Mardi 17 décembre 2024

« Et à la fin ce sont les islamistes qui gagnent ! »
Réflexion suite à la victoire des islamistes sur Bachar El Assad

Cette histoire commence en 1979. Je l’avais raconté dans la série consacrée au livre d’Amin Maalouf : « Le naufrage des civilisations. ». La révolution iranienne nous paraissait ouvrir un horizon radieux. Autour du vieux barbu assis en tailleur sous un pommier, à Neauphle le Château, il y avait plusieurs hommes sympathiques qui parlaient de liberté, de justice, de droits de l’homme. Très rapidement, ils seront balayés, tués, emprisonnés ou contraints à l’exil. Le vieux barbu n’était pas sage, il était islamiste d’obédience chiite : « Vous ne pouvez pas comprendre ».

En 1979, il y eut un autre évènement : l’invasion de l’Afghanistan par l’Union soviétique pour consolider un pouvoir communiste aux abois. Car différentes ethnies, regroupées autour de chefs de guerre ne voulaient pas que le communisme remettent en cause leurs traditions locales et leur religion. musulmane. Nous savons maintenant que le secrétaire d’état américain Zbignizw Brzezinski, dit « Zbig » avait convaincu le président des Etats-Unis Carter d’aider et d’armer les rebelles avant que l’URSS intervienne. Les américains avaient appelés cette opération « cyclone ».

L’Union soviétique avait, à l’époque, réagi à une intervention américaine. Une fois l’armée rouge en Afghanistan, l’aide américaine aux rebelles s’est déployée de manière de plus en plus vigoureuse. J’avais aussi narré cette histoire : « Nous avons maintenant l’occasion de donner à l’URSS sa guerre du Vietnam. » disait Zbigniew Brzezinski.

Nous connaissons la suite, les soviétiques partiront, vaincus, après avoir épuisé énormément de force et de ressources.

Ils avaient bien subi leur Viet Nam. Mais il y eut une grande différence, la révolution vietnamienne qui a chassé les américains de son territoire a créé des liens d’amitié et de collaboration fidèle avec la grande puissance qui l’avait aidé à se débarrasser des américains. Rien de tel en Afghanistan. D’abord Ben Laden qui avait profité de l’aide américaine va créer Al Qaïda et frapper la pays qui l’a aidé par les attentats du 11 septembre 2001.

Parallèlement les chefs de guerre et les ethnies vont utiliser les armes américaines pour s’entretuer dans une guerre civile meurtrière. Ce sera la frange la plus islamiste, la plus radicale  « Les talibans » qui l’emportera. Après avoir été chassé du pouvoir par les américains qui voulaient punir Al Qaida et son chef, ils reviendront après le départ des américains, voulu par Trump, avec les même valeurs obscurantistes qui donnent une image délétère de la pratique de l’islam contemporain.

En Algérie, quand en janvier 1992, le pouvoir autoritaire du FLN a tenté un processus électoral et des élections législatives libres, les résultats du premier tour ont donné une victoire nette au Front islamique du salut (FIS) qui veut mettre en place une république islamique.  L’armée interrompt le processus électoral et une guerre civile terrible va s’en suivre pendant dix ans. Il ne faut pas parler de ces choses là en Algérie, Kamel Daoud a commis l’irréparable en écrivant « Houris ». L’écrivain explique que « les islamistes ont perdu militairement mais gagné politiquement ». Les islamistes imposent leur règles et leur vision sociétale dans une Algérie où le pouvoir économique reste aux mains du FLN et des chefs militaires qui ont considéré que leur fortune et leur tranquillité méritait bien qu’on laisse la société aux mains des religieux afin que ces derniers se tiennent tranquille. L’Algérie nous donne donc l’exemple d’un pays où même si les islamistes sont battus par les armes, ils reviennent dans la société.

