Lundi 29 février 2016

Lundi 29 février 2016
« Tout le monde trouve Google cool »
Andréa Fradin, journaliste indépendante
Je vais tenter cette semaine de proposer des mots du jour sur les GAFA en général (GAFA = Google, Apple, Facebook, Amazon) et plus particulièrement sur Google qui semble toujours avoir une longueur d’avance.
Google Inc. s’est restructuré pendant l’été 2015 et a annoncé lundi 10 août 2015 la naissance d’ « Alphabet » qui est désormais la holding qui chapeaute toutes les activités de ce géant.
Wikipédia nous apprend qu’un alphabet (de alpha et bêta, les deux premières lettres de l’alphabet grec, dérivé de l’alphabet phénicien) est un ensemble de symboles destiné à représenter plus ou moins précisément les phonèmes d’une langue.
Cela signifierait-il que  l’ambition de cette entreprise est de devenir  l’alphabet de notre vie ?
Cette restructuration nous rappelle que Google n’est pas qu’un moteur de recherche, une messagerie, ou un réseau social. C’est une entreprise de plus de 53 000 salariés qui travaillent aussi à la création et au développement de voiture sans chauffeur, ou de remèdes contre des maladies graves. Tout comme Facebook ou Amazon. Et pour rassurer les investisseurs, il était nécessaire de distinguer le moteur de recherche qui avec la publicité génère les grands profits de Google et les autres branches qui sont dans des domaines médicaux, de robotiques ou d’intelligence artificielle plus risqués.
Le mot du jour est le propos tenu par la journaliste Andréa Fradin lors de l’émission du grain à moudre en parlant de la présentation de cette restructuration et de la création d’ « Alphabet ».
Plus précisément, elle a dit : «tout le monde trouve Google cool, je trouve ça horrible».
Parce que pour faire « fun » Google s’est référé à une boite virtuelle qui existe dans une série américaine « Silicon Valley » créé par HBO. Cette boite « Hooli » a, dans la série, un comportement parfaitement répréhensible et prédateur. Mais quand Google se compare à cette boite horrible, tout le monde trouve ça cool ! Vous trouverez ici des explications d’André Fradin plus fournies sur cette référence étonnante.
Il est vrai que lorsque je saisis dans le moteur de recherche « Google est »

La première réponse qui est suggérée : c’est que Google est ton ami.
La seconde est google est nul. Sens de l’autodérision probablement…
Comme l’explique déjà cet article déjà de 2010 :
«Google n’est pas seulement devenu en un temps record un mastodonte de l’économie mondiale. Il incarne la troisième révolution industrielle, celle du numérique. Entreprise postmédias, postidéologique et postcapitaliste, Google est le nouveau monde qui remplace l’ancien […].
Quand avez-vous pour la première fois « googlelisé » le nom de la nouvelle copine de votre ami d’enfance avant de les inviter à dîner tous les deux ? Ou celui de votre nouveau patron pour vous informer de ses antécédents ? Ou encore d’Isabelle Adjani pour vérifier son âge ? Quand avez-vous pour la première fois utilisé Google Earth ? Ouvert un compte Gmail ? Souvenez-vous : c’était il n’y a pas si longtemps. Et pourtant une éternité.
En à peine douze ans, Google s’est imposé dans nos vies, notre vocabulaire, nos yeux, nos cerveaux, notre façon de voir le monde. « Le terme “googleliser” est le premier néologisme de l’Histoire à figurer une action et non plus un simple objet », fait remarquer Stéphane Distinguin, qui a présenté La Méthode Google, du journaliste américain Jeff Jarvis. Le Times a parlé, à propos de Google, de « l’entreprise au développement le plus rapide de l’histoire du monde
97 % des recettes de Google proviennent en effet de la publicité. Une « Contre-enquête » du journal Le Monde, en avril 2010, résume assez bien le procédé : « Le groupe vend des mots-clés aux annonceurs, via un système d’enchères. Si ces mots-clés font l’objet d’une recherche (de la part de l’internaute), leur lien publicitaire apparaît au-dessus ou à droite des résultats “naturels” de la recherche. » Ainsi, Google rassemble des sommes microscopiques multipliées à l’infini, puisque tout mot au monde, et ce dans toutes les langues, est à vendre. Son système de relevé des compteurs est simplissime : l’annonceur en question n’a qu’à se connecter sur AdWords, la régie pub de Google, et s’y enregistrer. ».
Mais la description la plus « juste » est celle de Michael Malone, du Wall Street Journal qui  décrit en ces termes « ton ami »  dans l’excellent documentaire de Gilles Cayatte, « Google, la machine à penser » :
«Il y a un paradoxe dans Google. Le service est gratuit, le nom est sympa, c’est plein de jeunes, c’est branché.
C’est synonyme d’« ’éclate », de contre-culture
Mais en fait quand vous lisez les journaux, le Google que vous découvrez n’est pas le Google de votre imagination. Ce Google-là est énorme.
Il domine tous les secteurs qu’il a pénétrés. Il est en train d’avaler l’ensemble du monde de la publicité, morceau par morceau.
En Chine il a cédé au gouvernement sur la censure.
Il ressemble à un énorme prédateur mais dans votre esprit c’est Google ! »
Et voilà l’organigramme simplifié d’Alphabet :

C’est bien d’avoir un ami aussi riche et innovant !
Toutefois ne sommes nous pas la proie et ne sommes-nous pas en train d’aimer le prédateur ?
Et ce qui serait vraiment cool, c’est que Google paie ses impôts dus à la France : La DGFiP vient de réclamer 1,6 milliards à Google.

