Mardi 3 octobre 2023

« Quand la femme est grillagée, toutes les femmes sont outragées ! »
Pierre Perret : « La femme grillagée »

Souvent ce sont les artistes et les poètes qui expriment le mieux la réalité du vécu.

Je ne connaissais pas cette chanson de Pierre Perret, je l’ai découverte par hasard hier :

<La femme grillagée> chantée par Pierre Perret

Écoutez ma chanson bien douce
Que Verlaine aurait su mieux faire
Elle se veut discrète et légère
Un frisson d’eau sur de la mousse


C’est la complainte de l’épouse
De la femme derrière son grillage
Ils la font vivre au Moyen Âge
Que la honte les éclabousse


Quand la femme est grillagée
Toutes les femmes sont outragées
Les hommes les ont rejetées
Dans l’obscurité


Elle ne prend jamais la parole
En public, ce n’est pas son rôle
Elle est craintive, elle est soumise
Pas question de lui faire la bise


On lui a appris à se soumettre
À ne pas contrarier son maître
Elle n’a droit qu’à quelques murmures
Les yeux baissés sur sa couture


Quand la femme est grillagée
Toutes les femmes sont outragées
Les hommes les ont rejetées
Dans l’obscurité


Elle respecte la loi divine
Qui dit, par la bouche de l’homme,
Que sa place est à la cuisine
Et qu’elle est sa bête de somme


Pas question de faire la savante
Il vaut mieux qu’elle soit ignorante
Son époux dit que les études
Sont contraires à ses servitudes


Quand la femme est grillagée
Toutes les femmes sont outragées
Les hommes les ont rejetées
Dans l’obscurité


Jusqu’aux pieds, sa burqa austère
Est garante de sa décence
Elle prévient la concupiscence
Des hommes auxquels elle pourrait plaire


Un regard jugé impudique
Serait mortel pour la captive
Elle pourrait finir brûlée vive
Lapidée en place publique


Quand la femme est grillagée
Toutes les femmes sont outragées
Les hommes les ont rejetées
Dans l’obscurité


Jeunes femmes, larguez les amarres
Refusez ces coutumes barbares
Dites non au manichéisme
Au retour à l’obscurantisme


Jetez ce moucharabieh triste
Né de coutumes esclavagistes
Et au lieu de porter ce voile
Allez vous-en, mettez les voiles


Quand la femme est grillagée
Toutes les femmes sont outragées
Les hommes les ont rejetées
Dans l’obscurité

L’ONU considère que le traitement des femmes en Afghanistan, par les Talibans s’apparenterait à un « apartheid sexiste »

Vous trouverez cette publication, du 11 Juillet 2023, sur cette <Page ONU>

Pierre Perret s’inspire d’un poème de Verlaine dont je cite ci-dessous les premières strophes.


Écoutez la chanson bien douce
Qui ne pleure que pour vous plaire.
Elle est discrète, elle est légère :
Un frisson d’eau sur de la mousse !

La voix vous fut connue (et chère ?)
Mais à présent elle est voilée
Comme une veuve désolée,
Pourtant comme elle encore fière,

Et dans les longs plis de son voile
Qui palpite aux brises d’automne,
Cache et montre au cœur qui s’étonne
La vérité comme une étoile.

Elle dit, la voix reconnue,
Que la bonté c’est notre vie,
Que de la haine et de l’envie
Rien ne reste, la mort venue.

Paul VERLAINE : Écoutez la chanson bien douce (1878) Sagesse I/XVI

Ce poème a été mis en musique et la chanson qui en est le fruit <est chantée par Léo Ferré>

<1765>

Jeudi 24 août 2023

« L’histoire de l’humanité, ­individuelle et collective, n’est qu’une longue succession de schismes et de ruptures. »
Douglas Kennedy dans « Et c’est ainsi que nous vivrons »

« Et c’est ainsi que nous vivrons » de Douglas Kennedy, dans sa traduction de Chloé Royer est paru le 1er juin 2023.

Lorsque j’ai entendu son interview sur France Culture, dans l’émission « Bienvenue au club » : <Il y a deux Amériques et on se déteste> j’ai décidé de l’acheter.

Et lorsque j’ai entrepris de débuter sa lecture, je l’ai lu d’une seule traite.

Ce n’est pas un livre de science-fiction mais un livre d’anticipation.

Le roman déroule un thriller en son sein, mais ce n’est pas cet aspect du livre qui est le plus intéressant.

Ce qui est passionnant c’est l’arrière-plan : la société et les Etats dans lequel l’intrigue se développe.

Nous sommes en 2045, « les États désunis » ont remplacé « les Etats-Unis » qui n’existent plus suite à une guerre de sécession version 2.0.

D’un côté, il y a les États qui avaient voté massivement Trump qui sont devenus « La Confédération Unie ». C’est une théocratie totalitaire dirigée par un collège de « douze apôtres ».

Le divorce, l’avortement et le changement de sexe sont interdits, les valeurs chrétiennes font loi. Et celles et ceux qui remettent en cause le récit religieux ou les valeurs sont éliminés avec la cruauté dont les religions ont le secret quand par malheur on a la mauvaise idée de leur laisser le pouvoir temporel en plus de l’influence spirituelle.

De l’autre côté « La République Unie » regroupe les États démocrates, progressistes dans le sens du transhumanisme et du wokisme. Chez ces gens-là, les individus sont sous surveillance, ultra-connectés. Tout le monde est doté obligatoirement d’une puce dans le corps qui donne des informations, sert de GPS et accompagne la vie de chacun dans son quotidien en même temps qu’elle surveille son comportement. Sous couvert de sécurité, la paranoïa règne. L’ennemi dont on s’est séparé justifie tous les excès.

Ce roman constitue un prolongement des États-Unis actuels qui se désagrègent en deux camps hostiles qui ne s’écoutent plus, ne se parlent plus, s’invectivent en s’accusant mutuellement des mêmes déviations : complotisme, fraude et valeurs morales indignes. Ce pays qui jadis était considéré comme le pays de la liberté, se caractérise aujourd’hui par la remise en cause des droits fondamentaux.

La lecture des premières pages m’a immédiatement fait penser à une scène qui m’avait marqué lors de ma lecture, il y a 45 ans, des « Colonnes du ciel » de Bernard Clavel.

« Les colonnes du ciel » sont une série de cinq romans de Bernard Clavel qui se passent en Franche-Comté pendant la guerre de Dix Ans, au XVIIe siècle, sous le règne de Louis XIII.

Guerre de pillages et de massacres qui a été aggravée encore par l’apparition d’une terrible peste.

Dans le troisième volume, « La Femme de guerre », Hortense d’Eternoz et son grand amour le docteur Alexandre Blondel se dévouent pour les enfants, victimes innocentes de la guerre. Ils en ont sauvé tant qu’ils ont pu mais, au terme de leur voyage, le docteur va mourir et Hortense par colère et vengeance va devenir la femme de guerre. Avec une petite armée qu’elle a levée, elle se jette avec toute sa hargne dans cette guerre.

Dans le quatrième volume « Marie Bon Pain » la terrible guerre de dix ans s’est achevée en 1644. Toute la petite communauté, Marie bon pain, Pierre, Bisontin et les autres peuvent enfin regagner leur pays, se réinstaller à La Vieille-Loye dans la forêt de Chaux près de la ville de Dole. Ils retrouvent leurs grands arbres avec leur fût rectiligne qu’ils appellent les colonnes du ciel. Ils ont retroussé leurs manches et relevé les ruines du village, construisant de nouvelles maisons, réapprenant à vivre dans la paix retrouvée. Mais un jour, Hortense d’Eternoz, la femme de guerre, revient. Elle est accusée de sorcellerie et va être condamnée au bûcher.

Bernard Clavel décrit ainsi un bucher en 1644 :

« Hortense monte. Lentement, mais sans qu’on ait besoin ni de la forcer, ni de la soutenir. Le prêtre lui présente la croix. Il semble qu’elle hésite puis elle finit par y poser ses lèvres. […]
En quatre pas, Hortense est au poteau. Elle se détourne et d’elle-même, appuie son dos contre le bois. Le silence s’est reformé. On dirait que, jusqu’à la poterne de la cité, jusque par-delà le Doubs, par-delà les fossés et les murailles d’enceinte, le peuple et les choses retiennent leur souffle.
Hortense en profite.
D’une voix qui ne tremble pas, d’une voix qui semble s’en aller chercher l’écho des quatre points cardinaux, elle crie :
« Regardez bien bruler ma robe, ils l’ont trempée dans le soufre pour que la comédie soit jouée jusqu’au bout ! »
Les bourreaux se sont précipités. L’un passe une chaine autour de sa taille et l’autre une corde de chanvre à son cou.
Elle veut crier encore mais sa voix s’étrangle. Son visage se contracte, il semble que ses veines se gonflent à sa gorge et à ses tempes que ses yeux agrandis vont jaillir des orbites.
Derrière elle, l’homme en rouge tourne un levier de bois contre le poteau. […]
Le prêtre et les hommes rouges descendent de l’échafaud.
Alors tout va très vite. Dix aides au moins de mettent à lancer les fagots sur les planches, tout autour d’Hortense dont le corps secoué semble vivre encore. […]
Les flammes montent de tout côté en même temps. […] Les flammes sont si hautes qu’elles cachent Hortense dont la robe claire n’apparait que par instants.
Et puis soudain, Marie sursaute. Une immense flamme bleue vient de naître d’un coup au centre du brasier.
Un grand cri monte de la foule.
La voix terrible de Bisontin gronde :
-Le soufre…le soufre de la robe. »
Page 154 à 156 de « Marie Bon Pain » dans la version en livre de poche collection « J’ai Lu » des éditions Flammarion

Dans le livre de Douglas Kennedy, nous sommes au XXIème siècle. Il commence ainsi :

« Nous sommes le 6 août. Dans le grand pays qui faisait autrefois partie du nôtre, ils s’apprêtent à brûler mon amie sur un bûcher.
Elle s’appelle Maxime. Elle travaille pour moi, en quelque sorte, et nous nous sommes rapprochées au fil des années, bien que, dans mon secteur, une telle camaraderie soit considérée comme peu professionnelle. La raison de son exécution : elle a osé plaisanter en public au sujet du Christ.

