Vendredi 28 mars 2014

Vendredi 28/03/2014
« il se dit dans leur sein [ des gouvernés]
que tout ce qui se trouve au-dessus d’elles
est incapable et indigne de les gouverner »
Alexandre de Tocqueville
Discours à la Chambre des députés : 27 janvier 1848

Alexis Tocqueville fut un grand penseur libéral et un des meilleurs observateurs de son temps ainsi qu’un visionnaire.

Il a produit en janvier 1848, il y a 166 ans un discours dont certaines expressions sonnent si actuelles :

« […] Messieurs, je ne sais si je me trompe, mais il me semble que l’état actuel des choses, l’état actuel de l’opinion, l’état des esprits en France, est de nature à alarmer et à affliger. Pour mon compte, je déclare sincèrement à la Chambre que, pour la première fois depuis quinze ans, j’éprouve une certaine crainte pour l’avenir ; et ce qui me prouve que j’ai raison, c’est que cette impression ne m’est pas particulière : je crois que je puis en appeler à tous ceux qui m’écoutent, et que tous me répondront que, dans les pays qu’ils représentent, une impression analogue subsiste ; qu’un certain malaise, une certaine crainte a envahi les esprits ; que, pour la première fois peut-être depuis seize ans, le sentiment, l’instinct de l’instabilité, ce sentiment précurseur des révolutions, qui souvent les annonce, qui quelquefois les fait naître, que ce sentiment existe à un degré très grave dans le pays. […]

Si je jette, messieurs, un regard attentif sur la classe qui gouverne, sur la classe qui a des droits et sur celle qui est gouvernée, ce qui s’y passe m’effraie et m’inquiète. Et pour parler d’abord de ce que j’ai appelé la classe qui gouverne, et remarquez bien que je ne compose pas cette classe de ce qu’on a appelé improprement de nos jours la classe moyenne mais de tous ceux qui, dans quelque position qu’ils soient, qui usent des droits et s’en servent, prenant ces mots dans l’acception la plus générale, je dis que ce qui existe dans cette classe m’inquiète et m’effraye. Ce que j’y vois, messieurs, je puis l’exprimer par un mot : les mœurs publiques s’y altèrent, elles y sont déjà profondément altérées ; elles s’y altèrent de plus en plus tous les jours ; de plus en plus aux opinions, aux sentiments aux idées communes, succèdent des intérêts particuliers, des visées particulières, des points de vue empruntés à la vie et à l’intérêt privés. […]

Or, qu’est-ce que tout cela, sinon une dégradation successive et profonde, une dépravation de plus en plus complète des mœurs publiques ? Et si, passant de la vie publique à la vie privée, je considère ce qui se passe, si je fais attention à tout ce dont vous avez été témoins, particulièrement depuis un an, à tous ces scandales éclatants, à tous ces crimes, à toutes ces fautes, à tous ces délits, à tous ces vices extraordinaires que chaque circonstance a semblé faire apparaître de toutes parts, que chaque instance judiciaire révèle ; si je fais attention à tout cela, n’ai-je pas lieu d’être effrayé ? N’ai-je pas raison de dire que ce ne sont pas seulement chez nous les mœurs publiques qui s’altèrent, mais que ce sont les mœurs privées qui se dépravent ?

Et remarquez, je ne dis pas ceci à un point de vue de moraliste, je le dis à un point de vue politique ; savez-vous quelle est la cause générale, efficiente, profonde, qui fait que les mœurs privées se dépravent ? C’est que les mœurs publiques s’altèrent. C’est parce que la morale ne règne pas dans les actes principaux de la société, qu’elle ne descend pas dans les moindres. C’est parce que l’intérêt a remplacé dans la vie publique les sentiments désintéressés, que l’intérêt fait la loi dans la vie privée. […]

Messieurs, si le spectacle que nous donnons produit un tel effet vu de loin des confins de l’Europe, que pensez-vous qu’il produit en France même sur ces classes qui n’ont point de droits, et qui, du sein de l’oisiveté à laquelle nos lois les condamnent, nous regardent seuls agir sur le grand théâtre où nous sommes ? Que pensez-vous que soit l’effet que produise sur elles un tel spectacle ? Pour moi, je m’en effraye. On dit qu’il n’y a point de péril, parce qu’il n’y a pas d’émeute ; on dit que, comme il n’y a pas de désordre matériel à la surface de la société, les révolutions sont loin de nous. Messieurs, permettez-moi de vous dire, avec une sincérité complète, que je crois que vous vous trompez. Sans doute, le désordre n’est pas dans les faits, mais il est entré bien profondément dans les esprits. Regardez ce qui se passe au sein de ces classes ouvrières, qui aujourd’hui, je le reconnais, sont tranquilles. Il est vrai qu’elles ne sont pas tourmentées par les passions politiques proprement dites, au même degré où elles ont été tourmentées jadis ; mais ne voyez-vous pas que leurs passions, de politiques, sont devenues sociales ? Ne voyez-vous pas qu’il se répand peu à peu dans leur sein des opinions, des idées, qui ne vont point seulement à renverser telles lois, tel ministère, tel gouvernement, mais la société même, à l’ébranler sur les bases sur lesquelles elles reposent aujourd’hui ? Ne voyez-vous pas que, peu à peu, il se dit dans leur sein que tout ce qui se trouve au-dessus d’elles est incapable et indigne de les gouverner ; que la division des biens faite jusqu’à présent dans le monde est injuste ; que la propriété y repose sur des bases qui ne sont pas des bases équitables ? Et ne croyez-vous pas que, quand de telles opinions prennent racine, quand elles se répandent d’une manière presque générale, quand elles descendent profondément dans les masses, elles amènent tôt ou tard, je ne sais pas quand, je ne sais comment, mais elles amènent tôt ou tard les révolutions les plus redoutables ? Telle est, messieurs, ma conviction profonde ; je crois que nous nous endormons à l’heure qu’il est sur un volcan, j’en suis profondément convaincu. »