Vendredi 19 février 2016

Vendredi 19 février 2016
«Ils semblaient, par la Voie Sacrée, monter, pour un offertoire sans exemple,
à l’autel le plus redoutable que jamais l’homme eût élevé.»
Paul Valéry
Dimanche nous serons le 21 février 2016.
Il y a 100 ans, le 21 février 1916, commença la bataille de VERDUN, une ville de ma Lorraine natale, à 130 km de mon lieu de naissance.
Chaque fois que je m’y suis rendu, j’ai été écrasé par un sentiment de désarroi, de vide et de compassion.
Anna de Noailles visitant  le champ de bataille exprima ces sentiments dans un poème :
«Jaillis de tous les points du sol français : le sang
Est si nombreux ici que nulle voix humaine
N’a le droit de mêler sa plainte faible et vaine
Aux effluves sans fin de ce terrestre encens. »
Selon les historiens, il y eut 2 batailles plus meurtrières encore que la bataille de Verdun : La plus meurtrière Stalingrad où l’Armée Rouge résista puis vainquit l’armée hitlérienne (1942-1943) et la seconde qui fût une autre bataille de la guerre 14-18, la bataille de la Somme qui eut lieu de juillet à novembre 1916.
Mais Verdun fût une première dans la fureur destructrice industrialisée dont est capable l’espèce humaine.
J’ai lu le livre glaçant « L’enfer de Verdun évoqué par les témoins» et commenté par J.H Lefebvre édité en 1976 chez G. Durassié et Cie
Voici la description qui est faite par ce livre du début de la bataille
« Il avait neigé la veille, puis le gel était venu. On dut le matin du 21 février, évacuer des hommes pour pieds gelés.
A 7h15, un bombardement furieux se déchaîna [sur 60 km de front]
Le sol tremblait comme au passage ininterrompu de trains souterrains.
Des volcans par milliers projetaient leurs cônes de terre, de pierraille et d’acier où volaient des troncs d’arbre fracassés, des rondins d’abris, des fragments de canons, des débris d’équipements, d’armes et de corps humains.
Le nuage des éclatements était si dense que les Hauts-de-Meuse et la plaine de la Woëvre semblaient une fabuleuse région industrielle vomissant la fumée.
Nos rares aviateurs ne voyaient, d’un bout à l’autre du front, qu’une seule flamme continue, tant les batteries allemandes tiraient côte à côte…
9 heures durant, ce bombardement de fin du monde continua. Une cadence aussi précipitée, l’intervention de si gros calibres, un tel pullulement de batteries, une pareille durée de canonnade créaient le sentiment de « jamais vu »»
A cette horreur va s’ajouter la suite, décrite par les témoins comme un acte de désespoir, de rage et de vengeance. Les allemands croient qu’après ce déluge de feu, leurs sections d’assaut  vont pouvoir progresser sans résistance jusqu’à Verdun.
«À 16 heures, tandis que la neige a recommencé de tomber, le tir des canons allemands s’allonge brusquement au centre du front.
Cet étroit secteur n’a pas plus que 12 km de large à vol d’oiseaux. Dans ce mince espace, les débris de deux divisions françaises, derrière lesquelles il ne reste plus en état de tirer qu’un nombre dérisoire de canon, vont, après neuf heures d’écrasement, subir le choc de huit divisions d’élite allemandes, appuyée par une colossale artillerie.
Le tir s’est allongé derrière ce barrage roulant ; s’avancent à présent à découvert dans la fumée, l’obscurité naissante et le brouillard de neige, des colonnes d’infanterie précédées de lance-flammes.
Elles vont d’un pas rapide mais sans courir. Leurs chefs n’escomptent aucune réaction, considérant que tout a été détruit devant eux. La marche, de 50 à 900 m, s’effectue l’arme à la bretelle. Certaines de ces colonnes franchissent sans s’en apercevoir l’emplacement fumant de ce qui a été notre première ligne, tant il a été pioché et retourné.
Les sections d’assaut progressent, en différents points, de 3 km sans se heurter à la moindre résistance.
D’autres sections voient avec stupeur des fantômes titubants se dresser au bord des trous d’obus. Hébétés, épuisés, sourds, à demi-fous, les survivants obéissent à un réflexe de désespoir, de rage et de vengeance. Nos hommes balancent des grenades, s’ils en ont ; tirent, si leur fusil s’y prête malgré la terre qui le couvre ; ils ont mis baïonnette au canon. Les fantassins allemands s’aplatissent au sol, dégoupillent des grenades, placent en batterie des mortiers de tranchées, lancent des fusées, téléphonent à l’artillerie ; ils ont beau être à 10 contre un, ils sont stoppés !»
C’est dans ce même livre que j’ai trouvé ce poème, car avec la musique c’est la poésie mieux que l’historien qui sait décrire les sentiments et la détresse humaine :
«Nous vous sentons trop hauts pour gémir sur vos tombes.
Le vent qui tour à tour se soulève ou retombe
Passera seul immensément par les grands bois
Pour tirer de chaque arbre une plainte profonde
Et vous jeter ainsi tous les regrets du monde,
Sans que s’y mêle notre voix.»
Émile Verhaeren, Les ailes rouges de la guerre. Mercure de France, Paris 1916
Et c’est toujours de ce livre que j’ai tiré l’exergue de ce mot du jour consacré à Verdun.
«Tous vinrent à Verdun,
comme pour y recevoir je ne sais quelle suprême consécration ;
comme s’il eût fallu que toutes les provinces de la patrie eussent participé à un sacrifice d’entre les sacrifices de la guerre,
particulièrement sanglant et solennel,
exposé aux regards universels.
Ils semblaient, par la Voie Sacrée, monter, pour un offertoire sans exemple,
à l’autel le plus redoutable que jamais l’homme eût élevé.
Il a consumé, Français et Allemands, 500 000 victimes en quelques mois.»
Paul Valéry – 31 janvier 1931
Ce n’est que lors de la préparation de ce mot que j’ai constaté que ce très beau texte de Valéry avait été prononcé lors de l’accueil du Maréchal Pétain à l’académie française où il succéda à Ferdinand Foch le 20 juin 1929 (à 73 ans) et fut reçu par Paul Valéry le 31 janvier 1931.
J’ai hésité un instant à l’utiliser, car il est reste tabou de mettre en valeur Pétain après ce qu’il fit lors de la seconde guerre et à la tête du régime de Vichy.
Mais je pense qu’il n’est pas possible d’écarter Pétain de l’Histoire de France notamment pour son action lors de cette bataille.
Et à la fin de tout cela Wikipedia donne le résultat de ce carnage :
« Les pertes ont été considérables, pour un territoire conquis nul. Après 10 mois d’atroces souffrances pour les deux camps, la bataille aura coûté aux Français 378 000 hommes (62 000 tués, plus de 101 000 disparus et plus de 215 000 blessés, souvent invalides) et aux Allemands 337 000. 60 millions d’obus (une estimation parmi d’autres, aucun chiffre officiel n’existe) y ont été tirés, dont un quart au moins n’ont pas explosé (obus défectueux, tombés à plat, etc.) ; 2 millions par les allemands pour le seul 21 février 1916. Si l’on ramène ce chiffre à la superficie du champ de bataille, on obtient 6 obus par mètre carré.
Du fait du résultat militaire nul, cette bataille, ramenée à l’échelle du conflit, n’a pas de conséquences fondamentales
La bataille s’acheva le 16 décembre 1916.
Je vais prendre quelques jours de congé.
Le mot du jour reviendra le 29 février.
Ce n’est que tous les 4 ans que je peux écrire un mot du 29 février, je ne veux pas rater cela !

