Vendredi 31 octobre 2025

« Et pendant le moment de l’accouchement, le papa tient bien fort la main de la maman pour avoir moins peur !»
Une des phrases affichées à l’accueil de la Maternité des Lilas pour faire comprendre aux futurs parents quel était le sexe fort au moment de la naissance.

Michel Rocard avait énoncé cette vérité de vie, les deux ou trois plus beaux moments de votre vie n’ont jamais rien à voir avec l’argent.

Et, chacun de s’interroger : mais si je me penche sur ma vie : quels en sont les plus beaux instants ?

Pour moi, je n’ai pas de doute : ces deux plus beaux moments, je les ai vécus 12 Rue du Coq Français dans la petite commune « Les Lilas » en Seine Saint Denis. le premier a eu lieu dans la nuit du 5 au 6 juin 1991 et le second dans la soirée du 10 janvier 1994.

L’écrin magnifique, magnifique parce qu’il était rempli de l’humanité, de la qualité d’écoute, du dévouement et de la chaleur des personnes qui travaillaient là où ces évènements se sont déroulés, portait le doux nom de « Maternité des Lilas. »

La maternité des Lilas va définitivement fermer ses portes ce 31 octobre 2025.

Il y eut tant de menaces et de luttes pour la maintenir en activité, que beaucoup pensaient qu’elle avait déjà fermé. Ce n’était pas le cas, c’est aujourd’hui que cette aventure de 61 ans va définitivement se terminer.

La maternité des Lilas a été fondée en 1964 par la comtesse Colette de Charnières avec un statut de clinique privée. Elle poursuivait le même objectif que la maternité des bluets située 9, rue des Bluets dans le 11e arrondissement, refuser ce commandement que l’homme, qui a écrit le texte de la Genèse, fait dire à dieu :


« Il dit à la femme: J’augmenterai la souffrance de tes grossesses, tu enfanteras avec douleur, »
La Bible du Semeur 2015 – Genèse 3-16

L’accouchement sans douleur est un ensemble de techniques visant à supprimer l’angoisse et les douleurs de l’accouchement par une préparation durant la grossesse et l’utilisation de techniques complémentaires pendant l’accouchement, et par la création d’un rapport de confiance et de collaboration entre l’équipe médicale et la mère. Ces techniques ont été développées principalement au Royaume-Uni et en URSS au milieu du XXe siècle.

La France était en retard sur ces méthodes. Cette évolution a été introduite en France grâce aux communistes et à la CGT. Le médecin qui en a été le moteur fut le docteur Fernand Lamaze, chef de service de la maternité des Bluets, ouverte en novembre 1947, réalisation sociale des syndicats CGT de la Métallurgie de la région parisienne.

En 1950, le docteur Lamaze avait lu un rapport du professeur russe A.P. Nikolaiev sur la doctrine du physiologiste Pavlov, basée sur la découverte de l’intervention du système nerveux supérieur dans les grandes fonctions de l’organisme ; Nikolaiev démontrait qu’une éducation psychique de la femme enceinte pouvait lui permettre d’accoucher sans douleur.

En 1951 lors d’une mission médicale, F. Lamaze assiste à un accouchement naturel sans douleur, ce qui se pratiquait couramment en URSS :

« Ce fut pour moi un véritable bouleversement de voir cette femme accoucher sans aucune manifestation douloureuse… tous ses muscles étaient relâchés… pas la moindre angoisse dans ses yeux, pas un cri, pas la moindre goutte de sueur ne perlait sur son front, pas une seule contraction du visage. Le moment venu, elle a fait les efforts de pousser sans aucune aide, dans un calme absolu…Après avoir été le témoin d’une chose pareille, je n’avais plus qu’une préoccupation : transplanter cela en France et… cela devenait pour moi une idée fixe »

Il va pouvoir introduire cette méthode avec un confrère, le docteur Vellay, grâce à l’engagement militant de femmes et de membres de la CGT, dans le cadre de la maternité des Bluets.

Mais des forces réactionnaires, probablement marquées par la Genèse, s’opposent à ces évolutions. À deux reprises, Lamaze et Vellay sont traduits devant le Conseil de l’ordre des Médecins. Enfin, ils seront blanchis en 1954.

Et preuve qu’il ne faut pas désespérer de l’Eglise, le 8 janvier 1956, le pape Pie XII crée la surprise en prenant position en faveur de l’accouchement sans douleur devant sept cents gynécologues et médecins. Il déclare :

« la méthode est irréprochable du point de vue moral ».

Si vous voulez en savoir davantage : « https://francearchives.gouv.fr/pages_histoire/40009 »

La Maternité des Lilas va s’inscrire dans ce mouvement.

Quand en 1991, il fallu choisir une maternité, pour Annie et moi, il n’y avait aucun doute il nous fallait choisir entre ces deux établissements. Finalement, ce fut la maternité des Lilas.

L’accompagnement dont nous avons pu bénéficier jusqu’à l’accouchement fut incroyable.

Nous savions que s’il y avait des difficultés il serait possible de rapidement mobiliser des équipes médicales. Mais quand ce n’était pas nécessaire, ce qui fut notre cas, il n’y avait que l’humain, le toucher, la respiration, la confiance et le miracle de la vie qui naissait au milieu d’un petit groupe d’humains, beaucoup de femmes, mais le père avait toute sa place.

L’accouchement sous péridurale qui existait depuis 1975 était possible, mais le plus souvent inutile : les techniques naturelles apprises étaient suffisantes pour que ce moment de joie fut sans douleur. Le cœur de tout cela était de faire de cet instant : l’arrivée au monde d’un petit humain, non un acte exclusivement technique mais avant tout, un acte d’humanité dans lequel un petit groupe relié par l’amour, la bienveillance, l’attention accueillait, en son sein, un nouveau petit être, une nouvelle vie.

Pour la naissance de 1991 nous habitions près de la Place d’Italie à Paris. En fin de cette année nous avons déménagé dans une résidence, avenue Jean Moulin à Montreuil sous bois. Nous avons eu la surprise d’apprendre, peu à peu, que tous les parents que nous fréquentions régulièrement, étaient allés à la maternité des Lilas, sauf un couple qui était allé à la maternité des Bluets.

En 61 ans d’existence, l’établissement a été pionnier dans le féminisme en étant un haut lieu de l’accouchement physiologique, qui se veut le plus naturel et le moins médicalisé possible. Il a aussi pratiqué des avortements clandestins avant la Loi Veil. Il continuait aujourd’hui de pratiquer de nombreux IVG. En 1990, la maternité des Lilas a fait l’objet d’une attaque du mouvement américain pro-life « commando anti-IVG ». Toujours à la pointe de la lutte pour le droit des femmes de disposer de leur corps, l’établissement a embrassé plus récemment les luttes LGBT.

Le 1er juillet 2025, l’agence régionale de santé avait annoncé sa fermeture pour plusieurs raisons : une baisse d’activité, la perte de sa certification par la Haute Autorité de santé et des difficultés financières.

Les médias se font l’écho de ce jour de deuil qui voit la fermeture de cet établissement de lumière par manque d’argent. Michel Rocard avait raison, toutefois l’argent est quelquefois nécessaire pour rendre possible les choses belles et remarquables.

France info écrit « Pourquoi la fermeture de la maternité des Lilas suscite tant d’émotions et de regrets

La station ICI donne la parole à une maman qui a accouché dans ce lieu : « C’était tellement humain cette maternité, on se sentait comme à la maison ».

Libération publie aussi des témoignages : «Là-bas, je n’étais pas qu’un numéro».

Et le titre de l’article du Monde pour informer sur cette évènement : « Mobilisation contre la fermeture imminente de la maternité des Lilas, pionnière du féminisme ».

Je ne peux m’empêcher d’être triste qu’un tel établissement où les femmes se sentaient respectées, écoutées et accompagnées et où les pères avaient leur place aussi, ne puissent plus continuer à exercer sa noble mission.

Jeudi 23 octobre 2025

« La guerre des récits»
Une part d’explication du monde

Lundi, je rappelais que notre espèce, homo sapiens, se distinguait des autres par le langage qu’elle avait inventé pour communiquer et échanger à l’aide d’une suite de mots. .

Avec ces mots, sapiens a développé un outil d’une puissance inouïe qui lui a permis de s’imposer et de devenir « le maître des espèces sur terre ». Dans la série consacrée à « Sapiens » de Yuval Noah Harari, le mot du jour consacré aux mythes relevait cette belle formule de l’auteur :

« Jamais vous ne convaincrez un singe de vous donner sa banane en lui promettant qu’elle lui sera rendue au centuple au ciel des singes. »

C’est cette faculté d’inventer des histoires, des mythes, des religions qui ont donné à Sapiens les moyens de réunir des groupes, tribus, empires immenses liés par ces croyances communes. Aucune autre espèce n’a jamais été capable de réunir autant d’individus liés par un destin et des objectifs communs.

Les groupes humains, pour faire société, se rassemblent, ainsi, autour de « récits » qui font sens pour eux, donnent le lien qui leurs permettent d’affronter ensemble des défis et construire une communauté, une nation, jusqu’à une civilisation.

Ces récits peuvent devenir le ferment de conflits entre groupes humains : « Nous contre Eux »

« La guerre des récits » est une expression que Christine Ockrent a utilisé, en 2020, dans un livre consacré à la pandémie du Covid 19. Le Grand Continent avait interviewé, à cette occasion, l’autrice : « La Guerre des récits, par Christine Ockrent »

Amélie Férey, professeure à Sciences-Po Paris et à École polytechnique et chercheuse à l’Institut français des relations internationales (IFRI) a donné, en 2024, comme titre à un podcast : « De l’Ukraine à Gaza : la guerre des récits » consacré à son dernier livre dans lequel elle explore comment le langage et les récits jouent un rôle crucial dans la conduite des conflits modernes, y compris les guerres en Ukraine et à Gaza.

Yad Vashem, le mémorial de la Shoah à Jérusalem

Dans le conflit entre Israël et les Palestiniens, j’ai appris et présenté cette douloureuse histoire en me basant sur le récit sioniste : Un peuple, uni par une religion, rejeté et martyrisé par les nations européennes et chrétiennes qui poursuit le projet de se regrouper sur la terre qui est au cœur de son livre sacré autour de la ville de Jérusalem. C’est ce que j’ai développé dans le mot du jour « Le sionisme apparaît parce qu’il y a l’antisémitisme » ou encore dans celui-ci : « Israël est né d’une angoisse de mort comme aucun peuple n’en a connue à ses origines. ».

Mais on peut aussi raconter une autre histoire, un autre point de vue, un récit concurrent.

En 1914, la Palestine faisait partie de l’Empire Ottoman. Sur ce territoire, selon Wikipedia, habitait 525 000 musulmans, 70 000 chrétiens et 60 000 Juifs, soit 80% de musulmans et 9 % de juifs. C’est une population arabe, fier de sa civilisation, qui est sous le joug d’une nation, certes musulmane, cependant honnie : les turcs, peuple guerrier et impérial.

