Jeudi 19 février 2015

Jeudi 19 février 2015
« Votre travail n’est pas votre vie »
Howard Tullman
Howard Tullmann est un entrepreneur américain.
Un article de Slate.fr donne la traduction d’un article paru dans un journal américain où cet homme écrit cette phrase simple et pleine de sens.
Dans cet article il dit notamment :
« Nos vies sont rarement faites d’absolus.
Tout est affaire de degrés, que ce soit notre attention, notre patience ou encore la gamme et l’intensité de nos émotions. Et, en même temps, certaines choses sont des absolus: il vous est impossible d’être tout pour tout le monde; vous ne pouvez pas danser toutes les danses et, au cours de votre vie, vous avez des choix difficiles, des sacrifices et des compromis à faire –et il vous faudra vivre avec, pour le meilleur et pour le pire, pendant très longtemps.
Avec le temps, vous devenez la somme des choix que vous avez faits. […]
A l’heure actuelle, les bourreaux de travail semblent revenir à la mode. Mais pour certains, cette figure a toujours été d’actualité. Aujourd’hui, quasiment tout le monde veut devenir entrepreneur, créer son entreprise, et toucher le gros lot du jour au lendemain. Mais ce n’est qu’une partie de l’histoire. Au final, l’important n’est pas de faire de l’argent, mais de faire la différence. Et il ne s’agit pas seulement de gagner sa vie, mais de la concevoir, la fabriquer. La personne que vous deviendrez aura un rôle énorme à jouer dans la vie que vous construirez, que ce soit dans votre travail ou à l’extérieur. […]
Votre entreprise, votre travail, ce sont des choses que vous faites. Pas ce que vous êtes.  […]
Prenez donc cinq minutes pour savoir comment vous aimeriez que les choses soient quand, dans cinquante ans, vous poserez un regard rétrospectif sur ce que vous avez accompli, sur votre famille, sur ce que vous avez construit. Toutes ces choses sont là, devant vous. »
Cette réflexion me fait penser à une autre qui aurait aussi pu être un mot du jour : «On devrait toujours avoir à l’esprit que personne, sur son lit de mort, ne regrette de n’avoir pas passé plus de temps au bureau, cela nous aiderait à mieux orienter nos vies.»
Ces derniers propos sont du Docteur Gordon Livingston qui a écrit un livre que j’ai parcouru et dont le titre est déjà une révélation : «La vieillesse vient trop vite et la sagesse trop tard. » (collection Marabout 2004)
Le mot du jour va s’interrompre pendant quelques jours, je vais prendre un peu de temps pour m’occuper de ma santé.
Le prochain, qui sera le 445ème, devrait être envoyé le 2 mars 2015.

Mercredi 18 février 2015

Mercredi 18 février 2015
« Rouge »
Michel Pastoureau
Le mot du jour du 31/07/2014 était consacré à la couleur verte à laquelle un historien, Michel Pastoureau, avait dédié un livre.
Bien sûr, cet érudit étudie au fur à mesure toutes les couleurs, ainsi <l’émission Concordance des temps du 20/12/2014 était consacré à la couleur rouge>
C’est la plus difficile à étudier selon Michel Pastoureau : « Je n’ai pas commencé par [le rouge] parce que c’est le morceau le plus important en matière de monographie autour d’une couleur. Il faut donc énormément de temps. Par exemple, le Noir m’a demandé dix ans de travail, le Bleu aussi. Il s’agit d’une tâche de longue haleine. Il y a tellement de choses à dire sur le rouge». Il me semble que son livre sur le rouge n’a pas encore été publié.
Dans l’émission, on apprend que la couleur rouge est ambivalente au cours des âges :

d’un côté c’est la beauté, l’amour, la joie, la fête,

de l’autre c’est la honte, la colère, les crimes de sang, la couleur de la justice, l’enfer avec ses flammes