Quelques pages plus loin, la narratrice et héros du livre Samantha Stengel va avec ses compagnons suivre sur un écran, nous sommes au XXIème siècle, l’exécution de Maxime :

Sur l’écran, des cris et des huées commencent à s’élever du public, signe que Maxime est en route pour le bûcher. Effectivement, une brigade de types musclés en uniforme traverse la foule au pas de l’oie. Parmi eux, je distingue la silhouette de Maxime ; […] La brume dans le regard de Maxime ne laisse planer aucun doute : si ses geôliers sont obligés de la maintenir aussi fermement, ce n’est pas parce qu’elle se débat, mais parce qu’elle a été droguée. Cette femme infatigablement subversive et désopilante, qui n’a jamais reculé devant les vérités qui dérangent, qui m’a un jour déclaré que j’avais « vraiment besoin de tomber amoureuse », et peu importait que ma vocation l’interdise, avance mollement vers sa mort sous l’emprise d’un sédatif.
[…]
— Ça ne m’étonne pas qu’ils l’aient assommée de tranquillisants avant de l’exhiber devant tout ce monde, fait remarquer Breimer, acide. Ils avaient sûrement peur qu’elle se paie leur tête jusqu’au bout. »
Maxime parvient au lieu de l’exécution. Son escorte se referme autour d’elle, la dérobant entièrement aux regards. Peu après, un ordre indistinct retentit et les soldats se mettent au garde-à-vous avant d’effectuer un demi-tour parfaitement synchronisé et de s’éloigner en cadence, laissant Maxime enchaînée à un poteau au centre de la place, seule en terrain découvert. Des écrans stratégiquement disposés autour de la foule offrent aux spectateurs même les plus éloignés une vue parfaite de la scène, sur laquelle entre soudain un homme en soutane blanche, qui s’avance vers Maxime, micro en main. Il se présente comme le révérend Lewis Jones, venu « offrir à cette créature déchue et condamnée le plus précieux des cadeaux, la vie éternelle, si elle accepte à présent Jésus comme son Seigneur et son Sauveur ».
[…]
« Avant l’accomplissement de ta sentence, veux-tu te prosterner devant le Tout-Puissant et accepter Jésus en ton cœur ? »
Silence. Maxime ne réagit pas, tête baissée, le regard aussi opaque qu’un lac en plein hiver.
Avec la dose de cheval qu’ils lui ont visiblement administrée, son absence de réponse n’a rien d’étonnant. Mais le révérend Jones secoue tout de même la tête avec une affliction théâtrale – et savamment calculée – avant de se retirer.
Aussitôt, quatre gardes apparaissent, le visage dissimulé par des casques intégraux, vêtus de combinaisons de protection et armés de tuyaux métalliques reliés aux bonbonnes qu’ils portent sur le dos. Ils s’immobilisent face à Maxime. Un de leurs supérieurs lance un ordre et ils lèvent tous leur tuyau d’un même mouvement pour le pointer vers Maxime. Un nouvel ordre retentit, et un geyser de liquide clair déferle sur la malheureuse. J’échange un regard avec Breimer. On s’est renseignés ensemble sur le cas précédent d’exécution publique par le feu en CU : d’après nos analystes, le produit qu’ils viennent d’utiliser serait un composé chimique hautement inflammable, au point qu’il embrase tout à la moindre étincelle. Étrangement, je ressens un certain soulagement à les regarder asperger Maxime de cette substance dangereuse. L’un de nos experts-chimistes a été formel : au moindre contact avec une flamme, la mort est instantanée. Je craignais que, juste pour pousser l’atrocité au maximum et pour la punir d’être transgenre, ils ne décident de lui infliger une exécution à l’ancienne, lente, de type Jeanne d’Arc. À cet instant, je sais que Breimer pense à la même chose que moi. Voilà bien un minuscule geste d’humanité dans cette surenchère de barbarie.
Les quatre soldats pivotent sur leurs talons et s’éloignent. Un long silence impatient s’abat sur la foule.
Dans son micro, le révérend Jones commence le compte à rebours. « Cinq, quatre, trois, deux… »
On ne l’entend pas prononcer le « un ». Un souffle d’incendie, suivi d’une détonation sèche, couvre sa voix amplifiée par les haut-parleurs alors qu’un cercle tracé à l’avance autour de la suppliciée prend feu. Maxime est avalée par une déferlante de flammes. Disparue en fumée. Il ne reste plus à sa place qu’une énorme boule de feu.
« Ça suffit », déclare Fleck.
L’écran s’éteint. »

Pages 22 à 24 de « Et c’est ainsi que nous vivrons »

Il me semblait pertinent de rapprocher ces deux exécutions, l’une il y a presque 400 ans et l’autre imaginée par l’auteur dans le futur dans un peu plus de 20 ans.

Woody Allen disait : « Je n’ai pas de problème avec Dieu, c’est son fan club qui me fout les jetons »

Si la spiritualité constitue un supplément d’âme pour l’être humain, les religions fondamentalistes avec le but de contraindre et de soumettre la société sont des monstres.

Il en existe toujours dans le monde, aujourd’hui.

Et nous occidentaux ne sommes pas à l’abri que demain une telle calamité nous rattrape, si nous ne savons pas mâter et faire reculer les forces régressives à l’œuvre dans toutes les religions. Ces ennemis de la liberté qui profitent de nos libertés pour progresser et faire avancer insidieusement leurs valeurs et leurs récits dans nos sociétés.

Dans « Lire » magazine littéraire de juin 2023, Douglas Kennedy disait :

« Quand j’étais à la fac, ma spécialité, c’était l’histoire américaine. Déjà, à l’époque, un des sujets qui me passionnait, c’était le puritanisme aux États-Unis, un pays qui est en fait né d’une expérience religieuse. Les puritains qui ont fondé les premières colonies étaient des sortes de talibans. »

En face de ce régime théocratique assassin se dresse la République Unie qui est la conjonction de la pensée transhumaniste de la Silicon Valley et d’un courant socialiste et wokiste qui est tout aussi terrifiant dans son organisation et son contrôle de la société.

Dans la même revue l’auteur explique :

« En fait, la République unie est un système autoritaire light, doté d’un président très malin, qui a décidé qu’il allait séduire des gens comme vous et moi en mettant l’accent sur l’éducation, la culture, le rétablissement de belles architectures. J’ai trouvé ça intéressant. Notamment, parce qu’on peut imaginer les conversations chez ceux qui le subissent : « OK, ce n’est pas idéal, mais c’est toujours mieux qu’en face. » »

Geneviève Simon écrit sur le site de la « Libre Belgique » : « Un roman mordant qui déroule un scénario plausible ».

Denis Cosnard écrit sur le site  « Le Monde » un article « …prophète de malheur » dans lequel il juge aussi que « L’écrivain prédit la dislocation des États-Unis dans une dystopie vraisemblable et caustique ».

A la fin de l’ouvrage, Douglas Kennedy finit, comme le faisait La Fontaine dans ses fables, par la morale de cette histoire :

« A l’image des cellules biologiques qui nous composent, il est dans notre nature de nous diviser. L’histoire de l’humanité, ­individuelle et collective, n’est qu’une longue succession de schismes et de ruptures. Nous brisons nos familles, nos couples. Nous brisons nos nations. Et nous rejetons la faute les uns sur les autres. C’est un besoin inhérent à la condition humaine : celui de trouver un ennemi proche de nous afin de l’exclure en prétextant ne pas avoir le choix. Vivre, c’est diviser. »
Et c’est ainsi que nous vivrons, page 332

<1758>

Mercredi 17 mai 2023

« Être soi-même ne devrait jamais être un crime. » »
António Guterres Secrétaire général de l’ONU dans son message du 11 mai 2023

Avant on parlait d’homophobie, et le 17 mai était désigné par l’ONU comme « La journée internationale contre l’homophobie »

Désormais, l’ONU parle, en 2023, de « La Lutte contre l’homophobie, la transphobie et la biphobie »

Le Conseil de l’Europe, en est resté à la première appellation : « Journée internationale contre l’homophobie »

Une journée internationale (ou journée mondiale) est un jour de l’année dédié à un thème particulier à un niveau international ou mondial. Le calendrier de l’Organisation des Nations unies en prévoit plus de 140.
La date choisie a toujours un rapport avec l’objet de la journée.
Ainsi, la première ayant été instituée, le fut en 1950 : « La journée mondiale des droits de l’homme » fut fixée au 10 décembre.

L’explication tient au fait que le 10 décembre 1948, l’Assemblée générale des Nations unies avait adopté la Déclaration universelle des droits de l’homme.

Alors pourquoi le 17 mai, pour lutter contre l’Homophobie ?

Parce que le 17 mai 1990 l’Organisation Mondiale de la Santé a décidé de ne plus considérer l’homosexualité comme une maladie mentale !

Ce n’est pas très ancien, 1990, c’était il y a 33 ans !

La France l’avait fait en 1981 avec l’arrivée de la Gauche et de Mitterrand au pouvoir. Ce n’était que 9 ans avant…

La journée est originaire du Québec. La Fondation Émergence a créé en 2003 la première journée nationale contre l’homophobie.
Mais la première journée, organisée à un niveau international, eu lieu le 17 mai 2005 grâce à Louis-Georges Tin, un professeur et activiste français. Il a été le président du Comité IDAHO (du nom de la journée en anglais, International Day Against Homophobia and Transphobia) entre 2005 et 2013.

Dans son message du 11 mai 2023 qui annonçait la journée du 17 mai, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, disait :

« Alors que nous célébrons la Journée internationale contre l’homophobie, la transphobie et la biphobie, la constatation est saisissante. Partout dans le monde, les personnes LGBTQI+ continuent de connaître la violence, la persécution, les discours haineux, l’injustice, voire le meurtre pur et simple.

Parallèlement, des lois rétrogrades continuent de criminaliser les personnes LGBTQI+ dans le monde, les punissant du simple fait d’être elles-mêmes.

Chaque agression contre les personnes LGBTQI+ est une agression contre les droits humains et les valeurs qui nous sont chères.

Nous ne pouvons pas faire marche arrière et nous ne le ferons pas.

L’ONU soutient fermement la communauté LGBTQI+ et ne cessera son action que lorsque les droits humains et la dignité seront une réalité pour toutes les personnes.

Je demande à nouveau à tous les États Membres de respecter la Déclaration universelle des droits de l’homme et de mettre fin à la criminalisation des relations consensuelles entre personnes du même sexe et à celle des personnes transgenres. Être soi-même ne devrait jamais être un crime. »

Pour ceux qui ne connaissent pas précisément le sigle LGBTQI+, en voici le détail : Par L, on entend « Lesbiennes », par G « Gays », par B « Bisexuel·le·s », par T « Trans », par Q « Queers », par I « Intersexué·e·s », par A « Asexuel·le·s » ou « Aromantique·s » et le + inclut les nombreux autres termes désignant les genres et les sexualités. Plus précisément Queer, en anglais, signifie bizarre, inadapté, C’est le mot que l’on lançait à ceux qui n’étaient pas assez masculins, aux femmes aux allures de garçonnes, aux êtres dont le genre brouille les pistes. Bref, ce sigle entend englober toutes les tendances sexuelles.

