Mardi 17 octobre 2023

« Je n’aurai pas le temps […] de visiter toute l’immensité d’un si grand univers. »
Texte de Pierre Delanoë, chanté par Michel Fugain et titre d’un ouvrage de Hubert Reeves

Nous sommes dans un monde de violence.

Et la violence, hélas, mille fois hélas, paie.

L’israélien fanatique qui a tué Yitzhak Rabin a gagné, le processus de paix engagé par les accords d’Oslo a été enterré.

L’Azerbaïdjan a récupéré le Haut Karabakh par une violence inouïe, elle a gagné, personne ne proteste, ou si mollement.

Poutine a usé de violence sur tous les fronts. Nous avons l’intuition qu’il va garder la Crimée et une partie de l’Ukraine. Par lassitude nous accepterons cette situation de fait.

Les islamistes monstrueux qui ont pratiqué le carnage de Charlie Hebdo ont gagné, plus personne ne caricature le prophète de l’islam.

Cette religion que certains veulent voir ou proclamer comme une religion de paix et qui aujourd’hui dans le monde fonde des régimes odieux et des organisations criminelles à l’égard des femmes, des idées, de la connaissance et de ceux qui ne croient pas ou ne suivent pas leur récit intégriste.

Ce n’est au nom de la Palestine mais au cri de la formule du « takbir » que les criminels du Hamas ont tué, massacré, mutilé enfants, femmes et hommes parce qu’ils étaient sur le sol de l’État d’Israël, juifs et aussi non juifs

Le takbir est cette expression arabe, utilisée dans l’islam : « Allahu akbar » ou « Allahou akbar » parfois transcrite « Allah akbar », qui signifie « Allah est [le] plus grand ».

Nous pouvons craindre que ces actes de terrorisme, ces crimes de guerre et ces crimes contre l’humanité, car ces 3 appellations correspondent, toutes les trois, à la réalité des faits, vont entrainer encore plus de violence et de chaos, ce que les odieux stratèges du Hamas avaient anticipé.

Alors, cela fait du bien de parler d’un homme doux, d’un homme sage, d’un humain qui a cherché à comprendre le monde, non en cherchant de manière abêtissante dans des récits proclamés « sacrés » une vérité qui ne s’y trouve pas, mais en observant l’univers, en l’étudiant humblement, en faisant des expériences et en acceptant de distinguer entre ce que l’on pouvait savoir, ce qui était probable et l’immensité de ce que l’on ne savait pas.

Cet homme qui disait :

« Quand il y a plusieurs hypothèses, c’est qu’on ne sait pas »

Cet homme était Hubert Reeves, il est parti rejoindre les étoiles ce vendredi 13 octobre 2023 à 15:15 . Il avait 91 ans

En 2008, il a publié un livre de 348 pages : « Je n’aurai pas le temps » dans lequel il parle de son parcours, de son enfance québécoise à sa carrière scientifique internationale, de son milieu familial à sa renommée médiatique et à ses engagements écologiques.

Il décrit la quête de cet ouvrage de la manière suivante :

« Le motif de ce livre peut se résumer en ces quelques mots : “un homme et son métier”. Comment ai-je atterri dans ce monde de la science ? Que m’a-t-il apporté ? Que lui ai-je apporté ? Je parlerai de mes moments de bonheur, d’euphorie, et aussi de mes frustrations. Je décrirai les projets que j’ai poursuivis et comment ils m’ont amené à visiter le vaste monde. »

Le titre de son livre a été inspiré directement de <cette chanson> de Michel Fugain dont les paroles ont été écrites par Pierre Delanoë

« Je n’aurai pas le temps
Pas le temps
Même en courant
Plus vite que le vent
Plus vite que le temps
Même en volant

Je n’aurai pas le temps
Pas le temps
De visiter
Toute l’immensité
D’un si grand univers
Même en cent ans
Je n’aurai pas le temps
De tout faire »

« La terre au carré » de Mathieu Vidard a consacré un <Hommage à Hubert Reeves> en rediffusant des parties d’émissions auxquelles il a participé. La première d’entre elles était consacrée à la sortie de ce livre « Je n’aurai pas le temps »

La première fois que j’ai évoqué Hubert Reeves, ce fut en 2015, dans un mot du jour consacré à la théorie de la réfutabilité de Karl Popper : « Une théorie qui n’est réfutable par aucun événement qui se puisse concevoir est dépourvue de caractère scientifique. »

C’était pour illustrer cette théorie par une remarquable conférence de Hubert Reeves <La crédibilité de la théorie du big bang par Hubert Reeves>

Un an après, entre le lundi 14 mars et le vendredi j’ai consacré 5 mots du jour à un livre que je venais de lire : « Là où croit le péril, croit aussi ce qui sauve »

Voici le lien vers le premier article : « C’est une chose étrange à la fin que le monde… »

Dans l’émission hommage de la terre au carré, Hubert Reeves révèle que s’il pouvait vivre une nouvelle vie, il serait à nouveau astrophysicien, mais qu’il apprendrait aussi à faire de la musique et plus précisément à jouer du violoncelle.

Le dernier mot du jour consacré à Hubert Reeves, le 23 avril 2021, avant celui d’aujourd’hui était aussi consacré à la musique : « Schubert, il est mort. […] Et pourtant il n’est pas mort. Il est avec moi, il vient me parler, il me parle »

Hubert Reeves disait que :

« [Ma plus grande fierté] est quand des gens me disent qu’après avoir lu un de mes livres, ils se sont sentis plus intelligents. »

Et il a écrit beaucoup de livres qui rendent plus intelligents celles et ceux qui ont la bonne idée de les lire.

Vous trouverez derrière ce lien <Hubert Reeves> le site consacré à cet homme doux et sage et sur lequel il est écrit sobrement : « Le présent site, maintenu par un membre de sa famille, restera en ligne aussi longtemps que les ressources nécessaires seront là pour le permettre, afin de perpétuer son souvenir. »

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Jeudi 6 avril 2023

« Il y a chez lui une arrogance nourrie d’ignorance sociale et de méconnaissance de l’histoire des démocraties. »
Pierre Rosanvallon parlant de notre Président de la République

Ce jeudi 6 avril 2023 constitue la 11ème journée nationale de mobilisation, depuis le 19 janvier, contre la réforme des retraites.

Élisabeth Borne a reçu les organisations syndicales, ce mercredi, dans un dialogue de sourd dans lequel, au bout d’une heure, la partie syndicale a quitté la réunion.

Tout au long de ces semaines, la cheffe de gouvernement n’a pas négocié avec les représentants sociaux, elle a préféré négocier avec le parti des républicains, pensant cette manière de faire plus efficace. Bref, elle a cherché un compromis politique et non un compromis social. Et, elle a échoué.

Il semblerait que le Président Macron parie sur un essoufflement du combat syndical : l’inflation, le manque à gagner des jours de grève et la lassitude conduisant à une diminution de la mobilisation. Et, si en outre, parmi les derniers manifestants, la violence se déchaine, rapidement la majorité des français qui aiment l’ordre se détourneront de ce mouvement qui les inquiétera, dès lors.

Il reste la décision du Conseil Constitutionnel, le Conseil pourrait-il censurer l’intégralité de la Loi ?

Les constitutionnalistes ne sont pas d’accord.

<France Inter> avait réuni deux d’entre eux.