Jeudi 18 février 2016

Jeudi 18 février 2016
« Quand les oligarques rachètent les médias : quels risques pour la démocratie ? »
Guillaume Erner
C’est dans l’émission <les matins de France Culture​ du 17 septembre dernier> que Guillaume Erner a posé cette question dont j’ai fait l’exergue du mot du jour pour parler de la propriété des médias en France.
Je voudrais commencer par 5 Unes de journaux français le lendemain du remaniement gouvernemental qui vient d’avoir lieu. D’abord le Parisien, Libération et le Figaro qui manifestent de l’ironie et des critiques acerbes.
La plupart des journaux français ont fait la même chose, sauf deux : La dépêche du Midi et Midi Libre.
Il est bien normal que dans la diversité des médias français on trouve deux journaux bienveillants…
Pour cette occasion ce sont les seuls.
Et c’est pourquoi la personne avisée va demander à qui appartiennent ces deux journaux ?
L’actionnaire principal de ces deux journaux est M Jean-Michel Baylet qui vient d’être nommé au gouvernement.
Il est donc cohérent que ces deux journaux ne critiquent pas un gouvernement dont fait partie leur patron.
C’est pourquoi il est toujours important de savoir à qui appartient le journal qu’on lit et qui a vocation à nous informer et cela même quand il s’agit d’un journal gratuit. Jean-Michel Baylet reste cependant un oligarque local et modeste en comparaison des autres qui sont cités dans l’émission des matins.
J’en cite quelques extraits :  «Guillaume Erner a reçu  Julia Cagé professeur d’économie à Sciences Po Paris, Daniel Schneidermann, journaliste à Libération, directeur du site Arrêt sur images, Agnès Verdier-Molinié, directrice de la fondation IFRAP dans son émission « L’Invité des Matins » sur France Culture sur le thème : « Quand les oligarques rachètent les médias : quels risques pour la démocratie ? »
Julia Cagé, professeur d’économie à Sciences Po Paris, auteur de « Sauver les médias : capitalisme, financement participatif et démocratie » aux Éditions du Seuil, ouvre le débat et prend la parole en parlant de la loi de régulation des médias de 1986 qui garantit l’indépendance et le pluralisme des médias. Dans un contexte de crise économique, les médias perdent de l’argent, la presse papier est déficitaire (Libération, l’Express) et connaît une crise transitoire : certains titres n’ont pas encore trouvé de modèle numérique et souffrent de la baisse des recettes publicitaires. […]
De nombreux titres de presse écrite sont rachetés par de grands groupes industriels qui ne viennent pas du secteur des médias. Daniel Schneidermann, journaliste à Libération, directeur du site arretsurimage.net depuis 2008 aborde le cas Vincent Bolloré (Canal+, Vivendi, Universal Music Group, i-Télé) qui a pris les manettes de Canal+ et qui est dans une logique de censure et de déprogrammation de documentaires aux sujets sensibles. Il a notamment fait déprogrammer le reportage sur le Crédit Mutuel, partenaire du groupe Bolloré.
Daniel Schneidermann fait une distinction selon les oligarques. Il cite Xavier Niel (Le Monde, Le Nouvel Observateur, Télérama) qui investit dans les journaux (Le Nouvel Observateur) et recrute des journalistes tandis que Patrick Drahi (Libération, L’Express, BFM TV, RMC) est dans une logique de réduction du nombre des journalistes à Libération, de plan social drastique, de clause de cession agressive à l’Express.
« Lorsqu’on a comme patron un Drahi ou un Xavier Niel ou un Bernard Arnault évidemment, lorsqu’il s’agit d’écrire sur des sujets qui touchent directement ou indirectement votre patron, vous ne pouvez pas écrire sans avoir une plume qui tremble ou en tout cas sans savoir que celui qui vous rémunère chaque mois est aussi au bout de votre plume. »
Guillaume Erner Brice Couturier, co-producteur et éditorialiste explique le processus dramatique de rachat de la presse et des télévisions par les industriels des télécommunications (Bouygues, Free, Orange, SFR) qui rachètent des médias pour avoir du contenu sur les mobiles et les tablettes : « Les tuyaux formidablement enrichis rachètent les pourvoyeurs de contenus ruinés par la révolution numérique » selon la logique de Jean-Marie Messier (groupe Vivendi) du contenu et du contenant et du contrôle des canalisations (les câbles de communications) et ce qu’elles véhiculent (les flux d’informations). […]
Selon Julia Cagé, […] l’information est un bien public qui devrait rester libre, dégagée de toute pression et influence politiques, indépendante et plurielle.
La question des aides ciblées, directes et indirectes publiques de l’État à la presse est également posée. Ces aides ne sont pas toutes tournées vers des médias d’information mais dans la presse en général. Afin de garantir le pluralisme de la presse, il faudrait, selon Julia Cagé, redistribuer les aides publiques vers des médias de presse indépendants. Certains médias ont fait le choix de ne pas accepter les aides publiques de l’État comme Mediapart et Arrêt sur Images qui fonctionnent en partie sur le modèle du financement participatif de ses lecteurs.
Les industriels sous contrat avec l’État ne devraient pas posséder de médias afin d’éviter les effets de connivence entre politique et médias. Le journaliste Guillaume Erner cite Julia Cagé dans l’hebdomadaire La Tribune : « Posséder des titres de presse ouvre des portes auprès des parlementaires, des membres du gouvernement et de leurs cabinets donc des contacts directs pour aborder les questions de régulation. »
La solution pour garantir l’indépendance des rédactions serait d’avoir une presse sans aide de l’État, sans publicité, financée par les lecteurs, les journalistes, les actionnaires minoritaires. Daniel Schneidermann, dans son mot de la fin, préconise l’abonnement des citoyens à la presse en ligne indépendante, seule vraie garante de la démocratie.»
Et Brice Couturier dans son billet du 29.10.2015 revient sur le cas de Vincent Bolloré : «Dans son cas, on peut véritablement parler d’empire. Voilà un businessman qui a affiché d’emblée ses ambitions – créer « un groupe industriel intégrés dans les contenus » ; avec l’idée qu’en les faisant fonctionner tous ensemble, les uns emboîtés dans les autres, on peut gagner beaucoup d’argent. Pardon, qu’en « combinant toutes ces activités, il est possible de dégager beaucoup plus de valeur. »
Bolloré pris à la hussarde le contrôle de Havas dont il a revendu récemment une partie du capital. Il a eu le culot de vendre SFR à Altice Numericable (Patrick Drahi) à la barbe d’Arnaud Montebourg, alors ministre du Redressement productif, qui soutenait l’offre de Bouygues. Bénéfice : autour de 17 milliards. Ça permet de voir venir. Lui réinvestit immédiatement : 80 % de Dailymotion, le seul vrai concurrent de l’Américain Youtube. Il vient de « monter », comme on dit au capital de deux des fleurons français des jeux vidéo, Ubisoft et Gameloft. Mais Bolloré est surtout, avec Vivendi, le patron de Canal + et d’Universal Music Group (40 % du marché mondial de la musique…). Ne croyez pas que Bolloré, en vendant SFR, ait renoncé à être présent dans les télécoms. Il a réinvesti 3 milliards dans Telecom Italia et possède un certain nombre d’autres opérateurs téléphoniques à travers le monde.
La stratégie consistant à créer des synergies entre propriétaires de tuyaux et créateurs ou propriétaires de contenus n’est pas une marotte française. On la voit partout à l’œuvre. AT&T, numéro 1 du mobile aux Etats-Unis a ainsi fusionné avec le bouquet Direct TV. En réalité, tout le monde parie sur le fait que la télévision va basculer sur le Net, en passant du hertzien à la fibre optique. Les nouvelles générations veulent contrôler à tout moment ce qu’elles ont envie de regarder, au lieu de subir un programme conçu en fonction d’une grille. Si les opérateurs veulent garder le contrôle des contenus et surtout les faire payer, quoi de plus simple que de les produire eux-mêmes.»
Les médias sont essentiels pour notre information. Croire qu’Internet et les réseaux sociaux suffiront pour donner une information libre, intelligible et vérifiée est singulièrement naïf. Internet est un formidable support de rumeurs et de désinformation.
Il est nécessaire ici comme dans d’autres cas d’accepter de payer des abonnements, prix de notre liberté.
Et pour finir un schéma qui fait la synthèse des grands groupes média de France :
Vous trouverez ce schéma derrière ce lien : http://www.filpac.cgt.fr/spip.php?article10311
Oui parce qu’avant d’être la compagne de Fabius, elle fut l’épouse de Jean-Michel Baylet.
C’est rassurant que des ex époux conservent de bonnes relations !

