Jeudi 31 août 2017

« Je crois que le tourisme est une des modalités de destruction de la vie intérieure. »
Marin de Viry

Pour continuer la réflexion sur le tourisme de masse, je partage avec vous cet article du Figaro < Marin de Viry: «Comment le tourisme de masse a tué le voyage»>

Le Figaro nous apprend que Marin de Viry est écrivain et critique littéraire et qu’il est l’auteur d’un essai sur le tourisme de masse: <Tous touristes (Café Voltaire, Flammarion, 2010)>.

Probablement qu’il est rassurant de considérer que son propos est provocateur. Il peut aussi être accusé d’élitisme, car selon lui tant qu’un petit nombre d’aristocrates pouvaient s’adonner à ce loisir, les choses étaient acceptables. Ce serait donc les conquêtes sociales qui seraient en cause.

Son regard me semble quand même intéressant : il reparle du divertissement pascalien et bien sûr, en creux, du paraître et de la superficialité.

Marin de Viry explique notamment :

« Le tourisme n’a plus rien à voir avec ses racines. Quand il est né au XVIIIe siècle, c’était l’expérience personnelle d’un homme de «condition», un voyage initiatique au cours duquel il devait confronter son honneur – c’est-à-dire le petit nombre de principes qui lui avaient été inculqués – à des mondes qui n’étaient pas les siens. Il s’agissait de voir justement si ces principes résisteraient, s’ils étaient universels. Un moyen d’atteindre l’âge d’homme, en somme. Le voyage, c’était alors le risque, les accidents, les rencontres, les sidérations, autant de modalités d’un choc attendu, espéré, entre le spectacle du monde et la façon dont l’individu avait conçu ce monde à l’intérieur de sa culture originelle.

Au XIXe, tout change: le bourgeois veut se raccrocher à l’aristocrate du XVIIIe à travers le voyage, qui devient alors une forme de mimétisme statutaire. Le bourgeois du XIXe siècle voyage pour pouvoir dire «j’y étais». C’est ce qui fait dire à Flaubert lorsqu’il voyage avec Maxime Du Camp en Égypte: mais qu’est-ce que je fais ici ? […]

Avec l’époque contemporaine, on a une totale rupture du tourisme avec ses racines intellectuelles. Même chez ceux qui aujourd’hui veulent renouer avec le voyage, pour s’opposer au tourisme de masse, il n’y a plus de profonde résonance, de profond besoin, car le monde est connu, et le perfectionnement de leur personne ne passe plus forcément par le voyage. Là où le voyage était un besoin, au XVIIIe, pour devenir un homme, se former, parachever son âme et son intelligence, il devient quelque chose de statutaire au XIXe, puis une simple façon de «s’éclater» aujourd’hui. C’est devenu une modalité de la fête permanente, laquelle est devenue banale. Le monde est ennuyeux parce qu’il est le réceptacle de la fête, devenue banale. »

A la question, dans notre monde globalisé, est-il encore possible de voyager? Il répond :

«Toute la question est de savoir s’il reste des destinations ouvertes à la curiosité. Or, plus elles sont organisées, balisées par le marketing touristique de la destination, moins elles sont ouvertes à la curiosité. […]

Je vais être néo-marxiste, mais je crois que c’est le salariat, plus que la démocratisation, qui change tout. Les congés payés font partie du deal entre celui qui a besoin de la force de travail et celui qui la fournit. À quoi s’ajoute la festivisation, qui est d’abord la haine de la vie quotidienne. Et il est convenu que la destination doit être la plus exotique possible, car la banalité de la vie quotidienne, du travail, est à fuir absolument. Au fur et à mesure de l’expansion du monde occidental, la fête se substitue à la banalité, et la banalité devient un repoussoir. Il n’y a pas d’idée plus hostile à la modernité que le pain quotidien.

