Jeudi 29 mars 2018

« Carême »
Période de jeûne et d’abstinence de quarante jours

Pour tous ceux qui ont une culture religieuse chrétienne « le temps de carême » est bien connu. Mais pour les autres ?

Le plus simple serait, semble t’il, de comparer : Le carême est le ramadan des chrétiens.

Mais comment dire ou écrire cela, aujourd’hui en France …

  • Certains réagiront de manière sereine :il faut bien expliquer les choses avec des notions actuelles, des références connues !
  • D’autres seront effarés, scandalisés : Comment peut-on, en terre chrétienne, définir un des moments forts du calendrier chrétien par une référence islamique !

Alors parlons de Carême, sans faire référence à l’Islam.

Nous sommes Jeudi 29 mars 2018, dimanche ce sera Pâques et donc demain nous serons vendredi saint, jour férié en Allemagne, dans les pays protestants et en Alsace Moselle.

Le jour précédent Vendredi Saint est aussi saint. Nous sommes donc Jeudi Saint, dernier jour de Carême comme le dit le site des Évêques de France.

Ce qui contredit ce site et même le journal « La Croix » et beaucoup d’autres sites qui prétendent que Carême s’arrête le dimanche de Pâques.

Nous savons donc que le carême finit Jeudi Saint, mais quand commence t’il ?

Cette année, selon le site des évêques de France, Carême a commencé le 14 février. A quoi correspondait ce 14 février ?

Dans l’année liturgique chrétienne, c’est le Mercredi des Cendres. Le Mercredi des cendres, premier jour du Carême, est marqué par l’imposition des cendres : le prêtre dépose un peu de cendres sur le front de chaque fidèle.

C’est encore le site des Évêques de France qui donne des explications sur la symbolique des cendres:

« On trouve déjà le symbolisme des cendres dans l’Ancien Testament. Il évoque globalement la représentation du péché et la fragilité de l’être. On peut y lire que quand l’homme se recouvre de cendres, c’est qu’il veut montrer à Dieu qu’il reconnaît ses fautes. Par voie de conséquence, il demande à Dieu le pardon de ses péchés : il fait pénitence.

[…] La cendre est appliquée sur le front pour nous appeler plus clairement encore à la conversion, précisément par le chemin de l’humilité. La cendre, c’est ce qui reste quand le feu a détruit la matière dont il s’est emparé. Quand on constate qu’il y a des cendres, c’est qu’apparemment il ne reste plus rien de ce que le feu a détruit. C’est l’image de notre pauvreté. Mais les cendres peuvent aussi fertiliser la terre et la vie peut renaître sous les cendres. »

Avant mercredi des cendres, il y a mardi gras. Mardi gras est une période festive, qui marque la fin de la « semaine des sept jours gras ». La semaine des sept jours gras qui, elle, termine la période Carnaval. Carnaval qui est un emprunt à l’italien carnevale ou carnevalo. Il a pour origine carnelevare, un mot latin formé de carne « viande » et levare « enlever ». Mais je ferais probablement un mot du jour sur carnaval.

Ici ce qui est important c’est de faire le lien entre la nourriture grasse et la viande jusqu’à mardi gras qui est le summum de cette période et auquel succède le Mercredi des cendres et le carême, où les chrétiens sont invités à « manger maigre » en s’abstenant de viande.


Carême a commencé le 14 février et se termine donc aujourd’hui le Jeudi 29 mars 2018. Si vous comptez le nombre de jours vous aboutirez à 44 jours. Pourtant, il est écrit partout que le Carême dure 40 jours.

Mais, si on en revient au site de référence des Évêques nous pouvons lire :

La durée du Carême – quarante jours sans compter les dimanches – fait en particulier référence aux quarante années passées au désert par le peuple d’Israël entre sa sortie d’Égypte et son entrée en terre promise ; elle renvoie aussi aux quarante jours passés par le Christ au désert entre son baptême et le début de sa vie publique. Ce chiffre de quarante symbolise les temps de préparation à de nouveaux commencements.

Nous comprenons donc qu’il faut enlever les dimanches. Seulement vous constaterez que pendant cette période il y a 6 dimanches. 44 – 6 donne 38, nous ne sommes toujours pas à 40.

Fernand Braudel disait : «en Histoire les choses sont toujours vraies à peu près», probablement qu’en religion il en va de même.

Pourquoi Quarante ? Comme l’explique le site des évêques cette durée fait référence aux quarante jours où Jésus serait resté dans le désert pour résister aux tentations de Satan. C’est ainsi que l’histoire chrétienne le raconte. Et ce chiffre quarante fait lui-même référence à un autre épisode mythique de l’histoire biblique : les quarante années passées au désert par le peuple d’Israël entre sa sortie d’Égypte et son entrée en terre promise.

Rappelons que la Pâque juive, «  Pessa’h », célèbre justement l’Exode des juifs hors d’Égypte. Or le Christ serait venu à Jérusalem pour fêter la Pâque Juive et c’est ainsi qu’il aurait institué la « Sainte Cène » où il a partagé le pain et le vin avec ses disciples. Cet épisode se serait passé Jeudi Saint. Léonard de Vinci a immortalisé ce « moment culte » comme on dirait aujourd’hui. Il me semble que cette expression est particulièrement appropriée pour ce que De Vinci a peint.

Cette peinture murale a été réalisée de 1495 à 1498 pour le réfectoire du couvent dominicain de Santa Maria delle Grazie à Milan et était une commande de Ludovic Sforza, Duc de Milan.

Les chrétiens reprendront le terme de Pâque pour célébrer la « résurrection du Christ » qui constitue le centre de leur croyance et de leur Foi.

Mais le sujet principal de ce mot du jour est « Carême ».

Le site savant Lexilogos précise :

Le carême vient du latin quadragesima (dies) : quarantième (jour). En ancien français, on écrivait quaresme. On devrait même plutôt dire : la carême, comme l’italien quaresima et l’espagnol cuaresma. Autrefois, on employait aussi le terme de (sainte) quarantaine pour désigner le carême.

C’est un calque du grec ecclésiastique : τεσσαρακοστή (tessarakostè). Si le carême évoque à l’origine le 40e jour avant Pâques , il s’oppose à la Pentecôte qui évoque le 50e jour après Pâques. La Pentecôte vient du grec ancien πεντηκοστή (pentèkostè) : cinquantième (jour).

Nous apprenons qu’il faut dire : « la Carême » et que carême a une racine latine qui signifie quarante. Constatons aussi que le polygone à quatre côtés s’appelle un carré. Alors que celui à cinq côtés est un pentagone, et que donc Pentecôte vient de la même racine et signifie cinquante.

Selon Wikipedia le catholicisme a institué la carême au IVème siècle.

Et si nous revenons à la première comparaison problématique entre le ramadan et la carême, le journal « La Croix » pose explicitement la question : Le (la) carême est-il le ramadan des chrétiens ?

Et y répond négativement de la manière suivante :

« Disons-le tout de suite, carême et ramadan sont des réalités différentes qui, pour l’essentiel, ne peuvent être comparées. Le ramadan n’est pas le carême des musulmans et le carême n’est pas le ramadan des chrétiens. Dans la tradition chrétienne, le carême désigne les quarante jours de préparation à la fête de Pâques. Il s’inspire du temps que Jésus a passé au désert pour se préparer à sa mission. (Matthieu 4, 2). Pour vivre ce temps, l’Église propose aux chrétiens trois moyens pour se garder disponibles envers Dieu et les autres : la prière, le jeûne et l’aumône.

Si le carême chrétien est jeûne et privations, aumône et prière, il n’est pas simple obéissance à une loi « promulguée par Dieu dans sa sagesse ». Il est un temps de marche vers un objectif précis : la Résurrection de Jésus. Dans le carême, il y a une démarche personnelle de conversion individuelle (se tourner vers) et un mouvement collectif de l’ensemble des chrétiens en vue de l’édification du Corps du Christ qui est l’Église.