Dominique Rousseau pense qu’une telle censure totale est possible, parce que selon lui :

« Il y a dans la procédure d’adoption de la loi sur les retraites une accumulation d’outils qui font que personne ne peut contester que le débat a été peu clair et insincère »

Il s’appuie sur une décision du Conseil Constitutionnel qui exigeait que pour l’adoption d’une loi il fallait qu’il y eut un débat clair et sincère. Or selon lui, les explications avancées par le Gouvernement sur des points précis comme la retraite minimale de 1200 euros ou comme l’utilisation de tous les arcanes de la Constitution pour raccourcir le temps d’examen du texte peuvent conduire à cette sanction.

L’autre constitutionnaliste, Anne Levade, ne croit pas à cette hypothèse. Pour l’instant, le Conseil constitutionnel n’a censuré intégralement que deux textes un en 1979 et l’autre en 2012.

Dès lors, s’il n’y a pas censure intégrale et si comme le croit le Président, la contestation sociale s’essoufle, la Loi sera promulguée et entrera en vigueur.

Cette victoire légale, si elle a lieu, me semble pleine de danger politique.

Je crois que, dans ce cas, le cœur du corps social français gardera un profond ressentiment de toute cette affaire.

Les rocardiens et même Michel Rocard avant sa mort ont exprimé beaucoup de soutien à Emmanuel Macron.

Je crois que ce temps est révolu.

L’un d’entre eux : l’historien Pierre Rosanvallon exprime dans « Libération » dans un article publié le 3 avril 2023 :

« Or, le grand problème d’Emmanuel Macron est qu’il n’a qu’une expérience sociale et politique limitée, étant passé directement de l’ombre à l’Elysée. Il y a chez lui une arrogance nourrie d’ignorance sociale et de méconnaissance de l’histoire des démocraties. Il est certain que dans l’optique d’une refonte des institutions, le comportement actuel du chef de l’Etat pose la question de la mise en œuvre constitutionnelle d’autres moyens de résolution des crises qui partent d’en bas. Le référendum d’initiative partagée n’en est qu’une modalité trop modeste. Faute de cela, le temps des révolutions pourrait revenir ou bien ce sera l’accumulation des rancœurs toxiques qui ouvrira la voie au populisme d’extrême droite. »

Pour Rosanvallon Macron doit faire « demi-tour » sur le recul de l’âge de départ à la retraite. Et il ajoute :

« Rarement un projet de réforme gouvernemental aura été aussi mal préparé et envisagé sur un mode aussi technocratique et idéologique, alors qu’il y a une discussion complexe et argumentée à mener sur le financement des retraites. Sur le fond, le débat a été escamoté en étant rétréci à la question de l’âge de départ. Cette approche ne prend pas en compte la diversité des situations et des conditions de travail. Le rapport au travail aurait ainsi dû être abordé en préalable à toute discussion sur le financement. La retraite, c’est le rétroviseur de la vie. Cette dimension existentielle n’est pas prise en compte dans le projet actuel. »

Dans un autre article de Libération publié le même jour, le journal constate que :

« Alors qu’il avait dans un premier temps séduit les milieux intellectuels, le Président voit de plus en plus d’anciens soutiens s’élever publiquement contre lui. Jusque dans ses relais les plus proches. »

Et parmi ceux-ci, celui qui a été en quelque sorte son mentor : Jacques Attali qui l’avait présenté à François Hollande en 2010, évènement essentiel dans le parcours exceptionnel de celui qui allait devenir notre jeune président en 2017.

Jacques Attali écrivait simplement, le 15 mars 2023, toujours dans Libération : « Cette réforme des retraites est mal faite et injuste. » et précisait :

« Non, reculer l’âge de départ n’est pas la bonne méthode. J’ai toujours été favorable à la retraite à points, un système plus juste et plus équitable. Autrement, on peut se concentrer sur la durée de cotisation. Je ne suis pas du tout favorable au report de l’âge légal de départ à 64 ans, d’autant plus qu’il s’agit d’un âge fictif. Quelqu’un qui a besoin de 43 années de cotisation et qui a commencé à travailler à 25 ans partira à la retraite à 68 ans alors que celui qui a commencé à travailler plus tôt est pénalisé. Avec l’augmentation de l’âge de départ, le gouvernement s’est focalisé sur quelque chose d’absurde… »

«Reculer l’âge de départ à 65 ans est à la fois injuste et inefficace», observait, toujours dans Libération, quelques mois plus tôt Philippe Aghion, l’économiste qui avait été un des principaux inspirateurs du programme d’Emmanuel Macron en 2017.

Dans le mot du jour du 24 juin 2022 « Macron ou les illusions perdues. » j’évoquais le livre de son ancien professeur François Dosse, qui avait été celui qui avait présenté le jeune homme à Paul Ricoeur. François Dosse avait été enthousiaste par l’arrivée de Macron à la présidence de la République avant de déchanter.
Libération précise que François Dosse n’a loupé aucune manifestation contre la réforme des retraites et qu’il a donné cette opinion sur son ancien élève :

« Sa capacité d’absorption des choses et de maîtrise fait qu’il ne connaît pas la marche arrière, il est toujours sûr d’avoir raison. »

Devant un tel déluge de critiques, un homme raisonnable devrait s’interroger.

Mais le Président Macron est il raisonnable ou s’est-il laissé enfermer derrière les murs de l’Élysée dans une prison de certitudes dont la plus dangereuse est qu’il soit le seul à comprendre ce qui est utile et nécessaire à la France et aux français ?

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Jeudi 30 mars 2023

« Ils n’ont pas vu un artiste exprimant un avis, mais un fournisseur retardant la livraison de la marchandise à son client. »
Réflexions personnelles suite à une attitude médiocre d’une partie du public de l’auditorium de Lyon le 17 mars

Ce jour-là, Annie et moi n’étions pas au concert de l’Auditorium de Lyon.

C’était le vendredi 17 mars, un jour après la décision du gouvernement d’utiliser l’article 49 alinéa 3 de la Constitution pour faire adopter la réforme de la retraite par le Parlement.

François Apap, bassoniste et représentant de l’Orchestre national de Lyon a pris la parole avant le concert pour dire l’opposition des musiciens à cette réforme et en donner les raisons.

<BFM TV> a mis en ligne une vidéo de ce moment.

Postérieurement, cette même chaîne a donné la parole au musicien qui s’était exprimé : < On m’a lancé des pièces > :

« Ça a été très compliqué sur scène, parce que j’ai entendu des insultes « ta gueule », « on n’est pas là pour ça », etc. On m’a lancé des pièces sur scène. Ce soir-là, ça a quand même été très violent. On ne s’y attendait pas. L’orchestre s’est très mal senti après cette scène.

Pour François Apape, face aux invectives de la foule qui ont duré de longues minutes, les musiciens auraient dû faire le choix de « sortir de scène, attendre 10-15 minutes dehors avant de revenir pour le début du concert. […]

Un témoin avait rapporté à BFM Lyon que « le public s’était indigné immédiatement, sans savoir de quoi il allait être question, haut et fort. Le discours n’avait même pas commencé qu’on entendait des « remboursés » vindicatifs ».

Selon la « Lettre du musicien » que « Mediapart » a cité dans <un Article> que Christiane m’a fait parvenir :

«  À peine les haut-parleurs avaient-ils annoncé qu’une déclaration précéderait le concert, vendredi 17 mars, que des cris ont fusé dans la salle : « On n’est pas là pour ça ! », « Vous nous faites chier ! ». François Apap a poursuivi sa lecture malgré les quolibets : « J’ai vu des regards haineux tandis qu’on me hurlait : “Ferme ta gueule et joue.” On m’a même jeté une pièce sur scène, traité de “chochotte”, de “connard”… », raconte le musicien.

