Lundi 30 décembre 2024

« J’ai voulu, en ouvrant les portes de ce procès le 2 septembre dernier, que la société puisse se saisir des débats qui s’y sont tenus. »
Gisèle Pelicot

Après quatre mois d’audiences, La cour criminelle du Vaucluse a rendu son verdict dans le procès des viols de Mazan, le19 décembre 2024.

Ce fut un procès historique en raison du nombre d’accusés, des conditions dans lesquelles ces crimes ont été commis et aussi parce que la victime n’a pas demandé le huis clos des débats et a accepté que des journalistes du monde entier puissent assister aux audiences et voir les viols filmés par le mari de la victime.

Après le refus par Gisèle Pelicot du huis clos, « le nouvel obs » a compté 165 médias dont 76 médias étrangers qui ont suivi le procès. Les derniers jours à l’approche du verdict, des médias s’accréditaient encore.

Je crois que les informations qui ont été diffusées pendant ces quatre mois ont été si répandues qu’il n’est pas nécessaire de rappeler les faits. Si besoin, ils sont précisément décrits dans cette page de de Wikipedia : « Affaire des viols de Mazan ».

La plupart des journaux ont créé une page spécifique regroupant tous les articles sur ce procès. Le nouvel obs a publié les comptes rendus pour chacune des audiences ainsi que des articles de fond écrits par ses journalistes. La plupart sont en accès libre : « Le procès des viols de Mazan »

Il est donc possible d’aller directement aux enseignements que nous apportent cette affaire hors norme et selon la volonté de Gisèle Pelicot de se saisir des débats pour comprendre et faire évoluer notre société.

Ce mot du jour va modestement tenter de faire une partie du chemin, sans être en mesure d’aborder tous les sujets.

Pour commencer, il me semble quand même, essentiel de rappeler que tous les accusés ont été déclarés coupables et ont été condamnés à de la prison, au minimum 1 an ferme et 2 ans de sursis qui s’appliqueront immédiatement en cas de récidive. En outre tous ont été condamnés à poursuivre des soins. Dès lors les journalistes qui ont écrit que certains sont « repartis libre à l’issue du procès » au minimum manquent de précisions. Ce qu’il aurait fallu énoncer c’est que tous ont été condamnés à de la prison, mais que certains ayant déjà purgé leur temps de peine en préventive lors de l’enquête, n’ont pas été incarcérés.

Le premier enseignement de ce procès nous met face à un récit erroné de la réalité des viols. On nous a raconté que le viol se passait dans un parking dans lequel un prédateur sexuel inconnu se jetait sur une femme pour la violer sous contrainte. Cela pouvait se passer la nuit, dans une rue obscure, une femme seule agressée par un inconnu.

Ces histoires existent, mais 91% des viols sont commis par un proche. Le plus souvent dans le cadre familial. D’ailleurs, 45 % des agresseurs sont le conjoint ou ex-conjoint. La cellule familiale qui a vocation à protéger ses membres est le lieu le plus dangereux pour les femmes et aussi pour les enfants. C’est là, dans ce huis clos que les crimes sexuels les plus horribles sont commis.
Le deuxième enseignement est celui de la faillite d’un argument et d’un concept : « le bon père de famille ». Il n’a jamais pu faire cela, c’est un bon père de famille…
Un article du monde présente cette « disqualification définitive des « bons pères de famille ». Cet article cite l’essai de Rose Lamy « En bons pères de famille » (Lattès, 2023 et s’appuie sur une interview pour expliquer :

« Selon Rose Lamy. « Dans cette fiction sociale [du bon père de famille], ajoute-t-elle, les hommes violents, ce sont toujours les autres, les monstres, les fous, les étrangers, les marginaux. » D’un côté, les bons pères de famille, qui, certes, parfois, dérapent, étant « trop amoureux, trop lourds, trop malheureux, trop séducteurs, trop bourrés, trop jaloux, mais, croyez-les sur parole, jamais violents » ; de l’autre, les vrais monstres, qui agressent à la nuit tombée.
C’est sans doute cette distinction qui explique les mots de l’un des avocats des accusés du procès de Mazan, Louis-Alain Lemaire, assurant sans sourciller que ses clients sont « tout sauf des violeurs ».

