Lundi 30 octobre 2023

« Du coup, c’est compliqué … »
Essai de synthétiser la situation en langue moderne

Il y a deux mois j’ai trouvé une publication sur Facebook qui m’a amusé et que j’ai partagé.

Et je dois dire que depuis j’écoute la radio, les émissions trouvées sur Internet, mes échanges avec autrui, jusqu’aux conversations dans la rue ou les transports commun, j’arrive à cette conclusion qu’en effet l’expression « du coup » est devenu extraordinairement fréquente.

Ce dimanche matin j’ai entendu le député LFI Eric Coquerel sur France Info. Dans un discours uniquement tourné vers la responsabilité de l’Etat d’Israël, il a reconnu dans une proposition subordonnée qu’il y avait crime de guerre de la part du Hamas. Plus loin il a dit qu’Israël commettait aussi des crimes de guerre.

Un instant…

Ce qui s’est passé le 7 octobre, c’est le plus grand massacre de juifs, depuis la Shoah, avec des actes d’une barbarie écœurante.

Le Hamas est une organisation islamique, totalitaire, d’extrême droite. Je ne peux même pas comprendre qu’un homme de gauche puisse trouver le début du commencement d’une connivence avec une organisation qui est si loin de ses valeurs déclarées.

La vie des palestiniens et leur aspiration légitime à un État sont très loin de leur priorité qui est l’islamisation de la société palestinienne et de l’Oumma c’est-à-dire de la communauté de l’ensemble des musulmans du monde, puis de l’expansion de cette communauté dans la logique de l’idéologie des frères musulmans.

Je suis atterré que Mediapart, auquel j’étais abonné longtemps et qui sur certains dossiers a fait un travail remarquable et utile soit tombé avec son fondateur Edwy Plenel dans un islamo gauchiste niant l’idéologie et les objectifs de certaines organisations qu’ils défendent. Ce fut encore le cas lors de cette émission <Guerre au Proche-Orient : les dérives du débat français> dans laquelle après avoir une fois de plus dénigré le travail de Florence Bergeaud-Blackler a nié l’évidence du caractère totalitaire du Hamas, sa volonté d’éradiquer la présence juive au moyen orient et son ambition générale concernant l’Oumma, ainsi que les forces à l’œuvre en Occident et en France suivant les mêmes objectifs.

Je reconnais cependant que la présence et les interventions de Latifa Oulkhouir et de Hanna Assouline, déjà évoquée lors du mot du jour du lundi 23 octobre, étaient de qualité et donnaient des éclairages intéressants.

Et puis, il y a aussi l’Iran à la manœuvre.

Et je ne me lasserai pas de répéter ce moment de révélation rationnelle et laïque, lorsqu’en 1979, j’ai entendu une jeune iranienne appeler « la Ligne Ouverte », émission de Gonzague Saint Bris, pour crier sa colère que la gauche occidentale, dont je faisais partie, trouvait génial que Khomeini puisse renverser la dictature honnie du Shah d’Iran.

J’ai raconté cet épisode et aussi la manière dont la gauche et les humanistes iraniens ont été dupés puis persécutés par les monstres qui ont pris le pouvoir en 1979, en Iran : « Vous ne pouvez pas comprendre»

Les frères musulmans, le Hamas, les salafistes et autres font partie de cette même idéologie régressive, totalitaire, expansionniste et absolument opposée à notre manière de vivre, à notre liberté, à nos valeurs.

Alors « du coup c’est compliqué », parce qu’en face du Hamas, du côté des pro-israéliens, il y a aussi une vision unilatérale, violente, exclusive qui s’exprime.

Je pourrais aussi multiplier les exemples j’en prendrai deux.

Le premier est celui du discours télévisé du mercredi 25 octobre du premier ministre qu’Israël s’est donné :

« Ils sont le peuple des ténèbres, et la lumière triomphe des ténèbres. »

Benjamin Nétanyahou promet ensuite de « réaliser la prophétie d’Isaïe » avant de citer une partie du texte. « Il n’y aura plus de voleurs dans vos frontières et vos portes seront glorieuses. ».

Le verset 18 du chapitre 60 du livre d’Isaïe qui est un livre prophétique dit exactement.

« On n’entendra plus parler de violence en ton pays, de ravages ni de ruine en ton territoire, et tu appelleras tes murs ‘Salut’, et tes portes ‘Gloire’».

Il y a d’un côté « le camp du bien » et de l’autre « le camp du mal » et on fait appel à la religion pour éradiquer le mal. Le discours a comme fondement le fait que la force (avec l’aide de Dieu ?) permettra d’obtenir la paix et la fin de la violence.

« Du coup s’est compliqué » et la paix me semble alors très éloignée.

L’autre exemple est celui du député Habib Meyer, lors du discours de Jean-Louis Bourlanges, objet du mot du jour de vendredi dernier.

Lorsque Jean-Louis Bourlanges parle des colonies israéliennes en Cisjordanie, ce député réplique :

« La Judée ne sera jamais une colonie ! »

Faut-il une explication de texte ?

Le député utilise le terme de Judée, terme Biblique utilisé il y a 2000 ans à l’époque du Christ, jusqu’au moment où les romains et Titus ont combattu et chassé les juifs de ces terres parce qu’ils s’étaient révoltés contre l’empire romain.

Et puis il dit : « ce n’est pas une colonie ».

Dès lors, il rejette l’acte de l’ONU de 1947 qui avait autorisé la création en Palestine d’un « État juif » et d’un « État arabe ».

Il se place sur un autre registre, exactement parallèle à celui des islamistes.

Pour les islamistes, cette terre est musulmane selon la volonté de Dieu. Aucun humain et pas davantage l’ONU ne peut en disposer.

Pour les messianistes juifs et comme l’exprime Habib Meyer, cette terre, la Judée est la terre promise par Dieu à son peuple élu. La décision de l’ONU est une simple anecdote ne révélant qu’une partie de la vérité sur cette terre : Elle est aux juifs, il n’y a pas lieu d’en discuter avec les palestiniens ou d’autres humains.

Tant qu’il y a des combats politiques et territoriaux, des compromis sont possibles.

Mais si on jette sur la situation une vision religieuse, nous sommes dans l’absolu, il n’y a pas de compromis possible.

Il n’y a que la violence qui est bien sûr « l’expression de la volonté divine » qui peut être mise en œuvre.

Et c’est ce que fait Israël en bombardant de manière massive, cette prison à ciel ouvert qu’est Gaza. Les chiffres annoncés par le Hamas sont sujets à caution, mais il est certain que des milliers d’enfants, de femmes et d’hommes sont tués ou blessés grièvement avec peu de possibilité d’être soignés. A cela s’ajoute le blocus qui les prive d’eau, de nourriture, d’électricité. C’est un enfer. Des israéliens tombés dans une faille empathique absolue, disent : c’est la faute du Hamas. Peut être, mais ce sont les avions, les missiles et les armes israéliennes qui donnent la mort à beaucoup d’innocents. D’autres israéliens répondent mais eux aussi nous envoient des roquettes et des projectiles pour nous tuer.  Oui, ils répliquent dans ce cas.

Nous sommes dans une tragédie dans laquelle des enfants, des femmes et des hommes souffrent et meurent, pris dans l’engrenage des haines qui se nourrissent  les unes des autres, sans que notre humanité ne soit en mesure de les freiner.

Manon Quérouil-Bruneel, Grande-reporter Paris Match, témoigne dans l’émission du 26 octobre 2023 <C ce soir : La bataille de l’émotion> :

« On est arrivé à un degré de haine des deux côtés qui est terrifiant.

Je suis allé du côté de la Cisjordanie, avec des images du 7 octobre. Il y avait une impossibilité de reconnaître les crimes contre les civils qui avaient été commis par le Hamas.
Même des personnes de l’intelligentsia palestinienne, solidement structurées, remettent en cause ces images.
Parce que, pour eux, c’est un mouvement de libération et qu’il n’aurait pas pu commettre de telles atrocités.
Et côté israélien le choc devant la barbarie est tel que la parole de paix est inaudible.
On n’arrive plus à faire ce travail de compassion, au sens propre, c’est à dire souffrir avec l’autre. »

Ce défaut de capacité de comprendre ou simplement d’entendre la souffrance de l’autre est prégnant non seulement pour les deux peuples qui s’affrontent, mais même pour celles et ceux qui ont pris fait et cause pour l’un des camps.

Il n’y a que de l’empathie pour celles et ceux que l’on défend

Nous sommes dans une rupture d’humanité.

J’ai quand même trouvé ce beau dialogue entre la Rabin Delphine Horvilleur et Kamel Daoud écrivain et journaliste franco-algérien dans « l’Obs » : « Nous devons réaffirmer notre humanité »

Delphine Horvilleur dit au début de l’entretien :

« D’abord, je m’étais dit que j’arrêterais les entretiens. Et puis quand on m’a proposé de dialoguer avec toi, Kamel, j’ai senti combien j’avais besoin de le faire, presque dans un souci de santé mentale. Depuis quelques jours, j’oscille entre une très profonde tristesse, un sentiment de dévastation, et une colère, une rage particulière et un désespoir que je ne connaissais pas en moi qui me suis toujours perçue comme une optimiste. Je suis en manque d’un dialogue humain sensé, empathique, au milieu de cette déferlante de haine et de rage. Je suis en réalité très blessée de trouver si difficilement des interlocuteurs. J’avoue, j’attendais les paroles d’intellectuels musulmans avec qui je dialogue habituellement. Il y en a eu quelques-unes, si essentielles, mais si rares. Quelque chose m’échappe dans ce silence qui me terrasse. J’ai le sentiment d’une immense solitude. »

Et Kamel Daoud répond :

J’aime écouter Delphine. Et je ressens aussi le besoin de dialoguer pour réaffirmer quelque chose de banal qui est l’humanité, face à cette déferlante d’inhumanité qui s’est infiltrée en chacun, dans chaque camp, dans chaque famille. Mais j’ai aussi une colère, elle n’est pas de même valeur que la tienne, je n’ai pas été attaqué comme les Israéliens dans leur maison, j’ai connu autrefois ce genre d’attaque en tant qu’Algérien durant la guerre civile quand les islamistes décapitaient, massacraient et violaient, mais c’est autre chose. Je suis en colère parce que je suis musulman de culture et que dans ma géographie on me refuse le droit à l’expression et à la nuance, parce qu’on voudrait me forcer à une unanimité monstrueuse qui n’est pas la mienne. Je ressens également cette solitude profonde, incomparable avec celle de ceux qui ont perdu des vies, parce que j’ai pris la parole pour dire qu’une cause doit garder sa supériorité morale, qu’elle s’effondre si elle choisit la barbarie et trouve des gens qui la justifient. »

Pourquoi est-il si compliqué de trouver de la compassion pour l’Autre ?

