Mardi 28 février 2017

Mardi 28 février 2017
« Je n’enseigne point, je raconte »
Michel de Montaigne
Essais – Livre III – Chapitre II <Du repentir>

Michel Serres cite souvent cette belle phrase de Montaigne.

Mais surtout il l’a met en œuvre dans sa manière d’aborder les sujets souvent complexes qu’il enseigne ou partage avec celles et ceux qui l’écoutent.

Mais je mets cette phrase en exergue, phrase que j’avais déjà citée dans le corps de deux mots du jour (vendredi 29 mai 2015 lors d’un mot du jour consacré à Bernard Maris et le jeudi 2 juin 2016 dans la série consacrée à Sapiens) pour engager une réflexion sur la technique de l’interview dans les médias.

Dans l’interview principal qui servira à alimenter la série en cours de mots du jour, Michel Serres est entretenu par une journaliste qui s’appelle Emmanuelle Dancourt et qui anime une émission sur la chaîne catholique KTO qui s’appelle <VIP Visages Inattendus de Personnalités>.

Dans cette émission, la journaliste ne se met pas en valeur mais laisse son interlocuteur, choisi parce qu’il a des réflexions à partager, parce qu’une profondeur peut s’exprimer, raconter ce qu’il a à dire et c’est ce que Michel Serres fait très bien.

Pour moi, baigné dans ma jeunesse, par Jacques Chancel dans « Radioscopie » ou Bernard Pivot dans « Apostrophes » c’est un environnement qui me convient, qui me permet d’accéder à la connaissance et à la compréhension.

Parce qu’il faut laisser aux esprits libres et féconds la capacité de raconter…

C’est de plus en plus rare.

Je sais que parmi vous il y a des supporters de Thierry Ardisson, ce journaliste toujours habillé en noir qui a conceptualisé le principe que les téléspectateurs ne pouvaient s’intéresser à un sujet sérieux que si celui-ci était entouré de deux bimbos, de nature à réveiller la libido vacillante du mâle affalé dans son fauteuil, devant sa télé. Cette vision qui s’intéresse peu, me semble t’il, à la moitié féminine de l’espèce humaine est aggravée en outre par l’apparition, au milieu de questions sérieuses, de « QAC (1) » par exemple lorsque Ardisson a demandé à Michel Rocard  qui était venu présenter ses idées politiques si « sucer était tromper ».

Thierry Ardisson dispose de clones comme Ruquier ou Fogiel qui avec plus ou moins de succès essayent d’appliquer les mêmes recettes.

Sur le point strictement économique de l’audimat, il faut dire que le succès est au rendez-vous. Pour beaucoup, cela constitue une preuve de qualité.

Bien sûr,  si on les prend pour ce qu’elles sont : de simples émissions de divertissement, il me semble qu’on peut être de cet avis. Mais si on veut vraiment apprendre ou comprendre quelque chose, ou encore se ressourcer, il vaut mieux se tourner vers des émissions comme celles d’Emmanuelle Dancourt.

D’ailleurs Thierry Ardisson, à qui je reconnais beaucoup d’intelligence, ne s’y est pas trompé puisqu’il a, pour présenter un de ses livres « Les fantôme des Tuileries », accepté de se faire interviewer par Emmanuelle Dancourt <Le 31 décembre 2016>.

Et dans cet entretien Thierry Ardisson est très intéressant et peut dire des choses qu’il ne pourrait dire ailleurs. Il a le temps de s’exprimer car il fait face à de la bienveillance et à des questions qui élèvent, non des QAC.

(1)  QAC = question à la con

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Lundi 27 février 2017

Lundi 27 février 2017
« Les gens qui nous permettent de nous ressourcer et les gens qui nous vident de notre énergie »
Réflexions personnelles pour présenter des livres et des émissions de Michel Serres

La semaine dernière, il y a eu une série de mots du jour un peu …plombant ?

J’ai même été poussé à écrire à la fin de celui qui parlait de la guerre civile globale décrit par l’indien Pankaj Mishra que je le trouvais trop pessimiste.

Il n’est pas possible, ni raisonnable de rester dans cette seule vision sombre de l’Humanité.

Je vais m’inspirer, pour les prochains mots du jour d’une interview de Michel Serres qui avait été invité pour parler de 3 de ses livres publiés ou republiés récemment :


Michel Serres que j’avais convoqué pour le 800ème mot du jour : « L’intelligence est imprévisible et mystique» pour expliquer que l’intelligence est cette faculté qui permet d’approcher un problème, une histoire sous un regard nouveau qui l’éclaire autrement, qui renouvelle notre vision.

Cela nous conduit à nous éloigner de l’actualité pour réfléchir sur notre contemporain : où en sommes-nous ? Quel passé, quelle Histoire nous a engendré ?

Vous pouvez dès à présent voir cette interview : <Michel Serres invité de KTO>

Mais aujourd’hui en préambule, je voudrais esquisser une réflexion qui s’appuie sur mon expérience de vie.

Le point initial vient du fait que lorsque j’ai regardé cette vidéo, cela m’a fait du bien. J’aime cette expression « m’a ressourcé ».

Et cela me conduit à réfléchir plus avant : nous avons tous connu et connaissons des gens, des proches auprès de qui nous arrivons à nous ressourcer. Au contraire nous connaissons des personnes, des situations qui nous vident de notre énergie, trivialement nous pompe.

C’est une chance, j’utiliserai une terminologie mystique, « une grâce » quand comme moi : dans le couple, la compagne que m’a offert la vie, est source de ressourcement.

C’est en effet une chance quand le couple est source de ressourcement ou encore les parents. Nous savons cependant que ce n’est pas toujours le cas.

En amitié aussi, il existe une telle dichotomie.

Des évènements de la vie peuvent conduire que pendant une période donnée, un ami a besoin d’énergie, de soutien et que nous sommes en capacité d’apporter cette énergie. Il se peut aussi que l’on soit dans la situation inverse où c’est nous qui avons besoin d’aide et que nous pouvons compter sur un proche pour nous apporter ce soutien.

L’expérience m’a appris que la période pendant laquelle ce déséquilibre est acceptable, est limitée.

Cela demande de la vigilance et de la lucidité, avant tout pour celui qui donne.

Au-delà, il faut savoir soit arrêter la relation déséquilibrée, soit passer la main.

Cette réflexion trouve particulièrement à s’appliquer, aujourd’hui, dans les nombreux cas où les enfants sont confrontés à des maladies dégénératives de leurs parents et où il faut trouver, en temps utile, des solutions autres que le seul dévouement affectif.