Mais dans le monde cette journée n’est célébrée que dans environ 60 Etats. C’est ce qu’on lit sur ce <site> qui rappelle aussi que la dernière exécution par la France s’est déroulée, à Paris, en Place de grève (c’est-à-dire la Place de l’Hôtel de Ville) le 6 juillet 1750 : Bruno Lenoir et Jean Diot furent brulés après avoir été étranglés.

Le site de la journée mondiale nous apprend que :

« Dans 72 états au moins, les actes homosexuels sont condamnés par la loi (Algérie, Sénégal, Cameroun, Ethiopie, Liban, Jordanie, Arménie, Koweït, Porto Rico, Nicaragua, Bosnie…) ; dans plusieurs pays, cette condamnation peut aller au-delà de dix ans (Nigeria, Libye, Syrie, Inde, Malaisie, Cuba, Jamaïque…) ; parfois, la loi prévoit la détention à perpétuité (Guyana, Ouganda). Et dans une dizaine de nations, la peine de mort peut être effectivement appliquée (Afghanistan, Iran, Arabie Saoudite…).
En Afrique, récemment, plusieurs présidents de la république ont brutalement réaffirmé leur volonté de lutter personnellement contre ce fléau selon eux « anti-africain « . Dans d’autres pays, les persécutions se multiplient. Au Brésil par exemple, les Escadrons de la mort et les skin heads sèment la terreur : 1960 meurtres homophobes ont pu être recensés officiellement entre 1980 et 2000. Dans ces conditions, il paraît difficile de penser que la « tolérance » gagne du terrain. Au contraire, dans la plupart de ces Etats, l’homophobie semble aujourd’hui plus violente qu’hier. La tendance n’est donc pas à l’amélioration générale, tant s’en faut. »

En effet, l’homophobie semble ne pas régresser sur une grande partie de l’humanité. Poutine est parmi ceux qui sont ouvertement homophobes et qui dénoncent la lutte contre l’homophobie comme une valeur occidentale qu’il faut combattre.<En Ouganda> le Président Yoweri Museveni vient de promulguer une loi anti-homosexualité 2023. Joe Biden a dénoncé une « atteinte tragique » aux droit humains.

Au Maroc, une enseignante d’une classe de CM1 de l’école primaire française Honoré-de-Balzac de Kénitra, dans laquelle elle travaillait depuis 30 ans, a été suspendue suite à la plainte de parent d’élèves pour soi-disant « apologie de l’homosexualité ». La majorité des parents la soutiennent et considèrent cette sanction comme une injustice.

Mais <Libération> précise :

« Apologie de l’homosexualité». Au Maroc, l’accusation est grave. Dans un pays où l’homosexualité est punie jusqu’à trois ans d’emprisonnement, la « propagande LGBT» est considérée comme une atteinte à la religion et est donc encore plus sévèrement condamnée, avec des peines allant de trois à cinq ans de prison. »

L’affaire est devant la justice marocaine.

J’en avais déjà parlé lors du <mot du jour du 14 septembre 2022>, comme chaque année, le monde du football a organisé la journée dédiée à la lutte contre l’homophobie, pour laquelle il était demandé que les joueurs des 20 équipes de Ligue 1 arborent un maillot floqué de l’arc-en-ciel des fiertés LGBT, en marque de soutien.

Plusieurs joueurs ont comme l’année dernière refusé de porter ce brassard et ont alors été écarté par leur club et n’ont pas joué lors de cette journée. Parmi eux je citerais le marocain jouant à Toulouse Zakaria Aboukhlal parce qu’il a essayé de justifier sa position :

« Je tiens à souligner que j’ai la plus grande estime pour chaque individu, quels que soient ses préférences personnelles, son sexe, sa religion ou ses origines. c’est un principe que l’on ne soulignera jamais assez. Le respect est une valeur que j’estime beaucoup. Il s’étend aux autres mais comprend également le respect de mes propres croyances personnelles. Par conséquent, je ne crois pas être la personne la plus appropriée pour participer à cette campagne. J’espère sincèrement que ma décision sera respectée, tout comme nous souhaitons tous d’être traités avec respect. »

La campagne dont il parle ne lui demande pas de devenir homosexuel, mais simplement de rejeter toute forme de discrimination à leur égard.

Dans « L’Equipe » du 16 mai 2023, on peut lire la réponse d’un ancien joueur de Toulouse, Ouissem Belgacem, franco-tunisien et qui revendique la même religion musulmane que Zakaria Aboukhlal :

« [Je ne le comprends pas] Il est en train de dire : « Je suis homophobe et respectez-moi » Sauf que dans notre pays, l’homophobie est punie par la loi. C’est décevant et lâche. Il y a des millions de Français de confession musulmane qui n’ont aucun problème avec l’homosexualité. En faisant ce choix, il nourrit [le sentiment anti musulman] en France. […] Les gens vont conclure que ce n’est pas le football qui a un problème avec l’homosexualité mais les footballeurs musulmans »

Ouissem Belgacem a écrit un livre « Adieu ma honte » dans lequel il parle de son homosexualité et du monde du football par rapport à ce sujet. Dans l’article il a encore cette formule : « Raciste ou homophobe, c’est pareil. »

L’homophobe qui demande le respect s’est trouvé mêlé à une autre histoire de respect. Cet épisode est aussi relaté dans l’Equipe.

Comme le club de Toulouse avait gagné la Coupe de France, la Mairie de Toulouse avait organisé une fête dans ses locaux. Et pendant le discours du Maire, avec d’autres joueurs il faisait beaucoup de bruit. Alors, Laurence Arribagé, adjointe aux Sports à la mairie de Toulouse, leur a demandé de faire moins de bruit.

Zakaria Aboukhlal  a alors interpellé l’élue toulousaine par ces mots :

«  Dans mon pays les femmes ne parlent pas aux hommes comme cela »

Cet individu veut donc que l’on respecte son homophobie et que la femme respecte l’homme en ne le critiquant jamais.

Cette vision du « respect » ne me parait pas très respectable.

Mais aux États-Unis, dans certains États, la situation est tout aussi préoccupante.

En Floride, le gouverneur Ron Santis qui a pour ambition de gagner les primaires républicaines contre Trump, puis de devenir Président des Etats-Unis, s’est attaqué aux livres dans les écoles qui font mention de l’homosexualité, il a aussi attaqué Walt Disney qu’il juge trop inclusif.

Et maintenant comme le révèle <France Info> il entend aller plus loin et publier une Loi prévoyant que les médecins auraient la possibilité d’opposer une clause de conscience, leur permettant de refuser de soigner un patient si celui-ci n’est pas en phase avec leur vision des mœurs. « Je ne peux pas vous soigner, votre orientation sexuelle me l’interdit »

Ceci me conduit à deux conclusions :

  • Quand les bornes sont franchies, il n’y a plus de limites !
  • Les fondamentalistes de toutes les religions se rejoignent dans leur intolérance et leur rejet de ceux qu’ils accusent d’être déviants, alors qu’ils ne sont que différents de ce que leur raconte le récit auquel ils adhérent.

<1749>

Jeudi 30 mars 2023

« Ils n’ont pas vu un artiste exprimant un avis, mais un fournisseur retardant la livraison de la marchandise à son client. »
Réflexions personnelles suite à une attitude médiocre d’une partie du public de l’auditorium de Lyon le 17 mars

Ce jour-là, Annie et moi n’étions pas au concert de l’Auditorium de Lyon.

C’était le vendredi 17 mars, un jour après la décision du gouvernement d’utiliser l’article 49 alinéa 3 de la Constitution pour faire adopter la réforme de la retraite par le Parlement.

François Apap, bassoniste et représentant de l’Orchestre national de Lyon a pris la parole avant le concert pour dire l’opposition des musiciens à cette réforme et en donner les raisons.

<BFM TV> a mis en ligne une vidéo de ce moment.

Postérieurement, cette même chaîne a donné la parole au musicien qui s’était exprimé : < On m’a lancé des pièces > :

« Ça a été très compliqué sur scène, parce que j’ai entendu des insultes « ta gueule », « on n’est pas là pour ça », etc. On m’a lancé des pièces sur scène. Ce soir-là, ça a quand même été très violent. On ne s’y attendait pas. L’orchestre s’est très mal senti après cette scène.

Pour François Apape, face aux invectives de la foule qui ont duré de longues minutes, les musiciens auraient dû faire le choix de « sortir de scène, attendre 10-15 minutes dehors avant de revenir pour le début du concert. […]

Un témoin avait rapporté à BFM Lyon que « le public s’était indigné immédiatement, sans savoir de quoi il allait être question, haut et fort. Le discours n’avait même pas commencé qu’on entendait des « remboursés » vindicatifs ».

Selon la « Lettre du musicien » que « Mediapart » a cité dans <un Article> que Christiane m’a fait parvenir :

«  À peine les haut-parleurs avaient-ils annoncé qu’une déclaration précéderait le concert, vendredi 17 mars, que des cris ont fusé dans la salle : « On n’est pas là pour ça ! », « Vous nous faites chier ! ». François Apap a poursuivi sa lecture malgré les quolibets : « J’ai vu des regards haineux tandis qu’on me hurlait : « Ferme ta gueule et joue. » On m’a même jeté une pièce sur scène, traité de « chochotte », de « connard »… », raconte le musicien.

Des applaudissements ont tenté, en vain, de couvrir les huées : « La salle était en quelque sorte coupée en deux », témoigne Antoine Galvani, secrétaire général du Syndicat des artistes musiciens en Rhône-Alpes (Snam-CGT). »

Il va, sans dire, que si Annie et moi avions été dans la salle nous aurions été du coté des applaudissements. Il y a quelques années, nous avions assisté à un évènement du même type qui avait déclenché un comportement hostile d’une partie public, mais les applaudissements avaient alors couvert les sifflets. Ce ne fut pas le cas, semble t’il, le 17 mars.

