mais que 18,5% de femmes ayant obtenu un siège. Bref on réservait les sièges gagnables aux hommes. C’est toujours le cas, mais en beaucoup plus faible proportion.

En outre, l’assemblée se rajeunit, avec une moyenne d’âge de 48 ans et 240 jours, la XVe législature est plus jeune de cinq ans que la précédente (53 ans et 195 jours).

Et puis, il y a vraiment des piliers du bar de l’assemblée nationale qui ont été enfin remerciés. Exemple emblématique : Gérard Bapt, 71 ans, membre du Parti socialiste a été sèchement battu après 35 ans de mandats cumulés, il aspirait à 40 ans de mandat jusqu’à 76 ans, considérant que l’expérience était la valeur suprême du représentant du peuple.

En même temps, l’inexpérience n’est pas forcément un atout surtout quand elle se cumule avec l’incompétence. Certains candidats, En marche, sont apparus lors d’émissions de télévision particulièrement ridicules. Je n’aurai pas l’indélicatesse de les nommer mais vous pouvez les trouver aisément sur internet.

En revanche, l’article du Monde montre que les élus ne sont pas représentatifs des profils sociaux et des professions des français. Ce sont, les professions aisées qui dominent la nouvelle Assemblée.

Ce sont les gagnants de la mondialisation. Sauront-ils penser aux perdants et améliorer leur situation ?

Car maintenant, il faudra gouverner et arbitrer. C’est une chose de savoir brillamment gagner des élections grâce à son talent, à une part importante de chance et un système électoral très favorable. Mais gouverner c’est autre chose.

Nous qui aimons la France, ne pouvant qu’espérer qu’Emmanuel Macron trouvera des solutions pour améliorer la situation des français, d’une grande majorité de français.

Il a certainement de bonnes idées comme la volonté d’unifier les systèmes de retraite à terme, d’autres me semblent plus problématiques, mais j’en ai déjà parlé.

Certains de mes amis de l’ex Parti socialiste continue à prétendre que François Hollande était un bon président. Ce n’est pas mon avis. Non qu’il soit un homme sans qualité, mais il fut un président médiocre. En revanche il est et restera probablement un très bon analyste politique.

La journaliste Françoise Degois vient de publier « Il faut imaginer Sisyphe heureux : les 100 derniers jours de François Hollande. » Pour cette raison, elle était l’invitée de Anne-Sophie Lapix dans l’émission C à vous du 09/06/2017. Vous trouverez cette émission derrière ce lien <Les 100 derniers jours de Hollande>.

Et dans cette émission (à 12:35) François Degois fait dire à François Hollande cette prophétie : « Le jeune roi sera nu, un jour »

<908>

Mardi 20 juin 2017

«Dans sa vie publique, il toucha le manteau de l’Histoire, sa vie privée fut un désastre. »
Réflexions sur le destin d’Helmut Kohl, inspiré de deux articles du Point et de l’Express

Lorsque Helmut Schmidt est mort le 10 novembre 2015, j’avais écrit un mot du jour en son honneur et j’avais notamment cité un discours exceptionnel de 2011 au Congrès du SPD qu’il avait réalisé en chaise roulante à 93 ans <Vous trouverez ce mot derrière ce lien> .

Je n’avais pas l’intention de faire la même chose pour son successeur Helmut Kohl qui a eu la chance d’être chancelier au bon moment à savoir quand le mur de Berlin s’est écroulé et que Michaël Gorbatchev a laissé faire sans intervenir militairement. Il est donc désormais, devant l’Histoire, comme le chancelier de l’unification allemande.

Il a su faire les concessions nécessaires et prendre des décisions politiques qui ont contribué à ce que cette unité se réalise rapidement.

Mais il ne m’inspirait pas suffisamment avant que je lise cet article du Point qui raconte la face cachée ou les coulisses de ce colosse triomphant qui devrait avoir la statue d’un des pères de l’Allemagne puissante économiquement et pacifique politiquement.

Sort enviable !

