Vendredi 23 décembre 2016

« Noël »
Fête chrétienne ou solaire ?

Le solstice d’hiver est ce jour de l’année solaire pendant lequel la nuit est la plus longue.

Depuis 2006, le jour du solstice d’hiver a été désignée comme la journée mondiale de l’orgasme.

Le solstice d’hiver est tombé cette année, ce mercredi, le 21 décembre 2016. Il tombe, depuis la mise en place du calendrier Grégorien, à la fin du XVIème siècle, le plus souvent le 21 ou le 22 décembre.

Il est tombé un 23 décembre en 1903 et il faudra attendre le début du XXIVe siècle pour le voir se produire de nouveau à cette date. Il tombera un 20 décembre  à la fin du XXIe siècle.

Sous l’empire romain, le calendrier julien permettait que le solstice d’hiver tombe le 25 décembre.

L’empereur Aurélien (270-275), au milieu des divinités multiples qu’honorait le peuple romain, a assuré une place particulière à une divinité solaire : <Sol Invictus> (latin pour « Soleil invaincu »).

Il proclame « le Soleil invaincu » patron principal de l’Empire romain et fait du 25 décembre, le jour du solstice d’hiver donc, une fête officielle appelée le « jour de naissance du Soleil » (du latin dies natalis solis invicti). Cette fête vient alors se placer au lendemain de la fin des Saturnales, une période de fête ancienne et la plus importante de Rome.

Plus anciennement le 25 décembre correspondait aussi au jour de naissance de la divinité solaire Mithra

La christianisation de l’empire romain va annexer cette fête.

Et pour ce faire, on décidera que la naissance de Jésus de Nazareth remplacera la naissance du soleil et on appellera cette fête « Noël » (du latin natalis).

La première mention de cette célébration chrétienne à la date du 25 décembre a lieu à Rome en 336.

Il se passera la même évolution chez d’autres peuples. Ainsi, les peuples germaniques connaissaient aussi une fête du solstice d’hiver : <Yule> .

Suivant la même logique de syncrétisme que pour les Saturnales et le Dies Natalis Solis Invicti, Yule a été associée aux fêtes de Noël dans les pays nordiques depuis la christianisation de ces peuples.

Wikipedia nous apprend que dans la mythologie nordique, Yule est le moment de l’année où Heimdall (dieu nordique de son trône situé au pôle Nord) […] revient visiter ses enfants avec d’autres divinités.

Ils visitent ainsi chaque foyer pour récompenser ceux qui ont bien agi durant l’année, et laissent un présent dans leur chaussette.

Ceux ayant mal agi voyaient à l’aube leur chaussette emplie de cendres.

Yule est aussi une fête où les gens de leur côté, et les dieux du leur, se rencontrent pour partager un repas, raconter des histoires, festoyer et chanter.

Si vous continuez à lire Wikipedia, dans son article Yule, vous comprendrez que les 4 bougies rouges que les allemands allument, au fur à mesure des 4 semaines de l’Avent, constitue aussi une tradition pré-christique où ce rituel célébrait la renaissance de la lumière.

Je ne vous décris pas ce que Noël est devenu à notre époque vous le savez aussi bien que moi.

Noël avec Nouvel An constituent les fêtes de fin d’année où toute le monde prend congé, se retrouve en famille et fait la fête.

Il est donc pertinent de suspendre le mot du jour et comme je trouve efficient de commencer l’année par une semaine de congé, le prochain mot du jour sera envoyé le lundi 9 janvier.