Cet article donne aussi une partie des arguments développés par François Apap :

« Je sais que la culture de la musique classique passe pour propre et lisse et que, pour certains, elle devrait le rester. Mais nous devons faire face à une forme de pénibilité encore taboue, qui fait beaucoup de dégâts sur les corps, notamment dans le pupitre des cordes. » Le bassoniste évoque, à l’Orchestre national de Lyon, quatre musiciens absents de leur poste depuis plus d’un an, une majorité contrainte de consulter régulièrement des ostéopathes, mais aussi de souscrire à des assurances supplémentaires, une partie des troubles musculosquelettiques n’étant pas suffisamment prise en charge par la Sécurité sociale.« Nous sommes des sportifs de haut niveau. Mon texte, à cet égard, n’était ni belliqueux ni agressif. Il visait seulement à souligner que tenir deux ans de plus, ce n’est pas possible pour certains d’entre nous, d’autant plus dans un contexte de gel des postes, de concerts annulés, et de salaires qui ne chiffrent pas par rapport aux exigences qu’on nous demande. Cette déclaration englobait aussi les intermittents, les femmes, qui souffrent de carrières hachées… »

L’article montre aussi que cette attitude n’est pas limitée au public de Lyon :

« Faut-il donc tenir pour exceptionnelles les réactions du public de l’Auditorium de Lyon ? En novembre dernier, les ouvreurs et ouvreuses de la Philharmonie, qui tractaient également pour leurs conditions de travail, recevaient un accueil mitigé, voire hostile de la part des spectateurs et spectatrices : « Parfois, on nous répond : « Ne vous plaignez pas, au moins vous avez du travail » », rapportait amèrement une employée. Tandis qu’à Lille, le 19 janvier, une prise de parole similaire à celle de François Apap, juste avant un concert de l’Orchestre national de Lille, rencontrait le même accueil. »

Que dire ?

Il y a donc des personnes probablement aisées, selon mon expérience de l’auditorium, plutôt âgées, probablement déjà à la retraite qui ne tolèrent pas que leur acte de consommation soit interrompu par un avis divergent du leur.

Parce qu’ils pouvaient ne pas être d’accord avec les propos du musicien, c’était leur droit.

Mais il leur appartenait d’écouter avec respect et silence un avis qui était contraire à leurs idées.

Dans quel monde veulent-ils vivre ?

Dans un monde où il n’existe qu’une opinion, la leur ?

Zygmunt Bauman décrivait une telle attitude :

« S’enfermer dans […] une zone de confort, où le seul bruit qu’on entend est l’écho de sa propre voix, où la seule chose qu’on voit est le reflet de son propre visage.»

Ce monde dans lequel ils s’enferment, dans lequel il n’y a plus d’opinions divergentes mais une vérité et des erreurs est un monde triste, stérile, morbide.

Ce sont non des esprits de culture, ouvert à l’art et aux artistes.

Quand le musicien a pris la parole, ils n’ont pas vu un artiste exprimant un avis, mais un fournisseur retardant la livraison de la marchandise à son client.

Ce sont de vils consommateurs.

Le philosophe allemand, Peter Sloterdijke, disait :

« La liberté du consommateur et de l’individu moderne, c’est la liberté du cochon devant son auge. »

Ils n’ont même plus de savoir vivre !

Moi qui pensais, qu’au moins, les bourgeois avaient toujours comme qualité, la politesse.

Force est de constater que celles et ceux qui ont hué le musicien, en étaient dépourvus.

<1741>

 

Vendredi 25 février 2022

«  Bien entendu, nous n’allons rien faire ! »
Claude Cheysson, Ministre des Relations extérieures du gouvernement Pierre Mauroy sous la Présidence de François Mitterrand

Contexte de ce mot du jour : Quelques instants avant 4 heures, heure de Paris, le jeudi 24 février 2022, l’ancien officier du KGB qui règne au Kremlin est apparu à la télévision russe et a annoncé l’invasion par les troupes de l’empire russe, de l’État souverain et démocratique de l’Ukraine. Dans un discours violent, basé sur des mensonges et sur une réécriture de l’Histoire ce sinistre personnage a essayé de justifier le déclenchement d’une guerre totale, sur la terre d’Europe, contre son petit voisin en comparaison de l’empire russe. Les troupes impériales ont pénétré en Ukraine sur 3 fronts, la Russie, la Crimée et le Belarus.  L’objectif est évident : s’emparer de la capitale Kiev et soumettre l’ensemble de l’Ukraine.

C’était, il y a un peu plus de 40 ans. C’était avant !  Du temps de l’Union Soviétique, de la Guerre froide, du rideau de fer et de l’Europe divisée en deux camps antagonistes.

Depuis le <16 octobre 1978>, un polonais était Pape de l’église catholique. Et ce Pape est entré en lutte contre le communisme qui régnait sur l’Est de l’Europe et a encouragé et soutenu financièrement, les ouvriers des chantiers navals de Gdánsk à manifester contre le pouvoir communiste. Lech Walesa et, comme toujours, on oublie la femme : Anna Walentynowicz, fondaient, tous les deux, le syndicat Solidanorsc.

Ce syndicat, par ses actions, déstabilisera le pouvoir communiste. Les historiens racontent; aujourd’hui; que les dirigeants du POUP (Parti ouvrier unifié polonais), nom du parti politique polonais communiste, avaient la crainte que l’Union Soviétique envoie son armée rétablir l’ordre en Pologne comme elle l’avait fait en 1956 en Hongrie et en 1968 en Tchécoslovaquie. Alors, le général Jaruzelski, dans la nuit du 12 au 13 décembre 1981 décrète la Loi martiale et fait arrêter les principaux responsables de Solidanorsc.

En France, François Mitterrand est Président de la République depuis mai. Le premier ministre est Pierre Mauroy, le ministre des relations extérieures est Claude Cheysson et il n’est pas inutile de rappeler que le gouvernement compte 4 ministres communistes.

Des journalistes vont alors interroger Claude Cheysson, après le coup de force de Jaruzelski et lui demander ce que va faire la France. Il aura cette réponse :

« Bien entendu, nous n’allons rien faire. ! »

<Libération> nous apprend qu’il sera réprimandé en ces termes par Mitterrand :

« Quel besoin aviez-vous de dire ça ? C’est une évidence mais il ne fallait pas le dire. »

En 1985, interrogé par <Le Monde>, Claude Cheysson reconnaîtra :

« J’ai eu tort, je regrette cette déclaration intempestive qui aurait dû normalement me coûter ma place »

En tout cas, aujourd’hui tout le monde a compris la leçon et personne ne dira « Bien entendu, nous n’allons rien faire !»

A l’exception, peut être de Biden qui a plus ou moins avoué qu’il n’allait rien faire. Il a répondu franchement qu’il n’enverra pas de soldat américain sur le territoire ukrainien en expliquant que si un soldat américain se trouve en face d’un soldat russe, en zone de conflit, ce serait la troisième guerre mondiale.

Cette formulation a l’avantage de la clarté, mais est-il pertinent d’être clair dans ce type de situation ?

François Mitterrand aurait répondu une nouvelle fois : « C’est une évidence mais il ne fallait pas le dire. »

En face, Poutine dit :

« Quiconque entend se mettre sur notre chemin ou menacer notre pays et notre peuple doit savoir que la réponse russe sera immédiate et aura des conséquences jamais vues dans son histoire. »

Plusieurs analystes disent que cette menace renvoie à l’utilisation de l’arme atomique.

Peut-être, mais il ne le dit pas…

Il est possible aussi qu’en utilisant des armes récentes et hyper rapide, il neutralise les satellites occidentaux, créant un chaos certain, tant nous sommes désormais dépendants de ces technologies au quotidien.

« Nous n’allons rien faire », mise à part la réponse « claire » de Biden, aucun responsable occidental ne le dit.

Tous parlent de sanctions économiques extrêmement sévères, les plus sévères, massives etc…

Mais, il faut faire attention, ces sanctions économiques seront très préjudiciables aux citoyens européens.

60% du gaz que l’Allemagne utilise vient de Russie. 100% du gaz qu’utilise l’Autriche vient de la Russie.

Et on parle de geler le gazoduc Nord Stream 2 qui n’est toujours pas en service entre le fournisseur russe et le client allemand.

Mais quel est l’objet de ce gazoduc, sinon un moyen de transporter du gaz entre la Russie et l’Allemagne sans passer par l’Ukraine et sans permettre à cette dernière de prélever quelques taxes utiles à son budget. Ce n’était pas amical de la part de la Russie d’éviter l’Ukraine, mais ce n’était pas très amical, non plus, de la part de l’Allemagne de participer à cette opération anti-Ukraine.

Bien entendu, nous n’allons rien faire.

Sans les américains, nous n’avons pas de moyens militaires sérieux à opposer à Poutine.

J’ai entendu, à France Inter des militaires qui ne pensaient pas possible que l’armée ukrainienne résiste au déploiement russe. Selon ces militaires, il est vraisemblable que l’armée russe aura chassé le gouvernement ukrainien de Kiev, dans une semaine.

Après, ce sera beaucoup plus dur pour Poutine.

Il aura gagné une guerre, mais pas la paix. Il est peu probable que le peuple ukrainien acceptera la domination, d’un autre âge, du nouveau tsar des Russies.

Évidemment, ce sera long et douloureux, pour le peuple ukrainien.

Dans un des premiers mots du jour, celui du <7 mai 2013>, je citais John Steinbeck « Ce sont toujours les hommes en troupeau qui gagnent les batailles, et les hommes libres qui gagnent la guerre »

John Steinbeck avait écrit son roman « Lune Noire » pendant la seconde guerre mondiale. Il avait situé son livre dans une petite ville occupée par une armée étrangère issue d’un pays dictatorial.

Je citais la conclusion de ce livre : « Lune Noire » :

« Un sifflement strident hurla du côté de la mine. Une rafale de vent pulvérisa de la neige sur les fenêtres. Orden joua avec sa médaille et déclara d’une voix sourde :
– Vous voyez, colonel, on ne peut rien y changer. Vous serez écrasés et expulsés. Les gens n’aiment pas être conquis, colonel, et donc ils ne le seront pas.
Les hommes libres ne déclenchent pas la guerre, mais lorsqu’elle est déclenchée, ils peuvent se battre jusqu’à la victoire.
Les hommes en troupeau, soumis à un Führer, en sont incapables, et donc ce sont toujours les hommes en troupeau qui gagnent les batailles et les hommes libres qui gagnent la guerre. Vous découvrirez qu’il en est ainsi, colonel.
Lanser se redressa avec raideur. »

Parce que le peuple libre dans cette histoire est le peuple d’Ukraine et le peuple troupeau soumis à un Führer est, hélas, le peuple russe.

Poutine parle de dénazifier l’Ukraine. Il y a quelques extrémistes de droite en Ukraine, mais moins qu’en Russie et je le crains, moins qu’en France.

C’est le dictateur russe qui parle de nazi !!!