Des applaudissements ont tenté, en vain, de couvrir les huées : « La salle était en quelque sorte coupée en deux », témoigne Antoine Galvani, secrétaire général du Syndicat des artistes musiciens en Rhône-Alpes (Snam-CGT). »

Il va, sans dire, que si Annie et moi avions été dans la salle nous aurions été du coté des applaudissements. Il y a quelques années, nous avions assisté à un évènement du même type qui avait déclenché un comportement hostile d’une partie public, mais les applaudissements avaient alors couvert les sifflets. Ce ne fut pas le cas, semble t’il, le 17 mars.

Cet article donne aussi une partie des arguments développés par François Apap :

« Je sais que la culture de la musique classique passe pour propre et lisse et que, pour certains, elle devrait le rester. Mais nous devons faire face à une forme de pénibilité encore taboue, qui fait beaucoup de dégâts sur les corps, notamment dans le pupitre des cordes. » Le bassoniste évoque, à l’Orchestre national de Lyon, quatre musiciens absents de leur poste depuis plus d’un an, une majorité contrainte de consulter régulièrement des ostéopathes, mais aussi de souscrire à des assurances supplémentaires, une partie des troubles musculosquelettiques n’étant pas suffisamment prise en charge par la Sécurité sociale.« Nous sommes des sportifs de haut niveau. Mon texte, à cet égard, n’était ni belliqueux ni agressif. Il visait seulement à souligner que tenir deux ans de plus, ce n’est pas possible pour certains d’entre nous, d’autant plus dans un contexte de gel des postes, de concerts annulés, et de salaires qui ne chiffrent pas par rapport aux exigences qu’on nous demande. Cette déclaration englobait aussi les intermittents, les femmes, qui souffrent de carrières hachées… »

L’article montre aussi que cette attitude n’est pas limitée au public de Lyon :

« Faut-il donc tenir pour exceptionnelles les réactions du public de l’Auditorium de Lyon ? En novembre dernier, les ouvreurs et ouvreuses de la Philharmonie, qui tractaient également pour leurs conditions de travail, recevaient un accueil mitigé, voire hostile de la part des spectateurs et spectatrices : « Parfois, on nous répond : “Ne vous plaignez pas, au moins vous avez du travail” », rapportait amèrement une employée. Tandis qu’à Lille, le 19 janvier, une prise de parole similaire à celle de François Apap, juste avant un concert de l’Orchestre national de Lille, rencontrait le même accueil. »

Que dire ?

Il y a donc des personnes probablement aisées, selon mon expérience de l’auditorium, plutôt âgées, probablement déjà à la retraite qui ne tolèrent pas que leur acte de consommation soit interrompu par un avis divergent du leur.

Parce qu’ils pouvaient ne pas être d’accord avec les propos du musicien, c’était leur droit.

Mais il leur appartenait d’écouter avec respect et silence un avis qui était contraire à leurs idées.

Dans quel monde veulent-ils vivre ?

Dans un monde où il n’existe qu’une opinion, la leur ?

Zygmunt Bauman décrivait une telle attitude :

« S’enfermer dans […] une zone de confort, où le seul bruit qu’on entend est l’écho de sa propre voix, où la seule chose qu’on voit est le reflet de son propre visage.»

Ce monde dans lequel ils s’enferment, dans lequel il n’y a plus d’opinions divergentes mais une vérité et des erreurs est un monde triste, stérile, morbide.

Ce sont non des esprits de culture, ouvert à l’art et aux artistes.

Quand le musicien a pris la parole, ils n’ont pas vu un artiste exprimant un avis, mais un fournisseur retardant la livraison de la marchandise à son client.

Ce sont de vils consommateurs.

Le philosophe allemand, Peter Sloterdijke, disait :

« La liberté du consommateur et de l’individu moderne, c’est la liberté du cochon devant son auge. »

Ils n’ont même plus de savoir vivre !

Moi qui pensais, qu’au moins, les bourgeois avaient toujours comme qualité, la politesse.

Force est de constater que celles et ceux qui ont hué le musicien, en étaient dépourvus.

<1741>

 

Jeudi 9 juin 2022

« Pourquoi Le Monde, Libération, l’Obs n’ont pas parlé de l’assassinat d’Alban Gervaise ? »
Je n’ai pas la réponse à cette question délicate

Alban Gervaise était âgé d’une quarantaine d’années. Il était radiologue, médecin chef à l’hôpital militaire Lavéran de Marseille.

Il était marié et père de trois enfants.

Le 10 mai il est allé chercher deux de ses enfants de 3 et 7 ans, scolarisés en maternelle et en CP dans une institution catholique de Marseille.

Un homme a surgi par-derrière et lui a asséné plusieurs coups de couteau. L’agresseur a été maîtrisé et désarmé par quatre passants.

Lors de son arrestation il a affirmé à la police avoir attaqué au nom de Dieu. Selon des témoins, l’homme aurait crié des allégations religieuses pendant l’agression.

Alban Gervaise est décédé dans la nuit du 27 mai de la suite de ses blessures.

L’homme qui a été arrêté est de nationalité française, il a 24 ans et se prénomme Mohamed.

J’ai appris cela sur Facebook, Céline Pina a publié cette information accompagnée d’un long commentaire.

Céline Pina est proche du Printemps républicain, ce mouvement politique de gauche créé en 2016 notamment par Laurent Bouvet a pour ambition de défendre les valeurs de laïcité et d’universalisme contre des dérives communautaristes et notamment l’islamisme politique pour lequel il dénonce la complicité qu’auraient certains mouvements et partis de gauche. Les premiers traitent les seconds d’islamo-gauchistes qui en retour les accusent d’islamophobes.

Pour celles et ceux qui ont un compte Facebook, vous pouvez aller voir la publication que Céline Pina a rédigé sur Facebook, pour les autres vous pouvez lire le contenu de cette publication <ICI>.

Ce qui m’a interpellé c’est le fait que je n’ai pas entendu parler de ce fait divers et que Celine Pina affirme que les grands médias n’ont rien dit sur cette affaire qui date de presque un mois.

Abonné au Monde, à Libération et à l’Obs, j’ai utilisé hier le moteur de recherche de chacun de ces médias pour vérifier s’ils ont publié un article, un petit entrefilet sur ce sujet.

Force est de constater que la réponse est négative !

Vous trouverez dans cet article la preuve en image.

J’ai fait des recherches et j’ai trouvé des informations sur des sites d’extrême droite.

Parmi les grands journaux nationaux, j’ai trouvé le « Figaro » qui a publié dès le 10 mai l’information :

< Marseille : un père de famille attaqué au couteau à proximité d’une école catholique>

J’en cite des extraits :

« Un père de famille âgé de 40 ans a été poignardé une dizaine de fois au niveau de la gorge, mardi 10 mai aux alentours de 18h, dans le 13e arrondissement de Marseille, a appris Le Figaro de sources concordantes. »

Celine Pina fait remarquer qu’il y a un mot français pour signifier « poignardé au niveau de la gorge » et ce mot est égorgé !

« Appelés sur les lieux, les secours ont entrepris un massage cardiaque. Grièvement blessée, la victime a été transportée à l’hôpital Nord avec un pronostic vital très engagé. Il est actuellement en réanimation intensive. « Une enquête pour tentative d’homicide volontaire est ouverte et confiée à la Sûreté Départementale», indique le parquet de Marseille au Figaro.