<810>

Jeudi 22 décembre 2016

Jeudi 22 décembre 2016
« La spirale du déclassement »
Louis Chauvel
Louis Chauvel est un sociologue français qui étudie l’évolution de la stratification sociale en analysant les inégalités de génération et les classes sociales en France ainsi que  les changements de l’État-providence
Il avait écrit deux livres remarqués :
Il a publié un nouveau livre paru en 2016 : < La Spirale du déclassement> et dont le sous-titre est : « Essai sur la société des illusions »
Avant de vous parler de ce livre et de son auteur, un petit mot d’introduction.
Lundi je partageais avec vous un livre et une réflexion de Johan Norberg qui nous informait que malgré quelques difficultés, l’Humanité n’a jamais été aussi heureuse qu’aujourd’hui.
Le présent mot du jour montre une autre réalité. Comment est-ce possible ? Qui de ces deux penseurs décrit la réalité ?
Les deux probablement !
Ils n’ont pas le même point de vue. L’un regarde le monde dans sa globalité et compare le destin de tous les humains d’aujourd’hui par rapport aux humains d’hier et d’avant-hier.
Louis Chauvel regarde une toute petite partie de l’humanité, l’Europe occidentale et plus particulièrement la France.
L’Europe après de terribles crises et guerres, car il faut le rappeler : jamais il n’y eut plus grands massacreurs dans l’Histoire que les européens du XXème siècle, a créé un Etat social.
Une société dans laquelle le plus grand nombre pouvait compter sur la solidarité des autres membres en cas de maladie, d’handicap ou de vieillesse, où on pouvait commencer à ne plus avoir peur du lendemain.
Cela n’existait pas ailleurs, en Asie, en Afrique, en Amérique du sud. Dans tous ces pays ce sont essentiellement les gens qui ont du patrimoine qui peuvent affronter des lendemains difficiles en raison de problème de santé où quand la vieillesse arrive, les autres comptent sur la solidarité familiale.
L’Europe jusqu’à il y a peu a profité du reste du monde, des matières premières peu chères et le travail peu rémunéré d’autres populations qui en quelque sorte étaient au service du blanc occidental.
La mondialisation, la stagnation, l’automatisation chacun pour une part heurtent le confort et la protection que la classe moyenne occidentale était arrivée à acquérir.
C’est de ce confort et cette protection d’une petite partie de l’humanité, dont nous faisons partie, qu’il est question dans la description de Louis Chauvel et l’objet du déclassement dont il parle.
J’ai entendu Louis Chauvel alors qu’il intervenait, sur France Culture,  dans l’émission <La Grande Table du 16 décembre 2016>.
Olivia Gesbert avait donné pour titre à son émission : « Le déclassement, spirale d’un déni » et a introduit l’intervention de Louis Chauvel de manière suivante :
L’analyse de Louis Chauvel part d’un constat :
« Le creusement des inégalités, évident si nous considérons le rôle du patrimoine, conduit une partie des classes moyennes et des générations nouvelles à suivre les classes populaires sur la pente de l’appauvrissement, entraînant une spirale générale de déclassement ». Dans cet essai, il entend prouver que le déclassement ne relève pas d’une peur irraisonnée mais d’une réalité qu’il convient de conjurer plutôt que de l’ignorer. Et que « le malaise des classes moyennes signifie plus qu’un déclin de notre modèle social. Il représente une menace pour la démocratie ».
Les précédents livres de Louis Chauvel avaient suscité de vives réactions et polémiques. On l’a accusé d’être décliniste et de vouloir faire dresser les générations les unes contre les autres. Dans son dernier ouvrage, il part d’études chiffrées et détaillées pour montrer que ses analyses sur le déclassement sont confirmées par la réalité des faits. Pour lui le creusement des inégalités doit être regardé avant tout par le filtre du patrimoine plus que par celui des revenus. Dans un article joint au présent message, il conteste absolument un rapport de France Stratégie (l’ancien commissariat au Plan) qui minimise cette réalité et parle d’un sentiment plus que d’une réalité.
Il exprime cette vision de la manière suivante :
« Il existe un mur des réalités, la société française est en train de s’encastrer dedans à vive allure, dans une situation de choc social, particulièrement inquiétant. […] Si j’ai illustré mon livre de graphiques et de tableaux, c’est qu’il existe des choses que l’on peut démontrer. Parmi les choses qu’on peut démontrer c’est que les inégalités croissantes en France sont absolument évidentes, dès lors qu’on s’intéresse à la question du patrimoine. […] La société salariale prend l’eau. »
Il parle de « Titanic social » parce qu’il existait une société « Où le patrimoine social des parents n’étaient pas nécessaire pour pouvoir se réaliser soi-même. Dans les années 70, la plupart des métiers ou des postes de la fonction publique, des cadres intermédiaires, des techniciens permettaient de se loger décemment jusque dans les années 1990. Et progressivement aujourd’hui, même un bon salaire ne suffit plus pour se loger dans une grande ville de région et a fortiori à Paris où la situation est devenue impossible. »
Il ajoute au creusement des inégalités du patrimoine, un problème plus spécifique à la France qu’il désigne par la démonétisation des diplômes. Les dirigeants politiques ont voulu augmenter massivement la part d’une classe d’âge accédant aux diplômes avec la promesse d’emplois plus valorisant et mieux rémunérés. C’est le contraire qui est advenu.
Dans son analyse il y a deux phénomènes qui se conjuguent d’une part le creusement des inégalités de classe d’autre part la fracture entre les générations, dans le cadre d’une économie stagnante ou en très faible croissance. Cette situation pourrait entraîner un glissement de tout notre édifice social vers le déclassement global et systémique, qui risque d’emporter avec lui l’idée même de progrès économique et social. En particulier pour les jeunes générations :
« la baisse du niveau de vie, le rendement décroissant des diplômes, la mobilité descendante, le déclassement résidentiel et l’aliénation politique dont la jeunesse en France est victime s’accentuent de génération en génération au point d’atteindre le stade de leur irréversibilité ».
La protection devant les risques économiques et de santé du plus grand nombre, permise par l’Etat providence, n’existait vraiment que dans nos démocraties occidentales et encore spécifiquement en Europe. Ailleurs, seul le patrimoine privé permettait de se prémunir devant les aléas de la vie. C’est cette inégalité qui peu à peu revient dans nos pays.
J’en tire les extraits suivants : « la situation nouvelle n’est pas l’inégalité mais le passage d’un régime d’inégalités modérées à la situation qui prévalait précédemment : celle d’écarts extrêmes entre ceux qui ont et les autres ».  […]
Louis Chauvel énonce alors le triste constat que la formation de la classe moyenne, qui devait s’accompagner d’une mobilité ascendante généralisée, avec un effet d’entraînement et d’upgrading, évolue plutôt vers un effet de ruissellement vers le bas (trickle down) […] La période de l’après guerre avait vu la possibilité pour les membres de la classe moyenne ne disposant que de leur salaire de pouvoir épargner et se constituer un patrimoine : or avec le ralentissement économique, la fragmentation du salariat (avec un « noyau d’exclusion » et un « précariat ») et la stagnation salariale, on assiste plutôt aujourd’hui à une reconstitution des modèles dynastiques, où l’héritage et la transmission du patrimoine familial sont déterminants, face aux espoirs déçus de la mobilité sociale ascendante pour les jeunes générations.
Louis Chauvel décrit ainsi ce qu’il appelle les sept piliers de la civilisation de la classe moyenne :
1 une société fondée sur le salariat ;  
2 une société où le salaire est suffisant pour mener une vie confortable ;  
3 une large protection sociale dont les droits sont ouverts par la participation au salariat ;  
4 une démocratisation scolaire ;  
5 une croyance dans le progrès social, scientifique et humain ;  
6 un contrôle de la sphère politique par les catégories intermédiaires de la société (syndicats, mouvements sociaux) et non seulement par l’élite sociale ;  
7 Une démocratie sociale avec la promotion d’objectifs politiques..  
Or tous ces piliers qui ont porté le progrès économique et social et son partage équitable se sont grandement fragilisés à partir des années 1970. Nos sociétés, basées sur l’idéal des opportunités ouvertes à tous et sur la méritocratie, font en effet face aujourd’hui à un puissant mouvement de reproduction intergénérationnel des inégalités et de régression sociale. Et selon Louis Chauvel, loin des espoirs de la modernité, « ce mouvement « nous entraînerait dans un monde où la méritocratie serait progressivement remplacée par la loterie de la naissance dans une famille riche ou pauvre ».[…]
Louis Chauvel évoque également, comme « aliénation politique » l’absence des jeunes générations du jeu politique institutionnel traditionnel, malgré Internet et les réseaux sociaux, d’autant que les réformes (ou leur absence) sont pensées par des élites vieillissantes qui n’auront guère à assumer les conséquences à long terme de leurs choix. La société française marche alors lentement mais surement vers ce que l’auteur appelle « le grand déclassement » :
« un déclassement systémique où les inégalités générationnelles interagissent avec les inégalités de classes sociales (réelles et structurantes), pour générer des tensions de plus en plus fortes entre les groupes sociaux au sein des nations et fragiliser la cohésion sociale. Un phénomène encore aggravé par les forces de la mondialisation de l’économie qui mettent en concurrence les catégories déclassées des pays avancés, avec à la clé un appauvrissement des revenus inférieurs. […] Ces évolutions, où les catégories populaires ne peuvent espérer une progression de leurs niveaux de vie et l’accession à des biens et services de luxe réservés à une fraction de la classe moyenne supérieure, se doublent d’un affaiblissement des identités collectives et d’une crainte de la concurrence des catégories les plus défavorisées, parmi lesquelles les populations immigrées »
Pour Chauvel Il est urgent […] de réfléchir et engager une réflexion sur la soutenabilité intergénérationnelle de nos politiques, au nom d’un principe de responsabilité, afin de ne pas léguer aux générations futures un monde social invivable, mais au contraire donner aux jeunes les moyens de leur autonomie : « c’est bien toute la limite de nos démocraties : les générations futures ne votent pas, alors qu’elles jouent leur avenir ».
La grande question en France, selon lui, est celle de l’investissement. Sinon on ne préparera pas les emplois de demain pour les générations futures. Dans l’émission de France Culture il estime que les hommes politiques français qui gouvernent sont dans le déni et dans un optimisme irréel.
Vous pourrez aussi lire cet article de Slate sur le livre de Louis Chauvel :

Mercredi 21 décembre 2016

Mercredi 21 décembre 2016
«La Démesure»
Céline Raphael
D’abord, il y a ce témoignage bouleversant de Céline Raphaël en 7 minutes : http://www.dailymotion.com/video/x541m2c_celine-raphael-l-enfer-d-une-enfant_news
Elle était une enfant née dans un milieu très favorisé, son père était Directeur industriel.
Elle avait quelques talents dans la pratique du piano et un père que l’ambition, le goût de la compétition ont rendu totalement fou.
Elle raconte comment son père avait établi un protocole de  «dressage» où chaque fausse note entrainait des coups de ceinture dans un rituel sadique. Cette horreur a commencé à l’âge de 5 ans pour Céline.
A cette violence brute s’ajoutait d’autres sévices comme la privation de nourriture et une terreur psychique.
Dans ce témoignage elle dit :  «si je dois résumer mon enfance, c’était une terreur, une peur panique de mourir seule»
Le père voulait qu’elle remporte des grandes compétitions internationales et que sa fille devienne une des pianistes les plus renommées du monde, pour sa gloire !
Daniel Barenboïm a cette formule : «Un enfant surdoué, est un enfant qui a quelques talents et des parents très ambitieux»
Céline Raphaël s’en est sorti parce qu’elle a croisé une infirmière scolaire et aussi une enseignante qui a été interpellée par cette phrase que Céline Raphaël avait écrite sur la fiche de présentation du début de l’année scolaire :  «Je fais 45 heures de piano par semaine». L’infirmière, madame Marion,  a su peu à peu gagner la confiance de l’enfant apeuré. Elle a fugué et s’est réfugiée sous la protection de cette infirmière. Son père a été arrêté et condamné et Céline a été placée. Cette terrible histoire a duré 9 ans de 5 ans à 14 ans.
Pendant toutes ces années la petite Céline s’est accrochée à son rêve à elle qui n’était pas de devenir musicienne mais de devenir médecin.
Elle l’est devenue et elle est désormais médecin de la douleur et des soins palliatifs dans un grand hôpital parisien. « J’ai choisi cette spécialité car en matière de douleur, j’en connais un rayon, explique-t-elle en souriant. Je me suis dit que je pourrais peut-être mieux comprendre mes malades, et les aider. C’était très prétentieux de ma part. »
Elle mène aussi un combat pour la protection de l’enfance maltraitée. Elle avoue qu’elle n’a plus le goût de jouer du piano, sauf à de rares occasions pour apaiser les malades dont elle s’occupe.
Elle dit « Je n’y trouve aucun plaisir, mais j’ai compris que la musique peut aider les autres »
<La démesure, soumise à la violence d’un père> est le titre du livre que Céline Raphaël a écrit pour témoigner de son parcours de vie.
Je vous donne des liens vers trois articles où elle livre son histoire ou parle de son livre :
Bien sûr son père était fou mais …
Céline explique que son dernier professeur de piano a vu des hématomes un jour sur mon bras. Il savait combien mon père était dur. Il a dit «on a rien sans rien».
Dans l’esprit de ce professeur le père n’était pas fou, juste un peu excessif peut être.
La compétition, la recherche de la perfection dans la musique mais aussi dans le sport, je pense à la gymnastique par exemple peut rendre fou. Accroc aux drogues, aux produits dopants et à ce type de violence particulièrement vers des enfants.
Maria Callas fut aussi maltraitée par sa mère pendant ses jeunes années d’apprentissage.
C’est pourquoi l’esprit de compétition, comme beaucoup d’autres choses doit connaître des limites, des régulations. Il n’est pas bon, pas sain d’en appeler à l’esprit de compétition jusqu’à l’excès.
Parallèlement l’enfance maltraitée existe dans tous les milieux et heureusement qu’il existe aussi des personnes comme Madame Marion qui prennent l’enfant par la main pour lui permettre d’échapper à l’enfer de la violence.