Mais que fait-il d’autre qu’Hitler qui prétendait que la petite Tchécoslovaquie maltraitait les allemands des sudètes pour justifier d’attaquer ce pays et de le soumettre, comme Poutine qui prétend défendre les russes du Donbass et preuve de son mensonge attaque toute l’Ukraine.

A l’époque, ce furent les accords de Munich. La France et La Grande Bretagne n’avaient rien fait.

Hitler ne pouvait pas évoquer le mot « génocide », comme le fait Poutine aujourd’hui, ce mot n’existait pas en 1939.

Hitler a aussi attaqué la Pologne, en prétendant que c’était la petite Pologne qui l’avait attaqué en premier.

Et Poutine prétend que c’est l’Ukraine qui menace la Russie pour l’attaquer !

Il parle aussi de junte au pouvoir à Kiev.

Le président Volodymyr Zelensky a été élu par le peuple ukrainien, en battant le président sortant. Cela s’appelle une alternance, exactement le contraire de ce qui se passe en Russie. Lorsque Dmitri Medvedev a remplacé, pour un mandat, Poutine en le gardant comme premier ministre puis en étant remplacé à nouveau par Poutine, ce n’était pas une alternance mais un arrangement mafieux. La démocratie est en Ukraine, s‘il y a une junte, c’est celle qui est au pouvoir à Moscou

Les dictateurs, cela ose tout, c’est à cela qu’on les reconnait.

Il ose traiter de nazi Volodymyr Zelensky, dont les deux parents étaient juifs russophones. Zelensky a d’ailleurs répondu à Poutine :

« Comment pourrais-je être un nazi ? Expliquez-le à mon grand-père, qui a traversé toute la guerre dans l’infanterie de l’armée soviétique. »

Et il ajouté que trois frères de son grand-père ont été tués par les nazis

Voilà la triste réalité d’un dictateur entrainant l’Europe dans son récit mortifère et sa réécriture de l’Histoire.

S’il y a un doute sur l’existence du peuple ukrainien, son agression va conduire à renforcer le sentiment national ukrainien, qui ne peut jamais être plus fort que si la nation est menacée par une autre nation.

Et pendant ce temps, un autre naufrage…

François Fillon, membre du conseil d’administration du géant russe de la pétrochimie Sibur, déplore l’usage de la force par Poutine mais continue à lui trouver des excuses, en prétendant que c’est l’OTAN qui est responsable de cette dérive.

Il est membre de 2 conseils d’administration d’entreprises russes aux mains d’amis de Poutine. Aura t’il la décence de démissionner ?

<1658>

 

Mardi 22 février 2022

« La démocratie a reculé dans le monde l’année dernière. »
Constat, réalisé par le département de recherche (EIU) de « The Economist »

Dans notre jeunesse nous pensions que l’évolution vers la démocratie était inéluctable et que si certains Etats mettraient un peu plus de temps, le mouvement était général et allait toujours dans le même sens.

Quand j’étais enfant, L’Espagne, le Portugal, la Grèce, tous les pays de l’Est de l’Europe étaient des dictatures. Ces dictatures sont tombées les unes après les autres.

Avec la chute du bloc soviétique, Francis Fukuyama conceptualisait cette évolution dans un article célèbre intitulé « La fin de l’histoire » où il prédisait le triomphe du modèle démocratique sur toute la planète.

Il semble que nous nous soyons trompés.

Dans « l’Obs », Sara Daniel pose même la question : « La démocratie, un régime politique en voie de disparition ? »

Et elle se réfère à une étude du département de recherche (EIU) de « The Economist »

The Economist est un journal britannique et nous devons reconnaître que concernant la démocratie les anglais nous ont toujours été supérieurs. Nous avons donc affaire à des spécialistes.

The Economist a créé un « indice de démocratie » qu’il évalue chaque année depuis 2006 pour chacun des 167 pays que compte notre Planète.

Le calcul est fondé sur 60 critères regroupés en cinq catégories :

  • Le processus électoral et le pluralisme,
  • Les libertés civiles,
  • Le fonctionnement du gouvernement,
  • La participation politique
  • La culture politique.

La notation se fait selon une échelle allant de 0 à 10.

À partir de cette note, les pays sont classés selon quatre types de régime politiques :

  • Démocraties complètes
  • Démocraties imparfaites ou défaillantes
  • Régime hybride
  • Régime autoritaire.

Le pays le moins démocratique du monde a été depuis plusieurs années : La Corée du Nord.

Mais cette année le classement du journal a trouvé encore pire.

La dernière place du classement est désormais occupée par l’Afghanistan qui est donc 167ème avec un score de 0,32.

Et la Corée du Nord n’est même pas avant dernière, cette place est occupée par la Birmanie dont l’armée a renversé le pouvoir civil dirigé par Aung San Suu Kyi et s’est lancé dans une répression sanglante contre la population en révolte contre ce coup de force.

Du côté le plus vertueux, c’est la Norvège qui occupe la première place avec un score de 9,75 suivi par les autres pays nordiques Finlande, Suède, Islande, Danemark.

Mais la deuxième place est occupée par la Nouvelle Zélande qui s’immisce dans le groupe des nordiques.

Il est à noter que sauf pour la Norvège, les 5 pays suivants ont tous à leur tête une première ministre femme.

Il me semble pouvoir dire que ce n’est pas parce qu’ils ont à leur tête des femmes qu’ils sont vertueux, mais plutôt parce qu’ils sont vertueux ils mettent facilement à la première place des femmes.

La France, est classée au-delà de la 20ème place et a intégré depuis l’année dernière la catégorie des démocraties défaillantes.

Pour l’étude ce sont les mesures mises en place pour freiner la pandémie de Covid-19 qui sont la cause de cette rétrogradation.

« Le Progrès. » rapporte les termes du rapport :

« Imposer des pass et des vaccins pose la question du droit des individus à participer librement à la vie publique de leur pays s’ils ne sont pas vaccinés », peut-on notamment lire dans l’étude, qui pointe également du doigt les propos d’Emmanuel Macron dans Le Parisien, qui a déclaré il y a quelques semaines qu’il voulait « emmerder les non-vaccinés ».
La France n’est pas le seul pays d’Europe de l’Ouest où la restriction des libertés individuelles pose question, selon l’Index. L’Espagne est ainsi passé cette année de « démocratie complète » à « démocratie défaillante » et plusieurs pays voisins, comme l’Italie, le Portugal et la Belgique sont eux aussi considérés comme « défaillants » dans leur système démocratique.

Les États-Unis, Israël, le Brésil et l’Afrique du Sud figurent également dans cette catégorie. »

La Russie et la Chine sont bien évidemment classées dans la dernière catégorie, celle des régimes autoritaires.

En 2021, seuls 6,4 % de la population mondiale ont vécu dans des pays pleinement démocratiques.

Globalement, la démocratie a reculé dans le monde l’année dernière. L’indice de démocratie 2021 est en effet passé de 5,37 en 2020 à 5,28, soit la plus forte baisse annuelle depuis l’année 2010.

Les régimes autoritaires ou hybrides sont largement majoritaires et gouvernent plus de la moitié de l’humanité 45,7 % de la population mondiale vivait dans une démocratie en 2021, contre 49,4 % un an plus tôt.

Sara Daniel développe :

« Plusieurs facteurs expliquent ce reflux démocratique. La multiplication des hommes forts qui, du Russe Vladimir Poutine au Turc Recep Tayyip Erdogan, adossent leur pouvoir à des démocratures. Les guerres sans fin ensanglantant le Moyen-Orient, le Sahel ou l’Afghanistan, qui déloge cette année la Corée du Nord de la dernière place du classement. La progression du modèle chinois qui gagne le monde émergent. Et enfin l’épidémie de Covid qui a creusé le fossé entre dirigeants et citoyens. »

Et elle cite une journaliste américaine :

« Dans un livre récemment publié chez Grasset, « Démocraties en déclin. Réflexions sur la tentation autoritaire », la journaliste américaine Anne Applebaum, déjà autrice d’une passionnante histoire du Goulag, explique comment le mensonge assumé est devenu une arme politique. Selon elle, la tentation de gouverner de manière autoritaire, dont le trumpisme fut l’illustration la plus spectaculaire, est la même partout, de l’extrême droite française au régime de Poutine. »

J’ai pris ces différentes informations des articles suivants :

Wikipedia : <Indice de démocratie>

L’Obs : < La démocratie, un régime politique en voie de disparition ?>

L’Obs : <The Economist classe la France parmi les « démocraties défaillantes »>

Le Progrès <Quels sont les pays les plus démocratiques ou les plus autoritaires au monde ?>

Les Echos : <Le Covid bouscule la démocratie dans le monde pour la deuxième année consécutive>

Le Temps : <Une étude s’alarme d’un recul de la démocratie dans le monde en 2021>

Il me semble, en effet, que la démocratie recule dans le monde. Je ne crois pas que le COVID en soit le principal responsable.

<1655>

Vendredi 10 décembre 2021

« C’était une situation effrayante tendue et triste. »
Anna von Hausswolff

Il a suffi de quelques dizaines de catholiques intégristes pour bloquer, mardi soir, l’accès de l’église « Notre-Dame-de-Bon-Port » à Nantes pour que le concert soit annulé.

Le concert était celui d’une artiste suédoise : Anna von Hausswolff

Son patronyme allemand signifie « le loup de la maison », les intégristes lui reprochaient de tenir des propos « satanistes ». Dans un morceau évoquant la drogue, Anna von Hausswolff chante avoir « fait l’amour avec le diable ». Probablement que ces esprits simples et théo-centrés ne savent pas ce qu’est une métaphore.

<Libération> présente ainsi cette chanteuse :

« Sombre, mais lumineuse. L’argutie […] vaut absolument pour la musique d’Anna von Hausswolff, artiste née dans le rock, à la voix puissante et timbrée, proche de celles de Kate Bush, Grace Slick ou PJ Harvey, au toucher unique sur les grandes orgues, son instrument fétiche, et qu’adorent autant les amateurs de sucreries pop suédoises que les fous de musique sombre voire de metal extrême. […]

Adepte des formes à rallonge, indescriptibles avec les vieux mots du rock, Anna von Hausswolff a développé son œuvre indifféremment dans le cadre traditionnel de la chanson à texte, inspirée par ses lectures, la nature, les lieux hantés par l’occulte et le vieux monde finissant, et celui d’une musique liturgique inventée, enracinée nulle part ailleurs que dans son imaginaire, lieu de musique inattendu, et merveilleux, où méditer et se ressourcer. Le plus naturellement du monde, elle a aussi doublé sa quête sonore d’une quête spirituelle qui n’appartient qu’à elle, écumant les églises les plus reculées pour y expérimenter avec les instruments les plus rares[…]

« Ma musique est faite pour les églises et mon instrument principal est l’orgue. », nous expliquait-elle, sonnée, au lendemain de l’annulation de son récital à Notre-Dame-de-Bon-Port, la première de sa carrière, quand elle joue dans des lieux de culte depuis plus de dix ans.