et selon Michel Pastoureau cette ambivalence remonte très loin, déjà en Grèce ancienne c’était le cas.
Parler de couleur rouge est presque un pléonasme, c’est la couleur par excellence, la couleur archétypale, la première des couleurs. Cette suprématie s’explique surtout par la précocité des performances techniques de l’homme à partir des colorants et pigments offerts par la nature : « Des terres ocres rouges, riches en oxyde de fer, pour peindre et dessiner sur les parois des cavernes ; la garance, le carthame et plus tard le kermès pour teindre les étoffes et les vêtements. »
Dans certaines langues cette équivalence perdure : « Coloratus » en latin ou « colorado » en espagnol signifient à la fois « rouge » et « couleur ».
Ce n’est plus aujourd’hui la couleur préférée, la couleur préférée est le bleu, mais quand on pense couleur on pense d’abord rouge.
En Occident, le blanc et le rouge sont des contraires, le blanc et le noir aussi. Mais, le rouge et le noir n’entretiennent pas beaucoup de relations. Nous avons donc un schéma à trois pôles: le blanc, le rouge et le noir. En fait, il représente le blanc et ses deux contraires (le rouge et le noir). [Je rappelle que le noir, le blanc et le rouge sont les couleurs de la Prusse.]
Évidemment le rouge a été associé au communisme, « le péril rouge », « les rouges ». Mais à Moscou, contrairement à la pensée commune, la place rouge n’est pas la place des communistes mais c’est la belle place. Elle portait déjà ce nom au XVIIIème siècle. Dans beaucoup de culture, rouge et beau sont synonymes.
Le rouge est souvent aussi la couleur de l’interdit. Pour les réformateurs protestants le rouge est la couleur des papistes. Ils pensent que le rouge est immoral. Ils tirent leur conviction du dernier livre de la bible chrétienne, l’Apocalyse où la grande prostituée de Babylone porte une robe rouge. Le XIXème siècle moralise les couleurs. Les grands industriels sont souvent protestants et puritains, leur couleurs sont noires, grises brunes, pas de couleur éclatantes.
Enzo Ferrari est catholique et il créera la mythique Ferrari rouge.
Si vous souhaitez continuer ce bel exercice d’érudition je vous propose trois liens :
Et un site de la BNF consacré à une exposition sur le rouge http://expositions.bnf.fr/rouge/

Mardi 17 février 2015

Mardi 17 février 2015
«Nos pratiques sont devenus inégalitaires.»
François Dubet
François Dubet, Sociologue, directeur d’études à l’EHESS et auteur de « La préférence pour l’inégalité » (Seuil), était l’invité de la matinale de France Inter  du vendredi du 6 février 2015.
J’ai retenu de ces propos l’analyse suivante :
«Pendant les 30 glorieuses les Etats occidentaux ont lutté contre les inégalités et par des transferts massifs sont parvenus à les réduire.
Depuis la révolution néo libérale, cette évolution a été stoppée et on a choisi l’inégalité.
La mondialisation en est certainement responsable pour une partie.
Mais ce que je crois c’est que le goût de l’égalité s’est cassé dans la société, nos pratiques sont devenus inégalitaires.
Les phénomènes de ségrégation urbaine se sont développés : on ne veut plus vivre avec des gens qui sont différents de nous. Alors on dénonce les ghettos, mais nous les augmentons chaque fois que nous prenons la décision de déménager.
Et l’école. Depuis 50 ans toutes les politiques françaises sont égalitaristes. Collège unique, des bourses, des aides, des diplômes nationaux.
On a voulu créer l’égalité [par le haut]. Mais les acteurs ont intérêt à l’inégalité.
Dès lors que je suis convaincu que l’avenir de mes enfants sera déterminé par le diplôme qu’ils auront à 18 ans et donc par voie de conséquence dépendront des diplômes relatifs qu’auront les autres enfants. Dès lors, même si je suis d’accord en principe avec l’égalité de tous, je suis très favorable à l’inégalité des miens.
L’appel du Président Hollande de créer de la mixité sociale dans l’Ecole ne sera pas simple.
Parce que nous avons un intérêt bien compris à fuir les établissements les plus difficiles et à chercher pour nos enfants les diplômes les plus rares et les plus sélectifs.
Beaucoup parle de la chute des classes moyennes à laquelle je crois très peu. Les vrais déclassés se sont les ouvriers non qualifiés.
Mais finalement on défend chacun à notre niveau la petite inégalité qui nous est bénéfique.
Depuis un mois et après les évènements de janvier il y a un climat d’égalitarisme qui s’est développé,
Mais avant cela, et ils sont toujours là, nous avions, les pigeons, les bonnets rouges, les notaires, les syndicats professionnels…
Ce qui s’est passé c’est un effondrement de la solidarité.
Pour que j’accepte de payer des impôts et des cotisations qui bénéficieront à d’autres, il faut que je m’en sente proche, parce que c’est la même nation, parce que nous sommes des travailleurs…Peu importe, ce sont les romans de la démocratie et de la nation, ce sont des romans, des fables mais on y croit.
Et quand cela se défait : « Pourquoi paierais-je pour des gens que je ne connais pas et qui ne le mérite pas ? »
Il y a des sondages très inquiétants, on explique de plus en plus le chômage et la pauvreté par la responsabilité des chômeurs et des pauvres, c’est leur faute. Il y a un renversement qui est en train de s’opérer.
Cette tendance s’est opérée en France elle s’est renversée encore beaucoup plus brutalement en Grande Bretagne et aux Etats Unis.»
Pour revenir à la France, son analyse est que « l’école Française est plus inégalitaire que la société, ce qui signifie qu’elle en rajoute à l’inégalité de la société.
Au Canada la société est plus inégalitaire, mais l’école est plus égalitaire qu’en France.
La première raison est qu’en France on fait l’école pour les élites, comme si dans chaque écolier un polytechnicien sommeille et les autres vont s’égrener comme un peloton cycliste en train de monter le tourmalet, c’est une tradition très difficile à remettre en cause.
Car, en fait, la priorité ce devraient être les élèves faibles, pas les élèves forts.
La seconde est que nous avons une confiance excessive dans les diplômes. La concurrence sur le diplôme devient alors trop forte et totalement inégalitaire. Si je crois que de la mention au Bac et la filière du bac dépend la totalité de la vie l’individu je me conduirai comme un sauvage pour que mes enfants l’obtiennent.
On raisonne ainsi toujours par le sommet.
Quand on veut lutter contre l’inégalité on dit qu’il faut que 10% des élèves de polytechnique soient issues des classes défavorisées, ce qui est bien, mais cela correspond à 40 élèves.
Mais le fait que 95 % des élèves des écoles technologiques soient issues de ces milieux ne pose jamais discussion. Or l’inégalité est beaucoup plus présente dans ce second aspect.
On regarde toujours vers le sommet, jamais vers la base.»
C’est un changement de paradigme absolu : La priorité ne serait pas une école pour former l’élite mais pour enseigner le plus grand nombre.
Vous doutez ? Cela va contre tous vos fondamentaux ?
Et si Dubet parvenait à instiller en vous le germe fécond du doute ?​

