Paru le 12 septembre 2012. Ed Albin Michel
l’économie guide le monde. Mais vers quelle destination ?
Peut-être avez-vous, lu l’article d’Edgar Morin dans le Monde du 1er janvier 2013 et dont le titre est : « En 2013, il faudra plus encore se méfier de la docte ignorance des experts ».
J’en tire ce mot du jour qui donne un éclairage saisissant sur la limite du jugement des experts :
Cet article débute de la manière suivante :
« Hélas, nos dirigeants semblent totalement dépassés : ils sont incapables aujourd’hui de proposer un diagnostic juste de la situation et incapables, du coup, d’apporter des solutions concrètes, à la hauteur des enjeux. Tout se passe comme si une petite oligarchie intéressée seulement par son avenir à court terme avait pris les commandes. » (Manifeste Roosevelt, 2012.)
« Un diagnostic juste » suppose une pensée capable de réunir et d’organiser les informations et connaissances dont nous disposons, mais qui sont compartimentées et dispersées.
Une telle pensée doit être consciente de l’erreur de sous-estimer l’erreur dont le propre, comme a dit Descartes, est d’ignorer qu’elle est erreur. Elle doit être consciente de l’illusion de sous-estimer l’illusion. Erreur et illusion ont conduit les responsables politiques et militaires du destin de la France au désastre de 1940 ; elles ont conduit Staline à faire confiance à Hitler, qui faillit anéantir l’Union soviétique.
Tout notre passé, même récent, fourmille d’erreurs et d’illusions, l’illusion d’un progrès indéfini de la société industrielle, l’illusion de l’impossibilité de nouvelles crises économiques, l’illusion soviétique et maoïste, et aujourd’hui règne encore l’illusion d’une sortie de la crise par l’économie néolibérale, qui pourtant a produit cette crise. Règne aussi l’illusion que la seule alternative se trouve entre deux erreurs, l’erreur que la rigueur est remède à la crise, l’erreur que la croissance est remède à la rigueur.
L’erreur n’est pas seulement aveuglement sur les faits. Elle est dans une vision unilatérale et réductrice qui ne voit qu’un élément, un seul aspect d’une réalité en elle-même à la fois une et multiple, c’est-à-dire complexe.
Hélas. Notre enseignement qui nous fournit de si multiples connaissances n’enseigne en rien sur les problèmes fondamentaux de la connaissance qui sont les risques d’erreur et d’illusion, et il n’enseigne nullement les conditions d’une connaissance pertinente, qui est de pouvoir affronter la complexité des réalités.
Notre machine à fournir des connaissances, incapable de nous fournir la capacité de relier les connaissances, produit dans les esprits myopies, cécités. Paradoxalement l’amoncellement sans lien des connaissances produit une nouvelle et très docte ignorance chez les experts et spécialistes, prétendant éclairer les responsables politiques et sociaux. »
Pour lire la suite de cet article : <Il faudra plus encore se méfier de la docte ignorance des experts>
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