Le ramadan est le 9e mois de l’année musulmane, année lunaire comportant 11 ou 12 jours de moins que l’année solaire. Le jeûne rituel du mois de ramadan, quatrième pilier de l’Islam, fut décrété deux ans après l’Hégire. C’est au cours de ce mois que la tradition musulmane fixe la transmission du Coran à Muhammad par l’ange Gabriel. Globalement, le jeûne du mois de ramadan consiste à s’abstenir de toute nourriture et boisson, de relations sexuelles et à ne pas fumer du lever au coucher du soleil. La validité du jeûne exige un état de pureté légale. Parmi les anniversaires de la vie du Prophète célébrés au cours du mois de ramadan, la 27e nuit est le plus important.

On y commémore la Nuit du Destin, nuit solennelle au cours de laquelle le Coran est descendu parmi les hommes. « Elle est meilleure que mille mois » et « elle est un Salut jusqu’au lever de l’aurore » (Q. 97, 3.5.). Temps de partage, le mois de ramadan l’est à double titre. Pendant la journée, celui qui possède partage le sort du pauvre en se privant. Pendant la nuit et lors de la fête de la rupture du jeûne, il doit veiller à ce que son voisin pauvre ait le nécessaire pour rompre le jeûne. Si le jeûne du ramadan est obéissance à la Loi que Dieu a donnée à l’humanité dans sa sagesse et un temps de partage, il est aussi un moyen de purification et de lutte contre les convoitises. »

Ce n’est donc pas la même chose, il en reste pas moins qu’il s’agit dans les deux cas d’un exercice spirituel pendant lequel le croyant doit s’abstenir de faire des choses que son corps et sa chair désirent.

Résumons : nous sommes jeudi saint, jour de la Sainte Cène, j’ai donc opportunément ajouté une photo du chef d’œuvre de Léonard de Vinci.

Jeudi Saint étant aussi la fin de la Carême, il paraissait donc pertinent de consacrer un mot du jour à ce terme.

Enfin, étant donné mes racines mosellanes, j’ai été habitué à ce que vendredi saint soit férié, je m’octroie donc une trêve pascale.

Le prochain mot du jour sera publié mardi 3 avril, après lundi de Pâques.

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Mercredi 28 mars 2018

« They’ll squash you like a bug »
« Ils vous écraseront comme un insecte »
Un ex salarié de Facebook, propos rapporté par le guardian

C’est le journal « Guardian » qui a publié cet article « They’ll squash you like a bug », « Ils vous écraseront comme un insecte » dans lequel il révèle comment les entreprises de la Silicon Valley font régner la loi du silence au sein de leurs salariés.

Marie Slavicek a traduit une partie de cet article dans Le Monde du 17 mars 2018 :

« Tables de ping pong, canapés moelleux, bars à smoothies… La plupart des géants de la tech rivalisent d’inventivité pour transformer leurs sièges sociaux en espaces de travail ultramodernes où il fait bon vivre. Le but : stimuler l’innovation en chouchoutant les employés. Voilà pour la façade. Mais derrière ce cadre idyllique se cache une culture du secret poussée à l’extrême. Et gare à ceux qui brisent la loi du silence.

Le récit et les témoignages [que rapportent le Guardian] sont glaçants.

Facebook a ainsi mis en place une équipe de « chasseurs de taupes ». « Ce qu’ils savent sur toi est terrifiant », affirme un ancien salarié sous couvert d’anonymat. Accusé d’avoir divulgué des informations anodines à la presse, ce dernier a été confronté à ce qu’il appelle « la police secrète de Mark Zuckerberg », le patron de l’entreprise. Ses employeurs savaient tout, dit-il : les enregistrements d’une capture d’écran qu’il avait prise, les liens sur lesquels il avait cliqué… Ils lui ont aussi expliqué qu’ils avaient eu accès à sa conversation par tchat avec le journaliste.

Officiellement, cette surveillance – et les menaces de poursuites judiciaires qui vont avec – sert à détecter et prévenir la violation des droits de propriété intellectuelle. Mais, dans les faits, elle sert aussi à empêcher les employés de parler librement en public, y compris de leurs conditions de travail.

Si Apple entretient avec ferveur le culte absolu du secret, à l’inverse, des entreprises comme Google et Facebook prétendent, elles, jouer la carte de la transparence avec leurs salariés. Ainsi, Mark Zuckerberg organise chaque semaine une réunion pour faire le point sur sa stratégie et parler de ses nouveaux projets devant des milliers d’employés. Mais cette confiance a un prix : trahissez-la, et « ils vous écraseront comme un insecte », résume l’ex-salarié à l’origine de fuites. […]

[Google] pousse ses employés à être le plus corporate possible et à agir selon la fameuse Google way – une devise, presque un mode de vie. La firme fait tout pour créer une sorte de « mentalité tribale » propre à l’entreprise et décourager les trahisons. Le silence des salariés peut aussi être récompensé par des primes annuelles. Mais surtout, comme le résume Justin Maxwell, un ancien de chez Google, « vous ne ferez jamais quelque chose qui bousillerait les chances de succès de l’entreprise parce que vous serez directement affecté ». Travailler chez Google, c’est aussi, en quelque sorte, faire partie d’un clan, d’une communauté. […]

D’après un ancien employé ayant travaillé au siège européen de Facebook, à Dublin, les équipes de sécurité laisseraient des « pièges à souris » – des clés USB contenant des données « oubliées » sur des bureaux pour tester la loyauté du personnel. La bonne attitude : la remettre immédiatement à la direction. La mauvaise attitude : la brancher à un ordinateur. La dernière option étant synonyme de licenciement immédiat.

« Tout le monde était paranoïaque », conclut-il. »

Peut-être que certains lecteurs trouveront normal cette manière de pratiquer, afin d’assurer l’intérêt supérieur de l’entreprise.

Pour ma part, je m’interroge, car ce dont il est question ici ce ne sont pas des secrets industriels, mais simplement une réputation, de pratiques souvent limites. Bref nous avons affaire à des paranoïaques, des apprentis dictateurs. D’ailleurs dans l’Histoire on nous a appris que tous les dictateurs ont été de grands paranoïaques, particulièrement Staline…

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Mardi 27 mars 2018

« Nier la mort »
Tentative de certains humains à l’aide d’outils numériques et d’intelligence artificielle

C’est le journal <Les Echos> dans son édition du 5 mars 2018 qui l’écrit : « L’intelligence artificielle commence à faire parler les morts »

C’est ainsi qu’un américain et qu’une russe ont programmé des « chatbots » à partir d’anciennes conversations avec leurs proches décédés :

John James Vlahos est mort d’un cancer en février 2017. Son fils, James, continue pourtant de discuter avec lui via Facebook Messenger. Il a intégré sur le réseau social une intelligence artificielle (IA) de sa confection, le « dadbot ». Pour le programmer, ce journaliste américain a profité des derniers mois de vie de son père pour enregistrer leurs conversations. Sa passion pour le football américain, les origines grecques de sa famille, l’histoire de son premier chien… Les souvenirs de John James Vlahos, comme son sens de l’humour et sa façon de lui demander « How the hell are you ? », lui survivent désormais artificiellement dans le « dadbot », sollicitable à chaque instant, comme n’importe quel contact Facebook.

Et une femme russe a eu une idée analogue, elle habite San Fransisco. Cela reste donc une histoire américaine :

« Alors qu’elle pleurait son meilleur ami, décédé brutalement dans un accident de voiture,  Eugenia Kuyda a tenté de l’immortaliser dans une IA baptisée « Replika ». Ce robot conversationnel, qu’elle a mis en route en 2016, s’est nourri des milliers de messages que les deux amis s’échangeaient en ligne. »

C’est un sociologue Patrick Baudry auteur de « La Place des morts, enjeux et rites » (L’Harmattan, 2006) qui dit :

« Avec ces technologies, on fait comme si la personne pouvait encore être là. C’est une tendance assez logique de notre culture contemporaine dans ses relations à la mort et aux morts ».

