Je ne serai pas accusée de m’être dérobée.»
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Pourtant, Christian Goudineau nous apprend que les gaulois restent présents dans notre actualité et notamment parce que plusieurs noms de nos villes actuelles ont pour origine le nom de la tribu gauloise du lieu, ce nom ayant supplanté le nom latin donné par les romains : « Et ces noms sont restés bien vivants, nous les employons tous les jours puisqu’ils baptisent nos villes actuelles. Caesarodurum, capitale des Turons, est devenue Tours, Mediolanum, celle des Santons, est devenue Saintes, Lutetia, celle des Parisii, Paris.»
Je finirai par un petit dessin humoristique du Courrier Picard qui dévoile un échange entre
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l’ancien président, descendant des Huns puisque d’origine hongroise et désormais descendant des gaulois puisque français avec son épouse, descendante des romains puisque Italienne…
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Pour qu’il n’y ait pas d’ambigüité, Régis Debray précise toute de suite que son sujet est précis et délimité, il va parler de « Dieu » avec D majuscule, l’Unique.
Celui qui a émergé dans une région précise : le croissant fertile en Mésopotamie, entre l’Irak et l’Egypte d’aujourd’hui et qui dans le chapitre 3, §6 du livre de l’Exode s’est présenté à Moïse par ces mots :
« Je suis le Dieu de ton père, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob. »
Celui que les hébreux ont désigné par le tétragramme « YHWH », que les chrétiens ont plutôt appelé « Seigneur » ou « Mon Père » et qui a pour nom arabe et pour les musulmans du monde entier « Allah ». Car il y a bien continuité entre les 3 religions du Livre et qui tous parle de la même entité transcendante, universelle et unique.
Le Dieu du monothéisme ! Alors que Régis Debray précise
« Le terme de monothéisme ne figure pas dans l’Ancien Testament, pas plus que celui de religion dans le nouveau. ».
Et Régis Debray de définir :
« C’est l’Infini qui dit « Moi, je » et qui de surcroit pense à moi. Il allie ces deux qualités a priori incompatibles qui sont la Transcendance et la proximité. D’une part, le Créateur est radicalement supérieur et distinct du monde créé, du monde sensible qui m’entoure mais il m’est possible de l’interpeller, dans un rapport intime de personne à personne. Autrement dit c’est un dehors absolu qui peut me parler du dedans. Il nous entend, nous voit et nous console. Et on peut s’adresser à lui non seulement par un datif cérémonieux : « Deo Gratias », « Merci à Dieu », mais par un vocatif plein de reproches : « Mon Dieu, pourquoi m’as-Tu abandonné ? ». […] Tutoyer l’Absolu un peu rudement, c’est bel et bien une révolution dans l’Histoire de l’esprit…»
Et Régis Debray de nous inviter :
« Alors ouvrons le dossier »
Je vous avoue que cette émission est encore plus compliquée à résumer que les quatre autres, tant le cheminement intellectuel du philosophe sur ce sujet est fécond, imbriqué, large et laisse peu de place à la possibilité de simplement picorer.
Je vous en livre l’introduction :
« Ce Dieu majuscule n’est pas né de rien, ni n’importe où, il a donc une Histoire. Il a une écologie, c’est-à-dire un milieu… Il a une logistique, c’est-à-dire des moyens de transport et il a un medium, c’est-à-dire un support. Il a aussi des problèmes à résoudre, certains d’ordre intellectuel et il a des responsabilités d’ordre historique. L’affaire on le voit n’est pas simple.
L’Historique d’abord ! Car l’Eternel n’a rien d’éternel. Celui qui est entré dans l’Histoire des hommes a lui-même une Histoire toute fraiche. « Dieu » est un « tard venu » dans l’Histoire des entités célestes. L’homo sapiens a environ 100 000 ans d’existence, l’âge des toutes premières sépultures. »
Et il pose cette question et donne cette réponse : « Et Dieu quel âge a-t-il ? 2500 ans ! »
Et il continue
« C’est un parachuté de dernière minute sur les terres de sapiens sapiens et même sur ceux du peuple Hébreux. […] Cette tribu fut d’abord, comme tous les autres, polythéistes, puis monolâtre c’est-à-dire avec un Dieu national identitaire qui en tolère d’autres chez les voisins, avant d’embraser la cause d’un Dieu universel à tous les peuples et singulier, ayant conclu une alliance avec le seul peuple hébreux.