Mardi 20 décembre 2016

Mardi 20 décembre 2016
« L’aliénation se définit par le fait d’être en vérité possédé par l’objet que l’on croit posséder».
Pierre Zaoui, dans l’hebdomadaire « Le Un » N°134 du 14 décembre 2016 « Jamais sans mon smartphone »
Je vous avais déjà parlé, lors du mot du jour du 23 juin 2016, de l’hebdomadaire dirigé par Eric Fottorino « Le Un » qui chaque semaine ne traite qu’un seul sujet sur une seule feuille pliée 3 fois.
Le dernier numéro a pour titre : « Jamais sans mon smartphone »
Et c’est Frédéric Pommier qui lors de sa revue de presse du week end relate sa lecture
La « chronique [est] signée Robert Solé dans l’hebdomadaire LE UN. Nous sommes en 2040, et quel est donc le principal souci des autorités ?
C’est la dépendance au smartphone. Toutes les enquêtes l’ont confirmé : l’utilisation compulsive de cet appareil porte atteinte à la santé des individus. C’est même devenu l’une des premières causes de mortalité prématurées. Une taxe anti-dépendance a été mise en place. Taxe augmentée à trois reprises. Mais sans réussir à faire baisser les ventes. Pas plus de succès pour le patch anti-smartphone proposé dans les pharmacies. Quant au ‘smartophage’, machine de substitution disposant d’un clavier mais ne permettant pas d’appeler, il ne fut adopté que par une minorité de consommateurs. Nous sommes en 2040, et les campagnes de sensibilisation n’ont eu aucun effet. « Puisqu’il est établi que le smartphone tue, je l’interdirai », avait promis un candidat à l’élection présidentielle de 2037. Mais ce propos extrémiste avait beaucoup choqué, y compris dans son propre camp.
Il s’agit donc d’une chronique d’anticipation, dans un numéro entièrement consacré à cette addiction qui touche de plus en plus de monde : […]
Témoignage d’une enseignante d’un collège d’Aubervilliers : elle décrit des élèves totalement accros.
« Lorsqu’il arrive que je confisque un portable, l’enfant martyr est prêt à tous les compromis »
« Punitions, heures de colles, ce que vous voulez madame, mais pas mon téléphone, parce que sans, je vais faire comment ? » Sous-entendu : comment se réveiller sans son alarme préprogrammée, comment s’habiller sans avoir préalablement consulté une appli météo, comment marcher jusqu’au collège sans sa playlist musicale dans les oreilles, comment apprécier les moments entre copains sans les prendre en photo ? « Madame, je vous jure, mon portable, c’est ma vie ! » »
Il cite aussi le philosophe Pierre Zaoui :
« l’aliénation se définit par le fait d’être en vérité possédé par l’objet que l’on croit posséder ». Or, poursuit-il, « Il est assez facile de remarquer si l’on devient dépendant de son téléphone : quand on commence à le manipuler sans savoir d’avance à quelle fin spécifique l’utiliser, ou bien quand on commence à le consulter en plein repas de famille, alors même que quelqu’un est en train de nous parler… » Et l’on oublie souvent qu’il existe une petite touche sur laquelle il est facile d’appuyer : la touche où il est écrit ‘off’. »
L’an dernier, en France, 20 millions de smartphones ont été vendus, et chacun consulte le sien en moyenne 200 fois par jour.
« On peut déclarer sa flamme par SMS, rompre par SMS, ou licencier un salarié, et peut-être, bientôt voter. Jean Viard, le sociologue plusieurs fois cité dans des mots du jour, voit dans le smartphone l’objet culte de notre époque. Un objet qui, du reste, est également une arme. « Un instrument au service des actions terroristes, et un outil nouveau pour faire la guerre quand, à Alep ou Mossoul, les soldats communiquent avec les survivants cachés dans les ruines. Et puis, à l’arrivée de chaque groupe de prisonniers, on vérifie les derniers appels pour savoir de quel camp ils sont. Il ne faut jamais oublier, conclue-t-il, que le smartphone a une mémoire infaillible. » Passionnant dossier, et c’est donc à lire dans LE UN. »
Je sais que parmi les destinataires de ce mot il y a de vrais résistants au smartphone. Des esprits libres, forts et indépendants !
Mais pour les autres, estimez-vous consulter votre smartphone 200 fois par jour ?
Et si vous croyez que c’est possible, pensez-vous qu’il y a un problème ? 