L’élite du peuple arabe souhaite se débarrasser de ces importuns pour se retrouver « entre arabes » et créer, comme en en Europe, une nation arabe. L’erreur de l’Empire Ottoman d’entrer en guerre du côté des empires centraux, l’Autriche-Hongrie et l’Allemagne, constitue pour cette élite, une opportunité de pouvoir se libérer des Ottomans.

C’est alors qu’en Europe, un petit groupe de chrétiens protestants mu en partie par des mythes religieux sous la direction de celui qui est le ministre des affaires étrangères du gouvernement de l’Empire Britannique prend l’initiative de produire, ex nihilo, « la  déclaration Balfour » qui soutient l’implantation en Palestine d’un « Foyer National Juif »

Il faut considérer cette affaire. Vous êtes musulman arabe, vous voulez vous libérer de l’emprise ottomane. Et voilà, que sur un autre continent, à Londres, le gouvernement occidental, chrétien, de la plus grande puissance colonisatrice européenne de l’histoire de l’humanité déclare la chose suivante : Nous soutenons l’implantation d’une partie de la population européenne, de confession juive, sur la terre que vous habitez. Et c’est ainsi que dans un plan organisé et financé, des juifs européens viennent s’installer sur la terre entre la Méditerranée et le Jourdain. Ce sont certes des juifs, reliés à cette terre, par leurs mythes religieux, mais ils sont très différents de la communauté juive de Palestine, des juifs orientaux qu’on appelle « le vieux Yichouv ». Ils ne se mélangent d’ailleurs pas.

Comment ne pas comprendre que cette histoire est vécue par les habitants arabes de la Palestine, comme une « colonisation » européenne de peuplement, sous la protection de la plus grande puissance coloniale occidentale.

Des mots du jour ont été écrits sur ce sujet. L’analyse cinglante d’Arthur Koestler « Une nation a solennellement promis à une seconde le territoire d’une troisième. » Et puis plus saisissant encore cette confidence du premier des israéliens David Ben Gourion rapportés par son ami Nahum Goldmann : « Ils ne voient qu’une chose : nous sommes venus et nous avons volé leur pays. Pourquoi l’accepteraient-ils ? ». Et cette synthèse qu’en a fait Dominique Moïsi : «Quand Israël naît […] en 1948, […] Pour le monde Arabe, c’est le dernier phénomène colonial de l’histoire européenne qui est anachronique. Pour les Israéliens, c’est avec quelque retard, le dernier phénomène national de l’histoire européenne du 19ème siècle.[…] Et en fait ce conflit de calendrier n’a jamais été surmonté.»

Goulag, une histoire Soviétique documentaire de Patrick ROTMAN

Dominique Moïsi nous entraîne dans une transition plus globale encore entre occidentaux et non occidentaux. L’historien Timothy Snyder, plusieurs fois cités dans les mots du jour, a écrit un ouvrage de référence : « Terres de sang » dans lequel il parle de l’Europe et des meurtres de masse communistes et nazis : Le goulag et la shoah. Pour les occidentaux ce sont les récits des deux plus grandes tragédies du monde.

Les européens depuis leur colonisation de l’Amérique, commencée en 1494, dont ils ont tiré un récit « La découverte de l’Amérique », ont dominé pendant des siècles le monde puis ont passé le relais à leur colonie de peuplement : « Les Etats-Unis ». Cet Occident a dominé, a exploité les richesses du monde, a imposé ses valeurs et ses récits. Les deux grands malheurs de l’humanité furent la shoah et le goulag.

L’Occident domine moins, on lui impose d’autres récits. Pour le reste du monde les deux grands malheurs de l’humanité sont la colonisation et l’esclavage.

Les bateaux négriers Transportent 300 à 400 Noirs réduits en esclavage.Ces hommes, entassés entre deux ponts.
L’absence d’hygiène fait mourir 10 à 15 % des passagers.
À l’arrivée, les Noirs sont exposés et vendus.

Un jour je suis tombé sur cette interview que Thierry Ardisson a fait de Dieudonné. Elle s’intitule « la dernière interview de Dieudonné » car le polémiste antisémite n’a plus,depuis, été invité à la télévision. Dieudonné raconte sa dérive à partir d’un moment particulier de son existence. Il voulait faire un film sur l’esclavage des noirs africains et il s’est heurté, selon son témoignage, à un mur financier qui lui a refusé de faire ce film. Selon son récit dès qu’il s’agit de sujets sur la shoah, les financements sont faciles à obtenir, dès qu’il s’agit de parler de l’esclavage, il n’y a plus personne.

Je ne sais pas quelle crédibilité apporter à ce récit, mais je suis certain qu’il s’agit d’un ressenti fort d’une grande partie du monde et d’une partie de notre société française.

Guillaume Erner a tenté de rapprocher les récits lors de sa matinale du mardi 21 octobre. Il a invité l’essayiste indien Pankaj Mishra qui défend l’idée que « La création de l’État d’Israël s’est faite à rebours d’un processus de décolonisation » dans son livre « Le Monde après Gaza ».

Erner a essayé d’engager un dialogue entre Pankaj Mishra et François Zimeray, président de l’Association française des victimes du terrorisme, l’AFVT, ancien ambassadeur en charge des droits de l’Homme qui défendait davantage le récit occidental.

Daniel Schneidermann voit cette image, au Musée de l’armée. Sur la base de cette image il va écrire un essai « Cinq têtes coupées » L’image est une gravure réalisée d’après photographie et reproduite dans le journal L’illustration, numéro 2511 du 11 avril 1891. Les soldats coloniaux trouvaient commode de décapiter les récalcitrants, cela permettait d’imposer la soumission aux autres. Ils ne s’en cachaient pas, comme le montre cette publication de 1891.

Force est de constater que cet échange fut très compliqué, parce que chacun est resté sur son récit et n’a pas voulu ou su accueillir le récit de l’autre.

Cela me permet d’arriver à une conclusion provisoire.

Les récits dont il est question ne constituent jamais « la vérité », ils dévoilent une vérité.

Pour que le récit fonctionne, il faut qu’il s’inscrive dans des faits réels, mais il faut aussi une part de conte, de refus d’entrer dans les détails et les nuances. Patrice Boucheron a écrit récemment dans un article de Libération

« La meilleure façon de gâcher une fête traditionnelle, c’est d’y inviter un historien. Rien de tel pour doucher vos enthousiasmes »:

C’est folie que de croire que notre récit explique par lui seul la complexité du monde ou son malheur.

Il nous faut comprendre cette force du récit, être capable d’un saisir, même imparfaitement, les limites. Et surtout, surtout comprendre qu’il peut exister d’autres récits, être en capacité de les accueillir pour tenter de construire ensemble, à partir de nos points de vue différents.

Dans le mot du jour consacré au « Concert de Ramallah », Daniel Barenboim a magnifiquement résumé ce conflit de récit en Palestine :

« Nous avons le choix : nous entretuer ou apprendre à partager ce qui peut se partager. »

Lundi 20 octobre 2025

« Ainsi parlait Donald Trump »
Un clin d’œil à un célèbre ouvrage de Friedrich Nietzsche

J’aime les mots. Je crois que nous sommes nombreux à aimer les mots, ceux qui ont du sens, qui permettent d’exprimer de la profondeur, un raisonnement ou la beauté poétique du monde.

Le langage élaboré, structuré est un des éléments essentiels qui distingue notre espèce « homo sapiens » des autres espèces. C’est le moyen que notre espèce a inventé pour communiquer, pour échanger, pour se comprendre.

Manifestation « No king » du 18 octobre 2025 à Los Angeles

Et puis, nous qui vivons aujourd’hui dans un monde d’une complexité qui s’épaissit chaque jour, un monde qui est confronté à des défis de plus en plus redoutable, nous voyons l’homme, que le pays le plus puissant de la planète, a mis à sa tête utiliser des mots simplistes, prononcer des discours effarants.

Un clone d’Ubu roi qui appauvrit la langue, exprime des banalités avec force superlatifs, ment ou dit simplement des choses qui n’existent pas dans la vie réelle.

Il est parfaitement ridicule. Mais personne n’ose lui dire, au contraire les autres chefs d’état ou d’organisation internationale le flatte et n’ont qu’une crainte : le contrarier.

C’est effrayant !

Je sais bien que ces actes et ses décisions en interne comme à l’international sont encore plus effrayants. Mais aujourd’hui, je m’arrêterai au langage utilisé par cet homme, car il faut oser lire ce qu’il dit.

A la Knesset une partie du public porte des casquettes rouges « Trump The Peace President »

Après avoir obtenu un cessez le feu, fragile, au moyen-orient, la libération des otages israéliens et de prisonniers palestiniens, il s’est rendu à Jérusalem pour faire un discours à la Knesset, le 13 octobre. Vous trouverez des larges extraits publiés par le site « Le Grand Continent » : « C’est la fin de la guerre ».

Il commence son discours pour prétendre que tout cela est inhabituel, incroyable et que finalement tout va s’arranger bientôt :

« C’est une victoire incroyable pour Israël et pour le monde entier que tous ces pays aient travaillé ensemble en tant que partenaires pour la paix. C’est assez inhabituel, mais c’est ce qui s’est passé dans ce cas précis. C’était un moment très inhabituel, un moment brillant. Dans plusieurs générations, on se souviendra de ce moment comme celui où tout a commencé à changer, et à changer pour le mieux, comme aux États-Unis actuellement. Ce sera l’âge d’or d’Israël et l’âge d’or du Moyen-Orient. Tout va fonctionner ensemble. »

Nous savons que rien n’est réglé et que si cette étape est indiscutablement une merveilleuse nouvelle pour ceux qui souffraient, c’est la plus simple dans un processus de paix qui doit permettre de faire coexister deux peuples qui pour la plus grande part se haïssent aujourd’hui.