Il n’y a pas que la maladie qui conduise à se trouver dans de telles situations, il peut y avoir une expérience malheureuse ou un échec, mais aussi plus problématique la personnalité de celui qui « pompe ».

Mais ce qui me parait fondamental c’est surtout de reconnaître les personnes ou les moyens dont on dispose pour se ressourcer car il faut savoir se faire du bien, si on veut pouvoir faire du bien aux autres.

Nous voilà bien loin de l’actualité française, des présidentielles ou encore des dernières facéties de Trump.

Mais nous ne pouvons pas que nous nourrir de l’actualité, il nous faut aussi réfléchir sur la vie, sur les rencontres, sur notre humanité.

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Vendredi 24 février 2017

Vendredi 24 février 2017
«clickworkers ou les travailleurs du clic »
Un de ses nouveaux emplois créé par le numérique et annoncé par les économistes libéraux et optimistes
Vous savez que les économistes sont divisés. Les uns constatant que le numérique et l’automatisation généralisée et algorithmisée produisent peu de croissance et suppriment massivement des emplois, pensent que le nombre d’emplois offerts ne suffira plus pour faire face à la demande d’emploi. Les autres que j’appelle « les libéraux optimistes », restent droit dans leurs bottes, en disant que cela a été chaque fois la même chose lors des révolutions technologiques et que nous pouvons toujours faire confiance à « la destruction créatrice » concept attribué à Schlumpeter, cet économiste autrichien qui théorisait justement le fait que les évolutions technologiques supprimaient des emplois anciens mais créaient tout autant d’emplois nouveaux.
Cette seconde hypothèse est possible surtout que des économistes constatent qu’il n’y a jamais eu autant de personnes employées dans le monde.
Peut être ont-ils raison et que le vrai problème n’est pas le nombre d’emploi, mais quel emploi ?
Xavier de Porte est à l’affut de la modernité et du numérique et il nous parle de ces emplois que les anglais appellent les «clickworkers».
Tous les géants du numérique ont créé des plateformes de travail payé à la tâche. Comment et à quoi travaillent ces gens ?
«Les “clickworkers” ou travailleurs du clic sont des gens qui travaillent chez eux, derrière leur ordinateur, à des horaires qui sont dictés par les clients, pour des tâches simples et répétitives, sans aucun statut et pour une rémunération minuscule. Leur travail, ils le trouvent sur des plateformes qui ont été créées par les géants de l’Internet, dont la plus connue est le Turc mécanique d’Amazon, ce sont des place de Grève contemporaines. On estime leur nombre à 500 000, ils sont principalement américains (à 75%, avec une grande part de femmes) ou des hommes indiens (aux alentours de 20%).
En décembre dernier, le site Tech Republic effectuait une plongée fascinante dans ce monde des travailleurs du clic. Pourquoi les appelle-t-on “travailleurs du clic” ? Parce que leurs tâches consistent essentiellement à identifier des motifs sur des images, à identifier des émotions sur des photos de visages, à mettre en ordre des données.
Ces travailleurs se disent “enchaînés” à leur ordinateur. Les tâches peuvent apparaître n’importe quand, et il faut être rapide. Certains se créent des alertes qui les réveillent au milieu de la nuit. Ensuite, le temps pour réaliser le travail étant limité, il ne faut pas traîner. Avec les conséquences que l’on peut imaginer sur la vie familiale. Car, comme ces tâches sont très peu rémunérées, il faut en effectuer beaucoup. Une étude du Pew Research Institute estime que les travailleurs du clic perçoivent moins que le salaire horaire minimale aux Etats-Unis (une femme interrogée explique que quand elle touche 25 euros pour 8 heures de travail, c’est une bonne journée). D’ailleurs, la rémunération ne se fait en cash que pour les Américains et les Indiens, les autres sont payés en bons d’achat Amazon, ce qui les oblige à avoir recours à des combines pour récupérer leur rémunération. Sachant que certains clients sont mauvais payeurs (ils rejettent le travail effectué, sans explication). Les travailleurs les plus aguerris prennent le temps, avant d’accepter un travail, de se renseigner sur le client.
Ce qui gêne aussi ces travailleurs du clic, c’est que tout le monde n’est pas égal face aux offres. Certains sont désignés “Master’s Level”, ce qui leur permet d’avoir accès à plus d’offres, mieux payées. Le problème : personne ne sait sur quels critères on est désigné “Master Level” (et Amazon refuse de le révéler). C’est l’objet de beaucoup de conjectures sur les forums où ces travailleurs – pour pallier le fait qu’ils ne se rencontrent jamais physiquement – partagent leurs questions, et leurs petits trucs.
A quoi sert le travail de ces gens ? C’est là où on atteint un niveau d’absurde presque magnifique. Ce dont je vous parlais tout à l’heure – identifier des objets sur des images, classer des données etc. – ça sert essentiellement à nourrir en exemple les intelligences artificielles qui ne savent pas encore le faire toutes seules. Pour bien fonctionner une intelligence artificielle de reconnaissance d’image, par exemple, a besoin d’exemples, d’énormément d’exemples – il faut qu’on lui dise “ça c’est un chien”, “ça c’est une voiture” sous tous les angles possibles, afin qu’elle soit ensuite capable de reconnaître un chien ou une voiture. Eh bien qui fournit les exemples ? Principalement ces “travailleurs du clic”. C’est pourquoi toutes les grandes entreprises du numérique (Google, Microsoft, Facebook, Apple) – toutes celles qui se sont lancées dans l’intelligence artificielle – ont créé leurs propres plateformes de micro-tâches : elles ont créé ces plateformes pour que des travailleurs du clic humains nourrissent les machines. Et d’ailleurs, au départ, Amazon a créé sa plateforme pour améliorer l’automatisation de son circuit de distribution, pour les hommes aident les machines à s’améliorer, à mieux faire le travail que faisaient les hommes jusque là. En gros, les “travailleurs du clic” travaillent pour qu’un jour les intelligences artificielles remplacent d’autres travailleurs. La question est : combien de temps aura-t-on encore besoin des travailleurs du clic, avant que les intelligences artificielles ne les remplacent eux-mêmes ? On a le temps disent les spécialistes, les machines auront encore longtemps besoin des hommes.
Il faut toujours se rappeler que le Turc mécanique auquel se réfère Amazon, c’est un faux automate du 18ème siècle à l’intérieur duquel était caché un homme. Aujourd’hui, c’est une mère de famille américaine ou un Indien qui sont cachés dans la machine. Demain, ça pourrait être beaucoup plus de monde.»
Julien BRYGO et Olivier CYRAN ont conceptualisé ce type d’emploi et ont écrit un livre : <Boulots de merde !>