« D. H. La lucidité vient du mot lumière, mais c’est l’éloge de l’obscurité qui prime aujourd’hui. Tu parlais de malentendu, ça m’a fait penser au non-entendu. Après le 7 octobre, ce qui m’a paru le plus fou, c’est que je n’ai pas trouvé de voix palestinienne en France pour dénoncer le Hamas. En fait, et pardon pour ma naïveté, ça me paraissait facile à faire. Cela fait des années que je m’emploie à dénoncer le gouvernement de Netanyahou, l’horreur de l’occupation, la dérive de la société, son hubris, etc., et j’ai été sidérée de ne pas trouver de voix palestinienne en France pour dire « notre cause est juste, les Palestiniens ont le droit d’avoir une terre, mais pas par ces moyens-là ». Même pour Leïla Shahid [ancienne déléguée générale de l’Autorité palestinienne en France, NDLR], dénoncer le terrorisme du Hamas était impossible. Jusqu’à aujourd’hui, je ne m’en relève pas. Ce silence ne trouve pas de place dans mon schéma mental. »

« K. D. Malheureusement, ça ne m’étonne pas, j’ai toujours connu ce « on » et ce « off » dans le discours des intellectuels du Sud. Mais ce qui me frappe, c’est qu’en Algérie ou en Égypte, et dans bien d’autres pays, nous connaissons les méthodes des islamistes, et leur but. […] On le sait que le but des islamistes n’a jamais été de fonder un État palestinien ; le but des islamistes, c’est de précipiter la fin du monde, ils veulent un messianisme qui a abouti, c’est une vision judéophobe dont la finalité est la disparition du peuple juif. Et le Palestinien, dans cette mythologie, est un destin des plus tragiques. Il lui est dit que la fin du monde adviendra le jour où tous les Juifs seront tués et le Palestinien libéré. Mais quelle arnaque ! On lui promet à la fois un pays et la mort, on lui dit « tu vivras libre, mais un instant », au prix de ta disparition et de celle du monde entier. Et le fait que les élites laïques ont opté, dans leur majorité, pour une mécanique de l’affect et de la vengeance, de la douleur et de la frustration, pour soutenir ce rêve, qui est un cauchemar, en oubliant le rêve porté par Arafat – avec certes les errements de son époque –, que des intellectuels succombent à cette illusion en se disant que c’est un moyen, peut-être pourri, d’aboutir à quelque chose, ce basculement vers le rêve de fin du monde en soi comme étant la seule solution possible, est désarmant. »

Et je citerai encore ces deux propos de Kamel Daoud de ce long entretien qu’il est bon de lire :

«  Je suis pour un État palestinien et je crois que l’existence d’un tel État est nécessaire non seulement pour les Palestiniens mais aussi pour ma propre liberté dans mon propre pays, parce que ce problème hypothèque tous nos projets de démocratisation. Mais je ne peux pas adhérer à un projet d’extermination qui refuse l’humanité à chacun. S’il s’agit d’une cause de colonisation et de décolonisation, là je suis solidaire. S’il s’agit d’une cause raciale, arabe, ou confessionnelle, musulmane, je ne peux pas l’être. Ce ne serait pas rendre justice à cette cause et à la volonté de ce peuple d’avoir une terre et une histoire. Ce 7 octobre est une véritable défaite, parce que ce qu’il disait, c’est « on veut la terre pour les Palestiniens avec la noyade pour les Israéliens ».

Et

« Et il y a un autre drame, c’est l’hydre dont parlait Delphine : la guerre fabrique le tueur de demain. C’est le cycle dans lequel nous sommes tous entraînés et ce pour quoi il faut impérativement revoir ce problème à partir de deux grands enjeux. D’une part, l’enjeu de l’humanité de chacun : le droit d’humanité pour l’Israélien et le Juif, pour l’Arabe et le Palestinien. Et d’autre part, l’enjeu démocratique, car plus la Palestine rétrécit, plus le califat imaginaire s’étend. Je demande à Israël comme en Palestine, de faire la paix pour pouvoir me libérer. Tous les propalestiniens, loin de là, ne sont pas d’accord avec ça ! »

Pour conclure le journaliste de « L’Obs » rappelle à Delphine Horvilleur le sermon qu’elle a prononcé le 24 septembre à l’occasion de la fête juive de Kippour

«  Je ne le regrette pas, mais il me fait trembler. Je voulais en effet faire une mise en garde, à partir de nos textes, contre l’hubris de la souveraineté. La Bible, et en particulier le Deutéronome, dit aux Hébreux qui vont entrer sur la Terre promise : « Il arrivera un jour où vous serez souverains sur cette terre, et vous serez menacés par votre puissance parce que vous n’aurez plus conscience de votre vulnérabilité. Vous allez tellement croire à cette puissance qu’elle risque d’être pour vous assassine. »

Et Delphine Horvilleur finit par :

« Dans l’une de ses chansons, Leonard Cohen, qui était présent sur les champs de bataille durant la guerre de Kippour, écrit : « Il y a une brisure dans chaque chose, mais c’est là que la lumière se faufile. » Je veux me raccrocher à cela. »

Cette phrase « There is a crack, a crack in everything, That’s how the light gets in » se trouve dans la chanson « Anthem » de Leonard Cohen

« Ah les guerres elles
Recommenceront
La colombe sacrée
Sera attrapée de nouveau
Pour être achetée et vendue
Et achetée encore
La colombe n’est jamais libre.
Sonnez les cloches qui peuvent encore sonner

Oubliez vos offrandes parfaites.
Il y a une fissure en toute chose.
C’est ainsi qu’entre la lumière. »

Extrait d’Anthem

Du coup, si on laisse parler l’humanisme, qu’on revient à la politique et qu’on limite la religion à s’occuper du spirituel et de l’âme, on pourra peut-être trouver la voie du compromis qui est la seule permettant d’aller vers la Paix.

<1773>

 

Vendredi 27 octobre 2023

« Partout, les forces attachées à la modération, à la coopération et à la paix ont été battues en brèche. »
Jean-Louis Bourlanges, le 23 octobre, à l’Assemblée Nationale

Hier j’ai partagé un cri de colère.

Non ! ce que le Hamas a fait n’est pas un acte de résistance !

C’est un crime contre l’humanité. Ce que ces croyants ont perpétré au nom d’Allah, ne peut s’inscrire dans les valeurs de l’humanité.

Il faut aimer la mort, comme nous aimons la vie pour agir ainsi.

Il faut croire aveuglément à un récit et dénier à celles et ceux qui n’y croient pas, jusque qu’à la dernière parcelle d’humanité.

Non, on ne peut pas considérer que ce qui s’est passé à partir de 7 octobre est une simple riposte entre deux belligérants.

Les crimes du Hamas sont au-delà de ce que nous pouvions imaginer, horreur et atrocité.

Je ne suis plus croyant dans une des religions du Livre. Mais pour les croyants, il y a cette malédiction que je crois légitime pour chacun des assassins du Hamas et de ceux qui les ont envoyés :

« Quand on le jugera, qu’il soit déclaré coupable, Et que sa prière passe pour un péché ! »
Psaume 107 verset 7 dans la traduction de Louis Segond.

Que leurs prières soient péchés !

Il fallait que cette abomination soit dénoncée.

Et le 23 octobre, un vieil homme de 77 ans, est monté, tout essoufflé, à la tribune de l’Assemblée Nationale, au Palais Bourbon.

Il avait du mal à retrouver son souffle. Il finira épuisé, au bord du malaise.

Mais lorsqu’il a vraiment débuté son discours, la magie du verbe et la lucidité de la politique, se sont emparées de ce corps fragile.

Un discours exceptionnel de Jean-Louis Bourlanges, président de la Commission des affaires étrangères et député Modem. Un discours comme il y en eut jadis à la tribune de cette Assemblée, loin des interventions querelleuses et électoralistes qui sont désormais le lot quotidien de la chambre basse de notre parlement.

Il a aussi commencé à poser, ce qui doit être dit :

« Le 7 octobre dernier, cette interminable tragédie a pris un cours décisivement nouveau et d’une gravité exceptionnelle : Israël s’est trouvé confronté à une agression paramilitaire de première grandeur, menée par un Hamas résolu à piétiner tous les principes, toutes les règles, tous les usages régissant les relations entre les peuples, que ceux-ci soient en guerre ou en paix. Si les mots ont un sens, il est clair que l’agression conduite par le Hamas est à la fois terroriste, constitutive d’un crime de guerre généralisé et adossée à un discours à caractère génocidaire assumé. Le Hamas met en scène les pires violences sur les populations dans le seul but d’effrayer et d’intimider : c’est du terrorisme. Le Hamas ne fait la guerre qu’aux civils, c’est la définition même et dans son extension maximale du crime de guerre ! Les fidèles du Hamas n’hésitent pas à appeler non pas uniquement à la disparition de l’État d’Israël, mais à l’élimination des Juifs en tant que Juifs ! C’est l’expression même d’une volonté de génocide porteuse d’un crime contre l’humanité.»

Mais il avait introduit ce propos par un rappel historique essentiel qui fait le constat que la situation conflictuelle au Proche-Orient depuis soixante-quinze ans provient de l’absence d’un État palestinien aux côtés de l’État israélien :

« Le 29 novembre 1947, L’Assemblée générale des Nations unies décidait, par trente-trois voix contre treize, la création de l’État d’Israël tout en prenant soin de proposer l’institution parallèle d’un État palestinien qui, à la suite de la guerre qui a accueilli la décision onusienne, n’a jamais pu voir le jour. De ce vote solennel qui engage la communauté internationale date à la fois le droit imprescriptible du peuple juif à vivre dans un État libre et souverain, et le lancinant problème posé par l’émergence indéfiniment différée de son jumeau palestinien. Israël était né, Ismaël restait dans les limbes ; la tragédie prenait ses marques au cœur d’un Moyen-Orient par ailleurs déchiré par la guerre froide. »

Pour ceux qui manquent de références bibliques, il faut savoir que selon ce récit Ismaël est le fils d’Abraham qui serait le père de tout le peuple Arabe ainsi que de la lignée menant au prophète de l’islam Mahomet. Le second fils d’Abraham sera Isaac qui lui même sera le père de Jacob qui prendra le nom d’Israël et sera l’ancêtre du peuple juif. Ces personnages apparaissent dans les livres de Moïse des juifs et dans le Coran des musulmans. Les croyants de ces deux religions croient à ce récit.

Et puis prenant de la hauteur, Jean-Louis Bourlanges s’est interrogé sur la sécurité à long terme d’Israël :

« Et c’est de la réponse à cette question que doivent dépendre nos réactions à court et à moyen terme, comme celles de l’État hébreu.

Comment un État de 20 770 kilomètres carrés, peuplé de moins de sept millions de Juifs, fer de lance d’une communauté humaine de près de treize millions de personnes, pourrait-il espérer vivre durablement en paix et en sécurité au milieu d’un environnement par hypothèse hostile de plus d’un milliard et demi de musulmans ? »

Et il répond que les murs, les équipements militaires les plus sophistiqués sont une mauvaise réponse :

« Même l’arme nucléaire dont dispose Israël n’est pas de nature à assurer la survie d’un État concentrant toute sa population sur un espace aussi restreint. »

Et puis, il y eut ce développement remarquable de clarté et de lucidité en comparant l’attitude du premier ministre actuel de l’Etat d’Israel avec ses prédécesseurs :

« Face à cette terrible situation, il faut analyser sans œillères ni préjugés ce qui s’est modifié ces dernières années sur la scène moyen-orientale. Comme l’a très justement dit monseigneur Vesco, archevêque d’Alger : « La violence barbare du Hamas est sans excuse mais elle n’est pas sans cause. »

Avant la prise de pouvoir de M. Netanyahou, les grands dirigeants historiques d’Israël, quelle qu’ait été leur sensibilité politique, ont eu une conscience aiguë de cette vulnérabilité après que la guerre du Kippour l’eut rendue manifeste.

Yitzhak Rabin, qui avait vu au plus près le péril de la patrie, a défendu, avec une force de conviction et une volonté politique sans pareille, l’idée qu’il n’y aurait ni paix ni sérénité pour Israël si les Palestiniens ne se voyaient pas reconnaître, eux aussi, un État libre et souverain.

Menahem Begin, venu pourtant de la droite de la droite, a assumé courageusement à Camp David, le choix de la paix avec le principal ennemi d’Israël, l’Égypte post-nassérienne.

Ariel Sharon, qui avait pris la mesure de l’impuissance de la force dans le cadre de l’intervention controversée qu’il avait conduite au Liban, avait, à la veille de l’accident de santé qui devait le terrasser, décidé d’amener son pays à renoncer ses ambitions coloniales en Cisjordanie.

Ces hommes avaient pressenti et pleinement reconnu, pour Yitzhak Rabin du moins, qu’Israël ne trouverait la paix qu’à la condition d’établir avec les États arabes qui l’entouraient, mais aussi avec les hommes et les femmes de Palestine, une relation équilibrée qui supposerait le respect mutuel et le partage des bénéfices de la paix.