Rappelons que la révolution de 1848 a eu lieu du 22 au 25 février.

Ce discours fait partie des grands discours parlementaires que l’Assemblée nationale a mis sur son site.

Vous trouverez l’intégralité de ce discours à cette adresse : http://www2.assemblee-nationale.fr/decouvrir-l-assemblee/histoire/grands-discours-parlementaires/alexis-de-tocqueville-27-janvier-1848

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Mercredi 26/03/2014

Mercredi 26/03/2014
« Sourire quand même »
Les gueules cassées
D’abord que les gueules cassées n’avaient pas disparus avec le dernier poilu de la guerre 14-18.
Ainsi cette émission commence par le témoignage de l’adjudant David Travadon qui lors d’une mission de déminage au Liban a été défigurée par l’explosion d’une mine.
Il témoigne et dit qu’à ce moment il s’est dit : « J’ai tellement mal que je ne peux pas être mort ». Il parle aussi du regard de l’autre quand il se montre en public.
Ensuite que la loterie nationale a été inventée dans les années 20 pour aider les soldats défigurés à vivre. Et aujourd’hui l’association des gueules cassées est encore actionnaire à 9% de la Française des jeux. Elle finance la recherche pour la reconstruction faciale. Le mot du jour est la devise qui se trouve en exergue du site de cette association et qui se trouve <ICI>

Mardi 25/03/2014

Mardi 25/03/2014
«O.K.»
Le Boston Morning Post
C’est l’AFP du 22 mars 2014 qui nous apprend que cette expression a 175 ans. C’est une expression très positive, elle montre un accord. Nous l’utilisons très souvent.
Les deux lettres apparaissent pour la première fois le 23 mars 1839 dans un journal de Boston : «O.K.», mot symbole de l’Amérique, est devenu en 175 ans une expression universelle.
C’est le Boston Morning Post, à l’époque le journal le plus populaire des Etats-Unis, qui le premier utilise dans l’un de ses articles ce «O.K.» qui fera le tour du monde. Pour son spécialiste, le professeur d’anglais Allan Metcalf, auteur de «O.K., l’histoire improbable du plus grand mot de l’Amérique», c’est l’expression «la plus souvent prononcée ou écrite sur toute la planète», devant «maman».
Concis et fonctionnel, «O.K.» incarne l’Amérique, selon M. Metcalf, qui pense que le mot n’a aucun lien étymologique avec le latin ou le grec. En quête de son origine, le dictionnaire Oxford rejette les diverses hypothèses liant «O.K.» aux expressions écossaise «och aye» ou grecque «ola kala» («c’est bon»).
Le dictionnaire britannique et le professeur Metcalf préfèrent voir dans le «O.K.» une abréviation de «orl korrekt, » lui-même dérivé à l’écrit dans les années 1830– fautes d’orthographe comprises — de «all correct» («tout est correct»). Une thèse reprise par Le Petit Robert français qui le définit comme «un mot anglais américain, abréviation de +oll korrect+, altération de +all correct+». Le dictionnaire français le fait remonter à 1869.
Selon M. Metcalf, «O.K.» entre vraiment dans le langage en 1840, lors de la campagne d’un candidat américain du parti démocrate à la présidentielle, Martin Van Buren.
Puis «O.K.» se répand à partir de la Seconde guerre mondiale, avant d’avoir un destin universel. C’est devenu l’expression idoine pour exprimer ou demander un «accord», selon Le Petit Robert.
«O.K» est un cliché symbole de la culture américaine qui s’est exportée dans le monde entier, pense le professeur Metcalf. «Il est aussi facile à prononcer qu’à comprendre, utilisant les voyelles O et A et la consonne K que l’on trouve dans presque toutes les langues de la planète», estime le linguiste américain.
Et pour fêter l’anniversaire du «O.K.», le professeur d’anglais à la retraite Henry Nass distribue sur les trottoirs de Manhattan, à New York, des tracts invitant les passants à célébrer dimanche une «journée mondiale du O.K.».
M. Nass espère même que la poste américaine sera «O.K.» pour son projet de timbre en l’honneur de son mot favori.
Hier il n’y a pas eu de mot du jour parce que j’avais pris congé comme je le fais chaque fois après un dimanche d’élection. Il n’y aura donc pas non plus de mot du jour Lundi prochain. Je me rends compte qu’il faut que je l’annonce avant car, certains des destinataires s’inquiètent vite probablement en raison de ma santé devenu fragile. D’ailleurs Jeudi je serai aussi absent pour que le corps médical puisse m’examiner et il n’y aura donc pas non plus de mot du jour. OK ?