Autour de ce deal s’organise une industrie qui prend les gens comme ils sont, individualisés, atomisés, incultes, pas curieux, désirant vivre dans le régime de la distraction, au sens pascalien du terme, c’est-à-dire le désir d’être hors de soi. Le tourisme contemporain est l’accomplissement du divertissement pascalien, c’est-à-dire le désir d’être hors de soi plutôt que celui de s’accomplir. […]

Il nous donne, selon lui, le nom de l’inventeur du tourisme de masse, un puritain et en déduit le côté religieux du tourisme :

« C’est Thomas Cook qui invente le tourisme de masse. Cet entrepreneur de confession baptiste organise, en juillet 1841 le premier voyage collectif en train, à un shilling par tête de Leiceister à Loughborough, pour 500 militants d’une ligue de vertu antialcoolique. C’est la première fois qu’on rassemble des gens dans une gare, qu’on les compte, qu’on vérifie s’ils sont bien sur la liste, qu’on déroule un programme. Les racines religieuses puritaines ne sont pas anodines. Il y a comme un air de pèlerinage, de communion collective, dans le tourisme de masse. Le tourisme est très religieux. Et il y a en effet quelque chose de sacré au fait de pouvoir disposer de la géographie du monde pour sortir de soi. S’éclater à Cuba, c’est une messe ! »

Marin de Viry devient alors plus philosophe dans ses réflexions. J’en ai extrait l’exergue de ce mot du jour. Exergue qui aurait aussi pu être : « L’industrie du tourisme ne veut pas que ses clients abdiquent leur raison devant la beauté, mais qu’ils payent pour le plaisir. »

«Nous sommes dans la culture de l’éclate, de la distraction permanente, sans aucune possibilité de retour sur soi. Le monde moderne est une «conspiration contre toute espèce de vie intérieure», écrivait Bernanos. Je crois que le tourisme est une des modalités de destruction de la vie intérieure.

Prenons l’exemple du «syndrome de Stendhal». Stendhal s’est senti mal à force de voir trop de belles choses à Rome et à Florence. Trop de beauté crée un état de sidération, puis de délire confusionnel: en Italie, on est souvent submergé par le superflu. C’est l’expérience limite de la vie intérieure: la beauté vous fait perdre la raison. C’est exactement le contraire que vise l’industrie touristique, qui cherche à vendre la beauté par appartements, en petites doses sécables d’effusions esthétiques marchandisées. Elle ne veut pas que ses clients abdiquent leur raison devant la beauté, mais qu’ils payent pour le plaisir. Immense différence. »

Le journaliste se réfère alors à Michel Houellebecq qui décrit une France muséale, paradis touristique, vaste hôtel pour touristes chinois pour demander si c’est le destin de la France ?

«[…] Je ne suis pas totalement dégoûté par le scénario de Houellebecq. C’est une France apaisée, bucolique. On retournerait tous à la campagne pour accueillir des cohortes d’Asiatiques et de Californiens. On leur expliquerait ce qu’est une église romane, une cathédrale, une mairie de la IIIème République, un beffroi. Ce serait abandonner notre destin pour se lover dans un scénario tendanciel dégradé mais agréablement aménagé, et nous deviendrions un pays vitrifié plutôt qu’un pays vivant. Nous aurions été détruits par la mondialisation, mais notre capital culturel nous sauverait de l’humiliation totale: on nous garantirait des places de médiateurs culturels sur le marché mondial. Si on pense que Dieu n’a pas voulu la France, ou que l’histoire n’a pas besoin de nous, on peut trouver ça acceptable. »

C’est un avis ! Il bouscule un peu, c’est en cela qu’il peut être utile.

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Mercredi 30 août 2017

« Le tourisme de masse »
Conséquence de la démocratisation des congés et de l’augmentation du niveau de vie dans le monde.

Un des moyens les plus commodes pour occuper son temps libre et notamment les vacances est de faire du tourisme.

Le tourisme est désormais une industrie extrêmement importante au niveau mondial et pour certains pays la première.

<Cet article du Parisien> nous apprend qu’en 2016, le nombre de touristes a progressé de 4% au niveau mondial, atteignant 1,2 milliard de visiteurs, grâce à la croissance du nombre de voyageurs provenant d’Asie (+8%).

L’Europe reste la région du monde la plus visitée, avec 620 millions de touristes, mais le nombre de visiteurs y a moins progressé (+2%) que l’année précédente en raison des craintes liées à la sécurité dans certains pays. Mais les résultats européens sont « très mitigés », certaines destinations ayant « un taux de croissance à deux chiffres et d’autres un taux plat » précise l’Organisation mondiale du Tourisme (OMT).

Et en 2017, le tourisme mondial devrait continuer à croître de 3 à 4%, estime l’OMT. Le tourisme représente 10% du PIB mondial, 7% du commerce international et 30% des exportations de services, selon l’OMT. Un emploi sur 11 dans le monde provient du tourisme, si l’on tient compte des emplois directs, indirects et induits.