La rupture introduite ces dernières années dans la politique israélienne par les gouvernements successifs de M. Netanyahou n’est certainement pas la cause unique de la situation nouvelle, mais elle y a puissamment contribué. »

Jean-Louis Bourlanges dit tout le mal qu’il pense de M. Netanyahou sur le plan militaire mais aussi politique :

« L’essentiel est toutefois d’ordre politique. M. Netanyahou a semblé imaginer que l’établissement de relations apaisées et coopératives avec les voisins arabes d’Israël, ce qui était en soi une excellente ambition et se révélera demain fort utile à la quête nécessaire de l’apaisement, pouvait avoir ce pouvoir indirect, mais précieux à ses yeux, de dispenser Israël de rechercher avec les Palestiniens un accord équilibré et respectueux de leurs attentes et de leurs aspirations profondes.

Bien plus, les accords d’Abraham ayant permis aux États arabes d’abandonner les Palestiniens à leur triste sort, le Gouvernement israélien s’est estimé libre d’engager sans risque une relance rampante mais brutale et déterminée de sa politique de colonisation en Cisjordanie. »

Bien sûr, Israël n’est pas le seul responsable :

« Il serait injuste d’attribuer à l’État hébreu le monopole de la nouvelle brutalisation du monde d’où l’horreur du 7 octobre est sortie. Partout, les forces attachées à la modération, à la coopération et à la paix ont été battues en brèche.
Que les Palestiniens aient eu la tentation croissante et suicidaire de se réfugier dans une sorte de nihilisme politique ne peut, hélas, pas nous surprendre.

Une population sans avenir, donc sans espoir, pouvait-elle être tentée par des partis modérés qui n’avaient rien à lui offrir ? »

Il pointe aussi la responsabilité des Etats-Unis, notamment de Trump et ajoute :

« Comment, dans ces conditions, ne pas voir que ce sont aujourd’hui les héritiers idéologiques des assassins d’Anouar el-Sadate et d’Yitzhak Rabin qui tiennent ensemble la plume de la tragédie qui s’écrit sous nos yeux ?  »

J’avais déjà expliqué dans le mot du jour de lundi, le soutien de l’actuel Ministre de la Sécurité nationale du gouvernement israélien : Itamar Ben Gvir à l’assassin de Rabin, sans oublier que Netanyahou intervenait dans des meetings où une partie des participants appelait à tuer Rabin.

Sadate a été tué par le Jihad islamique égyptien qui est une organisation armée issue des frères musulmans exactement comme le Hamas.

La fin du discours consistera à essayer de trouver le juste niveau de la riposte en épargnant les vies innocentes :

« Dans l’immédiat, il faut impérativement veiller à ce qu’une contre-attaque légitime, dès lors qu’elle vise exclusivement à détruire les moyens militaires de l’agresseur, évite les deux écueils majeurs que chacun a clairement identifiés.
D’abord le risque d’une escalade incontrôlée pouvant conduire à un embrasement général. Derrière le Hamas, il y a le Hezbollah ; derrière le Hezbollah, il y a l’Iran ; derrière l’Iran, il y a la Russie et la Chine. […]

Le deuxième risque majeur est celui d’un anéantissement massif de populations civiles utilisées par les uns comme des boucliers humains et par les autres comme l’exutoire d’une tentation de vengeance,…

…pour reprendre l’expression préoccupante du Premier ministre israélien. »

Et puis il envisage une solution à plus long terme qui ne peut que prendre en compte pleinement le besoin de justice pour la population palestinienne au terme d’une nouveau processus de dialogue basé sur la paix, le besoin de sécurité d’Israël et des concessions réciproques :

« Reste à construire un avenir de paix. La tâche est redoutable en raison du mur de détresse et de haine qui sépare aujourd’hui Israéliens et Palestiniens. Aujourd’hui, il est à la fois trop tard et trop tôt pour instituer deux États en terre de Palestine.

Il est en revanche temps – et même grand temps – de commencer à réaliser les conditions qui rendront possible, le moment venu, cette double création. La première de ces conditions, c’est qu’Israël fasse cesser sa politique de colonisation et reconnaisse enfin que la solution du problème palestinien ne saurait passer par l’exportation, en Égypte, des Palestiniens de l’Ouest et, en Jordanie, des Palestiniens de l’Est.

La seconde de ces conditions consiste à recréer, notamment avec l’appui des États modérés du pacte d’Abraham, une autorité palestinienne active, respectée et capable de prendre à Gaza le relais d’un Hamas en cendres et de négocier un statut respectueux des droits palestiniens. Au-delà du Moyen-Orient, les bonnes volontés existent, comme celle du Brésil, dont la France a eu raison de soutenir le projet de résolution à l’ONU. Il nous appartient de nous associer à leurs efforts.  »

Il en appelle aussi à l’Union européenne dont l’expérience est celle de la réconciliation franco-allemande et qui doit convaincre « Palestiniens et Israéliens de la pertinence de son logiciel de réconciliation. »

Je n’ai pas cité tout le discours mais la plus grande partie.

Si vous voulez voir intégralement, en vidéo, ce moment de haute politique : <Débat du 23 octobre 2023>. Cela commence à 1:05 :00

Vous pouvez aussi avoir, grâce au journal officiel (cela me rappelle mes études de Droit lorsque j’allais régulièrement lire le JO pour prendre connaissance des débats parlementaires.), la retranscription textuelle intégrale du discours de M Bourlanges ainsi que les interpellations agacées et négatives de M Meyer Habib, député républicain, proche du Likoud et ami revendiqué de Benyamin Netanyahou

Le lien se trouve derrière ce lien :

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/seance/session-ordinaire-de-2023-2024/seance-du-lundi-23-octobre-2023

Ce texte permet d’ailleurs de revenir à la vidéo et au moment précis de l’intervention transcrite.

Je n’ai pas grand-chose à ajouter à ce discours équilibré, profond, inscrit dans l’Histoire et qui tente de tracer un objectif pour l’avenir. Le chemin pour y arriver reste compliqué.

Les extrémistes des deux côtés voudraient que l’autre peuple dégage et soit chassé de cette terre. Cela est inadmissible et ne pourrait que conduire à d’autres crimes inouïs.

Il reste à trouver la voie qui permette de faire vivre ces deux peuples dans la Palestine de l’Empire Ottoman puis du mandat britannique, dans la paix, la justice et l’équilibre.

<1772>

Jeudi 26 octobre 2023

« Ce qu’il y a de bien avec les Juifs, c’est que même lorsqu’ils sont innocents, ils sont coupables. »
Alexandra Laignel-Lavastine

Aujourd’hui je partage, une lettre, un cri de colère.

Je n’y ajoute rien, aucun commentaire.

Je vous invite à lire cette tribune, à la recevoir, à l’accueillir.

Après l’avoir lu, vous pouvez évidemment donner libre cours à votre analyse, à vos critiques, à vos désaccords.

Elle exprime un point de vue fort, que certainement beaucoup de membres de la communauté juive, notamment française, ressentent.

C’est une lettre ouverte au Président de la République par une intellectuelle : Alexandra Laignel-Lavastine

Alexandra Laignel-Lavastine est une philosophe, historienne des idées, essayiste, journaliste née à Paris le 17 octobre 1966.

Elle a écrit de nombreux articles dans Le Monde et aussi à Libération, Le Monde des débats, Philosophie Magazine.

C’est une spécialiste du totalitarisme et de l’histoire intellectuelle et politique des pays de l’ex-Europe de l’Est au XXe siècle, elle a aussi beaucoup étudié la Shoah.

Elle s’est notamment intéressée à la shoah en Roumanie : « Grand entretien. Alexandra Laignel-Lavastine autour de «Cartea neagra – Le livre noir de la destruction des juifs de Roumanie 1940-1944»

En 2017, elle a écrit un livre ayant pour titre : « Pour quoi serions-nous encore prêts à mourir ? »

Elle s’est aussi intéressé à la montée de l’islamisme en France « Face à l’islamisme, certains intellectuels « progressistes » sont dangereux »

Cette lettre a été publiée sur ce site <Tribune Juive>

24 octobre 2023
Lettre ouverte au Président Emmanuel Macron à l’occasion de son arrivée en Israël.
Par Alexandra Laignel-Lavastine


Monsieur le Président de la République,

Il semblerait donc que nous vous attendons aujourd’hui en Israël, où je me trouvais quand les barbares du Hamas ont attaqué et massacré ce samedi 7 octobre, et où il va de soi que je me trouve toujours. D’abord, parce qu’on ne déserte pas par temps de guerre. Ensuite, parce qu’il faudrait avoir l’estomac bien accroché pour rentrer dans le pays que vous présidez, où l’esprit public et la classe politico-médiatique — aux habituelles exceptions près depuis vingt ans — a atteint, depuis quinze jours, un degré d’avilissement encore jamais vu. Je suis française en effet, pas même franco-israélienne, enfin pas encore, de ces intellectuels « néo-réactionnaires » qui s’épuisent à alerter depuis des années, de livre en livre, d’article en article, de lettre ouverte en lettre ouverte, en vain. Nous prêchons tous dans le désert.

Nous espérions vous voir ici un peu plus tôt, question d’honneur en la circonstance, « en même temps » que d’autres chefs d’État. Mais nous subissions un déluge de missiles, qui auraient déjà fait des milliers de morts en Israël si les autorités s’y comportaient comme le Hamas : interdire aux civils de s’abriter dans les abris-bunkers, en l’occurrence cinq étages de tunnels et de cité souterraine sous Gaza.

Et les missiles, M. le président, vous n’avez peut-être pas l’habitude. C’est dire si la prudence s’imposait, comme elle continue de s’imposer dans l’Hexagone face à nos islamistes locaux et autres idiots utiles du Hamas, qui sévissent en toute liberté et devant lesquels nous nous couchons depuis les massacres de Mohamed Merah en 2012, avec une lâcheté et une complaisance collectives qui n’ont d’égale que notre obstination dans l’art criminogène de se crever les yeux, y compris face à l’explosion de l’antisémitisme, toujours un symptôme indiquant que l’ensemble du corps social est malade.

Nous allons payer extrêmement cher cette indignité, les réjouissances ayant déjà commencé, vous entrouvrez peut-être un œil. Israël aussi s’était endormi, avec le résultat que l’on sait. Les massacres des kibboutz seront pour demain en France, dans nos foyers lunaires. Les même pathétiques rodomontades à chaque fois : on allait avoir « un avant et un après », après Merah, après Charlie, après le Bataclan, après Nice, après Samuel Paty, etc. etc. Or, non seulement nous n’avançons pas, mais nous régressons après chaque tuerie. Elles ne se cumulent pas, elles s’annulent.
On nous a expliqué que vous attendiez le cadre d’un « agenda utile » avant de nous faire grâce de votre personne sur place : des négociations de paix avec le Hamas, ou peut-être avec le Hezbollah ou les deux?

Au point où nous en sommes… Car nous sommes en juin 1940.
Un « agenda utile » ? Une formule qui inspire trois attitudes possibles : le fou rire (un peu nerveux par ici ces temps-ci) pour les plus conscients du désastre français, la perplexité pour les plus aveugles et la fascination pour tous : comment peut-on être aussi décalé ? Je tiens toutefois à vous rassurer si d’aventure vous changiez d’avis : on vous accueille par politesse, ici presque personne ne vous connaît et la France ne représente plus rien, devenue une minuscule province à peine capable d’aligner 15 000 soldats opérationnels, dont mon propre fils a longtemps fait partie dans une unité parachutiste (une précision au cas où l’on me donnerait des leçons). Vu d’Israël, où l’on vient de mobiliser près de 400 000 combattants, une farce.