Lundi 16 février 2015

Lundi 16 février 2015
« Renvoyer aux calendes grecques »
expression utilisée par l’empereur Auguste
selon l’historien Suétone dans son ouvrage « La vie des douze Césars »
L’expression « repousser aux calendes grecques » signifie repousser quelque chose à une date lointaine, voire qui n’existe pas
Je trouve cette expression particulièrement appropriée à la délicate question de la dette qui est aussi grecque
D’abord un peu d’érudition :
C’est sous Jules César, vers 45 avant J.C. que le calendrier romain est réorganisé pour être en accord avec les mouvements connus des astres. L’année de 365 jours et les années bissextiles datent de cette époque.
On parle du calendrier Julien. En effet, dans Jules César, c’est Jules qui est le nom patronymique.
Ce calendrier constitue la base de notre calendrier qui a cependant été légèrement modifié à l’époque du pape Grégoire XIII. En effet, il fallait corriger la dérive séculaire du calendrier julien. Le calendrier julien établi par l’astronome Sosigène insérait une journée bissextile tous les 4 ans, et attribuait donc à l’année une durée moyenne de 365,25 jours. Or, l’année tropique moyenne dure 365,24219 jours (soit environ 365 jours 5 h 48 min 45 s).
Ceci induisait un décalage d’environ 8 jours par millénaire par rapport au temps vrai. Ce décalage avait pour effet que l’équinoxe de printemps légal glissait progressivement en s’éloignant de l’équinoxe de printemps réel, et que ce dernier « remontait » donc lentement dans le calendrier. La date de Pâques, fixée au dimanche suivant la première pleine lune de printemps en fonction de l’équinoxe théorique (21 mars), dérivait lentement vers l’été, et avec elle tout le calendrier liturgique.
La réforme principale était celle du mode d’application des années bissextiles lors des années séculaires. La différence principale entre le calendrier grégorien et son ancêtre, le calendrier julien non réformé, repose dans la distribution des années bissextiles.
L’introduction du calendrier grégorien comprend aussi une deuxième réforme d’application plus délicate, le décalage grégorien qui supprima 10 jours du calendrier du 4 octobre au 15 octobre 1582. Ces 10 jours permettaient de rattraper d’un coup le retard croissant pris par l’ancien calendrier julien sur les dates des équinoxes depuis le concile de Nicée, plus de 12 siècles avant, et de retrouver la concordance entre l’équinoxe de printemps et le 21 mars calendaire.
La suppression de ces 10 jours du calendrier a conduit à un fait historique particulièrement troublant : Thérèse d’Avila meurt une nuit, mais cette nuit était justement celle qui a fait basculer du 4 octobre au 15 octobre 1582.
Adopté à partir de 1582  dans les États catholiques puis dans les pays protestants, l’usage du calendrier grégorien s’est progressivement étendu à l’ensemble du monde au début du XXe siècle.
Les deux calendriers ont ainsi coexisté dans le monde pendant un certain temps et cela encore créé deux ambigüités historiques :
William Shakespeare meurt le 23 avril 1616, le même jour que son contemporain Miguel de Cervantès. Mais ils ne sont pourtant pas morts le même jour ! L’Angleterre, réticente aux innovations du continent, vivait encore avec le calendrier Julien tandis que l’Espagne avait adopté depuis longtemps le calendrier Grégorien. <23 avril 1616>
Et la Russie en 1917 appliquait encore le calendrier Julien. La révolution d’Octobre de 1917 était située dans le référentiel du calendrier Julien,  car selon le calendrier grégorien cette révolution s’est déroulée en novembre. La Russie révolutionnaire adopte le calendrier grégorien en 1918. L’Église orthodoxe russe, quant à elle, n’a jamais accepté ce calendrier imposé par le gouvernement athée.
Si vous voulez en savoir plus sur le calendrier grégorien : http://fr.wikipedia.org/wiki/Calendrier_grégorien
Et si vous voulez en savoir davantage sur le passage de l’un à l’autre : http://fr.wikipedia.org/wiki/Passage_du_calendrier_julien_au_calendrier_grégorien
On revient aux calendes grecques :
Dans le calendrier romain, les calendes désignaient le premier jour de chaque mois, jour pendant lequel les débiteurs devaient payer leurs dettes. Mais les Grecs, n’utilisaient pas, au temps de l’empereur Auguste, le terme de calendes.
L’expression d’Auguste se comprend donc comme renvoyer à une date qui n’existe pas.
Nous avons aussi l’expression renvoyer à la Saint Glinglin qui n’existe pas davantage ou quand les poules auront des dents…
Pour revenir à la dette grecque, qui constitue un problème très complexe, vous pouvez écouter la seconde partie de l’émission l’Esprit Public du 15/02 où différentes thèses s’affrontent : <Esprit Public du 15-02-2015>