Pour continuer, comme souvent il évoque Dieu mais pas le peuple palestinien :

« Les gens disaient autrefois que cela n’existerait pas. Ils ne le disent plus aujourd’hui, n’est-ce pas ? Pourtant, si la sécurité et la coexistence peuvent prospérer ici, dans les ruelles sinueuses et les chemins anciens de Jérusalem, alors la paix et le respect peuvent certainement s’épanouir parmi les nations du Moyen-Orient au sens large. Le Dieu qui habitait autrefois parmi son peuple dans cette ville nous appelle encore, selon les paroles de l’Écriture, à nous détourner du mal et à faire le bien, à rechercher la paix et à la poursuivre. Il murmure donc toujours la vérité dans les collines, les coteaux et les vallées de sa magnifique création. Et Il inscrit toujours l’espoir dans le cœur de ses enfants partout dans le monde. C’est pourquoi, même après 3 000 ans de souffrances et de conflits, le peuple d’Israël n’a jamais cessé d’être exposé à toutes sortes d’autres menaces. Vous voulez la promesse de Sion. Vous voulez la promesse du succès, de l’espoir et de l’amour. Et Dieu et le peuple américain n’ont jamais perdu la foi en la promesse d’un avenir grand et béni pour nous tous. »

Ensuite arrive un moment de révélation de sa part sur l’activité d’une milliardaire américaine ouvertement membre du lobby pro-Netanyahou. Il remercie Miriam Adelson, veuve du milliardaire Sheldon Adelson, à la tête d’une des plus grandes fortunes américaines, elle avait significativement contribué à la campagne de Trump en 2024, avec un don de 106 millions de dollars. Le travail de lobbying existe, mais jamais un président ne l’a ouvertement reconnu comme Trump :

« Miriam et Sheldon venaient au bureau. Ils m’appelaient. Je pense qu’ils se sont rendus à la Maison-Blanche plus souvent que n’importe qui d’autre à ma connaissance. Regardez-la, assise là, l’air si innocent. Elle a 60 milliards à la banque. 60 milliards. Et elle aime Israël, mais elle l’aime vraiment. Ils venaient, et son mari était un homme très agressif, mais je l’aimais. Il était très agressif — mais il me soutenait beaucoup. Et il m’appelait pour me demander s’il pouvait venir me voir. Je lui disais : « Sheldon, je suis le président des États-Unis. Ça ne marche pas comme ça. » Il venait quand même. Ils ont joué un rôle très important dans beaucoup de choses, notamment en me faisant réfléchir au plateau du Golan, qui est probablement l’une des meilleures choses qui soient jamais arrivées. Je lui ai demandé un jour si elle préférait Israël et les États-Unis. Elle n’a pas répondu — ce qui signifie qu’elle préfère peut-être Israël.»

Que dire devant un président qui parle ainsi devant les caméras du monde entier ?

Lorsqu’il parle de la guerre contre l’Iran cela donne ces propos d’adolescent attardé :

« En frappant l’Iran, nous avons écarté un gros nuage du ciel du Moyen-Orient et d’Israël, et j’ai eu l’honneur d’y contribuer.
Ils ont pris un gros coup, n’est-ce pas ? N’est-ce pas qu’ils ont pris un gros coup ? Bon sang, ils l’ont pris d’un côté, puis de l’autre. Et vous savez, ce serait formidable si nous pouvions conclure un accord de paix avec eux. Et je pense que c’est peut-être possible. Seriez-vous satisfait de cela ? Ne serait-ce pas formidable ? Je pense que oui, car je pense qu’ils le veulent, je pense qu’ils sont fatigués. […]
Ce que nous avons fait en juin dernier, l’armée américaine a fait voler sept de ces magnifiques bombardiers B2. Ils sont soudainement devenus si beaux. Ils l’ont toujours été. Je trouvais simplement que c’étaient de jolis avions. Je ne savais pas qu’ils pouvaient faire ce qu’ils ont fait. En fait, nous venons d’en commander vingt-huit autres. »

C’est affligeant et effrayant à la fois !

Après la Knesset, le président américain s’est rendu en Egypte, à Charm-el-Cheik, le 14 octobre, où l’attendait quasi tous les chefs d’Etat ou de gouvernement des pays de la Région et des principaux pays occidentaux. Il s’est lancé dans un nouveau discours sans structure et consistance. Ce discours est traduit intégralement par le Grand Continent : « Trump en Egypte »

Il commence par prouver qu’il ignore ce que signifie le mot « paix » entre les nations :

« Ensemble, nous avons réalisé ce que tout le monde disait impossible. Nous avons enfin la paix au Moyen-Orient. C’est une expression très simple : la paix au Moyen-Orient. Nous l’entendons depuis de nombreuses années, mais personne ne pensait qu’elle pourrait un jour devenir réalité. Et maintenant, nous y sommes. »

Après il raconte un conte pour enfants :

« L’aide humanitaire afflue désormais, notamment des centaines de camions chargés de nourriture, de matériel médical et d’autres fournitures, […] Les otages retrouvent leurs proches. C’est magnifique ! Je regarde tout cela depuis les coulisses, l’amour et la tristesse qui s’expriment. Je n’ai jamais rien vu de tel. C’est incroyable, quand on voit qu’ils n’ont pas vu leur mère ou leur père depuis si longtemps et qu’ils ont vécu dans un tunnel, un très petit et très profond tunnel ; l’amour qui s’exprime est tout simplement incroyable. C’est magnifique à voir. D’un côté, c’est horrible que cela ait pu se produire, mais d’un autre, c’est tellement beau à voir. Un nouveau jour magnifique se lève. Et maintenant, la reconstruction commence. »

La photo « souvenir » du sommet de Charm-el-Cheik

Puis il va passer la plus grande partie de son discours à parler des différents présents de la manière suivante :

L’émir du Qatar

« C’est un homme extrêmement respecté. Son Altesse le cheikh Tamim est respecté par tous. Il est respecté par tous et de la manière la plus positive qui soit. Non seulement grâce à son pouvoir, mais aussi grâce à son cœur. Il a un cœur d’or, c’est un grand leader et son pays l’aime. Merci beaucoup d’être ici. C’est un honneur. »

Le Président turc Erdogan :

« Il est toujours là quand j’ai besoin de lui. C’est un homme très dur. Il est aussi dur qu’on peut l’être. Mais nous l’aimons. Et quand ils ont un problème avec vous, ils m’appellent toujours pour que je m’en occupe. Et généralement, j’y parviens. Nous avons tout simplement une bonne relation. Et ce, depuis le début. Je tiens donc à vous remercier chaleureusement et à saluer votre épouse, votre magnifique épouse. C’est formidable d’être avec vous.. »

Les présidents arméniens et d’Azerbaïdjan :

« Nous avons l’Arménie. Oh, et l’Azerbaïdjan. C’est une petite guerre que nous avons arrêtée. C’est une petite guerre. Les voilà. Regardez-les. Ils étaient aussi assis quand je les ai rencontrés, dans le Bureau ovale. Ils se sont battus pendant trente-et-un ans, ou un autre nombre délirant. Et il y en avait un assis de ce côté du Bureau ovale, un assis de l’autre côté, et quand nous avons terminé au bout d’une heure, ils s’étreignaient tous les deux. Et maintenant, ils sont amis et s’entendent très bien. Regardez ça. Je tiens donc à vous remercier tous les deux. C’est incroyable. Vraiment incroyable. »

Il va passer ainsi tout le monde en revue et il dira pour la première ministre italienne Giorgia Meloni, :

« En Italie, nous avons une femme, une jeune femme qui est… Je ne peux pas le dire, car généralement, si vous le dites, c’est la fin de votre carrière politique. C’est une belle jeune femme. Aux États-Unis, si vous utilisez le mot « belle » pour qualifier une femme, c’est la fin de votre carrière politique. Mais je vais tenter ma chance. Où est-elle ? La voilà. Ça ne vous dérange pas qu’on vous dise que vous êtes belle, n’est-ce pas ? Parce que vous l’êtes. Merci beaucoup d’être venue. Nous vous en sommes reconnaissants. Elle voulait être ici, elle est incroyable et elle est très respectée en Italie. C’est une politicienne qui a beaucoup de succès. »

Il présente ensuite l’avenir sous une vision radieuse « orientée vers une paix formidable, glorieuse et durable. ».

Il s’inscrit dans les millénaires et s’il est écrit dans les évangiles que le Christ permettait aux aveugles de voir, Trump lui parvient à réaliser que ceux qui ne s’entendaient pas s’entendent désormais.

« Et depuis 3 000 ans, il y a eu ici des conflits, pour une raison ou une autre ; d’énormes conflits, toujours et encore. Mais aujourd’hui, pour la première fois de mémoire d’homme, nous avons une chance unique de mettre derrière nous les vieilles querelles et les haines tenaces. Elles sont la raison pour laquelle tant de personnes dans cette salle ne s’entendaient pas. Certaines s’entendaient, d’autres non, mais toutes s’entendent maintenant. Cela a rapproché les gens. C’est la première fois que la crise au Moyen-Orient rapproche les gens au lieu de les diviser, pour leur faire déclarer que notre avenir ne sera pas régi par les luttes des générations passées, ce qui serait insensé. »

Je crois qu’il faut s’astreindre à lire les discours de Trump pour réaliser à quel point ils sont vides, d’une vacuité absolue.

Bien entendu que la Paix ne peut pas se trouver au bout d’un tel néant de la pensée.

Hakim El Karoui, auteur de « Israël Palestine, une idée de paix » explique dans un long article du Grand Continent : « La paix de Trump n’aura pas lieu ».

La principale raison étant qu’aucune perspective n’est offerte au peuple palestinien pour reconnaître sa dignité et son existence sur cette terre.

Lundi 22 septembre 2025

« J’espère que Dieu n’existe pas ! »
Y le personnage principal du film « Oui » de Nadav LAPID

Annie et moi sommes allés voir, ce vendredi, le film « Oui » de Nadav LAPID.

Je crois que je ne suis jamais sorti d’un film en portant un malaise plus grand, tant ce film est sombre, dérangeant avec, en outre, une bande son souvent extrêmement agressive. Par moment on pense à Fellini ou à Pasolini mais sans la poésie et en comprenant que même si, comme pour les deux maîtres italiens, il s’agit d’une fiction, en réalité Nadav Lapid veut nous faire percevoir une certaine réalité israélienne d’aujourd’hui, une réalité terrifiante.

Le film se situe d’abord dans une fête totalement déjantée au sein d’une élite économique et militaire de Tel Aviv. Un couple d’artistes désargentés est employé pour divertir et pousser cette élite jusqu’à la limite de la folie, des orgies sexuelles et des paradis artificiels. Ce couple a un bébé avec lequel ils se comporte à peu près comme des parents normaux. Mais c’est la seule normalité qu’on perçoit chez eux, pour le reste pour reprendre la description du « Monde » : « ils se vautrent, sans état d’âme, dans le stupre et la turpitude. Ils veulent réussir, à n’importe quel prix. »

Nous sommes dans un Israël qui vient de vivre le traumatisme du 7 octobre 2023 et a commencé de déverser des tonnes de bombes sur Gaza. La femme, Jasmine, est danseuse, mais le héros principal, Y, est musicien. Alors qu’il est à la recherche d’un contrat susceptible de le sortir de la précarité, un oligarque d’origine russe lui propose ce qu’il cherche : beaucoup d’argent pour composer un nouvel hymne national dont les paroles sont explicitement génocidaires. Y entretient un dialogue mystique avec sa mère décédée qui était de gauche. Y n’aime pas ce texte horrible, mais il va céder et composer la musique.

Tout dans son être le pousserait à dire « Non » mais il va dire « Oui », le « Oui » de la soumission.