Jeudi 23 février 2017

Jeudi 23 février 2017
«La théologie de la prospérité »
Courant de pensée protestante justifiant les inégalités de richesse
Le samedi matin à 7h43, Isabelle de Gaulmyn présente une émission sur France Inter dont le titre est : « Faut-il y croire ? »
L’émission du 28 janvier 2017 était consacrée à Trump : « Et Trump, il croit en quoi ? » où on apprend la connivence de cet homme étrange et de la théorie de la prospérité.
«De fait, pour son intronisation, Donald Trump avait invité six personnalités religieuses, ce qui dans le contexte américain n’est pas incongru (un rabbin, un évêque, etc…). Parmi eux, une seule femme, et la seule aussi à avoir eu le droit de faire un discours, la pasteure évangélique, Paula White. On la présente comme sa conseillère spirituelle. Cette pasteure évangélique est responsable d’un important centre évangélique en Floride, qui appartient au courant de la « théologie de la prospérité », un mouvement issu du pentecôtisme américain.
[Cette expression] sonne étrangement, peut-être, à nos oreilles de vieux européens marqués par la tradition catholique, pour lesquels l’Évangile est plutôt associé à la pauvreté. Mais c’est un courant très puissant aux États-Unis, qui repose sur une certaine interprétation du protestantisme, pour expliquer que la richesse, l’argent, est une bénédiction de Dieu.
[…] Pour comprendre d’où cela vient, il faut remonter aux débuts du protestantisme, et à Calvin. Comme Luther, Calvin est parti de l’affirmation que l’homme est sauvé par Dieu, non pas pour ce qu’il fait, mais ce qu’il est, gratuitement sauvé (salut par la grâce et non par les œuvres). Mais contrairement à Luther, Calvin pensait que les hommes étaient soit élus par Dieu, de toute éternité, soit damnés, de toute éternité aussi. On appelle cela la double prédestination. Après sa mort, au XVIIe siècle, il y a eu toute une discussion chez les protestants calvinistes, pour savoir si certains étaient damnés, quoi qu’ils fassent. Cette conception n’est plus en cours chez les calvinistes français aujourd’hui (la majorité), mais elle a imprégné le protestantisme, en faisant parfois de la réussite matérielle, le signe de l’élection : vous êtes riche, prospère, cela signifie que Dieu vous a choisi. Vous n’êtes donc pas damnés. C’est ce qui a permis à un sociologue comme Max Weber de faire du protestantisme l’un des facteurs clé du capitalisme, dans les pays protestants, du fait de cette conception du Salut.
Alors évidemment, c’est assez caricatural, car par bien des égards, le protestantisme prône la sobriété. Mais il est vrai que s’est greffé, auprès de l’une des branches du protestantisme, le Pentecôtisme, cette « théologie de la prospérité » qui prend à la lettre la phrase de Jésus de l’Évangile qui explique que celui qui donne recevra au centuple. Et s’appuie aussi sur l’Ancien Testament, où l’on parle souvent de la bénédiction des richesses par Dieu.
Dans un aspect « soft », cela consiste à encourager les personnes à réussir leur vie, à croire en leurs talents. C’est une philosophie qui allie réussite matérielle et spirituelle, et qui est très positive. Si on est riche, bien portant, c’est que Dieu l’a voulu. C’est par exemple l’enseignement d’un autre pasteur, aujourd’hui décédé, qui a joué un rôle important dans la vie de Trump, Norman Vincent Peale, et qui avait une église sur la 5e avenue à NY, la reformed church in América. Les parents de Donald Trump, puis lui-même l’a fréquenté et s’y est marié (deux fois). Peale est l’auteur d’un best-sellers paru dans les années 1952, « le pouvoir de la pensée positive ».
Dans un volet plus « hard », cette théologie assure que la richesse vient de Dieu, et culpabilise ceux qui ne réussissent pas. Elle promet aux fidèles de la réussite matérielle, de l’argent. Et s’ils n’en obtiennent pas, si cela ne marche pas, et bien, le pasteur peut toujours dire que c’est de leur faute, c’est qu’ils ne sont pas « bénis par Dieu »…
Oui, la théologie de la prospérité est très répandue dans les milieux Pentecôtistes en Amérique latine et en Afrique, et aussi aux États-Unis. Elle est transmise par des télévangélistes, qui séduisent toujours plus. Dans les pays pauvres, elle donne lieu à de nombreuses dérives. Mais en France aussi, elle s’est répandue dans certaines églises évangéliques, au point que, il y a quelques années, les théologiens protestants évangéliques de France, dans un document très fourni, ont établi une mise en garde contre ce type de théologie : ils expliquent que cette théologie repose sur une conception erronée de la foi, et présente de réels dangers. Car si cette théologie peut rejoindre des personnes qui vivent dans la pauvreté, elle instrumentalise Dieu, expliquait ce document, qui soulignait aussi les contradictions avec le message de pauvreté de l’Évangile. Ce document fait écho à un autre texte, adopté en 2010 par 4200 responsables évangéliques du monde entier (la déclaration de Lausanne), qui lui aussi dénonçait les travers de la théologie de la prospérité.»
Ce courant de pensée permet donc de rendre compatible la religion chrétienne avec les inégalités que produit le système économique afin que les gagnants puissent profiter de leur réussite économique sans aucune culpabilité. Le fait que pour l’essentiel les riches soient enfants de riches devient donc négligeable devant cette théorie qui explique ces inégalités par la bénédiction ou non de Dieu.
L’utilisation de la religion par certains peut aussi servir à cela : justifier des situations, a priori choquantes, par des théories permettant d’éviter de réfléchir et d’analyser les processus en oeuvre qui expliquent ces situations.

Mercredi 22 février 2017

« La guerre civile globale »
Mishra Pankaj

Le concept de guerre civile globale est extrait de « Age of Anger » (âge de la colère) qui est un livre d’un romancier d’origine indienne, Mishra Pankaj qui selon « Le Point » est l’essai le plus commenté en ce début d’année dans le monde anglo-saxon.

Ce livre dont le sous-titre est « Une histoire des temps présents » n’est pas encore traduit en français, mais le magazine Le Point a publié une longue interview de cet auteur qui analyse notre présent non comme un choc des civilisations mais comme une explosion de colère née d’une intense frustration : <vers la guerre civile mondialisée ?>

Sa thèse c’est que symptômes que nous percevons (Election de Trump, éclosion des populismes, des régimes autoritaires et des manifestations de nationalismes et de xénophobie sont le signe d’une « guerre civile globale » opposant une élite cosmopolite et libérale à des masses frustrées de ne pas voir les fruits du progrès tant vanté.