Vendredi 13 février 2015

Vendredi 13 février 2015
« Et pourtant je vous dis que le bonheur existe
Ailleurs que dans le rêve ailleurs que dans les nues
Terre terre voici ses rades inconnues »
Aragon
Pour la Saint Valentin qui sera fêtée demain, Un extrait du long poème de Louis Aragon qui achève «Le roman inachevé».
Ce récit en poèmes publié en 1956 où il parle de sa jeunesse, de ses engagements politiques et de son amour pour sa compagne : Elsa Triolet.
Le long poème final a pour titre : «Prose du bonheur et d’Elsa» dont voici un extrait :
Aragon – Prose du bonheur et d’Elsa
«  […]
Comme un battoir laissé dans le bleu des lessives
Un chant dans la poitrine à jamais enfoui
L’ombre oblique d’un arbre abattu sur la rive
Que serais-je sans toi qu’un homme à la dérive
Au fil de l’étang mort une étoupe rouie
Ou l’épave à vau-l’eau d’un temps évanoui
J’étais celui qui sait seulement être contre
Celui qui sur le noir parie à tout moment
Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontre
Que cette heure arrêtée au cadran de la montre
Que serais-je sans toi qu’un cœur au bois dormant
Que serais-je sans toi que ce balbutiement
Un bonhomme hagard qui ferme sa fenêtre
Le vieux cabot parlant des anciennes tournées
L’escamoteur qu’on fait à son tour disparaître
Je vois parfois celui que je n’eus manqué d’être
Si tu n’étais venue changer ma destinée
Et n’avais relevé le cheval couronné
Je te dois tout je ne suis rien que ta poussière
Chaque mot de mon chant c’est de toi qu’il venait
Quand ton pied s’y posa je n’étais qu’une pierre
Ma gloire et ma grandeur seront d’être ton lierre
Le fidèle miroir où tu te reconnais
Je ne suis que ton ombre et ta menue monnaie
J’ai tout appris de toi sur les choses humaines
Et j’ai vu désormais le monde à ta façon
J’ai tout appris de toi comme on boit aux fontaines
Comme on lit dans le ciel les étoiles lointaines
Comme au passant qui chante on reprend sa chanson
J’ai tout appris de toi jusqu’au sens du frisson
J’ai tout appris de toi pour ce qui me concerne
Qu’il fait jour à midi qu’un ciel peut être bleu
Que le bonheur n’est pas un quinquet de taverne
Tu m’as pris par la main dans cet enfer moderne
Où l’homme ne sait plus ce que c’est qu’être deux
Tu m’as pris par la main comme un amant heureux
Il vient de m’échapper un aveu redoutable
Quel verset appelait ce répons imprudent
Comme un nageur la mer Comme un pied nu le sable
Comme un front de dormeur la nappe sur la table
L’alouette un miroir La porte l’ouragan
La forme de ta main la caresse du gant
Le ciel va-t-il vraiment me le tenir à crime
Je l’ai dit j’ai vendu mon ombre et mon secret
Ce que ressent mon cœur sur la sagesse prime
Je l’ai dit sans savoir emporté par la rime
Je l’ai dit sans calcul je l’ai dit d’un seul trait
De s’être dit heureux qui donc ne blêmirait
Le bonheur c’est un mot terriblement amer
Quel monstre emprunte ici le masque d’une idée
Sa coiffure de sphinx et ses bras de chimère
Debout dans les tombeaux des couples qui s’aimèrent
Le bonheur comme l’or est un mot clabaudé
Il roule sur la dalle avec un bruit de dés
Qui parle du bonheur a souvent les yeux tristes
N’est-ce pas un sanglot de la déconvenue
Une corde brisée aux doigts du guitariste
Et pourtant je vous dis que le bonheur existe
Ailleurs que dans le rêve ailleurs que dans les nues
Terre terre voici ses rades inconnues
Croyez-moi ne me croyez pas quand j’en témoigne
Ce que je sais du malheur m’en donne le droit
Si quand on marche vers le soleil il s’éloigne
Si la nuque de l’homme est faite pour la poigne
Du bourreau si ses bras sont promis à la croix
Le bonheur existe et j’y crois  […]»
Louis Aragon
Jean Ferrat a « picoré » quelques strophes de ce poème et a créé une de ses plus belles chansons : « Que serais-je sans toi »

