Vendredi 29 décembre 2023

« Il n’y a pas de chemin pour la paix – la paix est le chemin. »
Vivian Silver

J’ai déjà évoqué Vivien Silver, lors du mot du jour du 17 novembre 2023 : « C’était un temps déraisonnable. On avait mis les morts à table […] »

Vivian Silver, militante pacifiste israélienne a été assassinée par des terroristes du Hamas le 7 octobre.

Canadienne, elle était arrivée en Israël il y a cinquante ans, avec plusieurs membres du mouvement Habonim, des sionistes socialistes.

<La Croix> la présente ainsi :

« Née à Winnipeg au Canada, Vivian Silver part en 1968 étudier la psychologie et la littérature anglaise à l’Université hébraïque de Jérusalem.
Après un bref retour au Canada, elle s’envole à nouveau pour Israël en 1974, quelques mois après la guerre de Kippour qui a fait plus de 2 700 morts côté israélien et près de 20 000 au sein de la coalition arabe.

Vivian Silver part en compagnie d’un groupe de jeunes Nord-Américains qui cherchent à rétablir le kibboutz Gezer, situé dans le centre d’Israël, précise le journal Haaretz.
Là, elle promeut l’égalité des genres au sein du kibboutz et dirige des projets de construction.
L’activiste est aussi un membre actif de l’organisation Chemin vers la guérison, qui transporte gratuitement des patients gazaouis – majoritairement des enfants – jusqu’aux hôpitaux israéliens, où ils peuvent être correctement soignés.

En 1998, Vivian Silver devient directrice exécutive de l’Institut du Néguev pour les stratégies de paix et de développement. L’organisation installée à Beersheba, dans le sud d’Israël, promeut la paix au Moyen-Orient, ainsi qu’un modèle de société partagée entre Juifs et Arabes.

Elle travaille d’abord en lien avec des organisations palestiniennes, avant de se concentrer ensuite sur le sort des communautés bédouines locales.
Vivian Silver milite pour la formation et l’autonomisation de cette minorité d’Arabes musulmans vivant dans le désert du Néguev, rattachée à Israël mais qui conserve des liens étroits avec les Territoires palestiniens.

Juste après la guerre de Gaza de 2014, Vivian Silver participe à la création d’une association féministe et pacifiste israélo-palestinienne, Women Wage Peace (« Les femmes mènent la paix »), qui rassemble plus de 45 000 membres. Un mouvement « non partisan, qui ne soutient aucune solution au conflit » israélo-palestinien et qui milite pour une plus grande représentation des femmes dans les négociations diplomatiques, assure l’organisation.

Vivian Silver a remporté de nombreux prix pour son engagement pour la paix tout au long de sa vie, dont le prix Victor J. Goldberg pour la paix au Moyen-Orient en 2011. « Elle se bat pour la justice, c’est une mère et grand-mère fantastique », avait déclaré Yonatan Zeigen, le fils de Vivian Silver, quelques jours après l’attaque du Hamas. »

Cet article : « Le Hamas n’a pas tué ton rêve » décrit ses obsèques et l’éloge funèbre de ses amis qui éclairent aussi la personnalité de cette femme exceptionnelle :

« Des centaines de proches, Juifs et arabes, de la pacifiste israélo-canadienne Vivian Silver ont rendu hommage jeudi à une « femme hors du commun » et « porteuse d’espoir » tuée lors de l’attaque du groupe terroriste du Hamas en Israël le 7 octobre.

Ils se sont réunis au kibboutz Gezer, dans le centre d’Israël, où la militante avait vécu dans les années 1970. Elle a été assassinée à l’âge de 74 ans dans sa maison du kibboutz de Beeri, proche de la bande de Gaza.

Venues d’horizons très divers, les personnes qui ont pris la parole ont dit leur profonde douleur face à la mort de Silver mais aussi leur détermination à poursuivre les causes pour lesquelles elle se battait : la paix et le féminisme.

En larmes, son amie Ghadid Hani, une arabe israélienne de Hura, ville bédouine du sud d’Israël, qui militait avec elle au sein de WWP, a raconté son dernier échange avec Vivian Silver durant l’attaque du Hamas.

« Tu m’as dit que ça allait mais que tu entendais des bruits et puis mes messages n’ont plus reçu de réponses », raconte Mme Hani, vêtue de noir et voilée, une écharpe bleue azur autour du cou, un des symboles du mouvement WWP.
« Tu disais que l’obscurité ne se repousse que par la lumière, comme j’aimerais que tu sois là pour apporter de la lumière et de l’espoir comme tu le faisais toujours », ajoute-t-elle.
« Ma chère Vivian, si tu m’entends, je veux te dire que le Hamas n’a pas tué ton rêve. »
« Il est impossible de détruire l’humanité, la solidarité, le désir d’un avenir plus sûr », a ajouté Hani. […]

« Le seul moyen de vivre en sécurité ici c’est de faire la paix », répétait Mme Silver, selon son fils Yonatan Zeigen.

« Nous, les vivants, continuerons à briller, à persévérer et à faire tout pour apporter le lendemain dont tu parlais toujours. Avec ton absence, je suis retombé amoureux des mots comme paix, égalité des sexes et fraternité », a déclaré M. Zeigen, lors de la cérémonie. »

C’est en lisant un article d’« AOC » : rédigé par l’historienne Naomi Sternberg : <Le monde a oublié le camp de la paix israélien et palestinien> que j’ai vu la phrase que j’ai mise en exergue parce qu’elle était citée par l’autrice au début de son article :

« Il n’y a pas de chemin pour la paix – la paix est le chemin. »

Mais la Paix, n’est pas une chose qui va de soi. Il faut la construire.

Ce n’est pas une histoire d’amour, une brusque révélation de la bonté et de la morale.

Dans un remarquable entretien, en accès libre, mené par Edwy Plenel, Elias Sanbar, ambassadeur de la Palestine auprès de l’Unesco, explique : « j’ai compris que la paix était une affaire très violente »

Elias Sanbar est né le 16 février 1947 à Haïfa, en Palestine mandataire, dans l’actuel Etat d’Israël.

Sa famille sera exilée au Liban après la proclamation de l’État d’Israël

C’est un historien, poète et essayiste palestinien.

Il fut aussi le commissaire de l’exposition « Ce que la Palestine apporte au monde » qui a eu lieu à l’Institut du monde arabe entre le 31 mai et le 31 décembre 2023.

Il a participé aux négociations bilatérales à Washington et dirigé, de 1993 à 1996, la délégation palestinienne aux négociations sur les réfugiés.

Et c’est l’expérience de ces négociations qui lui font dire :

« Vous savez, on subit beaucoup le fait que nous nous faisons violence.
Je vais vous dire dans mon vécu à moi, moi j’ai haï être face, quand j’ai été à des négociations, j’ai haï être en face d’une délégation israélienne.
Je ne pouvais pas les voir en peinture parce que je me disais : Tu es face aux gens qui ont fait ton malheur, qui ont fait que ton père est mort en exil en pleurant. Tu es face à eux.
Je me suis fait une violence inouïe pour leur parler.

Je n’y suis pas aller en disant : « ça va être formidable, on va s’aimer. »
Non pas du tout !

Et petit à petit, j’ai compris que la paix était une affaire très violente.
La différence entre la paix et la guerre, ce n’est pas que l’une est violente et l’autre non.
Les deux sont très violentes.