Mercredi 17 février 2016

Mercredi 17 février 2016
« La faute d’orthographe »
Expression française utilisée pour décrire une mauvaise utilisation des lettres pour écrire un mot de langue française.
La France est confrontée à des défis majeurs économiques, sociaux, écologiques, militaires, migratoires.
Mais après la déchéance de la nationalité, elle vient d’inventer une nouveau sujet de débat majeur : « la réforme de l’orthographe ».
Rappelons que comme l’écrit LIBE
«Contrairement à ce que l’on a pu lire ici ou là, il n’existe pas de réforme de l’orthographe à proprement parler. Les changements à l’origine de la discorde apparaissent dans un rapport publié au Journal officiel en 1990. Le Conseil supérieur de la langue française est chargé par le Premier ministre de l’époque, Michel Rocard, de «formuler des propositions claires et précises sur l’orthographe du français». Maurice Druon, secrétaire perpétuel de l’Académie française, dirige le groupe de travail. L’institution, qui est la seule en mesure de «déterminer les règles en vigueur dans la langue française», rappelle le ministère, approuve ces propositions. Ces «rectifications de l’orthographe» ne sont donc que des propositions. «Toute réforme du système de l’orthographe française est exclue», peut-on lire à trois reprises dans le rapport.  »
C’est pour échanger sur cette question que France Inter avait invité Bernard Pivot et Olivier Houdart, Correcteur du Monde.fr et animateur du blog Langue sauce piquante dans son émission le téléphone qui sonne du 10 février
Et…
Un auditeur a appelé pour poser la question : « Pourquoi parle-t-on dans ce domaine de faute ? ».
Cette question me semble ouvrir une réflexion immense.
En effet, nous disons une erreur de calcul, une erreur de raisonnement et même une erreur judiciaire. Mais une faute d’orthographe, une faute de grammaire, de manière plus générale une faute de français au lieu de qualifier ces errements de ce qu’ils sont : une erreur.
C’est quoi une « faute » ? Le Larousse nous donne la première définition de ce mot : «  Manquement à la règle morale, à une prescription religieuse ».
Voilà c’est dit : nous nous trouvons au niveau de la Morale.
Alors comparons-nous aux allemands et aux anglais.
En allemand, le mot faute se dit « Schuld ». Un mot du jour (celui du 04/11/2013) a souligné qu’en allemand ce mot Schuld a une autre signification puisqu’il désigne aussi le mot dette. Nous en avions tiré la conséquence que pour un allemand la dette constituait une faute morale.
Mais pour le respect des règles de la langue, l’allemand ne parle pas de « Schuld » mais de « Fehler », c’est-à-dire une erreur. Que ce soit une erreur de calcul ou une faute d’allemand, le même mot « Fehler » est utilisé.
Si vous allez voir les anglais, il en va de même on parlera d’ « error » ou de « mistake ».
Rien à voir avec la Morale.
Je me souviens d’une émission où un anglais qui savait le français disait qu’il ne s’exprimait plus en français, en face d’un français. Et il expliquait : « quand un français essaye de s’exprimer en anglais, l’anglais a pour premier objectif d’essayer de comprendre ce que son interlocuteur veut lui dire quelle que soit son niveau en anglais. Quand un anglais s’exprime en français, la première préoccupation du français c’est d’interrompre son interlocuteur pour corriger ses erreurs de français »
C’est au niveau de la morale, exactement comme la dette pour les allemands.
Et lors de l’émission évoquée, Bernard Pivot a rappelé un épisode fameux de notre histoire récente :
« On n’a pas oublié la bataille furieuse qui opposa les défenseurs du nénuphar – avec ph– aux champions du nénufar – avec un simple f. C’était à la fin de 1990 et au début de 1991. La guerre du Golfe, la première, était imminente. Deux ou trois journaux américains et anglais s’étonnèrent qu’à la veille de ce qui serait peut-être un conflit mondial, les Français se répandissent en querelles absurdes à propos de l’orthographe d’une banale plante aquatique. N’y avait-il pas pour polémiquer sujet plus urgent, plus noble, plus dramatique ? La France était décidément un pays impossible. »
Tout ceci me rend fort dubitatif.
Parce que dans certaines circonstances une erreur de calcul ou de raisonnement peut avoir pour conséquence un coût exorbitant voire la mort d’humains.
Pour une erreur d’orthographe, il ne me semble pas.

