Mercredi 6 mars 2024

« Mais cette loi (sur l’IVG) on la doit aussi à un homme Valéry Giscard d’Estaing »
Simone Veil

Pour une fois, la France a réalisé un progrès sociétal avant tous les autres : inscrire la liberté des femmes à interrompre une grossesse dans sa loi fondamentale.

Le Chili l’avait tenté lors de la rédaction de sa nouvelle constitution qui devait remplacer celle qui avait été mise en place sous la dictature du sinistre Augusto Pinochet. Mais par deux fois, cette tentative de nouvelle constitution a été rejetée par les électeurs chiliens en 2023. Par voie de conséquence, la disposition concernant l’avortement n’a pas pu entrer en vigueur.

C’est donc la France qui dans l’article 34 de sa Constitution a proclamé :

« La liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse »

Il fallait après le vote positif sur le même texte par l’Assemblée Nationale et le Sénat, que les deux assemblées réunies en Congrès votent la modification à la majorité des 3/5ème

La majorité des 3/5ème représentait 60,1 % des exprimés, le résultat du 4 mars 2024, fut de 91,5% pour l’adoption de la réforme de la constitution.

<L’église catholique a protesté> contre cette expression de la souveraineté d’un pays laïc.

Cette protestation est-elle légitime ?

Je ne le crois pas.

Dans un billet flamboyant <Sophia Aram> a cité un extrait d’une homélie de Michel Aupetit, archevêque de Paris :

« Satan déteste la vie, toute la culture de mort, de l’avortement à l’euthanasie en passant par la destruction d’embryons surnuméraires et la réduction embryonnaire est son œuvre à lui Satan »

C’est sa croyance, c’est son récit. Il a le droit de le croire. Des hommes et des femmes peuvent librement adhérer à ce récit. Ils seront alors catholiques. Et Monsieur Aupetit comme Monsieur Jorge Mario Bergoglio, responsable de cette église peuvent légitimement dire à celles qui adhérent au même récit qu’eux que si elles veulent suivre l’enseignement de cette église, elles ne devraient pas avorter.

Mais l’un comme l’autre n’a rien à dire aux représentants légitimes du Peuple français qui décident quelle est la Loi de la France et quelle est la Constitution de la France.

Il me semble que nous devons reprendre le flambeau de nos libérateurs de la troisième république pour stopper la prétention revigorée des religieux de tout bord, de vouloir imposer leurs croyances, leurs tabous et leurs interdits à la République française qui n’est soumis à aucun Dieu, mais à la volonté du Peuple souverain.

Mais la raison principale de ce mot du jour est autre.

J’aime la vérité historique et quand des faits sont établis clairement, les rappeler.

Pendant cette réforme, seule Simone Veil a été évoquée pour rappeler son rôle dans la loi de 1975 qui n’était pas une loi pour le droit à l’avortement mais une loi qui dépénalisait l’interruption volontaire de grossesse.

Comme le disait Simone Veil elle-même :

« Mais cette loi (sur l’IVG) on la doit aussi à un homme Valéry Giscard d’Estaing »

J’avais expliqué le rôle de Giscard d’Estaing et le hasard que ce soit Simone Veil qui porta cette réforme : « Mémoire et Histoire du droit à l’avortement »

J’ai beaucoup d’admiration et d’affection pour Simone Veil. Je l’ai écrit dans plusieurs mots du jour.

Rien de tel à l’égard de Valéry Giscard d’Estaing.

Mais c’est lui, alors que sa Foi et son milieu familial et politique s’opposaient à cette évolution, qui à l’écoute de l’évolution de la Société et de l’injustice commise à l’égard des femmes qui n’avaient pas les moyens d’aller à l’étranger avorter dans des conditions sanitaires sécurisées, a promis, lors de la campagne présidentielle de 1974, de réaliser cette réforme s’il était élu président de la république.

Il a agi en homme d’État, contre la majorité qui l’avait élu. D’ailleurs, à l’Assemblée Nationale sa majorité présidentielle vota contre la Loi. On lit dans Wikipedia :

« Après quelque vingt-cinq heures de débats animés par 74 orateurs, la loi est finalement adoptée par l’Assemblée le 29 novembre 1974 à 3 h 40 du matin par 284 voix contre 189, grâce à la quasi-totalité des votes des députés des partis de la gauche et du centre, et malgré l’opposition de la majeure partie – mais pas de la totalité des députés de la droite, […] dont est pourtant issu le gouvernement dont fait partie Simone Veil. »

Valéry Giscard d’Estaing est mort deux jours après Anne Sylvestre le 2 décembre 2020, des suites du COVID19, à 94 ans.

Je ne lui avais pas rendu hommage alors parce que j’ai consacré ce moment à Anne Sylvestre.

Car, il mérite qu’on lui rende hommage : il a modernisé la France et réalisé plusieurs évolutions majeures, souvent contre l’avis des groupes politiques qui le soutenaient.

Ainsi il a demandé au parlement d’abaisser l’âge de la majorité. Ce fut une loi du 5 juillet 1974 qui abaissa la majorité à 18 ans alors qu’elle était fixée à 21 ans pour tous depuis 1907 (25 ans auparavant pour les hommes). Cette mesure avait alors permis à près de 2,4 millions de Français concernés d’accéder au droit de vote. Au Royaume-Uni, la mesure était déjà en vigueur depuis 1970, et depuis 1969 en Allemagne.

Il est probable que sa défaite de 1981 contre Mitterrand fut en grande partie causée par cette évolution. Je ne dispose pas du vote au second tour des électeurs de 18 à 21 ans. Mais de celui  des électeurs de 18 à 24 ans et ils votèrent à 63% pour Mitterrand et à 37% pour Giscard d’Estaing.

Valéry Giscard d’Estaing, lors de cette campagne de 1981, refusa la proposition de ses conseillers qui voulaient révéler les rapports troubles de Mitterrand avec le Régime de Vichy et la décoration de la francisque par Pétain. Il rejeta cela parce qu’il trouvait ces méthodes indignes d’une campagne présidentielle.

C’est aussi dans la première année de son mandat, par la loi du 4 décembre 1974, qui comporte plusieurs dispositions relatives à la régulation des naissances, que fut acté le remboursement de la pilule par la Sécurité sociale. Par cette Loi, la contraception devient “un droit individuel”, avec la possibilité de délivrer une contraception aux mineures sans limite d’âge et sans autorisation parentale.

C’est encore sous le mandat de Valéry Giscard d’Estaing qu’est adoptée la loi du 11 juillet 1975 introduisant la notion de « consentement mutuel » dans le divorce. Les demandes devaient être auparavant motivées par une faute commise par l’un des deux époux. « Lorsque les époux demandent ensemble le divorce, ils n’ont pas à en faire connaître la cause », explique le nouveau texte. « Ils doivent seulement soumettre à l’approbation du juge un projet de convention qui en règle les conséquences. »

Il y eut également cette évolution majeure de nos institutions par la révision constitutionnelle du 29 octobre 1974 qui donne aux parlementaires (60 députés ou sénateurs) la possibilité de contester la constitutionnalité d’une loi. Auparavant, seuls le président de la République, le Premier ministre et les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat pouvaient saisir le Conseil constitutionnel. Cette évolution permettra enfin de vérifier que les projets de Loi du gouvernement sont conformes à la Constitution.

Et puis il y eut des épisodes moins glorieux, mais ils n’ont pas la place dans ce mot du jour qui se veut un hommage à un homme qui avait certes des défauts, mais qui avait aussi sa part de lumière que j’ai essayé de mettre en avant aujourd’hui.

Pour en revenir à l’évolution législative concernant l’avortement, c’est sous la présidence de François Mitterrand, en 1982, que la Loi Yvette Roudy, complétant la Loi Simone Veil, ordonnera le remboursement de l’IVG par la Sécurité Sociale.

Lors du vote du Congrès, il y eut aussi cette intervention pleine de sens et d’émotion de Claude Malhuret dont j’admire souvent l’intelligence et la qualité des interventions : « Je reverrai le visage de cette jeune femme dont la vie et celle de son bébé ont été anéanties lorsque j’irai voter. »

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Mercredi 31 janvier 2024

« Car c’est ainsi que les hommes naissent, vivent et disparaissent. »
Cécile Coulon, début de son livre « La langue des choses cachées »

Ce livre « La langue des choses cachées » commencent ainsi :

« Car c’est ainsi que les hommes naissent, vivent et disparaissent, en prenant avec les cieux de funestes engagements : leurs mains caressent et déchirent, rendent la peau si douce qu’on y plonge facilement des lances et des épées. Rien ne les effraie sinon leur propre mort, leurs doigts sont plus courts que ceux des grands singes, leurs ongles moins tranchants que ceux des petits chiens, pourtant ils avilissent bêtes et prairies, ils prennent les rivières, les arbres et les ruines du vieux monde. Ils prennent, oui, avec une avidité de nouveau-né et une violence de dieu malade, ils posent les yeux sur un carré d’ombre et, par ce regard, l’ombre leur appartient et le soleil leur doit sa lumière et sa chaleur. Ils se nourrissent des légendes qui font la terre ronde et trouée, le ciel bleu et fauve, ils construisent des villes géantes pour des vies minuscules et la haine de cette petitesse les pousse à toutes les grandeurs. En amour, ils ne comprennent rien aux secousses du cœur et du sexe, ils tentent de les apaiser, leurs forces sont fragiles, leurs corps mal préparés aux tempêtes des sentiments. Ils ont trouvé un langage pour tout dire ; avec ce trésor, ils s’épuisent à convaincre qu’ils sont les chefs, les puissants, les vainqueurs.

Qu’importe qu’ils violent des femmes, des enfants, des frères ou des inconnus, qu’importe qu’ils vident des océans et remplissent des charniers, tout est voué à finir dans un livre, un musée, une salle de classe, tout sera transformé en statue, en compétition, en documentaire. Alors, qu’importe qu’ils incendient des bibliothèques, des villages et des pays entiers, qu’ils martyrisent ceux qu’ils aiment, il faut pour vaincre tout brûler, et regarder les flammes monter au-dessus des forêts jusqu’à ce qu’elles forment sous l’orbe des nuages de grandes lettres illisibles. Qu’importe qu’ils passent sur cette terre plus vite qu’un arbre, une maison, une tortue ou un rivage, ils sont si beaux, avec leurs yeux pleins d’amour et leurs mains pleines de sang, ils sont si beaux, avec leurs corps comme des brindilles, ils se tiennent droit, ils imitent les falaises, ils se croient montagnes ou sommets, ils sont si beaux dans leur soif capable de tarir les sources les plus anciennes, ils sont si beaux dans la timidité du premier baiser, cela ne dure qu’une seconde mais après ils ne seront plus jamais grands. Oui, c’est ainsi que les hommes naissent, vivent et disparaissent.

Au milieu de cette foule aveugle, titubante, certains comprennent les choses cachées.»

A l’origine de mon intérêt pour ce livre se trouve un extrait de « la Grande Librairie » que Florence a partagé sur un réseau social : <Cécile Coulon Lit>.

J’ai, ainsi, entendu Cécile Coulon lire le début du prologue de son dernier livre, accompagné par le violoncelle de Victor Julien-Laferrière interprétant un chant de Noël traditionnel catalan : « Le chant des oiseaux »

J’ai trouvé tant de force et de poésie dans cette déclamation de Cécile Coulon que je suis allé visionner l’intégralité de l’émission de la Grande Librairie du 10 janvier 2024 dans laquelle elle intervenait.

Émission très intéressante, comme toujours, dans laquelle Cécile Coulon irradiait de passion, d’intelligence et de lumière.

Alors, je suis allé acheter ce livre de 130 pages. Je l’ai ouvert, j’ai commencé par le prologue.

J’ai d’abord constaté que la déclamation qu’avait faite Cécile Coulon à la grande librairie n’était pas exactement le texte écrit. Il semblerait qu’elle ait prononcé le texte de mémoire, en réalisant quelques petits écarts avec ce qui était écrit.

Pour ma part, dans l’élan de la lecture j’ai continué et terminé sans m’interrompre.

Le récit, mais aussi le style et la poésie m’ont entrainé jusqu’à la fin, sans passer par la case pause.

L’Histoire est celle d’un guérisseur qui est appelé par les gens d’un village pour soigner un enfant malade.