Et puis il y a eu les printemps arabes. Ils commencèrent en Tunisie, le 17 décembre 2010. Plusieurs dirigeants autoritaires furent chassés. En Egypte, Hosni Moubarak fut démis et même condamné à la prison. En Occident, nous aimions ces jeunes manifestants de la place Tahrir du Caire. Ces jeunes dénonçaient les abus de la police égyptienne, la corruption, le manque de liberté d’expression,le chômage etc.. Mais les élections ont envoyé au pouvoir les frères musulmans, des islamistes qui n’avaient aucune réponse à ces questions et qui sur certains points étaient à l’antipode de ce qui était demandé notamment la liberté d’expression. L’armée a repris le pouvoir et un nouveau général dirige l’Egypte avec une main de fer plus dure que celle de Moubarak.

Il serait long de faire le tour de tous les États ayant été touché par les printemps arabes. Mais il faut bien parler de la Syrie.

Bachar El Assad était un tyran abominable qui martyrisait son peuple. Le 29 mai 2012, le ministre français des affaires étrangères, Laurent Fabius, déclarait :

« M. Bachar Al-Assad est un assassin. Il faut qu’il quitte le pouvoir et le plus tôt sera le mieux »

Il est resté au pouvoir jusqu’en 2024. Il y a eu beaucoup de manquements de la part des occidentaux qui n’ont pas soutenu les forces démocratiques. Par la suite ces forces démocratiques ont été anéanties par l’action de l’aviation russe et des milices du Hezbollah qui combattaient avec beaucoup plus de mollesse les islamistes de DAESH.

Finalement la Russie, l’Iran et le Hezbollah trop affaibli n’avaient plus les moyens de défendre le régime de Bachar el Assad. Et c’est ainsi que des forces coalisées ont pu enfin chasser ce monstre. Nous ne pouvons que nous réjouir avec les Syriens de la défaite de cet homme a la tête d’un État mafieux pratiquant le trafic de drogue. A la tête des forces coalisées un mouvement islamiste : Hayat Tahrir al-Cham ou HTC (en français, Organisation de libération du Levant). En anglais le Levant s’écrit al-Sham d’où le sigle HTS.

A leur tête, un homme, Ahmed Hussein al-Chara qui se faisait appeler jusque là par un nom de guerre : Abou Mohammed al-Joulani.

Ahmed al-Chara est le fils d’un économiste, acquis aux idéaux de la gauche nationaliste arabe. Il suivra un chemin différent de son père. Il abandonnera des études de médecine pour poursuivre le jihad, la guerre sainte musulmane.

Il quitte l’université de Damas et se rend à Bagdad pour faire allégeance à Al-Qaïda en Irak, dirigé par Abou Moussab Al-Zarqaoui. Il fera de la prison dans les geôles de l’armée américaine. Quand il sort de prison il se rapproche d’Abou Bakr al-Baghdadi le fondateur de l’Etat islamique, c’est-à-dire Daesh.

Et c’est au nom de Daesh qu’il retourne en Syrie où il fondera le Front al-Nosra le 23 janvier 2012. Il rompt avec Abou Bakr al-Baghdadi pour se rapprocher d’Al Qaïda.

En 2016, le Front al-Nosra annonce qu’il rompt aussi avec al-Qaïda et il prend le nouveau nom avec lequel on le connait aujourd’hui. Il a donc poursuivi un chemin dans lequel il s’est affilié successivement au pire des islamistes

Dans la partition de la Syrie, son mouvement s’implantera à Idlib et sa région. Il y appliquera la charia de stricte obédience.

Il acceptera le parrainage du président turc Erdogan proche des frères musulmans pour prendre le pouvoir à Damas.

Donc en Syrie, c’est aussi les islamistes qui gagnent à la fin ! 

Beaucoup dénoncent la responsabilité de l’Occident. C’est vrai en partie. En Irak, la guerre déclenchée par G.W. Busch a eu une responsabilité directe dans la création de Daesh.

En Syrie c’est plus compliqué, l’Occident a surtout brillé son inaction, mais c’est bien la Russie et l’Iran qui ont aidé Bachar El Assad à combattre les forces démocratiques et la Turquie qui en se battant contre les Kurdes, seuls à combattre réellement l’État islamique, qui sont les principaux responsables de ce désastre.

En Égypte et en Algérie, le rôle de l’Occident est vraiment ténu. Dans ces deux pays quand des élections libres ont donné la parole au peuple, celui-ci a choisi des islamistes.