Ce Dieu dont nous parlons a émergé entre le 7ème et le 6ème siècle avant notre ère. Entre le règne centralisateur de Josias (-627) et l’exil à Babylone (-587). Sa première apparition incontestable, apparaît dans les derniers chapitres du Livre d’Isaïe dans la Bible, livre écrit après le retour des Judéens captifs à Babylone, après leur libération par le perse Cyrus.
Dieu le père, fut l’enfant d’une catastrophe, d’une catastrophe humiliante qu’a été la destruction du royaume de Juda et du Premier Temple de Jérusalem par Nabuchodonosor en -587.
C’est le fruit d’une grande construction rédactionnelle, d’une rédaction « ex post ante », faite après coup. Une reconstruction littéraire par une élite captive à Babylone et qui a voulu s’expliquer le pourquoi de sa défaite et de sa déportation, en réécrivant tout son passé, en s’inventant à titre rétrospectif un Dieu aussi protecteur que le puissant Dieu babylonien Mardouk, Dieu avec lequel cette élite avait fait alliance. Et c’est pour avoir rompu ce pacte d’alliance qu’est intervenu la punition divine et l’envoi en exil pour cause de désobéissance. Ce fut une terrible mésaventure qui est consignée dans le Deutéronome, non sans quelque mégalomanie propre à réparer une honte nationale »
Arrivé à ce stade vous êtes à la 11ème minute de l’émission qui dure 1 heure et dont vous trouverez l’intégralité derrière ce lien : <Allons aux faits : Que faut-il entendre par Dieu ?>.
<La datation scientifique de l’écriture de la bible hébraïque la situe bien autour de la déportation à Babylone>. Si la rigueur scientifique ne permet pas d’affirmer que le personnage de Moïse a été inventé à ce moment-là, [il faut cependant savoir qu’aucune source historique en dehors des textes bibliques ne fait mention de Moïse], on a écrit l’histoire de ce personnage à ce moment de l’Histoire. Pour Abraham et ses enfants qui sont encore plus éloignés de cette période, il en va de même.
Régis Debray montre aussi que l’émergence de Dieu a dû attendre l’apparition de l’écriture, dans la même région du croissant fertile.
En outre, le Dieu monothéiste présente cet avantage par rapport aux dieux statufiés qu’il est facile de l’emmener avec soi. Les hébreux ont trouvé cette solution d’emmener avec eux, l’arche d’alliance c’est à dire les tables sacrés des commandements divins. Les autres peuples étaient incapables d’emmener avec eux la grande statue de Baal ou de Marmouk. Le monothéisme aime la dématérialisation.
Le croyant sincère peut être choqué que l’on écrive : ton Dieu a 2500 ans. En effet, si Dieu existe, il a toujours existé, sinon il ne serait pas Dieu.
Certes !
Mais ce que montre Régis Debray, c’est que Sapiens Sapiens a vécu 97 250 ans sur ses 100 000 ans d’existence sans Dieu monothéiste. Aujourd’hui encore, d’immenses civilisations comme la chinoise, l’indienne se passent très bien d’un Dieu unique et universel.
Régis Debray a écrit un livre, paru en 2003, que nous possédons dans notre bibliothèque et que je n’ai pas encore lu <Dieu un itinéraire>.
<753>
La seconde émission de Régis Debray avait pour thème le sacré.
Dans notre monde sécularisé, nous pensons que le sacré s’est éloigné de notre univers, ou nous le pensions. Depuis le massacre de Charlie Hebdo, nous avons avec effarement eu des débats sur ce mot qui nous paraissait d’un autre temps : « le blasphème ». Mais Régis Debray nous montre qu’en réalité le sacré ne nous a jamais quitté. Ce n’était pas forcément un sacré religieux, mais il y a toujours du sacré. Le fait est que dans notre langage nous avons exclu de notre vocabulaire le mot “sacré” et ses dérivés mais pas sa réalité.
Régis Debray introduit le sujet de la manière suivante :
« Que faut-il entendre par sacré ?
Rien n’est sacré en soi, mais on ne connait pas de société même laïque qui n’ait en son sein un point de sacralité, quelque chose qui autorise le sacrifice et interdit le sacrilège. […]
Etrange destin que celui de ce mot. […]
Hier dans toutes les bouches […], il n’est plus bien porté, il n’a plus droit de cité.
« Sacré » est devenu tabou ou malséant. Le substantif fait peur par ce qu’un référent ainsi baptisé suppose de révérence et l’épithète « sacré » fait sourire par la nuance d’ironie admirative qu’on y met : oui parce que « une sacrée musique » n’est pas « une musique sacrée ».[Cette utilisation de l’adjectif veut probablement conjurer d’autres utilisations anciennes comme] « l’amour sacré de la patrie » qui fait trop sentir la terre et les morts, le cantique des armes et l’hécatombe des corps.