En réalité, c’est sa mère qui est appelée, mais elle n’a plus la force de se déplacer, alors elle envoie, pour la première fois, son fils, qu’elle a initié, réaliser la mission de guérir.

On appelle cette mère ou son fils quand on ne sait plus quoi faire, que même les médecins sont démunis.

Cécile Coulon avoue dans l’émission « Les Midis de Culture » du 26 janvier 2024 <On n’arrivera jamais au bout du langage, c’est sa grande beauté>, sa fréquentation de semblables pratiquants « des soins archaïques », selon l’expression utilisée dans le livre :

« Ils ont une mission. On y croit beaucoup. Quand je dis qu’on ne comprend pas, c’est qu’on a du mal à expliquer exactement, comme on expliquerait un processus médical […] Étant donné que je suis quelqu’un qui va beaucoup plus souvent voir ce genre de personnes que mon médecin traitant […], j’y crois et je m’y sens bien, je me sens rassuré et en sécurité ».

Cette famille de guérisseur est particulièrement extraordinaire dans ses dons de percevoir ce qui n’est pas dit, caché. Il suffit au fils d’entrer dans une pièce pour sentir des choses graves qui se sont passées dans cette pièce des mois ou des années auparavant.

C’est tellement extraordinaire qu’il ne peut s’agir d’un guérisseur que Cécile Coulon a rencontré.

C’est pourquoi Louis Henri de la Rochefoucault, dans « Lire Magazine » décrit ce livre ainsi :

« Un court conte intemporel »

C’est un conte et il est hors du temps, on ne sait pas à quelle époque se déroule cette histoire.

En revanche, le temps du roman est déterminé : tout le récit se passe au cours d’une seule nuit.

Le guérisseur, en dehors de ses dons de guérir, connait aussi la langue des choses cachées.

Cécile Coulon explique dans la grande Librairie :

« La langue des choses cachées ce sont tous les mots qui ne sont pas dits. Tout le langage qui existe dans le silence. C’est une langue qu’on apprend quand on regarde les gens et qu’on décide de se taire. Et qu’on essaye de comprendre ce qui se cache derrière les conversations, ce qui se cache derrière les maisons, dans le corps, sous les corps. Et je crois qu’apprendre la langue des choses cachées, c’est aussi la capacité d’être ouvert et attentif à tout et à tous. »

L’écriture est poétique mais répond aussi à une sorte d’urgence, de frénésie que l’autrice explique ainsi :

« J’ai écrit cette histoire dans un état hypnotique, bouillonnant, fiévreux. Je voulais raconter ce que sont ces lieux, ces endroits sans lois inscrites, sans rien si ce n’est une église et un pont, flanqués de quelques maisons. Je voulais écrire que plus on cache un événement, plus il persiste à travers les générations suivantes. Je suis partie d’un lieu tenu par deux familles et un homme d’Église, j’ai voulu qu’en une seule nuit, dans ce hameau, tout soit défait, jusqu’aux entrailles, jusqu’au sang. »

C’est un conte cruel, un conte dur.

Il est question de violence sociale, de violence qu’on fait aux femmes et aux enfants.

Et il se termine avec une rupture de comportement entre l’action du fils et l’apprentissage que lui a donné sa mère.

Et, vous risquez à la fin du roman, si vous le lisez, d’avoir le même questionnement que moi : Faut il agir comme la mère : se contenter de soigner et éviter d’ajouter du désordre dans la société, ou comme, le fils, au risque du chaos, ne pas laisser les choses en l’état ?

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Jeudi 28 septembre 2023

« Les propos que j’entends en France me rappellent ceux que nous tenions à Alger lorsque l’islamisme commençait à occuper le terrain et installer ses bases. »
Boualem Sansal

Dans le mot du jour du 19 septembre 2023 j’évoquais l’ouvrage de Florence Bergeaud-Blackler : « Le frérisme et ses réseaux. L’enquête » ainsi que l’hostilité qui lui a été opposée par les milieux universitaires et les menaces proférées par des milieux plus troubles qui refusent tous deux que soit analysé ce qui se passe dans la société française, à savoir une opération volontaire et maîtrisée par des partisans d’un islam rétrograde visant à emmener une part grandissante de la communauté musulmane vers des pratiques plus rigoristes et archaïques. Parallèlement, le mouvement frériste utilise tous les moyens d’informations, les outils juridiques et la liberté qu’offrent nos États démocratiques pour tenter de rendre notre organisation, notre école, notre société plus compatible avec leur vision du monde.

Je voudrais pour compléter ce premier mot du jour sur ce sujet par un entretien très instructif entre Florence Bergeaud-Blackler et Boualem Sansal l’écrivain algérien de langue française qui a vécu en Algérie la montée de l’Islam rétrograde au sein d’une société musulmane et qui voit avec inquiétude des mécanismes similaires se développer dans notre société largement athée avec une tradition chrétienne remontant à plusieurs siècles. Boualem Sansal vit toujours en Algérie, dans la banlieue d’Alger.

<Cet article> a été publié par « Le Figaro » le 7 juillet 2023.

Boualem Sansal éclaire d’abord les conditions qui rendent possible cet « entrisme » des frères musulmans et autres salafistes et wahhabite : le déclin de la civilisation occidentale :

« Les civilisations, comme les humains, ont leurs maladies et elles se transforment en permanence. Je pense que la civilisation occidentale est en perte de vitesse depuis longtemps, « les Lumières » sont un souvenir qui ne dit rien aux jeunes. On parle d’effondrement. Ses élites ont laissé faire ou n’ont pas su faire. En se vidant de sa puissance, en perdant l’initiative, elle s’est fragilisée. Là, elle est face à un défi majeur, le plus grand de son Histoire. […] Les Frères étaient une petite poignée discrète en France, ils sont aujourd’hui des milliers, puissamment organisés, ayant pignon sur rue et ne manquant d’aucun moyen d’action. Grâce à eux, mais pas seulement, l’islamisme s’est répandu en France et fait souche. Il a ses objectifs, ses programmes, ses institutions et ses relais dans la société française dans tous ses compartiments. C’est du billard pour eux car l’État et la société françaises en sont encore à se demander ce qu’ils ont en face d’eux. »

Boualem Sansal a vécu la guerre civile qui a opposé entre 1992 et 2002 le gouvernement algérien, disposant de l’Armée nationale populaire (ANP), et divers groupes islamistes. Finalement les forces gouvernementales ont gagné et poussé à la reddition l’Armée islamique du salut (AIS) et le Groupe islamique armé (GIA). Et Boualem Sansal considère que beaucoup de ce qui arrive en France lui rappelle l’évolution de l’Algérie : .

« Les propos que j’entends en France me rappellent ceux que nous tenions à Alger lorsque l’islamisme commençait à occuper le terrain et installer ses bases. Il paraissait bien sympathique avec son folklore et ses promesses de justice et de fraternité. Ça tombait bien, nous étions en révolte contre les injustices et la corruption du pouvoir. Nous avions les mêmes sympathies pour eux que les gauchistes en France ont aujourd’hui pour vos islamistes. Refuser les islamistes, c’était quelque part soutenir la junte au pouvoir. Nous, nous n’avions que ce choix, la peste ou le choléra, en France, le choix est heureusement plus large. »

Et Boualem Sansal met l’accent sur le voile qui par sa visibilité, de plus en plus ostensible, a démontré en Algérie, l’influence et la place des mouvements islamistes.

Dans son essai « Gouverner au nom d’Allah » il a écrit que le « voile a été un outil de conquête ».

Sur ce petit bout de tissu que beaucoup jugent insignifiant et sans importance, je ne me lasserai pas de renvoyer vers une vidéo de Nasser que j’avais déjà cité lors du mot du jour qui a fait suite à l’attentat contre Charlie Hebdo en janvier 2015

Dans cette vidéo : <Entretien en 1953 avec les frères musulmans>, Nasser, lors d’un meeting politique, explique qu’il a voulu discuter avec les frères musulmans pour les associer au pouvoir. Et quand il dit que leur première exigence est que « nos femmes sortent dans la rue voilées » vous entendez, la salle qui éclate de rire.

C’était en 1953, en Egypte pays musulman historique, siège de l’université al-Azhar du Caire dont on dit qu’il s’agit de la plus haute institution d’enseignement sunnite du monde.

Aujourd’hui, en France quand des personnes posent la question du voile Edwy Plenel ou Jean Luc Mélenchon, parmi d’autres, les accusent de racisme et plus précisément « d’islamophobie ».

Et Jean-Luc Mélenchon récemment s’est aussi insurgé contre l’interdiction de l’Abaya à l’école avec cette expression : « Absurde guerre de religion »

Mais Jean-Luc Melenchon approuvait l’interdiction de la Burqa , le 24 avril 2010, dans l’émission “On n’est pas couché” sur France 2.

« Moi je considère que c’est un traitement dégradant et je considère que c’est une provocation d’un certain nombre de milieux intégristes contre la République. Et par conséquent la République a gagné et elle va gagner encore une fois : ça sera interdit”, poursuit Jean-Luc Mélenchon. “Et on le fera non seulement pour empêcher une absurdité qui consiste à accepter l’idée qu’une femme considère qu’elle est un enjeu, un gibier, qu’un homme ne peut la regarder qu’avec un œil de prédateur. Et deuxièmement, parce que c’est obscène cette histoire de burqa, ça part de l’idée que les hommes ne sont que des prédateurs. »

Et il ajoutait même à l’égard de celles qui portent volontairement la burqa

« Je leur donne le signal suivant : en République française, les hommes et les femmes sont égaux. J’ai le droit de te regarder dans les yeux”, répond-il. “Dans ce pays, on va vivre ensemble et on ne se trimballera pas avec des fantômes qui se promènent dans la rue et qui interdisent qu’on les regarde. »

Alors, il est juste de dire qu’il ne s’agissait pas en l’occurrence du simple voile islamique mais du voile intégral.

Toutefois dans « Marianne » à propos d’une candidate NPA qui était apparue voilée aux Régionales de 2010, Jean-Luc Mélenchon décrivait

« Une attitude immature et un peu racoleuse. On ne peut pas se dire féministe en affichant un signe de soumission patriarcale »

Je n’en dis pas davantage : un signe de soumission patriarcale et qui est le contraire du féminisme.

Mais voilà ce que Boualem Sansal écrit sur l’apparition du voile dans les rues d’Algérie :

« Quelques filles avaient commencé à le porter puis un jour le phénomène s’est emballé et le voile s’est généralisé. On peut dire que l’islamisation c’est la victoire du voile avant d’être celle de l’islam. Nous avions mal compris le but de guerre des islamistes, nous pensions qu’ils visaient le pouvoir et nous sommes allés les attendre de ce côté. En réalité, le pouvoir ne les intéresse pas, leur but, c’est l’islamisation de la société, c’est la oumma, c’est le califat mondial. On l’a compris un peu tard.

La question du voile a provoqué autant sinon plus de débats qu’en France. Elle a profondément agité les gens, les familles, elle a été débattue à l’Assemblée nationale et une loi a été votée en 1992, interdisant les signes religieux dans l’espace public, le voile, l’abaya, la calotte. Trop tard, ils avaient conquis le pays ; un an plutôt, aux élections municipales ils avaient gagné 1450 communes sur les 1500 que comptait le pays. Au fronton des mairies, la devise officielle « Par le peuple et pour le peuple » a été remplacée par des slogans islamistes. Après avoir voilé les filles, ils ont voilé les villes et les villages gagnés aux élections. Le gouvernement ne s’était pas posé la question de l’application de sa loi, en conséquence de quoi elle a été frappée de nullité le jour même de son entrée en vigueur. »

On a compris que l’on ne pouvait pas compter sur l’État. Certains ont pris le chemin de l’exil. Les autres se sont divisés en réconciliateurs qui voulaient un compromis avec les islamistes, et en éradicateurs qui voulaient extirper le mal à la racine, et mobiliser contre lui au-delà de l’Algérie, partout où il pousse. En quelques jours, le pouvoir a arrêté plusieurs centaines de milliers de personnes suspectées d’être des activistes islamistes et les a enfermés dans des camps éparpillés en plein Sahara. L’objectif était de casser les réseaux qui avaient pu se former dans la clandestinité et cela a fonctionné. L’armée est ensuite passée à l’éradication militaire.