Le philosophe Alain a décrit la différence entre le « Oui » et le « Non » :

« Penser, c’est dire non. Remarquez que le signe du oui est d’un homme qui s’endort ; au contraire le réveil secoue la tête et dit non.
Non à quoi ? Au monde, au tyran, au prêcheur ? Ce n’est que l’apparence. En tous ces cas-là, c’est à elle-même que la pensée dit non. Elle rompt l’heureux acquiescement. Elle se sépare d’elle-même. Elle combat contre elle-même. Il n’y a pas au monde d’autre combat. Ce qui fait que le monde me trompe par ses perspectives, ses brouillards, ses chocs détournés, c’est que je consens, c’est que je ne cherche pas autre chose. Et ce qui fait que le tyran est maître de moi, c’est que je respecte au lieu d’examiner.
Même une doctrine vraie, elle tombe au faux par cette somnolence.
C’est par croire que les hommes sont esclaves. Réfléchir, c’est nier ce que l’on croit. Qui croit ne sait même plus ce qu’il croit. Qui se contente de sa pensée ne pense plus rien. »
Alain Propos sur les pouvoirs, « L’homme devant l’apparence », 19 janvier 1924, n° 139

Pour trouver l’inspiration Y quitte le foyer familial et convoque un amour de jeunesse, rencontré au conservatoire de musique, Leah.

Elle est jouée par une remarquable actrice Naama Preis qui est devenue propagandiste pour Tsahal, parce qu’elle n’a pas trouvé d’autre job pour gagner sa vie.. Avec elle, il va prendre la route du désert vers Gaza. Pendant le voyage Leah, sur la demande d’Y, raconte le 7 octobre et décrit aussi les horreurs de Gaza. Naama Preis crée un moment de tragédie, le plus fort du film.

Leur périple les amène en haut d’un monticule qui a pour nom « la colline d’amour » sur lequel ils voient Gaza envahie de fumée et entendent le bruit des missiles qui tombent. C’est à ce moment que Y s’écrie : « J’espère que Dieu n’existe pas ! »

Woody Allen a une autre formule :

« Si Dieu existe, j’espère qu’il a une bonne excuse. »

Je sais bien que ces paroles sont insupportables pour mes amis croyants pour qui leur Foi est source de consolation et de force pour agir pour le bien. J’étais moi-même un croyant fervent autour de mes 20 ans. Je comprends intimement cet élan vers la transcendance et la douce voix intérieure qui rend soutenable ce qui peut être si lourd.

Je ne parle pas de cela. Je parle des religions, de ces structures qui ont à leur tête des hommes, parce que c’est toujours des mâles, qui parlent, dans leurs offices, de paix et de pardon mais qui dans leurs actions soutiennent et provoquent la destruction.

Je parle de la religion orthodoxe dont le Patriarche de Moscou est un ancien agent du KGB et qui conseille Poutine et couvre ses actions les plus infames.

Je parle des évangélistes blancs américains, qui sont les soutiens les plus fervents de Donald Trump et qui soutiennent Israël parce que dans leur vision millénariste de fin du monde, ils croient que leur désir ne pourra être accompli que si tous les juifs se retrouvent sur la terre de la Judée antique.

Je parle des messianistes juifs qui veulent reconstruire le temple de Jérusalem même au prix d’une guerre sans fin avec tous les musulmans.

Je parle des islamistes radicaux qui divisent le monde entre « haram » et « halal » et pour lesquels la vie humaine n’a aucune valeur devant le dogme.

L’émission « C Politique » de France 5 du dimanche 21 septembre 2025 parlent des croyances des évangélistes américains. Et pour revenir à notre sujet d’aujourd’hui vous pouvez écouter le grand spécialiste de l’Histoire du Moyen Orient, Henry Laurens sur le problème du sacré et de la religion dans le conflit israélo-palestinien : « Question juive, problème arabe ». Pour lui c’est simple, le fait qu’on ajoute de la religion à un problème territorial rend ce conflit insurmontable.

Ce film suscite des réactions contrastées de la critique française. A France Inter et sur le plateau de « C ce soir », déjà cités dans le mot du jour du 17 septembre 2025, les avis étaient élogieux.

Dans « le Monde », Jacques Mandelbaum écrit dans son article publié le 17 septembre :

« Quelque chose d’assez repoussant à concevoir, douloureux à recevoir, captivant à percevoir. »

Dans « les Cahiers du Cinéma » Élodie Tamayo est plus lyrique :

« Et pourtant ce film dit oui, un oui tonitruant. À quoi ? Au désir de faire du cinéma, même impossible, même monstre. Alors Lapid convoque les forces vives de genres hétérogènes. Le prisme tourne entre le film d’amour épileptique, version Sailor et Lula à Tel-Aviv ; la fiction politique décadente , le cartoon brutal, la comédie musicale désespérée, le cirque fellinien, et l’ombre de Tobe Hooper plane sur des décors de piscine à balles. Les curseurs sont poussés au maximum, dans un geyser de couleurs, une explosion de textures sonores, un vortex de mouvements de caméra et d’effets spéciaux. On oscille entre la secousse organique, l’éveil des sens, et l’étourdissement. »

Dans « le Figaro » du 17 septembre Etienne Sorin est brutal :

« Amos Gitaï et Ari Folman perdus de vue, Lapid, conscience nécessaire mais piètre cinéaste, est l’une des rares voix dissonantes dans le paysage artistique israélien. Elle fait du bruit mais elle porte peu, confinant son cinéma pamphlétaire à un public confidentiel. »

Ce film est une charge très violente contre l’élite israélienne et même l’ensemble de la société israélienne. Dans son interview à France Inter, le réalisateur explique : 

« Si je dois quelque chose à mon pays, et si des artistes doivent quelque chose à ce monde, c’est dire leur vérité avec la voix la plus lucide, la plus claire. [Il fait référence à ces] prophètes bibliques qui disaient au peuple parfois des choses très, très dures à entendre, mais qui disaient au peuple la vérité, afin de retirer ce voile qui couvre les yeux et qui suscite cet aveuglement. »

Pour ma part, je ne sais pas à quoi sert ce type de film. Je pense que beaucoup d’israéliens ne se reconnaîtront par dans l’image d’une élite hors sol et dépravée. Les palestiniens et leurs défenseurs seront fortifiés dans leurs certitudes négatives contre la société israélienne. Les modérés, comme moi, ne peuvent sortir qu’anéantis devant un film sans espérance.

C’est pourquoi, je voudrais finir avec ce poème de Paul Eluard, déjà cité et écrit dans son recueil « Le Phénix »

«La nuit n’est jamais complète
Il y a toujours puisque je le dis
Puisque je l’affirme
Au bout du chagrin
une fenêtre ouverte
Une fenêtre éclairée
Il y a toujours un rêve qui veille
Désir à combler faim à satisfaire
Un cœur généreux
Une main tendue une main ouverte
Des yeux attentifs
Une vie la vie à se partager.»

Mercredi 17 septembre 2025

« Gaza brûle »
Israël Katz, le ministre de la Défense israélien

C’est mardi 16 septembre au matin que le ministre de la défense israélien a écrit cette phrase : « Gaza brûle ». Et parallèlement, Israël a lancé l’offensive terrestre, dans la nuit du 15 au 16 septembre, sur la ville de Gaza, baptisée « opération Chars de Gédéon II ».

L’objectif déclaré est de faire plier le Hamas dans son dernier bastion et d’obtenir la libération des 48 derniers otages dont seulement 20 sont présumés encore en vie.

Est ce que cet objectif est réaliste ?

Pour l’instant, la guerre de presque 2 ans, ne donne pas beaucoup de crédibilité à la réalisation de cet objectif. Dans leur folie meurtrière, les terroristes du Hamas entraineront certainement leurs otages dans la mort, juste avant de succomber.

Selon cet article de « Courrier International » des familles d’otages, dans la nuit, à l’annonce de l’offensive terrestre, se sont précipités devant la résidence de Benyamin Nétanyahou à Jérusalem pour protester contre ces opérations qui « mettent, selon eux, en danger leurs proches ».

La mère de Matan Zangauker, qui se trouve encore à Gaza dans des propos relayés par le quotidien israélien d’opposition Ha’Aretz a déclaré :

« Le cabinet de la mort a décidé de faire un pas vers la guerre éternelle et l’occupation de Gaza »

Les officiels israéliens assurent :

« Si le Hamas libère les derniers otages vivants et morts qu’il détient, nous arrêterons la guerre. »

Le Hamas est une organisation criminelle, islamiste qui proclame que chaque mort gazaoui est un martyr pour la cause qui sera récompensé dans « le paradis d’Allah » et que la souffrance quotidienne de chaque habitant de Gaza leur vaudra aussi des récompenses dans l’au delà, en plus de faire avancer la cause. Ces fanatiques n’ont que faire de la vie terrestre et de sa qualité. Ce sont des monstres que je ne défends d’aucune façon. Mais ils ne se rendront pas et le gouvernement d’Israël le sait. Donc ce n’est pas pour libérer les otages que cette offensive est lancée. Selon le journal « La Croix » même le chef d’état major israélien exprime des réticences : « Guerre d’Israël contre le Hamas : des doutes jusqu’au chef de Tsahal ».

Il semble crédible que la principale raison de ce carnage, c’est de rendre la vie à Gaza insoutenable pour les Palestiniens et les contraindre à partir.

Partir où ?

La Jordanie et l’Egypte refusent avec force de les accueillir. Il semble que l’état hébreu et les Etats-Unis tentent de trouver des solutions en Afrique. Selon l’agence Associated Press les États-Unis et Israël ont sollicité le Soudan, la Somalie et sa région séparatiste du Somaliland pour qu’ils accueillent les deux millions de Gazaouis. C’est une déportation, cela a un nom : « un nettoyage ethnique » ce qui constitue un crime contre l’humanité selon le Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Les actes inhumains tels que la déportation forcée, la persécution et les transferts forcés de population peuvent être qualifiés de crimes contre l’humanité s’ils sont commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique contre une population civile.

Cette nouvelle escalade dans le conflit est assez unanimement condamné : Le ministre allemand des Affaires étrangères, Johann Wadephul, a déclaré que l’offensive allait dans la mauvaise direction et a appelé à une solution diplomatique.
– La ministre britannique des Affaires étrangères, Yvette Cooper, a qualifié l’offensive terrestre d' »irresponsable et effroyable ».
– La Commission européenne a averti que l’intervention militaire entraînerait davantage de destructions, de morts et de déplacements de population.

En Cisjordanie, les exactions des colons à l’égard des Palestiniens s’accentuent. Selon un rapport de Médecins sans Frontière de mai 2025, depuis le 7 octobre 2023, au moins 870 Palestiniens ont été tués et plus de 7 100 ont été blessés. Et désormais, le gouvernement israélien a décidé de mettre en oeuvre le plan de colonisation E1.

Le gouvernement a donné le 20 août un feu vert au projet majeur de construction de logements baptisé “E1”, qui prévoit d’étendre une colonie située à quelques encablures de Jérusalem-Est, ce qui couperait de facto la Cisjordanie en deux. Lors d’une visite à la colonie de Maale Adumim, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a déclaré :

« Il n’y aura pas d’État palestinien. Cet endroit nous appartient… Nous préserverons notre patrimoine, notre terre et notre sécurité. Nous allons doubler la population de la ville ». »

Alors que la France, le Royaume Uni, le Canada et 11 autres pays s’apprêtent à reconnaître l’Etat Palestinien à l’ONU, Netanyahu commet un acte pour empêcher cela et donne précisément ses raisons : « Il n’y aura pas d’État palestinien ».

