Jeudi 30 avril 2015

«Une Américaine a récemment convoqué son mari à une audience relative à leur divorce par Facebook.
[…] il y a fort à parier qu’une telle modernisation mettra [en France] un certain temps.»
Stella Bisseuil
Pour finir la semaine, un mot du jour un peu plus léger que les précédents.
Le progrès fait rage et le futur ne manque pas d’avenir disait Philippe Meyer.
Parmi les peuples les plus modernes, les états-uniens inventeurs du chewing gum, du coca cola et du hamburger.
Voici les faits : Ne disposant pas de son adresse postale, l’épouse n’avait pas d’autres solutions de contacter son mari que d’utiliser la messagerie facebook. La justice américaine a reconnu la conformité de cette convocation.
En principe, les convocations en justice, même outre-Atlantique, doivent respecter un certain formalisme, car les conséquences peuvent être graves.
Mais ici, le mari n’avait aucune adresse officielle et n’était pas joignable sauf… via les réseaux sociaux. Un message Facebook portant à sa connaissance ladite convocation a été jugé valable, et la procédure en divorce a pu se dérouler normalement. Les juges américains ont ainsi fait preuve d’un certain pragmatisme.
S’il existe des lois relatives aux conditions de forme des convocations en justice, c’est pour s’assurer que le justiciable a bien été informé de la procédure engagée à son encontre. Mais si un compte Facebook le permet, le but est atteint ! Bien sûr, on peut supposer que, dans ce cas, le juge a pu vérifier que le mari en question avait bien lu le message, ce qui ne semble possible que s’il y a apporté une réponse, s’il l’a commenté ou si l’accusé de réception « Vu » a été apposé à la fin du message.
Serait-ce possible en France ? est la question que se pose Stella Bisseuil, avocate.
«Nous ne faisons pas preuve du même pragmatisme que les anglo-saxons. Nous sommes un pays de droit écrit, et les lois peuvent être modifiées par le Parlement ou le gouvernement. Nos textes actuels prévoient que les convocations en justice doivent être faites, selon les cas, par lettre recommandée ou citation d’huissier, ce qui suppose bien sûr que l’on connaisse l’adresse de son adversaire…
Dans les autres cas, il faudrait pouvoir utiliser les réseaux sociaux, qui, souvent, restent actifs même quand les personnes n’ont plus de domicile connu. Mais nos textes actuels ne le prévoient pas …
[…]
Mais, il suffit de voir le sort réservé aux préconisations pratiques que font chaque année les plus hauts magistrats (notamment dans les rapports annuels de la Cour de cassation et du Conseil d’État – comme la cour des Comptes dans d’autres domaines) sur des questions de ce type, des textes à moderniser, ou à rendre compatibles ou cohérents les uns avec les autres… pour vérifier, chaque fois, qu’aucune d’entre elles pratiquement n’est suivie d’effet. Alors si la haute magistrature n’est pas écoutée par le gouvernement, les justiciables ne le seront certainement pas plus.
Ainsi, il y a fort à parier qu’une telle modernisation mettra chez nous… un certain temps.»
Bref, la modernité reste un combat en France
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Mercredi 29 avril 2015

« la première liberté, c’est la sécurité (?).
Nous inversons la proposition : pour nous, la première sécurité est la liberté. »
Pierre Mauroy, Mars 1981 (donc avant la victoire de François Mitterrand le 10 mai 1981)

L’expression complète de Mauroy est

« Pour la droite, la première liberté, c’est la sécurité. Nous inversons la proposition : pour nous, la première sécurité est la liberté. »

Sous le titre <« La sécurité est la première des libertés. » Ou l’inverse ?> Rue 89 a publié, le 23/04/2015, un article dont je cite ci-après quelques extraits :

« En 1981, quand Alain Peyrefitte faisait de la sécurité la première des libertés, Pierre Mauroy inversait la proposition. Depuis, la gauche, à commencer par Manuel Valls, a adopté cette posture hier affichée par le FN.

De la bouche d’un gaulliste à celle d’un Premier ministre socialiste. En passant par une affiche de Jean-Marie Le Pen, Marion Maréchal-Le Pen dans les bras, pour les régionales en Paca, en 1992. « La sécurité, première des libertés » est une formule qui a fait du chemin, avant d’être reprise par Manuel Valls le 13 avril, dans l’hémicycle, pour défendre le controversé projet de loi sur le renseignement. […]

Associée à la droite et l’extrême droite jusqu’aux années 90, l’expression n’est aujourd’hui plus du tout discriminante et constitue, comme le notait Libération en 2013 après une sortie d’Estrosi sur le sujet, « un poncif du débat public » depuis vingt ans. […]   ainsi, au gaulliste Alain Peyrefitte, qui répète que « la sécurité est la première des libertés » lors de l’examen de sa loi « Sécurité et Liberté », le socialiste Pierre Mauroy rétorque, en mars 1981 : « Pour la droite, la première liberté, c’est la sécurité. Nous inversons la proposition : pour nous, la première sécurité est la liberté. »

La loi portée par Peyrefitte, alors garde des Sceaux, comprenait, selon ses détracteurs, 95 fois le mot « sécurité » et 5 fois le mot « liberté ». Ce débat – passionné – est généralement utilisé pour dater le début du débat « sécuritaire ». Ce mot entre d’ailleurs dans le vocabulaire au début des années 80. A l’époque, la gauche, vent debout contre la droite « liberticide », demande son abrogation lorsqu’elle arrive au pouvoir. C’était un engagement de campagne de Mitterrand (n° 52).

Là, comme dans tant d’autres domaines, la frontière entre la droite et les socialistes va tendre à s’estomper.