Il remplaça Helmut Schmidt, le 1er octobre 1982, non lors d’une élection triomphante mais par un retournement d’alliance du Parti des Libéraux démocrates (FDP) de Hans-Dietrich Genscher qui formait une coalition avec le SPD depuis 69 et qui tomba à droite dans les bras de la CDU-CSU.

Lors de cet affrontement Helmut Schmidt eu cette formule assassine à son encontre : « Vous êtes très sympathique, mais le problème avec vous, c’est qu’on ne sait pas du tout ce que vous pensez. D’ailleurs, pensez-vous ? » .

Avec cette coalition il gagna cependant plusieurs fois les élections législatives et resta au pouvoir de 1982 jusqu’en septembre 1998, où le SPD remporta les élections législatives et Gerhard Schröder devint chancelier.

Par la suite de scandales politico financiers, autrement dit de caisses noires, il fut évincé de la tête du Parti par Angela Merkel qu’il avait pourtant soutenu tout au long de sa carrière et dont il considéra l’acte de le remplacer comme une trahison.

Ce rappel pour dire qu’Angela Merkel est le contraire d’une politique bienveillante et débonnaire.

Mais tout ceci ne m’incitait pas à écrire un mot du jour.

L’article du point que vous trouverez <ICI> donne un autre éclairage. Un éclairage sur ce que coûte le choix de faire de la Politique son seul métier, sa seule passion et ce qui se passe parfois dans l’intime, derrière les murs.

Helmut Kohl a deux enfants qu’il a eu avec sa femme Hannelore et pour le reste je vous livre des extraits de cet article publié le 18/06/2017 par la journaliste Pascale Hugues.

On apprend d’abord qu’à la fin de sa vie Helmut Kohl était très malade et totalement sous l’influence de sa nouvelle compagne de 34 ans sa cadette : Maike Kohl-Richter

«Walter Kohl, 53 ans, le fils aîné d’Helmut Kohl, […] l s’est contenté de déplorer qu’Helmut Kohl ait rompu depuis des années toute relation avec ses deux fils et ses petits-enfants.

[…] Walter Kohl confie pourtant qu’il a essayé à plusieurs reprises de rendre visite à son père, mais la police lui a interdit l’accès à la maison. Cloué dans un fauteuil roulant après avoir, en 2008, fait une mauvaise chute à la suite d’un AVC, incapable de parler distinctement, le visage figé, l’ancien chancelier vivait reclus dans son pavillon d’Oggersheim avec sa seconde épouse, une chrétienne-démocrate feu et flamme, ancienne collaboratrice de la section économie de la chancellerie, qui faisait office de garde-malade et de gouvernante. »

Et la journaliste raconte cette histoire qui vient de loin :

«  Quel contraste en effet entre, d’un côté, l’homme public admiré et, de l’autre, le père de famille absent, dépourvu d’empathie, incapable d’apporter à ses enfants la sécurité émotionnelle dont ils ont besoin pour bien grandir. Walter Kohl estime n’avoir servi qu’à décorer l’image publique de son père. Les Allemands se souviennent du portrait de groupe harmonieux que présentait chaque été la famille Kohl sur les rives du Wolfgangsee : deux garçons en culottes courtes, une mère blonde et éternellement souriante, un père en sandales-chaussettes observant ses rejetons d’un œil bienveillant. Une famille modèle sur fond de paysage alpin idyllique.

C’est Walter Kohl qui a détruit une fois pour toutes cette belle façade. Dans un livre publié en 2011 et intitulé Vivre ou être vécu, qui n’est ni exhibitionniste ni un vulgaire règlement de comptes avec ce père inadéquat, Walter Kohl laisse parler enfin ce petit garçon solitaire, abandonné des adultes. Un de ces nombreux « fils de… » qui n’ont pas droit à une vie comme les autres et connaissent souvent des destins tragiques. Des pères téléguidés par leur agenda bourré d’obligations, de réunions au sommet, de voyages officiels. Ils sont omniprésents dans les médias et absents à la maison. […] À ce train-là, il ne reste guère de temps pour ses fils. « La famille de mon père, constate Walter Kohl, c’était son parti et sa vie, c’était la politique. »