Mardi 16 février 2016

Mardi 16 février 2016
«Deep learning»
Apprentissage profond
Yann Le Cun
Je vais encore parler du collège de France et d’une leçon inaugurale.
Et je vais parler d’un ingénieur français : l’émission <La Grande Table du 5 février 2016> avait invité Yann Le Cun qui est l’un des inventeurs de l’apprentissage profond à qui vient d’être confié la chaire annuelle informatique et sciences numériques au Collège de France.
Il  a prononcé sa leçon inaugurale «L’apprentissage profond : une révolution en intelligence artificielle» le 4 février dernier et vous la trouverez par ce lien : http://www.college-de-france.fr/site/yann-lecun/inaugural-lecture-2016-02-04-18h00.htm
L’apprentissage profond est la technique la plus féconde pour faire progresser  l’intelligence artificielle (IA). Aujourd’hui ce ne sont plus les Etats et les militaires qui sont à la pointe de ces recherches mais les GAFA, notamment Google et Facebook.
Ainsi Facebook et Mark Zuckerberg ont embauché Yann  LeCun parce qu’il était un des meilleurs dans ce domaine. Il est aujourd’hui directeur du laboratoire d’intelligence artificielle de Facebook et aussi professeur d’informatique et de neurosciences à l’université de New York.
Pendant longtemps, les ordinateurs n’étaient que des calculateurs, de plus en plus puissants et de plus en plus rapides.
Ils suivaient la loi de Moore : leurs capacités doublaient de puissance tous les 18 mois (mot du jour du 1er septembre 2015)
Et c’est ainsi qu’après des années d’efforts, en mai 1997, l’ordinateur Deep Blue d’IBM bat le champion du monde Gary Kasparov. Il le bat parce qu’il peut calculer beaucoup plus vite que l’humain et sait donc mieux déterminer les stratégies gagnantes. Cet ordinateur a été entièrement programmé par des humains.
Je ne connaissais pas le jeu de go mais il s’agirait du plus ancien jeu de stratégie abstrait connu. Il est originaire de Chine. Il n’y a que deux types de jetons qui sont des pierres noires et blanches. Seulement il y a beaucoup plus de pierres dans le jeu de go que de pièces dans un jeu d’échec et le plateau de jeu est beaucoup plus grand qu’un échiquier.
Bref, le seul calcul ne permettait pas à l’ordinateur de vaincre un humain, maître de ce jeu.
<Mais récemment  le logiciel AlphaGo de Google, fondé sur la méthode de l’apprentissage profond, est parvenu à vaincre le champion d’Europe. >Mais qu’est ce que l’apprentissage profond en matière numérique ?
Vous n’avez qu’a écouté la leçon inaugurale de  Yann LeCun, il vous l’expliquera.
Pour Yann LeCun, on ne peut dissocier l’intelligence de l’apprentissage : c’est à dire est intelligent un système qui sait apprendre.
Dans une interview qu’il a donnée au Point il explique : 
« L’apprentissage profond est une vieille idée, qui date des années 1980-1990, mais l’engouement de la communauté scientifique est relativement récent. Pour une raison simple : les moyens pour rendre les machines plus performantes ne sont disponibles que depuis quelques années. [L’apprentissage profond] est une méthode pour entraîner les machines au lieu de les programmer. Cet « apprentissage-machine» nous permet d’apprendre à un système à faire des choses qui sont très difficiles à programmer explicitement, par exemple reconnaître une image ou comprendre un texte. Désormais, on ne sépare plus la notion d’intelligence, artificielle ou non, de la notion d’apprentissage. […]
[Les outils issus de cette technique] sont utilisés par exemple pour des systèmes d’assistance à la conduite, dans certaines machines haut de gamme, mais ils seront un jour étendus à toutes les voitures. Autre domaine en plein développement : l’imagerie médicale, où dans certains cas les systèmes d’apprentissage profond se sont révélés plus fiables que les médecins : cela permet de filtrer une grande partie des images et aux médecins de se concentrer sur celles où il y a quelque chose à analyser. Nous allons sauver des vies grâce à ça ! Beaucoup d’applications ont trait à l’Internet pour le filtrage d’informations. Facebook sélectionne 100 à 150 pièces d’informations par jour à montrer à un utilisateur, et pour savoir celles qui intéressent le plus chacun, nous utilisons des systèmes de reconnaissance d’images. Par exemple, si vous aimez la voile, la photo du bateau de l’un de vos amis apparaîtra. À l’inverse, si vous n’aimez ni les chats ni les bébés qui représentent une grande partie des images sur Facebook, on ne vous en montrera pas !»
Il explique cela de manière plus technique dans sa leçon inaugurale qui sera suivi d’autres cours sur ce sujet qui seront également mis en ligne par le Collège de France.
La notion d’apprentissage profond, provient du fait que ce sont des modules hiérarchisés qui réalisent ces travaux notamment de classification des images. Il s’agit donc de niveaux ou de couches d’analyses qui s’enchaînent pour arriver  au résultat final.
La superposition de ces niveaux ou de ces couches ont conduit à parler de «profondeur.»
Je ne prétends pas avoir tout compris dans le détail, mais ce que j’ai compris je l’ai trouvé passionnant et aussi un peu rassurant.
Dans la leçon Yann LeCun commence d’abord à décrire le cerveau humain, à dire toute son admiration devant cet organe tellement extraordinaire et qui consomme tellement moins d’énergie que les ordinateurs. Mais le cerveau humain reste un mystère et à la question : Le cerveau humain est-il un modèle pour construire une intelligence artificielle ?
Yann LeCun répond :
«C’est une question qui divise la communauté : dans quelle mesure doit-on s’inspirer de la biologie ? Faut-il copier le cerveau ou construire des théories mathématiques puissantes pour produire une intelligence artificielle ? D’abord, si on copie sans comprendre, ça ne marche pas… Beaucoup des pionniers de l’aviation se sont inspirés des oiseaux. Or les avions sont très différents des oiseaux… Observer une plume à la façon d’un biologiste ne sert en fait pas à grand-chose pour construire une machine volante, il vaut mieux comprendre l’aérodynamique. De même, pour l’intelligence artificielle. Au-delà des neurones, il existe des principes sous-jacents que nous ignorons et qui seraient en quelque sorte l’équivalent des lois aérodynamiques pour le vol. Mon ambition scientifique est de découvrir certains des principes sous-jacents à l’intelligence, qui seraient communs à l’intelligence artificielle et à l’intelligence biologique !»
On ne peut pas séparer la notion d’intelligence de la notion d’apprentissage !
L’idée qu’il fallait concevoir des machines qui devait apprendre a germé en 1950 mais a été abandonné jusqu’en 1980.
Toutefois Yann LeCun explique que l’intelligence artificielle est encore très loin du cerveau humain.
Car pour l’instant, la seule manière d’apprendre à l’ordinateur consiste dans la méthode appelée « l’apprentissage supervisé ». Je traduirais cela par du bachotage. Enfin du gavage comme seule une machine peut faire.
L’idée c’est par exemple de montrer des milliers de voitures et des milliers de chaises à l’ordinateur. Au début on lui dit ce que c’est, puis on le laisse deviner et on lui dit quand il se trompe.
L’objectif est bien sûr de lui montrer une voiture ou une chaise qu’il n’a jamais vue et qu’il sache reconnaître que c’est voiture ou une chaise.
Chaque fois qu’on lui dit qu’il se trompe, il change les paramétrages de ses modules de reconnaissance pour les rendre plus performants
Mais on est très loin de l’apprentissage du cerveau humain qui apprend énormément sans supervision.
Yann le Cun explique cela de manière suivante :
«A la machine il manque le sens commun.
Si vous avez les yeux fermés et on vous dit Yann prend son téléphone et sort de la pièce.
Vous allez, parce que vous avez ce sens commun, comprendre toute une série de conséquences.
Par exemple que pour sortir Yann s’est levé et il a marché, il n’a pas volé. Il a ouvert une porte et que depuis qu’il est sorti le téléphone et Yann ne sont plus dans la pièce.
La machine n’a pas ce sens commun.»
Dans la leçon il donne un autre exemple :
Si vous expliquez à un enfant la différence entre un homme et une femme et que par ailleurs vous lui montrez une paire de lunettes, il n’aura aucun mal à reconnaître des hommes avec et sans lunettes et des femmes avec et sans lunettes. C’est immédiat et c’est banal.
Pour l’ordinateur ce n’est absolument pas évident : il peut reconnaitre un homme d’une femme et reconnaitre un homme avec des lunettes mais il se demandera ce que peut bien être une femme portant cette drôle de monture sur son nez si on ne lui pas appris.
D »où cette magnifique formule algébrique qu’il décline dans son cours : une femme à lunettes = homme à lunettes – un homme + une femme.
Il explique en effet que souvent la logique doit être remplacée par de l’algèbre pour que l’ordinateur comprenne !
Tout ceci revient au mot du jour du 4 février 2015 où Gérard Berry également Informaticien et Professeur au Collège de France avait rendu ce jugement péremptoire : « Fondamentalement, l’ordinateur et l’homme sont les deux opposés les plus intégraux qui existent.
L’homme est lent, peu rigoureux et très intuitif. L’ordinateur est super rapide, très rigoureux et complètement con. »
Enfin Yann LeCun explique que l’intelligence artificielle, dans l’histoire de l’informatique, a toujours été appliquée à des choses qu’on ne savait pas très bien faire.
Ainsi pour les calculateurs qui jouaient aux échecs, on parlait d’intelligence artificielle. Depuis qu’ils sont arrivés à leur finalité : battre des champions humains on ne parle plus d’IA.
Quand on a inventé les compilateurs, c’est à dire la programmation à partir de langages proches du langage humain que le compilateur traduisait en langage machine, on parlait d’IA. Plus personne ne considère cela comme de l’IA. 
Dès qu’on sait faire ce n’est plus de l’intelligence artificielle
Bref, c’est à la fois passionnant et rassurant. Évidemment, les informaticiens essayent de passer à l’apprentissage non supervisé mais pour l’instant cela ne marche pas.
Et Last but not least, dans sa leçon inaugurale, le professeur Yann LeCun, tout génie qu’il est, rate plusieurs de ses démonstrations, comme tout professeur normal que nous avons connu et qui ratait les expériences qu’ils voulaient nous montrer. Il ne trouve pas la vidéo qui va bien, la vidéo qu’il pensait lancer avec lien ne démarre pas. Bref du normal ! De l’humain !
Si vous préférez la lecture à la vidéo vous trouverez une grande partie de l’exposé dans le fichier joint.