Lundi 19 décembre 2016

Lundi 19 décembre 2016
«Ten Reasons to Look Forward to the Future
Progrès : dix raisons de se réjouir de l’avenir»
Johan Norberg
Les troupes iraniennes et du hezbollah libanais, aidé par l’aviation russe et des débris de l’armée de Bachar el-Assad ont repris le contrôle d’Alep dans les ruines et le sang.
Les troupes de « nos amis saoudiens » perpètrent des massacres identiques au Yemen.
Il y a d’autres régions du globe : au Sud Soudan, en Somalie, en Erythrée où la violence et les massacres se multiplient.
Et aux Etats-Unis… Bien que Hillary Clinton ait reçu 2,7 millions de vois populaires supplémentaires, Donald Trump s’apprête à devenir Président des Etats Unis, entourés de milliardaires, de militaires qui ont pour titre de gloire « le général enragé » ou d’avoir été responsable de la prison de Guantánamo . On y trouve des climato-sceptiques un patron hostile aux salariés comme secrétaire au travail , des banquiers de Goldman Sachs et non pas un lobbyiste de l’industrie pétrolière mais mieux le patron d’une des plus grandes sociétés pétrolières.
Pour ceux qui espéraient que les nominations de Trump apaiseraient les craintes qu’entrainaient son élection, ils ne peuvent être que déçus, c’est le contraire qui est vrai !
Alors il faut savoir singulièrement changer son angle d’observation pour suivre le suédois Johan Norberg qui dit à peu près : que nous n’avons jamais vécu à un moment plus heureux de l’Humanité.
C’est l’Hebdomadaire « Le Point » du 03/11/2016 qui en parle et qui affichait en couverture : « Non tout n’était pas mieux avant ».
Pourquoi toujours envisager le pire ? Max Roser, économiste à Oxford, accuse les médias, plus prompts à évoquer la dernière catastrophe qu’à rappeler que l’espérance de vie a augmenté deux fois plus en un siècle qu’elle ne l’avait fait en 200 000 ans. Mais, au-delà de l’information en continu, le pessimisme occidental a des fondements plus profonds.
Selon l’institut de sondages Gallup, le Vietnam et le Nigeria sont les champions de l’optimisme, tandis que la France est l’un des pays les plus dépressifs du monde. Serait-ce parce que le progrès, enfant des Lumières, a été abandonné par une partie de notre classe politique ? La gauche ne promeut plus que le progrès sociétal, défendant le statu quo économique face à la mondialisation.
Les écologistes nous préparent aux fléaux eschatologiques. À droite, conservateurs et réactionnaires veulent des barrières contre la déculturation et les migrants. Seuls les libéraux et quelques réformistes osent encore invoquer « l’idée de progrès » qui, comme le rappelle le physicien Étienne Klein, « l’idée de progrès » a pour anagramme « le degré d’espoir ».
Sur le plan éditorial également, le marché de la catastrophe est porteur :, déclin de l’Occident, invasions barbares, et maintenant « Far West technologique » (Bernard Stiegler). Mais, sur la longue durée, les prophètes de l’apocalypse risquent surtout le ridicule. En 1968, Paul R. Ehrlich annonçait, dans La bombe P (2 millions d’exemplaires vendus), que des « centaines de millions de personnes allaient mourir de faim ». Et en 1972, le Club de Rome avertissait d’une pénurie de cuivre en… 2008.
Pourtant, les bonnes nouvelles sont là. L’époustouflant The Better Angels of Our Nature (2011), de Steven Pinker, attend toujours un éditeur français. Ce professeur de psychologie à Harvard y a regroupé les statistiques sur les génocides, les guerres, les homicides ou les violences domestiques. Sa conclusion : grâce à la raison, à la mondialisation ou à la féminisation, la violence n’a cessé de baisser au cours de l’Histoire.
Angus Deaton, lui, a dû attendre de recevoir un prix Nobel d’économie en 2015 pour voir publier chez nous La grande évasion (PUF). À base de données économiques, médicales et démographiques, il y raconte la formidable quête de liberté de l’humanité pour sortir de la pauvreté, de la maladie et des oppressions. Deaton ne cache rien des inégalités, mais, optimiste tempéré, il montre que plutôt que la bonne conscience, c’est la diffusion des idées et l’innovation qui prolongeront cette extraordinaire amélioration de nos vies.
Mais c’est de Suède que nous vient le livre le plus revigorant de l’année. Dans Progress : Ten Reasons to Look Forward to theFuture (Progrès : dix raisons de se réjouir de l’avenir), l’historien de l’économie Johan Norberg étend le travail de Pinker à tous les domaines de la vie. À travers une cascade de chiffres et d’anecdotes, ce libéral montre que l’humanité n’a jamais été plus riche, en bonne santé, libre, tolérante et éduquée. Oubliez le Prozac, savourez donc ces quelques évolutions.
En 1990, il y avait 76 démocraties électorales, contre 125 en 2015. En 1950, plus d’un quart des enfants de 10 à 14 ans étaient économiquement actifs. Aujourd’hui, c’est moins de 10 %.
Même en matière d’environnement, Norberg rappelle ce que la prise de conscience nous a déjà fait accomplir : l’air d’une métropole comme Londres est aussi propre qu’au début de la révolution industrielle et, loin des idées reçues, les forêts s’étendent en Europe.
En attendant qu’un éditeur français suffisamment téméraire ose traduire ces bonnes nouvelles, Le Point est allé à la rencontre de cet optimiste scandinave pour ouvrir le débat : y a-t-il déjà eu une meilleure année que 2016 ?
Johan Norberg accepte de reconnaître que l’air du temps est froid :
« Je sais que l’époque a l’air horrible, mais cela a toujours été le cas quand vous regardez les problèmes dans le monde. Il y a cinquante ans, c’était le risque d’un désastre nucléaire imminent, les usines japonaises menaçant les nôtres, un niveau de crime élevé dans les villes… Le rôle des médias est d’en parler et de nous effrayer un peu. »
Mais si on prend le recul qu’il nous invite à prendre et à se placer dans une perspective historique plus longue et confronter la réalité d’aujourd’hui à celle d’hier le constat est fort différent.
Certains indicateurs baissent un peu et il y a de nouveaux risques. Le progrès n’a rien d’automatique. Le réchauffement climatique est un problème récent. L’essor du terrorisme sous cette forme est aussi inédit. Du point de vue du nombre de victimes, avec les groupes séparatistes et révolutionnaires, c’était pire dans les années 1970 en Europe occidentale. Aujourd’hui, Daech ne cible pas des officiels mais frappe au hasard. C’est ce qui nous terrifie. Face à ça, nous avons d’autant plus besoin de données objectives qui nous permettent de saisir que, même si les attentats sont terribles, c’est un petit risque pour notre vie comparé à d’autres. Il faut vaincre les terroristes, mais ne pas paniquer.
Prenons le critère de l’extrême pauvreté dans le monde : Depuis 25 ans l’extrême pauvreté a été réduit de 1,25 milliard de personnes, alors même que la population mondiale a augmenté de 2 milliards de personnes.
En 1950, il y avait 10,5 millions de lépreux. Il n’y a aujourd’hui plus que 200 000 cas chroniques. En 1900, seulement 21 % de la population mondiale savaient lire. Aujourd’hui, c’est 86 %… Parmi tous ces chiffres, voilà la meilleure nouvelle ! Car cela concerne notre capacité à affronter les problèmes du futur. »
Il explique :