Ainsi le mot sacré s’est-il absenté des discours publics, il est proscrit de nos textes législatifs. On peut dire par exemple qu’une sépulture a été profanée, on peut écrire un texte contre l’outrage à la marseillaise ou au drapeau, on peut interdire la manipulation du génome de l’espèce humaine […].
Mais on ne peut revenir aux sources pour dire qu’une sépulture, qu’un drapeau, ou que le génome humain ont quelque chose de sacré en eux.
Oui, parce que c’est logique, s’il n’y avait rien de sacré dans tout cela, il n’y aurait ni profanation, ni outrage, […].
« Profaner » oui ! Cela se dit couramment. Sacralité, halte là !
C’est comme un livre de cuisine qui parlerait du cuit mais pas du cru ou d’un bulletin météo qui parlerait du froid mais pas du chaud. […]
Nous nous étonnerions sans doute d’entendre dans la bouche de nos politiques le mot de « sacré ». Ils utilisent le terme doucereux et sucré de « valeur ».
La valeur est molle, le sacré est dur.
La valeur ça plaît à tout le monde, c’est la fonction du kitsch.
Le sacré ça effraie !
Le sacré peut se définir comme cela : qui légitime le sacrifice et qui interdit le sacrilège.
Or nous n’avons aucune intention de nous sacrifier pour quoi que ce soit et nous détestons viscéralement les interdits, sauf pour avoir la gloriole de les enfreindre. […]
Nous nous vantons de ne plus rien tenir pour sacré, mais nous trouvons fort normal que des auteurs d’une BD ironisant sur les nazis et les déportés juifs soient condamnés à une forte amende et leur ouvrage interdit.
Nous estimons que la pédophilie est un crime sans pardon. Ou qu’aller se faire cuire un œuf sur la flamme du soldat inconnu à l’arc de triomphe ou pire ouvrir une crêperie sous le portique de l’entrée du camp d’extermination d’Auschwitz constitue plus qu’une incongruité ou un acte de mauvais goût. Mais surtout que le mot sacrilège ne soit pas prononcé !»
Ainsi Régis Debray raconte comment à Moscou, un policier est venu lui intimer l’ordre d’immédiatement éteindre la cigarette qu’il fumait non dans mais devant le mausolée de Lénine. Il en a tiré la conclusion que l’athéisme officiel n’est pas « sacrifuge » mais au contraire « sacrophile », il aime le sacré jusqu’à la manie.
Il affirme aussi que « le premier réflexe d’une société qui sent son délitement c’est de sacraliser, de consacrer pour consolider et affirmer. » L’exemple qu’il donne est dans toutes les mémoires, vous vous souvenez que la marseillaise a été sifflée lors du match de football France-Algérie, le 6 octobre 2001.
En réaction, le législateur a fait une loi qui se retrouve dans le Code Pénal article 433-5-1. :
« Le fait, au cours d’une manifestation organisée ou réglementée par les autorités publiques, d’outrager publiquement l’hymne national ou le drapeau tricolore est puni de 7 500 euros d’amende. Lorsqu’il est commis en réunion, cet outrage est puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende. »
Bref un sacrilège et une sanction pour celui qui le commet !
Il est toujours important de revenir à l’étymologie : Le mot « sacré » vient du latin « sacer » qui signifie « séparation ». Nos ainés en monothéisme, la religion juive avait structuré cette séparation dans le Temple de Jérusalem qui avait une structure concentrique, avec des parties publiques et des parties toujours plus sacrées et toujours plus rarement accessibles, jusqu’au centre, le « Saint des saints » ou était conservée l’Arche d’alliance et qui était l’endroit le plus séparé du reste.
L’antinomique du « sacré » est « profane », du latin « profanus » (de pro «devant» et fanum «lieu consacré»). Le profane est donc ce qui se trouve à l’extérieur du sacré.
Mais la religion juive, exprime encore de manière plus explicite cette équivalence entre le sacré et la séparation. Régis Debray nous explique :
« “Soyez Saint” enjoint le Lévitique aux Hébreux ! Traduction « écartez-vous ne vous assimiliez pas.» »
Le texte exact est Levitique 20:26
« Soyez saints, consacrés à mon service, parce que je suis saint, moi, le Seigneur. Je vous ai mis à part des autres peuples pour que vous soyez à moi. »
Et Debray de continuer :
« Ne mélangez pas la laine d’origine animale avec le lin d’origine végétale (Deutéronome 22-11). Ne mélangez pas le lait avec la viande (Exode 23-19). Et, ne vous mélangez pas avec les goyims.