Lundi 15 février 2016

Lundi 15 février 2016
« L’ingénieur est celui qui permet que vos rêves se réalisent »
Jirō Horikoshi
Ingénieur en aéronautique japonais, concepteur des chasseurs bombardiers japonais Mitsubishi A6M, appelés « Chasseurs Zéro ».
En réalité, je ne sais pas si cette citation est exacte. Cette phrase a été prononcée dans le dernier chef d’œuvre du génie du dessin animé Hayao Miyazaki : « Le vent se lève » sortie en 2014.
C’est donc une phrase que Hayao Miyazaki met dans la bouche de Jirō Horikoshi, l’ingénieur japonais qui est le héros de ce film.
Mais c’est une belle définition de l’ingénieur.
Le mot « Ingénieur » vient d’abord du latin  «ingenium». Ce mot latin a plusieurs sens. L’un de ces sens exprime  l’intelligence, l’habileté,  l’inventivité de l’homme. Le français en a conservé ingénieux et ingéniosité.
Mais plus précisément on fait remonter le mot « Ingénieur » de l’ancien français « engigneor » qui désigne un constructeur d’engins de guerre. Il représente celui qui construisait ou inventait des machines de guerre ou qui assurait la conception et l’exécution des ouvrages de fortification ou de siège des places fortes, comme Vauban.
Une fois de plus c’est l’art militaire qui révèle l’ingéniosité des humains. Jirō Horikoshi a d’ailleurs consacré sa vie à concevoir des avions puis des avions de guerre.
Dans « ingénieur » se révèle également le mot « génie ».
La première définition du génie est : Esprit ou démon qui, selon l’opinion des anciens, présidait à certains lieux, à des villes. On pense au génie d’Aladin.
Mais la définition la plus souvent utilisée est celle d’une personne douée d’un talent exceptionnel dans un domaine. Là on pense à Einstein dont l’extraordinaire force de raisonnement et de prédiction a de nouveau été prouvée il y a 4 jours, le 11 février 2016, lorsque des scientifiques ont annoncé avoir détecté des ondes gravitationnelles, un siècle après leur description par Einstein.
Et c’est un troisième sens du mot « génie» qui fonde l’ingénieur «Ensemble des connaissances et des techniques concernant la conception, la mise en œuvre et les applications de procédés, de dispositifs, de machines propres à un domaine déterminé». Cette fois on parlera de «génie civil» ou «génie militaire».
De manière plus pragmatique en France « Ingénieur » est un titre. En France, l’usage du titre d’ingénieur et l’accès à la profession sont libres, cependant le titre d’« ingénieur diplômé» est réglementé : la délivrance d’un titre d’ingénieur diplômé par un établissement d’enseignement supérieur (école d’ingénieurs, université,…) ou un organisme de formation professionnelle est en effet, depuis 1934, soumise à l’agrément de la Commission des titres d’ingénieur (CTI) qui aboutit à une habilitation par l’Etat prononcée par arrêté annuel. Un étudiant d’une école habilitée par l’État à délivrer un diplôme d’ingénieur, devient après ses études « ingénieur diplômé (de l’école concernée, avec éventuellement mention d’une spécialité) ». Seuls ceux-ci ont ce titre. Depuis 1934, une personne usurpant le titre d’« ingénieur diplômé » (le mot diplômé est ici important car il montre le rattachement du diplôme à la CTI) est passible d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 15 000 €.
Ce Samedi Annie est moi avons eu la joie et la fierté de participer à la cérémonie de remise des diplômes de l’INSA Lyon où notre fils Alexis a reçu solennellement son diplôme  d’ingénieur.
C’est une cérémonie qui a commencé dans l’amphithéâtre des «3000» de Lyon et qui m’a beaucoup touché.
D’abord parce qu’elle fut entièrement organisée et encadrée par les nombreuses associations qui existent à l’intérieur de l’INSA. Le service d’ordre, la régie et surtout les différents spectacles de danse, de musique, ou de sport qui ont accompagné cette cérémonie étaient tous des productions des nombreuses associations de cet école qui finalement est exemplaire.
Ensuite parce que dans les différents discours et notamment celui du directeur de l’INSA, Eric Maurincomme les intervenants ont appelé ces jeunes ingénieurs, dans notre monde en mutation profonde, à être ingénieux, créatifs, capable de s’adapter, se préparer à affronter des métiers et des défis qui ne sont pas encore connus aujourd’hui mais surtout de rester fidèle à leurs valeurs, à l’humanisme et d’être responsable de notre futur.
La France produit de nombreux ingénieurs reconnus dans le monde entier. Dans un des prochains mots du jour j’évoquerai un ingénieur français qui est à la pointe dans l’un des domaines les plus pointus de la recherche mondiale.
C’est clairement un des atouts de la France.
Et le métier d’ingénieur peut mener à quasi tout. Samedi j’ai appris que le trône de la série américaine Game of thrones a été dessiné par Marc Simonetti <Qui a obtenu son diplôme d’ingénieur de l’INSA Lyon en 2000> 
Il ne serait pas juste de faire porter sur les seuls épaules des ingénieurs que nos rêves se réalisent et que nos cauchemars s’éloignent mais ils ont leur part de responsabilité.
Voilà les pensées qui me sont venues lors de cette belle cérémonie où mon fils a recueilli  les premiers fruits de son travail et de son intelligence.