Les réconciliateurs ont tenté de déplacer le problème sur l’Islam, leur idée était que si les valeurs de l’islam étaient parfaitement appliquées, les islamistes n’auraient plus de raisons de combattre pour les imposer à la société et la réconciliation se ferait d’elle-même. L’État a joué cette carte avec tout le cynisme requis, en l’espace de quelques années, il a couvert l’Algérie de mosquées, d’instituts islamiques, et a ouvert aux islamistes l’accès aux médias lourds télés et radios, et mis en œuvre une vraie police islamique des mœurs. Cette stratégie, qui s’est concrétisée par une loi dite de réconciliation nationale, a pu ramener au bercail un certain nombre de ”repentis”. Nous y avons cru. En fait non, ils avaient seulement changé de stratégie. « Nous avons perdu les maquis pour gagner les villes » , se disaient-ils.

Et il ajoute pour la France :

« S’ils ont pu se construire aussi solidement, c’est qu’ils ont détruit quelque chose dans la société pour prendre sa place. En bons stratèges, ils ont toujours peur que leur victime prenne conscience de leur domination et se révolte. Il faut la « piquer » pour l’endormir, la rassurer, avancer dans son dos. Il me semble qu’ils sont allés un peu trop vite ces dernières années, grisés par leurs succès. La société française commence à réagir, elle regimbe, la confrontation approche, ils font tout pour détendre l’atmosphère. Ils attendront un meilleur moment. Pendant que l’on pense hexagone, eux pensent monde. Ils peuvent aisément déplacer le théâtre des opérations en Italie, en Belgique, ailleurs. »

J’aimerai avoir cette conviction que la société française commence à réagir.

Réagissez-vous ?

Continuez vous à penser qu’il s’agit exclusivement d’un problème socio-économique et que nous ne sommes pas dans un mouvement de régression incroyable dont quelques fanatiques tirent les ficelles ?

Ces fanatiques ont su trouver des alliés, j’en ai cité deux.

Boualem Sansal écrivait pour l’Algérie :

« Même problématique, mêmes effets. Nos islamistes avaient leurs alliés dans le système, parmi les conservateurs, dans la gauche dont les troupes étaient toutes passées chez les islamistes, et parmi les opportunistes en tout genre. Le ressort de la culpabilité a évidemment joué, les islamistes sont experts dans l’art de le susciter et de le manipuler dans le sens qu’ils veulent. C’est une souffrance pour un musulman sincère d’apprendre qu’il n’a pas toujours été un bon musulman. Il y avait parmi nos islamistes qui étaient sincères dans leur démarche, ils étaient en quête de réconfort, déçus qu’ils étaient par le socialisme matérialiste importé de Moscou.

Ils étaient faciles à manipuler. Puis sont arrivés les islamistes d’Egypte, d’Arabie, du Yémen, du Golfe, d’Iran, des missionnaires aguerris, dont nombre de Frères musulmans. Les Algériens d’un certain âge se sont souvenus qu’au lendemain de l’indépendance en juillet 1962, le pays a vu débarquer les Témoins de Jéhovah et les Évangélistes venus d’Europe. En quelques mois, ils ont converti des milliers de personnes, dont ma propre famille. La première décision prise par le colonel Boumediene après son putsch en mars 1965 a été de les renvoyer d’un coup de pied. Une bonne chose mais il n’a pas renvoyé les islamistes étrangers, ils s’étaient dissous dans la population. »

En conclusion, Boualem Sansal rend hommage à Florence Bergeaud-Blackler :

Les islamistes travaillent dans le secret, sur la durée, sans répit, ne cédant jamais sur rien. Ils pénètrent la société comme l’humidité pénètre les murs et les désagrège. Quand on ne sait pas agir, on tergiverse, on culpabilise, on se pose encore et toujours les mêmes questions : Sommes-nous responsables de ce qui s’est passé, de ce qui se passe ? La façon dont on répondra à ces questions déterminera la suite. On s’engage comme le fait Florence Bergeaud-Blackler, en alertant l’opinion, en l’informant, ou on se contente d’observer et de commenter l’actualité ou on rejoint les forces de l’axe ? »

Florence Bergeaud-Blackler qui dit dans cet entretien :

« Là où l’islamisme se développe, la réaction des pouvoirs musulmans consiste à injecter plus d’islam. Je parle ici des « réconciliateurs » . En France, la tendance est aussi à la réconciliation, mais plutôt par le marché et par la culture de l’excuse. Le halal en est la preuve. Face à la demande d’Islam, tout a été fait en sorte pour que le commerce halal se développe, pour le business bien sûr mais avec l’espoir de faire des musulmans des consommateurs comblés et bien intégrés. En réalité le problème n’était pas qu’identitaire. Le marché halal propose bien plus qu’une identité, une façon de vivre en modernité dans l’espace normatif du halal, selon une norme fondamentaliste.

Des opportunistes se sont également saisis du sujet de la prévention ou de la lutte contre la radicalisation et ont présenté leur remède basé sur la théorie identitaire. Ils nous ont empêchés de résoudre ces problèmes par leur incompréhension du système frériste, des attentes qu’il avait semées chez les jeunes réislamisés. Ces soi-disant experts n’ont cessé de parler de la responsabilité d’une islamophobie généralisée, soulignant les problèmes socio-économiques et plaçant dans l’angle mort l’action des Frères. Leurs solutions se sont avérées, sans surprise, inefficaces. Cette idée qui consiste à dire qu’il faut plus d’islam, d’un islam français « apaisé » pour combattre le radicalisme est comparable aux politiques d’accommodement du code de la famille menées dans les pays musulmans, elle alimente le problème. Nous sommes pris dans ce piège. Cependant, contrairement aux pays musulmans, nous avons une solide tradition de laïcité et de sécularisation. ».

Nous avons beaucoup reculé par naïveté, par culpabilité aussi devant cet assaut régressif qui est tout sauf insignifiant.

Je renvoie vers <L’entretien de Boualemm Sansal et Florence Bergeaux-Blacker> qui nécessite cependant d’être abonné.

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Mardi 19 septembre 2023

« Nous ne sommes plus qu’une poignée de chercheurs à travailler sur l’islamisme. »
Florence Bergeaud-Blackler lors d’une interview sur France Inter

J’ai commencé l’écriture de ce mot du jour en février, juste après la publication du livre « Le frérisme et ses réseaux. L’enquête » par Florence Bergeaud-Blackler, anthropologue et chargée de recherche au CNRS à l’Institut de recherches et d’études sur le monde arabe et musulman.

Mais l’écriture de ce mot du jour s’est révélée très compliquée.

Car il faut dire ce qui nous arrive, tout en restant nuancé et équilibré.

Je suis né, il y a près de 65 ans maintenant, dans une famille chrétienne catholique.

Plus tard, vers les 18 ans, j’ai participé à une expérience spirituelle assez intense dans une communauté chrétienne millénariste.

Cette expérience m’a beaucoup appris.

Elle m’a surtout convaincu de l’immense différence qui existe entre « la spiritualité » et « la religion ».

La spiritualité constitue une élévation de l’esprit pour dépasser le matérialisme du monde et se réconcilier avec la finitude de notre vie.

La religion c’est autre chose, c’est une organisation qui prétend parler de spiritualité. Mais quand on observe ces organisations avec lucidité, on constate qu’elles sont toujours dirigées par des hommes de pouvoir qui imposent par la force et la terreur des règles à la société. Règles qui vont jusqu’à la chambre à coucher et les choses les plus intimes de notre être pour mieux asseoir le désir de puissance, l’hubris et l’égocentrisme de ces chefs religieux.

Christian Bobin, qui était croyant a écrit :

« Je n’aime pas le mot « religieux ». Je lui préfère le mot « spirituel ». Est spirituel ce qui en nous ne se suffit pas du monde, ne s’accommode d’aucun monde. C’est quand le spirituel s’affadit qu’il devient du « religieux » ».
« Autoportrait d’un radiateur » Vendredi 21 juin

Régis Debray avait écrit de manière plus prosaïque :

« Le spirituel nous prépare à la mort, la religion prépare les obsèques »

Les religions quand elles exercent le pouvoir dans la société, que ce soit dans le monde d’aujourd’hui ou que ce fut dans le passé, se révèlent invariablement brutales, tristes, perverses, liberticides et inhumaines.

Parallèlement à cette expérience personnelle, j’ai grandi et vieilli dans une France qui s’est éloignée, séparée de la religion, dans la liberté de s’exprimer, de blasphémer comme ils disent, dans la liberté des mœurs, des dogmes et des évolutions familiales, sexuelles et sociétales jusqu’au mariage pour tous.

C’était pendant le combat d’arrière garde que menait des intégristes catholiques soutenus par l’Église contre la réforme du mariage pour tous, que j’avais pu citer lors d’un mot du jour ce propos du cardinal de Paris, André Vingt-Trois, qui concluait sur ce constat :

« Nous ne pouvons plus attendre des lois civiles qu’elles défendent notre vision [chrétienne] de l’homme »

Cette phrase a été prononcée le 16/04/2013 lors de son dernier discours de Président de la Conférence Épiscopale de France

J’étais profondément en accord et heureux avec cette évolution qui faisait reculer l’emprise archaïque de la religion sur la société.

Et voici que depuis les années 1970, l’immigration économique a conduit à l’installation sur notre territoire, largement libéré des archaïsmes religieux, une communauté musulmane de plus en plus importante, traversée par des courants identitaires, d’affirmation religieuse et prosélytes.

C’est à ce stade que toute la nuance est nécessaire à la fois dans mon expression, mais aussi dans votre lecture.

Car il ne s’agit pas de mettre en cause « les musulmans » dont la communauté est si diversifiée.

Il ne s’agit pas non plus de parler de l’Islam en général, de cette extraordinaire civilisation qui a créé un art de vivre, des chefs d’œuvre de l’esprit, qui avant l’Occident a initié l’avènement d’une médecine moderne. Et qui aussi par son érudition et sa sagesse a su conserver les textes de l’antiquité grecque pour notre savoir d’aujourd’hui.

Ce dont il est question, ce sont les forces vives fondamentalistes et archaïques qui sont à l’œuvre dans l’Islam d’aujourd’hui et qui hélas pour le monde, bénéficient des financement gigantesques que permettent l’exploitation des hydrocarbures . C’est elles qui sont à l’œuvre et qui exercent un pouvoir d’attraction et d’influence sur de nombreuses personnes en quête de sens et d’identité.

Il existe toujours des esprits épris de spiritualité, comme par exemple Ghaleb Bencheikh qui anime l’émission de France Culture « Questions d’Islam ».

Dans son émission du 3 septembre 2023 <Enquête historique sur les origines de l’islam> il avait invité l’islamologue Michel Orcel auteur du livre « Naissance de l’islam – Enquête historique sur les origines ».

Dans cette émission Michel Orcel qui est chrétien, a dit toute son admiration de cette civilisation et a rappelé des faits historiques que certains anti-musulmans tentaient de falsifier ou nier.

Mais il a fini l’émission en fustigeant la dérive sectaire des wahhabites qui est ce mouvement fondamentaliste créé par Mohammed ben Abdelwahhab (1703-1792) et qui a fait alliance avec la dynastie de Ibn Saoud pour imposer une religion figée dans les normes supposées de l’origine dans l’Arabie qui est devenue saoudite. Cette secte s’inscrit plus généralement dans un mouvement salafiste dépassant les frontières de l’Arabie et qui prône de la même manière « un retour aux pratiques en vigueur dans la communauté musulmane du prophète Mahomet et ses premiers successeurs ou califes ».

Et c’est en Égypte, qu’en 1928 a été créée par Hassan el-Banna, « les Frères musulmans » qui poursuivent les mêmes buts mais qui, en outre, souhaitent disposer du pouvoir politique et temporel. Cette particularité les oppose aux wahhabites qui ont accepté de laisser ce pouvoir à la dynastie Ibn Saoud pour conserver ce qui est essentiel pour eux le pouvoir absolu sur la société et les règles familiales et civiles. En Égypte, le maréchal Sissi et l’armée au pouvoir, ont d’excellents rapports avec le mouvement salafiste égyptien mais combattent et oppriment les frères musulmans qui veulent les chasser du pouvoir.