Comment résumer ce en quoi s’illustre notre beau pays depuis le 7 octobre ? On ne sait trop par quoi commencer. D’abord, il y eut les cinq minutes d’émotion rituelle inspirées par un carnage à grande échelle, le plus abject depuis la Shoah : 1 400 victimes en un jour. Une petite cinquantaine, voire moins, nous expliquaient encore doctement certains journaux hexagonaux plusieurs jours après, l’AFP à l’appui… L’émotion : il est vrai que des bébés décapités, des femmes enceintes éventrées, des enfants et des jeunes filles violées et égorgés, des familles brûlées vives ou déchiquetées à la grenade, des êtres démembrés ou découpés à la tronçonneuse (oui, ils avaient aussi des tronçonneuses), des gosses survivants cachés et silencieux sous le corps de leurs parents et j’en passe, cela n’arrive pas non plus tous les jours.

Mais c’était tout de même bien embêtant. D’abord, ces habitants des kibboutz du sud, tous de gauche, étaient aussi en première ligne depuis longtemps pour inviter les Gazaouis à travailler avec eux dans les champs — ils croyaient en la paix. Or ce sont pour partie ces travailleurs et ces gentils voisins, en plus des terroristes infiltrés, qui les ont trucidés.

Comme pendant la Shoah : le rôle central joué par les voisins, qui se transforment en bêtes sauvages du jour au lendemain.
Grâce à eux, ce 7 octobre, les terroristes disposaient des plans très détaillées de ces kibboutz pastoraux où ils étaient bienvenus.

Très embêtant aussi, l’héroïsme de tous, de tous ces « sionistes ». Des civils, des jeunes ou des pères de famille qui sont immédiatement sortis de chez eux, avec ou sans armes, pour défendre les villages et sauver des jeunes gens qui dansaient à la Rave Party. L’héroïsme absolu des soldats et des policiers, de garçons et de filles en tout petit nombre, présents ou arrivés spontanément sur place quand ils ont commencé à comprendre, appelés au téléphone par les suppliciés tapis dans les bunkers, se battant pendant plus de vingt heures d’affilée parfois, avec un simple pistolet, contre des hordes de monstres surarmées.
Des héros n’hésitant pas à se sacrifier et à sauter eux-mêmes sur les grenades (les terroristes en avaient deux mille) pour protéger les familles ou leurs camarades. Un héroïsme dont, en France, on n’a plus idée. Les mots manquent, oui, pour décrire l’horreur. Les représentations mentales nous manquent désormais aussi, en France, pour appréhender ce courage.

On a donc vu sur « Cnews » Frédéric Taddéï s’empresser d’inviter la sociologue Laetitia Bucaille sur son plateau, « professeure » à l’INALCO et membre de l’Institut universitaire de France (IUF), un lieu d’excellence intellectuelle, pour nous expliquer que nous ne disposions d' »aucune preuve de ce qu’il s’était passé » le 7 octobre… L’animateur en question, venu de « Russia Today », la télévision de M. Poutine, jubilait, cela va de soi, sans la reprendre. Tout comme il jubilait déjà après Charlie sur « France 3 » en invitant Emmanuel Todd qui nous expliquait alors que les frères Kouachi étaient en fait des victimes (de la France catholique rance et discriminante), si bien que les victimes étaient les vrais bourreaux, nous avions mal vu (j’étais ce jour-là sur le plateau, invitée en néo-réac de service pour feindre la discussion « équilibrée »).

Frédéric Taddeï a-t-il été viré depuis ce scandaleux « dialogue » avec Madame Bucaille ? Non. Un ou plusieurs chroniqueurs de la chaîne, des esprits à l’endroit et courageux, pour mettre leur démission dans la balance ? Personne. Et Madame Bucaille, virée de sa fac ? Le minimum syndical. Non plus. La direction de l’INALCO ? Elle est « outrée » et ne bougera pas une oreille.

En Suisse, au même moment, un autre « professeur » s’est distingué par un propos négationniste similaire. Viré sur le champ et sans préavis. Nos amis helvétiques sont plus vigoureux.

À propos des universités, l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), notamment (où j’ai enseigné jadis) s’est, elle aussi, illustrée au lendemain du carnage par un communiqué émanant d’un syndicat étudiant pour pratiquer le même type de discours : nous avions affaire à « une forme de résistance à l’occupation sioniste » (Gaza n’est plus occupée depuis 2005, sinon par une dictature totalitaire). Le poisson pourrit toujours par la tête. Et il se décompose depuis longtemps, nos facultés et nos Grandes écoles s’étant islamo-wokisées en diable dans une quasi indifférence, les lanceurs d’alerte n’étant pas plus entendus sur ce point que sur d’autres.

Mieux, « France-Culture » s’est empressée de réinviter la sociologue de l’INALCO dès le lendemain, à ses « Matins », pour derechef éclairer l’opinion publique. Il fallait le faire ! Et sur quoi portent cette semaine « Les Chemins de la philosophie » sur cette même station ? Sur la « compromission » des grands intellectuels roumains des années 30 avec le fascisme et les pogroms (j’ai écrit aussi quelques livres là-dessus). Une voix pour oser faire remarquer au micro qu’on assistait à la même compromission en France depuis dix jours ? Non, bien sûr. Business as usual.

En fin de semaine, on évoquera dans cette émission le courage des dissidents d’Europe de l’Est, de Vaclav Havel et de Jan Patocka. Comme si de rien n’était, comme si, eux, auraient laissé passer pareille ignominie.

Le bal des faux-cul. Je ne généralise pas, je ne parle pas des admirables exceptions, là encore, une miraculeuse poignée dans la veulerie ambiante, à l’instar des rebelles de l’An 40 : les Georges Bensoussan, les Abnousse Shilmani et quelques autres intellectuels et journalistes, des guerriers du verbe et de la plume qui, comme après « l’étrange défaite » que nous sommes en train de revivre en live, sauvent l’honneur. Force est néanmoins de constater leur rareté.

Phase II, il y eut heureusement cette roquette, tombée sur un hôpital de Gaza et ses quelque « 500 victimes », soi-disant tirée par les méchants, donc les sionistes. Une bénédiction. Ouf ! En fait, un missile lancé par le Hamas et retombé sur le parking pour un bilan revu à quelques dizaines de morts. On l’a su très rapidement. Mais c’était trop beau, il fallait s’engouffrer dans la brèche toutes affaires cessantes.

Même vous, M. le président, avez commis la lourde faute de twitter bien vite. Et voilà la plupart des médias français reprenant aussitôt la propagande de l’organisation terroriste massacreuse, car on a toujours tendance à croire ce que l’on a envie de croire. Or, c’était irrésistible !

Puis le démenti est arrivé, preuves formelles à l’appui. Subitement, la roquette du Hamas n’a plus intéressé grand-monde, pas plus que les 450 autres ayant loupé leur cible depuis le 7 octobre pour atterrir sur la bande de Gaza et ses civils. Il en va ainsi, du reste, lors de toutes les attaques du Hamas depuis de nombreuses années, un classique, comme à l’été 14, mais l’ignorance est crasse car elle souhaite le rester.

Ce qu’il y a de bien avec les Juifs, c’est que même lorsqu’ils sont innocents, ils sont coupables. Jouissance, donc, avec cette roquette inopinée : les Juifs, pardon les sionistes, coupables de « génocide »(LCI) et de « crime contre l’humanité »… On a choisi les mots. Soulagement ! On a même vu Pierre Moscovici, ancien ministre et actuel président de la Cour des comptes, se précipiter à l’antenne de « i24News » pour expliquer qu’il faudrait nommer « une commission d’enquête indépendante ». Un esprit très mal tourné pourrait songer à la fable de La Fontaine, « Le chat, la belette et le petit lapin », « sa majesté fourrée », « un saint homme de chat, expert sur tous les cas ». Son père, le psychosociologue Serge Moscovici (dont j’ai publié chez Grasset les mémoires posthumes en 2019, Mon Après-guerre à Paris), un Grand, a survécu au pogrom de Bucarest de janvier 1941, qu’il décrit de façon stupéfiante dans ce livre. La fillette alors massacrée avec d’autres aux abattoirs de la ville par les fascistes de la Garde de fer, suspendue à un croc de boucher, portait autour du coup un écriteau : « Viande cascher », une image qui avait horrifié le monde entier… Nous n’en sommes donc plus là.

En si bon chemin, Qui a-t-on invité, cette même semaine, à « Sud-Radio » ? Jean-Jacques Bourdin a réfléchi et il a opté pour la député Danièle Obono, bien connue pour sa clairvoyance face à l’islamisme. Rien de plus urgent que de l’entendre, sachant d’avance ce qu’elle allait dire. Le Hamas, une organisation qui « résiste » au crime d’occupation, etc. « Apologie du terrorisme », a dégainé à juste titre votre ministre de l’Intérieur en saisissant le procureur. Résultat ? Elle vient d’être élue pour siéger, à partir du 6 novembre, à la Cour de justice…

À propos de ministère de l’Intérieur, qu’attend d’ailleurs votre ministre, M. le Président de la République, pour enfin autoriser — et même obliger — ses policiers à porter leur arme de service pendant leur congé, au-delà du trajet entre leur domicile et leur caserne ou leur commissariat, comme le veut jusqu’à présent la règle (un sketch) ? Le b-a ba d’un maillage plus serré du territoire s’agissant de mieux protéger leurs concitoyens, par exemple quand nos forces de l’ordre sont au cinéma en famille, dînent dans une pizzeria ou se promènent au jardin d’acclimatation avec leurs enfants, dans l’hypothèse où des énergumènes issus de nos quartiers émotifs se mettraient à mitrailler dans le tas. Vous avez peut-être fini par le comprendre, cette éventualité n’est plus à exclure.

Même chose pour nos militaires, en particulier nos officiers, et cela dépend du ministère de la Défense. Mais à sa tête, et à un quart d’heure avant une possible troisième guerre mondiale, celui-ci paraît tout aussi à l’Ouest.

Vous n’en êtes pas moins, M. le président, le Chef des Armées. Vous pourriez avoir votre mot à dire. C’est ainsi qu’en Israël, une nation de soldats, des dizaines de morts sont évités chaque année. Cela ne requiert aucun moyen, juste un brin de jugeote et une circulaire. J’ai soufflé en direct cette suggestion à des camarades qui se trouvaient sur le plateau de « Cnews » lors de l’intervention de M. Darmanin il y a quelques jours, par portables interposés. La question ne fut pas posée et elle ne le sera sans doute pas. Je la formule depuis 2015, en vain naturellement. Nous restons à des années lumières du réel.

Sans jamais nous lasser, hier soir, dimanche, nous avons remis cela à la télévision. Quelle autre « personnalité » encore sur un plateau ? Le député Alexis Corbières, encore un convive de marque, pour nous servir ses habituelles circonvolutions. Mais il y a toujours un autre invité en face pour accepter de « débattre » avec lui, en l’occurrence Alain Bauer, il est vrai très agacé.

Si tout le monde refusait (mon cas depuis 2015), on n’inviterait plus M. Corbières car il n’aurait plus de vis-à-vis. Mais comment résister à une invitation télévisuelle ? Convoquer le député France Insoumise était sans doute d’autant plus pressant que sa fille de 21 ans, une islamiste radicalisée, dont la maman est Raquel Garrido, autre tête pensante du parti de M. Mélenchon, venait de twitter : « Alors g ptet pas d’âme, mais ils me font pas du tt de peine, je les trouve mm plutôt chiants, surtt les gosses », allusions aux otages du Hamas détenus à Gaza, dont on n’ose imaginer le calvaire. Abject. Les parents ne sont certes pas responsables des déraillements de leurs enfants majeurs. Mais enfin…

La rue ? On a des manifestations monstres, dites « pro-palestiniennes », en vérité « pro-Hamas », ce qui n’échappe à personne, mais qu’il ne conviendrait pas d’interdire. Encore et toujours le choix des mots car appeler un chat un chat, nous n’en sommes plus capables. Sur une pancarte brandie par une jeune fille, parmi mille autres, Place de la République, oui, de la République, on avait il y a trois jours : « Vous avez pleurés 40 faux bébés israéliens. Où êtes-vous pour les 1000 enfants palestiniens tués ? » Cette demoiselle fâchée avec l’orthographe (on se demande comment, du reste, l’Education nationale se portant si bien) doit ignorer que les enfants en question servent au Hamas de boucliers humains, l’organisation « caritative de résistance » déployant tous les moyens possibles pour empêcher les malheureux d’évacuer vers le sud (en plus de leur interdire l’accès aux tunnels protecteurs pendant les bombardements).