« À chaque minute où nous parlons, 100 personnes sortent [de l’extrême pauvreté]. La Chine a eu un impact formidable, mais il y a aussi l’Inde, l’Indonésie, le Vietnam, le Bangladesh, l’Amérique latine et aujourd’hui des pays de l’Afrique subsaharienne, qu’on considérait pourtant comme le continent sans espoir. Pour la première fois, l’extrême pauvreté est passée en Afrique subsaharienne au-dessous des 50 %. Aujourd’hui, on en est à 35 %. »
Dans tous les pays du monde, sans exception, les gens vivent plus longtemps qu’il y a cinquante ans. Et si certains pays ont stagné ou régressé sur le plan économique, mais même eux ont connu des avancées considérables en termes de santé. […] En 1800, pas un seul pays au monde n’avait une espérance de vie supérieure à 40 ans. Aujourd’hui, pas un seul pays n’a une espérance de vie inférieure. En Afrique, c’est d’autant plus encourageant que, après les dégâts des guerres, de la malaria et du VIH, l’espérance de vie est plus élevée que jamais. L’Ouganda, le Botswana ou le Kenya ont eu un gain de dix ans ces dix dernières années.
Tous ces problèmes environnementaux qui nous préoccupent sont réels : réchauffement climatique, éradication des espèces… Mais je me suis aussi intéressé à d’autres problèmes environnementaux complètement oubliés. En décembre 1952, le grand smog a tué près de 12 000 personnes à Londres. Aujourd’hui, l’air londonien est aussi propre qu’au Moyen Âge. Depuis 1990, la forêt européenne croît à un rythme annuel de 0,3 %. La déforestation continue en Indonésie ou au Brésil, mais le taux mondial de déforestation annuel a ralenti, passant de 0,18 à 0,0009 % depuis les années 1990. On a mesuré que, grâce à l’évolution des techniques agricoles, on a pu sauvegarder une surface forestière de deux fois l’Amérique du Sud depuis les années 1960. Bien sûr, on crée de nouveaux problèmes. Mais comment y faire face ? Plus un pays est riche, mieux il peut développer des technologies propres.
Dans le classement des indices de performance environnementale, les pays scandinaves sont en tête, alors que la Somalie, le Niger ou Haïti sont en queue. Les problèmes environnementaux dans ces pays ne proviennent pas de la technologie, mais de l’absence de technologie. Autrement dit, nous devons accélérer le progrès plutôt qu’adopter la décroissance, qui signifierait un retour à la pauvreté pour des millions de personnes et serait plus néfaste pour l’environnement. Car le pire qui puisse arriver, c’est l’utilisation de vieilles technologies, ce qui se pratique dans des pays africains ou en Asie.
Si vous pensez que le travail des enfants est quelque chose de nouveau, consultez les tapisseries et les témoignages du Moyen Âge, où les enfants font partie intégrante de l’économie. Aujourd’hui, ça paraît bénin, car nous avons une représentation romantique de la ferme, comme si c’était un plaisir. Mais je peux vous assurer que cela n’était pas le cas à l’époque. Le travail des enfants a continué sous la révolution industrielle, mais à travers des oeuvres comme celle de Dickens il y a eu une prise de conscience qui marqua le début du déclin. Aujourd’hui, en Inde comme au Vietnam, le travail des enfants baisse rapidement. Entre 1993 et 2006, la proportion des 10-14 ans travaillant au Vietnam est passé de 45 % à moins de 10 %. Au moment où les parents deviennent plus riches, la première chose qu’ils font est de ne plus envoyer leurs enfants travailler, car ils ne le faisaient pas par plaisir sadique, mais pour survivre. Historiquement, le capitalisme a donc permis de mettre un terme au travail des enfants, pas l’inverse.
Pour Angus Deaton, le progrès crée toujours des inégalités. Depuis 1980, celles-ci sont grandissantes dans les pays de l’OCDE…
Deaton a raison. Il y a deux cents ans, il y avait plus d’égalité dans le monde, mais c’est parce que l’immense majorité d’entre nous était pauvre. L’indice de Gini était donc très bas. Puis, dans une minorité de pays, les gens ont commencé à avoir plus de libertés, ils sont devenus beaucoup plus riches : leur PIB par habitant a été multiplié par 20. Évidemment, vous introduisez ainsi une énorme inégalité dans le monde. Mais, comme l’explique Deaton, ce n’est pas toujours une mauvaise chose. Serait-il préférable que tout le monde soit resté pauvre ? Prenez la Chine. Il y a trente ans, c’était un pays très égalitaire, mais 90 % de la population vivait dans l’extrême pauvreté, contre 10 % aujourd’hui. Si vous ne vous concentrez que sur les inégalités, vous aurez l’impression que ça a empiré. Le progrès n’est jamais égalitaire. Il se concentre plus sur les régions côtières, dans les grandes villes. Cela dit, l’inégalité peut devenir un problème, surtout quand certains groupes commencent à se garantir des privilèges et prennent le contrôle du pouvoir. C’est ce qui s’est passé en Russie, où un petit groupe a pris en otage le gouvernement, faute de transparence.
il est utile de rappeler que, plus que votre salaire, l’important est ce que vous pouvez acheter. Même si vous n’avez pas augmenté vos revenus de manière importante depuis les années 1980, vous avez eu accès à des technologies et à des services qui n’existaient pas dans le passé. Avant, seuls les riches pouvaient s’acheter une encyclopédie. Maintenant, on y a tous accès pour rien ! Comment chiffrer ça ? Ça n’apparaît pas dans les statistiques. Sans parler de la médecine, qui nous a donné près de dix années supplémentaires de vie. Les taux de criminalité se sont réduits, l’accès à la technologie a augmenté pour tout le monde.
Au-delà des chiffres, il y a les questions culturelles. La mondialisation et l’immigration font craindre à certains de perdre leur identité.
C’est effectivement un facteur plus important que les données économiques. Les supporteurs de Trump ne sont pas au chômage, mais ils appartiennent à une classe blanche qui pense que son identité est en déclin car menacée par les minorités. Cela explique en grande partie l’essor des populismes en Europe et aux États-Unis. Les psychologues parlent d’un réflexe d’autorité. C’est un besoin de protection qui touche aussi l’éducation, la liberté sexuelle, les droits des minorités. C’est l’idée qu’on doit se reprendre en main. Je comprends ce sentiment, mais les conséquences en seraient terrifiantes, car tout le progrès dont nous parlons est dépendant de notre ouverture au monde.
La réflexion de Johan Norberg n’est pas celui d’un simpliste béat qui pense que tout va bien, il suffit de laisser venir.»
Il répond :
« [Je n’ai pas écrit ] un livre sur le progrès […] pour dire : « Regardez, tout est génial, on peut être relax. » Non, je l’ai fait parce que j’ai un peu peur. Les risques sont là et ils sont bien plus dangereux quand les gens ne comprennent pas ce que la race humaine peut réaliser quand elle est libre. Je suis très effrayé par cette demande d’autorité, à droite comme à gauche, pour s’opposer à la mondialisation. […] Je suis donc un optimiste soucieux. Cela dit, je reste optimiste, car l’humanité a traversé dans l’Histoire des choses bien pires et est arrivée à ce monde où même les gens qui ont eu la malchance de naître dans des conditions difficiles vivent plus longtemps. L’humanité est résiliente et a beaucoup de pouvoirs. »
Ses arguments sont forts et documentés.
Vous trouverez en pièce jointe l’intégralité de l’interview