Peut être est-il plus fort encore de citer Gisèle Pelicot lors de l’audience du 23 octobre lorsqu’elle interpelle son ex mari :


« Dominique, nous avons eu cinquante ans de vie commune, nous avons été heureux et comblés, nous avons eu trois enfants, sept petits-enfants, tu as été un père attentionné, présent, je n’ai jamais douté de ta confiance. Je me suis souvent dit : Quelle chance j’ai de t’avoir à mes côtés. […] Cela fait quatre ans que je prépare le procès et je ne comprends toujours pas comment cet homme qui était pour moi l’homme parfait a pu en arriver là, comment ma vie a basculé. » Elle élève la voix :
« Comment as-tu pu me trahir à ce point ? Comment as-tu pu faire entrer tous ces individus chez nous, dans ma chambre à coucher ? Cette trahison est incommensurable. J’ai toujours essayé de te tirer vers le haut, tu as choisi les bas-fonds de l’âme humaine. »


Et par la suite devant les témoignages des proches des accusés, elle leur renvoie :

« Je voudrais faire remarquer à ces femmes, ces mamans, ces sœurs, qui toutes parlent de leur mari, leur père, leur frère comme d’un homme exceptionnel : j’avais le même à la maison ! »


« Libération » parle de « l’effrayante banalité des 50 accusés », Dominique Pelicot étant traité à part.

Le troisième enseignement est celui de la soumission chimique qui semble se développer de plus en plus. Et dans ce crime c’est encore plus souvent un proche qui utilise cette manipulation. La députée Sandrine Josso qui a fait elle-même l’objet d’une soumission chimique par un collègue l’explique sans détour : « On est le plus souvent drogué par un proche »

Cette député préconise d’établir un parcours fléché de soins pour les personnes estimant avoir été droguées. Car cette réalité est encore très méconnue par les victimes et aussi par les professions médicales qui devraient être formées à détecter les cas de soumission chimique. Gisèle Pélicot a consulté de nombreux médecins car elle avait des pertes de mémoire, au point que ses proches pensaient à un cas d’Alzheimer précoce. Aucun médecin n’a eu l’idée d’une drogue et par conséquent de prescrire une analyse

Le quatrième enseignement est celui du retard français concernant le consentement. Beaucoup de législation des pays comparables à la France, la Belgique, le Canada ont lié le viol à l’absence de consentement.

D’ailleurs La France a signé la convention d’Istanbul de 2011 qui fait ce lien, mais pour l’instant le droit positif français n’a pas réalisé cette évolution. L’article du Code pénal qui définit le viol est l’article 222-23 :

« Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, ou tout acte bucco-génital commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol. »

Lors du procès de Mazan, le viol était caractérisé par « la surprise » qui ne pouvait être discuté.

Mais la Justice française a aggravé son cas. Dans un jugement de 2018 qui concernait des accusations contre Gérald Darmanin qui était alors ministre du budget, il est écrit :

« Le défaut de consentement ne suffit pas à caractériser le viol. Encore faut-il que le mis en cause ait eu conscience d’imposer un acte sexuel par violence, menace, contrainte ou surprise ».

Pourtant à chaque interrogatoire, le président de la cour criminelle du Vaucluse a demandé : « Avez-vous d’une manière ou d’une autre recueilli le consentement de Mme Pelicot ? » Et systématiquement l’accusé répondait non. Ils ne l’ont pas recueilli, ils n’ont pas cherché à le faire. Certains ont même dit ne pas avoir cherché à voir son visage.

La journaliste Céline Rastello a expliqué :

« Et il y a un phénomène qui est très intéressant, qui est que depuis l’affaire, depuis le procès Pelicot, il y a beaucoup de femmes qui nous ont confié relire leur histoire passée à l’aune de cette notion et elles sont nombreuses à se demander si elles avaient vraiment consenti.

Est-ce qu’elles n’avaient pas plutôt cédé pour de mauvaises raisons ? Ou est-ce qu’elles ne s’étaient pas réellement interrogées ? […]

Il y a cette idée forte aussi dans le consentement qu’on commence à voir émerger, mais qui est une notion très nouvelle qui est qu’on ne donne pas son consentement une bonne fois pour toutes, on ne donne pas son consentement en entrant dans la chambre de quelqu’un. Son consentement, on le donne pour des choses spécifiques.