Les faits ont eu lieu à proximité du groupe scolaire catholique Sévigné, chemin du Merlan à la Rose. La victime, médecin militaire radiologue à l’hôpital Laveran, a été attaquée pour une raison encore inconnue alors qu’il était sur le point de reprendre sa voiture stationnée à une cinquantaine de mètres de l’école. Il était accompagné de ses deux enfants de 3 et 7 ans, scolarisés en maternelle et en CP dans l’école catholique, qu’il venait de récupérer. Assis sur un banc à proximité, l’agresseur a surgi par derrière avant de s’acharner sur sa victime, lui assénant plusieurs coups de couteau dans le thorax.

Maîtrisé et désarmé par quatre passants, l’agresseur a été interpellé par les policiers avec un couteau suisse en sa possession. Il s’agit de Mohamed L., 23 ans, né à Brignoles (Var). L’individu est connu des services de police mais pas du renseignement territorial. Selon plusieurs témoins, le suspect aurait crié des allégations religieuses lors de l’attaque, déclarant notamment « avoir agi au nom de Dieu ». Placé en garde à vue, l’homme a tenu des «propos délirants» évoquant «Dieu» et «le diable». Les policiers n’ont pas pu mesurer son alcoolémie en raison de son état « très agité ».

Les motivations du mis en cause restent floues

Les éléments recueillis ne permettent pas à ce stade d’établir les motivations du mis en cause, a indiqué le parquet de Marseille au Figaro mercredi 11 mai. La veille, une source policière indiquait à l’AFP que l’hypothèse terroriste avait été définitivement écartée par les enquêteurs et que l’agresseur souffrait de troubles psychologiques. »

Le FIGARO a publié un nouvel article à la mort de Monsieur GERVAISE : <le père de famille attaqué au couteau devant l’école de ses enfants est décédé> et le 1er juin un billet d’analyse de l’essayiste, biographe et haut fonctionnaire, Maxime Tandonnet  «L’affaire Alban Gervaise révèle la banalisation de la barbarie quotidienne»

Je n’ai pas trouvé un autre grand journal national ayant parlé de ce drame.

Il y a eu quelques journaux régionaux comme le <Républicain Lorrain> parce qu’il avait effectué une partie de sa carrière de médecin militaire en Lorraine.

Il y a aussi <Sud Ouest.fr> et des journaux marseillais.

Pour le reste, le silence.

Les médias auquel pour ma part je m’informe généralement, n’ont pas jugé utile de dire ce fait.

Ils ont laissé toute la place aux sites d’extrême droite pour en parler largement.

Et pour ma part de me plonger dans un abîme de perplexité.

Est-ce protéger la communauté musulmane, toutes celles et ceux qui veulent vivre paisiblement leur foi en France en évitant de révéler qu’une nouvelle fois, un homme se réclamant de la religion musulmane a tué un autre homme en prétendant le faire au nom de sa religion ?

Cet homme est peut-être fou, mais pour autant ne faut-il pas en parler ?

Ne peut-on pas s’interroger pourquoi des déséquilibrés veulent invoquer le Dieu de l’Islam pour tuer ?

Chaque jour nous recevons des flots d’information plus ou moins pertinent. L’égorgement d”un père de famille devant ses deux enfants à proximité d’une école catholique marseillaise n’est-elle pas une information qui mérite d’être connue nationalement ?

Grâce au Républicain Lorrain, nous disposons d’une photo de Alban Gervaise.

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Lundi 5 octobre 2020

« Schadenfreude»
Mot allemand qui signifie la joie du dommage qu’autrui subit

La réputation de la langue allemande a beaucoup souffert des errements des allemands lors de la première moitié du XXème siècle. Pour beaucoup c’était devenu la langue des nazis et de la Gestapo. Les films montraient des gens en uniforme, agressifs voire carrément odieux et qui vociféraient des ordres ou des injures dans la langue de Goethe.

Il ne faut cependant pas oublier que la langue allemande est aussi la langue de Goethe, de Rilke dont j’ai parlé récemment et aussi des grands philosophes allemands.

Et c’est probablement pour aider les philosophes dans leurs réflexions que l’allemand offre des mots qui n’existent pas dans les autres langues.

<Le mot du jour du 15 avril 2019> avait pour objet un tel mot : « Die Heimat »

Aujourd’hui l’actualité me donne l’occasion de parler d’un autre mot intraduisible par un mot français : « Schadenfreude ». Cette fois ce mot utilise cette facilité de la langue allemande de construire un mot en accolant deux autres mots.

« Schaden » signifie le dommage ou le dégat. Et « Freude », tout le monde le sait grâce à Schiller et à Beethoven signifie « joie ».

Il y a bien une expression française qui permet de traduire ce mot : « Se réjouir du malheur d’autrui ».

Guillaume Erner dans la petite chronique qu’il tient au début « des matins de France Culture » avait consacré celle du < 02/07/2018> à «Schadenfreude, la joie mauvaise à l’idée du malheur d’autrui »

Il avait abordé ce sujet de cette manière :

« Ça n’est pas très avouable, mais puisque l’on est entre nous on peut se le dire : être heureux ne suffit pas, ce qui importe c’est que les autres soient malheureux. Ce principe c’est la notion que Freud a nommé la Schadenfreude – la joie mauvaise à l’idée du malheur d’autrui.

Ce principe est en réalité beaucoup plus puissant que les multiples méthodes proposées aujourd’hui pour nous apprendre à être heureux. Beaucoup de sages et de moins sages, de psy quelque chose, bref des bonheurologues nous proposent d’éprouver le plaisir de la joie d’être heureux.

Et à chaque coup, ça ne rate pas, ça rate.

Si ces méthodes destinées à être heureux seul, ou en couple, pire en famille, et pourquoi pas en troupeau, si ces méthodes avaient la moindre efficacité, vous vous doutez bien que la consommation de psychotropes, drogue et alcool aurait chuté – si les méthodes de « Self Help » comme on dit aux Etats unis pour qualifier ce rayon gigantesque dans les libraires, si ces méthodes ne fonctionnent pas, c’est peut être parce que l’on est trop angélique.

En réalité, ce qu’il faut pour nous sentir bien, ça n’est pas seulement être heureux, c’est aussi et surtout savoir que les autres sont malheureux. Cette certitude est bien antérieure à Freud – Aristote en avait déjà fait la remarque dans l’Ethique à Nicomaque.

Chez Aristote on trouve un mot nouveau Epichairekakia, un mot qui peut se traduire littéralement par joie née du mal, terme qui désigne la vilaine émotion que ressent celui qui, loin de s’affliger du malheur des autres, s’en réjouit. Beaucoup de temps a passé depuis Aristote, mais ce sentiment demeure – c’est lui qui explique que l’on puisse rire bêtement quand quelqu’un tombe, sentiment tellement présent qu’il a donné naissance a des heures de programme télévisés, les calamiteux sottisiers.

Plus encore, si l’on en croit Spinoza, une bonne part de la compassion serait de la Schadenfreude. Nous plaignons quelqu’un pour sa souffrance, on prend de ses nouvelles, mais en réalité, une joie mauvaise bouillonne en nous, la compassion serait ainsi bien souvent un sentiment ambivalent. »

Il donne ainsi parfaitement raison à la psychologue « Lea Boecker » qui explique dans le journal allemand <der Spiegel> :

« Schadenfreude ist ein allgemeinpsychologisches Phänomen. Menschen auf der gesamten Welt empfinden sie. Sogar in Ländern, in denen es nicht einmal ein Wort für Schadenfreude gibt. »

Ce que je traduirai de la manière suivante : « Schadenfreude constitue un phénomène universel que les humains du monde entier éprouvent même dans les pays où le mot « Schadenfreude » n’existe pas ».