Vendredi 21/03/2014

Vendredi 21/03/2014
«Nous serons trois dans cette aventure»
Professeur Alain Carpentier
Ce sont les propos que le professeur Carpentier a dit à son patient Claude Dany à qui il allait implanter le premier cœur artificiel après lui avoir demandé s’il était croyant.
Le mot du jour a souvent été l’occasion pour moi de dire tout le mal que je pensais de ces religions qui culpabilisent, imposent une chape de plomb sur une société et rendent les gens tout simplement stupides.
J’ajoutais toujours mais… je ne parle pas du spirituel.
Mais dit comme ça, c’est conceptuel !
Quand on est dans la vrai vie qui met en face un homme au seuil de la mort et un vieux professeur qui veut tenter une nouvelle expérience scientifique pleine de promesse, dire ces simples mots : « Nous serons trois » cela prend un tout autre sens.
L’épisode du cœur artificiel a été rapporté par la revue de presse de France Inter du 20 mars. En voici un extrait :
Quand le professeur Carpentier entre pour la première fois dans la chambre de Claude Dany, lui, le médecin reconnu dans le monde entier, est saisi par l’émotion.
[Le professeur Alain Carpentier, est né le 11 août 1933, il a 80 ans. Claude Dany en a 75.]
Trente années de sa vie vont se jouer en quelques minutes. Mais pour l’homme allongé face à lui, moustache blanche, carrure d’athlète mais cœur à bout de souffle, c’est sa vie tout court qui est en jeu.
– Vous savez pourquoi je suis là ? demande le professeur
– Oui, vous allez me proposer votre cœur artificiel, n’est-ce pas ?
Dans Paris Match, cette semaine, Romain Clergeat raconte les relations entre celui qui a développé le premier cœur entièrement artificiel et son ‘’patient’’.
« Conversation d’une rare intensité », écrit le journaliste. Deux hommes de la même génération, deux anciens de l’Algérie. Ils parlent du bled, des mechtas de Kabylie.
Le professeur demande au malade s’il est croyant.
– Oui.
– Très bien, nous serons trois dans cette aventure.
Après l’opération, le médecin passait presque tous les jours. A côté du lit, une main sur le bras de Claude Dany. Il avait besoin de le toucher. Il le fait parfois manger, assiste à ses premiers pas, autorise une sortie à la cafétéria.
L’aventure a duré 74 jours. Puis le cœur s’est arrêté….
Voici le lien vers cette revue de Presse : <ICI>

Jeudi 20/03/2014

Jeudi 20/03/2014
« Le prix moyen de l’acquisition d’un ménage de primo-accédant représente actuellement 4,86 années de revenu. »
CAFPI
Voilà une règle simple qui donne une idée claire de ce que ce que peut acheter un couple de primo accédant.
On prend les revenus d’une année et on multiplie par 5, au-delà c’est très compliqué.
Dans la majorité des cas, le ménage accédant à la propriété est composé de deux personnes qui travaillent.
D’après une statistique mensuelle publiée par le courtier en crédit immobilier CAFPI, le prix moyen de l’acquisition d’un ménage de primo-accédant représente actuellement 4, 86 années de revenu. Toujours en moyenne, ce ménage emprunte près de 162 000 euros sur 234 mois (19 ans et demi). Pour un ménage déjà propriétaire qui vend son logement pour en acheter un autre, la situation est un peu meilleure : son achat représente 3, 96 années de revenu, il emprunte plus (près de 184 000 euros) sur une durée plus courte (202 mois, soit près de 17 ans). L’effort financier à consentir pour acheter son logement est donc, aujourd’hui, très important. Il est même trop élevé pour de nombreux jeunes ménages qui doivent renoncer à leur projet d’achat parce qu’ils ne sont plus finançables. En 2009, les primo-accédants représentaient encore presque 60 % des acheteurs en résidence principale. Ils sont moins de 35 % à présent.
Pourquoi les prix ont-ils autant augmenté ?
Comme tout marché, celui du logement obéit aux lois de l’offre et de la demande. Dans notre pays, depuis des années, la demande augmente nettement plus vite que l’offre, ce qui tire les prix vers le haut. La demande, c’est le nombre de ménages. Il progresse sous l’effet de la démographie et de l’allongement de la durée de vie, ce qui est un bien. Mais il faut un logement par ménage ! La production de nouveaux logements n’a pas suivi et ne suit toujours pas : il s’en est construit 330 000 en 2013 alors qu’il en aurait fallu 500 000. Selon les estimations, il manque entre un et deux millions de logements sur notre territoire. Nous sommes en sous-offre. Dans le même temps, il est devenu moins cher d’emprunter (effet baisse des taux) et l’Etat a créé de nouvelles aides à l’accession (le prêt à taux zéro, par exemple). Conclusion : face à une offre insuffisante, la demande a été soutenue. Et l’on s’étonne que les prix aient flambé !