Prosaïquement, ce n’est pas parce qu’on est toute nue dans le lit de quelqu’un qu’on a donné son consentement pour les cinq prochaines heures à venir. Ça dépend de ce qui va se passer, ce consentement, il est révocable et il est spécifique. Et ça, ce sont des choses nouvelles qui commencent à être connues encore une fois dans le cerveau des gens.»

Le cinquième enseignement découle directement du consentement : le viol conjugal.

Pendant longtemps cette notion, dans un univers patriarcal, de domination masculine et de prédominance du désir sexuel masculin n’était pas envisagé.

L’historienne Aïcha Limbada, autrice de l’essai « La nuit de noces, une histoire de l’intimité conjugale » rappelle que la notion prégnante était plutôt celle du devoir conjugal. Le viol conjugal constitue une notion beaucoup plus récente qui repose entièrement sur la nécessité du consentement.
Chaque homme doit faire son introspection et remettre sur le métier ses croyances, son éducation pour parvenir à intégrer cette réalité : ce n’est pas parce que je vis en couple avec une femme ou un homme, et le mariage ne change rien à cela, qu’il ne faut pas s’assurer du consentement de son partenaire avant tout ébat sexuel.

Je m’arrêterais provisoirement à un sixième enseignement alors qu’il en existe encore d’autres : L’avocat a une obligation éthique dans son action de défendre.

Longtemps j’ai cru, que l’avocat avait tous les droits pour défendre son client. L’avocate de Dominique Pelicot, Me Béatrice Zavarro a été remarquable de ce point de vue. Elle a défendu son client sans jamais agresser la victime ou remettre en cause ses paroles. D’autres avocats ont franchi toutes les limites, en déclarant qu’« il y a viol et viol », en croyant percevoir des mouvements de bassin de Giséle Pelicot dans les vidéos projetées, laissant entendre un début de participation au viol ou d’autres vilenies encore.

Or, grâce à ce procès j’ai appris que les avocats étaient tenus de se conformer à un code déontologie. Or voici ce qu’on peut lire dans l’article 3 de ce code :

« L’avocat exerce ses fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité, dans le respect des termes de son serment.
Il respecte en outre, dans cet exercice, les principes d’honneur, de loyauté, d’égalité et de non-discrimination, de désintéressement, de confraternité, de délicatesse, de modération et de courtoisie. »


Probité, dignité, humanité et délicatesse… Force est de constater que certains se sont beaucoup éloignés de cette éthique.

Pour terminer, il me semble pertinent de redonner la parole à cette femme admirable qui s’est tenue debout devant ceux qui l’ont violée et qui a fait changer la honte du camp de la victime vers celui des criminels. Elle a dit lors de l’audience du 23 octobre :

« J’ai choisi de renoncer au huis clos car j’ai voulu que toutes les femmes victimes de viols, pas seulement sous soumission chimique, puissent se dire “Madame Pelicot l’a fait, on pourra le faire” […]. Je voulais qu’elles n’aient plus honte. Quand on est violée, on a honte. Mais ce n’est pas à nous d’avoir honte. C’est à eux d’avoir honte. Je n’exprime ici ni ma colère ni ma haine, seulement ma volonté et ma détermination à ce qu’on fasse évoluer la société. »

C’est avec un courage et une lucidité incroyable qu’elle s’est avancée à la barre et devant tous ces hommes accusés de viol aggravé sur elle, elle a oublié son cas personnel pour parler de l’avenir :

« Voilà, pour moi le mal est fait, mais je le fais pour les autres parce que j’aurais souhaité pouvoir entendre un tel témoignage. Ça m’aurait aidé si ça avait été le cas. »

Dans sa prise de parole, à l’issue de l’énoncé du verdict à l’égard des 51 accusés, elle a conclu :