Dans la guerre, vous dirigez la violence contre votre adversaire, dans la paix vous la dirigez contre vous-même, pour accepter de parler avec celui que vous pensez être l’artisan de votre malheur.
Ce n’est pas un voyage d’agrément.
Les négociations contrairement à ce que beaucoup pensent, c’est très violent, mais c’est une violence faite à soi. »

Cet extrait commence derrière <ce lien>

Je vous conseille d’écouter cet entretien dans son ensemble car il est d’une grande intelligence et humanité : « Ce que la Palestine dit au monde »

Il me semblait essentiel de finir cette année 2023 par l’affirmation de ce combat, de cette conviction que c’est la paix qui est le chemin.

Toute cette violence ne résoudra rien.

Le Hamas est une idée, on ne peut pas éradiquer une idée avec des bombardements mais par une autre idée qui paraîtra plus désirable.

Daniel Barenboïm disait : « Nous avons le choix : nous entretuer ou apprendre à partager ce qui peut se partager. »

Les enfants qui auront survécu sous ce déluge de bombe et auront vu mourir leurs proches, auront la violence au cœur et ne penseront qu’à se venger.

Sauf si une autre solution peut leur être proposée, une solution qui leur paraîtra désirable et pour laquelle ils auront l’énergie de diriger cette violence vers eux même pour faire la paix.

La paix est le chemin, Vivian Silver avait raison.

<1784>

Mercredi 27 décembre 2023

« 18 mois de vie. »
Clémentine Vergnaud

C’est le 15 juin 2022, que Clémentine Vergnaud a appris qu’elle souffrait d’un cancer des voies biliaires, rare, très agressif : le cholangiocarcinome.

Elle avait décrit son combat, ses espoirs, sa peur et ses relations avec les médecins et l’administration dans une série de 10 podcasts : « Ma vie face au cancer : le journal de Clémentine. » publiée en juin 2023.

J’ai commencé à écouter le premier, puis tous les autres d’une seule traite, lors d’une longue promenade.

Je concluais le mot du jour que je lui ai consacré : « La mort est au bout du chemin, mais elle s’est un peu éloignée. » par cette exclamation : Un monument d’humanité !

Son podcast était une manière de « laisser une trace », comme elle l’expliquait sur le plateau de « C à vous ».

Elle n’a pas fêté Noël, elle est morte le 23 décembre 2023 au matin, 18 mois et quelques jours après le diagnostic de sa maladie. Elle avait 31 ans.

Début octobre, elle donnait des nouvelles peu rassurantes sur sa santé sur le réseau social X, tout en annonçant l’enregistrement de la saison 2 de son podcast. Elle écrivait :

« Vous êtes plusieurs à demander de mes nouvelles, à vous inquiéter de mon silence. Je vais bien, rassurez-vous. Mais les deux dernières semaines ont été compliquées. Je suis passée à un cheveu de la mort à cause d’un grave accident cardiaque. Maintenant, je me remets doucement ».

Elle travaillait à France Info. Ses collègues lui ont rendu <Hommage> :

« La rédaction de franceinfo a perdu l’une des siennes, une femme merveilleuse, une journaliste de grand talent, une amie pour beaucoup. […]

Pendant ces longs mois où elle a combattu la maladie, Clémentine a fait preuve d’un courage incroyable, d’une détermination sans faille et d’une immense joie de vivre.
Sa force de caractère et sa lucidité, nous les avons tous entendues dans le podcast “Ma vie face au cancer” qu’elle avait tenu à faire pour raconter sa vie avec la maladie.

Dans ce podcast, […] Elle a apporté beaucoup aux malades, à leurs proches, aux soignants. Avec une telle justesse des mots et des émotions.

[…] Jusqu’au dernier moment, Clémentine a voulu profiter de ses « moments dorés » : chaque plaisir, chaque bonheur qui passait à sa portée. « La fin, elle est connue, nous disait-elle, il n’y a pas trop de mystère. Mais il y a tout ce qui va y mener et je n’ai pas envie de gâcher ces moments. Aucun de ces moments. »

Clémentine, c’était un rire, un sourire, une voix.
Et cette voix, parce que c’est ce qu’elle a voulu, nous continuerons à l’entendre. »

Cette jeune femme qui a dit « Je ne suis pas une battante. En fait, je n’ai juste pas le choix » a donné une immense leçon : elle a vécu aussi intensément que possible les 18 mois de vie qui lui restait à vivre après son terrible diagnostic.

L’oncologue canadien Gabriel Sara qui avait joué son propre rôle dans ce merveilleux film « De son vivant » avait révélé cette tragédie dans la tragédie : « Mourir de son vivant », c’est-à-dire ne pas vivre ce qui reste à vivre :

« On peut mourir de son vivant. On le voit chez Benjamin. Au fur et à mesure que son corps s’affaiblit, son esprit devient paradoxalement plus puissant. Il prend le contrôle de sa vie, il règle son histoire avec son fils, il pardonne à sa mère, il transmet à ses élèves tout ce qu’il a de plus beau à donner. Alors que son corps est foutu, lui vit plus intensément que jamais. Il n’a jamais été aussi en contrôle de sa vie. Et c’est merveilleux. »

Et il parle de cette mission sacrée qui doit être celle des médecins, de l’être humain malade et de sa famille :

« Face à un patient condamné, ma mission sacrée est de l’accompagner pour que les années, les mois et jusqu’aux minutes qu’il lui reste, soient de beaux instants de vie et pas d’agonie. Quand mon patient meurt, je suis triste bien sûr, mais j’ai le sentiment du devoir accompli. Pour un cancérologue, c’est une satisfaction énorme. »

Je crois que Clémentine Vergnaud a porté haut cette mission sacrée de vivre les « 18 mois de vie. » qui lui restait.

Comme souvent, ces derniers temps, je terminerai par un texte de Christian Bobin qui écrivait lors d’un entretien avec le journal « La Vie » en 2019 :

« Ceux qui ont disparu mêlent leur visage au nôtre.
Nous sommes étroitement liés, souterrainement, dans une métamorphose incessante.
C’est pourquoi il est impossible de définir aussi bien la vie que la mort.
On ne peut que parler d’une sorte de flux qui sans arrêt se transforme, s’assombrit puis s’éclaire de façon toujours surprenante.
La mort a beaucoup de vertus, notamment celle du réveil.
Elle nous ramène à l’essentiel, vers ce à quoi nous tenons vraiment. »

<1783>

Dimanche 24 décembre 2023

« Éclaire ce que tu aimes sans toucher à son ombre. »
Christian Bobin, exergue de son livre « Éloge du rien »

Dans les pays chrétiens et même au-delà nous fêtons Noël.

C’est-à-dire la nativité de Jésus, personnage central du Christianisme.

Je fais partie, sur un réseau social, d’un groupe d’amis de Christian Bobin. Une des participantes a accompagné l’exergue de « l’éloge du rien » : « Éclaire ce que tu aimes sans toucher à son ombre. » par une reproduction de ce magnifique tableau : Le nouveau-né.

Wikipédia explique : C’est un tableau du peintre lorrain Georges de La Tour, peint vers 1648, et conservé au musée des beaux-arts de Rennes. Cette huile sur toile représente une Nativité : la Vierge Marie tient l’Enfant Jésus emmailloté, en compagnie de sainte Anne qui éclaire la scène à la bougie.