Mercredi 19/03/2014

Mercredi 19/03/2014
«La collusion entre la haute finance publique et la haute finance privée aujourd’hui, paralyse notre société.»
Gaël Giraud
Gaël Giraud est Jésuite et directeur de recherche au CNRS.
Au niveau du cursus français des Etudes c’est le summum : diplômé de l’Ecole normale supérieure d’Ulm et de l’Ensae et docteur en mathématiques appliquées de l’Ecole polytechnique.
En 2009, il est sélectionné pour le Prix du meilleur jeune économiste, remis par le Monde et le Cercle des économistes.
Dans un article à Marianne, il dit tout le mal qu’il pense de la Loi qui aurait dû séparer les activités spéculatives des activités traditionnelles des banques, engagement de campagne du Président actuel..
Et il donne son explication de cette situation, c’est le mot du jour.
L’article de Marianne se trouve <ICI>
Ci-après un extrait :
G.G. : A l’origine, il y a l’excellent engagement du candidat Hollande à séparer les banques de crédit des banques de marché afin de protéger les Français des turbulences des marchés financiers. Les banques, cependant, ont largement rédigé le projet de loi durant l’été 2012. Résultat : le préambule de la loi affirme séparer alors que le corps du texte ne sépare rien.
En pratique, la loi Moscovici-Berger [Karine Berger, rapporteuse du projet de loi, l’a défendu bec et ongles] «contraint» les banques à filialiser au plus 1, 5 % de leurs activités de marché. Or, primo, filialiser ne suffit pas à protéger la maison mère : l’américain American International Group (AIG, le premier assureur au monde) a été mis en faillite, en septembre 2008, par une microfiliale parisienne. Secundo, l’essentiel des activités à risques (trading haute fréquence, trading pour compte propre, transactions avec les hedge funds) reste localisé dans la maison mère. Tertio, la loi bancaire française fusionne le fonds de garantie des dépôts des Français avec le fonds de sauvetage du système bancaire. Banques et fonds spéculatifs peuvent donc puiser dans le fonds de garantie des déposants pour se sauver en cas de crise. Les déposants français ne sont donc plus assurés.
A Dublin, le gouvernement, sous la pression de la troïka [Commission européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international] a osé vider le fonds de financement des retraites des Irlandais pour payer les dettes de ses banques naufragées. Nous, nous légalisons à l’avance un hold-up analogue.
En décembre 2012, j’ai pris l’initiative d’écrire un rapport pour éclairer les parlementaires sur le projet de loi. Bercy a immédiatement produit une contre-note, puis m’a imposé des participants à une table ronde que j’organisais à la Sorbonne sur le sujet, avant de réclamer, en vain, la suppression d’une note de la fondation Terra Nova que j’avais écrite avec une collègue, Laurence Scialom. Un banquier, que je connaissais par ailleurs, a aussi cherché à faire pression sur moi pour me faire taire.
On peut imaginer que vos choix de vie soient difficiles à comprendre pour un banquier. Ils ont opté pour les millions, vous avez fait vœu de pauvreté !
G.G. : Ils craignaient surtout que le débat ne devienne public. Si les Français s’étaient intéressés au projet de loi Moscovici-Berger, il y a fort à parier qu’ils eussent massivement réclamé une authentique séparation. C’est en tout cas l’expérience que je fais toutes les fois que je donne une conférence grand public. Tout a donc été fait, y compris dans l’organisation du calendrier parlementaire, pour que la loi bancaire fût effacée du débat public. Elle a ainsi pu être votée en juillet dernier dans l’indifférence quasiment complète du grand public.
Faut-il comprendre qu’à vos yeux le pouvoir socialiste est plus ou moins à la solde des banques ?
G.G. : En partie, oui. Il est vrai que, sous Sarkozy, les banquiers venaient en visiteurs du soir expliquer à l’Elysée la politique de la France. A présent, le gouvernement simule la mise en œuvre de ses propres promesses.
L’histoire de cette loi bancaire vient d’être racontée par trois journalistes, et elle n’est pas close : récemment, le commissaire européen Michel Barnier a proposé une directive de séparation bancaire qui, si elle reste insuffisante à mes yeux, est nettement plus sérieuse que la loi française. Or, le jour même, le gouverneur de la Banque de France, M. Christian Noyer, a publiquement déclaré cette proposition «irresponsable». Voilà un haut fonctionnaire qui préside l’instance de régulation du secteur bancaire français et qui se permet de déroger au devoir de réserve auquel ses responsabilités le soumettent, afin de défendre de manière outrancière le seul intérêt des banques.
Ce dérapage, parmi beaucoup d’autres, trahit la collusion entre la haute finance publique et la haute finance privée qui, aujourd’hui, paralyse notre société. Comment s’étonner, ensuite, si l’article 60 du projet de loi de finances 2014 prononce l’amnistie généralisée du secteur bancaire en interdisant aux collectivités locales, éventuellement ruinées, de porter plainte contre les banques qui leur ont vendu des actifs financiers pourris ?
Peut-on dire que le pouvoir des banques est plus important que celui du monde politique aujourd’hui ?
G.G. : Le bilan de BNP Paribas est supérieur au PIB français (en gros, 2 000 milliards d’euros). La course au gigantisme confère à ces banques un pouvoir de chantage considérable, car la France a d’autant moins les moyens d’absorber la faillite d’un tel monstre que le projet européen d’union bancaire, s’il voit le jour, ne permettra pas de sauver nos mégabanques en cas de détresse. Les banques tentent donc de neutraliser les initiatives régulatrices en faisant valoir que tout ce qui nuit à leurs intérêts immédiats les fragilise et que, si elles meurent, nous mourrons tous avec elles. Les règles prudentielles de Bâle III, par exemple, sont peu à peu rendues inoffensives par les amendements que les banques parviennent à arracher au comité de Bâle.
Autre exemple : en janvier 2012, quand il fut enfin question de restructurer la dette publique grecque, il y avait quatre négociateurs au chevet d’Athènes : Merkel, Sarkozy et deux patrons, Pébereau pour BNP Paribas et Ackermann pour Deutsche Bank. La raison immédiate de la présence de ces banquiers, discutant d’égal à égal avec des chefs d’Etat et de gouvernement du sort de la Grèce, est claire : les principaux détenteurs de dette publique grecque n’étaient autres que des banques françaises et allemandes. Et c’est essentiellement pour sauver nos banques que nous avons détruit la société grecque. Confier un tel pouvoir de négociation à des banquiers en dit long sur l’état de la démocratie en Europe : vous imaginez JP Morgan réglant les détails du traité de Versailles ?
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Mardi 18/03/2014