« J’ai voulu, en ouvrant les portes de ce procès le 2 septembre dernier, que la société puisse se saisir des débats qui s’y sont tenus. Je n’ai jamais regretté cette décision. J’ai confiance à présent en notre capacité à saisir collectivement un avenir dans lequel chacun, femme et homme, puisse vivre en harmonie, dans le respect et la compréhension mutuelle. Je vous remercie. »

Mardi 17 décembre 2024

« Et à la fin ce sont les islamistes qui gagnent ! »
Réflexion suite à la victoire des islamistes sur Bachar El Assad

Cette histoire commence en 1979. Je l’avais raconté dans la série consacrée au livre d’Amin Maalouf : « Le naufrage des civilisations. ». La révolution iranienne nous paraissait ouvrir un horizon radieux. Autour du vieux barbu assis en tailleur sous un pommier, à Neauphle le Château, il y avait plusieurs hommes sympathiques qui parlaient de liberté, de justice, de droits de l’homme. Très rapidement, ils seront balayés, tués, emprisonnés ou contraints à l’exil. Le vieux barbu n’était pas sage, il était islamiste d’obédience chiite : « Vous ne pouvez pas comprendre ».

En 1979, il y eut un autre évènement : l’invasion de l’Afghanistan par l’Union soviétique pour consolider un pouvoir communiste aux abois. Car différentes ethnies, regroupées autour de chefs de guerre ne voulaient pas que le communisme remettent en cause leurs traditions locales et leur religion. musulmane. Nous savons maintenant que le secrétaire d’état américain Zbignizw Brzezinski, dit « Zbig » avait convaincu le président des Etats-Unis Carter d’aider et d’armer les rebelles avant que l’URSS intervienne. Les américains avaient appelés cette opération « cyclone ».

L’Union soviétique avait, à l’époque, réagi à une intervention américaine. Une fois l’armée rouge en Afghanistan, l’aide américaine aux rebelles s’est déployée de manière de plus en plus vigoureuse. J’avais aussi narré cette histoire : « Nous avons maintenant l’occasion de donner à l’URSS sa guerre du Vietnam. » disait Zbigniew Brzezinski.

Nous connaissons la suite, les soviétiques partiront, vaincus, après avoir épuisé énormément de force et de ressources.

Ils avaient bien subi leur Viet Nam. Mais il y eut une grande différence, la révolution vietnamienne qui a chassé les américains de son territoire a créé des liens d’amitié et de collaboration fidèle avec la grande puissance qui l’avait aidé à se débarrasser des américains. Rien de tel en Afghanistan. D’abord Ben Laden qui avait profité de l’aide américaine va créer Al Qaïda et frapper la pays qui l’a aidé par les attentats du 11 septembre 2001.

Parallèlement les chefs de guerre et les ethnies vont utiliser les armes américaines pour s’entretuer dans une guerre civile meurtrière. Ce sera la frange la plus islamiste, la plus radicale  « Les talibans » qui l’emportera. Après avoir été chassé du pouvoir par les américains qui voulaient punir Al Qaida et son chef, ils reviendront après le départ des américains, voulu par Trump, avec les même valeurs obscurantistes qui donnent une image délétère de la pratique de l’islam contemporain.

En Algérie, quand en janvier 1992, le pouvoir autoritaire du FLN a tenté un processus électoral et des élections législatives libres, les résultats du premier tour ont donné une victoire nette au Front islamique du salut (FIS) qui veut mettre en place une république islamique.  L’armée interrompt le processus électoral et une guerre civile terrible va s’en suivre pendant dix ans. Il ne faut pas parler de ces choses là en Algérie, Kamel Daoud a commis l’irréparable en écrivant « Houris ». L’écrivain explique que « les islamistes ont perdu militairement mais gagné politiquement ». Les islamistes imposent leur règles et leur vision sociétale dans une Algérie où le pouvoir économique reste aux mains du FLN et des chefs militaires qui ont considéré que leur fortune et leur tranquillité méritait bien qu’on laisse la société aux mains des religieux afin que ces derniers se tiennent tranquille. L’Algérie nous donne donc l’exemple d’un pays où même si les islamistes sont battus par les armes, ils reviennent dans la société.