[…] la déclaration de politique générale de Jospin, le 19 juin 1997,  affirmait : « La sécurité, garante de la liberté, est un droit fondamental de la personne humaine. » […]

Pour justifier cette pirouette sémantique, la gauche fait appel à la fameuse Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, texte révolutionnaire s’il en est, qui fait figurer la « sûreté » parmi les droits naturels et imprescriptibles de l’homme dans son article 2 : « Art. 2. Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l’oppression. »

Mais sécurité n’est pas sûreté. L’ancien ministre de la Justice socialiste Robert Badinter le rappelle dans un entretien au Monde, en janvier 2004 : « Ce qui est consacré dans la Déclaration des droits de l’homme, c’est la sûreté, c’est-à-dire l’assurance, pour le citoyen, que le pouvoir de l’Etat ne s’exercera pas sur lui de façon arbitraire et excessive. Le droit à la sûreté, c’est la garantie des libertés individuelles du citoyen. »

[…] Bref, pas très malin pour les socialistes. D’ailleurs, les meilleures critiques de la formule, ce sont eux-mêmes, les socialistes. Ainsi, Jean-Jacques Urvoas, président PS de la commission des Lois, a un jour (lointain) écrit sur son blog : « C’est l’occasion pour moi de dire que je ne comprends pas le slogan répété à satiété selon lequel « la sécurité serait la première des libertés ». […] Si je suis de gauche, c’est d’abord parce que je veux vivre dans un pays libre ! […] Et s’il faut conjuguer la sécurité avec notre devise républicaine, alors affirmons que  » la sécurité est la garantie de l’égalité « . Voilà le combat historique de la gauche ! »

[…] Manuel Valls lui-même, dans son livre « Sécurité : la gauche peut tout changer » (éditions du Moment), sorti en avril 2011, écrivait que « l’opposition affichée systématiquement entre sécurité et liberté [lui paraissait] toujours un peu creuse. » Tout en moquant : « Ceux qui tentent d’échapper à ce piège idéologique en affirmant, rapidement, que la sécurité est la première des libertés. »

Je trouve cet article particulièrement rafraichissant dans ses rappels historiques et aussi dans sa capacité à mettre nos gouvernants face à leurs incohérences et contradictions.

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Mardi 28 avril 2015

Mardi 28 avril 2015
« parce que ce qui compte ici,
c’est que ce sont des hommes,
des hommes en danger de mort. »
Jean-Paul Sartre
Je n’ai pas besoin de vous décrire ce qui se passe en ce moment en méditerranée, les informations des télévisions et des radios vous montrent et vous racontent ces hommes et ces femmes qui meurent, par groupe de centaines désormais.
On évoque l’accueil de 5.000 Syriens à répartir parmi le demi-milliard d’Européens
Les hommes politiques sont tétanisés, ils ont peur de leurs électeurs qui ne veulent plus d’immigrants.
David Cameron, le premier ministre anglais a annoncé (à quelques jours d’élections difficiles) qu’il enverrait un bateau de la Royal Navy en Méditerranée, mais que tout migrant sauvé par la marine britannique serait déposé sur les côtes du pays le plus proche, vraisemblablement l’Italie. Donc surtout pas au Royaume Uni.
Alors, Pierre Haski sur le site Rue 89 nous rappelle que notre pays a été exemplaire il y a plus de 35 ans, et il n’a jamais eu à le regretter. C’était en 1979, et la crise des boat people d’Indochine. A l’époque la France a recueilli sur son territoire plus de 120 000 réfugiés vietnamiens et cambodgiens qui fuyaient les régimes communistes.
En 1979, il y avait 2 immenses intellectuels : un de gauche, d’extrême gauche même, Jean-Paul Sartre et un de droite libérale Raymond Aron. Ils étaient de la même promotion de l’ENS de la Rue d’Ulm. Ils ne se parlaient plus depuis de longues années. Jean-Paul Sartre invectivait régulièrement son ancien camarade.
Mais cette catastrophe humanitaire les avait de nouveau réunis, avec d’autres, mais c’était eux qu’on voyait.
Et Jean-Paul Sartre a déclaré :
« Personnellement, j’ai pris parti pour des hommes qui n’étaient sans doute pas de ceux qui étaient mes amis au temps où le Vietnam se battait pour la liberté. Mais ça n’a pas d’importance, parce que ce qui compte ici, c’est que ce sont des hommes, des hommes en danger de mort. Et je pense que les Droits de l’Homme impliquent que tout homme doit entrer au secours de ceux qui risquent un danger de mort ou un danger de grand malaise. »
Dans l’esprit public de Philippe Meyer de ce dimanche qui traitait en seconde partie de ce sujet, Jean-Louis Bourlanges a lancé un plaidoyer dans une saine colère :
«Le sommet [européen] qui a eu lieu jeudi est effrayant. C’est un mélange de lâcheté, d’impuissance, d’hypocrisie et de numéro médiatique qui est vraiment honteux et qui marque seulement notre profonde incapacité morale, avant d’être politique et technique pour faire face correctement à ce défi […]
Nous ne voulons pas mettre d’argent dans cette affaire, nous sommes totalement radins.
Nous n’accueillons pas toute la misère du monde, nous n’en accueillons pas notre part [il fait référence à cette phrase de Michel Rocard : nous ne pouvons accueillir toute la misère du monde mais nous devons y prendre notre part ». L’Allemagne a accueilli 30 000 syriens le reste de l’Europe moins de 10 000 […]. La plus grande charge de cette misère est recueilli par des pays en développement comme l’Egypte, la Turquie, la Tunisie.
Pascal disait « Le cœur de l’homme est creux et plein d’ordures » […] Oui le cœur de l’européen est creux et plein d’ordures  ».
Rappelons que la majorité de ces femmes et hommes viennent du chaos de Syrie, de Libye et de toutes ces zones africaines qui sont la proie de la violence aveugle de chefs de guerre et de groupes terroristes. Ils connaissent le risque et le prix pour venir vers l’Europe. Ils préfèrent mourir que de rester là où ils sont.
« Ce qui compte, c’est que ce sont des hommes, des hommes en danger de mort », disait Jean-Paul Sartre…

Lundi 27 avril 2015

« Les restes de l’épée »
Expression turque pour évoquer des enfants arméniens adoptés et islamisés par des turcs ou des kurdes

Les Turcs appelaient «restes de l’épée» (kiliç artigi) ces Arméniens, surtout des femmes et des enfants, qui ont échappé au génocide de 1915, enlevés ou protégés par des familles musulmanes. Le journaliste arménien de Turquie Hrant Dink parlait, lui, «d’âmes errantes» et a tenté, jusqu’à son assassinat à Istanbul en 2007, de retrouver cette mémoire engloutie, reconnaissant qu’en Turquie, «il est encore plus difficile de parler des vivants que des morts». Nul ne sait combien sont les descendants des rescapés restés en Anatolie orientale se cachant ou le plus souvent se convertissant à l’islam, tout en se fondant parmi les populations turque et kurde.

J’ai découvert cette terrible expression : « les restes de l’épée », c’est à dire ce qui reste quand on a passé « la plus grande partie au fil de l’épée » dans un documentaire de France 24 : Génocide arménien, le spectre de 1915.