C’est cette organisation qui œuvre en occident et particulièrement en France que dénonce Florence Bergeaud-Blackler dans son livre : « Le frérisme et ses réseaux. L’enquête ».

Parce que s’il y a indiscutablement une demande identitaire chez les musulmans de France, les mouvements fréristes sont à l’œuvre pour d’abord convaincre le plus de de musulmans possibles de suivre leur vision de l’islam et parallèlement de rendre la société française « charia-compatible » comme l’appelle Florence Bergeaud-Blackler.

C’est un combat qui vise à évacuer le blasphème et toute atteinte à la religion en France, à imposer des modes vestimentaires spécifiques qui distinguent les musulmans et d’influer sur, ce qui est essentiel pour eux, l’éducation nationale et l’Université. Un combat qui s’inscrit dans la durée et vise à faire évoluer le récit historique notamment à l’égard de la shoah et de l’enseignement du fait religieux, à interdire ou restreindre l’éducation sexuelle, à créer des quartiers dans lesquels la place publique est uniquement occupée par des hommes etc.

Et ça marche : il n’y a plus de caricature, toute critique et même toute description du phénomène est immédiatement condamnée comme un acte « islamophobe ». Les enseignants ne peuvent plus librement enseigner la shoah, sans parler de l’ensemble des tentatives de faire rentrer les signes religieux dans les cours de l’École.

Dans les rues de nos villes, le nombre de femmes qui portent le voile ou d’autre tenues plus couvrantes encore est en augmentation constante.

Ce qui est arrivé à Samuel Paty et surtout le manque de soutien avant l’assassinant montre que l’administration n’a pas défendu nos valeurs.

Alors qu’il s’agit d’un combat de gauche c’est-à-dire défendre la liberté de croyance et de spiritualité et refuser toute atteinte à l’universalisme par des organisations communautaristes, ennemis de la liberté individuelle, toute une partie de la gauche par intérêt électoral, par aveuglement ou par facilité soutiennent ces mouvements séparatistes.

Et puis, dès que quelqu’un essaye d’expliquer cela, il est ostracisé par toute une partie de cette intelligentsia islamo-gauchiste et menacé de mort. C’est incroyable la rapidité avec laquelle des menaces de mort fleurissent, dès qu’il est question d’islamisme. C’est le cas pour Florence Bergeaud-Blackler qui vit désormais sous protection policière.

Elle était l’invitée de Léa Salamé, le 23 mai 2023. Lors de cet entretien elle a déclaré :

« Je n’ai pas reçu des menaces de mort immédiatement, j’ai d’abord reçu des intimidations à l’intérieur de l’université, des proches des milieux fréristes qui ont commencé à faire circuler des calomnies à mon égard. […] Ensuite, j’ai reçu un certain nombre de menaces qui viennent de France et de l’étranger, qui ont abouti notamment à l’arrestation d’un personnage qui est maintenant écroué »

Elle dit aussi :

« Ça fait 30 ans que j’ai vu évoluer l’islamisme, que je dis qu’il y a un problème, et de plus en plus j’ai vu ma parole réduite, parce que ces milieux étant infiltrés, je suis devenue une cible »

Dans un premier temps sa conférence sur le sujet du livre qui devait se tenir à la Sorbonne le 12 mai a été suspendue puis a été renvoyée à une date ultérieure pour des « raisons de sécurité » par la doyenne de la Faculté de Lettres de la Sorbonne.

Cette conférence a finalement pu avoir lieu le 2 juin.

« Le Figaro » décrit le contexte de cette conférence :

« Le dispositif de sécurité déployé entre l’entrée du 46 rue Saint-Jacques et l’amphithéâtre où la conférence va débuter en dit long sur la nervosité qui accompagne l’événement. Pour pénétrer dans les bâtiments historiques de la Sorbonne, chaque participant doit émarger sur la liste des participants sous le regard sévère de trois agents de sécurité de l’Université, flanqués de deux autres agents de sécurité d’une agence privée. Une fois dans le hall, on vide ses poches avant de passer au détecteur de métaux, comme à l’aéroport. En haut des marches qui mènent à l’amphithéâtre Michelet où le public se rassemble, nouveau contrôle au détecteur de métaux. Sécurité oblige.  »

La sortie de l’anthropologue à la fin de son intervention est dans le même esprit :

« La scène finale de cette soirée n’en reste pas moins éloquente, sur la vie qu’une chercheuse qui travaille sur de tels sujets est condamnée à mener. Attendue par plusieurs journalistes devant le 46 rue Saint-Jacques, Florence Bergeaud-Blackler a finalement quitté les lieux par une autre sortie, « pour des raisons de sécurité », explique Pierre-Henri Tavoillot. »

Il y a ceux qui insultent et menacent et puis il y a ceux qui prétendent argumenter : ainsi l’avocat et essayiste Rafik Chekkat qui publie sur « Orient XXI » cet article : « Islamophobie. Le complotisme d’atmosphère de Florence Bergeaud-Blackler » qui débute ainsi

« Le spectre des Frères musulmans hante l’Europe. Administrations, entreprises, partis, associations, écoles, centres de soins, syndicats…, la menace de leurs réseaux tentaculaires serait partout. Tel est le point de départ de l’argumentation que déroule Florence Bergeaud-Blackler. Une vision paranoïaque au service d’un traitement policier du fait musulman en France et en Europe.

« Tout vient du Juif, tout revient au Juif. Il y a là une véritable conquête, une mise à la glèbe de toute une nation par une minorité infime, mais cohésive […] ». Au fil de la lecture de Le frérisme et ses réseaux, la référence au pamphlet antisémite d’Édouard Drumont, La France juive (1885), dont sont extraites ces lignes, s’imposent de manière troublante.

Et pour cause, Florence Bergeaud-Blackler partage avec Drumont une intention, une forme, et une méthode : dénouer dans la société l’élément « frériste » — qui était naguère l’élément juif. Tous deux racontent l’histoire de la France sur le mode tragique

Tous deux relèvent la difficulté de la tâche : l’œuvre du « frériste » est toujours cachée, il est malaisé de déterminer précisément où elle commence et où elle finit (p. 68). « Tout d’abord, écrit quant à lui Drumont, l’œuvre latente du Juif est très difficile à analyser, il y a là toute une action souterraine, dont il est presque impossible de saisir le fil ». En somme, un grand complot contre la civilisation occidentale.

À l’instar d’un Drumont, qui a voulu de son propre aveu décrire la « conquête juive », Bergeaud-Blackler se propose d’étudier la « conquête islamique », dont la visée n’est autre que « l’instauration d’une société islamique mondiale ». À chacun son ennemi mortel »

Pour cet avocat le point godwin ne se situe pas au niveau de Hitler et des nazis, mais en amont dans l’écrivain antisémite Édouard Drumont, (1844 -1917) auteur de la France Juive.

Avec cette accusation qui vise à faire taire tout esprit qui interroge l’action d’organisation islamiste en France : l’islamophobie.

J’avais posé cette question « Qui est islamophobe ? » dans un mot du jour écrit après l’assassinat de Samuel Paty.

Plus le temps passe, plus l’utilisation de ce mot me semble problématique et porteur d’une profonde confusion.

C’est un mot dont la vocation est de faire taire et de stigmatiser.

Il est beaucoup utilisé par des gens et des médias qui se réclament de la gauche.

« Libération » écrit un article remettant en cause le sérieux du travail de Florence Bergeaud-Blackler : <Menaces et tensions autour d’un livre sur le «frérisme» musulman>. Florence Bergeaux-Blacker <a répondu longuement à l’article de Libe>.

Selon l’outil de recherche de « L’OBS », cet hebdomadaire n’a pas évoqué le livre de l’anthropologue ni des menaces qui lui ont été adressés.

« MEDIAPART » a attendu le 9 juillet pour publier un article à charge :

« Invitée dans tous les médias depuis trois mois, la chercheuse, qui dénonce un projet mondial d’infiltration des Frères musulmans, est sévèrement jugée par nombre de ses collègues, qui critiquent ses méthodes considérées plus militantes que scientifiques. Son entourage sulfureux interroge également. »

«L’entourage sulfureux» est probablement « Le Printemps Républicain » fondé par le regretté Laurent Bouvet, qui n’est certainement pas exempt de critiques mais qui par rapport à cet assaut d’archaïsme des fondamentalistes musulmans présente l’immense qualité d’être une force de gauche qui s’oppose à ces manœuvres.

Sur un des blogs de Mediapart, un ex collègue au CNRS de Bergeaud-Blacker : <François Burgat> l’accuse de « d’anti-islamisme primaire » et s’attaque à tous ses soutiens : Gilles Kepel, Pierre-André Taguieff, Caroline Fourest, Bernard Rougier l’auteur du livre « Les Territoires conquis de l’islamism» en les mettant dans le même camp que Marine Le Pen et Eric Zemmour. Il montre que, pour lui, toute personne qui interroge les réseaux d’influence des frères musulmans en France ne peut être qu’un fasciste !

La philosophe et islamologue Razika Adnani, lui répond dans « Marianne ». : <L’islamisation de l’Occident, les islamistes n’ont jamais caché leur intention>.

Bien sûr, de même qu’il existe un fondamentalisme musulman, il en existe un chrétien et un juif. Ils sont tout aussi condamnables. Mais force est de constater, qu’en France, ce sont les réseaux fréristes qui sont les plus visibles.

Nous ne devons pas être naïfs et empêcher ces fanatiques d’agir pour faire évoluer notre société vers une formidable régression. Nous devons accueillir et respecter la spiritualité. Mais parallèlement nous devons être sans faiblesse devant les religions et les contraindre à respecter les Lois de la République et le socle des valeurs fondamentales sur lesquelles s’appuient notre société :

  • L’égalité entre les femmes et les hommes, aucune contrainte ne saurait être imposée à un genre et non à l’autre.
  • Le droit absolu de changer de religion ou de quitter sa religion pour aucune autre.
  • La modestie et l’humilité devant les consensus scientifiques et la recherche historique.

<1763>

Vendredi 18 août 2023

« Écouter c’est la fermer ! »
Thomas d’Ansembourg

J’avais évoqué, lors du mot du jour précédent, l’importance dans les relations de la qualité de l’écoute.

Je voudrais revenir sur ce sujet si important grâce à une vidéo de Thomas d’Ansembourg : <Savons-nous écouter ? >

J’ai déjà évoqué Thomas d’Ansembourg lors de plusieurs mots du jour. Le plus récent étant celui du 27 mars 2023 : « Personne n’a envie d’être un con-vaincu»

Thomas d’Ansembourg est un psychothérapeute belge spécialisé dans la communication non-violente.

Il fait d’abord un constat :

« C’est quelque chose qui m’impressionne depuis que j’enseigne la Communication Non Violente : c’est combien les gens ne s’écoutent pas. Ils se fourguent des conseils, des solutions, des commentaires et ils ne s’écoutent pas et ça fait souffrir beaucoup d’êtres. Énormément. »

Et pour donner un exemple, il évoque des parents qui sont venus le consulter parce qu’ils avaient des difficultés de compréhension avec leur garçon :

« Et ils arrivent, les deux parents, le garçon. Et les parents me racontent toutes leurs attentes et leurs misères à communiquer avec le garçon et à un moment, après les avoir écoutés je me tourne vers le garçon et je dis : « Et toi comment tu te sens quand tu entends tes parents te dire ça ? et il me répond du tac au tac : « Mais je suis extrêmement en colère parce que mes parents, là vous les avez écoutés, mais eux ils ne m’écoutent jamais. »
Et la mère saute sur ses deux pieds en disant : « Comment on ne t’écoute jamais, mais on passe son temps à t’écouter ! » »

Après cette entrée en matière, Thomas d’Ansembourg intervient pour montrer la cohérence entre les propos du garçon et la réaction de sa mère.