« Je respecte leurs traditions et toutes les cérémonies qui s’y déroulent. Nous avons toujours travaillé en bonne entente, jamais l’un contre l’autre. Ça s’est toujours bien passé, chaque partie satisfaite, avec beaucoup d’amour et de respect. Grâce à ma musique, tout un public vient à l’église alors qu’il n’y viendrait pas autrement, ce que les prêtres et les évêques reconnaissent volontiers. Dire que ma musique est blasphématoire est non seulement faux, mais blessant.»

Aussi une aberration, pour qui s’est déjà perdu dans ses chansons pleines d’ombres, certes, mais surtout remplies de grâce, de doute et d’humanité. »

Je ne connaissais pas cette artiste. J’ai écouté certaines de ses productions qu’on trouve sur Internet. Pour ce que j’en ai entendu, ce n’est pas une musique qui me fait vibrer pour l’instant.

Mais mon appréciation de cette musique n’a aucune importance. Ce qui est important c’est qu’un groupe d’exaltés l’a empêché, sans aucune raison sérieuse, de chanter. Les autorités ecclésiastiques avaient donné leur accord.

Dans « TELERAMA » : <Vade retro, satanas ! À Nantes, des catholiques intégristes bloquent un concert>, la journaliste Elise Racque rapporte :

« Cette poignée de catholiques a bloqué les entrées du lieu de culte en chantant des prières pour empêcher l’artiste suédoise Anna von Hausswolff de s’y produire […]. « C’était une situation effrayante, tendue et triste », a-t-elle dit sur son compte Instagram.
[…] Les fidèles ayant réussi à faire annuler le concert sont issus vraisemblablement de la communauté traditionaliste de Nantes, qui a ses habitudes latines à l’église Saint-Clément, où devait originellement se tenir l’événement. Face aux protestations des paroissiens, le diocèse de Nantes avait publié un communiqué dans la journée de mardi, actant le déplacement du concert dans une autre église, tout en soulignant que « rien », dans la programmation, ne s’opposait « à la foi et aux mœurs ». Et remarquant au passage que les chansons de l’artiste « entre lumière et ténèbres, manifestent une quête existentielle – comme l’expriment à leur manière les psaumes dans la Bible ». »

L’artiste suédoise devait jouer jeudi soir dans l’église Saint Eustache dans le quartier des Halles, à Paris. Ce concert a aussi été annulé. Le curé de cette paroisse a prise cette décision après avoir été informé que ce concert agitait sur Internet des réseaux catholiques intégristes.

Le journal de Nantes « OUEST France » a bien sûr relaté cet acte de censure et d’atteinte à la liberté : <À Nantes, des catholiques intégristes empêchent la tenue d’un concert> :

« Ils étaient nombreux à s’être déplacés pour venir écouter Anna Von Hausswolf. Parfois de loin, comme Benjamin et Anaïs, venus de Rennes. « Ce qu’il s’est passé ce soir est hallucinant », réagit le couple, curieux « d’entendre cette femme qu’on ne connaît pas. Ça nous semblait sympa d’entendre de la musique jouée avec des instruments originaux, comme l’orgue. »
Mais ce mardi soir 7 décembre, le public n’a pas pu entrer dans l’église Notre-Dame-de-Bon-Port, à Nantes. Ils en ont été empêchés par des catholiques, qualifiés d’intégristes par des élus nantais et certains religieux. Ces derniers étaient bien décidés à entraver la tenue du concert de l’artiste suédoise dont la tournée européenne faisait étape à Nantes. « Elle s’est déjà produite dans une quarantaine d’églises ou cathédrales et il n’y a jamais eu de problème », soupire Eli Commins, directeur du Lieu unique, [organisateur du concert].
La foule a bien tenté de pénétrer dans le lieu de culte en forçant le passage. « Mais c’était impossible, c’était cadenassé », racontent des spectateurs.[…] On a compris qu’ils ne voulaient pas de la tenue d’un concert dans une église. Et il y a une grosse incompréhension, parce qu’ils pensent que cette artiste crée de la musique sataniste, ésotérique », prolongent des participants, dont la tenue n’évoque pas du tout les habituels vêtements des amateurs de ce genre artistique.
Eli Commins s’étrangle : « Il n’y a aucune inspiration religieuse, aucune violence ! Simplement, elle joue de l’orgue et les orgues se trouvent dans les églises. C’est une musique d’influence post-métal. Il n’y avait même pas de paroles dans la représentation prévue. » Certaines pochettes d’album auraient blessé ses détracteurs. »

« LIBERATION » a fait de cette annulation sa Une du 8 décembre, jour de la fête des lumières à Lyon. Lumières qui devraient être en capacité de chasser les ténèbres et l’obscurantisme.

Ce journal explique :

« Bref, un vent mauvais souffle sur le pays des Lumières et si Libé y consacre sa une, c’est parce que, plus encore que d’habitude, il va falloir être vigilant. Les mois à venir jusqu’à la présidentielle s’annoncent à haut risque, une frange significative de la droite et de l’extrême droite se montrant réceptive aux revendications identitaires des chrétiens traditionalistes. Qu’une poignée d’intégristes puisse provoquer l’annulation de deux concerts à Nantes et Paris est source d’inquiétude. Et crée un précédent dangereux. »

Libé décrit cette mouvance polymorphe qui aime la messe en latin, est en désaccord total avec le pape actuel. Car François, en juillet, a ouvert les hostilités, en publiant, un motu proprio (un décret personnel) pour limiter drastiquement l’usage de la messe en latin.

Le journal rappelle que le noyau de ce mouvement se trouve dans les catholiques qui ont suivi, en 1988, Mgr Marcel Lefebvre dans son schisme avec Rome. Défenseur de la messe en latin, le prélat français rejetait également en bloc les réformes du concile Vatican II. La « cathédrale » des intégristes est l’église parisienne Saint-Nicolas-du-Chardonnet, conquise, en 1977, par un véritable coup de force. Malgré des décisions de justice, « la Fraternité Saint-Pie-X n’a jamais été délogée. »

Selon Libé, en France, la galaxie tradi compte à peine quelques dizaines de milliers de personnes. Selon les derniers chiffres disponibles, il y aurait entre 50 000 et 70 000 fidèles qui se rendraient, chaque dimanche, dans des lieux de culte liés à la mouvance traditionaliste ou intégriste.

C’est un temps mauvais, en effet, quand les intégristes de tous bords essayent d’imposer leurs archaïsmes et leurs régressions.

Toutes les religions en génèrent en leur sein et sur certains combats contre les libertés : l’avortement, l’orientation sexuelle, de ne pas croire, la culture, ils deviennent des alliés objectifs, s’encourageant les uns les autres.

La liberté religieuse est essentielle, mais je crois profondément que nous avons globalement été trop faible avec les intégristes de toutes les religions.

Sur cette page de <France Inter> on apprend finalement que l’organisateur du concert de Paris a trouvé une autre église, non catholique, précise t’il, dans laquelle le concert pourra avoir lieu.

Sur la même page, il y a aussi une vidéo montrant la musique qu’interprète Anna von Hausswolff.

<1636>

Jeudi 28 octobre 2021

« Xavier»
Ce prénom ne correspond à rien d’humain à Singapour

J’ai souvent entendu dans des émissions de radio, dans lesquels intervenaient des économistes libéraux, les plus grands éloges sur l’organisation politique de Singapour et sa capacité à favoriser le développement économique.

Singapour est un tout petit État : 719 km²

Pour qu’on puisse avoir une idée de comparaison, la métropole de Lyon représente 534 km².

Dans la région parisienne, il existe la métropole du Grand Paris qui regroupe la ville de Paris et 130 communes, comprenant l’intégralité des communes des départements de la petite couronne (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne) ainsi que six communes de l’Essonne et une du Val d’Oise. Cette entité représente 814  km².

L’État de Singapour est situé à l’extrême sud de la péninsule Malaise, dont il est séparé au nord par le détroit de Johor, et borde au sud le détroit de Singapour.

Il comprend 63 îles, dont la principale est Pulau Ujong qui représente à elle seule 81% du territoire de l’État.

La raison pour laquelle Singapour ne fait pas simplement partie de l’État de Malaisie est une histoire de religion et d’ethnie.

La Malaisie et Singapour étaient colonies Britanniques depuis 1795. Et quand Les britanniques se sont retirés l’État indépendant qui a été créé en 1957 comprenait bien Singapour.

La Malaisie, hors Singapour, était un pays musulman, les habitants de Singapour d’origine chinoise étaient bouddhistes.

<Wikipedia> présente ainsi cette séparation de 1965 :

« Le retrait de Singapour de la fédération de Malaisie, le 9 Août 1965 fut pratiquement vu comme une partition de la Malaisie en deux états, par les observateurs étrangers, mais, à la différence de l’Inde, cette partition n’était pas religieuse, mais plutôt ethnique, avec la création de l’état de Singapour, majoritairement peuplé de Chinois, et la Malaisie, majoritairement peuplée de Malais musulmans, mais avec une forte minorité de Chinois. Avant 1965, les Chinois étaient aussi nombreux que les Malais, en Malaisie, Les deux parties n’arrivaient pas à s’entendre pour le partage du pouvoir entre Chinois et Malais, d’autant plus que les Malais étaient favorables à un régime monarchique, alors que les Chinois voulaient un régime républicain, ce qui laissait présager une grave guerre civile ethnique, expliquant largement le retrait de Singapour, en 1965. »

Ce sont les Malais de la péninsule qui forcent Singapour à quitter la Fédération contre la volonté du responsable politique de Singapour qui constituait une des régions autonomes de la Malaisie : Lee Kuan Yew.

C’est ce dernier qui est cité en exemple pour sa capacité de direction l’État de manière très ferme tout en préservant une démocratie.