Jeudi 12 février 2015

Jeudi 12 février 2015
« L’arôme des mots à l’infini »
Anagramme de « Les éditions Flammarion »
Étienne Klein & Jacques Perry-Salkow

Une anagramme (le mot est féminin) – du grec ανά, « en arrière », et γράμμα, « lettre », anagramma : « renversement de lettres » – est une construction fondée sur une figure de style qui inverse ou permute les lettres d’un mot ou d’un groupe de mots pour en extraire un sens ou un mot nouveau.

Étienne Klein, le physicien et journaliste est un adepte de ce jeu de l’anagramme mais il reconnaît bien volontiers  la supériorité, dans ce domaine, de son ami Jacques Perry-Salkow avec lequel il a écrit le livre « Anagrammes renversantes ou Le sens caché du monde » parue en 2011 chez Flammarion.

Il raconte dans <cet article> la genèse de ce livre et aussi que Flammarion était réticent de le publier jusqu’à ce que les deux compères dévoilent l’anagramme dont j’ai fait le mot du jour et qui révèle le sens caché des Éditions Flammarion.

Depuis que dans les différentes émissions qu’il anime, j’entendais Etienne Klein égrener des anagrammes, j’avais envie d’abord de parler de ce livre et plus généralement des anagrammes étonnantes et plein de sens.

En voici d’autres tirées de ce livre :

  • pirate = patrie
  • étreinte = éternité
  • sportifs = profits

Après pour comprendre les autres il faut avoir un peu de culture, de connaissance scientifique et aussi de connaissance de l’actualité :

  • le Médiator = la mort idéale
  • Claude Levi Strauss = a des avis culturels
  • la courbure de l’espace-temps = superbe spectacle de l’amour
  • le chat de Schrödinger = le choc d’hier est grand
  • La théorie de la relativité restreinte = vérité théâtrale et loi intersidérale
  • Le Radeau de la Méduse = au-delà de la démesure
  • Saint-Germain des Prés = matins nègres de Paris
  • Hôtel des ventes de Drouot = un lot de vestes d’Hérodote
  • L’origine de l’univers = un vide noir grésille
  • Le marquis de Sade = démasqua le désir
  • Être ou ne pas être, voilà la question = Oui, et la poser n’est que vanité orale
  • Et les particules élémentaires = tissèrent l’espace et la lumière
  • La gravitation universelle = loi vitale régnant sur la vie
  • Léonard Bernstein = l’art de bien sonner
  • Marie-Antoinette d’Autriche = cette amie hérita du Trianon = Reine, ta tête a dû choir matin
  • «Le Président Barack Hussein Obama » [doit beaucoup] = « à Rosa Parks, à ce bien humble destin »

Et à mon sens les 3 les plus fabuleux :

  • Le Maréchal Pétain = Place à Hitler, amen !
  • Le commandant Cousteau = tout commença dans l’eau