Ce documentaire se focalise sur 3 destins :

Un absent, Hrant Dink qui fut assassiné, le 19 janvier 2007 à Istanbul, par un nationaliste turc. Il était turc arménien et l’a toujours su. Il a consacré sa vie à ce que le débat sur les massacres de 1915 s’ouvre en Turquie et que la Turquie et l’Arménie puissent se rapprocher. Le nationaliste turc qui voulait faire taire cette voix a échoué : 100 000 personnes, arméniens mais aussi turcs et kurdes ont assisté à ses funérailles en scandant « Nous sommes tous des Hrant Dink, nous sommes tous arméniens ». Cet assassinat a déclenché, dans la société civile turque, une vraie prise de conscience.

Le second destin est une femme : Fethiye Çetin, avocate. Elle fut l’avocate de Hrant Dink dans les procès que l’Etat turc a engagés contre lui. Elle ne se savait pas arménienne, elle a appris tard qu’elle faisait partie des « restes de l’épée », petite-fille d’une rescapée du génocide arménien.

Le troisième destin est celui d’un turc de haut lignage, journaliste et écrivain. Il devint l’ami de Hrant Dink. Il s’appelle Hasan Cemal.

Le mouvement jeunes turcs qui gouvernait l’empire ottoman en 1915 et a décidé du génocide, était dirigé par un triumvirat appelé les « Trois pachas ». :  Talaat Pacha, Enver Pacha et Cemal Pacha.

Hasan Cemal est le petit fils du dernier. Dans le documentaire il raconte son long cheminement qui l’a amené à aller s’incliner devant le monument au génocide arménien d’Erevan et à reconnaître la réalité. Il dit que peu importe le nom qu’on donne à ces évènements mais ils étaient ignobles.

Il est bien sûr attaqué par les nationalistes turcs désormais, mais il poursuit sa route et dit

« Après avoir compris tout cela comment pourrais-je dire que mon grand-père était un homme bien, le pourriez-vous ? »

La fin du documentaire montre Fethiye Çetin arrivant à fédérer des turcs des kurdes et des arméniens pour restaurer un lieu historique : les fontaines du village où vivait sa grand-mère avant le génocide.

<Vous trouverez ici ce très beau documentaire de France 24>

« Les restes de l’épée » est aussi un livre publié en 2012 et écrit par Laurence Ritter et Max Sivaslian.

Le chemin de la reconnaissance des évènements par les turcs sera encore long, mais il est largement entamé notamment par la société civile.

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Vendredi 24 avril 2015

« For those who aren’t aware, there was a genocide that did take place against the Armenian people. »
« Pour ceux qui ne sont pas au courant, il y a eu un Génocide qui s’est déroulé contre le peuple arménien. »
Sénateur Barack Obama en 2007

Les arméniens du Monde commémorent le génocide de leur peuple ce 24 avril, car le 24 avril 1915 le ministre de l’intérieur Talaat Pacha du gouvernement Jeunes-Turcs donne l’ordre de l’arrestation des intellectuels arméniens. L’opération débute à 20 heures à Constantinople. Dans la nuit du 24 au 25 avril 1915, 235 à 270 intellectuels arméniens sont alors arrêtés, en particulier des ecclésiastiques, des médecins, des éditeurs, des journalistes, des avocats, des enseignants, des artistes et des hommes politiques dont des députés au parlement ottoman.

Le mot du jour est un propos qu’a tenu le Sénateur Barack Obama en 2007, le Sénateur pas le Président. Car bien qu’il s’y soit engagé lors de sa campagne présidentielle, Barack Obama n’a pas fait reconnaître le génocide par les Etats Unis. Il est allé en visite officielle en Turquie, sans dire un mot de ce sujet.

Lors d’un rendez-vous hebdomadaire du « Breakfast briefing » organisé par les Sénateurs de l’Illinois, l’Armenian National Committee of America (Comité de Défense de la Cause Arménienne aux Etats-Unis) est intervenu pour interroger le Sénateur Barack Obama, sur la question du Génocide Arménien. Une intervenante a demandé s’il allait s’engager à défendre la résolution reconnaissant le Génocide Arménien (S. Res. 106). A cette question le Sénateur Obama a répondu :

« Pour ceux qui ne sont pas au courant, il y a eu un Génocide qui s’est déroulé contre le peuple arménien. C’est l’une de ces situations où l’on a vu un déni constant d’une part du gouvernement turc ainsi que d’autres, c’est ce qui a eu lieu. C’est devenu un sujet diplomatique douloureux… ».

La vidéo est là : <Obama parle du génocide arménien>

Mais les Etats-Unis ne veulent pas fâcher la Turquie et restent donc très prudent.

Nous restons dans le déni, le négationnisme du génocide par la Turquie.

Mais pourquoi ?

Ces massacres ont été perpétrés par le gouvernement jeune-turc qui a été renversé par Mustapha Kemal. La Turquie Kémaliste pourrait donc reconnaître ce crime commis par d’autres. Les allemands parlent du crime des nazis et non du crime des allemands. Les turcs pourraient tenter cette même dissociation entre les jeunes turcs et la Turquie d’aujourd’hui.

Remarquons qu’en ce moment ce n’est plus le parti créé par Atatürk qui est au pouvoir mais le parti religieux d’Erdogan qui a pris le pouvoir contre le parti des Kemalistes.

Mais rien n’y fait, sur ce plan il y a continuité, la Turquie continue à nier, parlant de massacre, d’initiatives individuelles. L’objectif dans cette thèse n’était pas l’élimination du peuple arménien, mais simplement son éloignement des zones de combat qui se trouvaient en territoire arménien, parce que des arméniens auraient trahi l’empire Ottoman et se seraient alliés aux Russes. La déportation était donc un acte de sécurité nationale.

Cette thèse est balayée par des ordres qui ont été écrits par des membres du gouvernement, démentie par des témoignages notamment d’allemands alliés des ottomans rapportant des propos de leurs interlocuteurs. En outre, la trahison des arméniens en 1915 est aussi un mensonge

Les jeunes turcs comme plus tard les kémalistes étaient des nationalistes turcs. Ils voulaient d’abord à l’intérieur de l’empire ottoman puis, après son effondrement dans l’Etat turc, créer une nation turque pure et nettoyée des peuples chrétiens de l’empire qui ne rentraient pas dans ce projet. Car si on parle du génocide arménien, il y eut d’autres massacres de chrétiens à cette période à l’intérieur de l’empire ottoman, notamment les chrétiens syriaques. L’empire ottoman comptait 20% de chrétiens, aujourd’hui selon wikipedia il y a 0,4 % de chrétiens dans l’Etat turc.