Et puis il y a eu les printemps arabes. Ils commencèrent en Tunisie, le 17 décembre 2010. Plusieurs dirigeants autoritaires furent chassés. En Egypte, Hosni Moubarak fut démis et même condamné à la prison. En Occident, nous aimions ces jeunes manifestants de la place Tahrir du Caire. Ces jeunes dénonçaient les abus de la police égyptienne, la corruption, le manque de liberté d’expression,le chômage etc.. Mais les élections ont envoyé au pouvoir les frères musulmans, des islamistes qui n’avaient aucune réponse à ces questions et qui sur certains points étaient à l’antipode de ce qui était demandé notamment la liberté d’expression. L’armée a repris le pouvoir et un nouveau général dirige l’Egypte avec une main de fer plus dure que celle de Moubarak.

Il serait long de faire le tour de tous les États ayant été touché par les printemps arabes. Mais il faut bien parler de la Syrie.

Bachar El Assad était un tyran abominable qui martyrisait son peuple. Le 29 mai 2012, le ministre français des affaires étrangères, Laurent Fabius, déclarait :

« M. Bachar Al-Assad est un assassin. Il faut qu’il quitte le pouvoir et le plus tôt sera le mieux »

Il est resté au pouvoir jusqu’en 2024. Il y a eu beaucoup de manquements de la part des occidentaux qui n’ont pas soutenu les forces démocratiques. Par la suite ces forces démocratiques ont été anéanties par l’action de l’aviation russe et des milices du Hezbollah qui combattaient avec beaucoup plus de mollesse les islamistes de DAESH.

Finalement la Russie, l’Iran et le Hezbollah trop affaibli n’avaient plus les moyens de défendre le régime de Bachar el Assad. Et c’est ainsi que des forces coalisées ont pu enfin chasser ce monstre. Nous ne pouvons que nous réjouir avec les Syriens de la défaite de cet homme a la tête d’un État mafieux pratiquant le trafic de drogue. A la tête des forces coalisées un mouvement islamiste : Hayat Tahrir al-Cham ou HTC (en français, Organisation de libération du Levant). En anglais le Levant s’écrit al-Sham d’où le sigle HTS.

A leur tête, un homme, Ahmed Hussein al-Chara qui se faisait appeler jusque là par un nom de guerre : Abou Mohammed al-Joulani.

Ahmed al-Chara est le fils d’un économiste, acquis aux idéaux de la gauche nationaliste arabe. Il suivra un chemin différent de son père. Il abandonnera des études de médecine pour poursuivre le jihad, la guerre sainte musulmane.

Il quitte l’université de Damas et se rend à Bagdad pour faire allégeance à Al-Qaïda en Irak, dirigé par Abou Moussab Al-Zarqaoui. Il fera de la prison dans les geôles de l’armée américaine. Quand il sort de prison il se rapproche d’Abou Bakr al-Baghdadi le fondateur de l’Etat islamique, c’est-à-dire Daesh.

Et c’est au nom de Daesh qu’il retourne en Syrie où il fondera le Front al-Nosra le 23 janvier 2012. Il rompt avec Abou Bakr al-Baghdadi pour se rapprocher d’Al Qaïda.

En 2016, le Front al-Nosra annonce qu’il rompt aussi avec al-Qaïda et il prend le nouveau nom avec lequel on le connait aujourd’hui. Il a donc poursuivi un chemin dans lequel il s’est affilié successivement au pire des islamistes

Dans la partition de la Syrie, son mouvement s’implantera à Idlib et sa région. Il y appliquera la charia de stricte obédience.

Il acceptera le parrainage du président turc Erdogan proche des frères musulmans pour prendre le pouvoir à Damas.

Donc en Syrie, c’est aussi les islamistes qui gagnent à la fin ! 

Beaucoup dénoncent la responsabilité de l’Occident. C’est vrai en partie. En Irak, la guerre déclenchée par G.W. Busch a eu une responsabilité directe dans la création de Daesh.

En Syrie c’est plus compliqué, l’Occident a surtout brillé son inaction, mais c’est bien la Russie et l’Iran qui ont aidé Bachar El Assad à combattre les forces démocratiques et la Turquie qui en se battant contre les Kurdes, seuls à combattre réellement l’État islamique, qui sont les principaux responsables de ce désastre.