Perdre un être cher, c’est se retrouver face à une absence radicale, irréversible. James Vlahos et Eugenia Kuyda ont tous deux bricolé des « chatbots » pour se soustraire à cette réalité insupportable. Patrick Baudry explique :

« On a tous un penchant naturel à nier qu’une personne est partie […].

Mais là où, jadis, des rites funéraires accompagnaient la mort d’une personne, où les conventions sociales nous imposaient d’entrer en deuil et d’en sortir, notre société contemporaine laisse chacun se débrouiller à sa manière, et même rapproche de plus en plus le vivant et le mort. Bientôt, dans les entreprises de pompes funèbres, on proposera des hologrammes ! »

Les Echos donnent aussi la parole à une psychologue spécialiste du deuil : Véra Fakhry :

«  Après une période de choc liée au décès, la phase suivante est de rechercher la personne décédée. On va croire qu’on la croise dans la rue, on va relire ses messages… Cette phase est normale la première année, mais si elle continue, elle devient pathologique »

Le réseau social Facebook avait déjà semé les germes de cette immortalité artificielle. En effet des profils de personnes défuntes, changées en mémorial sur Facebook, sont quotidiennement inondés de messages.

James Vlahos  se fixe pourtant une limite à ce jeu bizarre :

« Pour moi, il y a une limite morbide à ne pas dépasser. Il ne faut pas essayer de créer quelque chose de trop réaliste »

Mais il avoue cependant :

« Essayer d’améliorer ‘dadbot’ tous les jours ».

Il comprend que son invention virtuelle ne remplacera jamais son père mais il voit dans cette technologie un bon moyen de « se souvenir de lui » et de transmettre ce souvenir à ses enfants.

Il est toujours compliqué de faire son deuil, mais être à la limite de nier la mort et se créer une illusion virtuelle simulant la présence de l’absent, me parait une réponse inappropriée et peu sage.

Il est à craindre cependant que dans l’avenir, des entreprises avides de business nouveaux proposent de telles béquilles virtuelles pour simuler la continuation de la présence d’un être cher en profitant de la détresse de celles et ceux qui sont dans le deuil.

Parfois, je viens à me demander si la religion n’est tout compte fait pas une solution plus sage que ces délires numériques.

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Lundi 26 mars 2018

« Claude de France »
Achille Claude Debussy

Le 25 mars 1918, mourait Claude Debussy. Tous les journaux lui rendent hommage.

Le Figaro titre : « Il y a 100 ans, la mort du génial compositeur Claude Debussy »

Le Monde : « Claude Debussy, ce moderne méconnu »

La Croix : « Debussy, un moderne mort il y a cent ans »

Ou encore la voix du Nord : « Centenaire de Claude Debussy, père de la musique des «sens» »

Dans un autre article du Monde : « Debussy, le musicien de toutes les guerres », nous apprenons :

« Le 25 mars 1918, à 6 h 50, le premier obus de la journée tombe sur Paris. Un autre suit, puis un deuxième, un troisième. « Le gros canon boche n’est plus qu’un ennuyeux personnage de faits divers », commente Le Figaro. Vers 22 heures, Claude Debussy pousse son dernier soupir, terrassé par un cancer, à l’âge de 55 ans. La nouvelle est rapportée dans les journaux, qui consacrent l’essentiel de leurs maigres pages à la bataille qui fait rage en Picardie. L’hommage prend un tour antigermanique. « C’est la musique de Debussy qui nous a délivrés du prestige maléfique de Wagner, assure Louis Laloy, à une heure où nos meilleurs artistes en étaient victimes. » »

Mais c’est probablement la page d’hommage du site « Culturebox » qui est la plus intéressante parce qu’elle présente des vidéos remarquables par exemple celle où Boulez explique la modernité du ballet « Jeux » ou une vidéo d’animation qui présente « Pelleas et Mélisande » et aussi parce qu’il donne la parole au grand pianiste Philippe Cassard qui a écrit un livre sur Debussy qui vient d’être publié :

« Au départ admirateur du génie de Richard Wagner, Claude Debussy se révolte rapidement contre l’ornière romantique et la musique allemande. « Quelle était la vague en 1885 à Paris? C’était Wagner, Wagner, Wagner, tous les compositeurs succombaient à cette espèce de tsunami wagnérien. « Le Prélude à l’après-midi d’un faune » était « la réponse d’un compositeur français à l’invasion sonore allemande […] C’est intime, c’est lyrique, avec beaucoup de poésie et de délicatesse […] Il est né le 22 août 1862 à Saint-Germain-en-Laye, à l’ouest de Paris, au sein d’une famille de petits commerçants. Alors qu’on ne discutait pas culture en famille, on l’a confié à la belle-mère de Verlaine », la pianiste Antoinette Mauté, elle-même élève de Chopin. »

On constate donc que s’il n’est pas né dans une famille d’artiste, il a rapidement été baigné dans un univers culturel particulier

Il est vrai comme l’écrit ce site qu’on compare Debussy non pas à d’autres musiciens mais à plutôt à d’autres artistes de son époque, notamment les Impressionnistes et les Symbolistes. « Prélude » est une interprétation musicale très libre d’un poème de Stéphane Mallarmé, tandis que « Fêtes galantes » et le célébrissime « Clair de Lune » sont à l’origine des poèmes de Paul Verlaine. Bertrand Dermoncourt qui a été nommé conseiller artistique pour le centenaire de Debussy par Emmanuel Macron explique :

« C’est un peu le Claude Monet de la musique (…) car ses œuvres sont très proches de la nature », comme « La mer » Ce sont les mêmes impressions qu’on peut retrouver dans les tableaux de Monet, de petites touches qui créent des ambiances. […] Il annonce toute la musique du 20e siècle, tous les compositeurs après se réclament de lui»

Emmanuel Macron qui a dit cette phrase énigmatique « On a tous en nous quelque chose de Johnny », surtout depuis qu’on en sait davantage sur la grande propension de cet artiste de vouloir pratiquer l’évitement fiscal et le refus de se soumettre au droit français concernant l’héritage, joue aussi du piano et a fait part, dans une déclaration transmise à l’AFP, de son admiration pour le maître de musique français :

« J’accorde une place toute particulière aux Préludes pour piano, dont on ne finit jamais de sonder la nouveauté radicale ».

Certainement Debussy fut un compositeur de piano tout à fait étonnant, avec de petites pièces ciselées, toute en poésie et en finesse.

Parmi les préludes évoqués par le Président de la République, il y a cette délicieuse pièce « La Fille aux cheveux de lin »

D’abord pour votre culture et développer votre capacité de jugement, je vous invite à regarder cette pitrerie : « Lang Lang joue La fille aux cheveux de lin »
Cet acteur de théâtre du nom de Lang Lang que certains prétendent pianiste fait semblant d’interpréter l’œuvre de Debussy.

Ici, beaucoup plus mal enregistré, vous écouterez un vrai pianiste, Arturo Benedetti Michelangeli jouer cette œuvre avec grâce et musicalité

Vous pouvez aussi écouter une belle interprétation à la harpe par Sasha Boldachev

<Le quatuor à cordes opus 10> est aussi un chef d’œuvre de la musique, le lien vous emmène vers une interprétation du 1er mouvement par le Jerusalem Quartet.

Et encore une œuvre moins connue que j’aime particulièrement <Danse sacrée et profane pour Harpe et orchestre à cordes>

Et puis aussi cette œuvre surprenante, pleine de poésie <Syrinx> pour flûte solo jouée par Emmanuel Pahud.

Enfin le chef d’œuvre, unique, absolu, celui dans lequel Claude Debussy atteint au sublime : son opéra « Pélléas et Mélisande » dans une interprétation de l’Opéra de Lyon sous la direction de John Eliot Gardiner.