« Et je dis : « Stop madame pourriez-vous faire un petit arrêt sur image, votre enfant dit que vous ne l’écoutez jamais, donc ça veut dire qu’il ne se sent pas écouté et vous montrez que vous ne l’écoutez pas. Vous argumentez pour avoir raison : « mais si je t’écoute, mais je t’ai déjà écouté. » Vous n’écoutez pas le fait que lui ne se sent pas écouté. Et bien sûr que c’est dérangeant d’entendre son enfant, qu’on a cru écouter, dire : « je ne me sens pas écouté. ». Mais s’il dit qu’il n’est pas écouté, c’est qu’il ne se sent pas écouté.
Et je me retourne vers le garçon et je lui dis : « Que veux-tu dire par-là, quand tu dis que tes parents ne t’écoutent jamais ? Apparemment ils ont l’impression de t’écouter ».
Et bien je vais vous le dire clairement, il ne me laisse jamais finir mes phrases. »

Poser les mots sur un problème permet de le comprendre avant d’essayer de le résoudre :

« Et je me retourne vers la mère, je dis : « Est-ce que ça vous parle ? ». Et elle reconnaît, la larme à l’œil « effectivement, j’ai du mal à le laisser aller jusqu’au bout. Souvent, je pense que j’ai la solution, que c’est moi qui comprends comment ça doit se passer.
Je dis « bah voilà ! Apprenez juste à écouter. »

« Et ceci m’a éclairé, cette maman ne savait pas écouter ce qui est une chose. Mais quand on ne sait pas écouter, on peut apprendre à écouter, mais ce qui est plus grave encore, et cette maman illustre un problème qui nous touche pratiquement tous et toutes, cette maman ne savait pas qu’elle ne savait pas écouter !
Je ne sais pas ce que je ne sais pas, comment voulez-vous que je m’améliore ?
Et ça c’est un enjeu fondamental. »

L’ignorance est un manque de connaissance. Mais connaître ou être conscient de son ignorance constitue un savoir.

Connaître ses faiblesses est aussi un savoir qui permet soit de les prendre en compte, soit de les surmonter.

Ce qui est grave comme le dit Thomas d’Ansembourg, c’est ignorer sa faiblesse.

A ce stade, il explique ce que signifie, selon lui, écouter :

« Écouter c’est la fermer et laisser l’autre arriver au bout de sa phrase.
Et éventuellement ajouter à ça un reflet ou même une formulation empathique pour s’assurer qu’on a bien compris l’autre. »

Et puis, il ajoute ce point fondamental du dialogue : être en capacité de comprendre l’autre en l’écoutant pleinement ne signifie qu’on lui donne raison, simplement qu’on le prend en compte. Et cela change tout :

« Et écouter l’autre ça ne veut pas dire qu’on est d’accord.
Et être en empathie avec l’autre, refléter ce que l’autre ressent, ça ne veut pas dire qu’on souscrit à son besoin. Ça veut simplement dire qu’on reconnaît que cet être humain, il est là. Et quand l’autre être humain se sent reconnu et le droit d’exister […] et bien il nous reconnaît, il nous donne le droit d’exister aussi. C’est un échange »

L’exemple qu’il a donné était dans un contexte familial, mais cela dépasse ce cadre pour concerner de la même manière le monde professionnel, comme l’ensemble des relations de toute sorte qu’on peut nouer dans une vie :

« Et je peux témoigner que dans l’entreprise quand j’anime des sessions de Communication Non violente c’est le même écho des équipes qui me retournent : tu nous a appris que nous ne savions pas écouter. Je pense à des équipes de Conseil, de conseil en informatique qui arrivent avec leurs solutions mais ils n’écoutent pas les vrais enjeux. Et donc ça dysfonctionne. Ils pensent qu’ils n’ont pas le temps, comme dans les familles ils n’ont pas le temps, alors que le temps consacré à bien écouter fait que le résultat s’ajuste. […] Je vous encourage à mettre ça en pratique, voir que quand vous avez créé du nous, par une belle et bonne écoute, même si vous n’êtes pas d’accord avec l’autre ce nous est fécond. On va trouver des solutions qui nous arrange de façon gagnant/gagnant, plutôt que des solutions qui sont dans la domination, soumission, agression, démission. »

Je vous invite d’écouter ce message dans la fluidité du remarquable pédagogue qu’est Thomas d’Ansembourg : <Savons-nous écouter ? Thomas d’Ansembourg>

Il me semble qu’il révèle quelque chose d’essentiel.

Mon expérience me donne à penser qu’il a absolument raison.

Je plaide coupable, je n’ai pas toujours su être au niveau de cette exigence.

Mais chaque fois que j’ai pu ou su être dans cette qualité d’écoute, le résultat a toujours été extrêmement valorisant. Et cela même si je n’étais pas d’accord avec mon interlocuteur.

<1757>

Mercredi 12 juillet 2023

« Dissuasif »
Terme peu compris et usité dans la société française

Un policier, après 9 jours de travail sans repos, au terme d’une course poursuite d’un délinquant conduisant sans permis et enfreignant le code de la route, a commis la grave erreur de dégainer son arme, puis de tirer sans maîtriser son tir.

Il a commis une faute !

Mais quand j’entends et je lis les médias et la plupart des hommes politiques de gauche, il semblerait que « LE PROBLEME » est ce policier et le cortège de violences policières qu’ils énumèrent.

Je ne dis pas qu’il ne faille pas s’interroger sur les méthodes, la formation et certaines dérives racistes de la Police, mais il y a un moment où quand les bornes sont franchies, il n’y a plus de limite.

Libération dans un article : <comment Gérald Darmanin soutient financièrement le policier mis en examen> s’offusque du fait que l’administration a trouvé un moyen juridique, pour permettre au policier de continuer à toucher une partie de son traitement, bien qu’il ne travaille plus et que de manière factuelle en l’«absence de service fait», il ne devrait pas être payé.

Ce policier a commis une faute, encore faut-il laisser la Justice trancher, mais ce n’est pas le plus grand criminel de la terre.

Il est aussi possible d’exprimer de la bienveillance à son égard.

Il a eu mauvaise réaction prise dans l’urgence, dans un quart de seconde, qui a causé des conséquences terribles.

Mais pourquoi s’arrête t’on à ce tir du policier, en considérant qu’il s’agit de l’alpha et l’oméga du problème posé à la société française ?

Ce tir est la fin d’une histoire, la dernière étape de toute une série de manquements, de lâchetés, de dénis dans lesquels nous nous sommes enfermés.

Dans le mot du jour précédent, j’avais déjà noté que si le jeune Nahel n’avait pas pris le volant de ce bolide ou s’il s’était soumis à l’injonction des policiers, il serait toujours vivant.

Mais si un individu n’avait pas créé, trois mois auparavant, une société de location de voiture de « frimeur » avec la complicité de vendeurs polonais, dans le but de permettre à des dealers ou autres trafiquants des quartiers de jouir de ce symbole de réussite qu’est de conduire de telles automobiles qui ne servent à rien d’autre que de satisfaire le mâle alpha dans sa bêtise et sa vacuité, Nahel serait aussi en vie.

Mais pourquoi existent-t ‘il de telles sociétés de location dans des quartiers que les mélenchonistes décrivent simplement comme pauvres et délaissées ?

Parce que s’il y a de la pauvreté, il y a aussi de la richesse dans des zones que l’État a accepté de laisser devenir des zones de non droit.

Lors du mot du jour du « 20 janvier 2015 » je citais Régis Debray :

« Lorsque l’Etat se dégrade et perd en autorité symbolique
il y a deux gagnants : les sectes et les mafias. »

Verser de l’argent dans ces quartiers ne sert à rien, s’il n’existe pas en parallèle des humains qui accompagnent, dialoguent et peuvent aussi aider à sanctionner, le cas échéant.

Rappelons que c’est le Président Nicolas Sarkozy qui a mis fin à la Police de Proximité.

Les travailleurs sociaux sont manifestement insuffisants et insuffisamment soutenus.

Ce sont des problèmes d’une grande complexité, les aborder de manière simpliste est une faute.

Mais je voudrais aujourd’hui parler d’un mot qui je crois n’est pas bien compris, voire accepté en France.

La première fois que j’ai été confronté, dans ma vie, au terme dissuasif c’était au moment de l’achat de notre appartement de Montreuil.

Les propriétaires étaient un couple en instance de divorce et l’appartement était toujours occupé par l’épouse. Certaines réflexions et signes, m’ont donné l’intuition que cette dame ne quitterait peut-être pas l’appartement après la vente.

Nous en avons parlé à notre notaire qui nous a suivi. Au moment de la promesse de vente, il a donc demandé à son collègue d’introduire dans l’acte, la mention d’une astreinte de mille francs par jour, si l’appartement n’avait pas été totalement vidé, le jour de la vente.

Je me souviens encore de la réaction offusquée de la Dame qui s’exclama :

« Mais c’est plus cher qu’une nuit d’hôtel »

Et j’ai trouvé sur ce <site> qu’en effet, en 1991, année de cet achat, le prix d’une chambre d’hôtel de qualité se situait autour de 400 Francs.

Mais devant la réaction de la dame scandalisée, son notaire lui a répondu simplement :

« Oui Madame c’est beaucoup plus cher qu’une nuit d’hôtel. Mais c’est fait pour cela. C’est une mesure qui présente un caractère dissuasif ».

Dans cette situation, le caractère dissuasif était d’autant plus affirmé que le montant de la vente serait dans les mains du notaire et qu’il n’y avait dès lors aucune échappatoire au déclenchement effectif de l’astreinte.

Plus récemment, j’ai eu la compréhension de la signification du mot dissuasif par le témoignage de mon fils lors de son séjour à New York. Je me plaignais que souvent en France, aux carrefours, les voitures déclenchaient un embouteillage néfaste à la sécurité des cyclistes et à la fluidité de la circulation. Mon fils m’a dit qu’à New York un tel phénomène n’existait pas. Les règles imposaient qu’une voiture ne devaient jamais s’engager dans un carrefour si elle n’avait pas la certitude de pouvoir en sortir avant le changement de feu. Et toute voiture égarée au milieu d’un carrefour n’ayant pas respecté cette règle était sanctionnée par une amende d’un montant très sévère.

Mon frère Gérard était allé dans la ville allemande, voisine du domicile parental, Sarrebruck. Il s’était garé sur une grande avenue. Partout des panneaux indiquaient qu’il fallait qu’aucune voiture ne soit garée sur cette avenue à partir de 17 heures. C’était expliqué, il fallait que les grandes avenues de la ville soient dégagées à l’heure où les salariés allemands quittaient leur travail pour fluidifier la circulation. Mon frère, français de son état, est arrivé à sa voiture à 17h01, la discussion entre lui et l’autorité allemande a tourné court. Il a dû s’acquitter d’une sévère amende. Mais il jura qu’on ne le reprendrait plus.

Alors en France on ne fait pas comme ça. Les dirigeants jusqu’au français modestes estiment toujours qu’il est possible de s’arranger avec les règles et que si on ne les respecte pas, ce n’est pas très grave, c’est quasi excusable et presque compréhensible.

Évidemment si la sanction est une amende de 80 ou de 130 euros, que parfois d’ailleurs on ne paie pas, nous ne sommes pas dans le domaine du dissuasif mais de la taxe : On paie une taxe et on a le droit de ne pas respecter la règle.

Alors en France :

  • Énormément de cyclistes ne respectent pas les feux rouges, ni d’ailleurs les passages pour piétons !
  • Des parents insultent des enseignants
  • Des personnes sans permis conduisent des voitures (vous comprenez ils ont en besoin !). Selon une étude de l’Observatoire de la sécurité routière, 800 000 conducteurs rouleraient sans permis. Quasi autant circulent sans assurance.
  • Des pompiers, des médecins sont agressés et bien sûr la Police. Et pour les pompiers et les médecins, les arguments de certaines associations et groupes politiques ne peuvent même pas évoquer les violences policières…

Alors, peut être existe-t-il trop de règles en France.

Mais quand il existe une règle, on la respecte et on l’a fait respecter.

Et parallèlement on s’attaque aux autres problèmes, tous plus compliqués les uns que les autres, mais dans une société de règles acceptées, défendues et respectées sinon sanctionnées.

Les élites doivent bien entendu donner l’exemple.

Sans ce socle, le reste est inatteignable.

Jean-Pierre Colombies, ex-policier, analyse l’affaire de manière qui me semble très pertinente dans <Le Media pour tous>.
Il critique sévèrement l’intervention des deux policiers. Mais il ne s’arrête pas là et analyse plus profondément les problématiques de la sécurité, des quartiers et de la politique .