Car plus il y a de « martyrs », plus le sang coule, plus le Hamas, dont on sait l’importance qu’il attache à la vie humaine, peut compter d’idiots utiles en France, en Europe et dans le monde, toujours au rendez-vous. C’est tout bon. Et que voit-on fleurir après les massacres du 7 octobre si on va faire ses emplettes au Printemps, à Paris, ces jours-ci ? Une belle affiche, où on lit ceci : « La torture des enfants palestiniens par Israël et l’occupation sioniste ». On se frotte les yeux. À ce seuil d’affaissement national, on pourrait être tenté de rendre les armes.

Je m’arrête ici, la liste serait trop longue. En deux semaines, la France, la vôtre, M. le Président, celle que vous allez représenter demain en Israël, s’est surpassée. Je n’aimerais pas être à votre place. [….]

En France, il n’est plus question que de l’aide humanitaire à Gaza et des bombardements de l’armée israélienne, un pays dont on se demande comment il ose se défendre. Et tenir à ce point à éviter d’autres carnages, au Sud comme au Nord, s’il laissait la menace prospérer comme on sait si bien le faire dans le pays qui vous a élu à la tête de l’Etat à force de regarder ailleurs. On me rapporte toutefois de source bien informée qu’on commence à observer une certaine fébrilité au sein de notre classe politique. Un avant et un après ? Pour l’heure, nous en sommes très loin, mais on aimerait malgré tout croire en un miracle. »

<1771>

Mardi 24 octobre 2023

« Le voyage à Nantes. »
Souvenir personnel d’il y a un an lundi 24 octobre 2022

Le voyage à Nantes est pour les nantais un concept touristique.

Le Voyage à Nantes est d’abord un organisme touristique chargé de la promotion via la culture de la destination de Nantes, créé en 2011 sous la forme d’une société publique locale.

C’est ensuite un parcours pérenne d’une cinquantaine d’étapes, dans la ville de Nantes, matérialisé par une ligne verte tracée au sol qui conduit le visiteur d’une œuvre originale d’un artiste d’aujourd’hui à un monument du patrimoine, célèbre ou méconnu.

Pour un grand nombre de français, le voyage de Nantes fait songer à une chanson bouleversante de Barbara.

Une chanson d’Adieu.

D’adieu à son père incestueux.

Elle entreprit le voyage à Nantes pour le rencontrer une dernière fois avant qu’il ne meure.

Mais elle n’est pas arrivée à temps.

Le titre exact du voyage à Nantes est simplement « Nantes ».

Il pleut sur Nantes
Donne-moi la main
Le ciel de Nantes
Rend mon cœur chagrin
Un matin comme celui-là
Il y a juste un an déjà
La ville avait ce teint blafard
Lorsque je sortis de la gare
Nantes m’était alors inconnue
Je n’y étais jamais venue
Il avait fallu ce message
Pour que je fasse le voyage
Madame soyez au rendez-vous
Vingt-cinq rue de la Grange aux Loups
Faites vite, il y a peu d’espoir
Il a demandé à vous voir
À l’heure de sa dernière heure
Après bien des années d’errance
Il me revenait en plein cœur
Son cri déchirait le silence
Depuis qu’il s’en était allé
Longtemps je l’avais espéré
Ce vagabond, ce disparu,
Voilà qu’il m’était revenu
Vingt-cinq rue de la Grange aux Loups
Je m’en souviens du rendez-vous
Mais j’ai gravé dans ma mémoire
Cette chambre au fond d’un couloir
Assis près d’une cheminée
J’ai vu quatre hommes se lever
La lumière était froide et blanche
Ils portaient l’habit du dimanche
Je n’ai pas posé de questions
À ces étranges compagnons
J’ai rien dit, mais à leur regard
J’ai compris qu’il était trop tard
Pourtant j’étais au rendez-vous
Vingt-cinq rue de la Grange aux Loups
Mais il ne m’a jamais revue
Il avait déjà disparu
Voilà tu la connais l’histoire
Il était revenu un soir
Et ce fut son dernier voyage
Et ce fut son dernier rivage
Il voulait avant de mourir
Se réchauffer à mon sourire
Mais il mourut à la nuit même
Sans un adieu, sans un je t’aime,
Au chemin qui longe la mer
Couché dans le jardin de pierres
Je veux que tranquille il repose
Je l’ai couché dessous les roses
Mon père, mon père
Il pleut sur Nantes
Et je me souviens
Le ciel de Nantes
Rend mon cœur chagrin

Pour moi, aujourd’hui, « le voyage à Nantes » est le trajet en train que j’ai entrepris, il y a un an, lundi 24 octobre 2022, avec Annie.

Mon but était de voir encore une fois mon grand frère, avant qu’il ne soit trop tard.

Les nouvelles étaient mauvaises. 40 jours auparavant Gérard m’avait appris qu’il était atteint d’une leucémie aigüe. Mais lors du weekend, les médecins avaient brusquement donné le signal de l’urgence absolue.

Alors, avec Annie nous avons pris le TGV pour Nantes à 15:30 avec une arrivée prévue à 19:50.

A 16:50, ce TGV va s’arrêter en pleine voie, une panne électrique en est la cause.

Il sera toujours arrêté quand à 17:25, Gérard expira pour la dernière fois.

Son fils Gregory m’a tout de suite informé :

« Papa vient d’avoir son dernier souffle. »

C’était mon Grand Frère, puisque lui m’appelait toujours, alors que j’avais 60 ans passé, « mon petit frère ».

Il est vrai que 11 ans nous séparaient.

Le train arrivera à Nantes à 22:10 avec 2h20 de retard


« La vie est une drogue.
La mort est son sevrage qui nous rend plus jeunes encore qu’au berceau où nous sommes saturés de gloires.
Il y a deux forces inépuisables dans le monde, celle des nouveau-nés et celle des morts.
Le seul fait de vivre, d’être jeté au monde, comme on est jeté aux chiens, nous crée un devoir envers ceux qui nous ont précédés sur ce chemin, sous cette charmille, dans ce cyclone.
Les morts nous ont menés, siècle après siècle, au rivage de la vie. Nous leur devons bien un peu de lumière.
Être dignes d’eux, ne pas abîmer ce qu’ils n’ont plus.
Nous avons le devoir d’enchanter le bout de tissu que nos doigts de nouveau venu serraient au fond du berceau.
Ce tissu est la vie entière, légère, froissable. »
Christian Bobin, « Le muguet rouge » page 40

Bobin l’enchanteur est mort le 23 novembre 2022, soit trente jours après mon grand frère

<1770>

Lundi 23 octobre 2023

« Si la haine répond à la haine, comment la haine finira-t-elle ? »
Bouddha

Une actualité violente chasse l’autre :

On ne parle presque plus de la guerre que la Russie mène à l’Ukraine et plus du tout de l’épuration ethnique au Haut Karabakh.

On parle des crimes abjects et inimaginables que les terroristes du Hamas ont perpétré pendant leur attaque contre Israël du 7 octobre.

Avant de parler des bombardements de l’armée israélienne sur la prison à ciel ouvert de Gaza, je voudrais quand même renvoyer vers un article qui raconte le 7 octobre : « On n’avait pas vu de telles images depuis le régime nazi »

Alors, bien sûr on peut passer son chemin, se protéger de l’horreur, ne pas sombrer avec la folie meurtrière des hommes.

Mais si on veut essayer de comprendre, comprendre la sidération de la communauté juive mondiale, le désir de vengeance, la haine, il n’est pas possible de passer son chemin.

Cet article relate ce que les soldats de la base de Shura, dans le centre d’Israël, transformée en morgue géante et en service d’identification des corps ont vu et vécu.

« Depuis le carnage du 7 octobre, [ l’article est du 20 octobre ] cette morgue géante aménagée sur la base du rabbinat militaire a reçu plus de 1300 cadavres, souvent méconnaissables. Ces derniers jours, l’armée en a ouvert les portes à la presse afin de faire connaître l’ampleur des sévices infligés aux victimes. « Parce que vous êtes journalistes, prévient le colonel Weissberg, vous savez qu’en temps de guerre chaque camp s’efforce d’imposer sa vérité aux dépens de l’adversaire. Mais dans ces circonstances exceptionnelles, vous avez le devoir de me croire. De toute façon, toutes les horreurs dont nous allons vous parler ont été filmées par les terroristes puis diffusées sur les réseaux sociaux. Et je peux vous assurer qu’on n’avait pas vu de telles images depuis le régime nazi. »

Les corps sont méconnaissables, mutilés montrant une ampleur de sévices infligés aux victimes défiant absolument notre humanité.

« Depuis quelques années, on s’entraînait en prévision d’une tuerie de masse en se disant qu’on devrait ce jour-là être capables d’accueillir des dizaines de dépouilles à la fois, sourit tristement Shery, une volontaire qui a rejoint l’unité pour s’occuper spécifiquement des femmes soldats. Mais jamais on n’aurait imaginé être confrontés à une telle abomination.»

L’article donne des éléments concrets de cette inhumanité.

Je n’en ferai pas la liste, le podium de l’horreur n’a pas de sens.

Mais je m’arrêterai sur l’un de ces crimes contre l’humanité, je cite le colonel Weissberg :

« Que dire lorsque vous découvrez le corps d’une femme enceinte tuée par un terroriste qui lui a ouvert le ventre, puis en a extrait le fœtus avant de leur couper la tête à tous les deux ? ».

Oui que dire ?

Le criminel veut éradiquer toute vie, la vie juive, jusqu’à sa racine.

Et ce crime a été commis au nom d’Allah.

Au début, le conflit de la Palestine était un conflit territorial, certes les uns étaient de confession juive et les autres de confession musulmane, mais aussi chrétienne, mais la religion n’était pas prégnante dans cette opposition.

Elle l’est devenue, c’est ce qu’écrit Sylvain Cypel dans l’hebdomadaire « Le Un » : « Le conflit a basculé de national à religieux »

Le Hamas veut créer un état islamique et se bat au nom de son Dieu qui lui a donné cette terre selon sa croyance. Et du côté israélien, il y a aussi des combattants de la Foi qui affirment que ce n’est pas la décision de l’ONU qui leur a donné cette terre, mais leur Dieu qui justifie leur présence sur la terre promise. La Cisjordanie, dans leur bouche, devient la Judée Samarie, appellation biblique.

On disait parfois que la musique adoucit les mœurs, ce qui selon mon expérience n’est que partiellement exact pour les interprètes.

Mais notre expérience collective montre que la religion n’adoucit pas non plus les mœurs. Elle parvient à compliquer encore davantage des situations qui le sont déjà, et dans le cas qui nous occupe parvient à déchainer encore davantage la violence.

Et maintenant Israël réagit et bombarde la bande de Gaza.

Les 2,3 millions d’habitants ne sont pas le Hamas, mais le Hamas est parmi eux.

Ces habitants sont enfermés dans cette bande, ils ne peuvent pas la quitter, Israël et l’Egypte les en empêchent.

C’est dans ce numéro du « Un » qu’est reproduit la phrase du Bouddha mise en exergue :

« Si la haine répond à la haine, comment la haine finira-t-elle ?»

J’ai été bouleversé par cette <Video> mise en ligne par une journaliste indépendante israélienne : Or-ly Barlev 

Elle a filmé ce témoignage d’une résidente survivante du kibboutz Be’éri, âgée de 19 ans, qui au delà de son désarroi et de sa douleur parvient à se hisser au-delà de la vengeance et s’en prend à Benyamin Netanyahou qu’elle appelle Bibi :

« Il a décidé de nous jeter le dôme de fer, plutôt que d’arriver à une solution politique »

Il y avait un processus de paix.

Benyamin Netanyahou n’en voulait pas.