Il aimait signer ses partitions du nom de « Claude de France » et il est vrai qu’il est par essence le musicien français comme le décrit superbement Wikipedia que je cite :

« D’une audace imprévisible, mais d’une sûreté de goût absolue, harmoniste inclassable et dramaturge subtil, Debussy est comme Rameau auquel il a rendu hommage dans ses Images pour piano, un compositeur d’esprit très français (il signait d’ailleurs certaines de ses partitions Claude de France). Mais grâce à la révolution qu’il opère dans l’histoire de la musique, à travers les ponts qu’il lance en direction des autres arts et des multiples sensations qu’ils éveillent (les sons et les parfums, les mots et les couleurs), il fait accéder sans doute mieux qu’aucun autre la musique française à l’universalité : celle du corps, de la nature et de l’espace. »

<Vous trouverez ici un site entièrement consacré à l’œuvre de Claude Debussy>

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Vendredi 23 mars 2018

«Je danse chaque jour pour que la journée ne soit pas perdue.»
Nadia Vadori-Gauthier

C’est par l’émission « L’Invité culture » que présente Caroline Broué que j’ai entendu parler une première fois de Nadia Vadori-Gauthier. Cétait l’émission du 24 février 2018.

Nadia Vadori-Gauthier est danseuse et chercheuse. Elle a été, comme beaucoup, choquée en janvier 2015 par l’attentat contre Charlie Hebdo.

Et c’est en voulant réagir à ce crime, à cette violence qu’elle a eu l’idée de danser chaque jour une minute dans un endroit particulier et de poster la vidéo de cette danse sur Internet.

Caroline Broué l’a invité car elle vient de publier un livre Danser, résister : une minute de danse par jour publié aux éditions Textuel, où elle raconte ces performances.

J’ai beaucoup aimé l’énergie positive qui se dégageait de ses réponses et de sa personnalité. Elle a cette belle phrase :

« Je danse chaque jour pour que la journée ne soit pas perdue »

Et elle dispose d’un site Web qui reproduit toutes ces danses : http://www.uneminutededanseparjour.com/

Et où elle décrit son projet et son inspiration :

Le 7 janvier 2015, date de l’attentat à Charlie Hebdo, j’étais très affectée. Ce soir-là, j’ai mis au point le projet de Une minute de danse par jour, pour agir une présence sensible dans le monde. Je voulais agir en m’assignant une action quotidienne petite mais réelle et répétée, qui œuvre pour une poésie en acte, en me mettant réellement en jeu, seule ou en relation à d’autres. Les attaques des jours suivants ont renforcé cette détermination.

C’est dans ce monde qui est le nôtre que, depuis le 14 janvier 2015, je danse chaque jour, sans autres armes que celles du sensible, pour ne pas céder à l’anesthésie, la peur ou la pétrification et créer des connexions vivantes aux autres, aux environnements. Comment agir de façon locale, infinitésimale, à sa mesure, afin de contribuer à la création de liens et au décloisonnement ?

[…] Depuis le 14 janvier 2015, Je danse une minute et quelque, tous les jours, simplement, sans montage avec les moyens du bord, dans les états et les lieux dans lesquels je me trouve, sans technique, ni mise en scène, ni vêtement ou maquillage particulier, rien d’autre que ce qui est là. Et je poste la danse en ligne le jour-même.

Je danse en intérieur ou en extérieur, dans des endroits publics ou privés, seule ou avec d’autres, des inconnus ou des gens que je connais et parfois des amis.

Je danse comme on manifeste, pour œuvrer à une poésie vivante, pour agir par le sensible contre la violence de certains aspects du monde.

C’est la réponse que j’ai trouvé pour m’impliquer en acte à ma mesure, dans une action réelle, répétée, qui puisse déplacer les lignes, faire basculer le plan ou osciller la norme.

J’ai été également inspirée pour ce projet d’une phrase de Nietzsche tirée de Ainsi parlait Zarathustra et qui dit : « Et que l’on estime perdue toute journée où l’on n’aura pas dansé au moins une fois. ». Ca veut dire pour moi qu’il s’agit de vivre, qu’il s’agit de vivre en mouvement, de rester en mouvement.

J’ai été également accompagnée dans l’élaboration de ce projet par un proverbe chinois : « Goutte à goutte l’eau finit par traverser la pierre. ». Cela veut dire qu’une action minime et répétée peut finir par avoir un grand effet.

La goutte d’eau, ce sont les danses, quotidiennes, interstitielles, sans armes ni sans boucliers. et la pierre, c’est un certain durcissement du monde (communautarismes, hiérarchies, consumérismes, dogmatismes), et aussi la désolidarisation d’avec la nature (environnement, animaux, végétaux) et le manque d’une dimension poétique active au quotidien.

Alors pour moi, Une minute de danse par jour, c’est un engagement esthétique, c’est à dire de la sensibilité, un engagement poétique, éthique et microlitique, qui est radical à la petite échelle qui est la mienne.

Je continue à danser tous les jours, pour œuvrer à une place plus sensible dans le monde, pour qu’il y ait des circulations entres les cases, les catégories, les corps.

Je parie que c’est possible.

Chaque jour, tout recommencer à zéro, comme s’il n’y avait jamais eu aucune danse ; tout est à refaire, le corps, la danse ; tout est à danser, à redanser, pour une minute et quelque.

Danser la vie qui passe et qui vibre dans les interstices du quotidien, qui vibre, dans les intervalles entre les images brillantes qui prétendent nous tenir lieu de monde.

<Le Monde lui a aussi consacré un article>

<Cette danse est la numéro 509, elle danse avec un handicapé> c’est beau et émouvant.

Une bien belle personne …


Ici devant le Palais de Tokyo.

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Jeudi 22 mars 2018

« Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie »
Albert Londres dansTerre d’ébène

Pour répondre à question d’hier : « Comment lutter contre les fake news ? », la meilleure solution n’est certainement pas une loi nouvelle mais des journaux indépendants en qui on peut avoir confiance et des journalistes rigoureux et intègres.

Celui qui devant l’Histoire a incarné ce journalisme est Albert Londres. Et c’est d’ailleurs le prix Albert-Londres qui couronne chaque année, à la date anniversaire de sa mort, le meilleur « Grand Reporter ».

Albert Londres n’a jamais pris en considération les pouvoirs publics, les gouvernements pour écrire ce qu’il voyait pendant la première guerre mondiale, dans la Russie bolchevique, dans le bagne de Cayenne, en Chine.

Il part une première fois en Chine en 1920 et écrira :

« La Chine : chaos, éclat de rire devant le droit de l’homme, mises à sac, rançons, viols. Un mobile : l’argent. Un but : l’or. Une adoration : la richesse. »

Quelques années plus tard, il meurt dans le paquebot qui le ramenait de Chine, dans la nuit du 15 au 16 mai 1932, dans l’incendie du navire. Beaucoup pensent qu’il s’agissait d’un assassinat car il était sur une enquête d’ampleur, un scandale international. Ses notes ont brulé dans le même incendie. Il avait 48 ans

Et l’exergue de cet article est celui le plus souvent cité d’Albert Londres, sorte de devise du journaliste idéal.

C’est encore grâce à Mediapart et Edwy Plenel que nous savons que ces mots sont

« les premiers de Terre d’ébène, le grand reportage d’Albert Londres sur l’Afrique occidentale française, paru en 1929. Un livre en forme de réquisitoire sur la servitude coloniale, le travail forcé, le déni de la justice, l’inégalité instituée, etc. « Tout ce qui porte un flambeau dans les journaux coloniaux est venu me chauffer les pieds », ajoute Londres.

Or c’est dans le même avant-propos de ce livre qu’on trouve la formule désormais canonique, communément citée par les journalistes pour défendre leur indépendance professionnelle et leur liberté critique – la plume dans la plaie. Rappel qui mérite une citation intégrale :

« Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie ».