Ainsi si les occidentaux doivent assumer leur responsabilité, les musulmans de ces pays ne peuvent pas être exonérés de toute responsabilité dans le développement de la part la plus archaïque et la plus brutale de leur religion.

Vendredi 6 décembre 2024

« Ça va très mal finir !»
Nicolas Sarkozy à propos de la présidence Macron en octobre 2017

Dès octobre 2017, soit 4 mois après l’élection d’Emmanuel Macron, Nicolas Sarkozy avait émis ce jugement sur le parcours présidentiel de Macron. Vous trouverez cette information dans « Le Point » ou « L’Express ». Cette phrase a été prononcée 1 an avant le début du mouvement des gilets jaunes.

Et, après ce mouvement, après la pandémie du COVID 19, après les guerres d’Ukraine et de Gaza, après une réélection en 2022 sans campagne, sans débat, uniquement pour éviter le Rassemblement National et enfin une dissolution en 2024 donnant une chambre ingouvernable, ces propos inquiétants rencontrent une situation politique que nous voyons dégénérer devant nous.

Nicolas Sarkozy avait donné les raisons de ce jugement :

« Il n’a pas d’emprise sur le pays. Il ne s’adresse qu’à la France qui gagne, pas à celle qui perd. Il est déconnecté. »

Emmanuel Macron a, en effet, une responsabilité immense dans la situation actuelle.

D’abord il a échoué à réaliser sa promesse de faire reculer l’extrême droite au cours de son mandat. Ces 7 ans n’ont été qu’une progression inexorable du rassemblement national, conséquence de la montée des colères, des exaspérations et même de la haine à l’égard du Président de la République.

Macron en 2017Probablement est-il utile de rappeler, ce que le candidat élu, après une longue marche solitaire au milieu de la cour Napoléon du palais du Louvre, va promettre, le 7 mai 2017, à ses partisans dans la joie de son triomphe et aux français dans l’attente d’une nouvelle ère :

« Je sais nos désaccords, je les respecterai mais je resterai fidèle à cet engagement pris : je protégerai la République. […]
Je ferai tout dans les cinq années qui viennent pour qu’ils n’aient plus aucune raison de voter pour les extrêmes.[…]
Je le sais, la tâche sera dure, je vous dirai à chaque fois la vérité, mais votre ferveur, votre énergie, votre courage toujours me porteront. (…) Je rassemblerai et réconcilierai parce que je veux l’unité de notre peuple et de notre pays. […]
Et enfin mes amis, je vous servirai. Je vous servirai avec humilité, avec force. Je vous servirai au nom de notre devise : liberté, égalité, fraternité. Je vous servirai dans la fidélité de la confiance que vous m’avez donnée. Je vous servirai avec amour. »

Chacun jugera de la distance entre les promesses et la réalité du pouvoir exercé par ce jeune homme parvenu au sommet de l’État à 39 ans.

Depuis ce jour de mai 2017, il a eu souvent des propos maladroits, blessants, méprisants rendant son pouvoir encore plus insupportable à beaucoup.

Il a aussi échoué à rétablir les comptes publics, à éviter la dégradation de la balance commerciale et l’augmentation de la dette. Il n’a pas pu faire cesser la politique du « quoi qu’il en coûte » à temps. Et il a laissé le déficit public déraper en 2024 sans réagir ni sur les dépenses, ni sur les recettes. Le déficit, pour lequel la prévision annonçait 4,4 %, ce qui était déjà trop élevé par rapport à l’engagement de 3%, dépasse les 6 % en 2024.