Le Spiegel vient de publier cet article récent en utilisant le mot Schadenfreude pour la raison que Donald Trump vient d’attraper la COVID 19 et que certains éprouveraient une joie mauvaise à cette nouvelle.

Le journal pose la question à la psychologue pour savoir si cela est permis ?

A priori les gouvernants du monde n’expriment pas un tel sentiment. Tous ont manifesté de la bienveillance et souhaité un prompt rétablissement au président des États-Unis.

Nous ne pouvons que faire de même et ne pas éprouver de « Schadenfreude » devant cette épreuve que traverse Donald Trump.

Toutefois, il ne me semble pas incongru de penser, comme l’ont fait d’autres avant moi, que c’est bien la première fois, depuis quatre ans qu’il est président des États-Unis, qu’il y a quelque chose de positif chez Trump.

<1467>

Lundi 21 septembre 2020

«Sais-tu […] que la perdrix cacabe, que la cigogne craquette et que si le corbeau croasse, la corneille corbine ?»
Fernand Dupuy, «L’albine»

Je reprends donc l’écriture quotidienne d’un mot du jour. C’est une discipline exigeante, parfois difficile et particulièrement complexe dans notre monde troublé par une pandémie, par des défis encore plus considérables de la destruction en cours de la biodiversité, du dérèglement climatique, de l’amenuisement des ressources naturelles.

Pour ce faire je ne dispose que du langage, cette structure verbale qu’utilise depuis des millénaires les humains pour échanger des informations, des récits, des injonctions et même des sentiments qui eux peuvent aussi s’exprimer différemment.

Mais aujourd’hui je vais m’intéresser aux sons qui sortent des la bouche des autres animaux ou des animaux non humains. C’est encore avec le langage humain qui a nommé ces sons que je vais pouvoir évoquer ce début de langage de nos colocataires sur terre.

C’est mon amie Marianne qui m’a signalé un texte qu’elle a trouvé sur une page Facebook.

Mais j’ai aussi trouvé ce même texte sur ce blog de <Henri Girard : Auteur de romans et de nouvelles>.

En réalité ce texte a été écrit par Fernand Dupuy dans un livre : « L’Albine, scènes de la vie en Limousin et en Périgord vert ».

Qui est Fernand Dupuy ?

Fernand Dupuy est né en1917 à Jumilhac-le-Grand en Dordogne à la limite du Limousin. Il sera instituteur puis résistant et s’engagera dans l’action politique. Il sera élu député et maire communiste de Choisy-le-Roi de 1959 à 1979.

Il fut aussi le secrétaire de Maurice Thorez (1948-1951) et membre du Comité central du PCF (1947-1964).

Il était aussi écrivain.

A son décès, en 1999, <L’Humanité> a écrit un hommage qui commence ainsi :

« Celui qui ne connaît pas le plaisir de voir se lever le jour sur le clapotis de l’eau ; qui, tapi dans les herbes, n’a jamais vu une biche venir boire ; celui-là est un infirme »

Et le journal ajoutait qu’il avait déclaré cela au Matin de Paris, en 1977.

Il a écrit des livres politiques comme « Jules Ferry, réveille-toi ! » (Fayard) et puis des livres sur la nature : « Histoires de bêtes » et « Pêcher la truite vagabonde ».

Et donc « L’Albine ». Ce livre est présenté par le site <Persée> :

« On appelle parfois Périgord Vert le pays qui prolonge au sud-ouest le plateau Limousin : même paysage de châtaigniers, de prairies plantées de pommiers et de cultures pauvres. Autour de l’Albine […]  une femme de tête qui anime la vie et le travail d’une ferme de moyenne importance en Périgord Vert, dont la mentalité présente un mélange d’ouverture au progrès et d’attachement à de vieux usages et superstitions, Fernand Dupuy a tracé un vivant tableau de la vie rurale en ce pays ; il montre les profondes transformations survenues dans les trente dernières années. Dans ce pays où la scolarisation s’est poursuivie avec retard, les transformations ont été d’autant, plus lentes. »

Voici donc le langage des autres animaux, les animaux non humains :

« Sais-tu que le chien aboie quand le cheval hennit ?
Que beugle le bœuf et meugle la vache,
Que l’hirondelle gazouille, la colombe roucoule et le pinson ramage.
Que les moineaux piaillent, le faisan et l’oie criaillent quand le dindon glousse.
Que la grenouille coasse mais que le corbeau croasse et la pie jacasse.
Et que le chat comme le tigre miaule, l’éléphant barrit, »

L’hirondelle gazouille, mais les animaux humains le font aussi sur ce réseau social qui a pour nom anglais : « Twitter ». Je vous donne ci-dessous quelques exemples de la polémique sur la 5G et le modèle amish

« Que l’âne braie, mais que le cerf rait. »

Mais enfin, le cerf brame allez vous me dire ! Oui, mais il rait aussi, du verbe <réer>.

Mais que pourrait nous dire ce cerf victime de ce jeu qu’ont inventé les homos sapiens : la chasse à courre.

« Que le mouton bêle évidemment et bourdonne l’abeille, brame la biche quand le loup hurle. »

Nous sortons masqués en ce temps de COVID. Certains ne sont pas d’accord et utilisent pour expliquer leur désaccord la comparaison avec ce pauvre animal bêlant qui se laisse faire. « Nous ne sommes pas des moutons » devient le cri de ralliement.

« Tu sais, bien sûr, tous ces cris-là mais sais-tu ?
Que si le canard nasille, les canards nasillardent,
Que le bouc ou la chèvre chevrote,
Que le hibou hulule mais que la chouette, elle, chuinte,
Que le paon braille et que l’aigle trompette. »

Mais Donald Trump, qui semble être un animal humain chevrote t’il ? ou chuinte t’il ? quand il affirme ça finira bien par se refroidir ?

« Sais-tu encore ?
Que si la tourterelle roucoule, le ramier caracoule et que la bécasse croule, que la perdrix cacabe, que la cigogne craquette et que si le corbeau croasse, la corneille corbine, et que le lapin glapit quand le lièvre vagit ».

Les humains aussi peuvent roucouler. Mais les humains ont créé des séparations, des groupes et des communautés dont il ne faut pas sortir pour roucouler. Ainsi une famille bosniaque et de confession musulmane n’a pas toléré qu’une de ses femmes, veuille se marier avec un serbe chrétien

« Tu sais tout cela ? Bien.
Mais sais-tu ?
Que l’alouette grisolle,
Tu ne le savais pas ? Et, peut-être, ne sais-tu pas davantage
que le pivert picasse.  C’est excusable !
Ou que le sanglier grommelle, que le chameau blatère
Tu ne sais pas non plus (peut-être…) que la huppe pupule. (Et je ne sais pas non plus si on l’appelle en Limousin la pépue parce qu’elle pupule ou parce qu’elle fait son nid avec de la chose qui pue.)
Qu’importe ! Mais c’est joli : la huppe pupule ! »

Le chameau blatère ! Je ne le savais pas. Les humains déblatèrent plutôt. Le dictionnaire du CNRS explique que ce verbe déblatérer signifie ; « parler avec violence et prolixité contre quelque chose ou contre quelqu’un. » . Ce verbe vient du latin deblaterare « dire en bavardant à tort et à travers ». Verbe latin qui vient de blaterare « causer de quelque chose ». Le chameau causerait-il de quelque chose ?