Ses prévisions sont peu optimistes, il pense que la colère des masses ne va que s’accroître, car ses racines sont profondes.

Le Point commente :

« Dérangeant et pessimiste, rempli de bruit et de fureur, cet Age of Anger est éminemment discutable, mais personne, même pas le très libéral The Economist, n’a nié la puissance et l’ampleur [de cet] essai »

J’en tire quelques extraits :

« Selon Pankaj Misrah, c’est tout le programme des Lumières qui, dès le départ, contient un bug : en voulant façonner des individus libres, rationnels, mais soumis à la compétition et au désir mimétique, il porte en lui le virus du « ressentiment » ».

Tout se résume au fond à l’opposition entre Voltaire et Rousseau, réunis au sein du Panthéon, mais dont la rivalité n’a pas fini de faire des émules.

D’un côté, le chantre de la raison et du libéralisme anglo-saxon, qu’on qualifierait aujourd’hui de membre d’une « élite » coupée du peuple.

De l’autre, le rejeté de la bonne société parisienne, le paria paranoïaque qui a le premier annoncé toutes les passions négatives que pouvait susciter la société moderne.

« C’est triste de voir qu’on réchauffe [la] théorie de la guerre des civilisations qui se fonde sur des différences absolues culturelles et raciales… C’est ce genre de pensées qui motivent des personnes comme Stephen Bannon, le suprématiste blanc conseillant Trump. Au contraire, mon livre tente d’expliquer, en se basant sur le travail de René Girard, comment dans un monde moderne de plus en plus homogène l’individualisme et le désir mimétique sont la clé pour analyser une société marchande universalisée. Je cite Alexandre Herzen, le grand écrivain russe, et son affirmation que la civilisation occidentale moderne est une civilisation d’une minorité privilégiée, qui prend part au « festin de la vie », alors que les masses en sont les « invités indésirables ». Et cette guerre civile globale ne fait que s’intensifier du fait de l’uniformisation grandissante provoquée par la mondialisation.[…]

Mon livre se base sur une thèse historique : les pathologies politiques qu’a connues l’Europe à la fin du XIXe siècle en réaction au libéralisme, à la démocratie et à une croissance économique irrégulière sont aujourd’hui devenues universelles. Depuis la fin de la guerre froide, nous avons connu trois décennies d’un libéralisme extrême – souvent qualifié de néo-libéralisme – qui a pourtant été discrédité par les désastres de la première moitié du XXe siècle. Que ce soit aujourd’hui l’implosion des États-nations en Asie ou en Afrique, le ralentissement des économies ou la hausse des inégalités en Europe, ces pathologies rappellent ce qu’on a pour la première fois observé à la fin du XIXe siècle : des démagogues promettant le renouveau d’une communauté nationale ou des terroristes anarchiques trouvant dans la violence non seulement une expérience esthétique et existentielle, mais aussi une rédemption politique. Aujourd’hui, ces pathologies se sont répandues partout dans le monde. Elles touchent autant des Indiens déracinés, ayant migré de zones rurales aux métropoles, que la classe moyenne américaine délaissée par un capitalisme globalisé et opaque qu’elle ne comprend plus. Dans les deux cas, ces gens se cherchent un ennemi facilement identifiable et qu’on a sous la main : immigrants, femmes, élites…

[…] Les gens, en théorie, devraient être plus libres, riches et mobiles que jamais…

Qui dit ça ? Les idéologues du néo-libéralisme, qui ne cessent de nous répéter, alors que les inégalités grandissent, qu’une marée montante profite à tout le monde, yachts de luxe comme frêles esquifs. Ce sont les fantasmes véhiculés par les élites technocratiques, et leurs porte-voix dans la presse et sur les plateaux de télévision. Mais aujourd’hui, nous expérimentons les conséquences toxiques de ces promesses fausses et extravagantes faites par les bénéficiaires de la mondialisation.

[…] Aujourd’hui, l’ère de la mondialisation promet une citoyenneté cosmopolite pour tous, mais n’en délivre dans les faits qu’à des élites. Beaucoup se sentent donc floués. Du coup, l’attrait du concept « peuple » est à nouveau fort. Les gens recherchent une estime de soi à travers un groupe défini par l’ethnicité, la religion, la race ou la culture. Et les politiques sont à nouveau obsédés par l’idée de recréer une unité idéologique ou culturelle du peuple, et exclure tous ceux qui ne devraient pas y appartenir. […].

Le journaliste du Point essaye de ramener un peu de rationalité et de montrer qu’il y a quand même des progrès, en rappelant qu’ «En 1981, 54 % de la population mondiale était dans l’extrême pauvreté. Aujourd’hui, c’est moins de 10 %, selon la Banque mondiale. Les gens vivent plus longtemps, les maladies infectieuses ont connu des chutes remarquables et, alors qu’en 1900 seuls 21 % de la population mondiale savaient lire, ils sont aujourd’hui 86 %. N’est-ce pas là des succès spectaculaires du progrès, du libéralisme et de la mondialisation tant vilipendés ?». Le point appelle à la rescousse Steven Pinker qui a montré que nous vivons l’époque la moins violente et la plus tolérante de l’histoire, grâce à l’essor de la raison, du commerce, du cosmopolitisme et de la féminisation…et que j’avais évoqué lors du mot du jour du 19 décembre 2016 : « dix raisons de se réjouir de l’avenir » »

Ces arguments n’entament pas le pessimisme de Pankaj Misrah :

« Des pays comme l’Inde et la Chine ne pouvaient que se refaire une santé après ce qu’ils ont connu avec l’impérialisme occidental et la guerre civile. Et qu’est-ce que la croissance chinoise, à travers un capitalisme d’État, a à voir avec le libéralisme occidental ? De toute façon, il y a quelque chose de fallacieux dans ces succès quantifiables et ce progrès irréversible que vous présentez. Est-ce qu’une longue vie signifie qu’elle est obligatoirement meilleure et plus gratifiante ? Les taux de mortalité ont baissé, et ceux de l’alphabétisation sont en hausse, mais quid du chômage, du déracinement, de la dépossession et de la dégradation environnementale ? Une personne qui quitte son village pour aller travailler dans une métropole sort de la pauvreté selon les statisticiens, mais quelles mesures avons-nous pour évaluer sa vie dans des villes où la pollution est importante et les loyers élevés, tandis que les conditions dans les bidonvilles sont extrêmement brutales ? Ne soyons pas aveuglés par les statistiques et les graphiques. Au XIXe siècle, alors qu’il y avait très peu d’économistes et de journalistes pour faire œuvre de propagandistes, les romanciers ont décrit ce qu’ont vraiment coûté l’industrialisation et l’urbanisation. Cela vaut toujours la peine de lire Dickens et Zola pour comprendre ce qu’actuellement beaucoup de personnes vivent en Inde et en Chine dans leur marche au progrès. […]