Entêté, Albert Londres y revient dans l’épilogue, élargissant le propos au-delà du journalisme professionnel pour viser à la responsabilité civique : « Flatter son pays n’est pas le servir, et quand ce pays s’appelle la France, ce genre d’encens n’est pas un hommage, mais une injure. La France, grande personne, a droit à la vérité ».

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Mercredi 21 mars 2018

« S’il y a bien un producteur de fake news à contrôler c’est l’Etat. Et l’Etat de son propre pays »
Emmanuel Todd

Emmanuel Macron a annoncé le 3 janvier, lors de ses vœux à la Presse, qu’un « texte de loi » allait être déposé « prochainement » pour lutter contre les fausses infos sur internet en « période électorale ».

Il estime avoir été victime de campagnes de désinformation sur Internet lorsqu’il était candidat à l’Elysée. D’après le chef de L’État, cette Loi serait nécessaire pour protéger la vie démocratique

Il semble que, comme sur les autres sujets, il veut aller très vite. Plusieurs Media affirment que la Loi est prête.

Est-ce vraiment une bonne idée, et devant un problème réel penser que la meilleure réponse est une Loi ?

C’est justement la question que pose l’Express : « Une loi sur les « fake news » est-elle utile ? » qui rappelle qu’il existe déjà des lois :

La volonté de légiférer sur les fake news n’est pas tout à fait nouvelle. La loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse permet de poursuivre les auteurs d’injure ou diffamation [soit le fait d’imputer un fait qui nuise à l’honneur d’un individu]. Elle sanctionne également ceux qui tentent de « troubler la paix publique » en faisant de la désinformation.

Depuis les années 2000, le code pénal, lui, permet de condamner une personne qui diffuse des fausses informations dans le but de faire croire à un attentat (article 322-14), ou de compromettre la sécurité d’un vol ou d’un avion (article 224-8). Le code monétaire et financier punit les fake news dont l’objectif est d’influencer le cours en bourse d’une entreprise. Enfin, le code électoral, à l’article L97, indique que quiconque a « surpris ou détourné » des suffrages en relayant des fausses nouvelles dans le contexte d’une élection encourt une peine d’emprisonnement.

Emmanuel Todd a de nouveau commis une petite provocation lors d’un entretien accordé à l’Obs et publié le 11 mars 2018 : « Le principal producteur de fake news, c’est l’Etat »

A la question de savoir ce qu’il pense de ce projet de Loi, Emmanuel Todd Répond :

«Je suis très inquiet. Ce qui me frappe dans la période actuelle, alors que nous sommes censés vivre l’apothéose de la démocratie libérale après l’effondrement des totalitarismes, c’est le rétrécissement des espaces d’expression et de la liberté de pensée. La liberté, depuis le Moyen Age, s’est d’abord définie contre l’Église et puis contre L’État.

Dire que L’État va assurer la liberté d’expression, c’est un oxymore historique !

Et je suis plus particulièrement inquiet pour la France, en tant qu’historien, parce qu’elle est ambivalente dans son rapport à la liberté: elle est à la fois l’une des trois nations qui ont construit la démocratie libérale, avec l’Angleterre et les Etats-Unis, et le pays de l’absolutisme de Louis XIV, de Napoléon Ier et Napoléon III, de Pétain et de l’ORTF.

Or nous sommes en train de vivre une désintégration des partis et de la représentation politique. Les groupes culturels et idéologiques antagonistes qui assuraient un pluralisme structurel de l’information (le PC, l’Église, le socialisme modéré, le gaullisme…) ont implosé. Le pluralisme n’est donc plus assuré et les médias représentent de plus en plus une masse indistincte. Typiquement le genre de situation dans laquelle l’Etat peut émerger comme une machine autonome et se mettre au-dessus de la société, pour la contrôler.

La séparation des pouvoirs est de moins en moins assurée. La menace que je vois se dessiner ce n’est donc pas celle des fake news, mais celle de l’autoritarisme de l’État et son autonomisation en tant qu’agent de contrôle de l’opinion. Il sera d’autant plus autoritaire sur le plan de l’information qu’il s’avère impuissant sur le plan économique: la société est bloquée, avec son taux de chômage tournant autour de 10%, et de plus en plus fragmentée en groupes qui se renferment sur eux-mêmes (les Corses, les habitants de Neuilly, autant que les musulmans). »

Et lorsque le journaliste cherche à détourner Emmanuel Todd de l’Etat vers la responsabilité des GAFAM, il conteste et revient vers l’État :

« Que les Gafam ne paient pas les impôts qu’ils devraient, qu’ils aient des stratégies monopolistes, oui, bien sûr. Mais je ne crois pas que ces moyens d’échange entre individus, par ailleurs extraordinaires quant à leur capacité à faire circuler l’information, soient les puissances occultes qu’on nous décrit. Ce que je sais en revanche, c’est qu’il y a des pays où l’accès à internet est contrôlé, comme la Chine, un Etat semi ou post-totalitaire où la police est reine.

Attirer l’attention sur les Gafam, c’est détourner l’attention de l’acteur majeur et producteur principal de fake news dans l’histoire, qu’est l’Etat. Parce que nous sommes en économie de marché, les Français surestiment le libéralisme intrinsèque de leur société et ils sous-estiment la puissance de désinformation de l’Etat. La guerre d’Irak a pourtant commencé par des fake news qui venaient de l’Etat américain sur les armes de destruction massive en Irak, avec Colin Powell qui agitait son petit flacon devant le conseil de sécurité de l’ONU…

C’est l’État qui a la puissance financière, l’avantage de la continuité, le monopole de la violence légitime: s’il y a bien un producteur de fake news à contrôler c’est l’État. Et l’État de son propre pays, pas les États extérieurs. Le principe fondateur de la démocratie libérale, c’est, en effet, que si la collectivité doit assurer la sécurité du citoyen, le citoyen doit être protégé contre son propre Etat.

En outre, les fausses nouvelles, les délires et les rumeurs mensongères, c’est l’éternité de la vie démocratique. Et l’idée même de la démocratie libérale, c’est de faire le pari que les hommes ne sont pas pour toujours des enfants. Contrôler l’information, c’est infantiliser le citoyen.

Au fond, ce débat évoque des classes dirigeantes en grande détresse intellectuelle. Comme elles ne comprennent plus la réalité qu’elles ont elles-mêmes créée, le comportement des électorats, Trump, le Brexit…, elles veulent interdire. Non content d’avoir le monopole de la violence légitime, l’Etat voudrait s’assurer le monopole des fake news. »

<Edward Plenel est sur ce même registre : La liberté n’a pas besoin que l’Etat s’en mêle> et le patron de Mediapart de rappeler :

« Que Nicolas Sarkozy avait accusé Mediapart de « faux et usage de faux » après la publication de révélations sur le financement de sa campagne électorale de 2007. Ces révélations étaient sorties entre les deux tours de la présidentielles de 2012, mais Edwy Plenel se défend de toute « gestion partisane de nos informations ». Il souligne que, malgré ses accusations, Nicolas Sarkozy avait choisi de ne pas poursuivre Mediapart en justice, « à la loyale », ce qui aurait permis au pure player d’apporter des éléments de preuves pour étayer ce qu’ils avaient publié.

Un « contournement » que faciliterait la nouvelle loi, selon le fondateur de Mediapart.  Il s’inquiète du risque de pression politique et partisane du pouvoir exécutif sur d’éventuelles poursuites judiciaires, qui stopperait la diffusion de révélations pendant la période de campagne électorale. »

Probablement que cette loi sur les fake news est une fausse bonne idée qui risque d’avoir plus d’effet pervers que d’effet positif.

Il est certain comme le fait remarquer Emmanuel Todd qu’au cours de l’Histoire, dans tous les pays du monde, le plus grand producteur de fake news fut l’État à l’égard de ses nationaux.