Le ministre des Finances d’extrême droite, Bezalel Smotrich, un ancien dirigeant de colons, a salué la décision du gouvernement israélien, affirmant :

« L’État palestinien est en train d’être effacé de la table, non pas par des slogans, mais par des actes. »

Les ministres d’extrême droite voudrait annexer la Cisjordanie qu’ils appellent Judée Samarie. Ils commettraient alors une nouvelle infraction contre le droit international : ce territoire n’appartient pas à Israël, c’est un territoire occupé par Israël, depuis la guerre de 1967.

Netanyahu, jamais en reste d’une nouvelle formule, a dit lors d’une conférence économique à Tel Aviv, qu’Israël doit devenir une « Super Sparte ».

Sparte est cette cité-État de la Grèce antique, connue pour son organisation militarisée, sa discipline, l’obéissance stricte à l’État, tout ce qui donnera l’adjectif « spartiate » encore utilisé de nos jours.

Pierre Haski sur France Inter décrypte la pensée du premier ministre israélien :

« Le premier message est celui d’un état de guerre inscrit dans la durée. La guerre n’est pas un moment anormal entre des périodes normales, c’est désormais un état permanent. […]
Le deuxième message, c’est celui de l’isolement assumé, de l’autarcie. Benyamin Netanyahou a prévenu ses concitoyens qu’Israël devrait en passer par ce relatif isolement international. Il a évoqué les critiques croissantes en provenance d’Europe, qu’il a attribuées à l’immigration musulmane et à la propagande du Qatar et de la Chine sur les réseaux sociaux. »

La question qu’on peut poser, peut être doit poser au bout de cette litanie de constats consternants : c’est où et quand qu’on tracera la Ligne rouge ? La ligne où l’Union européenne et la France commenceront à sanctionner Israël pour que cela cesse ! C’est aussi la question que pose Nadav LAPID le cinéaste israélien dont le film « Oui » vient de sortir ce mercredi. Il était l’invité de « C ce soir » de mardi et il posait précisément cette question. Il fut aussi, lundi, l’invité de Sonia Devilliers sur France Inter : « La réalité israélienne est une réalité stéroïdée, qui ouvre une fenêtre sur l’horreur qui peut arriver »

Il existe pourtant des voix autorisées en Israël comme Ehud Olmert, ancien premier ministre et ancien Vice-Premier ministre de Sharon qui disent que la guerre doit cesser et qui soutiennent encore la solution à deux États.

Lors d’un entretien dans « le Grand Continent » du 25 juillet 2025, il déclarait :

« Au fond, il n’y a que deux options.
La première est de continuer à se battre indéfiniment. C’est ce que nous faisons entre Israéliens et Palestiniens depuis 77 ans environ. Nous pouvons poursuivre dans cette voie encore longtemps. Cela conduira à davantage de sang versé, d’Israéliens et de Palestiniens tués, sans qu’aucun changement radical n’ouvre un nouvel horizon.
L’autre option est d’essayer de faire la paix.
Or, il n’existe, à mes yeux, qu’un seul chemin vers une paix durable : la solution à deux États. Bien que cela puisse prendre du temps, tôt ou tard, chacun finira par reconnaître cette réalité incontournable : il n’existe pas d’alternative crédible à la solution à deux États.
Il est clair que le gouvernement actuel repose sur l’opposition à cette solution politique. Il ne s’y oppose pas seulement sur tel ou tel point : il est farouchement opposé à sa substance même.

C’est la raison pour laquelle, pour avancer, Netanyahou doit être démis de ses fonctions.»

Mercredi, le 3 septembre 2025

« Comment le mouvement pour les droits des homosexuels s’est radicalisé et a perdu son sens »
Andrew Sullivan

Nous nous posons tous la question : comment la démocratie en est elle arrivée là ?

Partout dans le monde les démocraties reculent.

L’espoir qui a été suscité, dans les années 90, par la chute des régimes totalitaires communistes et soviétiques, aura été de courte durée. En 1992, on dénombrait, pour la première fois de l’histoire, plus de régimes démocratiques, que de régimes autoritaires.Dans les années 2000, l’humanité semblerait avoir atteint un plateau sur lequel les démocraties représentait environ 60% des Etats.

« Le Grand Continent » a évoqué l’indice démocratique global 2024 publié le 27 février 2025, par The Economist Intelligence Unit (EIU) qui estime qu’il n’y a plus que 71 pays sur 195 dans le monde, soit 38,5%, qui peuvent être considérés comme des démocraties. Rapporté à la population, cette évaluation amène l’institut d’analyse à estimer que 6,6 % de la population mondiale vit dans une démocratie.

Et, en allant plus loin dans son analyse par une distinction entre “vraie démocratie” et “démocratie défectueuse”, l’EIU estime que la vraie démocratie ne se trouve que dans 25 pays

Les Etats-Unis, comme la France étaient classés, en 2024, dans les démocraties défectueuses. Il est probable que depuis l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, en janvier 2025, les Etats-Unis sont tombés encore plus bas dans ce que l’EIU désigne comme des régimes hybrides, entre démocratie et régime autoritaire.

Force est de constater que c’est un vote démocratique, au delà du vote par les grands électeurs, d’une majorité d’américains qui a élu Donald Trump. Les citoyens américains savaient comment agissait cet homme, puisqu’il avait déjà été président pendant 4 ans. Ils l’ont réélu.

« Errare humanum est, perseverare diabolicum » diront ceux qui pensent que le monde du bien s’oppose au monde du mal et que ceux qui se trouvent dans ce second camp sont soit des imbéciles soit des salauds. Je récuse ce simplisme.

Comment peut t’on comprendre qu’au delà d’un noyau d’évangélistes, de racistes et de masculinistes, une majorité de citoyens se soient finalement ralliés à cette candidature au détriment de celle des démocrates ?

Les explications sont multiples. Il y a manifestement une révolte de la classe moyenne contre les effets de la mondialisation qui leur a été défavorable. Il y a une perception d’une immigration massive, mal gérée, mal intégrée qui a permis à Trump de faire des promesses démagogiques qui ont plu. Il y a encore, ce que Marcel Gauchet appelle « Le sentiment d’impuissance des démocraties ».

Il semble, en effet, que la démocratie n’arrive plus à obtenir des résultats d’une part en raison de l’économie qui est mondialisée et sur laquelle elle n’a que peu de prise, d’autre part parce qu’elle a généré, en son sein, un culte de la liberté individuelle qui conduit l’ordre judiciaire à s’opposer à des décisions d’autorité et à empêcher le pouvoir politique à agir. Donald Trump a convaincu les américains qu’il était capable d’agir sur ces tableaux : un interventionnisme économique à travers les droits de douane et un refus de se plier aux décisions judiciaires notamment en demandant à la Cour Suprême qui lui est largement favorable, d’infirmer les décisions judiciaires qui lui sont défavorables.

Il n’y a pas une cause, il y a toutes celles que j’ai évoquées. Il y en a certainement que j’oublie.

Et puis il y en a une qui me semble aussi importante. Beaucoup parle d’« anti-wokisme », je préfère au mot woke celui de « progressisme ostentatoire », en référence au concept inventé par Thorstein Veblen « La consommation ostentatoire ».

J’ai eu la surprise de découvrir que c’est dans le « New York Times » qui était en pointe du combat d’un progressisme sans limite et sans interrogation qu’un journaliste écrivant régulièrement dans ce journal, Andrew Sullivan a publié une tribune le 26 juin 2025, montrant les excès et l’intolérance de ce mouvement porté par une minorité du Parti Démocrate et rejeté par une majorité de l’électorat populaire américain.

Pour se convaincre qu’il s’agit d’une rupture dans la politique éditoriale du New Tork Times, je vous renvoie vers cet article de l’hebdomadaire « Le Point » : « Bari Weiss : Pourquoi j’ai quitté le New York Times ». Article dans lequel cette journaliste évoque la délation, la censure, l’obsession de l’identité et la dérive sectaire de cette institution américaine en 2020.

Cette fois, le journal a accepté de publier cette tribune d’un journaliste gay présenté comme l’un des premiers défenseurs américains du mariage homosexuel. Cette tribune a pour titre « How the Gay Rights Movement Radicalized, and Lost Its Way », qu’on pourrait traduire par « Comment le mouvement pour les droits des homosexuels s’est radicalisé et a perdu son sens ». Vous trouverez cet article sur le site du New York Times, l’accès est payant. Mais vous pouvez trouver cette tribune sur d’autres sites dans sa « version anglaise » et une « traduction française »

Andrew Sullivan énumère d’abord les combats gagnés par les homosexuels et les lesbiennes lors d’une décennie incroyable

« Il y a dix ans, jeudi, le mouvement pour l’égalité des droits des personnes gays et lesbiennes a remporté une victoire qui, dix ans plus tôt, paraissait inimaginable : nous avons obtenu le droit au mariage civil dans tous les États-Unis.
En 2020, une autre victoire retentissante a suivi. Dans une décision majoritaire rédigée par l’un des candidats nommés par le président Trump, le juge Neil Gorsuch, la Cour suprême a estimé que les hommes gays, les lesbiennes et les personnes transgenres étaient couverts par le Titre VII du Civil Rights Act de 1964 et protégés contre la discrimination par les employeurs.
En 2024, le Parti républicain a retiré de son programme son opposition au mariage pour tous, et l’actuel secrétaire au Trésor républicain, Scott Bessent, est un homme gay marié avec deux enfants. Le mariage homosexuel est soutenu par environ 70 % des Américains, et 80 % s’opposent aux discriminations visant les gays, les lesbiennes et les personnes transgenres.
En matière de droits civiques, il est difficile de faire plus décisif ou complet que cela. »

Et puis…
En français courant il existe une expression appropriée : c’est parti en quenouille.

« Mais une chose étrange s’est produite après ces triomphes. Au lieu de célébrer la victoire, de défendre ces acquis, de rester vigilants tout en alentissant le rythme en tant que mouvement ayant atteint ses objectifs principaux — y compris la fin du VIH en tant que fléau incontrôlable aux États-Unis —, les groupes de défense des droits des personnes gays et lesbiennes ont fait le contraire. Influencés par le virage plus large de la gauche « justice sociale », ils se sont radicalisés. »

Et il donne un premier exemple de ces excès :

« En 2023, la Human Rights Campaign, le plus grand groupe de défense des droits des gays, lesbiennes et transgenres du pays, a déclaré un « état d’urgence » pour ces communautés — une première dans l’histoire de l’organisation. Elle n’avait pas déclaré d’état d’urgence lorsque des hommes gays étaient emprisonnés pour avoir eu des relations sexuelles en privé, ni lorsque l’épidémie de sida a tué des centaines de milliers d’hommes gays, ni lorsque nous avons été confrontés à un projet d’amendement constitutionnel interdisant le mariage homosexuel en 2004.
En réalité, cet « état d’urgence » était presque entièrement lié à de nouveaux projets de loi étatiques visant à restreindre les traitements médicaux pour les mineurs souffrant de dysphorie de genre, aux interdictions d’accès aux toilettes et vestiaires, ainsi qu’à l’intégration des questions transgenres dans les programmes scolaires et le sport »

Cette tribune est assez longue (près de 5000 mots), et je vous invite à la lire car elle me semble révélatrice d’un mouvement en train de dérailler au détriment de celles et de ceux qu’il s’agissait de défendre.