<1754>

Mardi 31 janvier 2023

« Il y a un conflit très fort et très sourd, entre celles et ceux qui conçoivent le travail des autres sans le faire et celles et ceux qui font le travail sans pouvoir le concevoir. »
Marie-Anne Dujarier

Ce 31 janvier, la France va être touchée par un conflit social d’ampleur qui s’élève contre une nouvelle réforme des retraites qui va reculer l’âge minimum permettant de partir à la retraite de 62 ans à 64 ans.

Les uns, en s’appuyant sur l’exemple des pays voisins qui ont presque tous un âge officiel de retraite supérieur à 64 ans et sur l’allongement de la durée de vie considèrent cette réforme indispensable, voire insuffisante par rapport aux enjeux.

Les autres qui refusent cette réforme prétendent qu’il n’y a pas urgence à légiférer et que cette réforme est très injuste car elle fait reposer tous les efforts sur une population très ciblée.

Mais ce n’est pas des retraites que je vais parler aujourd’hui, mais de cette appétence d’un grand nombre de français dont je fais partie, qui aspirent le plus vite possible à la retraite.

Appétence qui probablement révèlent une relation contrariée avec le travail et plus précisément avec l’emploi.

Le site Atlantico donne la parole au sociologue du CNRS Philippe d’Iribarne pour évoquer <les deux clés des blocages français à côté desquelles passent les réformes>

Ces deux clés sont selon cet article :

  • L’emploi des seniors
  • La satisfaction au travail

L’emploi des seniors est souvent évoqué à propos de cette réforme, parce que les salariés de 55 ans éprouvent beaucoup de difficultés à conserver leur emploi et d’en retrouver un, lorsqu’ils se trouvent au chômage.

On parle moins de la satisfaction au travail.

Atlantico cite un ancien ministre d’Emmanuel Macron qui affirme dans l’Opinion, qu’il faudrait dire aux Français : « On a compris que vous n’êtes pas heureux au travail. Et répondre à ce mal-être plutôt que d’encourager la fuite en avant avec la réforme des retraites dans sa version actuelle. »

Directeur de recherche au CNRS, économiste et anthropologue, Philippe d’Iribarne est l’auteur de nombreux ouvrages touchant aux défis contemporains liés à la mondialisation et à la modernité (multiculturalisme, diversité du monde, immigration, etc.). Son dernier ouvrage, publié en septembre 2022, s’intitule « Le Grand Déclassement »

Il était aussi l’invité de l’émission des matins de France Culture du Lundi 23 janvier 2023 : <Retraites : la peur du travail sans fin>.

Guillaume Erner avait également invité Marie-Anne Dujarier sociologue du travail, autrice de « Troubles dans le travail, sociologie d’une catégorie de pensée » (Presses Universitaires de France, 2021).

Dans cette émission le rapport des Français au travail a été longuement développé. Rapport qui explique probablement notre relation crispée avec l’âge de la retraite.

Philippe d’Iribarne livre ce qui est, selon lui, la « vision française » du travail : « un homme digne de ce nom, vraiment libre, qui ne dépend de personne, au service de sa propre gloire en quelque sorte. Pour un Allemand, faire une tâche utile, au service de la communauté, suffit. Pour un Français, il faut des conditions exceptionnelles de travail et d’autonomie pour qu’il se sente heureux. »

Le premier point développé par Marie-Anne Dujarier qui m’a paru très pertinent est la distinction entre « travail » et « emploi » (7:08) :

« Le travail ne se limite pas à l’emploi. […] Nous avons des usages sociaux du mot travail qui ont varié dans l’Histoire. Et qui continue d’être différent selon qui parle dans la société. Nos institutions et les usages qu’en font l’État : le travail c’est essentiellement l’emploi. Ce qu’on appelle le code du travail, les politiques du travail, les statistiques du travail se référent essentiellement à l’emploi. De même quand les employeurs parlent de travail, ce qui est assez rare, ils parlent essentiellement d’emploi. […]

Pour celles et ceux qui œuvrent, qui produisent le travail a un tout autre sens puisqu’il peut, en effet, être l’emploi avec toutes les conditions liées à ce terme. C’est-à-dire la rémunération mais aussi les droits, l’accès à un système de solidarité. Mais le travail est aussi une activité qui soit sensée, qui fasse sens, qui produise des choses qu’on juge utile, belle ou simplement pertinente, dans des conditions qui permettent de développer son intelligence, ses pratiques.

Et tout cela dans des relations sociales de belle qualité. […] Savoir qui travaille et à quel moment est un objet de conflit, un objet de débat politique.

Est-ce que des tâches domestiques sont du travail ? Est-ce qu’un animal qui produit des choses utiles travaille ? Vous et moi, lorsque nous laissons des traces numériques sur le net qui enrichissent une firme étasunienne, travaillons-nous ?

Tout cela fait l’objet de décisions collectives et qui sont profondément politiques.»

Ainsi très concrètement quand j’écris un mot du jour, comme celui d’aujourd’hui est-ce du travail ?

Je ne crois pas qu’on puisse qualifier cette activité de loisir. Si ce n’est du travail, qu’est ce alors ?

Ce n’est pas un emploi : je ne suis pas rémunéré, je n’ai pas de droits sociaux, je n’ai pas non plus de contraintes ou d’obligations autres que celles que je me fixe moi-même.

Cette distinction entre l’« emploi » et le « travail » je l’avais d’abord entendu exprimer par le philosophe Bernard Stiegler qui avait écrit « L’emploi est mort, vive le travail » en 2015.

J’avais écouté avec beaucoup d’intérêt la présentation de son ouvrage qu’il avait fait lors d’une conférence qu’il avait réalisée à <l’Université Paris Ouest Nanterre> en 2016.

J’avais le projet d’en faire un mot du jour. Projet que je n’ai jamais réalisé.

Le philosophe mort en 2020, développait aussi ce concept qui m’a interpellé de « prolétarisation » qu’il définit de la manière suivante :

« La prolétarisation est, d’une manière générale, ce qui consiste à priver un sujet (producteur, consommateur, concepteur) de ses savoirs (savoir-faire, savoir-vivre, savoir concevoir et théoriser). […] La prolétarisation transforme le travail dans son ensemble en emplois vides de tout savoir et n’appelant que des compétences définissant une « employabilité », c’est-à-dire une « adaptabilité ». Les savoir-faire aussi bien que les savoir-vivre étant passés dans les machines et les systèmes de communication et d’information avec les machines informationnelles qui les transforment en automatismes sans sujet. […] C’est cette prolétarisation qui instaure le salariat, c’est-à-dire l’emploi. [Les employés] deviennent une marchandise substituable sur le marché de l’emploi. »

Ces idées sont développées dans ce texte publié sur le site des <Rencontres Philosophies Clermontoises>.

Après cette distinction qui révèle que le travail peut être effectué dans le cadre d’un emploi ou en dehors, la question devient plus précise : Quel est le rapport des français par rapport à l’emploi ?

Guillaume Erner cite un sondage (18:49) dans lequel il apparait que la fierté d’appartenance à une entreprise diminue et aussi que le rapport au temps et à l’argent s’est inversé. Cette évolution a été observée entre 2008 et 2022. Aujourd’hui les français préfèrent gagner moins d’argent pour avoir plus de temps libre (61%) alors qu’à la même question ils étaient 38% de cet avis en 2008.

Je note que je fais partie des 61% puisque je renonce à une retraite pleine pour pouvoir me retirer de l’emploi plus rapidement.

Marie-Anne Dujarier analyse cette réticence devant l’emploi par deux facteurs :

« En matière d’emploi, nous sommes confrontés aujourd’hui à deux faits sociaux majeurs qui viennent à rendre l’activité dans l’emploi dégoutante ou repoussante :

Le premier fait c’est ce qu’on appelle l’anthropocène ou capitalocène, on peut lui trouver plusieurs noms. Dans nos modes de production contemporain, plus nous travaillons plus nous polluons, nous réduisons nos chances de subsistance collective. Alors pas mal d’employés et pas seulement des jeunes se disent : à quoi bon se former se subordonner si c’est pour produire des choses moches, nocives, écocides qui enrichissent ceux qui sont déjà démesurément riche. […]

Le second facteur, ce sont les modes de management contemporain. Dans les entreprises privées capitalistes, l’impatience et la gloutonnerie des actionnaires fait que ce qui compte, c’est uniquement ce qui se compte. Et cette logique financière abstraite fait que les employés ne sont que des ressources. Ils sont amenés à faire des choses pour autre chose : on ne produit pas de la nourriture pour produire de la nourriture, mais pour améliorer un score financier.

Tout ceci fait douter de l’intérêt de s’engager et de consacrer beaucoup de temps de sa vie à ces projets dont on se met à douter de la finalité et de l’intérêt du point de vue de l’activité. »

Pour Philippe d’Iribarne :

« La fierté est une chose très importante en France. On a besoin d’être fier de faire son métier, d’appartenir à son entreprise. La dégradation de la fierté est quelque chose de très grave. […] Un aspect important a été que pendant longtemps les outils pratiques de contrôle du travailleur de base par les superstructures étaient limités. L’individu en prenait et en laissait par rapport aux instructions qu’ils suivaient de manière très lâche. Il y avait une sorte de compromis tacite entre de grande affirmation de contrôle et une pratique de contrôle assez modeste. L’évolution des systèmes informatiques a permis de suivre de manière beaucoup plus étroite et à tout instant les activités de chacun. Chacun est entré dans un système de contrôle et de contrainte de manière beaucoup plus sérieuse qu’auparavant. »

Concernant le contrôle, on pourrait rétorquer que le travail à la chaîne, le taylorisme constituait un travail très contraint et très contrôlé, bien avant l’arrivée des outils informatiques.

Mais concernant les activités de service et de cadre, je pense que son analyse est particulièrement exacte.

Il évoque cependant le cas particulier d’ouvriers qui exercent une vraie activité, c’est-à-dire pour laquelle ils perçoivent immédiatement l’utilité et l’intérêt pour celles et ceux qui bénéficient de leur ouvrage. Ces ouvriers restent fiers et attachés à leur emploi. Dans l’article d’Atlantico cité, il dit :

« Attention de ne pas généraliser, une partie importante des travailleurs français sont tout à fait satisfaits de leur travail, dont ils ont le sentiment qu’il correspond bien à leurs attentes. »

Mais le sujet du management semble particulièrement problématique.

Marie-Anne Dujarier explique :

« Nous avons un management dans le privé qui a été importé dans le public sous le nom de « nouveau management public » qui […] est une conception de l’activité qui est faite par des gens qui sont assez éloignés de l’activité réelle. Ce qu’on peut appeler le management à distance, avec une méconnaissance de ce Réel assez forte qui induit que de plus en plus de femmes et d’hommes sont contraints de travailler avec des outils, des procédures, mais aussi des objectifs qui ont été conçus par d’autres, et qui orientent leur activité sur des indicateurs. Tout ceci avec des dispositifs pseudos rationnels qui face à la réalité du terrain sont toujours un peu défaillants et tout cela fondé sur un postulat de méfiance qui accroît le contrôle permanent de ces salariés, qui sont mis en concurrence, entre structures, entre pays, mais aussi entre statuts par exemple fonctionnaires et salariés.»

Et puis elle a ce développement (34 :00) qui me semble essentiel et rencontre mon vécu :

« Ce qui est intéressant c’est qu’il existe une sorte de guerre civile sur la notion de productivité comme sur celle de qualité. Vu des différents acteurs la notion de qualité ou de productivité n’est pas la même. Vous prenez un travailleur social qui doit recevoir des gens qui sont dans des difficultés multiples etc. Cela demande un entretien fin, pour pouvoir démêler les affaires de cette personne. Évidemment si cet entretien est long, vu du gestionnaire, vu d’en haut, l’entretien dure trop longtemps. Vous voyez bien que la performance n’est pas la même selon qu’on voit de haut ou qu’on le regarde dans le grain fin de l’activité.

Il y a donc un conflit très fort et très sourd, entre celles et ceux qui conçoivent le travail des autres sans le faire et celles et ceux qui font le travail sans pouvoir le concevoir. »

J’avais un jour répliqué à un de mes directeurs : « Plus on est placé haut dans la hiérarchie, plus on peut tenir des discours et des théories brillantes et lyriques remplis de contradictions et d’incohérence, mais plus on est près des réalités et du terrain plus ces incohérences sont prégnantes et ne peuvent être mises en œuvre sans surmonter la contradiction en s’éloignant de la théorie. ».