« Chef-d’œuvre d’entre les chefs-d’œuvre » de Georges de La Tour, la toile est un sommet du clair-obscur, et tire également sa popularité du fait que les signes religieux s’effacent pour donner à la scène une portée universelle : celle de la célébration du mystère de la naissance d’un enfant. Noël est la fête de la nativité.

Car il est vrai que si Noël est une fête religieuse, aujourd’hui il s’agit aussi d’un monument de la culture occidentale qui est une fête des enfants, une fête familiale dans laquelle le fondement religieux s’est estompé.

J’ai déjà consacré plusieurs mots du jour à Noël.

En décembre 2013 : « Le cadeau de Noël. Histoire d’une invention. »

Et ce même mois, lundi 30 décembre 2013, je parlais de la persécution des chrétiens dans le monde : « Comme se fait-il qu’en Occident sécularisé, règne « le silence de Noël sur les chrétiens persécutés ? ».

Dans différents mots du jour j’ai expliqué ma réticence devant les religions monothéistes, en insistant toujours sur le désir de spiritualité des femmes et des hommes que je distinguais de la religion en reprenant ce propos percutant de Régis Debray : « La spiritualité prépare à la mort, la religion prépare les obsèques. »

Notre culture, notre calendrier, nos fêtes, Noël, restent ancrés dans notre héritage chrétien

Mais nous sommes devenus indifférents à celles et ceux qui partagent cet héritage.

« Plus de 360 millions de chrétiens ont été “fortement persécutés et discriminés” en raison de leur foi dans le monde en 2022, selon un rapport de l’ONG Portes ouvertes »

C’est ce que nous pouvons lire sur le site de <France Info>

En 2016, j’essayais simplement parler de la fête de « Noël » m’interrogeant s’il ne s’agissait pas d’une fête païenne célébrant le solstice d’hiver.

Et enfin, j’ai encore parlé de Noël, en donnant, fin 2019, <les recettes des gâteaux de Noël alsaciens>.

Pourquoi reparler de Noël, cette année ?

Parce que j’ai été interpellé par cette publication de Céline Pina :


D’abord j’ai voulu vérifier, beaucoup de sources donnent la même information :

Air France demande à son personnel dans un mail interne, d’employer le terme « Joyeuses fêtes » et non « Joyeux Noël ». L’entreprise justifie ce choix :

« La marque Air France ne doit pas être associée à des fêtes religieuses, nous ne faisons pas référence à Noël. »

Et grâce à ce site, j’ai appris que Audi suivait la même politique.

Nous constatons qu’il faut attendre la compagnie d’un pays d’Islam assumé pour pouvoir encore entendre le souhait « Joyeux Noël » ou « Merry Christmas » dans un avion !

Si des personnes bien pensantes continuent à dire que le wokisme n’a pas atteint la France, je me demande comment ce comportement d’une entreprise occidentale et franco-néerlandaise peut être qualifié ?  Je comprends que cette entreprise mondialisée ne veut plus assumer son occidentalité. Noël n’est pas que religieux, il est aussi un élément incontournable de la culture occidentale.

Nous avons un problème d’intégration massif, avant d’avoir des problèmes d’immigration.

Dans certaines élites, tout ce qui est occidental est suspect, ou même doit être rejeté.

Certes l’Occident a été coupable de crimes, d’avoir trahi des valeurs qu’il proclamait haut et fort.

Mais il n’est pas le seul.

L’esclavage ne fut pas le crime des seuls occidentaux, et même si on fait un calcul morbide, l’esclavage fut plus développé chez les musulmans. Et si on parle de la colonisation du monde par l’Occident qui fut un racisme et une exploitation économique, il fut précédé par la colonisation Arabe qui imposa par la force de ses armées son organisation et sa religion à un empire colonial immense.

Pour le reste la Russie, le Japon, les Ottomans et les Turcs, les pays arabes, la Chine et l’Inde n’ont rien à envier à l’Occident concernant la cruauté, les exactions, les discriminations et les inégalités.

Moi je crois qu’on ne peut pas aimer quelqu’un, si on ne s’aime pas soi-même.

Je ne crois pas que nous soyons en mesure d’intégrer d’autres cultures si nous ne sommes pas un peu fier de la nôtre et de ce que nous sommes.

Et même si Jésus n’avait jamais existé comme le prétend Michel Onfray dans son dernier ouvrage et si pour ma part je ne professe plus de croyance chrétienne, je pense sage et convivial de souhaiter « un Joyeux Noël » à nos semblables.

Je trouve que la phrase de Christian Bobin est particulièrement appropriée :

« Éclaire ce que tu aimes sans toucher à son ombre. ».

Cette phrase est l’exergue d’un tout petit ouvrage de 23 pages, « L’Éloge du rien »

Ce livre de 1990 est une réponse à une lettre qu’il avait reçue et qui lui demandait un texte pour une revue. Texte qui tenterait de répondre à cette question : Qu’est ce qui donne du sens à votre vie ?

Et après quelques variations sur la difficulté de répondre, Christian Bobin écrivit cela :

« Un mot me gêne dans votre lettre. Ce mot de « sens ».
Permettez-moi de l’effacer.
Voyez ce que devient votre question, comme elle a belle allure, à présent.
Aérienne, filante : « Qu’est-ce qui vous donne votre vie ? ».
La réponse cette fois ci est aisée : Tout.
Tout ce qui n’est pas moi et qui m’éclaire.
Tout ce que j’ignore et que j’attends.
L’attente est une fleur simple. Elle pousse au bord du temps.
C’est une fleur pauvre qui guérit tous les maux.
Le temps d’attendre est un temps de délivrance.
Cette délivrance opère en nous à notre insu.
Elle ne nous demande rien que de la laisser faire, le temps qu’il faut, les nuits qu’elle doit.
Sans doute l’avez-vous remarqué : notre attente – d’un amour, d’un printemps, d’un repos – est toujours comblée par surprise.
Comme si ce que nous espérions était toujours inespéré.
Comme si la vraie formule d’attendre était celle-ci : ne rien prévoir – sinon l’imprévisible. Ne rien attendre – sinon l’inattendu.
Ce savoir me vient de loin. Ce savoir qui n’est pas un savoir, mais une confiance, un murmure, une chanson.

Il vient du seul maître que je n’aie jamais eu : un arbre.
Tous les arbres dans le soir frémissant.
Ils m’instruisent par leur manière d’accueillir chaque instant comme une bonne fortune. L’amertume d’une pluie, la démence d’un soleil : tout leur est nourriture. Ils n’ont souci de rien, et surtout pas d’un sens. Ils attendent d’une attente radieuse et tremblée.
Infinie.
Le monde entier repose sur eux.
Le monde entier repose sur nous.
Il dépend de nous qu’il s’éteigne, qu’il s’enflamme.
Il dépend d’un grain de silence, d’une poussière d’or — de la ferveur de notre attente.
Un arbre éblouissant de vert.
Un visage inondé de lumière. »

« Éclaire ce que tu aimes sans toucher à son ombre. »

Joyeux Noël !

<1782>

Vendredi 15 décembre 2023

« Si on laisse monter l’intolérance, elle fait naître de l’intolérance en face. »
François Fillon

Dans le conflit israélo-palestinien, les extrémistes des deux bords sont dans l’exclusion et l’élimination de l’autre.