Vendredi 16 décembre 2016

Vendredi 16 décembre 2016
«On ne lui a même pas accordé un nom sur une tombe dans le cimetière de La Havane.
Il est gommé de l’Histoire. Oublié, jeté dans la fosse commune. Comme les hérétiques du Moyen Âge. […]
Aujourd’hui, je clame son nom, pour que jamais on ne l’oublie : Tony de la Guardia, mon père bien-aimé.»
Ileana de la Guardia
Pour Fidel Castro aussi je vais « tourner autour du pot ». Je ne vais pas le faire par une discussion conceptuelle ou morale.
Je vais rester à hauteur d’homme, de la douleur et de la souffrance du témoignage :
« Le 25 novembre dernier, Fidel Castro est mort à l’âge avancé de 90 ans. Tony de la Guardia, l’un de ses principaux lieutenants, lui, n’a pas eu la chance de connaître ses petits-enfants : un matin de juin 1989, il a été fait fusiller par Castro. Sa fille, Ileana, a fui son pays et s’est exilée en France. […]
C’est l’aube à Paris, ce 26 novembre, le soleil est à peine levé. Dans mon sommeil profond, j’entends comme dans un rêve un téléphone sonner. Je ne veux pas décrocher, c’est mon mari que le fait. Sa voix me dit :  « Il est mort, il est mort, réveille-toi !  Fidel est mort ! »
Je réponds : « « Encore lui… Il va encore me sortir de mon sommeil. »
Comme il y a 27 ans, quand on m’a annoncé l’arrestation de mon père. Un quart de siècle, déjà. Et pourtant, ce coup de téléphone me poursuit comme un fantôme. Non, je ne veux pas, il n’a pas le droit.
Quelques heures plus tard, je sors de mon lit et vois de ma fenêtre, à l’horizon, la tour Eiffel, mon symbole de liberté, de « ma » liberté. Tous les mauvais souvenirs reviennent alors. Celui de mon père, surtout, et des quelques autres, qui ont payé de leurs vies l’aveuglement d’un tyran. Cette fois, il est vraiment mort ? Aucun doute. Je suis soulagée, comme libérée d’une ombre maléfique.
Le « monstre » est mort dans son lit, sans être inquiété pour tous ses crimes. Les funérailles sont déjà bouclées. Rien ne sera laissé au hasard. Personne n’ira cracher sur ses cendres. Et pourtant.
Mon père, Tony de la Guardia, lui est parti un petit matin du 13 juin 1989. Il n’a pas eu la chance de vivre vieux, ni de connaître ses petits-enfants. Il était un des hommes de confiance du tyran. Il avait servi Castro pour des missions difficiles, militaires et parfois secrètes. Il lui avait tout donné.
Ce jour-là, la police l’a arrêté. Un mois plus tard, au terme d’un procès stalinien, Castro l’a fait fusiller, sans pitié. Il n’avait pourtant ni trahi, ni triché, ni volé. Il avait seulement exécuté les ordres de son chef : trouver des devises étrangères pour sauver Cuba du naufrage.
Ce jour-là, le monde s’est effondré autour de moi. J’étais une jeune femme non politisée, persuadée que Fidel qu’on surnommait entre jeunes le « Cangrejo », (« le crabe »), parce qu’il reculait toujours le « moment des élections libres ». En même temps que mon père, il a fait fusiller Arnaldo Ochoa, le grand général de l’armée cubaine en Afrique, le Lion de l’Ethiopie comme l’appelaient les Africains, adoré par les Cubains. Un grand héros. Il a fait aussi condamner mon oncle Patricio, frère jumeau de mon père, à 30 ans de prison. Il est aujourd’hui en résidence surveillée. À Cuba, on dit en résidence « pyjama »…
Tous ces hommes étaient soupçonnés d’avoir un faible pour la perestroïka de Gorbatchev. Castro n’avait strictement aucune preuve, seulement des doutes. Mais il devait faire un exemple. Empêcher la vague de s’étendre. Être impitoyable. Exercer la terreur pour perpétuer son règne. Toujours.
Je ne peux pas m’empêcher d’être heureuse. À Paris, je pense à toutes ces familles cubaines qui ont vécu des tragédies similaires à la mienne. Elles aussi pleurent leurs morts en silence, la peur au ventre, avec l’espoir que peut-être, un jour, elles auront le droit de revenir chez elles. »
Malgré ces souvenirs terribles, je sors me promener dans Paris. La ville qui m’a ouvert les bras. Je me rends compte de la chance que j’ai. Je suis arrivée en France en 1991, au pays de Voltaire, le chantre de la liberté d’expression. Voltaire, l’ennemi éternel des tyrans, que je chéris chaque jour, car je connais le prix de la liberté.
Curieusement, je suis heureuse, même si, par principe, on ne doit pas se réjouir de la mort d’un être humain, même le pire des criminels. Je sais, je ne dois pas sauter de joie. Mais je ne peux pas m’en empêcher. Car, au-delà des funérailles qui se veulent grandioses et dociles, comme dans tous les régimes communistes, c’est le bourreau que je vois. L’homme de fer, implacable, prêt à sacrifier ses plus proches collaborateurs pour protéger son système.
Et son pouvoir. Comment ne pas revoir mon père, pris au piège des mensonges du dictateur. Pour se débarrasser de lui, et de quelques autres, Castro lui a vendu une fable perverse et criminelle. Pour le bien du pays, de la Révolution, il lui a demandé de s’accuser de fautes qu’il n’a pas commises. Un classique, me direz-vous dans les régimes staliniens, où les enfants dénoncent leurs propres parents.
À l’époque, Castro est soupçonné par la CIA de prêter ses aéroports aux narcotrafiquants colombiens comme zones de transit. Au prix fort. La Centrale a des preuves irréfutables, photos et témoignages de mafieux du cartel de Medellin.
Comment se sortir du piège ? En faisant porter le chapeau à quelques officiers supérieurs suspectés de sympathies gorbatchéviennes. Mon père, comme les autres, persuadé que le grand Fidel lui demande un service et le fera libérer à la fin du procès, accepte cette mascarade.
Le procès fut un simulacre, un cauchemar. À la fin des audiences, à notre grande surprise, le « monstre » les a fait fusiller comme de vulgaires traîtres. Je vis avec cette image d’horreur depuis 27 ans. Je revois le sourire de mon père, épuisé par son incarcération. Son dernier regard, plein de tendresse. On ne lui a même pas accordé un nom sur une tombe dans le cimetière de La Havane. Il est gommé de l’Histoire. Oublié, jeté dans la fosse commune. Comme les hérétiques du Moyen Âge. Et je n’ai pas le droit d’aller sur place me recueillir devant sa dépouille.
Aujourd’hui, je clame son nom, pour que jamais on ne l’oublie : Tony de la Guardia, mon père bien-aimé. Que ma voix traverse l’Atlantique, jusqu’au Malecon, le boulevard du bord de l’océan, à La Havane, là où les rêves se perdent dans l’horizon. »
Vous trouverez l’intégralité de l’article derrière ce lien :

<Fidel castro a fait fusiller mon père sa mort ne m’attriste pas il restera un-bourreau>

Que dire ?
Fidel Castro a certes mené des combats justes et eu des dénonciations judicieuses.
Mais son histoire rappelle surtout que le pouvoir corrompt et que le pouvoir absolu corrompt absolument.
Seuls les contre-pouvoirs institutionnalisés, ces instances qui arrêtent, critiquent et contrôlent le pouvoir permettent d’éviter ces dérives.
Antonio de la Guardia et sa fille Ileana
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Photo plus récente d’Ileana de la Guardia

Jeudi 15 décembre 2016

Jeudi 15 décembre 2016
«Puisque vous allez revoir Kennedy, soyez un messager de paix. »
Fidel Castro
à Jean Daniel qui était venu le rencontrer avec un message de John F Kennedy après la crise des missiles
Je ne sais pas si vous connaissez cet épisode raconté par le fondateur du nouvel Obs, Jean Daniel qui en 1963 avait rencontré John F Kennedy puis était allé voir Fidel Castro qui l’ a bien accueilli et exprimait des sentiments très bienveillants à l’égard de ce président américain. Peut être que la situation entre Cuba et les Etats-Unis aurait pu évoluer dans le bon sens dès 1963, mais Pendant le séjour de Jean Daniel à Cuba, Kennedy fut assassiné à Dallas.
« Un mois après avoir été invité par J. F. Kennedy à la Maison-Blanche, Jean Daniel se rend à Cuba, et rencontre Fidel Castro. […] Fidel se révélant inaccessible, et malgré la tristesse de nos nouveaux amis, nous décidâmes de quitter La Havane. Nous devions prendre l’avion pour Mexico le lendemain. Raoul Castro et Armando Hart, deux des plus importants personnages du régime, m’avaient écouté. Je me dis que, après tout, le message dont je me croyais porteur devait laisser Fidel indifférent.
Il était 22 heures. Nous étions occupés à faire nos bagages. Le concierge me téléphona du ton le plus naturel pour m’informer que le Premier ministre m’attendait à la réception. Je pris l’ascenseur où n’étaient marqués que quatorze étages alors que l’hôtel en avait quinze : le chiffre treize était interdit à La Havane, qui était, avant la révolution, et plus que Las Vegas, le rendez-vous de tous les joueurs du monde.
Je n’eus pas à sortir de l’ascenseur. Fidel me dit : ‘Remontons. Pour parler, nous serons mieux dans votre chambre’.  Fidel, le commandant Valejo, son aide de camp, le romancier-interprète Juan Arcocha, Marc Riboud, Michèle et moi devions rester dans cette chambre de 10 heures du soir à 4 heures du matin.
Au début, Fidel m’a écouté – je veux dire a écouté Kennedy – avec un intérêt dévorant : frisant sa barbe, enfonçant et redressant son béret noir, ajustant sa vareuse de guérillero, jetant mille lumières pétillantes depuis les cavernes profondes de ses yeux.
Un moment, nous avons touché au mimodrame. Je jouais ce partenaire avec lequel il avait une envie aussi violente de s’empoigner que de discuter. Je devenais cet ennemi intime, ce Kennedy dont Khrouchtchev pourtant venait de lui dire que ‘c’était un capitaliste avec qui on pouvait parler’. Si pressé qu’il fût de me répondre, Castro s’imposa de me laisser aller jusqu’au bout en me faisant préciser souvent trois fois une expression, une attitude, une intention. Juan Arcocha traduisait en virtuose.
Sur quel ton Kennedy m’avait-il parlé du colonialisme de Batista et de ses alliés américains ? Quelle expression exacte avait-il employée lorsqu’il avait d’une coexistence possible avec des collectivismes comme ceux de Yougoslavie et de Guinée? Est-ce qu’il m’avait donné, à moi, Jean Daniel, une impression de sincérité? Etc.
A la fin de cette nuit extraordinaire, Fidel m’a dit : « ‘Puisque vous allez revoir Kennedy, soyez un messager de paix. Je ne veux rien, je n’attends rien. Mais dans ce que vous m’avez rapporté il y a des éléments positifs. »
Nous sommes enfin sortis de l’hôtel. Je dis « enfin » non pour moi – j’aurais encore pu écouter longtemps Castro -, mais pour Juan Arcocha épuisé, pour le commandant Valejo qui n’osait pas s’endormir tout à fait, et Marc Riboud qui avait depuis longtemps cessé de prendre toutes les photos possibles.»
Et Jean Daniel et ses amis vont encore rester à Cuba sur l’invitation de Fidel Castro et ils seront ensemble quand ils apprendront l’assassinat de Kennedy. Et Jean Daniel rapporte encore deux propos de Fidel Castro :
« Il faut que naisse aux Etats-Unis un homme capable de comprendre la réalité explosive de l’Amérique latine et de s’y adapter. Cet homme, ce pourrait être encore Kennedy. Il a encore toutes les chances de devenir, aux yeux de l’histoire, le plus grand président des Etats-Unis. Oui ! supérieur à Lincoln ! Moi, je le crois responsable du pire dans le passé mais je crois aussi qu’il a compris pas mal de choses et puis, en fin de compte, je suis persuadé qu’il faut souhaiter sa réélection. »
Et puis après sa mort, il s’indigne devant certains reportages des médias occidentaux et dit :
« Est-ce que vous êtes comme ça en Europe ? Pour nous, les Latins d’Amérique, la mort, c’est quelque chose de sacré. C’est non seulement la fin des hostilités mais aussi celle des injures, cela impose la dignité, vous savez ce que c’est que la dignité ? Il y a des voyous qui deviennent des seigneurs devant la mort !
A propos, cela me fait penser à quelque chose, quand vous écrirez tout ce que je vous ai dit contre Kennedy, ne citez pas son nom, parlez de la politique du gouvernement des Etats-Unis. »
Jean Daniel,
« Le Temps qui reste »
Gallimard, 1984
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Mercredi 14 décembre 2016