En Égypte et en Algérie, le rôle de l’Occident est vraiment ténu. Dans ces deux pays quand des élections libres ont donné la parole au peuple, celui-ci a choisi des islamistes.

Ainsi si les occidentaux doivent assumer leur responsabilité, les musulmans de ces pays ne peuvent pas être exonérés de toute responsabilité dans le développement de la part la plus archaïque et la plus brutale de leur religion.

Vendredi 6 décembre 2024

« Ça va très mal finir !»
Nicolas Sarkozy à propos de la présidence Macron en octobre 2017

Dès octobre 2017, soit 4 mois après l’élection d’Emmanuel Macron, Nicolas Sarkozy avait émis ce jugement sur le parcours présidentiel de Macron. Vous trouverez cette information dans « Le Point » ou « L’Express ». Cette phrase a été prononcée 1 an avant le début du mouvement des gilets jaunes.

Et, après ce mouvement, après la pandémie du COVID 19, après les guerres d’Ukraine et de Gaza, après une réélection en 2022 sans campagne, sans débat, uniquement pour éviter le Rassemblement National et enfin une dissolution en 2024 donnant une chambre ingouvernable, ces propos inquiétants rencontrent une situation politique que nous voyons dégénérer devant nous.

Nicolas Sarkozy avait donné les raisons de ce jugement :

« Il n’a pas d’emprise sur le pays. Il ne s’adresse qu’à la France qui gagne, pas à celle qui perd. Il est déconnecté. »

Emmanuel Macron a, en effet, une responsabilité immense dans la situation actuelle.

D’abord il a échoué à réaliser sa promesse de faire reculer l’extrême droite au cours de son mandat. Ces 7 ans n’ont été qu’une progression inexorable du rassemblement national, conséquence de la montée des colères, des exaspérations et même de la haine à l’égard du Président de la République.

Macron en 2017Probablement est-il utile de rappeler, ce que le candidat élu, après une longue marche solitaire au milieu de la cour Napoléon du palais du Louvre, va promettre, le 7 mai 2017, à ses partisans dans la joie de son triomphe et aux français dans l’attente d’une nouvelle ère :

« Je sais nos désaccords, je les respecterai mais je resterai fidèle à cet engagement pris : je protégerai la République. […]
Je ferai tout dans les cinq années qui viennent pour qu’ils n’aient plus aucune raison de voter pour les extrêmes.[…]
Je le sais, la tâche sera dure, je vous dirai à chaque fois la vérité, mais votre ferveur, votre énergie, votre courage toujours me porteront. (…) Je rassemblerai et réconcilierai parce que je veux l’unité de notre peuple et de notre pays. […]
Et enfin mes amis, je vous servirai. Je vous servirai avec humilité, avec force. Je vous servirai au nom de notre devise : liberté, égalité, fraternité. Je vous servirai dans la fidélité de la confiance que vous m’avez donnée. Je vous servirai avec amour. »

Chacun jugera de la distance entre les promesses et la réalité du pouvoir exercé par ce jeune homme parvenu au sommet de l’État à 39 ans.

Depuis ce jour de mai 2017, il a eu souvent des propos maladroits, blessants, méprisants rendant son pouvoir encore plus insupportable à beaucoup.

Il a aussi échoué à rétablir les comptes publics, à éviter la dégradation de la balance commerciale et l’augmentation de la dette. Il n’a pas pu faire cesser la politique du « quoi qu’il en coûte » à temps. Et il a laissé le déficit public déraper en 2024 sans réagir ni sur les dépenses, ni sur les recettes. Le déficit, pour lequel la prévision annonçait 4,4 %, ce qui était déjà trop élevé par rapport à l’engagement de 3%, dépasse les 6 % en 2024.