En France, le tourisme générait 7,1 % du PIB en 2015.

C’est donc une très bonne activité : elle donne de l’emploi, elle est a priori pacifique, elle permet de connaître d’autres pays autrement qu’en les envahissant par la guerre. Les allemands sont ainsi infiniment plus sympathiques depuis qu’ils viennent avec leur deutsch mark et maintenant leurs euros plutôt qu’avec leurs panzers.

Mais il y a pourtant un problème : le tourisme de masse.

  • Peut-être que les destinations qui en valent la peine sont limitées. C’est une hypothèse.
  • Le mimétisme constitue cependant un axe fort du comportement des humains qui aiment bien faire ce que font leurs voisins.
  • Et puis, il faut accueillir les touristes et donc les industries touristiques investissent à cette fin. Et lorsqu’ils ont créé les infrastructures adéquates, ils font ce qu’il faut pour rentabiliser leurs investissements et inciter les vacanciers à venir. Et cela marche bien. Ce qui a pour conséquence d’envoyer de plus en plus de vacanciers dans les endroits où les infrastructures se sont déployées en grand nombre.

Toujours est-il que ce tourisme de masse pose beaucoup de soucis notamment aux autochtones qui ne se gênent pour le dire, pour protester et même pour manifester leur hostilité aux vacanciers, à Barcelone, à Venise, au Portugal.

Le Monde explique ainsi que <l’Espagne dit son ras le bol du tourisme de masse> :

Le journal montre par exemple un graffiti au parc Güell, à Barcelone, le 10 août :

« Touriste : ton voyage de luxe, ma misère quotidienne »

Puis pose la question :

« L’Espagne est-elle atteinte de « tourismophobie » ? Alors que leur pays s’apprête à battre de nouveaux records – il a déjà accueilli plus de 36 millions de visiteurs (11,6 % de plus qu’en 2016) et devrait dépasser les 80 millions avant la fin de l’année –, les Espagnols s’interrogent sur les méfaits induits par un secteur qui représente 11,2 % du produit intérieur brut (PIB) et qui fait vivre 2,5 millions de personnes. »

Il faut dire que certains vacanciers sont particulièrement atteints du syndrome : « Pour occuper mon temps libre, je fais n’importe quoi »

« L’hôpital universitaire de Palma de Majorque, Son Espases, est ainsi devenu une référence mondiale dans une spécialité assez particulière : soigner des vacanciers blessés lors d’un balconing, une pratique qui consiste à sauter d’un balcon à un autre, ou dans une piscine. Le profil des quarante-six personnes soignées par l’établissement entre 2010 et 2015 ? D’après un rapport publié en mars : jeune (environ 24 ans), majoritairement britannique (60,8 %) et complètement ivre.

Dernière victime en date, un Irlandais de 27 ans qui s’est jeté de sa chambre d’hôtel de San Antonio (Ibiza) début juillet. Le balconing aurait déjà causé la mort de trois touristes à Majorque depuis le début de l’été, selon les autorités locales.

Il y a aussi les booze cruises (les « croisières arrosées ») pour lesquelles on peut embarquer depuis la plage de Magaluf (Majorque) et qui offrent trois heures de musique et de boissons non-stop sur des bateaux bondés pour 55 euros… »

Alors il y a des réactions et une saine colère !

« Fin juillet, quatre personnes encagoulées ont subitement obligé un bus touristique de Barcelone à s’arrêter : elles ont crevé les pneus du véhicule avant de peindre sur son pare-brise le slogan « Le tourisme tue les quartiers ». L’attaque a été revendiquée par le collectif Arran, le mouvement de jeunesse du parti d’extrême gauche indépendantiste CUP.

Ses militants dénoncent « un modèle de tourisme qui génère des bénéfices pour très peu de personnes et aggrave les conditions de vie de la majorité ». Ils ont aussi lancé des confettis aux clients d’un restaurant du port de Palma de Majorque et collé des centaines de stickers sur des véhicules de location contre le « tourisme qui tue Majorque ». »

Et si cette industrie donne de l’emploi, il s’agit surtout de jobs de m… :

« Le secteur emploie 13 % de la population active en Espagne, et jusqu’à 20 % en Catalogne. Mais il requiert surtout une main-d’œuvre peu chère et temporaire, donnant l’impression d’un « pays de serveurs » comme le dénonce régulièrement la presse ibérique. « La précarisation des emplois touristiques est de plus en plus problématique », affirme un rapport de l’université Loyola Andalucia publié en avril. »

Dans la même veine, le journal <Sud-Ouest> publie un article : « Stop au tourisme massif, nous voulons des quartiers pour vivre ! ».