Et :

  • L’origine du monde, Gustave Courbet =  ce vagin où goutte l’ombre d’un désir


Voilà, voilà, je crois que vous allez courir acheter ce livre

<439>

Mercredi 11 février 2015

Mercredi 11 février 2015
« Au palmarès des expressions absurdes,
le « paradis fiscal » occupe fièrement la troisième place »
Pour parler du sujet d’actualité : HSBC  et la fraude fiscale révélée par le « SwissLeaks », je vous propose une introduction et l’avis d’« d’un homme de l’art »
L’introduction est celle de Nicolas Martin :
« Au palmarès des expressions absurdes et des attelages verbaux aberrants, juste après « dignitaires nazis » et «bombardier furtif », et juste avant « gala de charité », occupe fièrement la troisième place, l’inusable expression de « paradis fiscal».
« Paradis fiscal » ! Il fallait oser.
Oser arrimer la délectable pureté édénique, les insouciantes jouissances paradisiaques, le pur monde du « travailler quasiment pas pour gagner infiniment plus», avec l’emblème sinistre de toutes les turpitudes saisonnières, la hantise du laborieux : l’impôt, l’impôt et sa meute de suppôts : délais, abattement, tranche, contrôle et imposition.
Un paradis fiscal où n’accèdent d’ailleurs, bizarrement que les pécheurs : prévaricateurs et autres porteurs de mallette. »
L’homme de l’art est un grand serviteur de l’Etat ancien Directeur d’une des grandes directions nationales de l’administration fiscale : Roland Veillepeau
Le Monde a publié un entretien que vous trouverez en pièce jointe
Il dit notamment « Notre lutte contre la fraude fiscale internationale est inopérante »
« Le fisc suisse [est rétif à toute coopération], cela est inscrit dans ses gènes, soit  il ne répond pas, soit il s’arrange pour faire une réponse qui ne puisse être exploitée. Ce n’est pas nouveau, car il a toujours agi comme cela. Et penser qu’un coup de téléphone aux responsables suisses pourrait faire changer les choses relève au mieux de la naïveté. La crédibilité du fisc et celle du contrôle fiscal n’en sont pas ressorties grandies.
En 2008, des administrations fiscales ont porté, quasi simultanément, des coups au secret bancaire. C’est le fisc allemand, contre la banque LGT au Liechtenstein, le fisc américain contre la banque UBS et le fisc français contre la banque HSBC, en Suisse. Ces actions ont mis en évidence le rôle central et néfaste des banques spécialisées dans la gestion de fortune dans la mise en place de schémas de fraude fiscale, en assurant le transfert à l’étranger des fonds considérables provenant de la fraude, grâce à l’interposition de structures établies dans les paradis fiscaux.
Malheureusement, concernant les politiques] il y a un double langage permanent de nos Etats, qui sont les premiers à condamner les paradis fiscaux et dans le même temps à en profiter. Le pire exemple est donné par Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne, qui, comme premier ministre du Luxembourg, a encouragé les multinationales à lui verser quelques milliards d’impôts en dépouillant les autres Etats européens de dizaines de milliards de recettes fiscales leur revenant. Combien de temps les citoyens européens et les Etats membres pourront-ils accepter ce conflit d’intérêts, sinon ce scandale ?
Évidemment [qu’il faut faire sauter le fameux « verrou de Bercy »]. En droit français, le ministère public a seul le pouvoir de décider ou non de poursuites lorsqu’une infraction pénale lui est dénoncée, et de déclencher ou de ne pas déclencher l’action publique. Sauf pour les poursuites pour fraude fiscale. Ce « verrou de Bercy » constitue une exception qui n’a plus aucune légitimité depuis la mise en place du Parquet national financier (PNF), qui a justement compétence sur les infractions fiscales graves. »
Je vous rappelle que le mot du jour du 6 novembre 2014 était justement « Le verrou de Bercy », ce mécanisme qui conduit à ce que nul ne peut être poursuivi devant un tribunal pénal sans l’autorisation de La Commission des Infractions Fiscales (CIF) qui est une instance du Ministère des Finances à Bercy.
Vous trouverez en seconde pièce jointe un autre article du Monde qui vous apprendra ce qui est arrivé à Roland Veillepeau lorsqu’on a voulu l’empêcher de poursuivre la procédure contre les délinquants fiscaux se trouvant dans la liste swiss leaks et comment malgré ces « coups tordus » il a sauvé le travail de sa Direction.
Je finirai par ce mot de Charline VANHOENACKER : Le Monde se divise en deux : « ceux qui croient aux contes pour enfants et ceux qui ouvrent des comptes pour adultes »

Mardi 10 février 2015

« La nomophobie »
Phobie des temps modernes

La « nomophobie » contraction de l’expression anglaise « no mobile phobia » est constituée par la peur panique de se retrouver sans téléphone portable.