Les kurdes n’étaient pas non plus turcs, mais ils étaient musulmans et ont beaucoup participé aux massacres des arméniens. Par la suite Atatürk a voulu en faire des turcs cela n’a pas fonctionné. Aujourd’hui encore les kurdes de Turquie sont en lutte contre l’Etat.

Un Etat nation turc, voilà ce qu’Atatürk et les jeunes turcs partageaient.

Le traité de Sèvres du 10 août 1920 qui met fin à l’empire Ottoman, évoque les massacres arméniens et des réparations.

Mais si l’empire Ottoman a perdu la guerre, la Turquie de Mustapha Kemal va la gagner contre les grecs et les alliés fatigués laisseront faire. Atatürk ne reconnaîtra jamais le traité de Sèvres et obtiendra le Traité de Lausanne en 1923, beaucoup plus avantageux. Dans ce traité il n’est plus question des arméniens et de leur massacre.

Quand des arméniens survivants voudront revenir en Anatolie où ils vivaient depuis des siècles, la Turquie Kémaliste refusera de leur délivrer un passeport turc : ils ne font pas partie de la nation turque et l’Etat nation choisit qui sont ses ressortissants.

Si Atatürk n’a pas été à l’origine du génocide, celui-ci a bien aidé ses objectifs nationalistes. Reconnaître le génocide serait aussi mettre en cause la structure même de l’Etat nation turc, sans parler des réparations que cela pourrait entrainer et l’abandon d’une fiction car il y avait d’autres peuples en Anatolie que le peuple turc.

Je suis beaucoup plus savant sur ce sujet depuis que j’ai écouté les 4 émissions de la Fabrique de l’Histoire de France Culture consacré à ce fait historique

Il y a aussi ce site remarquable consacré entièrement à ce sujet : http://www.imprescriptible.fr/

Hier soir, jeudi 23 avril, l’Allemagne alliée de l’empire Ottoman, par la voix de son président Joachim Gauck, a reconnu  pour la première fois le «génocide» arménien, soulignant la «coresponsabilité» allemande dans ce crime. Il ne reste plus qu’au principal responsable de faire la même chose.

Devant cette horreur, cette fracture de notre humanité, il reste une bonne nouvelle : le génocide a échoué : le peuple arménien, la culture arménienne ont survécu et ont essaimé dans le monde.