Mardi 18/03/2014
« Profiter de la crise »
Le Transnational Institute et le Corporate Europe Observatory
Profiter de la crise est le titre d’un rapport de deux associations.
Le Corporate Europe Observatory (CEO ou « Observatoire de l’Europe industrielle ») qui a son siège à Bruxelles (opérationnel) et Amsterdam (juridique). Le CEO fait de la recherche et mène des campagnes sur les menaces que fait peser le pouvoir économique et politique des grandes entreprises et leurs lobbies sur la démocratie, l’équité, la justice sociale et l’environnement. L’équipe du CEO est constituée d’une dizaine de chercheurs qui travaillent en réseau d’un peu partout en Europe. (Pays-Bas, Belgique, Espagne, Danemark…).
Le Transnational Institute (TNI) se définit lui-même en ces termes : «Fondé en 1974, le TNI est un réseau international d’experts–activistes engagés à analyser de façon critique les problèmes globaux d’aujourd’hui et de demain, avec l’objectif de fournir un soutien intellectuel aux mouvements qui cherchent à orienter le monde dans une direction démocratique, équitable et environnementalement durable.» Il s’agit donc d’un think tank qui étudie l’impact et les conséquences de la mondialisation économique dans de nombreux domaines qui touchent au « vivre ensemble ». La militante altermondialiste Susan George est présidente du conseil d’administration du TNI. Basée à Amsterdam, l’équipe permanente du TNI se compose en 2006 de 25 personnes
Que nous explique ces deux associations ?
Que de plus en plus souvent (Daniel Cohn Bendit l’a révélé aussi lors d’une de ses chroniques) les multinationales attaquent les Etats sur la base de traités internationaux d’investissement qui leur donne le droit d’attaquer des états souverains et démocratiques parce que des règles, des lois ou des actes de ces gouvernements leur ont fait perdre de l’argent ou des profits. C’est d’ailleurs un mécanisme qui devrait se trouver au centre des négociations transatlantiques actuellement en œuvre entre les Etats Unis et l’Europe.
S’il s’agissait de simplement défendre les investisseurs sérieux, de législations trop instables voire perverses à leur égard on pourrait le comprendre.
Mais ce qu’explique ces associations, c’est que ces attaques sont très souvent le fait de spéculateurs extrêmement bien informés et qui surfent sur ces traités pour « profiter » de la crise et gagner des sommes considérables en faisant des procès.
Un article d' »Agora vox » sur ce sujet nous explique que […] les plus de 3000 traités internationaux d’investissements actuellement en vigueur […] contiennent des dispositions très fortes en matière de protection de la propriété privée incluses dans des clauses très générales comme les clauses, de « traitement juste et équitable » ou de « protection contre l’expropriation indirecte ». Le problème étant que ces clauses sont interprétées si largement qu’elles donnent carte blanche aux entreprises pour poursuivre les États pour n’importe quelle réglementation qui affecteraient leurs profits actuels ou futurs. Les traités d’investissements garantissent aux entreprises des protections conséquentes sans donner de droits équivalents aux États pour protéger leurs propres citoyens.
« Profiter de la crise » s’intéresse tout particulièrement à la manière dont les investisseurs privés ont réagi aux mesures prises par l’Espagne, la Grèce ou encore Chypre pour protéger leurs économies dans le sillon de la crise de la dette européenne.
Ainsi la banque slovaque Postová Bank a-t-elle acheté des obligations grecques après que celles-ci ont été dégradées, bénéficié d’un très généreux accord de restructuration de dette, et néanmoins tenté d’en obtenir un meilleur en poursuivant la Grèce sur la base du traité d’investissement bilatéral (TIB) entre la Slovaquie et la Grèce.
A Chypre, un fonds de placement référencé en Grèce, Marfin Investment Group, impliqué dans une série de prêts douteux, réclame à Chypre 823 millions d’euros en compensation d’investissements perdus au motif de la nationalisation de la Laiki Bank, qui figurait dans l’accord de restructuration de la dette passé avec l’Union européenne.
En Espagne, 22 entreprises (au moment où nous écrivons), pour la plupart des fonds d’investissements, poursuivent le gouvernement devant des tribunaux internationaux pour des coupes dans les subventions aux énergies renouvelables. Ces coupes ont été aussi critiquées par les écologistes, mais seuls les investisseurs étrangers ont la possibilité de les attaquer en justice, et il va sans dire que s’ils gagnent, ce seront les citoyens espagnols, déjà largement affectés par la crise, qui paieront pour enrichir ces fonds d’investissements.
Si vous voulez en savoir plus vous pouvez lire l’article <Sur le site d’Agora Vox>