Ce qui vaut pour le textile et les aliments vaut pour l’humain et le territoire.
Israël doit rester séparer des autres nations et son territoire a été proclamé inaliénable par le peuple Juif. »
Le sacré fait frontière et les frontières c’est sacré.
<Ainsi le dieu latin Terminus était le maître des bornes et des limites>. Et on se souviendra que selon une légende, Romulus tua son frère Rémus parce que ce dernier avait sauté le sillon qu’il venait de tracer pour délimiter le mur, c’est à dire la frontière de la ville de Rome qu’il entendait créer.
Pour Debray, les églises chrétiennes, catholiques et protestantes préféreront la sainteté au sacré :
« Le sacré concerne les choses, la sainteté concerne les hommes. […] Le sacré est primitif, il est là avant le divin, le Dieu unique est encore postérieur. […] Rien n’est sacré par nature, mais n’importe quoi peut le devenir : un arbre comme pendant la révolution française, la source d’un fleuve, un parchemin. »
Vous savez sans doute que les saxons avaient un arbre sacré « Irminsul » qui fut abattu en 772 sur l’ordre de Charlemagne. A l’époque c’était des fanatiques chrétiens qui faisaient disparaître le patrimoine sacré d’autres peuples, mais cet épisode est souvent célébré dans nos livres d’Histoire. Pourtant, dans l’histoire de l’Humanité, ce fait n’est pas différent de celui où les talibans ont fait exploser les Bouddhas de Bamiyan. Certes l’Unesco n’existait pas à cette époque.
J’ai tiré l’exergue du mot du jour, de ce développement de Régis Debray :
« Le sacré se désacralise. Je peux proclamer dans la cité du Vatican que le Christ n’est pas ressuscité, le genre de propos qui m’aurait fait sentir le fagot il y a quelques siècles d’ici, mais si je venais proclamer sur les trottoirs du Caire que Mahomet n’a jamais rien reçu de l’ange Gabriel alors je risquerai ma peau. Notez qu’au Caire si il y a 3000 ans, si j’avais nié la résurrection d’Osiris, j’aurais été assez vite expédié au royaume des morts.
Le sacré d’aujourd’hui n’est pas le sacré d’hier, ils peuvent même se succéder sans grave difficultés. C’est pourquoi je dis qu’il n’y a pas de sacré pour toujours, mais il y a toujours du sacré.
Et il y a toujours en France des gens capable de donner leur vie pour une cause.
Certes, il n’en existe plus beaucoup qui réciteraient : « Mourir pour la patrie, c’est le sort le plus beau, le plus digne d’envie »
Et rare sont les chrétiens qui seraient prêts, en France, de donner leur vie en l’honneur d Dieu et de la Foi. Même s’il y en eut, à Tibhirine en Algérie par exemple.
En revanche pour la maisonnée, pour les enfants ce ne serait pas impossible. Comme on dit “la famille c’est sacré !” Il y a comme un retour sur le noyau dur, c’est-à-dire la famille.
Et je ne parle pas bien sûr des « humans bombs » qui impose leur martyr aux autres au nom de leur Foi.»
Une autre sacralisation moderne est celle du patrimoine culturel, les œuvres qui sont inscrits dans ce patrimoine sont inaliénables. Et Régis Debray de raconter :
« Le sacré ne se marchande pas, ainsi Fidel Castro visitant le Louvre a demandé devant « La Joconde » combien cela coûte ? Il lui fut répondu, ce tableau n’a pas de prix, il n’est pas sur le marché. De même si à Madrid, un prince Qatar souhaite acheter « Guernica » de Picasso, on lui expliquera fermement, cette œuvre « sacrée » ne peut s’acheter.
Enfin, on peut l’espérer et ce sera le cas tant que ces œuvres seront sacralisées. »
Et le philosophe d’expliquer :
« Le sacré c’est ce qui me rattache au passé et me fait la promesse d’un avenir. »
Même si ce mot du jour est encore très (trop ?) long, je suis incapable d’en présenter toute la richesse que vous trouverez derrière ce lien : <Réalités religieuses (2/5) : Que faut-il entendre par sacré>
Je finirai par cette conclusion qui est une quasi-prière :
« Sacralisons, ce qui nous fait tenir debout et ne profanons pas jusqu’à l’indispensable. En France, on peut se prendre à penser que la République aurait un avenir plus assuré du jour où le Chef de l’Etat oserait évoquer à voix haute, en haut d’une tribune, non des valeurs en carton-pâte mais notre Sacré laïque et républicain. »
<751>
La croyance
Le sacré
La religion
Dieu
La Laïcité