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Jeudi 23 avril 2015

Jeudi 23 avril 2015
« Si vous voulez une Europe unie, cessez d’humilier les autres pays et d’imposer des programmes qui enlèvent toute perspective aux générations futures. »
Sahra Wagenknecht députée allemande s’adressant à Mme Merkel au Bundestag
Sarah Wagenknecht est une députée du parti de gauche « Die Linke », elle est aussi depuis, peu l’épouse, d’Oskar Lafontaine, co-fondateur du parti « Die Linke », plus âgé qu’elle de 26 ans.
Les positions de Wagenknecht sont très à gauche. Ces quelques éléments sont nécessaires pour fixer le contexte.
Mais si je crois pertinent de vous parler de cette intervention c’est pour les 4 raisons suivantes :
1° Si vous regardez la vidéo de son intervention, vous serez frappé d’une chose : dans un discours que je qualifierai de haute tenue elle est très critique par rapport à la coalition au pouvoir. Or vous entendrez de manière mesurée des applaudissements des députés qui approuvent son discours. Vous n’entendrez aucun sifflet, aucune invective des députés qui ne partagent pas ses opinions politiques. Cela nous change de la cour de récré de l’assemblée nationale française.
2° Il existe des allemands, comme le montre le mot du jour, qui ont conscience que l’Allemagne peut apparaître comme hautaine et méprisante pour les autres peuples européens et que cela, en raison même de l’Histoire, est très choquant.
3° Même si cette député est très critique, quand elle est d’accord avec la chancelière, elle le dit. Elle tresse même des lauriers : « Et vous, Mme la Chancelière et le président français en portez tout le mérite.». Ce n’est pas non plus la tendance française où lorsqu’on approuve, on le fait du bout des lèvres et comme à regret.
4° Elle exprime une opinion sur l’Ukraine, la Russie, l’Otan et les Etats Unis qu’il faut entendre. Parce que le discours simpliste et unanimiste qui place la Russie et Poutine dans le camp des « salauds » et le gouvernement ukrainien ainsi que les occidentaux dans le camp des gentils, des raisonnables et des forces uniquement préoccupées par la paix est une fable. Les choses sont beaucoup plus complexes et les torts bien partagés.
Voici la vidéo de cette intervention : Discours de Sahra Wagenknecht au Bundestag – Mars 2015 (Elle est sous-titrée en français)
Et ci-après de larges extraits de cette intervention.​
«  Monsieur le président, Madame la Chancelière, Mesdames, Messieurs. En des temps meilleurs, la politique étrangère allemande avait deux priorités : l’intégration européenne, et une politique de bon voisinage avec la Russie. Cela devrait vous inquiéter, Madame Merkel, si vous daigniez m’écouter, que presque dix ans après votre nomination comme chancelière, les nationalismes et les conflits en Europe prospèrent plus que jamais, et que les dissensions avec la Russie laissent la place à une nouvelle Guerre froide.
Le directeur de l’influent think-tank (groupe de réflexion – NdT) Stratfor, lors d’une récente conférence de presse, a dressé une liste claire des intérêts spécifiques des USA en Europe : le principal est celui d’éviter une alliance entre l’Allemagne et la Russie, car, je cite : « Ensemble, ils seraient la seule puissance capable de menacer les États-Unis. » Cette supposée menace des intérêts américains a été repoussée avec succès dans l’immédiat. L’Union européenne est née, et a cherché dans le contexte du partenariat avec l’Est, à casser toute coopération économique et politique entre les pays intéressés et la Russie. Mme Merkel, cela visait évidemment et directement la Russie ! Ce n’était pas dans l’intérêt des pays concernés.
Vous avez forcé l’Ukraine à choisir. Résultat : le pays a perdu une grande partie de son industrie, et est aujourd’hui en faillite, les gens y meurent de faim ou de froid, et les salaires y sont inférieurs à ceux du Ghana. Mais la confrontation avec la Russie n’a pas fait que détruire l’Ukraine, elle a endommagé toute l’Europe. Et ce n’est pas un secret, les États-Unis attisent le conflit avec la Russie aussi pour des motifs économiques. Quand le gouvernement US parle de droits de l’homme, il s’agit souvent de droits de prospection gazière ou sur des gisements. Et justement, avec tous ces gisements de gaz de schiste en Ukraine, les perspectives d’exploitation sont énormes. Si maintenant dans l’Union énergétique, on parle de nouveaux oléoducs, et d’indépendance croissante vis-à-vis du gaz russe, il faut dire honnêtement aux gens ce que cela implique : une dépendance toujours plus grande vis-à-vis du gaz de schiste, bien plus cher et dévastateur pour l’environnement. Et je ne pense pas que cela soit une perspective responsable.
La liste des anciens dirigeants qui ont critiqué votre politique vis-à-vis de la Russie, Mme Merkel, est longue : on y trouve vos prédécesseurs, Gerhard Schröder, Helmut Kohl, Helmut Schmidt, ou encore Hans-Dietrich Genscher. Cela vous a sans doute poussée à changer de position, en tout cas, il fut judicieux de votre part de lancer ces négociations communes avec M. Hollande. L’accord Minsk II a permis à cette région du monde voir diminuer drastiquement le nombre de victimes par rapport aux semaines et aux mois précédents, et cela a ouvert la voie à une solution pacifique. C’est évidemment… un résultat important. Et vous, Mme la Chancelière et le président français en portez tout le mérite.
[…] Vous avez encore demandé, Mme Merkel, de lever les sanctions contre la Russie si Minsk II était respecté. Bien sûr qu’il est inacceptable de voir les rebelles continuer à tirer. Mais que l’armée ukrainienne ou les bataillons nazis qui les épaulent, continuent de tirer, cela est tout autant inacceptable ! Et vous n’avez rien dit à ce sujet.
Vous n’avez émis aucune critique non plus sur le fait que l’Ukraine veut dépenser quatre fois plus d’argent pour acheter des armes, alors que ce pays est menacé de faillite dès cette année. […]
Helmut Schmidt avait raison quand en 2007, il disait que le risque pour la paix dans le monde venait bien moins de la Russie que des USA, et que l’OTAN n’était qu’un instrument de l’hégémonie américaine. Si cela est vrai, la seule conclusion qui s’impose est que l’Europe doit avoir une politique autonome et indépendante de celles des USA. M. Juncker vient de déclarer que nous avions besoin d’une armée européenne pour montrer que nous prenions au sérieux la défense des valeurs européennes face à la Russie. Cette proposition montre une seule chose : l’Union européenne est à des années-lumière de ce qu’avaient voulu ses pères fondateurs. On évoquait à l’époque – et vous venez juste d’en parler, Mme Merkel -, on parlait de la paix, la démocratie, la solidarité. Jamais plus les peuples ne seraient séparés par les nationalismes et la haine.
À vrai dire, nul besoin de chars d’assaut pour défendre ces valeurs. Si vous voulez vraiment défendre la démocratie, Mme Merkel, il suffit de vous engager pour que les pays européens soient finalement dirigés par leurs gouvernements élus, et non par les marchés financiers, par l’ex-banquier Mario Draghi, pas plus que par vous, Mme Merkel. Et si vous voulez la démocratie, arrêtez les négociations sur le grand Traité transatlantique, ce TAFTA, dont l’adoption réduirait les élections démocratiques à une vaste farce. Voilà comment vous devez défendre les valeurs européennes, la démocratie ! Quittez les négociations sur le TAFTA et les accords similaires !
Si vous voulez une Europe unie, cessez d’humilier les autres pays et d’imposer des programmes qui enlèvent toute perspective aux générations futures. Arrêtez d’essayer d’imposer à l’Europe de soi-disant réformes structurelles, qui finissent par creuser les inégalités et par sanctionner les salaires les plus bas ! Les conséquences, ici en Allemagne, ce sont plus de 3 millions de personnes qui travaillent, mais ne gagnent pas assez pour se chauffer correctement, qui ne mangent pas à leur faim, et qui ne partent certainement pas en vacances.
Au lieu de dire que cette politique est un succès à exporter ailleurs, le moment est venu, ici en Allemagne, – et dans l’intérêt de l’Europe – de changer de politique, car c’est ici qu’a débuté ce qui empêche les autres pays de l’Union monétaire de respirer. Le ministre des Finances, M. Schauble, a dit du récent gouvernement grec : « Voyez-vous, gouverner c’est avoir rendez-vous avec la réalité. » On ne peut qu’être d’accord ! Ça serait tellement beau si c’était vrai, et si le gouvernement allemand avait finalement rendez-vous avec la réalité ! Car en réalité, ce n’est pas le parti Syriza, mais les partis grecs apparentés à la CDU, à la CSU et au SPD qui ont accumulé sur des décennies une énorme dette en s’enrichissant eux, et les catégories privilégiées.
De même, la réalité, c’est que la Grèce était déjà surendettée en 2010, et c’est par une appropriation irresponsable de l’argent des contribuables allemands que la dette des Grecs a été remboursée aux banques. D’ailleurs nous n’étions pas d’accord. Nous avions demandé une réduction de la dette. Si vous prêtez à une personne surendettée, vous ne reverrez probablement pas votre argent. Mais c’est votre faute, Mme Merkel et M. Schauble, pas celui de l’actuel gouvernement grec, qui est au pouvoir depuis moins de deux mois.
La réalité, c’est aussi que grâce à cette troïka que vous appréciez tant, et dont les activités criminelles sont bien détaillées dans le documentaire d’Harald Schuman, sous ce protectorat, la dette grecque a encore augmenté, et les milliardaires grecs se sont enrichis ultérieurement. Je n’ai qu’un mot : faites de beaux rêves ! Si vous voulez récupérer notre argent, allez le demander à ceux qui l’ont empoché. Non pas auprès des infirmières ou des retraités grecs, mais auprès des banques internationales et des catégories grecques privilégiées. Maintenant vous savez comment aider le gouvernement grec à récupérer cet argent. Sur toutes ces questions et les solutions possibles, je voudrais dire ceci : peu importe ce que valent ces affirmations au niveau juridique, le minimum qu’on puisse attendre des représentants du peuple allemand, c’est un peu de sensibilité pour affronter ce problème.
Et je dois dire que vos rires narquois m’attristent beaucoup. Vu comment ce que l’occupant allemand a fait en Grèce, et vu qu’un million de Grecs ont perdu la vie lors de cette période sombre de l’histoire allemande, je trouve M. Schauble vos déclarations insolentes, et les vôtres M. Kauder, irrespectueuses. Et cela me fait honte.
[…] Oui, c’est seulement en gardant cela en mémoire, et en se respectant mutuellement que nous retrouverons le chemin d’une politique de bon voisinage, au sein de l’Union
Européenne et avec la Russie.»
Et ici vous trouverez l’intégralité du discours traduite en Français : <Agoravox discours de Sahra Wagenknecht au Bundestag le 19 mars 2015>

Mercredi 22 avril 2015

« L’âge d’or des séries américaines »
Brett Martin

Avouons que nous avons tous, d’abord un peu honteux, regarder des séries américaines. Et même nous y avons pris goût.