Et la <Dépêche>, le journal de Toulouse explique que les capacités d’accueil espagnoles frisent la cote d’alerte et notamment que le phénomène Airbnb fait flamber le prix du mètre carré pour les habitants locaux qui ont de plus en plus de difficultés pour se loger et notamment loger les jeunes qui quittent la maison parentale.

<Le Journal La Croix essaye d’esquisser des solutions> : aux Baux de Provence, au Portugal, en Corse, en Ligurie. Les solutions préconisées peuvent se résumer : étaler la saison de tourisme, encadrer strictement la circulation automobile, développer des circuits contraignants et des transports en commun compétitifs, mettre en place des interdictions.

Certaines initiatives sont à souligner ainsi à Lisbonne :

«Le mur est peint en jaune. D’une couleur commune à Lisbonne, il passerait totalement inaperçu si un petit panneau d’interdiction original n’attirait l’attention des passants. « Pipi ici, non ! », lit-on sur le bandeau qui barre le petit personnage en train de se soulager. « Nous avons fait recouvrir le mur d’enceinte du centre de santé de notre quartier d’une peinture hydrofuge. Le liquide retourne dans les jambes de l’impétrant. C’est très efficace », expose calmement [une fonctionnaire de la ville] »

Le journal évoque aussi les villages des Cinque Terre, en Ligurie où des générations de paysans ont façonné les versants montagneux pour cultiver la terre en terrasses où sont plantées vignes, oliviers et citronniers. Toutes les terrasses sont soutenues par des murets en pierre sèche qui constituent le trait identitaire des Cinque Terre. Depuis son inscription au patrimoine mondial de l’Unesco en 1997, ce lieu est visité chaque année par plus de 2 millions de vacanciers. Le tourisme est devenu la première source de revenus, avec tous les risques que cela engendre pour l’environnement et les activités traditionnelles. Un responsable exprime clairement la contradiction de ce type de tourisme :  « C’est l’histoire du serpent qui se mord la queue parce que le tourisme amène prospérité et dégradation […]. Le vrai désarroi des autochtones c’est la masse de croisiéristes qui n’ont pas le sens de l’écologie. Mais grâce au soutien des communes nous sommes les premiers en Italie à avoir pris des mesures originales pour préserver un site fragile. »

J’ai également écouté avec intérêt une émission de France Culture qui m’a paru équilibrée entre la dénonciation de dérives insupportables et la préservation d’une industrie soucieuse de maîtrise et de bien être pour tous : <Faut-il réguler le tourisme de masse ?>

Pour répondre à cette question, l’émission avait invité Josette Sicsic, directrice de l’observatoire Touriscopie et rédactrice en chef du journal mensuel Touriscopie et Jean Viard, sociologue et directeur de recherches au CNRS au CEVIPOF.

La réponse courte à la question, faut-il réguler, étant bien sûr : OUI. Car sinon on donnera raison à Jean Mistler  :

«Le tourisme est l’industrie qui consiste à transporter des gens qui seraient mieux chez eux, dans des endroits qui seraient mieux sans eux »

Mais n’est ce pas déjà le cas dans les lieux où le tourisme de masse explose ?

<917>

Mardi 29 août 2017

« Le Ministre du temps libre »
Création éphémère de François Mitterrand lors de son accession au pouvoir.

Le temps libre constitue une question sérieuse.

En 1981, quand François Mitterrand est élu président, nous sommes alors dans le monde de l’utopie et du rêve, il crée un Ministère du temps libre. Le Ministre qui héritera de ce poste s’appelait André Henry. C’était un ancien instituteur né en 1934 dans les Vosges qui fut responsable syndical d’abord dans le Syndicat national des instituteurs, puis dans la Fédération de l’Éducation nationale.

Ce Ministère avait sous sa responsabilité deux secrétaires d’état : l’un chargé de la Jeunesse et des Sports et l’autre du Tourisme.