Lundi 17/03/2014

Lundi 17/03/2014
« La guerre de Crimée »
Napoléon III
L’actualité nous parle beaucoup de la Crimée. Or la Crimée c’est aussi une guerre qu’a menée la France au côté des britanniques et des Turcs contre la Russie tsariste (1853-1856).
La raison en était que la Russie souhaitait agrandir son territoire au détriment de l’Empire Ottoman. Les britanniques qui n’ont jamais supporté qu’un pays du continent tente d’augmenter sa puissance se sont alliés aux Turcs.
Napoléon III a trouvé pertinent de rentrer dans le jeu européen, à côté des britanniques, après le congrès de Vienne de 1815 qui avait marqué la fin des rêves de Napoléon 1er d’une France hégémonique.
Mais ce mot du jour fait suite à une revue de presse du week end d’Ivan Levai sur France Inter. Ivan Levai a 76 ans, c’est un homme d’une extraordinaire érudition et si sa revue de presse ne dit pas grand chose de l’actualité, elle parle énormément de l’Histoire.
Et Ivan Levai a rappelé ce que la guerre de Crimée a laissé comme traces à Paris. Je m’en suis inspiré et j’ai fait également quelques recherches complémentaires.
D’abord la station de métro Crimée sur la ligne 7 dans le XIXème et qui a été ouverte en 1910
L’appellation de cette station vient de la rue de Crimée homonyme, située à proximité et qui est la plus grande rue (2 540 m) du 19ème arrondissement de Paris.
Et puis il y a le boulevard Sébastopol, long de 1 332 mètres et large de 30, il part de la place du Châtelet et se poursuit au nord par le boulevard de Strasbourg.
Il sépare les 1er et 2e, d’une part, des 3e et 4e arrondissements d’autre part.
Et puis il y a parallèlement la station Réaumur – Sébastopol qui est une station des lignes 3 et 4. Elle prend ce nom le 15 octobre 1907.
Rappelons que le siège et la chute de Sébastopol constituent les éléments les plus importants de la guerre de Crimée et conduisent à sa conclusion
Pour défendre Sébastopol, les russes disposent d’un ouvrage fortifié qui s’appelle le fort de Malakoff.
Le 7 septembre 1855, le général Patrice de Mac Mahon attaque le fort de Malakoff, clé de la défense russe. Le lendemain, les Russes abandonnent la position après y avoir mis le feu. La tour Malakoff tombe aux mains des Français et des Britanniques. Par cette victoire, Mac Mahon passe à la postérité. C’est à ce moment qu’il prononce son fameux « J’y suis ! J’y reste ». L’exploit fut célébré dans toute l’Europe.
Et puis, en France, un certain Alexandre Chauvelot reconstitua la tour Malakoff au sud de Paris, au cœur de son nouveau jardin surnommé la nouvelle Californie. Et ensuite ce quartier de la ville de Vanves se sépara de sa commune originelle et prit tout naturellement le nom de Malakoff en 1883.
Evidemment, il y a L’avenue Mac-Mahon qui est une rue partant de la place de l’Etoile et arrivant sur l’avenue des Ternes. Sa longueur est de 402 mètres, et sa largeur de 36 mètres.
Et encore le Pont de l’Alma.
L’Alma est un fleuve de Crimée et a aussi été le lieu de la bataille de l’Alma (1854) en Crimée.
Ce pont relie le quai Branly (dans le 7e arrondissement, sur la rive gauche) à l’avenue de New-York (dans les 8e et 16e arrondissements, sur la rive droite).
Le pont est inauguré par Napoléon III le 2 avril 1856
L’extrémité nord du pont est desservie par la station du métro Alma – Marceau, et l’extrémité sud, par la gare du RER Pont de l’Alma.
Et puis il y a le Zouave du Pont de l’Alma
La statue du zouave sert d’instrument populaire de mesure des crues de la Seine. Lorsque le niveau de la Seine atteint les pieds de ce zouave, les voies sur berges sont en général fermées.
Lorsque l’eau monte jusqu’aux cuisses du zouave, la Seine n’est plus navigable. Lors de la crue historique de 1910, l’eau est montée jusqu’aux épaules.
Les zouaves étaient des unités d’infanterie légère appartenant à l’Armée d’Afrique qui dépendait de l’armée de terre française.
La guerre de Crimée est la première campagne des zouaves en dehors de l’Algérie.
En Crimée, à la bataille de l’Alma, le 3e régiment de zouaves prend par surprise les Russes en gravissant des escarpements rocheux, en s’emparant de leur artillerie puis en la retournant contre eux.
Cette action participa grandement à faire tourner la bataille en faveur des alliés.
Et c’est tout naturellement en hommage à cette victoire qu’est réalisé le zouave du pont de l’Alma, sur la Seine, à Paris.
J’arrête là, je suis sûr qu’il y aurait encore à trouver bien d’autres traces.
Le nouvel Obs publie sur son site <Des photographies de la guerre de Crimée en 1855> Tout au début de l’Histoire de la photographie.
Que le ciel vous tienne en joie et vous rappelle que l’on ne peut comprendre le monde que si on connaît un peu d’Histoire.