Nous n’osions le dire mais cela nous plaisait.

Maintenant nous pouvons nous rassurer.

De grands esprits, des philosophes, des universitaires et même des critiques de cinéma du Cahier des Cinémas, nous expliquent qu’il s’est passé un « truc » aux Etats Unis où est né un nouvel espace créatif qui est devenu un phénomène artistique de premier plan, un art majeur.

Un philosophe, spécialiste de Michel Foucault, a ainsi écrit un livre sur le seul sujet de Game of Thrones en analysant la lutte pour le pouvoir dans cette série, 

Si nous aimions, c’est parce que ce sont de vrais œuvres d’art dont certaines même sont géniales.

Il y a maintenant sans cesse des classements pour savoir quelle est la série la plus remarquable :

  • « Mad men »,
  • « Breaking Bad »,
  • « Game of Thrones »,
  • « True Detective »,
  • « The Wire », et bien d’autres.

Brett Martin dans son ouvrage <Des hommes tourmentés>  raconte cette histoire et parle de l’âge d’or des séries américaines, pour être plus précis, il parle du 3ème âge d’or.

Il était l’invité de Nicolas Demorand <Hommage aux antihéros des séries américaines avec Brett Martin>

Il raconte cette révolution de la télévision américaine.

Avant les années 2000, la télévision était le cimetière des ambitions artistiques.

C’était un désert de platitude où régnait la publicité où il ne fallait pas froisser les annonceurs, les grandes marques étaient très conservatrices. Il fallait des héros positifs, des intrigues claires, avec des bons et des méchants et où à fin le bon devait toujours gagner.

C’est surtout une chaine de télévision Home Box-Office (ou HBO), chaîne de télévision payante qui va balayer tout cela.

C’était une chaine d’abonné sans publicité.

Cette chaîne a eu des patrons intelligents, intuitifs et téméraires pour croire et avoir foi en des artistes.

« Ce fut la source magique, faire confiance aux auteurs. » dit Brett Martin

Cela commence par « Les Soprano », histoire d’un mafieux violent mais dépressif et qui a des problèmes avec ses enfants adolescents.

Ils vont récupérer des cinéastes maudits, des scénaristes qui trainaient dans le milieu de la télévision sans jamais avoir eu la chance de se faire connaître et c’est avec eux qu’ils vont créer cet âge d’or.

Ces hommes tourmentés (les antis héros des séries) sont des hommes fragiles entre leur désir de faire le bien et leur tendance à faire le mal et un mal absolu.

Ces séries sont ouvertes et l’intrigue est inventée d’un épisode à l’autre.

Les personnages deviennent très complexes, le spectateur va suivre leurs évolutions pendant des dizaines d’heures et pas seulement 2 heures comme au cinéma.

Et pour que cela captive il faut de véritables auteurs comme David Simon (The Wire) ou Matthew Weiner (Mad Men).

On apprend qu’il a fallu sept ans à Matthew Weiner pour trouver un diffuseur à Mad Men.

Télérama décrit cette évolution :

« Une rage d’écrire autre chose, d’envoyer balader les codes et les bienséances, de rendre sa noblesse à un genre qui plante ses racines chez Dickens et Dumas, dans le feuilleton littéraire du XIXe siècle. Une envie, un besoin, qui renversera les logiques économiques classiques pour pousser HBO, FX, AMC et d’autres chaînes câblées américaines à développer des séries d’auteurs, à fouiller sans retenue la psyché humaine et les entrailles de la société contemporaine. »

Même les matins de France Culture s’y sont mis : <De Dallas à True detective la révolution des séries>.

Et les séries ont leur festival dont c’est la 6ème saison du 17 au 26 avril, donc en ce moment : < https://series-mania.fr/  >  au Forum des images qui se trouve Forum des Halles.

Souvent dans l’Histoire, quand tant d’intellectuels émérites commencent à s’intéresser à un phénomène c’est qu’il touche à sa fin …

Mais Brett Martin pense que ce n’est pas encore la fin de l’âge d’or.

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Mardi 21 avril 2015

Mardi 21 avril 2015
« Métadonnées, mais t’as donné tes informations ! »
Nicole Ferroni
Nicole Ferroni intervient sur France Inter, sur un ton humoristique, le mercredi, juste avant 9 heures.
Elle a fait cette intervention lors de l’émission où Jean-Jacques Urvoas essayait de défendre la loi sur le renseignement. Elle explique que la surveillance aujourd’hui est aussi d’origine privée.
Rappelons que les métadonnées ce ne sont pas les contenus des messages échangés mais les adresses où se connectent les internautes, les numéros téléphones qu’ils appellent, les recherches qu’ils font, la géolocalisation. Toutes ces métadonnées peuvent être analysées par des algorithmes qui permettent alors de dresser votre profil, surtout pour des raisons mercantiles : essayer de mieux deviner ce que vous êtes susceptible d’acheter.
C’est pourquoi Nicole Ferroni fait ce jeu de mots drôle et surtout plein de sens : « mais t’as donné tes informations ! »
Chez Bourdin, Urvoas avouait qu’il utilisait très peu son portable, ben oui lui il sait ce que surveiller veut dire !
Nicole Ferroni : « J’ai tapé sur mon ordinateur : comment écrire une bonne chronique sur le renseignement ?
Il est alors apparu un bandeau pour me proposer un billet de train pour Barcelone.
Cela tombait super bien, je voulais justement aller à Barcelone. J’ai donc acheté mon billet pour Barcelone avant de faire ma chronique.
Et alors je me suis posé la question : mais comment il sait mon ordinateur que je veux aller à Barcelone ?
Et finalement je me suis rappelé que je lui avais demandé ce renseignement, il y a un mois.
Et je croyais que ce renseignement il me l’avait donné il y a un mois.
Mais en fait il ne me l’avait pas donné, il me l’avait pris.
Moi je voulais connaître le prix du train, mais lui avait enregistré que j’en cherchais un.
Et puis j’ai constaté que mon ordinateur savait des tas d’autres choses sur moi, qu’il avait des tas de données me concernant.
En fait Google fait comme Kaa le serpent du livre de la jungle : « Aie confiance, donne-moi ta donnée, mets ta donnée dans mon serveur et moi je m’occupe de la vendre au plus offrant. »
On se croit utilisateur d’Internet alors qu’on est utilisé par Internet.»