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Mardi 20 mars 2018

« La valeur de l’information »
Edwy Plenel

Un pré-projet avait été mis en ligne le 2 décembre 2007, mais le lancement du journal en ligne : Mediapart date du 16 mars 2008, il y a dix ans.

Mediapart a dix ans !

A son lancement Alain Minc avait été catégorique : « Cela ne marchera jamais ».

Soyons précis : <Aller voir cette vidéo sur Youtube> et reprenons ce qu’il dit :

« La presse sur le net ne peut être que gratuite, la presse payante sur le net ne peut pas marcher »

Vérité des textes, lien vers les sources, il n’y a que cela de vrai !

Mediapart a réalisé une presse payante sur le net et cela marche.

Pour ces 10 ans, Edwy Plenel a publié un livre : « La valeur de l’information » qui est paru le 8 mars 2018.

La valeur cela signifie qu’il est important de disposer d’une information de qualité dont on peut raisonnablement penser qu’elle est juste et vérifiée.

L’information peut aussi être révélée et avoir cette valeur qu’elle nous permet de mieux comprendre les enjeux, les comportements de certains et aussi leurs intérêts. Il est fondamental dans une démocratie de savoir que le Ministre du budget, le patron des services du contrôle fiscal est un fraudeur.

Certains jeunes dont mon fils pensent que les journaux et probablement les journalistes sont inutiles dans le monde qui vient. Le réseau, le réseau des amis sur lesquels on peut se fonder suffisent pour être bien informé. La masse des individus saura toujours plus que quelques journalistes et quelques précautions de recoupement permettraient alors de s’assurer d’une information solide et sérieuse.

Je n’y crois pas un seul instant.

Qu’est-ce qu’un bon journaliste ? C’est une femme ou un homme qui cherche de l’information et qui la vérifie.

Un journaliste, un vrai c’est une femme ou un homme courageux qui va défendre la liberté non pas pour lui mais pour la démocratie, pour les autres.

Un journaliste, un vrai peut avoir beaucoup d’ennui. On parle beaucoup de mai 1968 en ce moment, mai qui a commencé le 22 mars 1968, ou peut-être même le 18 mars et après mai il y eut une vraie purge des journalistes à la télévision et à la radio de l’époque, ils ont perdu leur emploi s’ils avaient été trop critiques par rapport au gouvernement ou trop bienveillants par rapport au mouvement de mai.

C’était il y a cinquante en France.

Aujourd’hui la Turquie porte le nom peu enviable <de plus grande prison de journalistes du monde>

Des journalistes perdent la vie lors de conflits qu’ils veulent suivre pour informer le monde.

Mais des journalistes sont aussi assassinés parce qu’ils font leur métier et qu’ils le font bien.

Et cela est même le cas dans notre douce Union européenne : Daphne Caruana Galizia a été assassinée sur l’ile de Malte en 2017, et en 2018 c’est en Slovaquie que Jan Kuciak a été tuée.

Un journaliste peut donner sa vie pour produire ce minerai d’une valeur inestimable pour la liberté et la démocratie : l’Information.

Alors la valeur de l’information c’est aussi un prix qu’il faut payer.

Quand vous voulez un service de qualité ou un produit de qualité vous faites appel à un professionnel, et ce professionnel vous le payez.

Quand vous voulez une information de qualité, vous faites appel à un professionnel et ce professionnel est un journaliste.

Pour ma part, je suis abonné à Mediapart depuis le scandale Cahuzac,

Edwy Plenel m’énerve souvent, il a parfois des réactions totalement disproportionnées notamment lors de son conflit avec Charlie Hebdo. Mais il a créé un site de qualité, indispensable à la démocratie et à la liberté. Mais pour y accéder il faut payer, parce que ce que vous y trouvez possède de la valeur.

Il était invité de Laurent Ruquier du 17 mars 2018.

Et il est revenu sur l’affirmation péremptoire d’Alain Minc :

« Alain Minc est une boussole qui montre toujours le Sud. Il nous a servi. Nous avons fait de la pub : Comme il [Alain Minc] s’est toujours trompé, abonnez-vous à Mediapart. Et en fait cela nous a ramené beaucoup d’abonnés…»

Mais il a été juste, Minc n’était pas seul : « Personne n’y croyait, Laurent, Personne !» a-t-il lancé à Ruquier.

Il a aussi insisté sur l’intérêt du numérique qui permet de créer une relation de confiance entre les journalistes et les lecteurs qui peuvent réagir et aussi écrire, critiquer bref participer.

Mediapart a aujourd’hui 140 000 abonnés, 45 journalistes..

C’est eux qui étaient en pointe sur l’affaire Bettencourt, Cahuzac et maintenant sur l’affaire que Plenel désigne comme le plus grand scandale d’Etat, c’est-à-dire le financement par le dictateur de Lybie, Kadhafi, de la campagne présidentielle de 2007 de Sarkozy, affaire que Plenel affirme être certaine.

Dans toutes ces affaires il est question d’énormes sommes d’argent détournées du bien public, de fraude fiscale, c’est-à-dire toutes ces dérives qui affaiblissent la solidarité et la démocratie.

Edwy Plenel donne cette mission aux journalistes : « Apportez des informations d’intérêt public » et il cite un autre journaliste qui dit :

« Ce sont les journalistes qui lèvent des lièvres mais c’est à la société de s’en emparer ».

L’échange lors de l’émission de Ruquier fut très intéressant et même émouvant quand il fut question du père : Alain Plenel qui fut vice recteur en Martinique et fut aussi persécuté par le pouvoir en raison de son esprit de liberté et de justice.

Alors oui l’information a de la valeur et il faut savoir la payer.

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Lundi 19 mars 2018

«Un sentiment de lassitude et de souffrance » »
Martin Hirsch directeur de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, parlant des personnels hospitaliers

Vous trouverez en commentaire le témoignage de Florence qui apporte la réalité du vécu à cet article issu du travail de journalistes

Dans le journal le Monde du 17/03/2018 j’ai lu un article : « Les urgences hospitalières confrontées à une surchauffe inhabituelle sur l’ensemble du territoire »

Et voici ce que j’ai lu :

« Confrontées à un afflux de patients âgés et à un manque de lits d’hospitalisation, les urgences explosent.

Selon des chiffres fournis par le ministère de la santé vendredi 16 mars, 97 hôpitaux sur les 650 – publics ou privés – comportant une structure d’urgences avaient, au 13 mars, activé le plan « hôpital en tension », un dispositif qui permet notamment de libérer des lits dans les différents services en reportant des opérations programmées. Une saturation inhabituelle à cette époque de l’année.

Depuis le début du mois, dans les services d’urgences adultes des établissements de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), le taux d’occupation est aussi en augmentation, selon l’heure de la journée, de 15 % à 25 % par rapport au taux moyen en 2016, soit « pratiquement le niveau observé au pic des épidémies hivernales ». Par comparaison, ces deux dernières années, le taux d’occupation en mars était proche du taux moyen annuel (soit + 5 % environ).

Un autre indicateur a également viré au rouge : le nombre de passages de personnes de plus de 75 ans dans les hôpitaux de l’AP-HP a enregistré ces sept derniers jours des hausses comprises entre 8 % et 20 % par rapport à la même période l’année dernière. Dans un prestigieux hôpital parisien, un médecin urgentiste explique avoir été ce mois-ci « en situation de crise permanente ». « Nous n’avons plus de salle d’examen disponible et nous examinons donc les patients dans les couloirs », raconte-t-il sous le couvert de l’anonymat.

Le phénomène touche toute la France. « On a l’impression de revivre la canicule de 2003, témoigne Pierre Mardegan, le responsable des urgences à l’hôpital de Montauban. Devoir hospitaliser entre 25 et 30 personnes âgées par jour, je n’ai jamais connu ça en vingt ans d’exercice. » Signe de la gravité de la crise, au centre hospitalier de Bourges, il a été expressément demandé aux habitants « de ne venir aux urgences qu’en cas de nécessité absolue ».