Et voici la fin toute poétique de ce texte :

« Et encore sais-tu ?
Que la souris, la petite souris grise : devine ? La petite souris grise chicote ! Hé oui !
Avoue qu’il serait vraiment dommage d’ignorer que la souris chicote et plus dommage encore de ne pas savoir, que le geai cajole ! »

C’était un texte de Fernand Dupuy (L’Albine, scènes de la vie en Limousin et en Périgord vert).

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Jeudi 30 avril 2020

« Je pense qu’il faut qu’on ait des masques dans l’espace public. »
Gérard Collomb

Ce matin Gérald m’a envoyé une information, publiée sur Lyon-Mag :

La maire en sursis de Lyon (*) Gérard Collomb veut imposer le port obligatoire du masque dans la ville qu’il dirige encore :

« C’est une mesure forte annoncée ce jeudi matin par Gérard Collomb.

Sur France Info, le maire de Lyon a expliqué qu’à partir du 11 mai, le port du masque devrait être obligatoire dans les rues de la capitale des Gaules.

« Je pense qu’il faut, si on veut éviter d’avoir un rebond sur l’épidémie à la fin du mois de mai, qu’on ait des masques dans l’espace public », a précisé Gérard Collomb, souhaitant s’inspirer des pays asiatiques et nordiques. »

Mais Gérald a immédiatement ajouté :

« De toute façon, impossible à appliquer car la loi interdit de se cacher le visage. Il me semble bien que la loi est supérieure à une décision municipale. Il va donc falloir changer la loi. »

J’ai alors répondu :

« Non je crois que la loi permet de déroger à la règle générale pour des raisons sanitaires. Je vais voir ça, cela occupera ma matinée »

Gérald n’était pas convaincu que cette quête soit utile :

« Je pense que tu as d’autres possibilités d’occupation.

Préparer le prochain mot du jour par exemple. »

Alors pour réaliser ce que je souhaitais faire et écouter son conseil, j’en fais un mot du jour.

Il faut donc en revenir à la source et grâce à Légifrance, c’est un jeu d’enfant

« LOI n° 2010-1192 du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public »

Cette Loi dans son article premier édite l’interdiction :

« Nul ne peut, dans l’espace public, porter une tenue destinée à dissimuler son visage. »

Voilà une règle simple et sans ambigüité.

Mais nous sommes en France, pays des droits de l’homme, de la nuance et … des exceptions.

Et il suffit d’aller à l’article 2 IIème paragraphe pour constater que l’exception a bien été prévue :

II. ― L’interdiction prévue à l’article 1er ne s’applique pas si la tenue est prescrite ou autorisée par des dispositions législatives ou réglementaires, si elle est justifiée par des raisons de santé ou des motifs professionnels, ou si elle s’inscrit dans le cadre de pratiques sportives, de fêtes ou de manifestations artistiques ou traditionnelles.

Il y a donc bien eu, dans un bureau obscur du ministre de la justice et qui s’appelait alors ministre de la justice et des libertés et qui était dirigé par Michèle Alliot Marie, un fonctionnaire vigilant qui a imaginé qu’il pourrait exister quelque chose qui ressemble au COVID-19 et a donc soulevé cette petite exception :

« L’interdiction prévue à l’article 1er ne s’applique pas si la tenue est […] justifiée par des raisons de santé. »

Et ainsi grâce à la prévoyance de ce fonctionnaire, bureaucrate disent les ennemis de l’État, il est possible à la fois de respecter la Loi et de porter un masque pour protéger les autres du coronavirus SARS-CoV-2.

Car au-delà de toute polémique, il faut rappeler que le port du masque commun que l’on porte dans la rue n’a pas pour fonction de protéger celui qui le porte, mais de protéger les autres d’une éventuelle contamination que pourrait communiquer le porteur du masque.

(*) Gérard Collomb ne serait plus maire de Lyon sans COVID-19 parce qu’il y aurait une nouvelle équipe municipale au pouvoir. Or, Gérard Collomb ne s’étant pas présenté aux élections municipales mais à la métropole, ne pourrait plus être maire de Lyon.

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Vendredi 24 avril 2020

« 1er Ramadan 1441 »
Identification de ce jour dans le calendrier hégirien

Nous sommes donc le 24 avril 2020 de l’ère chrétienne selon le calendrier solaire grégorien.

Mais si vous allez sur le site de la mosquée de Lyon vous trouverez cette annonce  qui donne une autre identification à ce jour :

« 1er ramadan 1441 »

Ramadan est un mois d’un autre calendrier : le calendrier hégirien, qui est lui un calendrier lunaire.

C’est le neuvième mois de ce calendrier.

On parle de calendrier hégirien, parce qu’il débute lors de « l’hégire »

L’hégire désigne le départ du prophète de l’Islam Mohammed et de plusieurs de ses compagnons de La Mecque vers l’oasis de Yathrib, ancien nom de Médine, en 622 du calendrier solaire chrétien.

Les habitants de la Mecque ne sont pas très réceptifs à l’enseignement de Mohammed, en ces temps-là, et les compagnons du prophète sont victimes de violence et vont donc quitter La Mecque. Fuir diront certains.

<Wikipedia>, nous apprend

« Le terme hégire signifie en arabe « immigration » (du point de vue de Médine) ; le sens de « rupture de liens » (sous-entendu : familiaux) est parfois rencontré. Cet événement crée une rupture fondamentale avec la société telle qu’elle était connue des Arabes jusqu’alors. Mahomet vient en effet de rompre un modèle sociétal établi sur les liens du sang (organisation clanique), en faveur d’un modèle de communauté de destin fondée sur la croyance. Dans ce nouveau modèle, où tout le monde est censé être « frère », il n’est plus permis d’abandonner le démuni ou le faible comme c’était le cas auparavant. Les clans puissants de La Mecque vont tout faire pour éliminer cette nouvelle forme de société qui diminue leur influence car l’égalité entre les croyants est proclamée lors de la rédaction de la constitution de Médine, qu’ils soient libres ou esclaves, arabes ou non-arabes ».

Pour marquer l’importance de cet événement, le calendrier musulman commence donc au premier jour de l’année lunaire de l’Hégire, ce qui correspond au 16 juillet 622 du calendrier chrétien.

Pour les musulmans ce neuvième mois est le mois du jeûne.

Le jeûne du mois de Ramadan constitue l’un des cinq piliers de l’islam. Au cours de ce mois, les musulmans ayant l’âge requis selon les courants de l’islam ne doivent pas manger, boire, fumer, ni entretenir de rapport sexuel de l’aube au coucher du Soleil.

Selon <Wikipedia>

« Le nom ramadan a été donné au neuvième mois dans le monde arabe bien avant l’arrivée de l’islam. »

Comme le calendrier hégirien est un calendrier lunaire : chaque mois commence après la nouvelle lune, lorsque le premier fin croissant est visible. Il doit être aperçu avant qu’il ne disparaisse à l’horizon dans les lueurs crépusculaires. Si la nouvelle lune est postérieure au coucher du Soleil, l’observation se fait le lendemain. Comme le calendrier musulman peut compter dix, onze ou, les années bissextiles, douze jours de moins que le calendrier solaire et aucune intercalation, ramadan se décale d’autant chaque année et passe progressivement d’une saison à l’autre.

Tout cela étant parfaitement prévisible puisqu’il s’agit de mouvement cosmique et de la rotation de la lune autour de la terre, elle-même insérée dans le système solaire. Il y a donc un tableau prévisible qui donne le début du mois de ramadan de chaque année future. Ainsi cette année, il était prévu que le mois de ramadan commence le 24 avril.

Et c’est ainsi que le conçoit l’essayiste, islamologue et théologien Mohamed Bajrafil qui était l’invité des matins de France Culture de ce jeudi 23 avril 2020.