Par exemple le ministre des finances de Nétanyahou, Bezalel Smotrich, ultranationaliste israélien, a déclaré le 19 mars 2023 dans les salons Hoche, un luxueux centre de réception près des Champs-Elysées à Paris : « Le peuple palestinien n’existe pas. »

Je cite cet article « du Monde » :

« Durant la cérémonie, M. Smotrich s’est exprimé derrière un pupitre décoré d’une carte incluant non seulement l’Etat hébreu et les territoires occupés palestiniens mais aussi le territoire de l’actuelle Jordanie : l’espace du Grand Israël pour les tenants de cette idéologie expansionniste.

Il a prononcé un discours dans lequel il a exhorté les juifs de France à faire leur alya, c’est-à-dire à s’installer en Israël, [Et il a déclaré] :

Le peuple palestinien est une invention de moins de cent ans. Est-ce qu’ils ont une histoire, une culture ? Non, ils n’en ont pas. Il n’y a pas de Palestiniens, il y a juste des Arabes. »

En face, le mouvement Hamas veut créer sur tout le territoire compris entre la Méditerranée et le jourdain et comprenant donc l’État d’Israël, un État islamique de Palestine vierge de présence juive.

Alors, je voudrais partager une vidéo aujourd’hui.

C’est un partage qui me semble plein d’enseignements à plusieurs titres.

D’abord, celui qui s’exprime est François Fillon.

Je n’ai aucune affinité avec cet homme, mais ce n’est pas une raison de ne pas l’écouter pour examiner si ce qu’il dit est pertinent.

De plus en plus de personnes n’écoutent plus que les personnes qui leurs ressemblent et professent les mêmes idées qu’eux.

Il arrive même que ce soit des présupposés qui vont conduire à ce que l’on refuse d’écouter un tel parce qu’il serait homophobe, islamophobe, antisémite, islamo-gauchiste toute qualification qui ne vont pas plus loin qu’une simple impression, une rumeur ou simplement une interprétation hâtive d’une phrase sortie de son contexte.

Pour ma part je préfère écouter les personnes et faire mon jugement ensuite.

C’est ainsi que j’ai écouté et regardé François Fillon.

J’ai vu d’abord cette petite vidéo avec comme titre : « Free Palestine ».

Vous voyez François Fillon dire :

« Il y a trois ans je rencontrais à Téhéran l’ayatollah Rafsandjani, l’ancien président iranien.
Et un moment dans la conversation, on parlait d’Israël et il me dit qu’il faut qu’il s’en aille !.
Je lui réponds

  • Mais qu’est-ce que vous voulez dire ?
  • Ils n’ont rien à faire en Palestine, il faut qu’ils partent.
  • Vous ne pouvez pas dire cela, même si vous le pensez, de toute façon ça ne se produira pas.
  • Donnez-moi une seule raison pour laquelle il pourrait rester ?
  • Ben oui, ils étaient là, il y a deux mille ans.

Il éclate de rire et il me dit : nous il y a 5000 ans on était en Inde, on ne va pas y retourner.

Et là je ne sais plus quoi dire.

La vidéo s’arrête là avec une question : « et vous qu’auriez-vous répondu à la place de François Fillon ? »

Le sous-titre à cette question suggère qu’il n’y a pas de réponse et la conclusion en découle simplement : il n’y a aucune raison à ce que les juifs disposent d’un État en Palestine.

Puisque même François Fillon ne trouve rien à répondre, cette vidéo donne raison aux partisans des palestiniens qui veulent chasser les juifs de Palestine.

A ce stade, il y a encore deux enseignements :

Le premier est que la publication de cette vidéo est tronquée. Celui qui a publié a coupé à l’endroit qui lui permettait de renforcer sa thèse. Mais j’y reviendrai après.

Le second, c’est quand même que la réponse de François Fillon est très problématique : Les juifs ont le droit de créer un État juif parce qu’ils étaient là, il y a deux mille ans.

Cela fait partie du narratif d’Israël, sur lequel je reviendrai dans un mot du jour ultérieur.

Mais de manière rationnelle, ce que signifie cette prétention : ils ont droit d’être là parce qu’ils y étaient il y a deux mille ans, conduit à un concept très déstabilisant : le droit du premier occupant !

Je me souviens d’une déclaration de Valéry Giscard d’Estaing qui avait porté ce jugement définitif :

« En droit international, il n’existe pas de droit du premier occupant. »

Quand on évoque un concept de droit, il faut en examiner les conséquences.

Sainte Sophie d’Istanbul est une immense église chrétienne qui a été érigée au IVème siècle de notre ère dans la ville de Constantinople. Elle a été commandée par l’empereur romain Constantin en 325. Elle est restée une église Chrétienne Orthodoxe, comme Constantinople est resté la capitale chrétienne byzantine jusqu’à 1453. Bref 1100 ans. En 1453, immédiatement après la prise de Constantinople par les Ottomans, la basilique fut convertie en mosquée, Plus tard elle devint musée, jusqu’à ce que ce compagnon de route des frères musulmans, le président turc, Recep Tayyip Erdoğan a décidé d’en refaire une mosquée. Devant cet acte de provocation, nous devrions faire jouer le droit du premier occupant, Constantinople est musulmane depuis 570 ans, alors qu’elle a été chrétienne pendant 1100 ans. Nous devrions exiger que Constantinople redevienne Chrétienne, nous étions là avant !

J’ai voulu dans un premier exemple parler de symboles, de religions puisque ce sont des éléments très utilisés dans le conflit qui secoue le territoire entre la méditerranée et le Jourdain.

De manière plus pratique, quelle serait les conséquences d’une application du droit du premier occupant aux États Unis et au Canada ? En Australie et en Nouvelle Zélande ? Et dans tant d’autres lieux de notre planète ?

L’expliciter ainsi, montre la fragilité de cet argument et la potentialité de la violence et des conflits que cela entraînerait.

J’espère que personne n’émettra l’idée d’un Dieu qui aurait promis quelque chose.

Car si le Dieu des armées, Yahvé a promis cette terre au peuple élu, Allah a de la même manière, selon les musulmans, consacré cette terre comme Dar al-Islam, c’est-à-dire terre d’Islam.

En faire un conflit entre deux dieux qui selon ce que j’ai compris de leurs croyances, est le même, n’a aucune vocation à simplifier le problème.

Il vaut beaucoup mieux en rester à une proposition de partage de l’Assemblée générale de l’ONU qui a souhaité un état juif et un état arabe et de constater qu’aujourd’hui la disparition de l’un des deux peuples sur le territoire convoité par une épuration ethnique est inadmissible de cruauté et de haine future.

J’en reviens au premier enseignement, la manipulation.

François Fillon a d’abord été déstabilisé c’est vrai, mais, après avoir repris ses esprits  il a répondu.

Et j’ai trouvé l’interview intégrale, c’était une émission de la Radio-Télévision Suisse : < Interview de François Fillon par Darius Rochebin, de la RTS>

Il évoque à partir de 22:16, la tendance de se replier sur sa communauté.

Il évoque d’abord la communauté géographique en parlant du Brexit britannique ou de la Catalogne.

Puis il parle du repli au sein de communauté religieuse.