A Strasbourg, les syndicats FO et CFTC ont dénoncé une situation « extrêmement critique » et ont lancé un appel à la grève à partir du 20 mars.

« Depuis une semaine, c’est la catastrophe », assure Mathias Wargon, le chef des urgences de l’hôpital Delafontaine, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). « On ne prend pas de risque vital avec les patients, mais ce n’est pas de la bonne médecine », regrette-t-il.

« Ça craque de partout, l’hôpital est en train de s’écrouler », juge Christophe Prudhomme, porte-parole de l’association des médecins urgentistes de France et membre de la CGT.

« Cette situation est le signe que le modèle hospitalier est au bout du bout et qu’il doit se réorganiser », abonde François Braun, le président de Samu-Urgences de France. Pour mesurer l’ampleur du phénomène, son organisation a mis en place un dispositif de comptage quotidien – sur la base du volontariat – du nombre de personnes admises aux urgences ne trouvant pas de lits d’hospitalisation.

Le résultat est édifiant : entre le 10 janvier et le 9 mars, sur une centaine de services d’urgences (sur un total de 650), plus de 15 000 patients ont passé la nuit sur un brancard, faute de lit d’hospitalisation. « En extrapolant à tous les services, cela représente près de 100 000 patients en deux mois », précise M. Braun. Cette surcharge « entraîne une augmentation de la mortalité de 9 % pour tous les patients et de 30 % pour les patients les plus graves », affirme Samu-Urgences de France, dans un communiqué. La médiatisation de décès survenus ces derniers jours dans plusieurs services d’urgences saturés ont d’ailleurs mis en lumière la situation de crise dans ces hôpitaux. A Reims et à Rennes, des enquêtes judiciaires ont même été ouvertes.

A quoi attribuer cette fréquentation inhabituelle ? La direction de l’AP-HP fait valoir que « ces derniers jours, l’épidémie de grippe saisonnière, marquée par une proportion plus importante de souche virale B, impacte davantage la population âgée, ce qui a entraîné une augmentation des hospitalisations pour pathologies respiratoires ».

L’hypothèse d’un effet grippe ne suffit pas aux urgentistes. « Le pic de l’épidémie était mi-janvier », assure M. Braun. « On est en dehors de tout épisode épidémique, la situation n’est donc pas liée uniquement à cela », complète M. Mardegan, à Montauban. Pour ces médecins, un tel degré d’engorgement est d’abord la conséquence de toute une série de « dysfonctionnements » de l’hôpital. Alors que la population est vieillissante et que les médecins de ville sont de moins en moins nombreux et accessibles, ils font valoir que l’hôpital ne s’est pas réorganisé en conséquence et ne dispose pas de suffisamment de lits d’hospitalisation générale pour accueillir des personnes âgées polypathologiques. »

Frédéric Pommier qui a consacré une grande partie de sa revue de presse de dimanche à ce sujet, a commenté : « Les services des urgences sont donc au bord de l’explosion, et les hôpitaux parisiens sont à bout de souffle eux-aussi. Le personnel soignant, comme les chefs de service dénoncent un manque de moyens. »

Et Martin Hirsch, le directeur de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris reconnaît lui-même dans le même journal « un sentiment de lassitude et de souffrance ». Il appelle à une transformation profonde de l’hôpital. Sachant qu’on est sans doute au-delà de la lassitude.

Et puis le Monde a publié un autre article : <« Ras-le-bol », « découragement », « perte de sens » : le malaise de l’AP-HP>

On lit :

L’hôpital public, pour elle, c’est terminé. A la fin du mois, après douze années comme infirmière de bloc opératoire dans un hôpital de la banlieue parisienne de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), Agathe (tous les prénoms ont été modifiés) va raccrocher la blouse. A 43 ans, elle se dit « fatiguée » et « triste » d’avoir dû se résoudre à ce choix. Il y a huit ans, le service d’obstétrique où elle travaille effectuait 2 800 accouchements par an. Il en fait aujourd’hui 900 de plus, à effectif constant. « Ils ont fait de notre service une usine, raconte-t-elle. On nous presse, on nous stresse, on nous demande du rendement… La chef de service nous rappelle constamment que, si on ne fait pas tel chiffre d’activité, on nous réduira les postes… »

A quelques kilomètres de là, dans un établissement parisien de l’AP-HP, Pascale, une aide-soignante de 35 ans, songe, elle aussi, parfois, à démissionner. Elle dénonce l’évolution « négative et dangereuse » du métier qu’elle exerce depuis treize ans. « Pour payer mes études, j’avais bossé à McDo. Toute la journée, on entendait : « On y va ! On y va ! » J’ai retrouvé ça au bloc ces dernières années. On n’a plus le temps de discuter avec les patients angoissés avant une opération… »

Et pendant ce temps, où les infirmières n’ont plus le temps de s’occuper vraiment des malades, de leur parler, de les toucher, bref exprimer de l’humanité, les scientifiques nous disent :

«  Des études de plus en plus nombreuses prouvent les bienfaits du contact corporel.
La dernière en date publiée la semaine dernière dans la revue PNAS a étudié les effets analgésiques induits par le toucher. […]

Parce qu’on sait à quel point le lien tactile est important dans les interactions entre les humains. Le toucher pouvant diminuer le stress et l’anxiété et renforcer l’attachement à tous les âges de la vie.
C’est le cas bien sûr entre le bébé et sa maman avec les effets du « peau à peau » qui sont bien connus mais aussi chez les personnes âgées dont le corps est pourtant souvent repoussé et mis à distance. Des études ont montré que le toucher faisait baisser la peur et l’angoisse de la mort chez des patients en fin de vie.

Le philosophe du corps Bernard Andrieu regrette cette perte du lien tactile dans nos sociétés.

Il observe que le toucher et ce besoin d’être touché, disparaissent au profit du virtuel et de l’immatériel. Et il nous invite sans tarder à une reconquête sensorielle pour découvrir ces pouvoirs immenses. »

Ces informations vous les trouverez dans cette émission : <le pouvoir du toucher> dans la chronique de Mathieu Vidard du 15 mars 2018.

Une émission de Mathieu Vidard plus ancienne, de 2016, expliquait tout cela plus longuement <La tête au carré du 3 février 2016>. Et il suggérait :

« Le toucher pourrait bien être celui de nos cinq sens qui nous connecte le plus directement à nos semblables. »

A force de rendement, de compétition, de productivité nous allons vers plus d’inhumanité.

Dans le mot du jour qui parlait des abeilles qui pollinise avant de produire du miel, Yann Moulier Boutang rappelait :

« Qu’est-ce que fait l’humain principalement ? Un output marchand à partir de marchandise ?
Non ! il produit essentiellement du vivant à partir du vivant.

L’humain ne fait pas que se reproduire, il met au monde des enfants mais qu’il élève et en cela il crée quelque chose de nouveau !

Il produit son environnement, il produit des relations, il produit du lien etc.

Mais pour des humains, en dehors des sociologues qui faisait de grandes déclarations qui disaient « le lien social c’est important », les assistantes sociales qui disaient « il ne faut pas couper dans les dépenses publiques », « il ne faut pas couper dans l’éducation parce que c’est la base de la société, parce que c’est la richesse de la société ». Parce que c’est aussi la possibilité pour les entreprises de ne pas avoir des employés qui sont totalement malades ou totalement handicapés sur tous les plans. »

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Vendredi 16 mars 2018

« Cet Univers ne serait pas grand-chose, s’il n’abritait pas les gens qu’on aime »
Stephen Hawking

Stephen Hawking étaient le père de trois enfants : Lucy, Robert et Tim. Ce sont eux qui ont publié un communiqué où ils ont écrit :

« Nous sommes profondément attristés par la mort de notre père aujourd’hui. C’était un grand scientifique et un homme extraordinaire dont l’œuvre et l’héritage vivront de nombreuses années. […]. Il avait déclaré un jour : « Cet Univers ne serait pas grand-chose s’il n’abritait pas les gens qu’on aime. » Il nous manquera toujours. »

Vendredi dernier, j’avais entendu la chronique de Sonia Devillers sur France Inter consacré aux Jeux Paralympiques où elle décrivait la place des handicapés dans la société. Au moment de l’écoute j’avais l’intention d’en faire un mot du jour et puis… je suis passé à autre chose.