Les droits civiques des homosexuels et des lesbiennes ayant été acquis, une autre révolution était en route celle du genre dont le projet prétend vouloir supprimer toutes les limites perçues comme oppressives.

La binarité sexuelle associée à la « suprématie blanche » est remplacée par un spectre large de sexes, ce qui revient à supprimer la différence entre hommes et femmes. Il constate que les mots « gay » et « lesbienne » ont quasiment disparu. LGBT est devenu LGBTQ, puis LGBTQ +, et d’autres lettres et caractères ont été ajoutés. Il fait le constat que ces groupes ont renié leur engagement et ont imposé à toute la société un changement radical à coups de slogans comme le fait que le sexe était assigné à la naissance et non constaté.

Autre mantra selon lui : « Les femmes trans sont des femmes, les hommes trans sont des hommes. » Ce n’est pas une proposition, c’est « un commandement théologique », dit-il.

Dès le plus jeune âge, on peut apprendre à des enfants qu’être fille ou garçon relevait d’un choix et qu’on pouvait en changer. Une transition sociale (changement de prénom et de pronom) est possible sans l’autorisation parentale (aux États-Unis).

Le plus grave dans ce mouvement est que toute contradiction, toute critique est interdite. Ceux qui osent s’exprimer sont réduits au silence, disqualifiés publiquement. L’intolérance fait loi, l’autocensure devient la norme.

Dans un podcast publié le 6 août 2025, Hubert Vedrine disait précisément :

« C’était évident depuis longtemps, que l’électorat populaire américain n’accepterait jamais le wokisme. Jamais ! […] On ne va pas débattre du wokisme, parce qu’il peut y avoir de bonnes intentions, mais l’électorat américain le rejetait fondamentalement. »

Comme je l’ai écrit, Hubert Vedrine se garde de prétendre qu’il s’agit de l’unique raison de l’élection à deux reprises de Donald Trump. Dans ce même podcast, il avait cité préalablement d’autres causes :

« Il y a des signes avant-coureurs dans l’électorat populaire américain depuis très longtemps que d’abord la mondialisation à outrance décidé notamment par les élites démocrates, mais pas que. L’idée qu’on a tellement, nous les Américains, gagné après la fin de l’URSS qu’on peut mettre la Chine dans l’OMC même si elle ne remplit pas les critères parce que ça va les rendre plus riche et donc démocratique voyez ce degré d’d’illusion et de toute façon on est les maîtres du jeu. Donc ça c’est l’Amérique depuis assez longtemps. Alors il y a beaucoup du coup on va faire fabriquer une en Chine parce que c’est 50 fois moins cher. Donc ils ont détruit la classe moyenne américaine, ils ont créé l’électorat de Trump. »

Aujourd’hui, le gouvernement de Trump va dans l’excès inverse et en voulant lutter contre le wokisme impose d’autres interdits et fait preuve d’une même intolérance : « Comment la droite américaine a tué le wokisme, pour mieux imposer le sien ».

Alors si des esprits taquins souhaitent me poser la question : entre le progressisme ostentatoire et la réaction obscurantiste trumpiste que préfères-tu ? Je répondrai par cette pensée de la sagesse juive :

« Si on te demande de choisir entre deux solutions, prends toujours la troisième ! »

Lundi 25 août 2025

« J’ai toujours éprouvé pour ma mère l’amour le plus absolu. Elle m’a sauvée d’un danger intérieur qu’elle seule avait remarqué. »
Amélie Nothomb « Tant mieux » page 195

Comme à chaque rentrée, depuis des temps immémoriaux, Amélie Nothomb publie un livre chez Albin Michel. Je ne le lis jamais.

Par hasard, j’ai vu sur le média internet Brut, une interview dans laquelle elle présente celui de cette année : « Tant mieux ».

Ce livre est consacrée à sa mère qui est morte début 2024.

Il faudrait toujours écrire, peut être pas un livre, au moins quelques mots sur notre mère. Pour se souvenir, éclairer des zones d’ombre et surtout comprendre et exprimer sa reconnaissance. Car sauf cas très marginaux et rare, nous avons tous motif à gratitude.

Albert Cohen a écrit un bouleversant document : « Le livre de ma mère », j’en avais tiré un mot du jour en 2018 : « Les fils ne savent pas que leurs mères sont mortelles. ».

Pour Christian Bobin, si sa relation à son père fut lumineuse, celle à sa mère fut plus complexe. Elle avait très peur pour lui et de ce fait l’empêchait de sortir de sa maison sauf pour aller à l’école. Il a ainsi passé une enfance dans la solitude et dans ce qu’il a appelé lui même une agoraphobie. Je ne crois pas qu’il ait écrit un livre sur sa mère, mais il a dit ceci dans l’émission de France Culture « Les Racines du ciel » du 7 septembre 2014 :


« Ma mère, elle a fait comme elle a pu.
Comme chaque femme qui a des enfants, elle a fait le travail impossible qui lui a été assigné. A savoir un travail d’engendrer et puis surtout ensuite de veiller, d’amener au mieux les gens qui lui sont confiés, les enfants.
Ce travail, elle l’a fait, elle l’a bien fait, à sa façon. La vie n’a pas été facile pour elle. Je pense qu’elle aussi à sa façon m’a tout appris. Ce que je sais des mères, ce que j’écris des mères, je le tiens bien d’elle, d’une façon ou d’une autre, même si c’est parfois de façon paradoxale.
C’est par l’absence qu’on connait la présence, c’est par le manque. C’est par la faim qu’on sait ce qu’est un morceau de pain. On sait exactement ce que c’est. On le sait mieux que la personne qui a toujours du pain à volonté sur sa table. […]
Moi, je suis fait de ceux que je rencontre. Je suis fait aussi de mes parents c’est évident. Je suis fait de tout, même de leur manque, même de leur faille. Et c’est par ces failles aussi que, sans doute, j’ai vu la lumière. »
« Christian Bobin: Une vie en poésie »
à 13:10

Quand je dis qu’il faudrait écrire sur notre mère, je ne parle bien sûr pas de publier. La littérature se trouve devant un paradoxe terrifiant : il y a de plus en plus d’auteurs qui publient des livres et de moins en moins de lecteurs qui lisent. Ecrire, c’est d’abord pour soi qu’on doit le faire et peut être pour quelques proches. Je m’imagine que la fratrie ou les enfants ne peuvent être indifférents à lire ce que le coeur sait révéler.

Amélie Nothomb a publié le livre sur sa mère et ce qu’elle dévoilait dans son entretien m’a poussé à l’acheter et à le lire immédiatement. Ses livres sont courts, il ne m’a même pas fallu une soirée pour le finir.

La plus grande partie est ce qu’elle appelle dans son entretien, un conte qui raconte l’histoire d’une enfant, Adrienne, dans ses relations avec ses grands parents, ses parents, ses sœurs jusqu’à la rencontre de l’homme de sa vie. Le livre se termine par une partie beaucoup plus courte dans laquelle le conte s’éclaire et Amélie Nothomb parle de sa mère, et c’est bouleversant.

Le livre est désigné par la catégorie « roman », on ne sait pas quel est la part d’invention ou même s’il y a invention. Il semble cependant que l’essentiel correspond à la réalité.

Je ne vais pas divulgâcher le propos du livre. Il me fallait cependant trouver une exergue dans le livre. Elle est mystérieuse et il faut bien expliquer un peu :


« J’ai toujours éprouvé pour ma mère l’amour le plus absolu. Elle m’a sauvée d’un danger intérieur qu’elle seule avait remarqué. Mes deux ainés, dès la naissance étaient lumineux. J’étais sombre. Dès mes cinq ans, j’ai senti cette noirceur grandir en moi. J’étais appelée, je pense, à devenir une dépressive pathologique.
Quand ma mère me voyait sous emprise de cette obscurité, elle me disait :
– Pourquoi es-tu comme cela ?
– Je ne sais pas
– Alors Arrête. Tu n’as pas le droit.
C’était dit avec autorité et douceur.
Cette parole a été entendue. Aujourd’hui encore, lorsque la force atrabilaire se manifeste en moi, la voix maternelle la repousse : Tu n’as pas le droit. C’est d’une efficacité redoutable.
Je n’oublierai jamais ma dette astronomique envers ma mère : Elle m’a livré un bouclier pour lutter contre mes ténèbres. »

Je crois que beaucoup d’entre nous pourraient parler de leur dette astronomique envers leur mère.

Mercredi 6 août 2025

« La véritable histoire de Hiroshima »
Documentaire d’ARTE

Il y a 80 ans, le 6 août 1945, à 8h15, le B29 que son pilote Paul Tibbets avait appelé « Enola Gay » a largué la première bombe atomique, une bombe de 4,5 tonnes surnommée « Little Boy » sur la ville de Hiroshima.

Des lanternes flottantes marquent l’anniversaire du bombardement d’Hiroshima. Chaque lanterne représente une vie perdue.

Il y a 10 ans, j’avais déjà écrit un mot du jour sur ce sujet « Mon Dieu, qu’avons-nous fait ? ». Ce fut le cri que poussa Robert Lewis, le co-pilote du B29 après avoir vu la puissance destructrice de la bombe. Le pilote principal Paul Tibbets, ne ressentit rien de semblable, il n’a jamais exprimé de regrets pour les victimes d’Hiroshima. De manière factuelle Tibbets est mort à 92 ans , son co-pilote Robert Lewis est mort à 65 ans. Peut être que les regrets sont nuisibles à la santé.

ARTE a mis en ligne un documentaire que j’ai vu avec un grand intérêt et que je partage : « Hiroshima la véritable histoire ».

Ce documentaire est d’abord très clair sur le sujet suivant : l’utilisation de la bombe atomique d’abord sur Hiroshima puis sur Nagasaki 3 jours plus tard n’était pas nécessaire pour faire capituler le Japon. Le Japon via l’URSS et une autre source plus directe avec les Etats-Unis avait déjà proposé une reddition mais avec une seule exigence maintenir Hiro Hito sur le trône impériale du Japon. Condition qui sera appliquée après les bombes et la capitulation.

En outre, le Japon n’avait plus de marine, presque plus d’aviation et n’avait plus les moyens de nourrir la population, il ne pouvait que se rendre. La propagande américaine qui justifiait l’utilisation de la bombe parce que la seule alternative aurait été d’envahir le Japon et que cela aurait couté la vie à 1 millions de soldats américains était un mensonge absolu.