Sur le site de Radio France, le journaliste Charles Enderlin rappelle en 2020:

« Vous savez, Benyamin Netanyahou, l’actuel Premier ministre de l’État d’Israël, était à la tête des manifestations place de Sion à Jérusalem, où la foule hurlait « À mort. Rabin, par le feu, par le sang, nous expulserons Rabin ». »

Et en face, le Hamas faisait des attentats contre les israéliens pour saboter le processus. Charles Enderlin écrit :

« Dès le début du processus d’Oslo, les extrémistes des deux camps se sont mis à l’œuvre. Le Hamas a décidé de tout faire pour empêcher la création d’un État palestinien au côté de l’État d’Israël car pour les islamistes radicaux, il n’est pas question de permettre un État juif en terre d’islam. Et pour les nationalistes messianiques juifs, il n’est pas question de permettre une Palestine libre et indépendante en terre d’Israël. Au début de l’année 1994, quelques mois après la signature des accords d’Oslo, un terroriste juif a massacré 29 Palestiniens en prière dans le caveau des Patriarches à Hébron. Cela a donné le prétexte aux islamistes de Gaza pour lancer des campagnes d’attentats suicides qui, bien entendu, ont contribué à la détérioration de l’image du processus de paix dans le public israélien. L’insécurité a commencé à régner dans les rues israéliennes. »

Aujourd’hui Netanyahou est à la tête d’Israël et le Hamas gouverne Gaza.

Rabin lui disait :

« Je continue le processus de paix comme s’il n’y avait pas d’attentats, et je lutte contre les attentats comme s’il n’y avait pas de processus de paix »

Personne ne sait si Rabin aurait pu mener le processus de Paix à son terme. Mais il en avait la volonté car il savait que l’avenir d’Israël en dépendait.

Aujourd’hui ce sont ses ennemis et les supporters de son assassin qui sont au pouvoir.

Yitzhak Rabin a été assassiné, le 4 novembre 1995 au soir, de deux balles tirées à bout portant dans le dos par un messianique exalté juif.

<Cet Article> raconte que Itamar Ben Gvir a demandé en 2007 la libération de l’assassin de Rabin : Yigal Amir.

Itamar Ben Gvir est l’actuel Ministre de la Sécurité nationale du gouvernement israélien.

Il exposait jusqu’en 2020 dans son salon une photo de Baruch Goldstein, l’auteur du massacre d’Hébron cité par Charles Enderlin. Il a déclaré l’avoir retirée en janvier 2020 après s’être aperçu que cela pouvait lui nuire politiquement. Il continue toutefois de revendiquer son admiration pour le terroriste. C’est ce que vous pourrez lire dans cet article de <Times Of Israel>

Ce que le Hamas a fait le 7 octobre constitue un paroxysme de haine.

Mais la haine ne peut pas vaincre la haine, elle ne peut que l’exacerber.

En France, il existe un mouvement de femmes : « Les guerrières de la paix » fondé en mars 2022 qui rassemblent des femmes musulmanes et juives convaincues que seules la Paix et la prise en compte de l’autre constitue une issue à toute cette haine.

Les deux co-presidentes sont Fatima Bousso et Hanna Assouline.

Cette dernière avait été invitée par Karim Rissouli dans son émission « En société » sur France 5 du dimanche 22 octobre 2023.

Hanna Assouline qui dit (reproduit sur cette page de Radio France) :

« Il faut savoir nommer les choses. Nommer l’horreur des massacres perpétués par le Hamas, celle des civils qui meurent sous les bombardements israéliens. [mais] il est important de réaliser que parler d’une souffrance n’en invisibilise pas une autre. »

Vous trouverez derrière ce lien <Guerrière de la Paix> un documentaire de 50 minutes sur ces militantes de l’espoir en Palestine et en Israël.

<1769>

Mardi 17 octobre 2023

« Je n’aurai pas le temps […] de visiter toute l’immensité d’un si grand univers. »
Texte de Pierre Delanoë, chanté par Michel Fugain et titre d’un ouvrage de Hubert Reeves

Nous sommes dans un monde de violence.

Et la violence, hélas, mille fois hélas, paie.

L’israélien fanatique qui a tué Yitzhak Rabin a gagné, le processus de paix engagé par les accords d’Oslo a été enterré.

L’Azerbaïdjan a récupéré le Haut Karabakh par une violence inouïe, elle a gagné, personne ne proteste, ou si mollement.

Poutine a usé de violence sur tous les fronts. Nous avons l’intuition qu’il va garder la Crimée et une partie de l’Ukraine. Par lassitude nous accepterons cette situation de fait.

Les islamistes monstrueux qui ont pratiqué le carnage de Charlie Hebdo ont gagné, plus personne ne caricature le prophète de l’islam.

Cette religion que certains veulent voir ou proclamer comme une religion de paix et qui aujourd’hui dans le monde fonde des régimes odieux et des organisations criminelles à l’égard des femmes, des idées, de la connaissance et de ceux qui ne croient pas ou ne suivent pas leur récit intégriste.

Ce n’est au nom de la Palestine mais au cri de la formule du « takbir » que les criminels du Hamas ont tué, massacré, mutilé enfants, femmes et hommes parce qu’ils étaient sur le sol de l’État d’Israël, juifs et aussi non juifs

Le takbir est cette expression arabe, utilisée dans l’islam : « Allahu akbar » ou « Allahou akbar » parfois transcrite « Allah akbar », qui signifie « Allah est [le] plus grand ».

Nous pouvons craindre que ces actes de terrorisme, ces crimes de guerre et ces crimes contre l’humanité, car ces 3 appellations correspondent, toutes les trois, à la réalité des faits, vont entrainer encore plus de violence et de chaos, ce que les odieux stratèges du Hamas avaient anticipé.

Alors, cela fait du bien de parler d’un homme doux, d’un homme sage, d’un humain qui a cherché à comprendre le monde, non en cherchant de manière abêtissante dans des récits proclamés « sacrés » une vérité qui ne s’y trouve pas, mais en observant l’univers, en l’étudiant humblement, en faisant des expériences et en acceptant de distinguer entre ce que l’on pouvait savoir, ce qui était probable et l’immensité de ce que l’on ne savait pas.

Cet homme qui disait :

« Quand il y a plusieurs hypothèses, c’est qu’on ne sait pas »

Cet homme était Hubert Reeves, il est parti rejoindre les étoiles ce vendredi 13 octobre 2023 à 15:15 . Il avait 91 ans

En 2008, il a publié un livre de 348 pages : « Je n’aurai pas le temps » dans lequel il parle de son parcours, de son enfance québécoise à sa carrière scientifique internationale, de son milieu familial à sa renommée médiatique et à ses engagements écologiques.

Il décrit la quête de cet ouvrage de la manière suivante :

« Le motif de ce livre peut se résumer en ces quelques mots : « un homme et son métier ». Comment ai-je atterri dans ce monde de la science ? Que m’a-t-il apporté ? Que lui ai-je apporté ? Je parlerai de mes moments de bonheur, d’euphorie, et aussi de mes frustrations. Je décrirai les projets que j’ai poursuivis et comment ils m’ont amené à visiter le vaste monde. »

Le titre de son livre a été inspiré directement de <cette chanson> de Michel Fugain dont les paroles ont été écrites par Pierre Delanoë

« Je n’aurai pas le temps
Pas le temps
Même en courant
Plus vite que le vent
Plus vite que le temps
Même en volant

Je n’aurai pas le temps
Pas le temps
De visiter
Toute l’immensité
D’un si grand univers
Même en cent ans
Je n’aurai pas le temps
De tout faire »

« La terre au carré » de Mathieu Vidard a consacré un <Hommage à Hubert Reeves> en rediffusant des parties d’émissions auxquelles il a participé. La première d’entre elles était consacrée à la sortie de ce livre « Je n’aurai pas le temps »

La première fois que j’ai évoqué Hubert Reeves, ce fut en 2015, dans un mot du jour consacré à la théorie de la réfutabilité de Karl Popper : « Une théorie qui n’est réfutable par aucun événement qui se puisse concevoir est dépourvue de caractère scientifique. »

C’était pour illustrer cette théorie par une remarquable conférence de Hubert Reeves <La crédibilité de la théorie du big bang par Hubert Reeves>

Un an après, entre le lundi 14 mars et le vendredi j’ai consacré 5 mots du jour à un livre que je venais de lire : « Là où croit le péril, croit aussi ce qui sauve »

Voici le lien vers le premier article : « C’est une chose étrange à la fin que le monde… »

Dans l’émission hommage de la terre au carré, Hubert Reeves révèle que s’il pouvait vivre une nouvelle vie, il serait à nouveau astrophysicien, mais qu’il apprendrait aussi à faire de la musique et plus précisément à jouer du violoncelle.

Le dernier mot du jour consacré à Hubert Reeves, le 23 avril 2021, avant celui d’aujourd’hui était aussi consacré à la musique : « Schubert, il est mort. […] Et pourtant il n’est pas mort. Il est avec moi, il vient me parler, il me parle »

Hubert Reeves disait que :

« [Ma plus grande fierté] est quand des gens me disent qu’après avoir lu un de mes livres, ils se sont sentis plus intelligents. »

Et il a écrit beaucoup de livres qui rendent plus intelligents celles et ceux qui ont la bonne idée de les lire.

Vous trouverez derrière ce lien <Hubert Reeves> le site consacré à cet homme doux et sage et sur lequel il est écrit sobrement : « Le présent site, maintenu par un membre de sa famille, restera en ligne aussi longtemps que les ressources nécessaires seront là pour le permettre, afin de perpétuer son souvenir. »

<1768>

Lundi 9 octobre 2023

« Ce qui caractérise la situation [du Haut-Karabakh] c’est un nettoyage ethnique sous menace génocidaire. »
Jean-Louis Bourlanges, président de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée Nationale

Les derniers mois et jours ont montré un déchainement de violence et de guerre dans des conflits latents que les diplomates et hommes politiques n’ont pas su apaiser.

Ces impasses me font penser à ce mot d’esprit : Connaissez vous la différence entre un homme intelligent et un homme sage ?

Un homme intelligent parvient à régler un problème que le sage a su éviter.

Mais nous sommes à la recherche d’hommes intelligents, à défaut qu’ils n’ont su être sage. Ce sont des hommes d’État dont nous avons besoin, non d’hommes politiques.

Parmi ces sujets, il en est un qui a retenu mon attention : le conflit du Haut-Karabakh.

Pour celles et ceux qui sont un perdus dans cette histoire, je vais d’abord faire un rappel des faits.

Mais l’essentiel de ce mot du jour est la seconde partie qui tentera d’éclairer cette situation qui révèle la manière dont les choses se passent dans le monde et dans la géopolitique internationale.

On attribue au Général de Gaulle ce constat non romantique :

« Les États n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts »

A – Rappel des faits

Il serait possible de remonter très loin, mais pour se concentrer sur l’essentiel, il faut commencer en 1921, dans l’Union soviétique dirigé par Lenine et les Bolcheviks mais dans laquelle Staline jouait déjà un grand rôle. Il avait été nommé « commissaire aux nationalités »

L’union soviétique était un état fédéral dans lequel coexistaient des états fédérés. Parmi ces états il y avait l’Arménie et l’Azerbaidjan.

Les arméniens étaient chrétiens, les azéris musulmans.

Staline va proposer et Lenine va accepter des manipulations concernant l’attribution de territoires entre les États.

Concernant l’Arménie et l’Azerbaidjan, Staline va obtenir le rattachement du Haut-Karabagh, appelé alors le Nagorno Karabakh à la république socialiste soviétique d’Azerbaïdjan le 4 juillet 1921.

Or le Haut-Karabagh à cette époque, est peuplé à 94 % d’Arméniens et pour cette raison était auparavant, rattaché à la république socialiste soviétique d’Arménie.

Parallèlement, en mars 1921, Staline décide le rattachement du Nakhitchevan à l’Azerbaïdjan, avec un statut de Région autonome.