« On voit monter une forme de sectarisme, de fondamentalisme religieux. Plutôt chez les musulmans aujourd’hui, mais qui peut demain, en réaction, appeler une sorte de fondamentalisme dans les autres religions […]
Je ne peux pas ne pas raconter cette histoire parce que je trouve qu’elle est très révélatrice.
Il y a trois ans je rencontrais à Téhéran l’ayatollah Rafsandjani, l’ancien président iranien.
Et un moment dans la conversation, on parlait d’Israël et il me dit qu’il faut qu’il s’en aille !.
Je lui réponds

  • Mais qu’est-ce que vous voulez dire ?
  • Ils n’ont rien à faire en Palestine, il faut qu’ils partent.
  • Vous ne pouvez pas dire cela, même si vous le pensez, de toute façon ça ne se produira pas.
  • Donnez-moi une seule raison pour laquelle il pourrait rester ?
  • Ben oui, ils étaient là, il y a deux mille ans.

Il éclate de rire et il me dit : nous il y a 5000 ans on était en Inde, on ne va pas y retourner.

Et là je ne sais plus quoi dire.

« Et donc je rassemble toutes mes forces pour trouver une réponse et je lui dis : C’est ça, continuer comme ça : Mettez les chrétiens dehors, mettez les juifs dehors et vous ne croyez pas qu’un jour les européens voudront mettre les musulmans dehors ?
Il y a eu un peu de silence et en repartant dans la voiture je me suis dit au fond, je n’ai pas réfléchi à cette phrase, elle est brutale, elle est provocatrice, mais c’est la vérité.

Si on laisse monter l’intolérance, elle fait naître de l’intolérance en face.
On a aujourd’hui des communautés religieuses qui peuvent se radicaliser.
On a un repli communautaire ethnique. »

Je trouve cette réponse pleine de sagesse.

Les communautés chrétiennes sont aujourd’hui opprimées dans les pays musulmans. Le nombre de chrétiens a diminué de manière considérable par rapport au début du XXème siècle en Turquie, en Égypte, en Syrie, en Irak etc…

Et que personne ne se trompe, il ne s’agissait pas de chrétiens occidentaux, venant d’Europe de l’Ouest qui auraient colonisé ces pays. Pas du tout, ce sont des populations locales qui s’étaient convertis au christianisme il y a longtemps et qui lors de l’expansion de l’Islam ont refusé de se convertir à ce troisième monothéisme.

Et la situation est encore plus dégradée pour les communautés juives dans ces pays. Si les pays arabes ne voulaient pas d’Israël, il aurait été intelligent, me semble t’il, qu’ils convainquent les juifs de leurs pays de rester et qu’ils prennent les mesures adéquates pour rendre ce séjour paisible et serein.

En parallèle dans nos pays, les communautés musulmanes augmentent notamment dans le nombre de celles et de ceux qui se soumettent à des pratiques religieuses ostensibles.

Tout n’est pas parfait dans nos pays, loin s’en faut : il existe des discriminations et des intolérances mais sans commune mesure avec ce qui se passe, en Turquie, en Égypte etc.

La cohabitation des religions dans un monde tolérant et acceptant l’autre constitue un grand progrès de l’humanité.

L’empire ottoman a su pendant longtemps, jusqu’à l’arrivée au pouvoir du gouvernement jeunes turcs, réaliser grosso modo cette cohabitation paisible.

Amin Maalouf parle même de son enfance au Liban et en Égypte où cette coexistence de communautés religieuses restait harmonieuse.

Il faudrait retrouver ce chemin de la tolérance qui appelle à la tolérance chez tous.

Ce qui conduit à écarter tous les discours qui veulent chasser l’autre, comme ce discours de l’ayatollah Rafsandjani.

<1781>

Jeudi 14 décembre 2023

« Ici, dans le feu mal éteint,
Perdant, notre jeunesse par miettes,
Nous n’avons esquivé aucun
Des coups qui tombaient sur nos têtes  »
Anna Akhmatova

Anna Akhmatova est, selon Christian Bobin, la plus grande des poètes et des poétesses.

Dans le livre « Anthologie » qui regroupe un choix de ses textes j’ai trouvé celui-ci :

« Honte à ceux qui laissent leur terre
A leur ennemi triomphant ;
Leur basse louange m’indiffère,
Je leur refuserai mon chant

Mais l’exilé me reste cher,
Comme un malade, comme un captif :
Le pain d’aumône est amer,
Le regret de l’exil est vif…

Ici, dans le feu mal éteint,
Perdant, notre jeunesse par miettes,
Nous n’avons esquivé aucun
Des coups qui tombaient sur nos têtes.

Dans le décompte des faits d’armes
Seront justifiés nos destins,
Personne n’est plus sec de larmes
Plus simple que nous, et plus hautain »
Anna Akhmatova
1922

Lorsqu’on voit ce qui se passe à Gaza et qui fait suite aux massacres du 7 octobre 2023, on est saisi par une sorte de sidération et de découragement.

Évidemment si on se place dans un des deux camps, l’analyse est simple :

Pour le camp d’Israël, les massacres du 7 octobre ne peuvent pas rester impuni.
D’abord à cause de l’horreur de l’attaque, ensuite parce que cela conduit à une menace sécuritaire de tous les instants. Il faut donc punir ceux qui ont fait cela, mais aussi empêcher qu’une telle attaque puisse être réitéré.
La destruction de Gaza, une émission de France Info évoque « Gaza en miettes  », s’explique dès lors par la nécessité de trouver les responsables et les combattants du Hamas afin de les neutraliser.
Pour ce faire, il y a des milliers de morts, de blessés, d’enfants, de femmes et d’hommes angoissés devant la mort qui rode, la famine qui guette, l’eau qui est rare et pollué.
Le camp d’Israël relève que les assassins du Hamas qui sont revenus à Gaza ont été célébrés par des foules en liesse. Que si ces combats sont si meurtriers, c’est parce que le Hamas se cache dans des tunnels interdits à ceux qui ne font pas partie de l’organisation.
Dans cette logique la population sans protection constituent pour eux un bouclier qui les protège. En outre, leur mort en masse constitue un excellent argument pour le Hamas pour dénoncer la violence d’Israël et essayer de faire arrêter par la communauté internationale le bras vengeur de leur ennemi.
Enfin ce camp peut encore dénoncer le fait que le Hamas s’empare de la plus grande part des denrées alimentaires que les ONG font entrer dans le territoire. Une interview en direct d’Al Jazeera montre une vieille femme palestinienne dénoncer ce fait devant un journaliste très ennuyé devant ce témoignage qui ne correspond pas au récit souhaité, mais qu’il ne peut éviter en raison du direct.

Pour le camp palestinien, l’attaque du 7 octobre est un acte qui a remis au premier plan la question palestinienne dont plus personne ne parlait.
Les pays arabes étaient en train d’établir des relations amicales et économiques avec Israël dans le cadre des accords d’Abraham, sans parler des palestiniens.
Même l’Arabie saoudite était en train de signer un tel accord. Ce qui achoppait encore était le fait que l’Arabie Saoudite exigeait d’avoir la responsabilité de l’esplanade des mosquées, la question palestinienne n’était pas prioritaire. Souvent les religieux sont attachés davantage aux symboles, aux pierres, qu’aux humains.
Et en Palestine, on voyait des murs, des checks point qui rendaient la vie tellement compliquée avec, en plus, une progression de l’emprise de la population juive sur la Cisjordanie à travers des implantations tolérées, voire encouragées par le gouvernement israélien.
Un gouvernement dans lequel le premier ministre et des hommes encore plus à droite exprimaient clairement leur refus de donner un État aux Palestiniens.
Bien au contraire, ils voulaient s’emparer de tout le territoire de Judée Samarie comme ils l’appellent.
Dans cette situation l’action du Hamas a constitué une rupture et, en tant que tel, un acte de résistance d’un peuple opprimé. Certes la violence extrême et des excès ont pu être commis, mais il était nécessaire d’arrêter le lent étouffement de la cause palestinienne.