Les scientifiques de Los Alamo avait fait une proposition alternative au Président Truman : Rendre publique l’existence de la bombe atomique et montrer sa puissance dévastatrice dans un essai public pour convaincre les japonais que toute résistance était inutile. Mais cette proposition n’a jamais été transmis par le général Groves, directeur militaire du projet Manhattan. Car ce n’est pas Oppenheimer, le directeur scientifique qui dirigeait mais bien le responsable militaire.

La raison réelle de l’utilisation de la bombe atomique est que les militaires voulaient vérifier, en utilisation réelle, l’impact de la bombe atomique.

Une fois la bombe larguée, les américains ont voulu camoufler les conséquences terribles de tout ce que la bombe a entraîné après son explosion sur les corps et sur la santé des survivants. Le général Mac Arthur, à peine nommé à la tête de l’administration japonaise, adresse une directive aux médecins de Hiroshima, déclarant que toute cette affaire relevait du secret militaire américain, par conséquent personne ne devait effectuer de recherche ni écrire quoi que ce soit sur le sujet. Les troupes d’occupation américaine interdirent toute présence de journalistes non accompagnés de militaires sur le territoire d’Hiroshima.

Mais un journaliste australien Wilfred Burchett parvint à se rendre à Hiroshima après le largage de la bombe atomique, arrivant seul par train de Tokyo le 2 septembre, jour de la reddition officielle à bord de l’USS Missouri.

Il a envoyé au journal « Daily Express » de Londres un article publié le 5 septembre 1945, sous le titre « The Atomic Plague » « la peste atomique », il s’agissait du premier reportage public dans les médias occidentaux à mentionner les effets des radiations et des retombées nucléaires.

Il écrivit notamment :

« À Hiroshima, 30 jours après que la première bombe atomique a détruit la ville et ébranlé le monde, des gens meurent encore, mystérieusement et horriblement. Des personnes qui n’ont pas été blessées par le cataclysme meurent d’une maladie inconnue, quelque chose que je ne peux décrire que comme une peste atomique. Hiroshima ne ressemble pas à une ville bombardée. Elle a l’air d’avoir été écrasée par un rouleau compresseur monstrueux […]

Sur ce premier terrain d’essai de la bombe atomique, j’ai vu la désolation la plus terrible et la plus effrayante en quatre ans de guerre. Une île du Pacifique dévastée ressemble à un Eden. Les dégâts sont bien plus importants que ne le montrent les photographies. […]

Dans les hôpitaux, j’ai trouvé des personnes qui, lorsque la bombe est tombée, n’ont souffert d’aucune blessure, mais qui meurent maintenant des étranges séquelles. Sans raison apparente, leur santé a commencé à se dégrader. Elles ont perdu l’appétit. Leurs cheveux sont tombés. Des taches bleutées sont apparues sur leur corps. Et les saignements ont commencé à couler des oreilles, du nez et de la bouche. […]

Si vous pouviez voir ce qui reste d’Hiroshima, vous penseriez que Londres n’a pas été touchée par les bombes… »

Finalement, le général Groves est sommé de se justifier devant le Congrès, il minimise le nombre de morts en raison de ces symptômes et ajoute cette remarque « écœurante »

« Les médecins disent que c’est une façon très agréable de mourir »

Le général Groves n’ignorait pas les effets de la bombe atomique après son premier souffle, 80 000 morts dans la première minute de l’explosion. Et l’armée américaine va installer de grands bâtiments sur les collines de Hiroshima qui ne sera pas un hôpital pour soigner, mais une unité de recherche pour répertorier tous les effets de la bombe atomique. Les victimes ne seront pas traités comme des malades mais comme des cobayes.

Les japonais irradiés seront affublés d’un nom par leur compatriote «Les hibakusha » signifiant « personne affectée par la bombe ». Les japonais se détourneront d’eux craignant qu’ils soient contagieux puis refusant de les marier à leurs filles ou leurs fils car ils ne pourront qu’engendrer des enfants malades comme eux. Leur destinée fut terrible.

Certains auteurs racontèrent de manière empathique et vraie ce que fut le drame des hibakusha.

Le documentaire cite le journaliste John Richard Hersey qui se rend en août 1946 à Hiroshima et interviewa six survivants du chaos. Son texte sera publié en intégralité dans le New Yorker.

L’article connaît un immense retentissement au sein de la population américaine qui prend conscience de l’horreur vécue par l’ennemi japonais.

Son récit retrace les instants qui précédèrent et suivirent l’explosion de la bombe H, évoquant sa dimension politique et philosophique à travers six expériences entrecroisées. Cet article devint un livre « Hiroshima »

Je crois qu’il est utile de regarder ce documentaire qui montre la seule utilisation, jusqu’à présent, de la bombe atomique. Ce fut l’œuvre d’un pays occidental, les États-Unis d’Amérique qui n’en avaient pas besoin pour arriver à leurs objectifs et qui ont dans un premier temps menti sur les conséquences de son utilisation.

Lien vers le documentaire d’ARTE : « Hiroshima la véritable histoire ».

Lundi 23 juin 2025

« Je tiens à remercier tout le monde, et en particulier Dieu. »
Donald Trump

Donald Trump a tenu un discours de 4 minutes pour se féliciter de la réussite des frappes américaines sur les installations nucléaires iraniennes qui se sont déroulées dans la nuit de samedi à dimanche.

Comme d’habitude, dans un langage d’une pauvreté lexicale consternante, il abuse de superlatifs superfétatoires :

« Aucune armée au monde n’aurait pu faire ce que nous avons fait ce soir. Loin s’en faut. Jamais une armée n’a été capable de réaliser ce qui vient de se passer il y a quelques instants. »

L’armée dont il parle a déversé, sur les cibles, les plus grosses bombes non nucléaires créées par l’espèce humaine (des ogives de 13 tonnes) et puis les bombardiers furtifs B-2 Spirit ont parcouru une distance exceptionnellement grande pour atteindre l’Iran à partir de leur base du Missouri. C’est un triomphe de la technologie !

Concernant la stratégie militaire, dans un ciel iranien sans capacité anti-aérienne, l’Histoire militaire comporte des épisodes qui méritent nettement plus de superlatifs que cette opération.

C’est surtout une question d’argent, chaque B-2 coûte plus de 2 milliards de dollars ! Pour la fameuse bombe de 13 tonnes, le coût de développement de la GBU-57 MOP se situe entre 400 et 500 millions de dollars américains et son prix de production unitaire est d’environ 3,5 millions de dollars américains. La folie meurtrière des hommes n’a pas limite en terme de prix.

Mais ce que je voudrais surtout relever ce sont les dernières mots de ce discours de Trump :

« Je tiens à remercier tout le monde, et en particulier Dieu. Je veux simplement dire que nous t’aimons, Dieu, et que nous aimons notre grande armée. Protège-les. Que Dieu bénisse le Moyen-Orient. Que Dieu bénisse Israël et que Dieu bénisse l’Amérique. Merci beaucoup. Merci. »

Que vient faire Dieu là-dedans ? La technologie, l’argent semble suffire à ce désastre ?

En face, le chef iranien, qui se fait appeler guide suprême, dans son discours du mercredi 18 juin dans lequel il oppose un refus catégorique à l’appel de Donald Trump à une « capitulation sans conditions » conclut avec ces mots, en commençant à citer un verset du Coran :

« La victoire ne peut venir que de Dieu, le Puissant, le Sage »

Puis ajoute :

« Et Dieu Tout-Puissant accordera à la nation iranienne la victoire, la vérité et la justice, si Dieu le veut. »

Et si dans les faits la victoire n’est pas donnée à la nation iranienne ? Tout simplement parce que la technologie et l’argent, des choses très matérielles sans une once de spiritualité, donne la victoire aux adversaires de l’Iran. C’est donc selon l’hypothèse de ce responsable religieux que « Dieu ne le veut pas » !

Et dans ce cas, quelle conclusion ce vieil homme en tirera du fait que Dieu ne le veut pas ?

Le troisième responsable de ce chaos et de ses destructions, Benyamin Netanyahou, se trouve dans la même évocation religieuse. Quand, dimanche 15 juin 2025, il se rend à Bat Yam où les missiles iraniens ont fait neuf victimes, il termine son discours par un verset du Deutéronome :

« Puisque vous n’avez vu aucune figure le jour où l’Éternel vous parla du milieu du feu, à Horeb, veillez attentivement sur vos âmes. »

Et il conclut :

« Ensemble, avec l’aide de Dieu, nous vaincrons, nous sommes sur le chemin de la victoire. »

C’est encore une fake news ! L’aide dont bénéficie l’armée d’Israël ce sont les armes fournis par les Etats-Unis et depuis ce week end l’intervention directe de l’armée US avec des bombes, des avions décrits précédemment.

Le premier ministre baptise désormais chaque opération militaire par des références bibliques. Ainsi Vendredi 13 juin au matin, à peine les premiers missiles tirés vers l’Iran, le pays apprend que l’opération « Le lion qui se lève » a été lancée. Pour reprendre les termes de l’allocution filmée de son dirigeant : « Nous sommes à un moment décisif de l’histoire d’Israël. Il y a quelques instants, Israël a lancé l’opération « Le lion qui se lève », une opération militaire ciblée visant à supprimer la menace que représente l’Iran par rapport à la survie même d’Israël. »

« Le lion qui se lève » ? C’est une référence à un verset du Livre des Nombres : « Voici qu’un peuple se lèvera comme une lionne, comme un lion il se dressera. Il ne se couchera pas sans avoir dévoré sa proie, sans avoir bu le sang des victimes ! »

Je perçois le désarroi des croyants sincères qui vivent leur foi comme un appel à devenir plus doux, à aider leur prochain et qui trouvent dans leurs prières, réconfort et aide dans les moments de souffrance et d’angoisse. Ils s’exclament d’une seule voix : « La religion ce n’est pas cela ! »

Pour moi qui fus croyant et pour les consoler je dirais plutôt : « la religion ce n’est pas que cela ! ». Mais il me faut ajouter : « c’est aussi cela, c’est-à-dire la violence et le pouvoir ! »

« Le nouvel Obs » évoque un autre nom d’opération inventé par l’état-major israélien « Chariots de Gédéon ». C’était le nom de l’opération de mai 2025 contre Gaza, visant à une annihilation totale du territoire. Et le Nouvel Obs de rappeler ce que dit le livre sacré des juifs :

« Gédéon est un personnage biblique, un des juges du Livre des Juges, élu par Dieu. Pour punir Canaan d’être revenu à l’idolâtrie, Yahvé a envoyé au peuple élu une invasion de Madianites. C’est Gédéon qui est chargé de la combattre, et qui, avec une toute petite armée de 300 personnes, réussit à infiltrer le camp des Madianites et à les éradiquer ».

Souvent dans la bible hébraïque dieu prend le nom de « dieu des armées », un dieu qui n’a pas de scrupule à demander des tueries de masse.