Lundi 20 avril 2015

Lundi 20 avril 2015
« Comme tu as de grandes oreilles, grand-mère !
C’est pour mieux t’entendre. »
Charles Perrault
Le petit chaperon rouge, dialogue avec le loup
Que dire sur la loi sur le renseignement actuellement en débat à l’assemblée nationale ?
Une chose est positive, cette loi est largement débattue sur l’espace médiatique.
Une chose est sûre, nous sommes menacés par des groupes hostiles dont un des moyens utilisés pour porter leur message, est de tuer des français comme vous et moi. Et si nous appartenons à la communauté juive la menace est encore augmentée.
Il faut donc que nous nous protégions.
Vous avez la parole de la défense de la loi Jean-Jacques Urvoas, député PS du Finistère, Président de la commission des lois de l’Assemblée nationale et rapporteur du projet de loi sur le renseignement > http://www.franceinter.fr/emission-le-79-jean-jacques-urvoas-la-menace-ne-vient-pas-des-services. Je crois qu’on peut résumer son propos par l’affirmation que  la loi va encadrer des pratiques qui existent déjà et donc apporter plus de transparence dans ce domaine délicat des écoutes des gens.
Je vais vous donner mon éclairage en 3 points :
D’abord par un propos venu du XVIIIème siècle où en Occident le combat pour la liberté n’était pas acquis : Benjamin Franklin, l’un des Pères fondateurs des États-Unis (1706-1790), l’a dit en une phrase : « Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre, et finit par perdre les deux. ». (Edgar Morin a cité ce mot dans cette traduction, j’ai lu des contestations qui rapportent que le propos exact en anglais serait  : « Those who would give up essential Liberty, to purchase a little temporary Safety, deserve neither Liberty nor Safety » et dont la traduction serait plutôt «Ceux qui donnerait une liberté essentielle, pour acheter un peu de sécurité temporaire ne méritent ni la liberté ni la sécurité ». )
Quand on se replonge dans les faits historiques, qu’observe-t-on ? Les plus grands crimes, les plus atroces, les plus massifs, les plus grandes oppressions, menaces contre la liberté et la sécurité ont été commis par des Etats et les tyrans qui s’étaient emparés du pouvoir politique au sein de ces Etats. La médaille d’or ne peut être obtenu par des individus même Jack l’éventreur, ni par des groupes mafieux même Al Capone, ni par des groupes terroristes que ce soit la bande à Baader, les Brigades Rouges, Action Directe ou même les FARCs de Colombie pour des références qui nous parlent, mais aussi <La secte des assassins qui avait fait du meurtre un moyen normal pour défendre ses thèses>_pour un exemple plus ancien, plus durable dans son existence et dont les victimes furent plus nombreuses.
Est-il nécessaire de vous rappeler certains crimes d’Etat : l’Allemagne nazie, l’URSS Stalinienne, la Chine maoïste et encore actuelle, l’empire ottoman des jeunes turcs, le Cambodge de Pol pot, le Rwanda des extrémistes hutus, l’Ouganda d’Idi Amin Dada et aussi la France de Pétain etc…
Quand on a cette expérience, il n’y a qu’une réponse possible : le contrôle indépendant des agissements de l’Etat, les contres pouvoirs et les sanctions dissuasives contre ceux qui peuvent décider de telles mesures de surveillance.
A ce niveau, le compte n’y est pas. Ainsi le juge spécialiste du terrorisme Marc Trévidic déclare : « Ces pouvoirs exorbitants se feront sans contrôle judiciaire […]. Ne mentons pas aux Français en présentant ce projet comme une loi antiterroriste. Il ouvre la voie à la généralisation de méthodes intrusives, hors du contrôle des juges judiciaires, pourtant garants des libertés individuelles dans notre pays. »  >http://www.lexpress.fr/actualite/projet-de-loi-sur-le-renseignement-les-reserves-du-juge-antiterroriste-marc-trevidic_1662838.html
Jean-Jacques Urvoas répond : oui mais il y a contrôle par des juges administratifs. Mes études de Droits m’ont appris que le juge administratif, encore une particularité française, a su sanctionner avec fermeté et indépendance des actes des autorités administratives. Mais nous parlons ici d’autre chose : de décisions restreignant les libertés prises ou couvertes par le Ministre de l’Intérieur, le Premier Ministre ou le Président de la République et cela change tout.
Par ailleurs, dans un avis adopté à l’unanimité en Assemblée plénière jeudi 16 avril, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) s’alarme de la « surveillance de masse » permise par le projet de loi relatif au renseignement dont le vote final est prévu en urgence le 5 mai. Elle juge qu’en l’état, le projet est « susceptible de porter une atteinte grave à l’article 8 » de la Convention européenne des droits de l’homme qui affirme « le droit au respect de la vie privée et familiale ». Mediapart publie l’intégralité de cet avis  qui appelle le gouvernement et les parlementaires à « renforcer la garantie des libertés publiques et des droits fondamentaux ».
Parce qu’en effet cette loi prévoit des écoutes de manière beaucoup plus large que les seuls faits de terrorisme.
Les pratiques en France
D’abord un propos privé rapporté par Olivier Duhamel dans cette excellente émission d’Europe 1 <Mediapolis du 18 avril 2015> Bruno Lemaire a dit « J’ai été directeur du Cabinet d’un Premier Ministre. Je sais comment c’est. Je peux vous dire qu’avec cette loi, on écoute qui on veut, quand on veut, comme on veut ». Vous trouverez cette phrase aux alentours de la 8ème minute de l’enregistrement
Ensuite, je voudrais vous rappeler un exemple et un extrait vidéo qui dit tout de la France, du comportement politique et de la quasi absence de contre-pouvoirs en France.
François Mitterrand avait une vie privée compliquée, comme a priori tous nos Chefs d’Etat. Il avait une fille dont la mère n’était pas son épouse. Il pensait que ce fait ne devait pas être révélé aux français. Les journalistes de l’époque ont d’ailleurs respecté ce secret. Mais cela ne suffisait pas, le monarque républicain a ordonné qu’on mette sur écoute un assez grand nombre de personnes.
Il a donc utilisé les pouvoirs exorbitants de la République pour des motifs strictement personnels et privés.
Je suis fonctionnaire des Impôts, si je vais consulter le dossier fiscal d’un contribuable que je n’ai pas vocation à contrôler, je suis sanctionné. Si j’utilise les moyens exorbitants que me donne la Loi pour réaliser mon travail de contrôle pour des motifs privés, pour obtenir des avantages privés, dans le cadre par exemple d’un divorce ou d’un conflit privé, je suis révoqué. Et c’est normal.
François Mitterrand aurait dû faire l’objet d’une procédure de révocation. Il n’est pas possible d’accepter que le Président utilise les outils destinés à défendre la sécurité nationale ou de prévenir des crimes pour des motifs de convenance personnelle.
Il n’existait pas de procédure pour ce faire à l’époque, puisqu’à l’époque il ne pouvait être mis en cause qu’en cas de Haute Trahison.
Depuis la réforme constitutionnelle du 23 février 2007, la rédaction de l’article 68 de la Constitution dispose désormais : « Le Président de la République ne peut être destitué qu’en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat. »
Enfin, malgré cet article pensez-vous vraiment qu’un Président français  qui agirait comme Mitterrand serait mis en cause ?
La vidéo que je vous annonçais est une archive de L’INA où des journalistes belges, parce qu’il n’y a pas de journaliste français qui ont osé !, posaient des questions sur les écoutes dont on sait aujourd’hui qu’ils ont bien eu lieu.
D’abord il nie « Il n’y a pas de système d’écoute, on n’écoute rien ici. »
Puis, il essaye de dénigrer les questions, en essayant de faire passer l’idée que ce sont des questions futiles et relevant du journalisme de basse intelligence.
Au bout d’une quatrième question, il perd patience et finit « notre conversation est terminé » <https://www.youtube.com/watch?v=8KRLlkNNWvs>
A tout prendre, je préfère encore les Etats-Unis où le président Clinton a dû répondre de manière humble et modeste à un Procureur qui l’accusait d’avoir menti sur une affaire sexuelle, parce que là-bas il y a des contre-pouvoirs et que là-bas, Clinton risquait vraiment d’être démis par la procédure d’impeachment.
Malgré ses excès, je défends Jean-Marc-Bourdin qui est un vrai journaliste qui pousse ses invités dans les vrais retranchements et notamment Jean-Jacques Urvoas. Il rappelle aussi que les écoutes prévues ne sont pas limitées aux seuls soupçons de terrorisme. Plusieurs échanges très savoureux mettent le député en grande difficulté : Bourdin : « Donc quand une manifestation s’annoncera, vous allez mettre tous les organisateurs sous écoute ? » Urvoas « Bien sûr que non ! » Bourdin « Ah bon ? ».
Et pour le barrage de Sivens « Vous allez bien mettre les participants sur écoute ? » « Urvoas « mais non ». Bourdin « Ah bon ? » « http://www.bfmtv.com/mediaplayer/video/jean-jacques-urvoas-face-a-jean-jacques-bourdin-en-direct-498119.html
Il faut donc tout un autre cadre juridique et un vrai contrôle avec des sanctions, non seulement des autorités administratives mais aussi des plus hautes autorités politiques de l’Etat pour que ces restrictions à la Liberté puissent être acceptables et maîtrisées.