Ce qui fait que l’Azerbaidjan est divisé en deux et que c’est l’Arménie qui sépare la partie principale, de la région autonome.

Si on avait voulu créer les conditions du désordre et du chaos, on ne s’y serait pas pris autrement.

Même si, tant qu’existait le régime totalitaire de l’Union soviétique dirigé d’une main de fer par le Politburo situé à Moscou, les petites divergences entre États Fédérés étaient rapidement réglées

Mais à ce stade, il faut remonter encore un peu plus loin dans l’Histoire.

Pas très loin, 6 ans avant, en 1915.

En 1915, commence le premier génocide de l’Histoire européenne, le génocide arménien perpétré par les turcs de l’empire ottoman.

La carte reproduite, montre que les arméniens se situent à un très mauvais endroit : la rencontre de 3 empires :

  • L’Empire russe
  • L’empire Turc qui à l’époque était l’empire Ottoman
  • L’empire Perse qui s’appelle désormais l’Iran.

Les territoires dont il est question ici avaient, pour l’essentiel, été arrachés à l’Empire Perse par l’Empire tsariste russe en 1828.

Pour motiver le massacre des arméniens, les turcs avaient prétendu que les arméniens chrétiens trahissaient l’empire ottoman dirigé par les musulmans au profit de l’empire russe dirigé par les chrétiens. Car en 1915, nous étions en pleine première guerre mondiale et l’empire Ottoman était allié à l’Allemagne et à l’Autriche, alors que l’Empire Russe était de l’autre côté celui de la France et de la Grande Bretagne.

Les historiens ont démontré que cette trahison générale des arméniens contre leur empire ottoman était inexistante. Disons, de manière cynique, que le génocide peut s’analyser comme une action préventive contre le risque éventuel que la religion chrétienne commune avec l’ennemi, aurait pu pousser les arméniens à trahir.

Lors du centenaire, en 2015, j’avais écrit plusieurs mots du jour sur ce crime impardonnable organisé par le gouvernement jeune turc de Talaat Pacha, Enver Pacha et Cemal Pacha :

L’Empire ottoman sera dans le camp des vaincus. Une partie du territoire ottoman occupé par les arméniens, on parle de l’Arménie orientale sera intégrée à l’Union soviétique. Et c’est lors de cette intégration que le Nakhitchevan qui était rattaché auparavant à l’Oblast arménien, sera rattaché à l’Azerbaïdjan. C’est pourquoi ce rattachement fera l’objet d’un accord signé en mars 1921 entre la république socialiste fédérative soviétique de Russie et la Turquie.

Or, le Nakhitchevan, était peuplé de quasi 50 % d’Arméniens avant la soviétisation. Mais il a perdu presque toute sa population arménienne pendant l’ère soviétique à cause de mouvements d’émigration et d’une politique pro-azérie dans l’exclave : La population arménienne du Nakhitchevan, estimée à 15 % en 1926 préfère alors quitter la république socialiste soviétique autonome du Nakhitchevan pour la république socialiste soviétique d’Arménie voisine. Dans les années 1980, il n’y a plus qu’1 à 2 % d’Arméniens au Nakhitchevan.

Dans la relation entre les azéris et les arméniens, le génocide est omniprésent.

En effet, les azéris sont une ethnie turcophone.

Et l’autocrate turc Erdogan, dans ses discours définit ainsi la relation entre la Turquie et l’Azerbaïdjan :

« Une seule nation, deux états »

C’est pourquoi lorsque les arméniens parlent des azéris, ils les appellent « les turcs »

Tout est en place pour la guerre :

L’Union soviétique s’effondre en 1991. Les États de la fédération deviennent indépendants.

L’Arménie devient indépendante, mais le Haut Karabakh appartient à l’Azerbaïdjan, en raison de la décision de 1921 de Staline.

Le 2 septembre 1991, l’Assemblée nationale de la Région autonome du Haut-Karabagh proclame l’indépendance du pays.

L’Arménie intervient de son côté et une guerre va éclater entre les azéris et les arméniens, des massacres ont lieu des deux côtés.

Dans les années 1990, l’Arménie est mieux armée et organisée et va finalement gagner et même s’emparer de territoires supplémentaires autour du Haut-Karabakh.

En mai 1994, un cessez-le-feu est obtenu et des négociations pour une résolution du conflit sont organisées. Mais la situation sur le terrain est celle d’un Haut-Karabakh indépendant de l’Azerbaïdjan.

Dans le Droit international il existe deux principes concurrents :

  • Le droit des peuples à disposer d’eux même
  • L’intangibilité des frontières

L’application du premier, étant donné la population du Haut-Karabakh, aurait été pour un détachement de cette région de l’Azerbaïdjan.

Mais le monde entier a préféré le second. Personne, mis à part l’Arménie, n’a reconnu l’indépendance de l’Artsakh, nom donné par les arméniens au Haut-Karabakh.

Pendant 25 ans la situation a été gelée et les négociations n’ont pas progressé.

Mais pendant ce temps, l’Azerbaïdjan, grand producteur de pétrole et de gaz s’est énormément enrichi et a utilisé sa richesse pour s’armer massivement.

Et puis, elle a un allié qui est devenu puissant et qui s’affranchit de la prudence que lui imposait son appartenance à l’OTAN : la Turquie.

En 2020, avec l’aide de la Turquie, l’Azerbaïdjan attaque le Haut-Karabakh et l’Arménie et gagne très facilement.

Mais elle ne peut pas s’emparer du Haut-Karabakh proprement dit, mais simplement des territoires supplémentaires que les arméniens avaient conquis en 1990.

Elle n’a pas pu aller jusqu’au bout parce que la Russie, normalement protectrice des arméniens, s’était interposé et avait sifflé la fin de la partie, sans engager son armée.

La Russie avait cependant engagé une force d’interposition pour figer la nouvelle situation.

La Russie doit assistance à l’Arménie parce qu’elle a signé le traité de sécurité collective (ou encore traité de Tachkent) le 15 mai 1992 avec l’Arménie, le Kazakhstan, le Kirghizistan, l’Ouzbékistan et le Tadjikistan.

Ce traité, elle ne l’a presque pas respecté en 2020 et elle ne respectera pas du tout en 2023, lorsqu’après un blocus de 9 mois ayant poussé la population au bord de la famine, l’Azerbaïdjan a attaqué avec son armée le Haut-Karabakh  et l’a poussé à la capitulation en deux jours.

L’Arménie n’est pas intervenue. Sans allié, elle était certaine d’être à nouveau battu par les Turcs des deux états. En outre, après la défaite de 2020, le premier ministre arménien Nikol Pashinyan a été contraint à reconnaître la souveraineté de l’Azerbaïdjan sur le Haut-Karabakh.

Dans ce cadre, l’intervention de l’armée d’Azerbaïdjan constituait une simple opération interne à un État qui mettait fin à une situation de sécession d’une population séparatiste qui ne reconnaissait pas l’autorité légitime de l’État.

Pour quasi tous les pays du monde, tout ceci est absolument normal, à commencer par la Chine qui estime que Taïwan est dans la même situation que le Haut-Karabakh.

Admettons…

Mais après cet écroulement en deux jours, «  plus de 100 000 personnes ont quitté le territoire ».

Or, ce territoire comptait 120 000 habitants.

A ce stade, les deux principes évoqués ci-avant vont pouvoir se rejoindre, tous les arméniens étant partis, un référendum réalisé sur ce territoire permettra de constater que le peuple qui l’habite souhaite faire partie de l’État d’Azerbaïdjan.

Pourquoi les arméniens sont-ils partis ?

S’ils étaient restés, ils devaient prendre un passeport azerbaïdjanais et les jeunes être incorporés dans l’armée qui potentiellement pouvait entrer en guerre contre l’Arménie.

Mais de manière beaucoup plus simple, par peur d’un nouveau génocide perpétré par les turcs.

C’est ce qu’a résumé Jean-Louis Bourlanges dans l’émission < Un jour dans le monde> :

« Ce qui caractérise la situation [du Haut-Karabakh] c’est un nettoyage ethnique sous menace génocidaire. »

Jean-Louis Bourlanges, rappelait que lorsque le président de l’Azerbaïdjan, Ilham Aliyev, parlait des arméniens il les traitait de chiens.

Et il ne faisait guère de doute, que le choix des arméniens se trouvait entre le cercueil et l’exil. Ils ont choisi l’exil, cela s’appelle de l’épuration ethnique.

Voilà grosso modo les faits, mais cette histoire du Haut-Karabakh présente de nombreuses questions que je pourrais résumer en une seule : Pourquoi l’Arménie est-elle si seule ?

B – Analyse de l’isolement de l’Arménie

La réponse courte est que l’Arménie n’a ni pétrole , ni gaz !

Mais allons un peu plus loin…

1° Pourquoi la Russie n’est-elle pas intervenue ?

C’était son devoir d’intervenir, d’abord en raison du traité de Tachkent et ensuite stratégiquement parce qu’elle ne devrait pas tolérer que la Turquie impose son leadership sur cette région.

Dire simplement, que c’est parce qu’elle est occupée en Ukraine, ne suffit pas.

L’explication se trouve dans le fait que l’Arménie est une démocratie, certes imparfaite mais le pouvoir politique peut changer de main suite à une élection.

C’est ce qui s’est passé en mai 2018, lorsque Nikol Pashinyan est devenu premier ministre alors qu’avant il était dans l’opposition.

Poutine a beaucoup de mal avec les pouvoirs démocratiques, il préfère les autocrates de son espèce, comme Ilham Aliyev qui a succédé à son père qui détenait le pouvoir depuis l’indépendance de l’Azerbaïdjan. Aucune opposition n’est tolérée en Azerbaïdjan, aucune élection ne peut être défavorable au pouvoir. Cette manière de gouverner, Poutine la comprend et l’approuve.

Nikol Pashinyan a encore aggravé son cas en se rapprochant de l’Occident, des États-Unis et des européens. Pour Poutine, c’est une trahison supplémentaire et l’exemple de l’Arménie doit pouvoir faire comprendre que si on veut compter sur la Russie, il ne faut pas agir comme l’Arménie.

Enfin, il y aurait même une raison économique. Plusieurs sources prétendent que grâce à l’Azerbaïdjan, la Russie contourne le blocus occidental sur son gaz et son pétrole : l’Azerbaïdjan acceptant de faire passer pour sien les hydrocarbures que la Russie lui livre. C’est ce qu’on peut trouver comme information sur le site de <France 24>

2° Pourquoi l’Union européenne n’exerce t’elle aucune pression sur l’Azerbaïdjan ?

Il y a utilisation d’une force brutale d’un État autoritaire contre une démocratie et il y a de toute évidence une épuration ethnique.

L’union européenne devrait réagir autrement que par des communiqués mous.

Mais elle ne le fait pas.


La guerre d’Ukraine avait à peine commencé, l’Allemagne et les autres pays européens étaient très inquiets pour leur approvisionnement en gaz. Alors la présidente de la commission européenne avait pris son bâton de pèlerin pour se rendre à Bakou le <18 juillet 2022> et faire cette déclaration à côté du Président Aliyev, visiblement ravi :

« Vous êtes pour nous un partenaire énergétique crucial […] et fiable ».

C’était pour la bonne cause pour que les européens puissent continuer à se chauffer et à disposer de l’énergie nécessaire pour continuer à vivre convenablement.

D’ailleurs, si nos dirigeants n’étaient pas arrivés à trouver des sources d’approvisionnement alternatives, nos concitoyens des différents États de l’Union se seraient manifestés bruyamment, voire davantage.

Il n’est pas raisonnable de se fâcher avec un État aussi indispensable et fiable….

3° Pourquoi L’Ukraine prend-elle position pour l’Azerbaïdjan ?