Après la réflexion sur l’informatique (mot du jour du 4 février), puis sur l’intelligence artificielle (mot du jour du 5 février), voici une réflexion sur un autre outil particulièrement prégnant dans notre quotidien.

Pendant un déjeuner avec une amie, Russell Clayton, doctorant à l’université du Missouri, a la surprise de voir sa convive le laisser précipitamment parce qu’elle a oublié son téléphone portable. Interloqué, il a l’idée de se pencher sur le sentiment de manque, voire de peur, qui habite certaines personnes lorsqu’elles sont séparées de ces petits objets devenus visiblement indispensables.

Dans une étude intitulée « The Impact of iPhone Separation on Cognition, Emotion and Physiology » (« L’impact de la séparation d’avec son mobile sur la cognition, l’émotion et la physiologie »), publiée le 8 janvier, Russell Clayton, doctorant à l’université du Missouri, s’étend sur cette «nomophobie » et arrive à deux conclusions :

  • Le téléphone portable est devenu « une extension de nous-même », à la manière du sonar de certains animaux, si bien qu’on peut parler d’ «iSelf », de « soi connecté ».
  • Privé de son mobile, la personne souffrant de « nomophobie » a l’impression d’avoir perdu une part d’elle-même, et cela « peut avoir un impact négatif sur ses performances mentales ».

A chaque fois que les participants aux tests ont été déconnectés, les chercheurs ont constaté une augmentation significative de l’anxiété, du rythme cardiaque, des niveaux de pression artérielle et une diminution significative de la performance aux tests : les cobayes se sentaient psychologiquement diminués.

<Ici le blog du Monde qui parle de cette étude>

Un <article> et une photo ci-après montrent tous les ravages de la portable-dépendance : on regarde son portable alors que le spectacle de la nature, juste à côté est si beau :

Pour finir, cette histoire racontée par Michel Serres qui avait offert à une petite fille de sa famille le livre « Robinson Crusoé ». Peu de temps après il lui a demandé :

« qu’as-tu pensé de ce livre ? »

Elle a alors répondu :

« Bof ! C’est ce qui arrive quand on oublie son téléphone portable ».

Michel Serres, pour ne pas remettre en cause la représentation de l’univers de sa nièce qui ne pouvait concevoir un monde sans portable, lui a expliqué « Non, non, il ne l’avait pas oublié, mais il n’y avait pas de réseau sur cette île ! »

L’ordinateur est abruti, c’est entendu, mais le portable n’aurait-il pas pour effet de rendre son utilisateur débile ?

 