L’envie de rester dans l’emploi dépend éminemment de la qualité de l’emploi.

Mon père est parti à la retraite à 71 ans, il était professeur de violon. Il était fier de son emploi qui le rémunérait mais aussi le nourrissait intérieurement.

<1729>

Mercredi 5 octobre 2022

« Le bus du Paris Saint Germain fait 3600 km à vide pour transporter les joueurs sur une distance de moins de 50 km. »
Ce n’est pas une question de confort, mais de sécurité.

Une nouvelle histoire de football…

Vous savez que l’entraineur du Paris SG a été vilipendé parce qu’il a répondu, à un journaliste qui lui demandait pourquoi les joueurs ne prenaient pas le train plutôt que l’avion pour faire un match à 200 km de Paris, qu’une réflexion était en cours pour examiner la possibilité de voyager en char à voile.

C’était un mot d’humour…

En pratique, les joueurs de PSG se déplacent en avion et en bus.

Aujourd’hui, le PSG affronte le club de Benfica à Lisbonne.

Il faut donc se rendre à Lisbonne à 1460 km de Paris (à vol d’oiseau), Google annonce qu’il faut 16h43 en voiture pour faire le trajet d’environ 1800 km.

Les joueurs sont donc allés à Lisbonne en avion.

Dans ce contexte, je crois que même les écologistes se rendront à l’évidence, l’avion est la solution appropriée.

Mais, dans la pratique, le transport des joueurs du PSG est une affaire d’une grande complexité.

L’avion les amène à l’aéroport de Lisbonne !

Mais l’hôtel des joueurs et le stade de Luz ne sont pas à côté de l’aéroport de Lisbonne.

Pour l’hôtel, je ne sais pas où Messi et ses collègues vont dormir, mais l’aéroport et le stade nous savons où ils se trouvent.

Je peux donc dire que la distance entre les deux se situent entre 6,6 et 7,9 km.

Pour ces trajets il faut un bus.

Un bus loué à Lisbonne ?

Que nenni !

Il faut le bus du PSG !


Le bus du PSG n’est pas à Lisbonne, il est à Paris.

Il faut donc que le Bus se rende à Lisbonne pour aller chercher les joueurs du PSG à l’aéroport, les promène à Lisbonne, puis revienne à Paris.

Le bus du PSG fait donc 3600 km à vide pour promener l’équipe sur une cinquantaine de km, si l’hôtel ne se trouve pas dans la proximité immédiate du stade. Sinon les trajets seraient plus proche des 20 km.

C’est le Parisien qui donne cette nouvelle : <Pourquoi le car parisien a fait 1800 km à vide jusqu’à Lisbonne ?>

Article repris par <La Voix du Nord> :

« Nos confrères du Parisien révèlent que le bus officiel du club a parcouru 1 800 kilomètres à vide entre Paris et Lisbonne… pour transporter les joueurs de l’aéroport à leur hôtel, puis au stade.

Concrètement, précise le journal, le bus a relié Lisbonne depuis Paris, afin de réceptionner les joueurs, qui ont pris l’avion, à l’aéroport, pour pouvoir les emmener jusqu’à leur hôtel, puis les transférer de l’hôtel au Stade de la Luz où ils jouent, ce mercredi, leur troisième match de Ligue des champions. Jeudi, ce sera rebelote, mais dans l’autre sens : le bus remontera à vide jusqu’à son garage en Ile-de-France.

C’est un nouveau non-sens écologique pour le PSG. Mais, une raison se cache derrière ce choix : selon le Parisien, les dirigeants du club ont pris cette décision pour une question de sécurité, « critère numéro 1 qui oriente les décideurs au moment de valider le choix du moyen de transport », écrivent nos confrères.

Le journal précise que le bus rouge et bleu n’est pas vraiment un bus comme les autres : le véhicule, fournit par la société Man depuis 2013, possède des vitres blindées et a été conçu pour protéger les joueurs en cas d’attaque plus ou moins violente, à savoir des jets de projectiles de supporters, ou pour un attentat, à l’image de ce qui s’est produit en 2017, où bus du Borussia Dortmund avait été visé par trois explosions de bombes lors de son trajet entre l’hôtel et le quart de finale de Ligue des champions. Depuis cet événement, les grands clubs prennent leurs précautions et sont équipés de ce type de bus.

Le bus du PSG, effectue environ 25 voyages par saison, précisent nos confrères : généralement pour emmener les joueurs de l’aéroport à l’hôtel puis au stade, mais aussi parfois pour de courts déplacements en France, à l’image du déplacement des Parisiens pour le match contre Lille le 21 août. Dans ce bus, au top du confort, se trouvent des sièges inclinables à 45 degrés sur lesquels se trouvent des écrans reliés à des consoles de jeux ou à la télé satellite et un coin cuisine, pour se faire réchauffer des repas.

Il n’est, en revanche, pas présent partout. Il fait l’impasse sur les voyages les plus lointains et ne se rend pas dans les lieux où il pourrait provoquer les supporters adverses, comme à Marseille, par exemple, disent encore nos confrères. Le PSG n’est d’ailleurs pas le seul à faire voyager des bus à vide : le bus de l’Olympique de Marseille a, lui aussi, fait le voyage à vide lors de la première journée de Ligue des champions, pour se rendre à son match face à Tottenham. Il a été aperçu au péage de Setques, juste à côté de Saint-Omer, en direction de Calais.

Comme le rappelle le quotidien national : depuis plusieurs mois, les déplacements du club en train sont systématiquement mis en concurrence avec l’avion et le bus sur quatre critères principaux, à savoir : la sécurité, le trouble à l’ordre public, le temps de trajet global et le coût. Mais, jusqu’à présent, la SNCF n’a jamais remporté les faveurs du club, notamment en raison des critères de sécurité et de l’impossibilité après certains matchs d’effectuer les trajets retour dans la nuit, élément indispensable à la récupération des joueurs. »

Voilà, vous êtes ainsi pleinement informés !

Il reste des questions : ne peut-on pas trouver un bus blindé à Lisbonne ? Comment font les parisiens à Marseille quand ils se privent de leur bus pour ne pas provoquer ?

Mais l’information essentielle est qu’il faut un bus blindé pour emmener les joueurs de football au stade !

Parce que c’est dangereux d’aller au stade de football !

Voilà ce que notre société a créé à partir d’un jeu qui est devenu une affaire financière, une affaire de violence, un affrontement entre bandes rivales.

<1718>

Jeudi 22 septembre 2022

« L’inceste n’est pas tabou, c’est le fait d’en parler qui est tabou. »
Iris Brey

L’inceste est un phénomène massif dans notre Société.
Ce n’est que récemment que cette réalité a été dévoilée et que les personnes intègres qui veulent savoir, le savent.

A la sortie du livre de Camille Kouchner, j’avais commis une série de mots du jour du <15 février 2021> jusqu’au <24 février 2021> avec au centre de cette série, le livre de Dorothée Dussy « Le berceau des dominations » qui vient enfin d’être rééditer.

Ce livre fut une révélation pour beaucoup.

Le 23 janvier 2021, le président de la République a annoncé la création d’une commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise)

Rapidement cette Commission lançait un vaste appel à témoignages.

Elle a reçu 6 414 témoignages reçus, elle vient de dresser le bilan des lourdes séquelles que présentent, encore à l’âge adulte, celles et ceux qui ont été victimes de violences sexuelles durant l’enfance.

Un traumatisme qui continue d’affecter leur santé physique et mentale, ainsi que leur vie familiale, sexuelle et professionnelle. Le rapport livre également de nombreux chiffres sur le profil des victimes.

On apprend que dans 25% des cas, les victimes avaient moins de 5 ans

Dans l’immense majorité des cas (81%), l’agresseur est un membre de la famille : père, grand-frère, demi-frère, grand-père, cousin, oncle, beau-père

Un ouvrage collectif <La culture de l’Inceste> vient de paraître.

Sonia Devilliers, dans son émission : <L’invité de 9h10> avait invité Iris Brey et Juliet Drouar qui codirigeaient l’écriture de ce livre écrit par 14 thérapeutes, universitaires et militantes.

Annie et moi avons été si marqué par cette émission que nous avons immédiatement acheté ce livre. C’est Annie qui a commencé à le lire et le trouve remarquable.

Dans cette émission Iris Brey rappelle que Claude Levi-Strauss affirmait que l’inceste constituait un interdit, un tabou.

Ce que ce grand homme disait était faux, totalement, radicalement faux.

Ce qui est interdit c’est le mariage incestueux, c’est le mariage qui est un évènement public qui oblige à l’alliance de deux familles différentes, c’est-à-dire pratiquer l’exogamie et non l’endogamie.

D’ailleurs Claude Levi-Strauss abordait cette question par le prisme des alliances entre familles , alors que Dorothée Dussy et les personnes qui étudient l’inceste aujourd’hui analyse ce crime sous le projecteur des violences sexuelles.

Mais la relation sexuelle incestueuse, à l’intérieur de la famille, est tellement massive : 7 millions de victimes en France, que dire que cette pratique constitue un interdit, un tabou est un mensonge.

Et Iris Brey a eu cette phrase qui révèle la vérité :

« L’inceste n’est pas tabou, c’est le fait d’en parler qui est tabou »

C’est ce qu’éclaire parfaitement le témoignage que vient de publier « L’Obs » le 21 septembre 2022 : « La libération de la parole et la résilience sont, à mon sens, de grandes arnaques »

L’Obs a changé le nom de la victime et l’a appelé Nina. Nina s’est exprimée  en mai, devant la Ciivise et c’est après cette intervention que l’Obs l’a rencontrée.

Nina a 42 ans, elle a été victime d’inceste.

Voilà ce qu’elle a dit à l’Obs :

« J’ai été victime d’inceste et j’ai parlé. En février dernier, quelques semaines après avoir assisté à une première réunion publique de la Ciivise à Paris, j’ai parlé pour la première fois à ma famille.
En révélant l’inceste toujours tu, je l’ai simplement perdue. Ma famille a disparu.
Au-delà des seuls agresseurs, les réactions de mes proches ont été les mêmes : déni, menaces de suicide, chantage affectif : “Tu te rends compte de ce que tu nous fais ?” Sans compter l’invitation “à passer à autre chose”…
Comment faire famille avec eux désormais ?
Comment gérer cet isolement et cette douleur supplémentaires ?
Une seconde rencontre de la Ciivise était prévue à Paris en mai. J’y suis retournée, et cette fois, parce qu’il en allait de ma survie je crois, j’ai pris le micro pour témoigner tout haut.

J’ai dit ce qui arrive quand, comme moi, on révèle l’inceste à 42 ans. J’ai dit les quarante ans de silence, l’amnésie traumatique, l’angoisse, les difficultés relationnelles…
J’ai dit la déflagration, l’empêchement de vivre vraiment.
A la manière d’une rescapée de guerre ayant déserté un terrain miné, j’ai rejoint ce soir-là, en réalité, tant d’autres gueules cassées, tant de femmes formidables devenues depuis des alliées.
Elles m’ont dit les réactions de leurs proches, identiques à celles des miens quel que soit leur milieu social.
Les mêmes mots de nos mères et de nos frères nous reprochant d’avoir “détruit la famille”, “regrettant notre absence” à telle ou telle fête de famille…
Je ne suis plus dans la solitude de l’enfant incesté qui se tait. J’ai trouvé des alter ego.
Nous nous comprenons dans notre chair, dans nos histoires, nos souvenirs traumatiques et leurs manifestations incongrues et implacables.
Le simple bruit d’une porte de frigo qu’on referme, un parfum… et tout peut ressurgir.
[…]

J’ai dit aussi ma frustration et mon ire. Parce qu’au fil des ans, je suis devenue cette victime résiliente tant souhaitée par moi-même dans un premier temps, et par l’ensemble de la société.
Et j’en ressens à présent une grande insatisfaction et une colère immense.
La libération de la parole et la résilience sont, à mon sens, de grandes arnaques.
Une parole qui se libère ? Pour quoi faire si elle retombe comme un caillou qui ricoche sur la surface plane d’une eau limpide sans laisser la moindre trace ? On parle encore et encore, nos paroles s’entremêlent, et puis quoi ? Rien. C’est un désastre. Comme je l’ai dit ce soir-là à la Ciivise, cela me fait penser à un charnier de victimes qui se débattent avec leurs paroles et, en surplomb, les agresseurs, la société, la justice et l’Etat qui nous regardent tentant de sauver notre peau, notre santé mentale, notre intégrité. Quant à la résilience, elle ne doit pas et ne peut pas suffire à laver les agresseurs de leurs crimes sexuels. Ce serait trop simple.
[…]

Que se passe-t-il pour une victime d’inceste une fois qu’elle a parlé ? Depuis ma prise de parole, non suivie d’une action en justice pour ma part, il ne s’est rien passé. J’ai cherché un nouveau thérapeute. Un psychiatre de 70 ans a évoqué mon narcissisme et mon sentiment de culpabilité, m’invitant à m’engager dans un long processus thérapeutique et balayant littéralement d’un revers de la main l’inceste dont j’ai été victime. Pour lui, ce n’était qu’un détail. Pour la première fois de ma vie, je me suis opposée à un professionnel de santé et j’ai pointé du doigt son incompétence et affirmé mon refus de me soumettre à une cure psychanalytique longue, onéreuse et inadaptée, dans laquelle la domination se (re) joue encore et encore, à plusieurs endroits.