Courrier International écrit : « Au Haut-Karabakh, l’Azerbaïdjan est dans son droit, estime la presse ukrainienne »

En outre Volodymyr Zelensky a décroché son téléphone, mercredi 4 octobre, pour appeler son homologue azerbaïdjanais, Ilham Aliev et le président ukrainien a déclaré sur la plateforme X (ex-Twitter).:

« Nous avons réaffirmé notre attachement aux principes de souveraineté et d’intégrité territoriale des États »

Il a également annoncé avoir aussi « remercié » le président azerbaïdjanais pour l’aide humanitaire fournie à Kiev, « en particulier dans le secteur de l’énergie à l’approche de l’hiver ».

Ce dernier argument se rapproche de celui de l’Union européenne.

Mais le premier montre une communauté de destin et d’intérêt. L’Ukraine comme l’Azerbaïdjan a profité d’une décision unilatérale d’un responsable soviétique. Pour l’Ukraine il s’agissait du successeur de Staline, Nikita Khrouchtchev qui a attribué la Crimée à l’Ukraine, bien qu’elle fût majoritairement peuplée de russes. Le Haut Karabakh se trouve donc par rapport à l’Azerbaïdjan dans une situation similaire que la Crimée par rapport à l’Ukraine.

4° Pourquoi Israël soutient elle l’Azerbaïdjan et lui fournit des armes ?

L’explication des ressources énergétiques peut, encore une fois, être avancée.

Mais on peut quand même s’étonner du peu d’empathie entre le peuple victime de la shoah à l’égard du peuple arménien qui a vécu un autre génocide, avant le sien.

Israël n’a jamais reconnu le génocide arménien !

Parce qu’Israël a toujours voulu, depuis sa création, conserver d’excellentes relations avec la Turquie. Il y eut quelques tensions avec Erdogan, mais rien d’essentiel qui puisse justifier de se fâcher avec le pays responsable du génocide arménien.

5° La position de la Turquie est claire et univoque.

Cette fois nous sommes dans un univers connu.

Chaque fois que la Turquie peut nuire aux arméniens, elle le fait.

L’Azerbaïdjan ce sont des turcs, donc ils doivent être aidés.

6° Pourquoi l’Iran soutient-elle l’Arménie, plutôt que l’Azerbaïdjan ?

L’Arménie a un soutien, c’est l’Iran.

C’est doublement surprenant parce que d’une part l’Arménie est chrétienne et surtout que les azéris sont principalement chiites comme les iraniens.

Cette fois la religion n’a rien à faire dans cette affaire.

Il existe en Iran, un territoire essentiellement occupé par des azéris, cette ethnie turcophone. L’Iran ne veut surtout pas que ses azéris puissent avoir une velléité de rejoindre l’Azerbaïdjan.

L’Iran est, de ce fait, totalement opposé à l’idée que poursuivent les azéris et les turcs de créer un corridor appelé « le corridor de Zanguezour » qui permettrait de relier à l’Azerbaïdjan au Nakhitchevan jusqu’à la Turquie, au dus de l’Arménie, le long de la frontière avec l’Iran.

Ce projet pourrait être la raison d’une nouvelle guerre entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan.

7° Pourquoi les États-Unis se désintéressent de cette affaire

D’abord parce que les États-Unis ne veulent plus s’intéresser à autre chose que leurs affaires internes et leur rivalité avec la Chine.

Mais il y a une autre raison indiquée par Jean-Claude Bourlanges : les États-Unis, ennemi absolu de l’Iran, n’aime pas que l’Arménie soit soutenue par ce pays ostracisé. Vous ne pouvez être ami de l’Iran et compter sur l’appui des États-Unis.

Il y aurait encore d’autres points à souligner mais cela dépasserait le cadre d’un mot du jour.

Mais on voit ainsi que la morale, l’éthique et l’émotion sont très éloignées des motivations des États.

<1767>

Vendredi 6 octobre 2023

« Je ne sais pas si Dieu existe, mais je crois que oui et je pense qu’André va répondre : je ne sais pas mais je pense que non. »
Éric-Emmanuel Schmitt répondant à la question est ce que Dieu existe ? et interpellant son ami André Compte Sponville

Lors de l’émission « La Grande Librairie » du 26 avril 2023, Augustin Trapenard interrogeait le sacré et la spiritualité.

Il avait invité les auteurs de quatre ouvrages.

  • Éric-Emmanuel Schmitt qui dans « Le défi de Jérusalem » raconte son pèlerinage sur les traces de Jésus Christ. De Nazareth à Jérusalem en passant par Capharnaüm, Césarée, Bethléem ou la Galilée, il a écrit un livre de réflexion sur son cheminement spirituel.
  • Le philosophe André Comte-Sponville qui a écrit : « La Clé des champs et autres impromptus ». Un livre qui réunit une série d’articles et d’essais sur des sujets graves, comme la détresse, la souffrance, le pessimisme et la mort. Son recueil se conclut sur un texte inédit intitulé « Maman », parlant de sa mère qui a été malheureuse toute sa vie et qui s’est suicidée lorsqu’il avait une trentaine d’années.

Le titre de son ouvrage, André Comte-Sponville l’a emprunté à son cher Montaigne :

« Le présent que nature nous ait fait le plus favorable, et qui nous ôte tout moyen de nous plaindre de notre condition, c’est de nous avoir laissé la clé des champs »
(Essais, II, 3)

La clé des champs que toutes les religions du Livre voudrait nous interdire, mais que le sage Montaigne accepte comme un présent de la nature.

  • La romancière et philosophe Éliette Abécassis et le dessinateur Nejib ont publié « Sépher » bande dessinée qui retrace l’épopée millénaire de la Bible.

Le dernier écrivain aurait été brulé ou exécuté par un autre châtiment, que les hommes qui croient dans le récit abrahamique ont inventé et infligé à tous celles et ceux qui mettaient en doute ou s’éloignaient du récit qu’ils prétendaient sacré, si ces « hommes de dieu » disposaient encore du pouvoir politique dans nos contrées.

Car comme le disait Woody Allen : « je n’ai pas de problème avec Dieu, ce sont ses fans qui me font peur ! »

  • Metin Arditi a en effet corrigé un peu le récit évangélique dans « Le Bâtard de Nazareth  ». Comme Marie était enceinte de Jésus, en dehors des liens du mariage, l’enfant était de manière factuel « un bâtard ». Or, à cette époque, il n’était pas bon de naître bâtard. Cet auteur explique alors la vie et l’enseignement du Christ par ce traumatisme initial d’avoir été rejeté socialement et ostracisé.

Mais ce que je souhaite partager essentiellement aujourd’hui c’est ce qu’Eric Emmanuel Schmitt a dit tout au début de l’émission.

Au commencement de l’émission seuls Eric Emmanuel Schmitt et André Comte-Sponville étaient présents.


Eric Emmanuel Schmitt répondit à une question d’Augustin Trapenard sur la croyance :

« Moi si vous demandez : est-ce que Dieu existe ? Je vous répondrais : Je ne sais pas mais je crois que oui et je pense qu’André va répondre : je ne sais pas mais je pense que non. Je me définis comme un agnostique croyant. Parce qu’il est très important de distinguer le savoir et la croyance »

André Comte-Sponville approuva cette assertion et la fit sienne.

La question de la différence entre « le savoir » et de « la croyance » se pose bien au-delà des religions. L’épisode du COVID que nous avons vécu a été particulièrement fécond en confusion entre ces deux notions.

Mais ce sont bien les religions du Livre ou Abrahamique qui ont poussé le plus loin cette terrifiante confusion.

Ils sont allés jusqu’à ce crime contre l’esprit de prétendre que « leur croyance » était « la vérité ». Et au nom de ce mensonge, ils ont tué. Et ils tuent encore dans certains des pays où l’Islam est religion d’État et je crois condamnent pénalement dans tous les pays où l’Islam est religion d’État .

Les chrétiens, catholiques, protestants, orthodoxes faisaient de même dans des temps pas si anciens.

Cayetano Ripoll, a été exécuté par l’inquisition espagnole en 1826. Ce catalan, instituteur a été condamné pour hérésie. Son crime ? Avoir enseigné à ses élèves des idées jugées contraires au catholicisme.

1826 c’était 37 ans après la révolution française.

Dire « Je ne sais pas, mais je crois que… » ou « Je ne sais pas, mais je ne crois pas que » constituent une attitude d’humilité et de sagesse qui conduit immédiatement à un comportement plus paisible, moins exalté et donc moins violent.

Probablement que Woody Allen craindrait moins les fans de dieu qui seraient dans cette posture : « Je ne sais pas, mais je crois que … ».

Vous pouvez encore regarder en replay cette émission de la Grande Librairie jusqu’au 26 novembre 2023. Voici le <Lien >

<1766>

Mardi 3 octobre 2023

« Quand la femme est grillagée, toutes les femmes sont outragées ! »
Pierre Perret : « La femme grillagée »

Souvent ce sont les artistes et les poètes qui expriment le mieux la réalité du vécu.

Je ne connaissais pas cette chanson de Pierre Perret, je l’ai découverte par hasard hier :

<La femme grillagée> chantée par Pierre Perret

Écoutez ma chanson bien douce
Que Verlaine aurait su mieux faire
Elle se veut discrète et légère
Un frisson d’eau sur de la mousse


C’est la complainte de l’épouse
De la femme derrière son grillage
Ils la font vivre au Moyen Âge
Que la honte les éclabousse


Quand la femme est grillagée
Toutes les femmes sont outragées
Les hommes les ont rejetées
Dans l’obscurité


Elle ne prend jamais la parole
En public, ce n’est pas son rôle
Elle est craintive, elle est soumise
Pas question de lui faire la bise


On lui a appris à se soumettre
À ne pas contrarier son maître
Elle n’a droit qu’à quelques murmures
Les yeux baissés sur sa couture


Quand la femme est grillagée
Toutes les femmes sont outragées
Les hommes les ont rejetées
Dans l’obscurité


Elle respecte la loi divine
Qui dit, par la bouche de l’homme,
Que sa place est à la cuisine
Et qu’elle est sa bête de somme


Pas question de faire la savante
Il vaut mieux qu’elle soit ignorante
Son époux dit que les études
Sont contraires à ses servitudes


Quand la femme est grillagée
Toutes les femmes sont outragées
Les hommes les ont rejetées
Dans l’obscurité


Jusqu’aux pieds, sa burqa austère
Est garante de sa décence
Elle prévient la concupiscence
Des hommes auxquels elle pourrait plaire


Un regard jugé impudique
Serait mortel pour la captive
Elle pourrait finir brûlée vive
Lapidée en place publique


Quand la femme est grillagée
Toutes les femmes sont outragées
Les hommes les ont rejetées
Dans l’obscurité


Jeunes femmes, larguez les amarres
Refusez ces coutumes barbares
Dites non au manichéisme
Au retour à l’obscurantisme


Jetez ce moucharabieh triste
Né de coutumes esclavagistes
Et au lieu de porter ce voile
Allez vous-en, mettez les voiles


Quand la femme est grillagée
Toutes les femmes sont outragées
Les hommes les ont rejetées
Dans l’obscurité

L’ONU considère que le traitement des femmes en Afghanistan, par les Talibans s’apparenterait à un « apartheid sexiste »

Vous trouverez cette publication, du 11 Juillet 2023, sur cette <Page ONU>

Pierre Perret s’inspire d’un poème de Verlaine dont je cite ci-dessous les premières strophes.


Écoutez la chanson bien douce
Qui ne pleure que pour vous plaire.
Elle est discrète, elle est légère :
Un frisson d’eau sur de la mousse !

La voix vous fut connue (et chère ?)
Mais à présent elle est voilée
Comme une veuve désolée,
Pourtant comme elle encore fière,

Et dans les longs plis de son voile
Qui palpite aux brises d’automne,
Cache et montre au cœur qui s’étonne
La vérité comme une étoile.

Elle dit, la voix reconnue,
Que la bonté c’est notre vie,
Que de la haine et de l’envie
Rien ne reste, la mort venue.

Paul VERLAINE : Écoutez la chanson bien douce (1878) Sagesse I/XVI

Ce poème a été mis en musique et la chanson qui en est le fruit <est chantée par Léo Ferré>

<1765>