Une enfance exposée aux médias et sous haute protection. Quand durant l’« automne allemand » de la sombre année 1977, les attentats et les enlèvements perpétrés par les terroristes de la Fraction armée rouge traumatisent l’Allemagne, le pavillon d’Oggersheim est transformé en forteresse. Un mur et des barbelés sont érigés autour du jardin. Des vitres pare-balles sont installées dans les chambres des enfants. Interdiction de sortir de la place forte sans être escorté par un garde du corps. […] Quand il ose confier son angoisse à son père, celui-ci se raidit et lui rétorque : « Tu dois faire face ! »

[…]

Walter Kohl décrit cette génération d’Allemands sévères, profondément traumatisés par la guerre, incapables d’avouer une faiblesse, de reconnaître la légitimité d’une inquiétude et de parler à leurs enfants. Helmut Kohl est adolescent à la fin de la guerre. Comme tous les jeunes de son âge, il vit les bombardements, les cadavres extirpés des maisons en feu. Dans les derniers mois de la guerre, cet « écolier-soldat» est réquisitionné comme auxiliaire dans la défense aérienne. Il apprend à enfouir sa peur, à cacher ses émotions et à « faire face ».

Le destin d’Hannelore Kohl est encore plus dramatique. À 11 ans dans sa ville natale de Leipzig, la petite fille accueille avec ses camarades de classe les trains de soldats blessés revenus du front russe. […] À 12 ans, elle est violée à plusieurs reprises par des soldats russes et – c’est ce qu’elle confie à l’un de ses biographes – jetée par la fenêtre « comme un sac de ciment ».

[…] Walter Kohl décrit une mère qui fit de l’autodiscipline sa ligne de conduite. Pas question de se laisser aller ou de se plaindre.

Mais la vie politique a une fin et notamment Helmut Kohl perd la chancellerie. La famille devrait pouvoir vivre plus paisiblement.

« Mais le répit est de courte durée. Quelques mois après le départ à la retraite du patriarche, le scandale des caisses noires de la CDU éclate. Helmut Kohl se retrouve propulsé au centre d’une très vilaine affaire de financement occulte de son parti. Il redevient pendant des mois la cible de la presse allemande déchaînée. La réputation de probité de la famille Kohl est souillée. Hannelore Kohl et ses enfants disent en avoir énormément souffert.

À partir de là, c’est la débandade. Helmut Kohl vit à Berlin, rentre rarement à Oggersheim. Hannelore se retrouve isolée dans le pavillon familial avec pour seule compagnie le fidèle chauffeur des Kohl et l’épouse de celui-ci employée comme gouvernante. Hannelore Kohl, douée pour les langues et qui parlait couramment le français, appartient à cette génération de femmes qui renonça à toute vie professionnelle et personnelle pour se mettre au service de la carrière de son mari.

La tragédie s’intensifie : Hannelore Kohl tombe gravement malade, une allergie rare à la lumière du jour. Elle vit recluse, volets baissés, rideaux tirés, dans la pénombre de son pavillon. Elle ne sort que la nuit et doit renoncer à assister au mariage de son fils Peter en Turquie. En 2001, le chauffeur appelle Helmut Kohl à Berlin : sa femme s’est suicidée.

Helmut Kohl vit avec une nouvelle femme, très jeune par rapport à lui.

«  Peter Kohl raconte sa première visite dans l’appartement de Maike Kohl-Richter alors qu’elle n’était pas encore mariée à son père. Quand la porte s’entrouvre, il découvre un véritable musée à la gloire du chancelier, des photos de lui sur tous les murs. « C’était comme dans un film de propagande. J’en ai eu la chair de poule », confie Peter Kohl, qui a l’impression inquiétante d’avoir à faire à un stalker. Les choses ne tardent pas d’ailleurs à se gâter. Peter et Walter Kohl ne sont pas invités au remariage de leur père. La presse publie une photo qui montre la jeune femme portant un tailleur et des bijoux de famille ayant appartenu à Hannelore. Elle a dû se servir dans la penderie d’Oggersheim. »

L’article relate la dernière visite de Peter Kohl à son père :