Je n’ai plus besoin de cela, j’ai besoin d’autre chose. Mais de quoi ?

[…] Le tabou est tel que tout est incomplet ou inexistant : la réponse de la justice, la réponse de la société, la réponse politique.

Il y a quelques jours, un ouvrage majeur a paru. « La Culture de l’inceste », coordonné par l’autrice Iris Brey et l’art-thérapeute Juliet Drouar.
Sa lecture, qui m’a donné le vertige, me hante et m’accompagne. L’essai me répète que mon parcours individuel n’a rien de honteux ni de singulier, que mon histoire est au cœur d’un système patriarcal bien rodé qui promeut et permet l’inceste.
L’anthropologue Dorothée Dussy y explique aussi que l’inceste structure la société, qu’il est le socle des dominations patriarcales. A défaut de justice, nous cherchons collectivement du sens et des réponses. A défaut de tout ce qui n’existe pas encore.

[…] On souffre aujourd’hui toujours de l’inceste. On en meurt aussi. Depuis le début de l’année, la mort rôde dans le “grand club des victimes résilientes” que j’ai intégré. Une amie m’évoque le suicide de la fille d’un ami, cet été, violée par son oncle. Une autre, violée toute son enfance par son frère, se confronte à nouveau à ses souvenirs traumatiques et me confie aussi son envie de mourir. L’acteur Johann Cuny, sur les réseaux sociaux, témoigne lui aussi du suicide de sa sœur Adèle, victime d’inceste à 7 ans.
Combien d’autres ? Depuis que j’ai libéré ma parole, je vois et je relève désormais l’impact des violences sexuelles commises dans l’enfance, dans la chair, le psychisme, durant toute une vie.
[…]

J’ai été victime d’inceste et j’ai parlé. Mais le silence revient toujours, sans un bruit, recouvrir l’inceste.
C’est un linceul déployé sur chacun de nos témoignages, aussi puissants soient-ils.
Un linceul crasse jeté simultanément sur des milliers d’enfants qui ne seront pas protégés cette nuit du ou des membres de leur famille, incesteur(s), agresseur sexuel dominant, dont l’autorité fait foi.
Qu’attendons-nous pour agir ? »

Oui vraiment ce qui était tabou c’était d’en parler.

Et aujourd’hui encore le déni est la réponse la plus fréquente et non l’écoute et l’accueil bienveillante de la parole, comme le montre ce témoignage !

A voir aussi cette émission de Mediapart <L’inceste est partout> avec Iris Brey, Juliet Drouar et Dorothée Dussy. La basketteuse Paoline Ekambi est aussi venue apporter son témoignage.

<1714>

Mercredi 16 février 2022

« Il n’y a qu’à l’étranger que je suis français. »
Amar Mekrous, français de confession musulmane qui a quitté son pays

C’est La revue de Presse de Claude Askolovitch <du 14 février 2022> qui m’a fait découvrir l’article du New York Times traduit en français sur son site et accessible gratuitement : < Le départ en sourdine des musulmans de France>

Claude Askolovitch rappelle :

« Qui lit le New York Times le sait, ce journal américain juge souvent la France dont la laïcité jacobine ne lui correspond pas… »

Je serais plus direct : le New York Times n’aime pas la France républicaine et laïque. Il a osé donner pour titre à l’article qui relatait la décapitation de Samuel Paty par un tchétchène se réclamant de l’Islam :

« La police française tire et tue un homme après une attaque mortelle au couteau dans la rue »

J’avais relaté ce fait dans le mot du jour du <28 octobre 2020>

Mais il faut savoir sortir de sa zone de confort et aussi lire et écouter ses adversaires.

D’autant que cette fois, le New York Times ne se contente pas d’asséner ses certitudes mais révèle, pour l’essentiel, le résultat d’une enquête menée par deux de ses journalistes : Norimitsu Onishi et Aida Alami

C’est une enquête qui parle d’exil. Les journalistes évoquent : « La France et son âme meurtrie ».

Il utilisent cette expression pour parler d’un premier exilé qui est un écrivain français, né à Saint-Étienne en 1983, dans une famille d’origine algérienne : Sabri Louatah :

« La France et son âme meurtrie sont le personnage invisible de chacun des romans de Sabri Louatah […] Il évoque son « amour sensuel, charnel, viscéral » pour la langue française et son fort attachement à sa ville d’origine, Saint-Étienne, baignant dans la lumière caractéristique de la région. Il suit de près la campagne des prochaines élections présidentielles.

Mais M. Louatah fait tout cela depuis Philadelphie, devenue sa ville d’adoption depuis les attentats de 2015 en France par des extrémistes islamistes qui ont fait 130 victimes et profondément traumatisé le pays. Avec le raidissement de l’opinion qui a suivi à l’égard de tous les Français musulmans, il ne se sentait plus en sécurité dans son propre pays. Un jour, on lui a craché dessus et on l’a traité de « sale Arabe ». »

Et il déclare à ces journalistes :

« C’est vraiment les attentats de 2015 qui m’ont fait partir — j’ai compris qu’on n’allait pas nous pardonner. »

Et le New York Times de révéler que cela fait des années que la France perd des professionnels hautement qualifiés partis chercher plus de dynamisme et d’opportunités ailleurs. Parmi eux, d’après des chercheurs universitaires, on trouve un nombre croissant de Français musulmans qui affirment que la discrimination a été un puissant facteur de leur départ et qu’ils se sont sentis contraints de quitter la France en raison d’un plafond de verre de préjugés, d’un questionnement persistant au sujet de leur sécurité et d’un sentiment de non-appartenance.

Nous devons convenir avec le journal américain que ni les politiciens ni les médias n’évoquent ce flux d’émigration.

Ils citent Olivier Esteves, professeur au Centre d’Études et de Recherches Administratives, Politiques et Sociales de l’Université de Lille qui a mené une enquête auprès de 900 Français musulmans émigrés, dont des entretiens approfondis avec 130 d’entre eux :

« La France se tire une grosse balle dans le pied. »

Le New York Times reprend alors des éléments de ce qui se passe dans notre campagne présidentielle actuelle qui est, selon moi, d’une indigence absolue :

« [Les musulmans] sont associés à la criminalité ou à d’autres fléaux sociaux par le biais d’expressions-choc telles que « les zones de non-France », décrites par Valérie Pécresse, la candidate de centre-droit actuellement au coude-à-coude avec la cheffe de file d’extrême droite Marine Le Pen pour la deuxième place derrière M. Macron. Ils sont pointés du doigt par le commentateur de télévision et candidat d’extrême-droite Éric Zemmour, qui a déclaré que les employeurs avaient le droit de refuser des Noirs et des Arabes. »

Ces exilés vont s’installer aux Royaume-Uni et aux États-Unis, pays pour lesquels Les journalistes américains reconnaissent « [qu’ils] sont loin d’être des paradis libres de discriminations à l’encontre des musulmans ou d’autres groupes minoritaires » mais dans lesquels ces français de religion musulmane affirment trouver davantage d’opportunités et d’acceptation.

Et il cite un autre de ces exilés Amar Mekrous, 46 ans qui s’est installé à Leicester en Angleterre :

« Il n’y a qu’à l’étranger que je suis français. […] Je suis français, je suis marié à une Française, je parle français et je vis français. J’aime la bouffe, la culture françaises. Mais dans mon pays, je ne suis pas français. ».

On apprend que ces chercheurs lillois se sont associés à des chercheurs de trois autres universités (Liège et la KU Leuven en Belgique, et celle d’Amsterdam aux Pays-Bas) pour une étude de l’émigration de musulmans depuis la France, mais aussi depuis la Belgique et les Pays-Bas.

Un de ces chercheurs, Jérémy Mandin, qui a participé à cette étude explique que :

« Nombre de jeunes Français musulmans étaient désenchantés par le fait “d’avoir joué selon les règles, d’avoir fait tout ce qu’on ce qu’on leur avait dit et, au final, de ne pas accéder à une vie désirable. »

Parce qu’il y a une discrimination à l’embauche et aussi un ras le bol de tracasseries dans le quotidien :

« Malgré ses diplômes de droit européen et de gestion de projet, Myriam Grubo, 31 ans, dit qu’elle n’a jamais réussi à trouver d’emploi en France. Après une demi-douzaine d’années à l’étranger — Genève d’abord, à l’Organisation Mondiale de la Santé, puis au Sénégal à l’Institut Pasteur de Dakar — elle est revenue à Paris chez ses parents. Elle cherche un emploi — à l’étranger. « Me sentir étrangère dans mon pays me pose un problème » dit-elle, ajoutant qu’elle a envie qu’on la « laisse tranquille » pour pratiquer sa foi. »

Le New York Times cite encore quelques autres exemples dont Rama Yade qui fut dans le gouvernement, sous la présidence Sarkozy, et qui a également quitté la France.

Aucun des exemples cités par le New York Times ne correspond au profil de cette petite minorité de marchands de haine ou encore de marchands de poupée sans visage ou de croyants archaïques qui prônent des valeurs en contradiction absolue avec nos valeurs républicaines.

Mais pour diverses raisons, les autorités étatiques et municipales n’ont pas agi de manière sérieuse et rigoureuse pour lutter contre ces dérives minoritaires.

Et nous arrivons désormais à une situation dans laquelle les identitaires parviennent à mobiliser de plus en plus largement dans les deux camps : celui des anti-musulmans et celui en face de français de confession musulmane qui sont également entrainés dans un repli sur soi allant jusqu’à des comportements sectaires.

Tout cela au détriment de la plus grande partie des français de confession musulmane qui sont pratiquants ou non mais qui se sentent rejetés, discriminés et comme le dit Amar Mekrous sentent qu’on nie leur appartenance à la nation française.

Claude Askolovitch termine sa citation de l’article du New York Times par cette question :

Est-ce rattrapable ?

Nous devons nous rappeler que l’Histoire de France a connu un autre grand exode pour des raisons religieuses dans le passé. C’était après la révocation de l’Edit de Nantes par Louis XIV. Les français de foi protestante se sont enfuis de France pour rejoindre les élites des Pays-Bas, de la Suisse et de l’Allemagne notamment à Berlin. Ils ont alors enrichis par leur présence, leur dynamisme et leur travail ces pays et la France, en retour, a perdu cette richesse intellectuelle et économique.

Nous ne sommes pas exactement dans le même cas, car à l’époque de Louis XIV les persécutions étaient plus explicites et émanaient directement de l’État central.

Aujourd’hui les discriminations ne sont pas de même niveau et n’émanent pas pour l’essentiel de l’État.

Mais des femmes et des hommes, comme les présentent le New York Times, qui ont le courage et la détermination de quitter le pays où ils sont nés pour aller vivre et réussir leur vie ailleurs sont forcément des personnes de grande qualité et appartiennent à une élite réelle. S’en priver est, comme l’écrit Olivier Esteves, se tirer une balle dans le pied.

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