L’idéologie de l’élite, les bénéfices de la mondialisation sont les mieux défendus depuis les verts campus de l’Ivy League, comme Harvard où travaille Monsieur Pinker. Des gens comme lui vous enrobent ça de statistiques nombreuses et impressionnantes, mais si vous regardez de plus près, l’analyse est très mince. Les dernières décennies semblent plus pacifiques essentiellement parce que les Européens ont arrêté de s’entretuer à large échelle en 1945. Mais les génocides, les nettoyages ethniques ou les guerres qui détruisent des millions de vies comme en Irak ou au Vietnam ne sont guère éloignés dans le passé. Et la probabilité que cela se produise à nouveau n’a jamais été aussi grande après l’arrivée à la Maison-Blanche de racistes et de suprématistes blancs. Je ne sais pas comment on peut croire à la vision rose d’un progrès constant de l’humanité, défendue par Steven Pinker, alors même qu’un « troll » sur Twitter a accès à l’arme nucléaire…[…]

Le projet moderne de l’individualisme, tel qu’il a été défini au XVIIIe siècle, est le projet utopique le plus radical de l’histoire. »

Il n’y a qu’une lueur d’espoir dans son développement quand il évoque le pape François.

« […] nous ferons très certainement un pas en avant en reconnaissant que la foi dans le progrès n’est nullement différente de la foi dans un dieu. Les deux nécessitent une soumission plutôt qu’un questionnement intellectuel. Par ailleurs, d’aucune façon je ne fais référence à une religion quand je salue le pape François. Je souligne simplement sa compassion pour les faibles et le fait de ne pas voir la vie comme une compétition sans fin pour un statut social ou la richesse, mais plutôt de s’ouvrir à la confiance et la solidarité. De telles aspirations sont l’objet de la dérision des élites technocratiques, alors même qu’une majorité frustrée et en colère succombe à la haine vomie par les démagogues… »

Nous avons compris que la mondialisation est la fin de la rente de l’occident. Les inégalités entre pays ont globalement diminué mais les inégalités à l’intérieur des pays occidentaux ont augmenté. D’où ce concept de guerre civile totale à l’intérieur des pays, mais dans tous les pays.

Je pense cependant que cet auteur est un peu trop pessimiste.

Mardi 21 février 2017

Mardi 21 février 2017
«La mondialisation c’est la fin de la rente que l’Occident avait sur le monde depuis la révolution industrielle.»
Zaki Laïdi
Nous tournons depuis longtemps autour de ce concept de mondialisation, certains pour s’en enthousiasmer et il vrai qu’il y a beaucoup d’aspects très positifs à cette évolution et d’autres pour s’en méfier, voire de la rejeter.
La mondialisation est un terme français, les anglo-saxons parlant de globalisation. Certains esprits français distinguent désormais la globalisation comme la partie économique de la mondialisation qui concerne outre l’économie, la culture, le village global dans lequel les gens échangent des idées, des appartements et voyagent.
France Culture a invité, dans une émission qui avait pour titre <Peut encore défendre la mondialisation ?>, Zaki Laîdi qui est politologue et a beaucoup investi dans une réflexion sur ce changement de monde.
Et  à la question de Guillaume Erner : «Comment peut-on définir la mondialisation ?» Il a eu cette réponse qui me semble pleine de clarté et de pertinence :
«Fondamentalement au niveau géopolitique globale, la mondialisation c’est la fin de la rente que l’Occident avait sur le monde depuis la révolution industrielle. C’est-à-dire que la position dominante de l’Occident dans le monde arrive aujourd’hui à son terme.
Et ce que fondamentalement la mondialisation est, c’est un basculement du centre de gravité de la richesse du monde de l’Occident vers le reste du Monde. On voit bien le problème que cela pose à l’Occident, à l’Europe, aux Etats-Unis : ils ne sont plus dans la position dominante dans laquelle ils étaient et qui va les obliger à composer avec le reste de ce monde.  Avant la révolution industrielle, la Chine et l’Inde représentait 40 % de la richesse du monde.»
Nous ne sommes pas en déclin selon Zaki Laïdi, mais nous entrons dans un monde plus difficile, plus concurrentiel parce que nous avons perdu cette rente.
La mondialisation produit des gagnants et des perdants. Emmanuel Todd avait eu cette image il y a quelques années, dans les années 70 quand vous alliez à Calcutta vous voyiez énormément de gens très pauvres vivre dans la rue en s’abritant dans des cartons. La mondialisation a fait en sorte que proportionnellement il y ait moins de gens qui vivent de la sorte à Calcutta mais que maintenant chez nous il y a aussi des gens qui dorment dans les rues, dans des cartons…
Zaki Laïdi dit encore :
«Derrière la mondialisation nous avons fondamentalement le changement technologique. Ce changement a eu pour conséquence que le coût de l’échange d’informations s’est effondré, le coût des transports aussi, c’est un effondrement des distances.»
Une autre invité Virginie Raisson ajoutant cette évidence:
«Si les inégalités entre pays ont diminué du fait de la mondialisation, elles ont augmenté à l’intérieur même des pays»
La grande question politique qui se pose dès lors est : Comment aide t’on les perdants de la mondialisation ? Pour les gagnants, l’économie s’en charge. Pour qu’il y ait plus de gagnants, il faut probablement plus d’éducation et une éducation de qualité adaptée aux besoins du temps. Mais il y aura toujours des perdants. Et s’occuper des perdants c’est une question politique, d’organisation de la société.
Or comme le dit un message que j’ai vu récemment circuler sur les réseaux sociaux : « Nous vivons dans un monde où ceux qui gagnent 100 000 € par mois persuadent ceux qui en gagnent 1800 que tout va mal à cause de ceux qui vivent avec 535 €. Et ça marche. »
Tant que nous étions dans le système de la rente de l’Occident sur le reste du monde, nos élites économiques prélevaient sur le reste du monde de quoi, sans rien lâcher sur leurs profits, donner des emplois convenablement rémunérés au plus grand nombre des occidentaux. Sans cette rente comment faire ?
Il me semble qu’il y a 3 solutions : la redistribution, la charité ou la relégation qui peut devenir élimination.
Il va sans dire que pour moi seule la première est digne.