Il n’a pas réagi, le nouvel Obs le raconte dans son article du 3 décembre 2024 : « Les trois fautes de Macron » :

« Le premier acte se noue le 8 avril 2024. Le chef de l’État participe, contrairement à son habitude, à la réunion des présidents de groupes de la majorité qui se tient tous les lundis à l’Elysée. « J’entends parler de projet de loi de finances rectificative. Je n’en vois pas l’intérêt. » Puis, au sujet des pistes d’économies réclamées par son ministre Bruno Le Maire : « Il ne faut pas que ça soit la foire à la saucisse. » […] Alors que depuis la fin de 2023, la direction du Trésor alerte sur une baisse inquiétante des recettes et un déficit qui dérape dangereusement, le président décide… de ne rien faire. Les élections européennes s’approchent, il ne faut surtout pas inquiéter les électeurs qui pourraient se détourner du parti présidentiel. Au lieu d’intervenir en urgence, Emmanuel Macron procrastine. Pendant ce temps, les finances publiques flambent.»

Cette première erreur va en entraîner une seconde, il va prendre la décision de dissoudre la chambre des députés, le soir des élections européennes catastrophiques pour son camp. Il ne veut probablement pas affronter le débat budgétaire de la fin de l’année, avec sa majorité relative et la révélation de ce dérapage budgétaire.
Beaucoup explique qu’il ne pensait pas que les partis de gauche, qui s’étaient déchirés et insultés au cours de la campagne européenne, puissent se réconcilier et présenter un front uni, indispensable pour gagner dans un mode de scrutin uninominal à deux tours. Peut être aussi, c’est une hypothèse personnelle, espérait t’il secrètement une victoire du rassemblement national qui aurait, selon toute vraisemblance, devant la difficulté de la tâche et son manque de compétence évidente, perdu  de sa crédibilité et son principal argument pour gagner les présidentielles : les français n’avaient jamais essayé son programme jusque là.

Lors de ces élections législatives, les français se sont mobilisés et la gauche est arrivée unie aux élections.

L’assemblée qui a été élue est fracturée en 3 blocs à peu près équivalent : La Gauche (NFP) 33% le Bloc central macroniste 29%, l’Extrême Droite 25%, avec une quatrième force, beaucoup plus faible, la droite LR 8%. Chaque bloc refuse de faire alliance avec aucun des deux autres. Les blocs de gauche et central sont même très divisés en leur sein.

Finalement Emmanuel Macron va aussi échouer dans le domaine économique dont pourtant lui-même et ses partisans prétendaient qu’il constituait le point fort de son mandat.

Il a accentué la politique de l’offre qui avait été initié par Hollande. Cette politique repose sur l’idée qu’on peut favoriser la croissance en créant un cadre fiscal et normatif très favorable aux entreprises, ce qui leur permet d’être plus compétitive, rentable, d’investir et in fine de créer de l’emploi.

Cette politique de fiscalité très arrangeante pour les entreprises diminue beaucoup les recettes de l’État sauf si un surcroit important de croissance les augmente en volume bien que les taux soient plus faibles. Cela n’est pas arrivé et aujourd’hui les plans de licenciement sont d’une ampleur telle que le chômage est de nouveau en train de repartir à la hausse.
La responsabilité d’Emmanuel Macron dans cette situation désastreuse d’une France qui s’enfonce dans la crise, de services publics qui se détériorent, avec un déficit abyssal, une dette qui ne sert pas à investir mais à payer les frais de fonctionnement, une crédibilité internationale de plus en plus faible, est immense.
Mais il n’est pas seul responsable, les députés qu’ils soient de son camp comme de l’opposition de gauche ou d’extrême gauche ont aussi une responsabilité énorme. Comment ne pas être choqué par le sourire narquois de Mélenchon en train d’assister, dans les tribunes du palais Bourbon, à la chute de Barnier et qui ne veut aucun compromis, mais espère des présidentielles anticipées qu’il pense pouvoir gagner. Marine Le Pen est dans un état d’esprit similaire. Et les chefs des différents partis du bloc central comme de la droite LR sont aussi, avant tout, préoccupés des élections futures et non de la situation des français et de la France.
Incapable de discuter, de débattre. Chaque fois qu’un plateau de télévision présente deux députés d’un camp différent, il n’y a qu’invectives et dialogue de sourd.
Ce n’est pas une élection présidentielle qui règlera ce problème d’une France divisée en trois et demi et qui ne sait plus se parler, ne sait plus faire société ensemble et se réfugie largement dans le déni des contraintes et des contradictions auxquelles la France doit faire face.