Il n’a pas réagi, le nouvel Obs le raconte dans son article du 3 décembre 2024 : « Les trois fautes de Macron » :

« Le premier acte se noue le 8 avril 2024. Le chef de l’État participe, contrairement à son habitude, à la réunion des présidents de groupes de la majorité qui se tient tous les lundis à l’Elysée. « J’entends parler de projet de loi de finances rectificative. Je n’en vois pas l’intérêt. » Puis, au sujet des pistes d’économies réclamées par son ministre Bruno Le Maire : « Il ne faut pas que ça soit la foire à la saucisse. » […] Alors que depuis la fin de 2023, la direction du Trésor alerte sur une baisse inquiétante des recettes et un déficit qui dérape dangereusement, le président décide… de ne rien faire. Les élections européennes s’approchent, il ne faut surtout pas inquiéter les électeurs qui pourraient se détourner du parti présidentiel. Au lieu d’intervenir en urgence, Emmanuel Macron procrastine. Pendant ce temps, les finances publiques flambent.»

Cette première erreur va en entraîner une seconde, il va prendre la décision de dissoudre la chambre des députés, le soir des élections européennes catastrophiques pour son camp. Il ne veut probablement pas affronter le débat budgétaire de la fin de l’année, avec sa majorité relative et la révélation de ce dérapage budgétaire.
Beaucoup explique qu’il ne pensait pas que les partis de gauche, qui s’étaient déchirés et insultés au cours de la campagne européenne, puissent se réconcilier et présenter un front uni, indispensable pour gagner dans un mode de scrutin uninominal à deux tours. Peut être aussi, c’est une hypothèse personnelle, espérait t’il secrètement une victoire du rassemblement national qui aurait, selon toute vraisemblance, devant la difficulté de la tâche et son manque de compétence évidente, perdu  de sa crédibilité et son principal argument pour gagner les présidentielles : les français n’avaient jamais essayé son programme jusque là.

Lors de ces élections législatives, les français se sont mobilisés et la gauche est arrivée unie aux élections.

L’assemblée qui a été élue est fracturée en 3 blocs à peu près équivalent : La Gauche (NFP) 33% le Bloc central macroniste 29%, l’Extrême Droite 25%, avec une quatrième force, beaucoup plus faible, la droite LR 8%. Chaque bloc refuse de faire alliance avec aucun des deux autres. Les blocs de gauche et central sont même très divisés en leur sein.

Finalement Emmanuel Macron va aussi échouer dans le domaine économique dont pourtant lui-même et ses partisans prétendaient qu’il constituait le point fort de son mandat.

Il a accentué la politique de l’offre qui avait été initié par Hollande. Cette politique repose sur l’idée qu’on peut favoriser la croissance en créant un cadre fiscal et normatif très favorable aux entreprises, ce qui leur permet d’être plus compétitive, rentable, d’investir et in fine de créer de l’emploi.

Cette politique de fiscalité très arrangeante pour les entreprises diminue beaucoup les recettes de l’État sauf si un surcroit important de croissance les augmente en volume bien que les taux soient plus faibles. Cela n’est pas arrivé et aujourd’hui les plans de licenciement sont d’une ampleur telle que le chômage est de nouveau en train de repartir à la hausse.
La responsabilité d’Emmanuel Macron dans cette situation désastreuse d’une France qui s’enfonce dans la crise, de services publics qui se détériorent, avec un déficit abyssal, une dette qui ne sert pas à investir mais à payer les frais de fonctionnement, une crédibilité internationale de plus en plus faible, est immense.
Mais il n’est pas seul responsable, les députés qu’ils soient de son camp comme de l’opposition de gauche ou d’extrême gauche ont aussi une responsabilité énorme. Comment ne pas être choqué par le sourire narquois de Mélenchon en train d’assister, dans les tribunes du palais Bourbon, à la chute de Barnier et qui ne veut aucun compromis, mais espère des présidentielles anticipées qu’il pense pouvoir gagner. Marine Le Pen est dans un état d’esprit similaire. Et les chefs des différents partis du bloc central comme de la droite LR sont aussi, avant tout, préoccupés des élections futures et non de la situation des français et de la France.
Incapable de discuter, de débattre. Chaque fois qu’un plateau de télévision présente deux députés d’un camp différent, il n’y a qu’invectives et dialogue de sourd.
Ce n’est pas une élection présidentielle qui règlera ce problème d’une France divisée en trois et demi et qui ne sait plus se parler, ne sait plus faire société ensemble et se réfugie largement dans le déni des contraintes et des contradictions auxquelles la France doit faire face.