Vendredi 14 mars 2014

« »Errare humanum est, perseverare diabolicum »
« L’erreur est humaine, persévérer [dans son erreur] est diabolique »»
Citation parfois attribuée à Sénèque, mais probablement de manière impropre.

On retrouve des formes semblables chez des auteurs antérieurs tels :

  • Tite Live (Storie, VIII, 35) « Venia dignus est humanus error » (littéralement : « Chaque erreur humaine mérite le pardon ») ;
  • Cicéron « Cuiusvis est errare: nullius nisi insipientis, in errore perseverare » (littéralement : « L’erreur est une chose commune ; seul l’ignorant persévère dans l’erreur »).
  • Une autre forme assez proche fut publiée par Augustin d’Hipponedans Sermons (164, 14) : « Humanum fuit errare, diabolicum est per animositatem in errore manere » (littéralement : « Commettre des erreurs est le propre de l’humain, mais il est diabolique de persister dans l’erreur par orgueil »).

Je tire ce moment d’érudition de <wikipedia>

Le mot du jour aurait pu être « Passer par 7 proxy » parce que Xavier Porte cité dans le mot du jour d’hier s’est trompé ou a été abusé.

Il explique cela dans une nouvelle chronique publiée aussi sur <rue89> :  Passer par sept proxies » et autres expressions

Xavier de La Porte | France Culture :

« Mercredi, j’ai dit une bêtise.

[…] j’ai évoqué l’intervention d’Edward Snowden à la conférence South By South West à Austin (Texas).

L’ancien employé de la NSA à l’origine du dévoilement du système de surveillance mis en place par les Etats-Unis s’y exprimait en visioconférence depuis la Russie où il s’est réfugié.

Et, pour montrer les précautions prises par le jeune informaticien pour que l’origine de la communication ne soit pas identifiable, j’ai repris l’information donnée par son avocat qui a dit en introduction de la conférence qu’il serait « passé par sept proxies » (« through seven proxies »).

Et tout à fait doctement, je vous ai expliqué que les proxies étaient des intermédiaires entre des machines connectées, intermédiaires permettant l’anonymisation de la communication, et que Snowden était donc passé par sept de ces intermédiaires.

Et voici qu’un peu avant 17 heures Mercredi, le site Arrêt sur Image publie sous les doigts de Vincent Coquaz un petit papier instructif.

Où l’on apprend que « passer par sept proxies » (« trough seven proxies ») est une expression, qui ne signifie pas littéralement qu’on est passé par sept proxies, mais juste qu’on a été très prudent.

 Bon, déjà, en soi, c’est assez vexant. Mais ce qui est encore plus vexant, c’est que cette expression est une sorte de blague pour se moquer de ceux qui ne comprennent pas grand-chose aux technologies

et qui vont être très impressionnés par le fait qu’on puisse être passé par sept proxies. Et qu’en plus, c’est une vieille blague. Triplement vexant donc.

Même le Guardian s’est fait avoir…

Toute proportion gardée, c’est un peu comme si je vous avais expliqué en détail comment on fait passer un chameau par le chat d’une aiguille ou que je vous avais décrit précisément la route qu’il faut prendre pour se rendre à Pétaouchnok.

Je ne sais pas s’il faut en être rassuré, mais je n’ai pas été le seul à reprendre littéralement cette blague comme s’il s’agissait d’une information : Le Monde, CNN, Forbes et même le Guardian se sont fait avoir.

Une fois passée la blessure d’orgueil, que dire de cela ?

D’abord que même pour ceux que ça intéresse au quotidien, les cultures numériques conservent leur hermétisme.

 C’est encore le papier d’Arrêt sur images qui nous l’apprend, cette expression est née sur 4chan. 4chan, c’est un lieu passionnant.

Une sorte d’énorme forum, entièrement anglophone, entièrement anonyme, où des internautes discutent manga, jeux vidéo, musique, mais aussi sexe et politique

(4chan est un des points de ralliement des Anonymous, ces activistes numériques).

Je vous avouerai que c’est un lieu troublant, pour moi assez exotique. Mais s’y élabore une culture numérique, à la fois en termes de pratiques (le forum, le pseudonymat), mais aussi de représentations (la grande place de la culture japonaise) et de vocabulaire.

Avec des mots, des abréviations, et des expressions donc, qui naissent sur 4chan, s’y développent, et parfois en sortent. C’est manifestement le cas de l’expression « through seven proxies ».