Vendredi 12 février 2016

Vendredi 12 février 2016
«Focaliser sur la croissance du PIB est simpliste.
Nous rejetons les approches qui prennent pour acquis que tout type de croissance imprègne et fortifie les fondations et rejaillisse sur les pauvres»
Jim Yong Kim
Le président de la Banque mondiale
J’aurais aussi pu prendre comme mot du jour une autre déclaration du même Jim Yong Kim rapportée dans le même article «Certaines entreprises utilisent des stratégies élaborées afin de ne pas payer de taxes dans les pays où elles sont présentes. C’est une forme de corruption qui touche les populations pauvres»
Dans son discours, le président de la Banque Mondiale a également jugé «simpliste» de penser qu’une forte croissance économique pourrait à elle seule faire reculer les inégalités.
«Focaliser sur la croissance du PIB est simpliste. Nous rejetons les approches qui prennent pour acquis que tout type de croissance imprègne et fortifie les fondations et rejaillisse sur les pauvres», a déclaré le dirigeant.
Selon M. Kim, les Etats doivent trouver un modèle de croissance économique qui «promeut les citoyens les plus pauvres plutôt que maintenir ceux qui sont en haut de l’échelle».
L’ONG Oxfam a salué le discours du dirigeant, tout en l’appelant à soutenir le processus «permettant de mettre tous les pays sur un pied d’égalité» en termes de taxation des entreprises.
«Jim Kim a raison de souligner que les plus riches capturent une part excessive des produits de la croissance», a déclaré le directeur de l’organisation à Washington Nicolas Mombrial.
Mastodonte du développement économique, la Banque mondiale s’est fixée comme objectif d’éradiquer l’extrême pauvreté d’ici à 2030 et de doper les revenus des 40% de la population la moins favorisée pour réduire les inégalités.
Les choses avancent si les responsables des grandes institutions mondiales commencent à tenir de tels discours.
Il y a cependant encore beaucoup d’économistes et de politiques qui continuent à croire à la théorie du ruissellement : il faut des très riches et par leur action la richesse ruisselle vers les plus pauvres. Il me semble que nous ne sommes plus à cette phase du capitalisme.

Jeudi 11 février 2016

Jeudi 11 février 2016
«Derrière la polémique sur les 35 heures, les heures supplémentaires»
Les 35 heures sont à nouveau sur la sellette.
Mais enfin de quoi parle-t-on en réalité ?
L’histoire de l’économie est une histoire de l’amélioration de la productivité. Ce qui signifie qu’on produit davantage en moins de temps.
Par ailleurs le chômage est énorme et si certains pays parviennent, mieux que la France, à s’en sortir c’est parce qu’ils multiplient les jobs précaires avec peu d’heures de travail. Peut-être faut-il aller dans leur sens, mais le problème n’est pas la durée du travail.
Daniel Cohen l’a souligné, la révolution numérique actuelle ne crée pas d’emplois. Certains croyants disent : «toutes les révolutions industrielles ont supprimé massivement des jobs, mais en contrepartie ont créé de meilleurs jobs en plus grand nombre. Il suffit d’attendre que la révolution numérique donne toute sa mesure.»
En attendant d’autres, comme le rappelle Brice Couturier, «estiment que la moitié des métiers actuels auront disparu dans 20 ans. Le World Economic Forum est d’une précision diabolique : d’ici 2020, la 4°révolution industrielle aura créé 2 millions d’emplois dans les pays industrialisés, mais elle en aura détruit 7 millions….»
Cette discussion sur la durée du travail est des 35 heures est un leurre, un trompe l’œil.
Barbara Romagnon explique : «La meilleure preuve en est que la durée moyenne des temps pleins en France est supérieure à 39 heures, selon l’Insee. L’employeur peut faire travailler davantage ses salariés, à la seule condition de respecter la législation européenne qui fixe la limite de temps de travail hebdomadaire à 44 heures (ou 48 heures sur un cycle court). Les lois sur les 35 heures ont aussi ouvert la voie aux « forfaits jours  » et à l’annualisation qui permettent de moduler le temps de travail sur l’année. Un salarié peut faire 40 heures une semaine et 30 heures la semaine suivante sans que le patron ait à payer les 5 heures supplémentaires de la première semaine.»
Les 35 heures, c’est le seuil à partir duquel, se déclenche les heures supplémentaires qui sont payés en plus et plus cher ! Voilà le nœud !
Ce dont il est question, ce n’est pas la durée de travail,  c’est le prix du travail pour les employeurs, ce qui correspond au revenu des salariés.
Pendant un certain temps on nous a amusé avec les charges sociales qu’il fallait réduire à tout prix.
Mais maintenant on va davantage à l’os : la somme d’argent qu’on paye à un salarié en contrepartie de son travail.
Nous, je, vous sommes trop payés en moyenne dans un monde globalisé avec des frontières ouvertes.
C’est de cela qu’il est question !
Sachant bien que tout le monde n’est pas trop payé, il en existe qui ont encore des marges de manœuvres !
C’est plus compliqué puisqu’il y a d’abord eu une diminution de 1 300 000 à 800 000 parce que c’était prévu dans le contrat pour sa dernière année de contrat et parce qu’il commençait à se faire vieux. En résumé et après négociation son salaire est passé de 1,3 M à 1,5M.
Lui il n’est pas trop payé. Évidemment si vous essayez de raisonner par la morale, vous pouvez trouver cela exagéré. Mais du point de vue économique cela se comprend. Il y a des milliers de « moutons », pardon de « supporters » qui acceptent de payer des billets d’entrée dans les stades où il joue, d’acheter des maillots et d’autres colifichets à son nom, de s’abonner à des télés payantes pour regarder les matches auxquels il participe. C’est un salarié qui a un peu plus de moyens que d’autres pour se défendre devant ses employeurs et demander une redistribution des gains un peu plus avantageuse pour lui.
Mais en moyenne, nous, quasi tous les autres nous sommes trop payés !
Voilà ce qui est sous-jacent à ce débat interminable sur les 35 heures.
Nous pouvons accuser les autres, les capitalistes qui ont délocalisé pour mieux nous contraindre. L’Europe qui nous a soumis à cette superbe injonction de la concurrence libre et non faussée ! Le numérique et internet qui rend encore davantage possible la dérégulation.
Mais nous sommes aussi en partie responsables. Notre goût délétère de toujours chercher le prix le moins cher.
Vous comprenez cela ! «Moi je veux être payé cher pour ce que je produits, mais je veux acheter le moins cher possible !»
Petit exemple un salarié de la Fnac qui disait à l’époque : «c’est terrible, les gens viennent à la Fnac demander conseil puis il rentre chez eux et vont acheter le produit conseillé sur internet chez un concurrent qui n’a pas nos conseils».
Depuis la Fnac s’est adapté, elle n’a plus beaucoup de salariés très compétents et qu’il faut payer très cher !
Mais ce que nous pouvons aujourd’hui comprendre c’est qu’une partie de nous est ce client qui veut moins cher et qu’une partie de nous est ce salarié qui a des compétences et des prétentions à être payé plus cher.
En réalité nous sommes chacun 1/3 de producteur 1/3 de consommateur et 1/3 d’être social. Ce dernier tiers correspondant à celui qui contribue à l’Etat providence et qui bénéficie aussi de l’Etat providence.
C’est à ce dilemme que Jean-Paul Delevoye, le dernier Médiateur de la République, apportait cette évidence : « L’économie est mondiale mais le social est local !»
Eh bien nous avons accepté, comme une évidence, que celui qui devait être privilégié dans notre être œconomicus c’était le 1/3 consommateur.
Probablement qu’individuellement nous ne pouvions rien faire devant ce phénomène de masse.
Mais il faut comprendre que la responsabilité de tout cela n’est pas totalement extérieure à nous.
Peut-être quand même devrions nous nous interroger sur nos comportements de consommation pour que le phénomène soit mieux maîtrisé.
Prenons un 1/3 de dentiste consommateur, il voudra voyager et au meilleur prix !
Il ne va quand même pas prendre Air France où le 1/3 producteur de pilote a beaucoup trop davantage et est beaucoup trop payé !
Il est vrai que chez Ryanair le 1/3 producteur de pilote est beaucoup mieux maîtrisé financièrement.
Mais dans ce raisonnement, il faut comprendre que le 1/3 de dentiste producteur est beaucoup trop payé par rapport à la concurrence mondiale.