Dans tout cela il n’y a pas plus de place pour l’empathie, d’empathie pour l’autre, même pour le plus faible et le plus innocent de l’autre : un enfant.

Jean Daniel avait écrit le <9 juillet 2014> :

« Mais pour finir sur Israël je peux confier, à l’âge où je parviens, que l’un de mes échecs personnels a été de ne pas arriver à persuader les élites juives de sauver leur peuple et leurs âmes. Sur la violence, il y a eu les plus grands textes. Et sur celle qui concerne les enfants, on ne peut pas oublier Dostoïevski.

Voyant revenir les stigmates annonciateurs de la fraternelle cruauté entre Israéliens et Palestiniens, je ne puis m’empêcher de repenser aux fameux propos prêtés à la redoutable et remarquable Golda Meir : “Ce que je vous reproche, vous serez étonnés de l’apprendre, ce n’est pas tant de tuer nos propres enfants, mais c’est de nous forcer à tuer les vôtres.” Cette phrase peut avoir mille interprétations. Un de mes amis arabes était révolté que je puisse m’y attarder. Non seulement elle se trouve une excuse pour l’assassinat, mais y ajoute un nouveau procès de notre comportement.

C’est vrai que cette phrase a plusieurs sens selon la conscience que l’on a de sa propre immobilité. Mais si sensible que je sois au destin palestinien, je ne puis m’empêcher d’y voir une volonté de ne pas se consoler du meurtre même qu’on prétend justifier par notre défense. Le meurtre, c’est le meurtre. Les enfants des autres, ce sont les nôtres. Aujourd’hui, presque partout, il ne s’agit que d’enfants ou d’adolescents. Ils sont la majorité chez les djihadistes. »

J’ai déjà rapporté les paroles d’humanité que Daniel Barenboïm avait prononcés à Ramallah lors de l’unique concert qu’il a pu réaliser en Palestine, ce ne fut jamais possible en Israël, avec l’orchestre qu’il a créé avec Edward Saïd et composé de musiciens israéliens, palestiniens et arabes :

« Nous croyons qu’il n’existe pas de solution militaire à ce conflit,
Nous croyons que les destinées de ces deux peuples palestinien et israélien sont inextricablement liées. […]
Nombreux sont ceux qui comprendront bientôt que nous avons ici deux peuples pas un.
Deux peuples liés par un lien très fort philosophique, psychologique et historique à cette région du monde.
C’est notre devoir d’apprendre à vivre ensemble.
Nous avons le choix : nous entretuer ou apprendre à partager ce qui peut se partager. »

C’est ainsi que je reviens à ce poème d’Akhmatova qui parle d’exil.

Et nous avons deux peuples qui ont été obligés à l’exil. Le premier pour fuir l’antisémitisme, d’abord en Russie puis dans toute l’Europe. Le second peuple parce que le premier est venu sur la terre qu’il habitait.

Nous avons affaire à deux récits ou deux narratifs comme le disent plutôt les anglo-saxons.

Probablement qu’il faut revenir à ces deux narratifs et espérer que chacun sache entendre celui de l’autre.

Afin, que l’avenir ne soit pas de s’entretuer mais d’apprendre à partager ce qui peut se partager.

L’objectif du gouvernement de Benyamin Netanyahou n’a jamais été de faire la paix mais d’assurer la sécurité d’Israël.

Il a échoué.

Le peuple arabe de Palestine se reconnait probablement dans ces vers d’Akhmatova :

« Honte à ceux qui laissent leur terre
A leur ennemi triomphant ; »

Mais aujourd’hui il y a deux peuples sur cette terre, une partie de chacun des peuples veut voir disparaître l’autre peuple.

Cela ne se fera pas ou alors par des cruautés et des souffrances encore plus terribles qui ne pourront avoir comme conséquence qu’une haine démultipliée qui entrainera d’autres violences et massacres.

Pour éviter cela, il faut tenter de comprendre l’autre.

Et trouver une voie vers la Paix

Pour que les rires remplacent les larmes.

<1780>

Samedi 2 décembre 2023

« Maria Callas est née il y a 100 ans. »
La plus grande tragédienne de l’opéra est née le 2 décembre 1923

Maria Anna Cecilia Sofia Kalogeropoulou, plus connue sous le nom de Maria Callas est née le 2 décembre 1923 au Flower Hospital de New York, sur la Cinquième Avenue et Central Park.

Maria Callas a changé l’opéra. Elle a fait de la chanteuse d’opéra une actrice, une tragédienne.

Sa carrière débuta vraiment en 1947. A cette époque, elle vivait aux Etats-Unis et cherchait d’avoir des rôles dans les opéras américains, sans trop de succès.

Elle était parfaitement inconnue

Mais un impresario italien, Giovanni Zenatello, était venu aux États-Unis sur la demande du chef d’orchestre italien Tullio Serafin afin de rechercher un soprano pour chanter La Gioconda de Ponchielli aux arènes de Vérone.

Après avoir emprunté 1 000 dollars à son parrain pour payer son voyage et son séjour, elle est présentée par Zenattelo à Tullio Serafin qui, enthousiaste, l’engage séance tenante.

Le chef dirige l’œuvre et peu à peu, décèle les extraordinaires possibilités de la jeune diva.

C’est lui qui fera de Maria « la Callas ».

Tullio Serafin dira à son sujet :

« Elle était si étonnante, si imposante physiquement et moralement, si certaine de son avenir. Je savais que cette fille, dans un théâtre en plein air comme l’est Vérone, avec sa voix puissante et son courage, ferait un effet démentiel. »

Lors d’une interview de 1968, la cantatrice admettra quant à elle que son travail sous la direction de Serafin a été :

« La chance de ma vie […] Il m’a enseigné qu’il doit y avoir une formulation ; qu’il doit y avoir une justification. Il m’a enseigné le sens profond de la musique, la justification de la musique. J’ai réellement, véritablement absorbé tout ce que je pouvais de cet homme. »

Sa dernière apparition lors d’un spectacle d’opéra eu lieu de 5 juillet 1965 au Covent Garden de Londres.

Il s’agit en fait d’une carrière de 18 ans, pendant laquelle elle donnera 595 représentations et concerts, tiendra 42 rôles et enregistrera 26 intégrales d’opéra

Et c’est lors de ces 18 ans de carrière qu’elle forgera sa légende.

Elle est morte, seule, déprimée à 53 ans, le 16 septembre 1977, dans son appartement parisien au troisième étage du 36 avenue Georges-Mandel, où ses seules occupations étaient d’écouter ses vieux enregistrements et de promener ses caniches en empruntant chaque jour le même itinéraire : rue de la Pompe, rue de Longchamp et rue des Sablon.