Lundi 20 février 2017

Lundi 20 février 2017
« Une antonomase »
Figure de style dans laquelle un nom propre est utilisé comme nom commun.
Le dictionnaire Larousse explique que ce mot vient du grec « antonomasia », de anti, à la place de, et onoma, nom et donne pour définition : Figure de style consistant à  remplacer un nom commun par un nom propre ou inversement.
Mais selon Wikipédia, certains linguistes limitent le sens de ce mot à l’antonomase du nom propre qui consiste à employer un nom propre pour signifier un nom commun.
Grâce à Wikipedia nous disposons d’une première liste d’exemples d’antonomase :
Ainsi François Barrême était un mathématicien du XVIIe siècle. Le mot devenu « barème » apparut au XIXe siècle ;
Eugène Poubelle était préfet de la Seine, où il généralisa l’usage de la poubelle à des fins de salubrité publique ;
« Mécène » désigne un « généreux donateur protégeant les arts et les artistes », en souvenir de Mécène, général romain de l’époque de l’empereur Auguste, qui s’étant enrichi au cours de ses campagnes, s’était offert une villa somptueuse entourée d’artistes ;
Et le mot « Atlas », vient du géant de la mythologie grecque condamné à porter le monde sur les épaules.
Plus couramment on parlera d’un « Harpagon » pour parler d’un avare ou d’un « Don Juan » pour évoquer un séducteur compulsif.
Je pense que bientôt on parlera d’un « Fillon » pour décrire une personne qui recommande des actions positives voire des sacrifices aux autres et se garde bien d’appliquer ces conseils à lui-même.
Mais on pourra aussi vouloir exprimer le contraire : « Je n’ai pas fait mon Fillon ».
C’est ce que peux dire à propos du conseil que je vous ai donné la semaine dernière d’aller voir « Lumière ! L’aventure commence » car vendredi en fin d’après-midi nous avons, avec Annie, suivi ce conseil pour nous même, et nous furent enchantés.
Il y a d’abord la qualité de l’image de ces petits films restaurés de 50 secondes et puis il y a le commentaire de l’expert Thierry Frémaux qui sait se mettre au niveau des néophytes pour expliquer combien tous ces tournages, a priori pris sur le vif, ont été soigneusement mis en scène et combien les frères Lumière ont immédiatement compris où mettre la caméra, comment attirer l’attention, faire un travelling qu’ils appelaient alors panorama.
Et puis pour les habitants de Lyon, comme pour ceux de Paris et de la Ciotat quelle émotion de voir vivre leurs villes et leurs aïeux dans les années 1900. Mais ces films ont été tournés aussi dans le monde entier.
Découpés en chapitres, Frémaux montre 108 films sur les 1 422 référencées et attribuées aux Frères Lumière et à leurs assistants.
En dehors des scènes tournées à Lyon, Paris, La Ciotat, Marseille, Jérusalem, Londres, New York, 3 scènes m’ont particulièrement marqué :
La première, un peu comique montre des chasseurs alpins faire des exercices d’escalade avec une maladresse particulière et Frémaux d’émettre cette idée qu’en voyant ces soldats à l’exercice on peut comprendre qu’à cette époque l’armée française perdait beaucoup de batailles …
La seconde est plus sociale, on voit une rivière et toute une rangée de femmes en train de laver le linge au lavoir. Et comme le fait remarquer le commentateur, le génie des frères Lumière est de montrer trois niveaux de scènes : au deuxième plan il y a trois hommes en costume qui observe la scène et au troisième plan qui est une route ou un chemin d’autres hommes se promènent. Thierry Frémaux a alors ce commentaire : « Quand on parle de la France au travail, dans ce film on parle exclusivement des femmes au travail !!! »
 
Et puis la troisième…
En Indochine, dans cette région qu’on appelait alors « Annam », on voit sur les marches d’une demeure occupée par des occidentaux deux femmes blanches qui jettent des poignées de pièces à des enfants annamites.
Le propos récent de Macron : « Le colonialisme est un crime contre l’humanité » a fait polémique. Peut-être. Il est possible que cette qualification soit inappropriée.
Mais ces 50 secondes montrent toute la violence de la colonisation et la réalité que dans ce rapport entre les occidentaux venus avec leur puissance guerrière et économique et les populations autochtones, il y a une inégalité telle qu’ils ne semblent pas appartenir à la même race humaine, un peu comme ces scènes où des humains jettent des aliments à des animaux.
J’ai trouvé sur Internet cette photo de mauvaise qualité qui est un extrait du film qui montre la scène dans de bien meilleures conditions techniques.
C’est tout cela qu’on voit dans ces 104 films qui montre le monde entre 1895 et 1905.