Mercredi 14 décembre 2016
«Imaginez ce que serait la situation aux États-Unis si, dans la foulée de son indépendance, une superpuissance avait infligé pareil traitement : jamais des institutions démocratiques n’auraient pu y prospérer. »
Noam Chomsky à propos de la mort de Fidel Castro et de la politique des Etats-Unis à l’égard de cette île.
Mon complice de toujours Albert m’a lancé un défi que je résumerai ainsi « Tu ne seras pas cap de consacrer un mot du jour positif à Fidel Castro parce que ce n’est pas politiquement correct ! »
Mais si je suis capable de dire que Fidel Castro a libéré Cuba de la dictature mafieuse de Battista et que par la suite les Etats-Unis ont eu un comportement indigne avec ce petit pays ce qui a poussé le régime castriste vers l’Union soviétique , alors qu’à l’origine Castro n’était pas communiste. Que l’éducation et le système de santé mis en place à Cuba étaient remarquables.
Les Etats-Unis est un pays plein de contradictions il y a des Donald Trump dont les différentes désignations aux postes clés de son administration n’annoncent rien de bon, mais il y a aussi des hommes comme Noam Chomsky, un des plus brillants intellectuels du monde, le New York Times a émis cette hypothèse : « Peut-être l’intellectuel vivant le plus important…
Linguiste, philosophe, professeur au prestigieux Massachusetts Institute of Technology Et Noam Chomsky a rendu cet hommage à Fidel Castro :
« Les réactions à la mort de Fidel Castro diffèrent selon  l’endroit du monde où vous vous trouvez. Par exemple, en Haïti ou en Afrique du Sud, c’était une figure très respectée, une icône, et sa disparition a suscité une grande émotion.  Aux États-Unis, l’ambiance générale a été résumée par le premier titre du « New York Times », lequel indiquait en substance : « Le dictateur cubain est mort ». Par curiosité, j’ai jeté un oeil aux archives de ce journal pour voir combien de fois ils avaient qualifié le roi d’Arabie saoudite de « dictateur ». Sans surprise, il n’y avait aucune occurrence…
Il y a également un silence absolu sur le rôle joué par les États-Unis à Cuba, la manière dont Washington a œuvré pour nuire aux velléités d’indépendance de l’île et à son développement, dès la révolution survenue en janvier 1959. L’administration Eisenhower a tenté de renverser Castro, puis, sous celle de Kennedy, il y a eu l’invasion manquée de la baie des Cochons, suivie d’une campagne terroriste majeure. Des centaines, voire des milliers de personnes ont été assassinées avec la complicité de l’administration américaine et une guerre économique d’une sauvagerie extrême a été déclarée contre le régime de Fidel.
Imaginez ce que serait la situation aux États-Unis si, dans la foulée de son indépendance, une superpuissance avait infligé pareil traitement : jamais des institutions démocratiques n’auraient pu y prospérer. Tout cela a été omis lors de l’annonce de la mort de Fidel Castro.
Autres omissions : pourquoi une personnalité aussi respectée que Nelson Mandela, à peine libérée de prison, a-t-elle rendu hommage à Fidel Castro en le remerciant de son aide pour la libération de son pays du joug de l’apartheid ?
Pourquoi La Havane a-t-elle envoyé tant de médecins au chevet d’Haïti après le séisme de 2010 ?
Le rayonnement et l’activisme international de cette petite île ont été stupéfiants, notamment lorsque l’Afrique du Sud a envahi l’Angola avec le soutien des États-Unis. Les soldats cubains y ont combattu les troupes de Pretoria quand les États-Unis faisaient partie des derniers pays au monde à soutenir l’apartheid. […] Il faut également noter que le système de santé à Cuba s’est imposé comme l’un des plus efficaces de la planète, bien supérieur, par exemple, à celui que nous avons aux États-Unis.
Et concernant les violations des droits de l’homme, ce qui s’y est produit de pire ces quinze dernières années a eu lieu à Guantanamo, dans la partie de l’île occupée par l’armée américaine, qui y a torturé des centaines de personnes dans le cadre de la « guerre contre le terrorisme ».
Vous trouverez les éléments de cet article derrière ce lien : https://www.les-crises.fr/ce-qui-a-ete-omis-a-la-mort-de-fidel-castro-par-noam-chomsky/
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Mardi 13 décembre 2016