En 2017, pour les 40 ans de la mort de cette extraordinaire artiste, j’avais rédigé deux mots du jour :

« La diva, c’est celle qui apporte l’exemple d’un travail, d’une discipline et d’une grande maîtrise du métier »

« J’ai vécu d’art, j’ai vécu d’amour »

Dans ce second mot du jour j’évoquais sa relation avec ce marchand grec qui avait pour nom Onassis et qui savait amasser beaucoup d’argent mais pas rendre heureux ses proches.

Le centenaire donne lieu à beaucoup de publications médiatiques.

Sur la plateforme de replay de France TV on trouve le remarquable documentaire de Tom Volf : <Maria by Callas>. Il sera disponible jusqu’au 16/12/2023.

Et puis il y a 64 émissions, et d’autres sont annoncées, proposées par Radio France sur cette page : < Callas, le podcast>

L’Opéra de Paris lui rend également hommage : <Hommage à Maria Callas>

Le 2 décembre, L’Opéra de Paris propose un Gala Maria Callas qui sera retransmis le 8 décembre 2023 sur France 5, lors d’une soirée spéciale consacrée à Maria Callas.

L’Opéra de Paris la présente ainsi :

« Cantatrice magnétique et tragédienne bouleversante, Maria Callas a transformé l’art du jeu et du chant à l’opéra. »


Elle fut une artiste unique, bouleversante, probablement, pour l’éternité, la plus grande de toutes les chanteuses d’opéra.

Sa vie fut une tragédie, mais, comme elle le dit à fin du documentaire de Tom Volf <Maria by Callas>, elle eut aussi de nombreux témoignages d’admiration et de remerciement de toutes celles et de tous ceux qui surent ouvrir leurs oreilles et surtout leur cœur à la beauté, la sensibilité et l’émotion du chant et du jeu de Maria Callas.

<1779>

Vendredi 1er décembre 2023

« Une fleur s’épanouira à l’improviste. »
Inna Sokolova

Les temps sont lourds.
Notre espèce continue à détruire la biosphère qui constitue l’écrin de notre vie.
Elle continue à s’auto-détruire dans des conflits meurtriers dont nul ne voit l’issue.

Elle poursuit des chimères de l’homme augmenté alors que c’est la sensibilité et la résilience humaine qu’il faudrait faire croitre.

Difficile, par moment, de ne pas se résoudre à conclure que nous sommes une sale race et que le vivant serait plus harmonieux sur terre, sans nous.

Et puis, il y a des soirées, des moments, hors du temps qui nous redonne espoir, élève l’âme.

Quasi comme chaque année, le pianiste Grigory Sokolov, s’est arrêté ce lundi 27 novembre, à l’auditorium de Lyon, pour un moment de grâce.

Il a joué Bach puis Mozart puis, comme souvent, six bis, parce que le lien, l’échange avec le public est si fort que la séparation ne peut être que lente et prendre beaucoup de temps.

Dans le programme de son concert à <Baden Baden du 11 novembre>, avec le même programme qu’à Lyon, la présentation du concert affirme :

« C’est le meilleur de tous les pianistes, déclare Daniel Barenboim à propos de Grigory Sokolov »

A Lyon, il a joué cette œuvre de Bach <Jean-Sébastien Bach : Partita N° 2 BWV 826> (Audio uniquement)

Pour le voir jouer il faut écouter la partita précédente : <Jean-Sébastien Bach : Partita N° 1 BWV 825>

Partout où il passe les éloges viennent à sa rencontre. Ainsi le journal suisse <Le Temps> écrit :

« Physiquement, c’est un colosse. Mais à l’intérieur, c’est un poète – un poète de l’indicible »

Tout le monde pourtant n’est pas convaincu.

Le grand pianiste français Philippe Cassard dans son émission <Portraits de famille> avoue :

« Je ne comprends rien, ou si peu à l’esthétique, au gout, aux choix interprétatifs qui sont les siens depuis dix ans. »

Il a réalisé cependant deux longues émissions consacrées à Sokolov, mais uniquement à ses jeunes années pendant les lesquelles Cassard reconnaît le génie et ajoute que celles-ci ne sont :

« Pas encore contaminé par cette surcharge expressive, ce maniérisme de chaque note, cette appétence pour des tempos lentissimes qui dénaturent, selon moi, le langage des compositeurs. »

Disons qu’il ne comprend pas ce que comprenne des milliers d’auditeurs comme ceux de l’auditorium de Lyon.

A Bruges, pour le même programme on lit :

« L’interprétation de Sokolov se déploie avec une telle évidence qu’il parvient à captiver ses auditeurs dès les premières notes.
Entre douceur, tranchant et raffinement, l’impressionnante précision avec laquelle Grigory Sokolov effleure les touches du clavier dépasse l’imagination.
Quoi qu’il joue, Sokolov est le maître des moments suspendus. »

Au Théâtre des Champs Elysées on cite directement Grigory Sokolov :

« L’essence de l’interprétation, c’est l’amour profond que l’on porte à une pièce, assorti à la liberté intérieure de l’interprète »,

Grigory Sokolov est né à Léningrad (aujourd’hui Saint-Pétersbourg) le 18 avril 1950.

J’avais déjà, lors d’un concert précédent à Lyon en 2018, consacré un mot du jour à cet interprète hors norme : <Grigory Sokolov>

Alors, pourquoi en reparler, alors qu’il est si difficile de trouver les mots à placer sur de tels moments ?

C’est parce que, par hasard, dans mon butinage numérique, j’ai trouvé Christian Bobin qui parlait de Grigory Sokolov.

Et il ne parlait pas que de Grigory Sokolov mais aussi de son épouse Inna Sokolova dont je n’avais jamais entendu parler.

J’ignorais même qu’il fût marié.

Christian Bobin était invité en Suisse, pour faire une conférence le 7 octobre 2022, à Crans-Montana. Conférence qui avait pour titre « Variations Bobin »

La veille, il était interviewé à la Radio Suisse RTS pour parler notamment de son dernier livre paru : « Le Muguet rouge ».

Je parle des dates, parce que le 6 octobre 2022, il ne restait plus que 50 jours de vie au poète.

Christian Bobin écrivait dans « Autoportrait d’un radiateur »

« Ma vie, ou du moins la part la plus déliée de ma vie, la moins obéissante, celle que j’appelle, faute de mieux : mon âme, mon âme, donc, grimpe sur la fumée qui s’élève d’un jardin, traverse les roses qui somnolent dans la cuisine, danse sur la couverture des livres qui m’entourent, ignore superbement les pages de ce carnet et moi je l’attends un peu bête, un peu creux, pigeonnier vidé de ses pigeons.
Cette histoire se reproduit souvent.
Elle ne m’inquiète pas, même si je devine qu’un jour elle ira à son terme : mon âme se rendant si légère qu’elle oubliera de revenir et que quelqu’un dira de moi : « il est mort », puisque c’est ainsi que l’on nomme ce genre de figure. »

Il avait donné aussi une interview au quotidien « La Vie » en septembre 2022, toujours à l’occasion de la sortie de son livre « Muguet Rouge » et il avait alors opposé deux types de mort :

« Il y a une mort dont on se remet paradoxalement assez bien, c’est celle qui arrive à chacun de nous par la loi de la nature.
Une fleur éclot sur terre, donne sa lumière, séduit quelques abeilles et, le soir venu, se replie sur elle-même, fane et meurt.
Il en va de même pour nous : nous sommes voués à une mort qui n’est pas un abandon de souveraineté mais une métamorphose.
C’est une chose qu’il serait folie de vouloir empêcher, comme les apprentis sorciers de la Silicon Valley en ont le sinistre projet.
Car la mort est un sacre pour chacun, fut-il le plus pauvre ou le plus mal famé, on est confié à ce moment-là aux bras innombrables de l’invisible.