Vendredi 17 avril 2015

Vendredi 17 avril 2015
« Que les idiots disent des idioties, c’est comme les pommiers qui produisent des pommes, c’est dans la nature.
Le problème, c’est qu’il y ait des lecteurs pour les prendre au sérieux. »
Simon Leys

Simon Leys, nom de plume de Pierre Ryckmans, est un écrivain belge, né en 1935 et mort le 11 août 2014 en Australie.

Sa grande œuvre fut de dénoncer la Chine maoïste, son grand combat fut celui contre les intellectuels maoïstes qui étaient très nombreux à l’époque et qui ont tenté par tous les moyens de le dénigrer.

Il a eu cette phrase, mot du jour d’aujourd’hui, dans une émission Apostrophes de Bernard Pivot de 1983 où il dit que le plus grave ce n’est pas que des gens qui ont le pouvoir médiatique ou littéraire,  énonce des contre-vérités mais le plus grave c’est qu’il existe de nombreuses personnes qui les croient et considèrent que c’est la vérité.

En 1971, sous le pseudonyme de Simon Leys, il publia un essai, «Les Habits neufs du président Mao», dénonciation de la Révolution culturelle chinoise. Il sera immédiatement la cible d’une grande partie des intellectuels parisiens dont beaucoup étaient maoïstes.Il sera attaqué  par la revue «Tel Quel» dont Philippe Sollers est un des principaux animateurs et également le journal «Le Monde».

A l’époque, il était assez isolé, soutenu cependant par des intellectuels comme Jean-François Revel et René Étiemble.

Ils étaient peu nombreux à avoir raison devant la cohorte de ceux qui considéraient la Chine de Mao comme un eldorado de la pensée et de l’accomplissement humain.Sartre, Foucault, Barthes, Kristeva étaient dans le camp des idiots.

J’ai choisi cette phrase comme mot du jour, parce que nous sommes le 17 avril 2015 et qu’il y a 40 ans : le 17 avril 1975, alliés de la Chine, les Khmers rouges entraient dans Phnom Penh.<Et vous lirez dans cet article de 2012 de l’Express le même aveuglement d’intellectuels, souvent les mêmes maoïstes, face aux -crimes des khmers rouges>

Les estimations des victimes varient entre 740 000 et 2 200 000 morts sur une population d’un peu moins de 8 000 000 habitants.Vous lirez les noms de ces intellectuels qui ont dit des idioties : Noam Chomsky, Jean Lacouture, Vergés, Serge July et bien d’autres.

Le Monde et la plupart des organes de presse, y compris Le Nouvel Observateur seront du mauvais côté.

La Une de Libération, le 17 avril 1975 s’intitule «Le drapeau de la résistance flotte sur Phnom Penh»
et quelques jours après «7 jours de fête pour une libération

Simon Leys, avait raison à l’époque contre beaucoup.

La question qu’il est légitime de se poser : quelles sont les idioties d’aujourd’hui ? et qui sont les Simon Leys ?

Les idiots devraient être plus faciles à reconnaître : on les voit souvent et ils parlent avec l’assurance de la vérité révélée.

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