Mardi 13 décembre 2016
«Alors, tant mieux si Céline Alvarez a obtenu, avec des moyens considérables, de bons résultats. »
Thierry Venot interrogé par Jean-Paul Brighelli dans le Point
Certains se sont étonnés de mon dernier mot du jour et surtout de l’expression : « tourner autour du pot ». Dans l’esprit de beaucoup cette expression signifie soit le refus de décider soit de s’engager. Mais dans mon esprit, il ne s’agissait pas de cette faiblesse ou de la fuite que révèle une telle interprétation. Car je suis convaincu qu’il faut savoir décider et que le plus souvent une mauvaise décision vaut mieux que l’absence de décision.
Pour ma part tourner autour du pot signifie qu’on regarde quelque chose, par exemple  « un pot » sous des angles différents et que par ce fait on ne voit pas la même chose.
Prenons le libéralisme économique. Si on regarde sous l’angle de l’égalité et la justice, on constate que ce système génère une augmentation exponentielle de l’inégalité parce qu’il donne une prime démentielle à ceux qui sont en tête du peloton pour prendre la métaphore cycliste. Ce système apparaît sous cet angle comme mauvais.
Mais si on prend le filtre de la production de richesse, de la créativité, de l’inventivité, Fernand Braudel évoquait « la dynamique du capitalisme » aucun autre système créé par les humains ne lui est comparable que ce soit les régimes théocratiques d’hier ou d’aujourd’hui ou ces autres régimes de la religion terrestre du communisme.
Ces deux points de vue sont exacts, même s’ils ne révèlent pas la même chose.
Et le mot du jour d’aujourd’hui va donner un autre exemple. J’avais entendu Céline Alvarez en septembre et elle m’avait subjugué, j’avais parlé d’une femme lumineuse de celles qui suivent leur passion et croient en ce qu’elles font. Annie en avait parlé avec un voisin qui après de nombreux expériences professionnelles est devenu instituteur et qui a marqué son intérêt pour Céline Alvarez mais a souligné des conditions matérielles de l’expérimentation particulièrement favorables.
Alors j’ai tenté de tourner « autour de ce pot » et je suis tombé sur un article de Jean-Paul Brighelli publié sur le site du Point au titre provocateur <Céline Alvarez une imposture ?>
Notez le point d’interrogation !
Jean-Paul Brighelli est un enseignant, un pédagogue respecté dans le monde de l’éducation.
Il rappelle d’abord les prémices de l’expérience de Céline Alvarez : «  qui a fait des études de linguistique et qui s’y connaît en communication, n’a passé le concours d’instituteur que pour expérimenter sa foi pédagogique. »
Et puis il donne des précisions sur les conditions de l’expérimentation : «Elle a mystérieusement obtenu d’emblée auprès du ministère Chatel un poste et des conditions de travail idéales – 24 élèves de maternelle, pas un de plus, et une auxiliaire (Atsem) présente en permanence dans sa classe. Et trois ans durant, notre révolutionnaire a été au plus près de ses élèves, disposant d’un matériel coûteux qui lui arrivait dès qu’elle en formulait la demande. Les suppressions de poste et de budget des années 2009-2012 ne la concernaient pas. »
Puis il  nous apprend aussi que Céline Alvarez est soutenu par : « l’Institut Montaigne, think tank, comme on dit désormais en français, d’un libéralisme pur et dur, qui a contribué financièrement à l’expérience via l’association Agir pour l’école, dont le fondateur, en 2010, fut Claude Bébéar, fondateur aussi de l’Institut Montaigne. »
La critique essentielle de Jean-Paul Brighelli est que l’expérience est coûteuse mais je crois comprendre aussi qu’il pense qu’une telle expérience demande une telle implication de l’enseignante qu’elle peut l’accomplir pendant 3 ans mais peut-être pas lors de toute une vie d’enseignant.
Il manifeste aussi des réticences sur l’apport des neurosciences que met en avant Céline Alvarez en parlant « des acquis douteux des « sciences cognitives » – d’où l’appui inconditionnel de Stanislas Dehaene, gourou des neurosciences – dont l’évaluation reste à faire, et qui suscitent enfin un regard critique sans indulgence, tant elles nourrissent de faux prophètes en leur sein. »
Enfin, Jean-Paul Brighelli fait appel à deux enseignants qui pratiquent et qui ont écrit des ouvrages pédagogiques :
Muriel Strupiechonski, […] qui a écrit, selon lui, l’un des meilleurs manuels aujourd’hui disponibles d’orthographe-grammaire-rédaction pour le niveau CE1. Elle explique :
« Céline Alvarez nous fait part des performances accomplies dans sa classe pendant trois ans. Elles sont assurément séduisantes et on ne peut que se féliciter de voir l’engouement que son livre provoque dans les médias, puisqu’un de ses chapitres décrit l’apprentissage alphabétique de la lecture et son efficacité. Heureuse nouvelle si le crédit qu’a acquis Alvarez provoque enfin une prise de conscience générale sur cette question si importante et aboutit à autoriser dans toutes les écoles l’emploi de la méthode alphabétique, ainsi que l’apprentissage simultané de la numération et des opérations !
Car les journaux prêtent aussi à ses élèves la maîtrise des 4 opérations. Qu’on nous permette toutefois de douter : sur la jaquette de son livre Les Lois naturelles de l’enfant. La révolution de l’éducation, on ne trouve nulle trace de l’apprentissage des 4 opérations – et l’écriture, jugée trop difficile, y est dissociée de la lecture, alors que leur apprentissage concomitant est essentiel pour une acquisition efficace. »
Et elle ajoute :
«  Il y a des années que des enseignants luttent contre les aberrations pédagogiques qui leur sont imposées, faisant appel à leur simple bon sens ou à l’observation tout empirique des résultats de leurs élèves, rejoignant souvent la « recherche » sur laquelle Céline Alvarez dit s’appuyer. Nous avons rassemblé les expériences les plus concluantes d’un grand nombre d’instituteurs – de vrais enseignants, pas des vedettes médiatiques, mais des praticiens qui œuvrent au jour le jour. Et par le travail, la répétition, la patience et le sourire, on obtient d’excellents résultats – sans passer forcément par les neurosciences ou des méthodes imaginées il y a un siècle pour l’apprentissage des enfants à retard mental. »
L’autre enseignant est Thierry Venot auteur d’une méthode réelle d’apprentissage :
« L’école ne fournit plus les outils nécessaires à l’autonomie intellectuelle des jeunes. Je ne pense pas que l’avalanche obscurantiste qui, actuellement, nous submerge dans de nombreux domaines soit le fruit du hasard. Alors, tant mieux si Céline Alvarez a obtenu, avec des moyens considérables, de bons résultats. Ce que je sais, c’est qu’avec les moyens réels de l’Éducation nationale, et avec de bonnes pratiques, on obtient d’excellents résultats avec tous les enfants – sans prétendre faire jaillir d’eux je ne sais quelle étincelle mystique, mais en gravant dans leur mémoire et dans leur pratique les réflexes et les savoirs –, et il n’y a pas d’autre méthode qui tienne ! » 
On sent l’irritation chez Brighelli et ses deux interlocuteurs. A mon sens ils sont probablement excessifs et manquent de bienveillance.
Je ne crois pas que cela invalide les pistes explorées et la recherche de Céline Alvarez, mais offre des nuances et montre qu’il n’y a pas de miracles mais de la complexité qu’il faut approcher et tenter de maîtriser.
Pour ma part je n’enlèverai rien à ce que disait Céline Alvarez « L’enfant apprend en étant actif et non passif, quand il est aimé et non jugé » et qui me parait l’essence de l’acte pédagogique.
Enquête après enquête, on constate que l’éducation nationale française décline et si elle continue à être en capacité de produire une élite de qualité au sens des normes internationales, elle n’arrive plus à enseigner au plus grand nombre et à l’amener à un niveau compatible avec les exigences de notre temps.
Céline Alvarez s’appuyant sur des méthodes anciennes (Montessori) mais aussi des recherches récentes explore des pistes, elle n’y arrivera certainement pas seule.
Pour que vous puissiez vous faire votre propre jugement, je mets en pièces jointes le mot du jour consacré à Céline Alvarez et l’article de Jean-Paul Brighelli.

Jeudi 8 Décembre 2016

Jeudi 8 Décembre 2016
« Ce n’est qu’en tournant autour du pot qu’on peut en voir tous ses aspects !»
Réflexions personnelles pour la suite des mots du jour
Quand j’étais dans l’administration centrale de la défunte Direction Générale des Impôts, à Bercy dans les années 90, on me reprochait parfois de tourner autour du pot.
J’avais alors trouvé une réponse : «Oui mais ce n »est qu’en tournant autour du pot qu’on peut en voir tous ses aspects»
Un danger nous menace, nous ne nous confrontons plus vraiment à la contradiction. Les réseaux sociaux et ce qui en découle nous conduit de plus en plus à lire, écouter et échanger avec celles et ceux qui sont d’accord avec nous. Et on constate que dans nos groupes d’«amis» (ce mot «ami» pour les relations que l’on a sur les réseaux sociaux me semble totalement inapproprié.) si l’on souhaite exprimer une nuance ou présenter un autre éclairage, il n’y a que rarement d’échanges et on tombe rapidement dans l’invective.
Or, c’est par la confrontation qu’il est possible de progresser. Tourner autour du pot pour l’observer sous un autre angle.
Je vais donc tenter davantage de trouver le débat et lire ou présenter des points de vue divergents, pour sortir  du confort intellectuel.
Bousculer un peu, en quelque sorte.
Mais je ne commencerai pas demain, car je me suis octroyé un week-end prolongé, à l’occasion de la fête des lumières à Lyon.
Le 802ème mot du jour sera envoyé mardi 13 décembre.
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