Lorsqu’il fut contraint d’assumer la séparation entre la Malaisie et Singapour il tint ce discours :

« Pour moi, c’est un moment d’angoisse. Toute ma vie, toute ma vie d’adulte, j’ai… j’ai cru en l’union avec la Malaisie et à l’unité des deux territoires. Vous savez que nous, en tant que peuple lié par la géographie, l’économie, par des liens de parenté… Cela détruit littéralement tout ce pour quoi nous avons lutté… Maintenant, moi, Lee Kuan Yew, Premier ministre de Singapour, dans la responsabilité qui m’incombe, je proclame et déclare au nom du peuple et du gouvernement de Singapour que, à partir de ce jour, le 9 août de cette année mille neuf cent soixante-cinq, Singapour sera à jamais une nation indépendante, souveraine et démocratique, fondée sur les principes de liberté et de justice et avec pour but la recherche du bien-être et du bonheur du peuple dans une société la plus juste et égalitaire possible.  »

Et de ce minuscule État, sans beaucoup de ressources, Lee Kuan Yew qui restera premier ministre de 1965 à 1990, fera un miracle économique. Voici l’évolution du PIB depuis 1965 :


De presque rien en 1965, le PIB est monté à près de 400 milliards de dollars faisant en 2017, selon le FMI, de Singapour le 4ème pays du classement du PIB par habitants,( devancé seulement par le Qatar, Macao et le Luxembourg. La France est 29ème de ce classement.

Comment ce micro État fait-il ?

Selon <Wikipedia> :

« Son économie repose sur les services bancaires et financiers (deuxième place financière d’Asie après le Japon), le commerce, la navigation (deuxième port du monde derrière Shanghai pour le tonnage cargo, mais aussi en conteneurs pour la même année, le tourisme, les chantiers navals et le raffinage du pétrole (troisième raffineur mondial).
Le secteur de l’industrie électronique est également très dynamique et connu dans le monde entier. »

Et c’est donc dans ce pays moderne, dynamique, exemple pour tous ceux qui ont le PIB et l’ordre en ligne de mire,  qu’est né Xavier. Je l’ai découvert sur France Inter, dans l’émission <Sous les radars> du 6 octobre 2021 :

« Une voix métallique, une voix d’automate, Singapour inaugure depuis quelques temps sa nouvelle trouvaille high tech, des robots sur roue, équipés de 7 caméras différentes, qui arpentent les rues de la Cité État pour détecter les « comportements sociaux indésirables » et réprimander les contrevenants. Le robot s’appelle Xavier. C’est marqué dessus mais c’est bien là son seul attribut humain. Pour le reste il ne laisse rien passer. Ni les fumeurs qui en grille une dans une zone non autorisée, ni les enfants qui garent mal leur vélo, ni les retraités qui jouent aux échecs sans respecter les gestes barrière. Xavier voit tout et rappelle à l’ordre, avec sa voix naisillarde, sans toutefois passer à la contravention. Le système est encore en rodage.

Une surveillance de tous les instants qui inquiète les rares militants des droits de l’homme à Singapour.  « On a l’impression, dit cette militante, de ne plus être en sécurité pour exprimer certaines opinions ou adopter certains comportements.  On doit faire attention à tout ce qu’on dit et à tout ce qu’on fait, bien plus que dans n’importe quel autres pays. » « C’est comme une dystopie… Et le plus dystopique dans tout ça, conclue t-elle, c’est que c’est normalisé, et que les gens ne réagissent pas beaucoup. »

Pas de mobilisation populaire en effet contre ces redresseurs de torts robotisés. Il faut dire que les habitants de Singapour commencent à être habitués. Le gouvernement promeut depuis longtemps l’idée d’une nation intelligente, une smart nation, à la pointe de la technologie. Les caméras sont déjà omniprésentes dans les rues et les lampadaires équipés de logiciels de reconnaissance faciale. »

Quand on tape « xavier robot singapour» sur un moteur de recherche on trouve beaucoup d’articles et de vidéo sur cette « modernité ».

<Courrier International> essaye d’analyser cette évolution, dont certains rêvent dans nos contrées certainement, à travers le regard de journaux asiatiques :

« Est-ce que vous fumez dans une zone interdite ? Vous vous rassemblez à plus de cinq ? Méfiez-vous de Xavier, qui est à l’affût de ces ‘comportements sociaux indésirables' », mettait en garde début septembre la chaîne de télévision singapourienne Channel News Asia (CNA) sur son site Internet. »

La moindre infraction est repérée :

« Juchés sur quatre roues et se déplaçant à 5 km/h, ce robot est doté de caméras à 360 degrés et « est capable de voir dans l’obscurité », précise The Straits Times. « En une poignée de secondes, les images sont transmises à un centre de commandement et de contrôle, introduites dans un système d’analyse vidéo programmé pour reconnaître la posture d’un homme, les contours d’une cigarette dans sa bouche et d’autres signes visuels. » Et alors Xavier, d’une voix synthétique, s’adresse au contrevenant : « Merci de ne pas fumer dans un espace interdit tel que les passages couverts. » Des policiers visionnant les images peuvent également s’adresser directement aux fautifs par l’intermédiaire du robot, ajoute CNA. Pour l’heure, Xavier ne délivre aucune amende. »

On apprend qu’en mai 2020, Singapour avait déjà expérimenté un « chien robot » ayant pour mission de faire respecter les distances de sécurité dans le contexte de la pandémie de Covid-19.

Si les journaux de Singapour ne trouvent rien à redire à cette surveillance omnisciente, c’est un journal indien de Bombay, « The Indian Express » qui évoque « ce Robocop dans ce paradis de l’autoritarisme consumériste ».

Il regrette que :

« Pour beaucoup, il n’y a rien de gênant à ce que des robots fassent respecter les règles ».

Pour conclure que :

« Le pire avec ce système de surveillance, n’est pas qu’il se substitue aux policiers et aide à attraper les auteurs d’infractions. […] C’est, en réalité, qu’il veille à ce que les gens se conduisent en permanence comme s’ils étaient épiés.
En d’autres termes, les robots comme les caméras et les logiciels de reconnaissance faciale ne sont pas faits pour que vous ayez peur de la police. Ils ont pour but de placer un policier dans votre tête. »

Voilà !

Cela se passe à Singapour, exemple de dynamisme, de société moderne et de développement économique. Une démocratie où règnent l’ordre, le calme et le civisme ….

<1614>

Lundi 7 juin 2021

« Si je meurs, si j’ai une tombe, qu’un bouquet de pivoines rouges y soit déposé. »
Mihriay Erkin

<Slate> rapporte que selon un rapport publié par le Centre for Economics and Business Research (CEBR), la Chine devrait dépasser les États-Unis pour devenir la première puissance économique mondiale d’ici 2028.

Dans 7 ans.

Si cette prédiction se réalise, le monde sera dominé économiquement par un État qui est une dictature sanglante. Celles et ceux qui ont détesté l’hégémonie américaine, ce qui peut être compréhensible, seront sidérés par celle de la Chine du Parti Communiste Chinois.

Quelquefois pour toucher la réalité d’un problème, il faut s’échapper des concepts pour revenir à hauteur d’homme ou hauteur de femme comme dans cette histoire vraie.

La première fois que j’ai entendu parler de « Mihriay Erkin » c’était dans la revue de presse de Claude Askolovitch sur France Inter le <4 juin 2021>

Il évoquait un article de « Libération » : « Mihriay Erkin, étoile ouïghoure éteinte dans les ténèbres des camps » que la journaliste Laurence Defranoux avait publié le 2 juin 2021.

Depuis Raphaêl Glucksman a relayé cet article de Laurence Defranoux sur Facebook et mon amie Florence a partagé le post de Glucksman.

Mihriay Erkin était une jeune chercheuse de 29 ans à l’institut Nara au Japon. Elle était exilée, car elle était ouighour et avait quitté l’empire de Chine alors que ses parents étaient restés dans leur pays.

Elle a été piégée parce que les autorités chinoises ont « incité » sa mère à la convaincre de revenir la voir.

Claude Askolovitch résume ainsi cette histoire :

«  Regardez bien alors la bouille et le sourire espiègle de Mihriay Erkin, qui avait 29 ans, qui était heureuse au Japon, étudiante chercheuse en science et en technologie, mais qui en juin 2019 est revenue en Chine pour voir sa famille, sa mère l’a suppliait… Mihriay était ouighour, de ce peuple de confession musulmane que l’Etat chinois veut réduire, elle enseignait sa langue, son oncle était un linguiste exilé en Norvège, la famille était surveillée et l’invitation ressemblait à un piège. […] En arrivant en Chine, Mihriay a appris que son père avait été condamné pour incitation au terrorisme, puis elle a été arrêtée, elle est morte en décembre 2020 dans un camp, les autorités ont demandé à sa famille de dire qu’elle souffrait d’une maladie cachée. »

Dans l’article de Laurence Defranoux, nous apprenons les précisions suivantes :

  • C’est sa mère qui l’a appelée pour la supplier de rentrer, et lui a envoyé de l’argent pour acheter le billet d’avion.
  • Immédiatement à son arrivée, en juin 2019, elle a été privée de son passeport et assignée à résidence au Xinjiang. Elle a été arrêtée en février 2020 et elle est morte le 20 décembre dans le centre de détention de Yanbulaq, près de Kashgar, dans l’ouest de la Chine. La nouvelle a commencé à filtrer à l’étranger la première semaine de mars. Mais c’est seulement le 20 mai que sa mort a été confirmée grâce aux renseignements obtenus par Radio Free Asia, un site militant américain qui possède une antenne en ouïghour.
  • La police chinoise utilise des stratagèmes pour attirer les exilés à revenir au Xinjiang comme les obliger à venir en Chine pour signer des papiers ou renouveler leur passeport. Mais, surtout, elle se sert de la famille comme appât. L’envoi d’une forte somme d’argent par sa mère, pourtant sans ressources, alors qu’un virement à l’étranger suffit à être condamné pour « financement d’activités terroristes », a tout du piège. C’est un dilemme pour les jeunes éloignés et isolés, alors que la culture ouïghoure donne une place très importante à la famille et à l’obéissance aux parents.

Mihriay Erkin était assez consciente des risques puisqu’au moment de partir, le 18 juin 2019, à l’aéroport de Tokyo elle a envoyé ce message :

« Depuis mon enfance, on m’a appris que les enfants doivent accomplir leur devoir en restant auprès de leurs parents. Soyez en paix. Si je meurs, si j’ai une tombe, qu’un bouquet de pivoines rouges y soit déposé.»