Vendredi 17 février 2017

Vendredi 17 février 2017
« On est bien peu de chose
Et mon amie la rose
me l’a dit ce matin »
Françoise Hardy
Offrir une rose…
«Je me suis épanouie, heureuse et amoureuse, aux rayons du soleil» fait dire à la rose, Françoise Hardy.
<Le billet économique> de Marie Viennot a abordé le sujet de la production de la rose dans le monde à l’occasion de la Saint Valentin, ce début de semaine :
«Car le plus souvent, ce n’est pas en France que la rose que vous offrez  se sera épanouie, mais plus vraisemblablement en Hollande, en Equateur, en Colombie ou au Kenya…
Les roses d’Equateur sont les plus haut de gamme, car elles sont hautes, résistantes, de multiples couleurs. Les roses de Colombie sont principalement destinées au marché américain; elles sont parait-il les préférées de Michelle Obama. Les roses du Kenya sont plus petites, et de moins bonne qualité, vous les trouverez dans les supermarchés.
Ces pays se sont spécialisés dans ces plantations il y a 20 ans environ, ce qui ne va pas sans poser de problèmes.
Ils ont l’avantage d’être situés près du parallèle zéro, où l’ensoleillement est maximum, et d’avoir une main d’oeuvre bon marché, et docile. Or la fleur coupée est une activité très intensive en travail humain, surtout féminin, et en produits chimiques.
Les dégâts sur la santé des femmes qui les récoltent, et leurs enfants sont documentés dans de très nombreux reportages édifiants.
Au Kenya, la production de roses se concentre autour du lac Naivasha, elle représente avec d’autres cultures autour du Lac 10% des exportations du pays, et comme elle pompe une grande partie de l’eau du lac, il y a des conflits récurrents avec les tribus Massai et Kikuyu qui n’ont plus accès au lac pour abreuver leurs troupeaux. […]»
Mais «Où est la rose Made In France ? Elle est encore cultivée dans le sud, en région PACA, autour de Hyères, mais c’est minime.
Toute fleur confondue, la France importe 85% des fleurs coupées vendues chaque année. La filière horticole se porte mal, entre 2005 et 2015, 40% des exploitations ont disparu. Il y en a encore 4000, ce qui représente 20 000 emplois.
Il y a deux ans un label Fleur de France a été créée pour promouvoir cette filière mais pour le moment la provenance des fleurs n’est pas devenue la préoccupation des acheteurs.
L’Union Nationale des Intérêts professionnels horticoles interpelle les candidats à la présidentielle. Elle leur demande notamment, que comme pour les légumes, la provenance des fleurs soit indiquée.
C’est rarement le cas, vous le constaterez, mais si vous demandez à votre fleuriste, il sait très bien où sont produites les fleurs qu’il vend. Celles qui ne viennent pas des Pays Bas, sont acheminées par air. Leur bilan carbone est donc assez élevé, mais pas plus que le vôtre quand vous prenez l’avion puisqu’elles voyagent sous vos sièges, dans les soutes à bagages.
[…] Une américaine a développé le concept de Slow flowers. Elle y a consacré un livre, et un site, où l’on peut trouver les adresses de fleuristes qui proposent des fleurs locales.
L’idée est de privilégier les circuits courts, les fleurs produites localement et sans pesticide. Cette tendance existe aussi Outre Manche, où des producteurs proposent aux clients de venir cueillir eux même leur fleurs.
[…] Cela doit exister en France, mais les informations ne sont pas centralisées sur un site, contrairement aux Etats Unis. D’ici là, si vous voulez privilégier la filière française, préférez aux roses
– les mimosas,
– les anémones,
– les pivoines
– les renoncules
Ce sont les variétés où vous avez le plus de chance de tomber sur des « fleurs de nos jardins ». »
Comme le rappelle mon ami Gérald, il faut savoir cependant que Françoise Hardy n’est que l’interprète, l’auteure des paroles étant Bernadette Cécile Caulier. ». Vous lirez derrière le lien Wikipedia le destin de cette femme et de ses combats dans un monde artistique féroce.
Mon amie la rose
 
On est bien peu de chose
Et mon amie la rose
Me l’a dit ce matin
À l’aurore je suis née
Baptisée de rosée
Je me suis épanouie
Heureuse et amoureuse
Aux rayons du soleil
Me suis fermée la nuit
Me suis réveillée vieille
Pourtant j’étais très belle
Oui j’étais la plus belle
Des fleurs de ton jardin
On est bien peu de chose
Et mon amie la rose
Me l’a dit ce matin
Vois le Dieu qui m’a faite
Me fait courber la tête
Et je sens que je tombe
Et je sens que je tombe
Mon cœur est presque nu
J’ai le pied dans la tombe
Déjà je ne suis plus
Tu m’admirais hier
Et je serai poussière
Pour toujours demain
 
On est bien peu de chose
Et mon amie la rose
Est morte ce matin
La lune cette nuit
A veillé mon amie
Moi en rêve j’ai vu
Éblouissante et nue
Son âme qui dansait
Bien au delà des nues
Et qui me souriait
Croit celui qui peut croire
Moi j’ai besoin d’espoir
Sinon je ne suis rien
 
Ou bien si peu de chose
C’est mon amie la rose
Qui l’a dit hier matin.

Jeudi 16 février 2017

Jeudi 16 février 2017
« Le cinéma de Lumière avait pour fonction de dire qui nous sommes et ce qu’est le monde : c’est la même chose aujourd’hui »
Thierry Fremaux dans l’émission des matins de France Culture du 8 février 2017
Le destin a voulu que lorsque nos activités se concentraient à Paris, Annie, moi et nos enfants ayons vécu plus de 10 ans à Montreuil avant de venir presque par hasard à Lyon. A Lyon, en cherchant un appartement nous sommes tombés aussi par hasard sur notre appartement qui se situe à exactement 350 m de la rue du premier film et de l’Institut Lumière. Nous habitons donc à 350 m de l’endroit où on a tourné le premier film :   « la sortie de l’usine Lumière à Lyon » en 1895.
Alors pourquoi je rapproche cela de Montreuil ? Parce que Montreuil est la ville <Où George Meliés, inspiré par les frères Lumière, a créé le premier studio de cinéma>
Méliès ne parvint pas à s’entendra avec les Lumière et c’est par d’autres moyens qu’il créa les premiers trucages, les premiers effets qui inspirèrent cet art que deviendra le cinéma.
Mais ce mot du jour est consacré  du film : « Lumière ! L’aventure commence » qui est  sorti, le 25 janvier dernier. C’est un  film réalisé par Thierry Frémaux, présenté par Bertrand Tavernier et l’Institut Lumière, bref une affaire lyonnaise. 
Lors de cette émission, Thierry Fremaux a expliqué que « Le cinéma s’est conçu lui-même comme art plus tardivement. Pas plus Lumière que Méliès, qui certes était un homme de spectacle, Charles Pathé ou Léon Gaumont, n’avaient conscience de faire autre chose que de lancer une nouvelle industrie. » Beaucoup d’articles parlent de manière élogieuse de ce film :  <Télérama parle d’un ravissement.>
Bertrand Tavernier a publié ce texte sur le site de
«Chers amis,
Demain, mercredi 25 janvier, pour la première fois dans l’Histoire et hors les projections des années 1895/1905, le cinéma de Lumière retrouve le chemin des salles.
La sortie de Lumière ! L’aventure commence est un événement considérable.
Avec « des » films Lumière, Thierry Frémaux a composé « un » film Lumière. La restauration 4k révèle de somptueux trésors. La beauté de ces films est stupéfiante et, enchantés par la musique de Camille Saint-Saëns, ils offrent des sentiments inoubliables aux spectateurs, entre drôlerie et émotion.
Lumière ! L’aventure commence a été produit par l’Institut Lumière et sa distribution est assurée par la société Ad Vitam, réputée pour son goût et son engagement, avec à sa tête une équipe de jeunes cinéphiles habitués aux meilleurs auteurs mondiaux (Bellocchio, Hou Hsiao-hsien, Jia Zhangke). De nombreuses salles l’accueillent, les salles d’art et essai comme les grands réseaux. Il sortira à Paris, dans de nombreuses villes de France, et à Lyon, au CNP Terreaux (récemment devenu, belle coïncidence, le Lumière Terreaux), à l’UGC Ciné Cité Confluence et au Pathé Bellecour.
À l’étranger, où Wild Bunch assure les ventes, près d’une vingtaine de pays ont déjà acheté le film et le sortiront en 2017.
C’est un grand aboutissement pour tous les amoureux du cinéma de Lumière, pour toute l’équipe de l’Institut, pour moi qui ai le privilège de le présider depuis ses débuts et pour Bernard Chardère qui en assura le lancement et fut le biographe des Lumière.
Après avoir rencontré, lors des avant-premières de Lyon, Cannes, Paris, Orléans, Grenoble, ses premiers spectateurs, Lumière ! a fait vendredi dernier l’ouverture du festival d’Angers. Le miracle s’est opéré à nouveau, comme nous le constatons depuis les premières projections de presse. De nombreux messages nous parviennent. Vous le verrez, vous le lirez, les critiques sont unanimes.
Le 28 décembre 1895, il y avait 33 spectateurs lors de la première séance au Salon Indien du Grand Café. À partir de mercredi, chaque séance sera historique, chaque projection rappellera la beauté d’un cinéma oublié.
Avec toute l’équipe de l’Institut Lumière, avec celle d’Ad Vitam et avec toutes les salles qui nous font l’amitié de nous accueillir, nous espérons que vous serez nombreux à venir retrouver ceux à qui nous devons LE CINEMA !
Merci à tous,
Bertrand TAVERNIER
Président de l’Institut Lumière»
Bertrand Tavernier a aussi cette belle formule : « Ils ont offert le monde au monde »
Il me parait indispensable d’aller voir ce film qui raconte l’Histoire et montre l’Histoire.