Résumons, il y a d’abord « du temps libre » et puis des conséquences : « Le sport » et le « tourisme ».

Tout ceci ne durera pas. En mars 1983, Mitterrand et son premier Ministre Pierre Mauroy décident d’un plan de rigueur, l’économie française n’a pas su faire face à l’utopie et aux rêves dans un monde ouvert et surtout aux désirs infinis de consommation pour l’essentiel de produits venant de l’étranger.

En avril 1983, le ministère du temps libre était supprimé. Il existe pourtant encore une trace de ce ministère éphémère : c’est celui des chèques vacances qui ont été créés à ce moment là. Toutefois, sa suppression ne peut qu’apparaître judicieuse à notre regard libertaire : que l’Etat songe à  organiser notre temps libre ne peut que nous heurter !

Cependant avec ou sans ministère, le temps libre reste une vraie question.

Que faisons-nous de notre temps libre ?

Parce que nous en avons beaucoup.

J’avais déjà consacré le mot du jour du 4 septembre 2014 à ce sujet : « Nous vivons dans une société du temps libre »

Je donnais la parole au sociologue Jean Viard qui nous expliquait qu’en 1914, un homme vivait en moyenne 500.000 heures, il dormait 200 000 heures, il travaillait 200 000 heures et il lui restait 100 000 heures pour faire autre chose. 
En 1914, il disposait donc de 20% de temps libre à occuper. A cette époque, les activités religieuses occupaient encore une grande place dans ce temps disponible.

Aujourd’hui, nous vivons en moyenne 700 000 heures (80 ans) et nous travaillons (si nous avons un emploi) 63 000 heures. On travaille donc à peu près 10% de notre vie. Les européens travaillent de 10 à 12%, les américains travaillent plutôt 16%. Désormais nos activités religieuses et peut être même spirituelles me semblent assez limitées dans le temps.

C’est très compliqué d’occuper autant de temps, surtout si on ne suit pas le conseil de Pascal que j’ai cité lors du mot du jour consacré au « divertissement Pascalien » : « Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose qui est de ne pas savoir demeurer au repos dans une chambre ».

Alors il faut jouer, regarder la télévision, surfer sur internet, jardiner, voyager, visiter, bref s’occuper l’esprit pour qu’il y ait toujours quelque chose qui chasse l’ennui.

Et puis, dans les rencontres il faut pouvoir dire quelque chose après « bonjour ».

Pour beaucoup, le redémarrage de la Ligue 1 constitue une aubaine : les derniers résultats de l’OL, de l’OM ou du PSG, l’arrivée de tel ou tel joueur contre un prix exorbitant quel que soit son art de manipuler un ballon de cuir constituent un moyen commode de lutter contre le silence.

Mais raconter ses vacances est aussi un excellent sujet qui peut être échangé assez facilement, avec quasi n’importe qui et sans trop d’implication personnelle.

Sujet de conversation donc idéal.

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Lundi 28 août 2017

« Les vacances »
Période pendant laquelle les gens qui ont du travail arrêtent de travailler.

Il me semble pertinent après cette longue trêve estivale d’évoquer les vacances.

Commençons d’abord par l’étymologie. Comme souvent ce mot vient du latin : « vacare ». Le wiktionnaire nous apprend qu’il s’agit de l’infinitif du verbe « vaco » qui a pour traduction : « Être vide, inoccupé, vacant, être sans maître, être sans emploi. »

<Dans ce dictionnaire spécialisé en latin> on ajoute à « inoccupé » le terme « être oisif », une connotation morale !

Quand on consulte le dictionnaire du CNRS : http://www.cnrtl.fr/etymologie/vacances, les rédacteurs de cet ouvrage font remonter le mot français au XIVème siècle : «  1305-07 « état d’une charge qui est sans titulaire » (Recueil de lettres anglo-françaises, éd. Tanquerey, p. 93»; puis plus précisément au XIXème siècle : « 1884 « caractère de ce qui est disponible » (Huysmans, À rebours, p. 288: la vacance de son esprit). »

Tout ceci nous ramène au concept de « ne rien faire » que j’avais développé lors du mot de jour de rentrée de 2015 : « L’art difficile de ne presque rien faire ».