«  C’est sa femme qui lui ouvre la porte et le conduit dans le salon. « Mon père avait l’air heureux de nous voir, ma fille et moi. » Mais au bout de dix minutes, comme un enfant qui a peur d’être puni, le chancelier, jadis si puissant, chuchote à son fils : « Il vaut mieux que tu t’en ailles, sinon je vais avoir des ennuis. » Helmut Kohl, affirment ses fils, vivait comme « un prisonnier » ayant totalement perdu le contrôle de sa propre vie. C’est sa femme qui décide qui a le droit de lui rendre visite. […] Entre les fils et le père, le contact est rompu. Walter et Peter n’ont pas vu leur père depuis plusieurs années. »

L’article se termine par ses propos de Walter Kohl qui regrette de ne pas avoir pu faire la paix avec son père de son vivant.

« Les choses sont comme elles sont », soupire-t-il au bord des larmes, avant d’aller se recueillir sur la tombe de sa mère tout près de là.

Pourquoi raconter ces faits et dévoiler la vie privée de ces personnes ?

C’est d’abord pour montrer qu’il y a souvent une grande différence entre ce que l’on voit, ou qu’on nous montre et la réalité de la vie, notamment pour les Hommes politiques.

Je pense que si l’on s’intéresse de plus près à la vie et à la famille de Jacques Chirac, les choses ne sont pas évidentes non plus.

Ensuite, on critique beaucoup les politiques et on a raison. Il y a la soif du pouvoir, le goût des honneurs. Mais il est aussi important que notre univers de connaissance sache qu’il y a une servitude politique qui souvent présente une face sombre. Et que dans cette face sombre, des enfants, des épouses, des familles sont sacrifiées. La recherche du bonheur se trouve rarement sur ce chemin.

C’est l’article du Point que j’ai trouvé le plus précis sur la vie privée de Kohl mais <Vous trouverez ici un long article dans le journal l’Express> dont j’ai tiré l’exergue du mot du jour. Car l’Express nous apprend que les allemands ont cette expression : « Il a touché le manteau de l’Histoire » pour parler des hommes qui ont fait l’Histoire, mais cet article évoque brièvement ce qui est développé dans le Point sous le titre : « Sa vie privée est un désastre ».

<907>

Lundi 19 juin 2017

« Le baccalauréat »
Premier diplôme universitaire en France

Quand on regarde le taux d’abstention ce dimanche au deuxième tour des élections législatives, force est de constater que ces élections ne constituaient pas une préoccupation essentielle des français.

Il est clair, que ces derniers jours, la principale préoccupation des familles françaises ayant des enfants entre 15 et 18 ans, est le Baccalauréat dont les épreuves écrites sont en cours.

Il n’y a pas encore eu de mot du jour sur le baccalauréat, je vais donc tenter de combler cette lacune.

Quand on fait une recherche sur internet on tombe assez vite sur ce document : http://media.education.gouv.fr/file/200_ans_du_bac/42/3/200_ans_du_bac_28423.pdf qui date de 2008 et qui prétend que le baccalauréat avait 200 ans cette année-là.

Parce que cet opuscule prend comme date d’origine le décret du 17 mars 1808 qui organise l’Université impériale. Donc c’est encore une création de l’ère napoléonienne, comme le code civil, la légion d’honneur et tout ce qui compte dans notre bonne vieille France. Ce document nous apprend aussi qu’il y a eu 31 lauréats lors de la première session.

Mais si vous consultez Wikipédia vous avez une autre version qui nous emmène plus loin dans l’Histoire  : les premiers baccalauréats datent en France du XIIIe siècle avec l’apparition de l’Université de Paris. Il s’agit dès cette époque, et c’est encore le cas aujourd’hui, du premier grade universitaire.

Mais d’où vient ce mot : « Baccalauréat » ? Quel est l’étymologie ?

C’est bien sûr du latin. La concaténation des deux mots « bacca » et « laureatus » c’est-à-dire « baie de laurier » ou « orné de laurier ». Comme Jules César dans Astérix qui couvre sa tête d’une couronne de lauriers.

Il faut reconnaître que Goscinny respecte l’Histoire, lors du <triomphe romain> le général vainqueur et plus tard l’empereur portent bien une couronne de lauriers.