La journaliste explique :

« Mihriay Erkin a tout pour attirer l’attention des autorités qui ont pour objectif d’éradiquer la culture millénaire des Ouïghours et les assimiler de gré ou de force dans la «grande nation chinoise». Brillante élève, maîtrisant le ouïghour, le mandarin, le japonais et l’anglais, elle a obtenu un master de bio-ingénierie au Japon après une licence de biologie à Shanghai. Mais elle ne s’est pas coupée de ses racines, porte le hijab et enseigne depuis deux ans le ouïghour à des enfants de la diaspora au Japon en marge de son doctorat. De plus, elle est la nièce d’Abduweli Ayup, linguiste renommé, diplômé aux Etats-Unis. Emprisonné et torturé en 2013-2014 pour avoir levé des fonds afin d’ouvrir une école maternelle ouïghoure, harcelé à sa sortie, il s’est exilé en Norvège en 2015, d’où il continue à militer pour l’usage du ouïghour dans l’enseignement.

Cet oncle quand il apprend le projet de sa nièce va tout faire pour la dissuader :

« Ce dernier est très attaché à celle qu’il appelle «mon bébé», et qu’il a élevée pendant deux ans lorsque ses parents s’étaient éloignés pour leur travail. […] Il essaie de la convaincre de ne pas monter dans l’avion pour la Chine. Mais Mihriay ne cède pas. Depuis la salle d’embarquement, elle lui écrit : « Chacun de nous mourra seul. L’amour de Dieu, notre sourire et notre peur nous accompagnent. Je vis dans de telles frayeurs, il est préférable d’en finir. »

Selon des sources contactées par Radio Free Asia, Mihriay Erkin serait morte alors qu’elle était l’objet d’une enquête menée par le bureau de la Sécurité publique de Kashgar, possiblement lors d’un interrogatoire. Elle avait 30 ans.

Elle n’aura pas de bouquet de pivoines sur sa tombe :

« Seules trois personnes assistent à son enterrement, sous surveillance policière. La police leur intime l’ordre de garder le secret sous peine d’être « emprisonnées pour divulgation de secrets d’Etat» et «diffamation de la police». Une page est ajoutée à son dossier médical affirmant qu’elle souffrait d’une maladie cachée. Lorsque, en mars, la nouvelle de sa mort affleure sur les réseaux sociaux à l’étranger, la police demande à sa mère d’« avouer » devant une caméra avoir dissimulé le fait que sa fille était «malade» et de dire qu’elle est morte à la maison, puis renonce, pour une raison inconnue, à tourner la vidéo. »

Bien sûr, aucun pays ne dira rien : la Chine est tellement puissante. Il ne faut pas la fâcher. Aucune entreprise multinationale ne veut se passer du marché chinois. Et, en fin de compte tant de nos économies, de notre confort dépend de l’empire du milieu.

« La Croix » relate qu’il existe bien une instance qui a pris pour nom « Tribunal Ouïghour » » et qui tente de déterminer si le régime chinois est coupable de « crime contre l’humanité », voire de « génocide ». Mais cette instance d’origine privée n’a aucune autorité à faire valoir pour faire reconnaître son travail et ses avis, sans parler de décisions qui n’auraient aucun sens dans ce contexte.

<1569>

Mardi 3 novembre 2020

« La colère musulmane, la France, la Chine et le football »
Une histoire de colère sélective

Dans de nombreux pays musulmans, des croyants de l’islam manifestent contre la France.

Il est vrai que des dessins ont choqué.

Et que le président de la République française a dit sur Al Jazira qu’il n’était pas question d’interdire ces dessins.

Vous savez qu’Albert Camus, sur lequel je reviendrai bientôt, disait, en d’autres mots, que le football nous apprenait énormément sur le monde.

Claude Askolovitch avait parlé des musulmans, de la Chine et du football dans sa revue de presse <du 27 octobre 2020>. Je cite in extenso :

« On parle d’une disparition…
Celle d’un footballeur qui ne joue plus au football, pourtant un plus doués de notre humanité, l’allemand Mesut Ozil, champion du monde en 2014, mais que son club, Arsenal, a décidé d’écarter cette année, aussi bien des compétitions européennes que du championnat anglais… L’histoire d’Ozil est racontée sur les sites du New York Times, de l’Equipe, de So foot, belle trinité, et elle nous intéresse parce qu’elle n’est pas une simple histoire de sport, quand les muscles ou la volonté se dérobent chez un champion trentenaire, elle est l’histoire d’un homme annihilé par deux monstres politiques…

Le premier est son ami, et fut témoin à son mariage, Recep Erdogan, président turc dont on lit dans le Monde qu’il ne fait plus guère l’unanimité chez lui, mais qui par ses diatribes est encore aujourd’hui dans nos journaux -la croix l’humanité- la figure de l’ennemi…

L’autre monstre est la chine que Ozil a publiquement attaqué, scellant ainsi sa perte…

L’aventure s’est jouée en deux temps… En mai 2018 d’abord, quand Ozil, d’origine turque posait avec Erdogan alors en campagne électorale, cette proximité avec un autocrate choquait la fédération puis l’opinion allemande et, une coupe du monde ratée plus tard, Ozil renoncerait à la sélection qu’il avait si bien honorée, disant avoir été mal considéré en raison de son ascendance…

Une grosse année plus tard, décembre 2019, Ozil défendait sur les réseaux sociaux les Ouïgours, peuple musulman persécuté en chine… Le post était en langue turque, il était communautaire aussi bien qu’humanitaire… Ozil parlait de la « blessure sanglante de la Oummah », la communauté des croyants…

« Ils brulent leurs Corans, ils ferment leurs mosquées, ils interdisent leurs écoles, les hommes sont jetés dans des camps et les femmes sont forcées de vivre avec des hommes chinois, mais les musulmans sont silencieux, ils les ont abandonnés… »

Quelques jours plus tard raconte le NY times, les partenaires chinois de la première ligue refusaient de diffuser un match d’arsenal.

Les commentateurs sportifs chinois cessèrent de prononcer son nom; Son avatar fut retiré des jeux vidéos…

Et Arsenal, le club d’Ozil, et le football anglais, qui dépendent amplement du marché chinois, ne défendirent pas le joueur contre l’empire, pour le nouvel an chinois, Arsenal prit soin d’effacer Ozil des produits de merchandising…

Et c’est ainsi qu’Ozil, après son pays, perdit son club, je vous passe les anecdotes de club et de vestiaire… Ozil n’a plus joué depuis mars. On l’attendrait dit So foot à Istanbul à Fenerbahce, chacun chez soi, à la maison..

On reste rêveur sur le poids des identités… et sur la puissance d’un empire, la Chine.  »

Vous pouvez aussi lire cet article de Courrier International : <Quand Arsenal sacrifie sa star Mesut Özil pour faire plaisir à la Chine>

Concernant la manière dont l’Allemagne a traité son international, champion du monde, on pourra lire cet article : « Sous le feu de la critique, le patron de la Fédération allemande de foot (DFB) a regretté jeudi de ne pas avoir défendu le joueur Mesut Özil, cible de propos racistes après une rencontre avec le président truc. »

Mais ce qui me parait essentiel c’est le silence assourdissant qu’accompagne les persécutions des musulmans Ouighours que mènent le Régime totalitaire de la Chine communiste de Xi Jinping. Silence aussi de ces mêmes foules musulmanes ?

Et lorsque Mesut Ozil dit et écrit des choses évidentes sur ce sujet, la Chine arrive à faire « annuler » le footballeur, comme on dit aujourd’hui au temps de la cancel culture.

De manière plus globale, « Le Monde » avait écrit un éditorial début janvier 2020 < Chine, Inde, Birmanie : silence sur les musulmans persécutés> :

« Face à la situation des minorités musulmanes dans ces pays, ni les indignations sélectives des Occidentaux ni l’indifférence des pays arabes ne peuvent se justifier.

Certaines infamies suscitent à juste titre des déluges de protestations, d’autres nettement moins. Qui se soucie vraiment des Ouïgours de Chine ? Des musulmans d’Inde ? Des Rohingya de Birmanie ? Ces trois populations minoritaires de pays asiatiques ont en commun d’être musulmanes, persécutées et quasi oubliées. […]

L’indifférence des pays musulmans à l’égard de ces drames est encore plus problématique. Ni l’Arabie saoudite, ni les Emirats ni l’Egypte, ni les pays du Maghreb ne semblent s’émouvoir du sort des Ouïgours, des musulmans d’Inde ou des Rohingya, pourtant parties prenantes comme eux de l’islam sunnite. Ce défaut de solidarité peut résulter d’un calcul économique : l’Arabie saoudite est le principal fournisseur de pétrole de la Chine et l’attrait exercé par les énormes projets chinois d’infrastructures des « nouvelles routes de la soie » est fort dans l’ensemble de la péninsule Arabique. Les pays comme l’Arabie saoudite ou les Emirats, qui disent lutter contre l’« extrémisme » et le terrorisme, sont mal placés pour critiquer la Chine et l’Inde, qui recourent à la même rhétorique. En se solidarisant avec les musulmans persécutés dans ces pays, les pays arabes s’exposeraient enfin à des critiques sur le sort qu’ils réservent à leurs propres minorités. »

TV Monde pose aussi cette question : « Pourquoi le monde musulman ne réagit-il pas face aux persécutions du gouvernement chinois ? »

Cet article cite Dilnur Reyhan , présidente de l’Institut ouïghour d’Europe et qui est bien évidemment musulmane :

« Désolée, mais je ne vous souhaite pas un bon ramadan. » : c’est ainsi que débute la tribune de Dilnur Reyhan […]. Cette phrase d’introduction — qui peut sembler provocante au prime abord — est suivie d’une somme de constats terribles sur le traitement réservé aux musulmans du Xinjian : « A l’heure où des millions de Ouïghours et d’autres musulmans souffrent et meurent dans les camps de concentration chinois, où toute la population turcophone de la région ouïghoure est privée de ramadan, où les musulmans sont contraints par les autorités chinoises de manger du porc, de boire de l’alcool, de renier leur religion, où leurs mosquées millénaires sont démolies, leurs livres en écriture arabe brûlés ; à l’heure où vous, pays musulmans, observez un silence complice ; où vous allez même, pour certains d’entre vous, jusqu’à approuver ce monstrueux crime contre l’humanité afin de préserver vos relations avec la Chine, je ne peux pas vous souhaiter un bon ramadan. »

Pour avoir une idée de ce qui se passe on peut regarder ce documentaire d’ARTE : <Chine Ouïghours, un peuple un danger Arte >

Il y a aussi ces témoignages publiés par un média suisse : <Rescapés de camps de rééducation chinois au Xinjiang, ils témoignent>

Il faut croire que les caricatures françaises sont plus douloureuses que la violence réelle et physique que pratique la Chine, mais aussi l’Inde et la Birmanie.

Ainsi va le monde des religions, les concepts et les idées sont plus importants que la vie et les souffrances terrestres.

<1481>