La lecture du Canard Enchaîné du 9 août 2017 nous apprend que l’inénarrable Président des Etats-Unis actuel exprime un avis tranché sur les vacances :

« Ne prenez pas de vacances. Quel intérêt ? Si vous n’aimez pas votre travail, vous avez le mauvais boulot ».

Mais le canard enchaîné nous rassure, le pitre grotesque que les Etats-Uniens ont élu Président est en réalité un « glandeur », car en ce début d’août 2017 Donald Trump avait quitté son lieu de travail de la Maison Blanche pour 17 jours au profit d’une de ses luxueuses résidences de vacances : le Trump National Golf Club de Bedminster. Et le Washington Post a recensé le nombre de jours de congé qu’il a pris depuis le début de son mandat : 53 jours. Le Canard enchaîné explique que l’américain moyen n’a droit qu’à 10 jours par an en moyenne.

Mais si on peut croire le biographe de Trump, nous serons bientôt débarrassés de cet <histrion>, car comme <Le Point> le relate l’écrivain américain Tony Schwartz qui est l’auteur des mémoires du milliardaire, The Art of the Deal (1987) est persuadé que l’affaire russe aura raison de la présidence du 45e président des États-Unis et que ce dernier démissionnera dès l’automne. Le 21 décembre, nous serons à la fin de l’automne et nous examinerons si cette prédiction hardie s’est révélée exacte.

Les vacances sont donc une période pendant laquelle une personne cesse ses activités habituelles.

Wikipedia nous rend plus savant :

« Le concept des vacances est lié à l’apparition des civilisations urbaines, contrairement au monde agricole, qui à cause du climat, ne dicte pas un rythme de travail continu tout au long de l’année. Au Moyen Âge, il existait déjà en Europe de l’Ouest des « vacances » qui correspondaient à la période des moissons en été où les universités fermaient pour permettre à tous d’aller travailler aux champs.

Au XIXe siècle, les vacances se répandent dans toute l’aristocratie et la bourgeoisie d’Europe occidentale. Elles correspondaient donc à la période où les classes supérieures de la société quittaient leurs demeures principales (elles les laissaient vacantes) pour rejoindre des résidences secondaires, profiter de la nature […] ou des bienfaits du climat marin ou montagnard pour la santé.

Les Britanniques, dont l’économie était la plus florissante au monde, ont été les premiers à se tourner vers les stations balnéaires, d’abord sur leurs côtes, puis de l’autre côté de la Manche (à Deauville, Dinard, etc.) puis enfin dans le sud de la France, sur la Côte d’Azur (la Promenade des Anglais à Nice doit son nom aux nombreuses résidences où les Britanniques venaient passer les mois d’hiver) mais aussi à Biarritz. »

L’encyclopédie en ligne nous apprend surtout que la durée des vacances est très différente selon les pays :

« À Hong Kong, Singapour et Taïwan, les vacances sont de sept jours par an. […]. En France, le nombre théorique de jours de congés payés annuels est de 25 (cinq semaines). En 2008, c’est légèrement moins que la moyenne de l’Union européenne (25,2 jours). La durée des congés payés atteint 30 jours en Allemagne et au Danemark, 33 jours en Suède »

Cette petite énumération montre, encore une fois, la différence entre l’Europe et le reste du monde. Elle me fait penser à cette réflexion qu’un ministre allemand a partagé un jour avec un homologue asiatique : « Et en Europe nous sommes tellement riches que nous pouvons même payer des gens à ne pas travailler ! ». Il pensait certainement aux retraites, aux congés maternité, aux congés maladies mais aussi au temps incroyablement long par rapport à la moyenne mondiale de nos congés européens de l’ouest.

La question légitime que nous pouvons poser est celle de savoir, dans l’univers d’une globalisation qui tend à ramener le plus grand nombre vers une moyenne, si les standards européens se généraliseront ou si au contraire l’Europe va tendre vers ceux du reste du monde.

La durée et je dirai la sérénité des vacances sont liées en grande partie au salariat et au droit du travail. L’idée qu’il est envisageable de sortir du salariat pour entrer dans une logique indépendante, d’auto-entrepreneur ou de multiples contrats de mini jobs ou encore de contrats de projet ou de CDI de chantier pourrait avoir pour effet de rendre le temps libre moins serein et aussi de diminuer la durée de vacances réelle.

Mais comment occupe t’on son temps libre ?

Cela pourrait être le sujet des mots du jour suivant.

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