Le baccalauréat constitue donc un triomphe.

Mais on lit aussi que « baccalauréat » pourrait venir de l’altération du bas-latin bachalariatus, désignant un chevalier débutant. Ce n’est plus le triomphe qui est au centre mais une sorte de cérémonie initiatique pour les jeunes pour entrer dans la vie adulte.

Vous trouverez ces éléments comme d’autres dans un extrait du Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition, 1932-1935 publié sur Internet

Parmi ces autres précisions vous trouvez par exemple cette réflexion : « En France on prend le baccalauréat pour en finir avec ses études, on fait sa première communion pour en finir avec la religion, on se marie pour en finir avec l’amour. » — (Ernest Bersot, Études et discours (1868-1878), (1879) p. 138)

Le document précité et qui parle des 200 ans du baccalauréat donne les précisions suivantes : Durant l’essentiel du XIXème siècle et au début du XXème siècle, le baccalauréat connaît de multiples réformes, mais son développement reste limité et réservé à une élite restreinte, admise dans un enseignement secondaire payant. Il faudra attendre 1861 pour qu’il y ait enfin une bachelière. Elle s’appelait : Julie-Victoire Daubié et c’est l’Académie de Lyon qui lui a accordé ce diplôme. Les filles ne recevront un enseignement secondaire identique à celui des garçons que dans les années 1920, un peu avant que l’ouverture sociale ne soit rendue possible par la gratuité des études secondaires (années 1930).

Quand les chiffres parlent du baccalauréat, il est souvent question du taux de réussite toujours très élevé. Mais ce qui me parait pertinent de mesurer c’est la proportion de bacheliers sur une génération.

Elle était de 3% en 1945 et était monté à 25 % en 1975 (Annie a eu son bac cette année-là et moi l’année suivante en 1976.)

C’était en 1985, le ministre de l’éducation était Jean-Pierre Chevènement que l’objectif de 80 % d’une génération au niveau du baccalauréat était promis pour l’année 2000. Pour ce faire, on crée le bac professionnel en 1987 qui fait bondir le nombre de bacheliers d’une génération. La « massification du lycée » dure dix ans. Mais à partir de 1995, le nombre de candidats au bac cesse d’augmenter, et la proportion de bacheliers dans une génération stagne autour de 62 %. Puis un pallier est franchi en 2009, celui des « 65 % » (65,5 % en 2009, 65,3 % en 2010) et en 2011 un bond de 6 points porte cette proportion à 71,6 %.

Je tire toutes ces informations de <cet article> du Monde.

Et ce site de <L’Education nationale> nous apprend que la part des bacheliers dans une génération est montée à 77,7 % en 2015 et de 78,6 % en 2016.

16 ans après l’an 2000, l’objectif de 80 % d’une génération n’est toujours pas atteint.

Mais à mon sens, le baccalauréat pose bien d’autres questions que nous avons connues en tant que lycéen et plus tard de parents.

Qu’est-ce que ce remue-ménage qui mobilise les salles de classes comme les professeurs des lycées pendant toute la seconde quinzaine de juin, fermant en réalité les établissement pour les classes non concernées par cet examen et amputant l’année scolaire déjà particulièrement court et dense en France ?

Qu’est-ce que c’est que ce leurre d’une première sélection universitaire en juin, alors que la véritable sélection se passe en début année et sur les résultats du premier trimestre et de l’année de première pour l’entrée dans les classes préparatoires des grandes écoles qui sont aujourd’hui encore la filière de l’excellence essentiellement pour les enfants des classes privilégiées ?

Enfin, cette promesse de 80% d’une génération au niveau du bac était aussi une promesse d’amélioration des métiers et des salaires de toute cette partie de la génération qui faisait l’effort de continuer les études. Et c’est le contraire qui s’est réalisé : la multiplication des boulots « débiles » (j’essaie ce mot pour éviter celui de boulots de merde) et une diminution assez générale des salaires perçus par les jeunes. Ce problème n’est pas que français, mais il montre aussi en France, quand on le place en regard de cet objectif de 80%, de l’échec des politiques à créer les conditions de l’amélioration de la société dans son ensemble.

<906>