« Ingooglelable », « bugger »…

Mais cette expression n’a manifestement pas encore franchi le cap, elle n’est pas encore entrée dans la langue, comme nombre d’autres mots et d’autres expressions provenant d’Internet. Elle a encore moins franchi cette étape supplémentaire, et signe de notre acculturation au numérique, qui consiste à sortir de la culture numérique pour être utilisée dans d’autres contextes que celui de l’informatique et d’Internet.

Regardez comme on parle couramment de « logiciel » pour désigner un corpus idéologique en politique (la droite doit « changer son logiciel ») ; de plus en plus on reproche à quelqu’un de « troller » une réunion ou une conversation (c’est-à-dire de s’y être comporté comme un troll sur un forum internet, en pourrissant la discussion), on dit aussi de quelqu’un qui se met soudainement à raconter n’importe quoi qu’il « bug ». Et tout le monde voit très bien ce qu’on entend par là.

Il faut se rassurer, ce phénomène n’est pas limité au français. En suédois, quand une personne est discrète au point qu’on a du mal à savoir quelque chose d’elle, on dit qu’elle est « ingooglelable ». En turc, j’aime beaucoup, les jeunes disent qu’ils ont « paramétré quelqu’un » quand ils l’ont remis à sa place, qu’ils lui ont cloué le bec (« paramétrer » quelqu’un sur un réseau social, c’est en gros lui limiter l’accès à une partie de nos contenus). En turc toujours, quand quelqu’un reste sans voix ou tient des propos incompréhensibles, on dit « Error vermek », mélange de turc et d’anglais qui signifie à peu près « il affiche erreur », comme un écran d’ordinateur. »

Bref nous sommes ainsi plus savant et nous ne répéterons pas avec « assurance » une expression qui ne correspond pas à la réalité.

Nous devons ce rectificatif à Vincent, heureux destinataire de ce mot du jour, et qui veillait au grain.

Que le ciel vous tienne en joie et vous éloigne de la persévérance dans l’erreur

<258>

Jeudi 13/03/2014

Jeudi 13/03/2014
« Aujourd’hui si on veut avoir des secrets,
il vaut mieux être un ingénieur système
qu’un ancien président de la république »
Xavier de la Porte
Notre ancien président a été écouté, cela a beaucoup surpris Xavier de la Porte qui réalise une chronique technique sur France Culture juste avant 9 heures.
Serait-ce le manque d’appétence de nos élites à l’égard de la technologie moderne ?
Xavier de la Porte nous rapporte en effet que Snowden est intervenu dans une conférence publique et que la NSA n’a pas été en mesure de repérer l’endroit d’où il intervenait…
Voici un extrait de cette chronique :
« Toute cette affaire d’écoute de l’ancien président de la République pose mille questions […] Mais il y a une qui m’est venue tout de suite à l’esprit et qu’on pose peu : comment se fait-il qu’il soit si facile, du point de vue technique, de mettre sur écoute un ancien président de la République ? Comment se fait-il que quelqu’un qui est assez au courant de ce qu’il est possible de faire en terme de surveillance (il a quand même été ministre de l’Intérieur et Président), qui aussi a les moyens de se faire conseiller (parmi les proches de Nicolas Sarkozy on compte quelques obsédés de la surveillance), comment se fait-il que quelqu’un qui a les moyens de se payer du matériel, qui se sait dans le viseur de la justice, qui veut manifestement avoir des conversations secrètes, comment se fait-il que cette personne ne trouve pas d’autre moyen de protéger ses communications que la multiplication des téléphones, inévitablement identifiés et mis sur écoute les uns après les autres ?
Soit Nicolas Sarkozy a d’autres canaux mieux sécurisés pour des conversations vraiment sensibles, soit il est d’une légèreté stupéfiante, victime d’une forme de dissonance cognitive qui mérite d’être étudiée. Car, oui, dans notre monde, il est très facile d’être mis sur écoute, très facile d’être surveillé, légalement ou pas. La question c’est : que fait-on de cela ?
Il y a deux jours, Edward Snowden, l’ancien employé de la NSA à l’origine du dévoilement du système de surveillance mis en place par les Américains, intervenait à la grande conférence technologique South by South Ouest qui se tient chaque année à Austin au Texas. Il intervenait en vidéo, depuis un lieu secret, en Russie où il s’est réfugié. Pour ne pas être tracée, la communication traversait sept proxy, c’est-à-dire sept serveurs l’anonymisant à chaque fois.
Cette intervention était la preuve en acte qu’on peut échapper à la surveillance. Et Edward Snowden l’a rappelé pendant cette intervention. Il a rappelé que l’on peut chiffrer les données, qu’on peut chiffrer les conversations. Et malicieusement, il a rappelé aussi qu’il avait été si prudent dans sa copie des documents de la NSA que la NSA n’était toujours pas en mesure de savoir quels documents qu’il avait copiés.
La morale : aujourd’hui si on veut avoir des secrets, il vaut mieux être un ingénieur système qu’un ancien président de la république. Mais il est possible d’avoir des secrets. Bien sûr, seulement c’est une conquête technologique. Il faut se donner un peu de mal. »
Voici l’article dans son intégralité où Xavier La Porte parle aussi d’un film de Francis Ford Coppola <ICI>