Le Nouvel Obs évoque une autre citation de Netanyahou :

« Une référence biblique faite par Netanyahou a d’ailleurs été citée dans la plainte de l’Afrique du Sud, déposé devant la Cour internationale de Justice (CIJ) pour génocide. En l’occurrence la phrase : « Souvenez-vous de ce qu’a fait le peuple d’Amalek à notre peuple », répétée à plusieurs reprises par Netanyahou.
Le peuple d’Amalek ? C’est l’ennemi originel d’Israël. Yahvé ordonne à son peuple de l’éradiquer. Ainsi dans le Deutéronome, Dieu appelle à « effacer la mémoire du peuple d’Amalek du ciel ».
Il enjoint aussi au prophète Samuel de se faire l’instrument de la destruction : « Va maintenant, frappe Amalek, et dévouez par interdit tout ce qui lui appartient ; tu ne l’épargneras point, et tu feras mourir hommes et femmes, enfants et nourrissons, boeufs et brebis, chameaux et ânes. »
Dans le Premier Livre de Samuel, le roi Saül désobéit à l’ordre divin et décide d’épargner Agag, après avoir exterminé tous les Amalécites. Il ne se résout pas non plus à tuer tout le bétail. Mal lui en prend ! Le prophète Samuel le tance. « N’est-ce pas, quand tu étais petit à tes propres yeux, tu es devenu chef des tribus d’Israël, et l’Éternel t’a oint pour roi sur Israël ?
Et l’Éternel (…) t’avait dit : Va et détruis ces pécheurs, les Amalécites, et fais-leur la guerre jusqu’à ce qu’ils soient consumés. Et pourquoi n’as-tu pas écouté la voix de l’Éternel ? »
Samuel explique alors à Saül que l’Eternel l’a rejeté. Et il « met Agag en pièces devant l’Eternel ».

Le Coran de la même manière contient, à côté de versets bienveillants, d’autres qui expriment une grande cruauté pour tous ceux et toutes celles qui sont en dehors des normes de « la croyance » définies dans ce livre.

Les islamistes radicaux se basent sur ces textes pour justifier leurs actes violents. Par exemple ce texte qu’on appelle « le verset de l’épée » (verset 5 de la sourate IX) :

« Quand les mois sacrés seront expirés, tuez les infidèles quelque part que vous les trouviez ! Prenez-les ! Assiégez-les ! Dressez pour eux des embuscades ! S’ils reviennent [de leur erreur], s’ils font la Prière et donnent l’Aumône (zakat), laissez-leur le champ libre ! Allah est absoluteur et miséricordieux. » — Le Coran (trad. R. Blachère),

Les mois sacrés sont la période de grâce qu’on accorde aux incroyants pour se soumettre à la foi unique, seule cette soumission permet d’échapper à la mort».

Tout cela peut paraître si loin de ceux qui ont vécu la sortie de la religion du quotidien et de la société.  Ce que Nietzsche avait synthétisé par ce constat : « Dieu est mort ».

Selon moi, l’évocation de Dieu lors de tous ces déchainements de violence, n’est pas une bonne chose.

Ceux qui font ces évocations sont d’autant plus Désinhibés qu’ils pensent se mettre sous la protection de textes sacrés. Et comment négocier avec des gens qui prétendent que c’est Dieu qui les guide ?

Jeudi 19 juin 2025

« Je suis responsable devant le compositeur et surtout devant l’œuvre. »
Alfred Brendel

Alfred Brendel fut sans doute le plus grand pianiste de la seconde moitié du XXème siècle. Il est mort le 17 juin 2025 à Londres, à l’âge de 94 ans.

Il naît le 5 janvier 1931, dans une famille allemande, mais dans une commune située actuellement en République tchèque.

Il réalise son premier récital en 1948, à Graz. Il effectuera ses premiers enregistrements en 1952 et 1953.

Cependant sa carrière prendra toute la lumière vraiment en 1969 quand il signe un contrat avec Philips. La firme néerlandaise utilisera sa puissance de communication pour révéler au monde de la musique le talent, la profondeur, le génie de ce pianiste venu du centre de l’Europe.

En allemand, le terme « Mitteleuropa » sonne mieux, le magazine Diapason écrit :

« C’était l’un des géants du piano et de la musique, comptant parmi les derniers représentants de la Mitteleuropa. Il s’est éteint à l’âge de 94 ans. »

C’est en 2008 qu’il décida de faire sa tournée d’Adieu, après 60 saisons de concerts si on prend comme point de départ son premier concert à Graz, mais si on part de son contrat avec Philips il exerça son magistère sur le piano classique pendant 40 ans de 1969 à 2008.

Son ultime concert eu lieu, le 18 décembre 2008, dans la salle dorée du Musikverein de Vienne.

Sa tournée d’Adieu fit étape, le soir du 13 juin de cette même année, à l’auditorium de Lyon. La musicologue Marie Aude Roux écrivit dans un article du Monde : « En tournée d’adieux, Alfred Brendel fut magique à Lyon. » :

« Le 13 juin, dans le bel Auditorium de Lyon, Brendel est apparu avec son élégance légèrement guindée, queue-de-pie, large ceinture et nœud papillon jaune pâle et regard rond d’effaré. Il s’est assis au piano et la musique a coulé de source, comme affleurant de ses propres entrailles […] »

Il termina son récital par la dernière sonate de Franz Schubert D.960. Marie Aude Roux traduit :

« Le travail sur la matité du son sous-entend qu’« il faut qu’un cœur se brise ou se bronze ». D’une belle coulée, le « Scherzo », viennois en diable, nostalgie et larmes et sourires mêlés. Puis le « Finale », entre rire et rictus, où Brendel est plus que Brendel, sculpteur de paysages mélodiques, poète du clavier, écrivain des sons, musicien majuscule dans un étrange absolu de la musique. »

Brendel était le musicien de l’approfondissement, revenant toujours au même corpus d’œuvres, toujours aux mêmes compositeurs.

D’abord Beethoven et Schubert, puis Mozart et Liszt avec quelques incartades vers Schumann, Haydn, Bach et même Schoenberg. Mais vous ne trouverez pas d’enregistrement de Chopin ou de Rachmaninov, les compositeurs de prédilection des pianistes du commun.

Il a résumé :

« J’ai essayé de m’en tenir au répertoire de ce que je considère comme de la grande musique, de la musique avec laquelle on peut passer toute une vie et à laquelle on peut revenir. Beethoven, Mozart et Schubert ont constitué l’essentiel […] J’ai fait ce que j’ai pu pour Haydn et Liszt et j’adore Schumann. J’ai également joué des œuvres qui ne sont pas de grandes œuvres, mais qui me plaisent. »

Brendel avait acquis une technique sans faille, mais il n’était pas que pianiste, il était avant tout musicien, cherchant sans cesse à décrypter et à tenter de comprendre les intentions du compositeur et la cohérence interne de l’œuvre qu’il interprétait.

Le premier article de Diapason cité, rappelait cette phrase d’Alfred Brendel :

« Je suis responsable devant le compositeur et surtout devant l’œuvre. »

Beaucoup de pianistes veulent briller grâce aux œuvres et au compositeurs, Brendel a fait le contraire : il partait de l’œuvre pour partager le message et l’émotion qui jaillissait des notes écrites dans la partition.

Dans sa page hommage à Brendel, « Radio France » publie deux citations du pianiste

« Si j’appartiens à une tradition, il s’agit d’une tradition dans laquelle c’est le chef-d’œuvre qui indique à l’interprète ce qu’il doit faire, et non pas d’une tradition où l’interprète impose ses conceptions à l’ouvrage, ou tente de dire au compositeur ce qu’il aurait dû composer. »

« Je dirai qu’il existe deux sortes d’interprètes : ceux qui éclairent l’œuvre de l’extérieur et ceux qui illuminent l’œuvre de l’intérieur. Et cela, c’est beaucoup plus rare. »

Je me rappellerai toujours avec émotion de la première fois que je l’ai vu en concert.

C’était au Palais des Congrès et de la musique de Strasbourg le 28 janvier 1978. J’étais à l’époque élève de classe préparatoire au Lycée Kléber et il me suffisait de traverser la Place de Bordeaux pour me trouver dans la magnifique salle de concert de Strasbourg.

Alfred Brendel n’était pas seul, il était accompagné de l’Academy of Saint Martin in the Fiels et son chef fondateur Neville Marriner. Il y avait aussi Jessye Norman.

Ce Concert était organisé par le Conseil International de la Musique (Unesco) et célébrait les 200 ans de la visite de Wolfgang Amadeus Mozart en 1778 à Strasbourg.

A cette date, Strasbourg appartient à la France depuis le 24 octobre 1681, lorsque Louis XIV est entré en grande pompe dans la ville qu’il avait arraché, par la puissance des armes, le mois précédent au Saint Empire Romain Germanique.

Le génie autrichien de 22 ans débarque, en calèche, autour du 10 octobre 1778 et restera environ 3 semaines à Strasbourg.

Il vient de Paris où il n’a pas eu le succès escompté et où sa mère Anna Maria Mozart vient de mourir le 3 juillet 1778, rue du Gros-Chenet (rue du Sentier). Ses obsèques eurent lieu en l’Église Saint-Eustache.

Hôtel de la Cour du Corbeau, photo époque récente

Il arrive à la place du Corbeau et résidera dans la célèbre hostellerie de la cour du Corbeau, un des plus vieux hôtels d’Europe.

C’est dans l’Hôtel du miroir (situé 29 rue des Serruriers ; 1 rue du Miroirs) que Mozart donne son premier concert strasbourgeois.

Il donnera deux autres concerts dans le théâtre situé Place de Broglie. Ce théâtre a été détruit par un incendie le 31 mai 1800 lors d’une répétition avec feux d’artifice de la Flûte enchantée de Mozart !.

La Ville avait transformé en 1706 en théâtre un ancien magasin à avoine. L’opéra de Strasbourg, appelé Opéra National du Rhin, qui l’a remplacé sera édifié entre 1804 et 1821.

Il jouera aussi l’orgue de Jean-André Silbermann de L’église Saint-Thomas, achevé en 1741 et un autre orgue des frères Silbermann au Temple neuf, deux lieux de culte protestant, alors que Mozart était catholique.

Je tire ces informations de ces deux pages :

J’ai donc eu la grâce d’assister à ce concert exceptionnel qui commémorera, avec quelques mois d’avance, les 200 ans de la visite de Mozart dans la capitale alsacienne.

Alfred Brendel jouera le 25ème concerto de Mozart puis accompagnera Jessye Norman dans un air de concert.

Ce concert fut télévisé et Philips enregistrera ce concert.

Il est encore possible d’acheter ce disque sur des sites de musique dématérialisée comme « Qobuz ».

Brendel poussa l’éthique et le perfectionnisme si haut qu’il n’est pas possible de se tromper quand on achète un disque de ce pianiste, tous sont excellents et ses derniers sont les meilleurs car il n’a fait que progresser tout au long de sa carrière.

Si je peux donner quelques liens internet, je choisirai

Le monde de l’art est riche d’avoir pu compter dans ses rangs cet interprète exceptionnel que fut Alfred Brendel au cours de sa vie terrestre.