<437>

Lundi 9 Février 2015

Lundi 9 Février 2015
«De Gaulle appelait-il à voter Guy Mollet ?»
Laurent Wauquiez
N°3 de l’UMP et souhaitant répondre à la question fallait ‘il que dans le Doubs l’UMP appelle à voter socialiste ?
Finalement le candidat PS a gagné cette circonscription. Mais l’UMP n’a pas souhaité choisir entre les deux candidats.
Parmi les arguments utilisés pour justifier ce non choix, celui du numéro 3 de ce Parti est particulièrement étonnant du point de vue historique
Cette « sortie » est d’autant plus surprenante que Laurent Wauquiez a été reçu premier à l’agrégation d’Histoire, (Ma brave dame, Mon bon Monsieur les diplômes ce n’est plus ce que c’était !)
Mais tout cela va nous permettre de faire un rappel d’Histoire des 4ème et 5ème Républiques.
D’abord remettons ce mot dans son contexte, M Wauquiez a dit : «Pour moi, la politique ce n’est pas regarder les autres. Je n’appelle pas à voter pour des gens dont je ne partage pas les convictions, je défends mes idées et mes valeurs. De Gaulle n’appelait pas à voter Guy Mollet. Assumons nos idées, ce sera déjà bien»
Nous savons que Guy Mollet était le chef de la SFIO, l’ancêtre du PS. Il fut chef du gouvernement sous la 4ème république et on lui a beaucoup reproché sa politique de répression  ainsi que l’intensification de la guerre en Algérie. François Mitterrand était son Ministre de la Justice.  Ses détracteurs désignent par Molletisme l’attitude consistant à associer un discours de gauche et la pratique d’importants compromis avec la droite.
Cela étant par rapport au propos de l’ancien Ministre, agrégé d’Histoire, il faut savoir d’abord que la situation où Charles de Gaulle aurait pu appeler à voter Guy Mollet ne s’est jamais vraiment présenté.
Mais surtout en mai 1958, Guy Mollet s’est rallié au général de Gaulle, car c’est selon lui le seul moyen d’éviter « une guerre civile sans armée républicaine ». Il vote en conséquence les pleins pouvoirs à Charles de Gaulle.
Et puis, il est nommé ministre d’État en juin de la même année, donc dans le gouvernement de De Gaulle et il participe à la rédaction de la nouvelle Constitution.
Et puis surtout De Gaulle a dit de lui :
« J’ai beaucoup d’estime pour Guy Mollet. Pendant la guerre, il a combattu à tous risques pour la France et pour la liberté. Il a donc été mon compagnon » (21 mai 1958).
L’exemple de l’agrégé d’Histoire constitue donc un flop intégral, il aurait mieux fait d’évoquer, Mitterrand, cela aurait eu plus de sens.
Je conclurai que lorsqu’on n’a pas de bons arguments, on se laisse souvent aller à en prendre de mauvais…
Et si vous allez sur site du <du Lab d’Europe 1> vous apprendrez ou on vous rappellera que le Nr 1 de l’UMP, l’ancien président de la république, dans son discours de campagne présidentielle du 24 février 2012 à Lille, retranscrit sur le site officiel de l’UMP, fustigeait ceux qui boycottaient les bureaux de vote. Il déclarait ainsi, à propos de parlementaires socialistes s’abstenant sur un traité européen : «L’abstention, c’est une fuite. L’abstention, c’est un refus d’assumer ses responsabilités. L’abstention, c’est un renoncement. L’abstention, c’est laisser les autres décider. L’abstention, c’est le contraire du courage.»
Non seulement avec les moyens modernes, les pauvres hommes politiques qui se trompent sont immédiatement signalés, mais aussi quand ils se contredisent, moqués.
Je vous le dis, ce n’est plus une vie d’être homme politique !

Vendredi 6 Février 2015

«L’exception française ce n’est pas la non ouverture des magasins le dimanche,
L’exception française c’est la non ouverture des bibliothèques»
Patrick Weil
Historien et spécialiste des questions de citoyenneté et d’immigration,
Patrick Weill était l’invité du 7-9 de France Inter de ce mercredi 4 février sur le thème de la laïcité.
Je vous donne, à la fin du message, le lien vers la page de cette émission très intéressante.
Il dit des choses simples : « la laicité c’est le droit de pratiquer sa Foi et le droit de blasphémer, l’un ne va pas sans l’autre »
Il tient aussi des propos plus iconoclastes « Qu’on laisse en paix les femmes voilées »
Mais ce qui m’a surtout interpellé ce sont les propos qu’il a tenu sur les bibliothèques. Il faut savoir qu’il est président de Bibliothèques Sans Frontières,  ONG française, à but non lucratif, également présente en Belgique, au Mexique, aux États-Unis et au Portugal qui vise à faciliter l’accès au savoir dans les pays en voie de développement par l’appui au développement des fonds des bibliothèques, des écoles et des universités, la formation de documentalistes, l’informatisation de centres documentaires et la structuration de réseaux de bibliothèques.
Il a dit notamment
« Vous savez combien de temps ouvre en moyenne une bibliothèque publique en France ? 15 heures par semaine
Il n’y a que 6% des bibliothèques françaises qui ouvrent 30 heures ou plus.
A Amsterdam ils ouvrent 70 heures.
C’est à dire que ce grand pays de la culture, de la laïcité a ses bibliothèques fermés.
Il y a un projet de Loi en discussion actuellement qui projette d’ouvrir les magasins, en France, le dimanche
L’exception française ce n’est pas la non ouverture des magasins le dimanche, en Allemagne ils sont fermés.
L’exception française c’est la non ouverture des bibliothèques
C’est là qu’on peut se cultiver […]
C’est là que les enfants qui n’ont pas l’internet, pas de livres chez eux peuvent aller travailler dans le calme
Vous savez Steve Jobs et Bill Gates n’ont pas préparé la création de leurs entreprises dans les magasins le dimanche, mais dans les bibliothèques.
Aux Etats Unis les bibliothèques sont ouverts jour et nuit.»
Il parle des bibliothèques dans la seconde vidéo de la page un peu après 5 mn.
Moi qui croyais de Steve Jobs et Bill Gates avaient commencé leur fabuleuse aventure dans des garages, mais à y bien réfléchir probablement que Patrick Weil a raison ils ont certainement commencé dans les bibliothèques.