Mercredi 15 février 2017

Mercredi 15 février 2017
«La sieste en entreprise, c’est pour quand ?»
Marina Al Rubaee
Ce n’est pas un journal de la gauche bobo, de cette partie de l’échiquier politique qui perpétuellement en appelle à la fainéantise (35h, maintenant 32h, retraite à 60 ans) s’éloigne de la société du travail (revenu universel) qui pose cette question mais un journal de droite : Le Figaro. Et pour être plus précis, le magazine Figaro madame : <La sieste en-entreprise c’est pour quand ?>
Que raconte cet article ?
«Si tout le monde en rêve, le sujet de la sieste en entreprise reste tabou. Pourtant, les bénéfices sont réels.
Vous n’avez plus une minute à vous : vous courez tout le temps, à devoir tout gérer. Résultat, vous êtes sur les rotules, à bout de souffle en fin de journée. Une petite sieste vous aurait été profitable pour faire une pause et recharger les batteries. Malheureusement, cette pratique n’est culturellement pas admise en France alors qu’elle est pratiquée au Japon, en Espagne et même inscrite dans la constitution chinoise. «En France, on la concède volontiers aux enfants et aux personnes âgées. Mais pour les actifs, la fatigue semble ne pas exister. Pourtant, elles est bien réelle chez de nombreux collaborateurs», observe Guirec Gombert, content manager au sein de RegionsJob. En effet, la sieste aujourd’hui, plus qu’une tendance, est devenue une nécessité.
Selon une étude commandée en juin 2016 à OpinionWay par Eve Sleep, une start-up fabricant des matelas, 80% des Français ressentent de la fatigue en journée de façon occasionnelle au travail. 72% des sondés en perçoivent les effets négatifs : augmentation du stress, perte d’attention et de la productivité. Pour 49% d’entre eux, la sieste resterait le meilleur moyen d’y remédier. Certains, de peur d’être mal perçus, la pratiqueraient en catimini (voiture, toilettes…). Un phénomène de société bien réel sur lequel les entreprises continuent à faire la sourde oreille. «Ce besoin de repos est encore perçu comme de la fainéantise. En termes de bien-être au travail, les entreprises pensent à mettre en place des crèches d’entreprise, des salles de « convivialité » ou favorisent le sport mais oublient la sieste», analyse Guirec Gombert. Selon une autre étude du cabinet Robert Half (2014), 36 % des entreprises françaises trouvent cette idée «farfelue». Cependant, 47% des chefs d’entreprise pensent que c’est «envisageable». Sans forcément passer le cap.
Pourtant, la vertu de la sieste est avérée. Selon la Nasa, 20 minutes de sieste amélioreraient de 35% la productivité au travail. Toujours selon l’étude Opinion Way, seules 12% des entreprises y sont favorables. Certaines ont franchi le pas. C’est le cas de Renault. Depuis plus d’un an, le fabricant d’automobiles teste une salle de repos dans une annexe de son site de Plessis-Robinson (Hauts-de-Seine). Les 1200 salariés peuvent ainsi accéder aux sept cabines dernier cri dédiées à la sieste (entre dix et vingt minutes). La fréquentation du lieu est passée de 40 à 60 personnes par jour, avec des pics de fréquentation situés entre 11 heures et 15 heures. Danone France s’y est mis aussi. Mais, les deux sociétés s’abstiennent de communiquer sur ce sujet.
Léa Nature, PME de produits bio, propose aussi ce service à ses 450 salariés en mettant à leur disposition une salle «zen» avec transats, matelas, lumière tamisée et musique douce. «Il est généralement plus facile d’instaurer cette pratique dans des PME et des start-up que dans les grands groupes dans lesquels les rapports hiérarchiques sont davantage marqués», poursuit Guirec Gombert. Pour preuve, chez Orange, à Meylan (Isère), il aura fallu l’intervention d’un médecin du travail pour créer un «espace calme».
Des start-up surfent sur la vague comme Nap Concept qui milite pour démocratiser le petit roupillon en entreprise ou Nap&Up qui loue des espaces de micro-sieste «clé en main». Des «bars à sieste» fleurissent également autour des quartiers d’affaires : ZZZen à Paris, My Cup of time à Lyon, Au petit répit d’Isana à Belfort… un petit «dodo» accessible pour un prix allant de 5 à 27 euros. Si tout le monde reconnaît les vertus indéniables de la sieste, l’idée mettra encore un peu de temps à faire son chemin.»
La fin me rassure, le Figaro est bien un journal de droite, car la conclusion permet d’entrevoir la marchandisation de la sieste, donc c’est une idée qui peut avoir vocation à prospérer.
Modestement j’avais proposé cette idée à mon chef alors que je venais de débuter dans l’administration centrale de la DGI dans la fin des années 80. Mon chef ne m’avait pas répondu et avait simplement levé les yeux au ciel, pour celles et ceux qui ont vécu cette époque avec moi, il s’agissait de Michel Gusthiot.
Pourtant je continue à prétendre que cette idée est bonne, d’autant plus que le monde du travail notamment dans l’administration vieillit. (Dans les entreprises a priori aussi, mais dans ce monde là on les vire et on crée des seniors chômeurs)