Mais il y a une deuxième sorte de mort, dont il est difficile de sortir une fois qu’on y est entré.
Elle est à l’intérieur même de la vie courante et nous est donnée par les injonctions du monde et la nécessité non expliquée de penser et d’agir de plus en plus vite, d’aimer de moins en moins, de vouloir de plus en plus.
Cette mort-là, absolument désolante, dont personne ne porte le deuil, j’ai souhaité la montrer au plus près dans le Muguet rouge.
C’est une mort sournoise qui commence par vider les yeux, et ensuite le cœur. »

Mais revenons à l’entretien qu’il a donné le 6 octobre 2022 à RTS « Le muguet rouge de Christian Bobin, du rêve au roman »

C’est tout à la fin de l’entretien qu’il parle de Sokolov et de son épouse, cela commence à 23:00

Le journaliste révèle que Christian Bobin a amené quelques textes de poèmes qu’il envisage de lire le lendemain lors de la conférence :

« C’est uniquement de la poésie russe : Akhmatova, Mandelstam et un poème de l’épouse du grand, très très grand, pur pianiste russe Sokolov.
Je pourrais vous parler quelques minutes de Sokolov et lire un poème de son épouse. »

Je note qu’il cite deux des plus immenses poètes russes : Anna Akhmatova et Ossip Mandelstam et qu’il y associe Inna Sokolova.

Et, il parle d’abord de Grigory Sokolov :

« J’ai découvert Grigory Sokolov il y a quelques mois […].
Qu’est-ce que j’ai découvert avec lui ?
J’ai découvert …
Imaginez-vous vous vous êtes dans une maison assez modeste, assez simple, à la campagne.
Vous ouvrez la fenêtre, tous les jours. Et devant vous il n’y a rien, presque rien. Il y a une étendue un peu monotone, un peu lasse d’herbes.
Et quelques herbes folles qui essaient, à la gitane, à faire danser tout cela.
Tous les jours comme ça.
Et un matin, vous ouvrez la fenêtre et il y a un arbre qui a poussé en une seule nuit.
Et cet arbre, c’est Sokolov.
Je ne savais pas qu’un musicien pouvait atteindre à la souplesse, à la fermeté et à la rigueur extrême de quoi ? d’un érable ou même d’un sapin, ou d’un bouleau. Disons un bouleau, puisque nous sommes en terre russe, il s’agit d’un pianiste russe.
Et je me trouve, avec lui, devant une montagne qui est à la fois infranchissable et rassurante.
Je n’ai jamais entendu Schubert joué comme cela, que par cet homme.
Je n’ai jamais entendu Haydn joué comme cela […]
C’est toujours plus ou moins joué par des braves musiciens dont je ne conteste pas la grandeur.
Mais c’est toujours joué par des musiciens qui me revête peu à peu, quand je les écoute, d’un col de dentelle, de jabot, d’un chapeau à plume, de petites bottines du grand siècle.
Je me retrouve dans un siècle qui n’est pas le mien et du coup il y a quelque chose qui est un peu chagrin.
Ce n’est pas tout à fait aujourd’hui.
Je voudrais juste qu’aujourd’hui soit aujourd’hui.
Je voudrais juste que le présent soit la déchirure des rideaux du temps.
L’ouverture du fini à l’infini.
Et ça c’est ce que je trouve dans le jeu de Sokolov quand il joue Haydn.
C’est primesautier, c’est enfantin, c’est culotté, c’est audacieux.
Ce n’est pas non plus le monsieur qui dit : je veux vous montrer comme je vous domine tous. Je veux vous montrer quelque chose que vous n’avez jamais entendu.
Il ne veut rien nous montrer Sokolov. Il devient la partition, il devient le musicien.
Et Schubert, c’est pareil quand il se met à poser sa main sur l’épaule de Schubert, c’est extraordinaire. […]
C’est un monstre magnifique. C’est un monstre parce qu’il est humain de part en part.
Aujourd’hui c’est devenu monstrueux d’être humain.
Heureusement, il y a quelques-uns comme cela. »

Bobin parle de Sokolov jouant Haydn. Pour vous donner une idée voici une sonate de Haydn : <Haydn: Piano Sonata N° 47 Hob. XVI-32>

Et puis il évoque son épouse :

« Sa femme, elle est sa part secrète, elle est sa part vivante, elle est plus que tout, elle est plus que le piano pour lui.
Il faut savoir que pour Sokolov, la musique c’est tout, tout le temps, toutes les secondes, toutes les minutes, même quand il ne joue pas.
A coté de ce tout, tout le temps […] à côté de ce qui pour lui est l’absolu, il y a encore plus que l’absolu, il y a encore plus que le tout.
Et le tout, plus grand que le tout, l’absolu plus grand que l’absolu, s’appelait, s’appelait parce qu’elle n’est plus de ce monde, Inna comme Inné.
Et elle porte le nom, avec cette belle coutume russe qui ajoute un « a » au nom de l’époux, Anna Sokolova.
Elle écrivait des poèmes qu’elle n’a jamais montré qu’à un tout petit entourage.
J’en ai trouvé trace dans un livret qui accompagnait un récital de son mari.
Très peu, Six ou Sept poèmes, c’est tout ce que je peux connaître.
Cela n’a jamais été imprimé.
Et elle met parfois en bas du poème, une petite note qui explique les circonstances de l’écriture.
Il lui est arrivé, un jour, d’être tellement bouleversé par le début du jeu de son mari, qu’elle se retire de la salle, tellement c’est fort, qu’elle préfère écouter derrière la porte, comme un enfant. »

Inna Sokolova est morte en 2013.

Christian Bobin lit un de ses poèmes qu’elle a écrit dans une situation comparable à celle qu’il vient de décrire. »

« Seigneur sauve-moi, retiens-moi
Dans ses mains, le piano est si tendre
Ne te presse pas d’apaiser les amoureux
La séparation est inévitable
Que leur dialogue ailé nous dise quelque chose de toi
Et donne aux soucis de la vie de reclus, à la foule
L’ordre d’écouter
Le cri dans le berceau s’éteindra
Une fleur s’épanouira à l’improviste
La vie nous offre rarement un instant où avoir envie de prier »
Inna Sokolova

Et Christian Bobin, deux mois avant son départ de la vie, finit cet entretien ainsi :

« Et je me permets de répéter ces deux vers, comme on peut répéter un morceau, une petite trouvaille en musique :
« Le cri dans le berceau s’éteindra
Une fleur s’épanouira à l’improviste »

Une fleur s’épanouira à l’improviste
C’est tout ce que je vous souhaite,
En parlant demain à Crans-Montana
En écrivant un nouveau livre,
En lisant, en regardant qui est en face, partout.
Une fleur s’épanouira à l’improviste
Je ne vois pas quoi souhaiter de plus vif. »

Inna Sokolova, Grigory Sokolov et Christian Bobin sont des inspirateurs, des enchanteurs de l’âme, des médecins de la détresse.

Pour finir deux des six bis que Grigory Sokolov a joué, lundi, à l’auditorium :

<Chopin Prélude N°15 opus 28>

<Bach/Siloti Prélude en si>

<1778>