Il ne s’étonnera pas que le 1/3 de pilote d’avion consommateur cherchera un dentiste dont le 1/3 producteur est moins cher !

<Pour illustrer mon propos vous pouvez écouter Sofia Lichani qui était hôtesse de l’air chez Ryanair, elle en a écrit un livre>. Dans cette entreprise, c’est l’employé qui paye sa formation initiale réalisée par son entreprise.

Pour les dentistes, si on fait une recherche sur internet on voit l’émergence de cabinets de dentiste low cost, l’uberisation est proche ?
Aujourd’hui on pourrait aussi penser aux agriculteurs dont le 1/3 producteur pour beaucoup n’est vraiment plus payé convenablement…
Je vous laisse à cette réflexion bien loin de l’idée que nous ne travaillons pas assez !
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Mercredi 10 février 2016

Mercredi 10 février 2016
«Credit Sesame, l’application qui vérifie si vous êtes un bon citoyen chinois »
Invention chinoise
C’est la revue de presse de France Inter du jeudi 24 décembre qui m’ont appris l’existence de cette application.
Du point de vue sociologique il s’agit de l’introduction dans la vie réelle des méthodes et des stratégies des jeux électroniques, on parle de « gamification » de la société.
Voici ce que la journaliste Claude Guibal a raconté :
«Tout commence par un jeu, l’une de ces petites applications bêtes et rigolotes comme les réseaux sociaux en proposent en permanence. Huit géants de l’internet chinois s’y sont associés, comme Ali Baba, le rival d’Amazon, la plus grande plateforme de shopping en ligne avec ses 400 millions de clients, ou Bai-He, le Meetic chinois, ou encore la version locale de Facebook.
Ce qui est bien avec Credit Sesame, c’est son nom, c’est que pour gagner ou perdre des points, vous n’avez pas besoin vraiment de jouer. Un algorithme calcule en effet les données fournies, et cela donne un score.
Un score de bon citoyen, qui permet de voir si vous suivez bien la ligne du parti communiste.
Je m’explique: vous achetez des produits chinois, vous boostez donc la croissance du pays, donc vous gagnez des points. Vous achetez en ligne un gadget inutile importé du Japon ? Vous perdez des points.
Vous postez sur les réseaux sociaux un lien sur la chute de la bourse chinoise ? Vous perdez des points.
Vous vantez la politique sociale du gouvernement ? Vous remontez.
Une allusion à Tien An Men ? Ouille !
Pourquoi participer ? Parce que c’est chouette Credit Sesame, ça vous fait gagner plein de trucs. Des bons points et  hop! Vous avez des rabais sur les produits, des petits cadeaux. Vous bénéficiez même de facilités pour obtenir un prêt ou un visa pour voyager à l’étranger.
Mais c’est BIG Brother. Vous ne croyez pas si bien dire. Car comme on parle de réseaux sociaux, l’application fait aussi la même chose pour votre entourage, vos fréquentations. Et puisque les scores sont publics, si un ami qui tient des propos anti gouvernementaux, et c’est votre score qui baisse. Résultat, si vous ne voulez pas en pâtir, eh bien, vous allez faire vous-même la chasse à ces mauvais citoyens…
Cela vous fait peur ? C’est pas fini ! Selon la BBC, les informations de Credit Sesame – qui sont publiques, donc –  devraient être incorporées à la grande banque de données que la Chine prépare pour 2020. Elle fusionnera aussi les informations fiscales, les données personnelles, et même les amendes routières de chacun, ce qui nous donnera l’indice du parfait petit citoyen bien dans les clous. L’outil de contrôle parfait de la population. Bref, si 1984 vous faisait peur, réveillez-vous, 2016, c’est déjà demain. »
La Chine sera t’elle notre modèle pour demain ?
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Mardi 9 février 2016

Mardi 9 février 2016
«Le poids des mots, le choc des photos»
Devise de Paris Match
Wikipedia nous apprend que c’est «Le tandem Roger Thérond et Daniel Filipacchi, voulant situer le magazine par rapport à la télévision, qui adopte la devise « Paris Match, le poids des mots, le choc des photos » inventée en 1978 par Jean Cau et bientôt inscrite au fronton de milliers de kiosques à journaux. Elle est remplacée en janvier 2008 par le slogan « La vie est une histoire vraie », censée inscrire le journal dans une relation plus passionnelle avec le lecteur»
Le procès de l’ancien ministre du budget Jérôme Cahuzac vient de s’ouvrir.
Il a démissionné le 19 mars 2013.
Quelques mois auparavant, il était à Nanterre en tant que Ministre du budget et donc responsable de la DGFiP
Et…
Il y a le choc de la photo
Il n’y a pas grand-chose à ajouter à cette photo. Plusieurs sources prétendent que toute cette affaire venait initialement de la volonté de cercles rocardiens de préparer un « trésor de guerre » pour financer la future campagne présidentielle de Michel Rocard pour 1995.
Ah si, il y a autre chose à dire….
En 2013, en même temps que l’affaire Cahuzac, on apprenait que Uli Hoeness, le président du Bayern de Munich, un des footballeurs les plus adulés d’Allemagne, bref un héros national venait aussi d’être accusé de fraude fiscale.
Le reste est aussi dans Wikipedia : «En 2013, [Uli Hoeness] est soupçonné d’avoir dissimulé plus de 10 millions d’euros au fisc et se retrouve au cœur de l’un des plus gros scandales de l’histoire du sport allemand.  Le 13 mars 2014, le parquet de Munich le condamne à 3 ans et demi de prison pour avoir fraudé le fisc de plus de 28 millions d’euros. Il ne fera par la suite pas appel de la décision. Il est incarcéré le 2 juin 2014. 7 mois après son incarcération, le 2 janvier 2015, il bénéficie d’un régime de semi-liberté, Il bénéficie d’une liberté conditionnelle et sera libéré le 29 février 2016.»
On peut toujours discuter sur la peine et la libération conditionnelle. Mais voilà deux affaires qui se découvrent en même temps, en Allemagne le héros national a déjà purgé sa peine, en France on commence le procès et il paraît qu’il va faire l’objet d’un report.
Nous sommes, ici, confrontés au poids de la lenteur judiciaire en France…