Et ce mercredi 14 mars 2018, l’immense scientifique, Stephen Hawking dont j’avais lu avec passion « Une brève histoire du temps » peu de temps après sa sortie dans les années 1990, est mort. Cet homme était terriblement handicapé : un esprit exceptionnel dans un corps détruit. Lui est même arrivé à faire de son handicap un atout, une marque de fabrique. Il a dit :

« Je suis certain que mon handicap a un rapport avec ma célébrité. Les gens sont fascinés par le contraste entre mes capacités physiques très limitées et la nature extrêmement étendue de l’Univers que j’étudie ».

Lors de la chronique de Sonia Devillers, j’ai appris que 12 millions de français sont handicapés.

Elle exprimait les progrès de la télévision par rapport à la visibilité des handicapés notamment grâce aux jeux paralympiques :

«Mais souvenez-vous, succès d’audience totalement inattendu lors de Rio 2016. Un plébiscite du public. Et du beurre dans les statistiques carrément honteux de la télévision en général. Seulement 0,8% des gens vus à l’écran sont en situation de handicap. Et sans les Jeux Paralympiques ce serait encore moins. […]

Exit animateurs et journalistes handicapés

Souvenez-vous : la télé reste un spectacle visuel qu’on ne veut pas gâcher. Dans les talk-shows, les invités handicapés viennent témoigner du handicap. Ce qui est débile. Ils peuvent intervenir dans tous les champs d’expertises comme n’importe quel valide.

Côté fiction, c’est pareil. Soit, on cause du handicap, soit on montre des héros qui le surpassent en permanence. Mimie Mathy et ses super-pouvoirs sur la Une. « Cain », le commissaire en fauteuil sur la deux. On manque de personnages ordinaires : employés de mairies, médecin, profs… handicapés, mais on s’en fout, leur fonction n’étant pas du tout celle-ci dans le récit. Juste, on s’habitue à voir leur corps à l’écran.

Reste le divertissement. Là, ça bouge, vraiment
Et comme souvent, en matière de diversité, ça vient de « The Voice », sur TF1, qui sélectionne les candidats uniquement à la voix, pas au physique.

On se souvient de Jane, toute jeune malvoyante, face caméra, sans lunettes noires, alors que ses yeux – strabisme et pupilles blanchies – sont très marqués par le handicap. Pas de lunettes, exactement comme le réclame une nouvelle génération d’aveugles qui se bat d’ailleurs pour faire autre chose que de la musique, pour ne pas ressembler à Gilbert Montagné, pour faire des études et du sport. Bref, pour que les modèles de réussite changent. Regarder un champion paralympique triompher à la télé, c’est comme filmer un aveugle sans lunettes. C’est accepter la différence et mettre scène ses espérances »

Lors de sa revue de presse de mercredi, Claude Askolovitch a introduit le sujet du handicap et de l’œuvre de Stephen Hawking par cette phrase :

« La victoire de la pensée sur la chair »

Stephen Hawking est né à Oxford le 8 janvier 1942. Son père, biologiste, souhaite qu’il suive ses pas en étudiant la médecine à Oxford. Il opte pour la physique avant de partir pour Cambridge, afin d’y poursuivre des recherches en astronomie.

Peu après son 21e anniversaire, il apprend qu’il souffre d’une maladie dégénérative paralysante. Les médecins ne lui donnent que deux ans à vivre. Son corps décline inexorablement. En 1974, il est incapable de se nourrir ou de sortir de son lit par lui-même. En 1985, il perd définitivement l’usage de la parole après avoir subi une trachéotomie à la suite d’une pneumonie. Mais son esprit est intact. Et son but simple : « Comprendre complètement l’Univers, pourquoi il est comme il est et pourquoi il existe. »

Le Monde précise la maladie dont était atteint Stephen Hawking :

Stephen Hawking était atteint d’une sclérose latérale amyotrophique (SLA), une maladie neurodégénérative paralysante aussi appelée maladie de Charcot. Une maladie rare, décelée chez environ 2 500 personnes par an en France. Elle fait partie du groupe des maladies des neurones moteurs, qui dégénèrent progressivement et font perdre aux malades le contrôle de leurs muscles.

« La perte de motricité est la conséquence d’une dégénérescence, c’est-à-dire d’une mort cellulaire, des motoneurones, les cellules nerveuses [neurones] qui commandent les muscles volontaires. »

Concrètement, cela commence par une perte de la capacité à bouger les bras, les jambes. Puis lorsque les muscles du diaphragme et de la paroi thoracique sont atteints, les patients perdent leur capacité respiratoire et sont placés sous assistance. C’était le cas depuis des années de Stephen Hawking.

Les médecins continuent à considérer la longévité de l’astrophysicien comme un mystère, la maladie étant incurable. Selon les statistiques médicales, la mort survient habituellement vingt-quatre à trente-six mois après le diagnostic. Le plus souvent, c’est l’incapacité à respirer qui emporte le patient.

Wikipedia nous apprend que les médecins avaient proposé à sa femme d’éteindre la machien qui le raccrochait à la vie mais que cette dernière a refusé et qu’il a donc encore vécu, réfléchi et publié pendant 33 ans :

« En 1985, il a contracté une pneumonie et a dû subir une trachéotomie pour mieux respirer, ce qui l’a rendu définitivement incapable de parler.

C’est à cette époque qu’il est proposé à Jane Wilde Hawking [son épouse] d’éteindre la machine qui le raccroche à la vie. De fait, les médecins n’estiment pas possible que Stephen Hawking puisse un jour se porter mieux. Pour autant Jane Wilde Hawking refuse et les médicaments font peu à peu effet et permettent à Hawking de se remettre partiellement de sa pneumonie.

Walt Waltosz, un informaticien de Californie, a construit un dispositif permettant à Hawking d’écrire sur un ordinateur avec un commutateur dans sa main, tandis qu’un synthétiseur vocal parle pour lui, lisant ce qu’il vient de taper.

Ayant perdu l’usage de ses mains, il utilise à partir de 2001 les contractions d’un muscle de sa joue détectées par un capteur infrarouge fixé à une branche de ses lunettes, pouvant ainsi sélectionner les lettres une par une sur un clavier virtuel d’une tablette dont un curseur balaie en permanence l’alphabet, puis sélectionner des mots grâce à un algorithme prédictif. Ce système lui permet d’exprimer cinq mots à la minute et de donner des cours à l’université de Cambridge jusqu’en 2009.

Face à l’aggravation de son état, Intel met au point depuis une nouvelle interface de contrôle basée sur la reconnaissance faciale des mouvements de ses lèvres et sourcils ».

Le Point a tenté de sélectionner <douze citations inspirantes de Stephen Hawking>

J’en choisis deux parmi elles :

« L’intelligence est la capacité de s’adapter au changement. »

et

« Au fond, j’aurai eu une belle vie. Les personnes handicapées devraient se concentrer sur les choses que leur handicap ne les empêche pas de faire, sans regretter ce dont elles sont incapables. »

Mais c’est celle que j’ai mis en exergue que je préfère, car elle correspond profondément à ce que je ressens : « Cet Univers ne serait pas grand-chose s’il n’abritait pas les gens qu’on aime ».

Qu’un homme de l’intelligence, de la fragilité corporelle de Stephen Hawking, un homme à qui on avait annoncé à 21 ans qu’il ne vivrait pas plus de 2 ans et qui a vécu par sa volonté et par la science jusqu’à 76 ans ait pu dire cela, constitue une immense leçon d’humanité pour chacun de nous.

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