Mais ce n’est pas la position dominante des responsables de la communauté musulmane.

Ces derniers insistent sur l’observation locale du croissant de lune pour marquer le début du ramadan, parce que le premier croissant après la nouvelle lune n’est pas visible partout en même temps, les dates de début et de fin du mois dépendent de ce qui est visible dans chaque lieu.

Et c’est pourquoi un comité officiel s’est réuni et à l’issue d’une cérémonie à la Grande Mosquée de Paris, la date du début du Ramadan a été dévoilée ce jeudi 23 avril

Selon ce que relate le journal <France soir> :

« Le comité a pris acte de l’apparition de la nouvelle lune en ce 29ème jour du mois de Chaâbane 1441 de l’année Hégirienne, le mois sacré débutera donc demain vendredi 24 avril. »

C’est donc bien le 24 avril que commence le mois de ramadan, comme c’était prévu.

J’ai trouvé l’intervention de Mohamed Bajrafil sur le ramadan en temps de confinement très intéressant. Pour lui le confinement ne pose pas problème :

« Le Ramadan est une pratique cachée, donc il cadre parfaitement avec le confinement. Là, il nous est donné la possibilité de combiner confinement spirituel et corporel. »

Mohamed Bajrafil est né en 1978 aux Comores, il est de tradition soufiste.

Il a rappelé que le ramadan constitue une discipline personnelle que vouloir obliger quelqu’un de respecter le ramadan n’est pas conforme à l’Islam d’abord parce que si l’action de faire le jeûne n’est pas une décision personnelle, elle n’a aucune valeur. Le faire parce qu’on est forcé, selon Mohamed Bajrafil, c’est comme si on ne le faisait pas. Celui qui force n’est pas davantage dans l’esprit du ramadan.

Et il dit notamment

« On doit vraiment lutter pour que personne ne suive personne mais que tout le monde agisse en son âme et conscience. Tout le monde doit pouvoir choisir de jeûner ou non et de prier ou non. »

Il dit aussi que, selon lui, l’aspect festif que certains exacerbent n’est pas davantage dans l’esprit. C’est une fête de la charité et du manque. Les repas de la nuit ont pour fonction de supporter le jeune de la journée sans que le manque ne doive disparaître. Il s’agit de se mettre à la place de celles et de ceux qui sont en manque général d’alimentation dans le but d’être plus sensible à leur sort.

« On a donné à ce rite un caractère festif qui n’a rien à voir avec le ramadan en lui-même. On en a fait un moment de festivité alors que ça doit rester un moment de spiritualité. »

A la fin du mois de Ramadan il s’agit d’ailleurs de donner des aliments aux pauvres. Et il ajoute :

« Le Ramadan est la pratique qui va le mieux avec la pauvreté. Elle est la pratique idoine car on nous demande de nous priver et nous donne un esprit de solidarité incroyable. »

Une présentation de cette épreuve spirituelle musulmane qui m’a touchée.

Je redonne le lien vers cette émission <Le ramadan est une pratique cachée qui cadre parfaitement avec le confinement>

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Mardi 24 mars 2020

« Fais pas la trogne enfin, à la fenêtre écoute les oiseaux ! »
Lucien Orange

Lucien est un humaniste et un poète.

Un poète de la Croix Rousse.

Nous nous sommes connus dans la section du PS de la Croix Rousse. Nous étions très souvent d’accord, quelquefois il était un peu plus à gauche que moi.

Mais même quand nous n’étions pas d’accord, cela n’avait aucun effet sur notre amitié d’esprit et de cœur.

C’est encore le cas, mais nous ne sommes plus au PS.

Lucien écrit des textes qui n’appartiennent qu’à lui, drôles, profonds, poétiques.

Aujourd’hui, avec son autorisation, je partage le dernier texte qu’il a envoyé.

Une petite merveille du temps présent.

 T’en fais pas gone ;

Allons, gone, fais pas cette tête ! C’est pas la fin du monde c’qu’y arrive,

C’est tout de même pas comme si c’était la guerre ?

Ha si, il a dit que c’était la guerre ?

Ha bon, mais une guerre que tu fais chez toi, dans ton canapé, sans piloter un drone tueur à dix mille kilomètres de là.
Juste, si tu peux, du télétravail, pendant les heures de bureau. Bien sûr, certains ne peuvent pas travailler de chez eux, ou même travailler tout cours. Sans compter, hélas, ceux qui, à la rue, n’ont pas d’endroit pour se confiner. Là oui c’est un problème, et à ceux-là il faudra bien donner une sorte de revenu universel, vous savez comme un candidat proposait en 2017 ! L’idée à l’époque fut fort décriée, et aujourd’hui elle s’imposerait presque !

Allons fais pas la gueule, oui t’es chez toi, confiné qu’y disent, mais c’est qu’une question de mot ;

Dis-toi que t’es en pause, tiens, c’est ça en pause.
Va à la fenêtre, si tu as de la chance y’a peut-être un jardin pas loin de chez toi que tu peux apercevoir ?
Regardes, les arbres bourgeonnent, bientôt ils seront fleuris, dans ma rue on a des cerisiers à fleurs, ça commence à éclore, c’est beau tout ce blanc.
Et puis si t’as pas de jardin dans ton champ de vision regarde le ciel, il est toujours beau le ciel, le matin juste avant le soleil souvent il y a des fins nuages, des stratus, je crois, ça s’appelle, et au lever du jour ils sont roses, du rose sur bleu pâle. Et le soir aussi, juste quand le soleil est au raz des toits, si tu as la chance d’avoir un ou deux nuages, c’est un vrai festival des couleurs plein le ciel, profites en !!!

Fais pas la trogne enfin, à la fenêtre écoute les oiseaux, oui, oui, on peut entendre les oiseaux, depuis qu’il y a moins de voiture, que la pollution diminue, les oiseaux chantent, ils nichent dans les arbres […] C’est le printemps.

Allons rigoles, les gens avec qui tu vis, regarde-les.

Oui, tien, tes gamins ! Tu te rends compte que tu ne les vois pas grandir ? Le matin quand tu pars, ils dorment, et le soir quand tu rentres, ils dorment déjà.

Regardes les, découvres les, tu vois la grande tu t’étais même pas rendu compte qu’elle commençait à ressembler à sa mère, même façon d’être, même sourire, même caractère aussi. Ça c’est bien !

Aller arrête de t’angoisser, ce truc, là le virus, y va passer, en attendant si tu t’emmerdes parles avec eux, aide à la cuisine. Tu te souviens la cuisine t’aimais bien quand t’étais jeune, mets-toi aux fourneaux, ça va rudement te passer le temps, puis ça soulagera ta compagne. Tu vas comprendre les sens de l’expression « charge mentale »

Ha, t’es toute seule, tout seul ? Ben c’est le moment de te mettre à ta fenêtre, si ça se trouve tu vas voir un gars, ou une fille, accoudé à sa fenêtre. Vous allez vous regarder vous sourire peut-être, par la fenêtre sur un carton vous pouvez échanger vos 06 ………. Et voilà de quoi vous occuper pendant toute un confinement. et plus si affinités.

 Allons, fais pas cette tronche, tu sais, ce bouquin, que tu as commencé il y a longtemps et que tu n’as pas eu le temps de finir, reprends le, tu vas voir comme le temps passe vite en lisant.
Ou encore ce truc qu’est cassé, tu voulais le réparer, tu l’as mis dans un placard, c’est le moment de bricoler, avec un peu de temps il va marcher à nouveau, toujours ça de moins à racheter, de la pollution en moins.

Bon voilà, ça va mieux, tu vas pas te mettre à râler au bout d’une semaine ?
Ca va durer au moins deux mois, minimum, alors si déjà tu te laisses aller, t’imagines dans deux mois ?

Moi ce que j’en dis, c’est pour toi, pour que tu saches que changer d’habitudes, c’est pas non plus la mer à boire.

Et puis surtout, à toi à qui il n’est jamais rien arrivé, tu vas te faire un sacré paquet de souvenirs, pour dans les années qui viennent.
Tu rigolais des anciens combattants, et bien toi aussi tu en seras un !
Dans les années trente lors des commémorations tu seras peut- être porte drapeau, avec, si ça se trouve ta décoration !

Ha oui  je t’avais pas dit : il va y avoir une décoration pour ceux qui auront sauvé des vies en restant chez eux.
Ça va s’appeler l’ordre de l’édredon, avec naturellement  des grades, le premier ce sera l’oreiller, puis la couette, de coton, de laine ou de plume. Et enfin l’édredon, trois niveaux, duvet de canard, duvet d’oie, et le plus prestigieux duvet d’Eider !

Ces décorations seront distribuées, pardon, attribuées, aux confinés les plus méritants, ceux qui ne seront jamais sortis de chez eux le plus longtemps possible ; ou qui auront fait des exploits particuliers   comme le marathon du travail à domicile en téléconférence avec plus de cent correspondants sans s’endormir à l’écran.

Parce qu’on va organiser des concours, avec le télétravail il va falloir stimuler les employés pour que le rendement s’améliore.
La première semaine on a bien vu que ça glandait sec, Facebook a failli exploser, des gens de chez Orange se plaignaient que les réseaux qu’ils maintenaient à la force du poignet, étaient utilisés par des inconscients pour raconter des bêtises et encombrer les réseaux sociaux qui devaient être avant tout au service  de nos forces vives !!!!

« Alors on s’y est tous mis (raconteras-tu dans tes souvenirs d’ancien combattant) et nous avons relancé la machine économique qui commençait à perdre pied.
Tous les confinés ont du faire le double de travail qu’au bureau, au prétexte qu’ils ne perdaient plus de temps à se raconter le WE à la machine à café. D’ailleurs bientôt il n’y eut plus de café.

Les retraités furent sollicités pour passer leurs commandes par internet afin de ne pas arrêter la production et relancer l’économie. Les livreurs furent transformés en pilotes de Drones livreurs pour que les humains ne trainassent pas dans les rues. Et l’on vit à cette occasion que les drones étaient plus efficaces que les livreurs humains, car ils ne perdaient pas de temps à discuter avec les clients ;

Pareils pour tous les métiers indispensables, on mit en services des robots éboueurs qui enlevaient les poubelles avec efficacités. Les policiers chargés de faire respecter le confinement, furent remplacés par des drones verbalisateurs.  Et ainsi de suite. Il n’y eut que le personnel médical et les femmes de ménages qu’on ne put remplacer par des machines. »

Voilà, tu vois gone, c’est comme ça que ça va se passer, sûr y aura des morts, mais relativise.

Sais-tu combien il y a de morts « normales » par jour en moyenne d’habitude ? 1660, rien que ça, et là-dedans combien sont mort du tabagisme ? 164, et de l’alcool , 82 . t’as raison l’alcool ça fait moins mourir que le tabac, c’est rassurant non ?

Bien sûr ça ne diminue pas le risque du virus, mais quand même si en plus tu sais que c’est surtout les vieux qui disparaissent en premier ( 50% des morts ont plus de 83 ans) C’est moins angoissant , et si par hasard t’as plus de 83 dis-toi que tu fais du rab , comme moi !

Aller, arrêtes de mouronner, vis, regardes le ciel, les oiseaux, ta femme ou ton mec, souris, rigoles,

Tu verras ce sera  vite fini.

Bises ;
Lucien
22 mars 2020

Si certains non lyonnais ne le savaient pas « gone » signifie un enfant dans le parler lyonnais et par extension c’est le nom qu’on donne à tous les habitants de Lyon (les Gones).

En 2004, je n’écrivais pas encore de mots du jour. J’avais d’autres activités que je partageais avec Lucien.

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Mardi 17 mars 2020

« L’anachronisme d’une semaine sur l’autre »
Frédéric Says

Anachronisme vient du grec, ana : en arrière et khronos : le temps.

De manière très matérielle, on parle d’anachronisme dans une œuvre artistique, littéraire, dans un film lorsqu’on y trouve une erreur de chronologie qui consiste à y placer un concept ou un objet qui n’existait pas encore à l’époque illustrée par l’œuvre. Il est courant de trouver sur internet des sites comme <celui-ci> qui dévoile des anachronismes dans des films célèbres.

Mais ce sens est assez futil et superficiel.

L’anachronisme en Histoire présente un intérêt intellectuel d’une autre profondeur.

Pendant mes études d’Histoire, je me souviens de cet avertissement d’une professeure :

« Un historien doit toujours se prémunir devant l’anachronisme »

L’anachronisme en Histoire, c’est juger, apprécier une situation historique ancienne avec les valeurs, les connaissances, les mœurs d’aujourd’hui.

L’anachronisme doit bien sûr se comprendre par rapport à des évènements qui se sont passés il y a des siècles et qu’on ne comprend pas parce qu’on n’en apprécie pas le contexte de cette époque.

L’épidémie actuelle distord tellement notre rapport au temps que l’anachronisme se dévoile en l’espace de quelques semaines.

C’est ce que dévoile Frédéric Says dans sa chronique du 16 mars.

Il rappelle que des hommes politiques qui ont demandé, dimanche, le report du second tour des municipales comme une chose évidente et qui posaient la question de l’inconscience du président d’avoir organisé le premier tour dans ces conditions, avaient eux-mêmes, une semaine avant, affirmé que cette élection devait absolument se tenir, sinon nous n’étions plus dans un état de droit.

Une semaine avait suffi pour qu’ils oublient les conditions dans lesquelles leurs propos ont été tenus et la décision a été prise.

Il cite un autre exemple, celui de Carla Bruni Sarkozy.

« On se fait la bise, c’est dingue ! » avait-elle lancé au président-directeur général de LVMH avant de lâcher : « On est de l’ancienne génération, on a peur de rien nous. […] on craint pas le coronavirus » .

Elle a été filmée. Depuis elle a été attaquée sur ce point, elle s’est excusée.

Cet épisode avait eu lieu le 28 février, soit il y a 17 jours.

Frédéric Says pose alors de question de savoir où nous en étions, nous même, le 28 février au niveau de la bise, des contacts et de la conscience du danger de ce virus qui attaque le monde d’homo sapiens ?

Les propos qu’on attribue au Christ : « Que celui qui n’a jamais péché, jette la première pierre» semblent appropriés.

Moi-même, j’écrivais le 11 mars : « La plus grande menace qui nous guette, c’est une coronapanique » :

« Certes, c’est une épidémie, certes on n’a pas de vaccin, certes on n’a pas vraiment de médicament pour guérir cette maladie du Covid19 qui a débuté en décembre 2019 dans la ville de Wuhan en Chine.

Maladie qui est provoquée par le coronavirus SARS-CoV-2.

Mais quand même !

Je ne suis pas certain que nous sommes en face d’un grave danger de santé publique »

C’était, il y a 6 jours. Nous sommes dans un anachronisme accéléré.

Tout cela doit nous conduire à une grande humilité.

Frédéric Says dit :

« Le confinement doit aussi concerner les égos et les rodomontades »

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