Mois : octobre 2015
Jeudi 29 octobre 2015
C’était le 27 octobre 2005, un jeudi, il y a 10 ans : deux jeunes fuyant la police à Clichy sous Bois, Zyed Benna et Bouna Traoré, pris de panique, vont se réfugier dans un transformateur électrique et y mourir électrocuté.
Pourquoi fuyaient-ils ?
Les raisons ne sont pas claires comme l’explique cet article du monde joint: <Le dernier jour de Bouna Traoré et Zyed Benna>
Le plus vraisemblable est qu’ils n’avaient rien à se reprocher, mais qu’ils se méfiaient des policiers et qu’ils ne voulaient pas être arrêtés de peur d’être disputés par leurs parents.
Et la mort insensée de ces deux enfants (15 ans et 17 ans) va déclencher de terribles émeutes dans la banlieue alentour qui amèneront à ce que le couvre-feu soit déclaré dans certaines villes et que les médias anglo-saxons annoncent au monde qu’il y avait des scènes de guerre à Paris.
C’est dans ces conditions, qu’un journaliste suisse, Serge Michel, récent lauréat du prix Albert-Londres (2001) pour son travail en Iran, envoyé par son journal suisse « L’Hebdo » vient enquêter. Il va s’immerger, pendant 3 mois, dans la ville voisine de Clichy, Bondy et va créer le Bondy Blog, media en ligne qui existe toujours aujourd’hui et qui a pour objectif de raconter les quartiers populaires et de faire entendre leur voix dans le grand débat national.
Serge Petit en est parti, ce média poursuit aujourd’hui un partenariat avec Libération.
L’Obs a récemment interviewé Serge Michel pour revenir sur ces évènements et plus largement sur la banlieue de Paris et le rapport entre les médias et ces territoires.
Et Le regard distant du journaliste suisse nous fait découvrir un point de vue très critique et perturbant.
[Quand je suis arrivé à Bondy à l’automne 2005] « Pour moi, c’étaient ces zones un peu grises, un peu tristes, que je traversais en TGV depuis Genève avant d’arriver à la gare de Lyon. Et le plus curieux, c’est que cette méconnaissance semblait partagée. Pour un reportage à Bagdad ou à Kaboul, on obtient ou on prépare une pile épaisse d’articles qui donnent des idées sur les personnes à voir, les sujets à traiter. Là, sur Bondy, je n’ai rien trouvé, au mieux deux papiers du Parisien sur l’inauguration de la bibliothèque ou un coupage de ruban à la mairie. »
[Il décide d’ouvrir un bureau permanent trois mois durant à Bondy]
« On a cherché un mode de traitement pertinent. L’idée d’une correspondance dans la durée, d’une immersion s’est imposée. En venant au journal, le matin, j’avais entendu un son sur les émeutes de la Radio suisse romande […]. Je connaissais bien la journaliste. C’était LA reporter de guerre de la RSR. Deux ou trois semaines plus tôt elle intervenait en direct de Beyrouth. Une reporter de guerre dans les banlieues françaises, ça m’a frappé, et ça m’a fait réfléchir. C’est sans doute cela qui m’a donné envie de couvrir le sujet d’une autre façon. Plus comme un correspondant que comme un envoyé spécial. »
[…] « On s’est concentré sur des portraits, des récits de vie ; on a raconté le quotidien, les kebabs, les transports, le foot ; on a essayé de comprendre qui sont ceux qui bossent et ceux qui ne bossent pas – tous ces papiers que vous ne pouvez faire qu’avec du temps, et qui permettent de comprendre un peu mieux les racines du malaise. Notre chance, c’était d’être présents sur place le matin, le soir et les week-ends, les moments où les banlieues-dortoirs vivent, et où les journalistes, paradoxalement, ne sont pas présents.
[…] Je crois que la situation des banlieues, sur le fond, intéressait peu les rédactions. Une anecdote : entre mon arrivée à la gare de Lyon et mon départ en RER pour Bondy, je suis passé par les locaux d’une grande rédaction pour qui j’avais travaillé au Moyen-Orient et dans les Balkans. Je connaissais toute l’équipe du service Etranger. Ils m’ont dit : « Ah Serge, qu’est-ce que tu fais là ? ». Je leur ai dit : « Je vais en banlieue », et ils m’ont tous regardé avec des regards atterrés, du genre « mon pauvre ! ». Pour un grand reporter français, la banlieue, c’est ce que l’on traverse quand on va prendre un avion à Roissy pour aller faire son métier.
Bagdad, c’est noble, et Bondy, c’est pour les types qui ont raté leur carrière et végètent au service Société. »
Pourtant le Bondy blog a connu un joli succès. Dix ans plus tard, il est toujours là…
« Disons qu’il a toujours été encadré par des journalistes professionnels, et que cela a aidé. La direction de l’Hebdo avait accepté que l’expérience dure trois mois. A l’approche de la date butoir, en février 2006, elle souhaitait passer à autre chose. De mon côté, je sentais qu’il y avait quelque chose d’important qui s’était mis en branle. J’ai proposé, qu’au lieu de fermer, on prenne une dizaine de jeunes de Bondy et qu’on les forme. Entre temps, le Seuil m’avait contacté pour tirer un livre des billets publiés en ligne, et avec les à-valoir du livre, on a pu payer le séjour des futurs Bondy-bloggers à Lausanne et leur transmettre les clés.
Enfin pas toutes les clés, puisque justement, plusieurs journalistes ont continué de s’investir avec une équipe d’encadrement locale. » […]
« Je pense que la France est assez unique dans la place centrale qu’occupe Paris, et dans la création tout autour d’une ceinture qui lui est à ce point étrangère.
Pour moi, la banlieue, c’est un peu Berlin-est. Pas beaucoup de lumière, pas beaucoup de travail, pas grand-chose dans les magasins et des gens dont la vie est plus difficile qu’intra-muros.
Paris, au contraire, c’est Berlin-ouest : la fête, l’argent, la légèreté… Ça peut paraître caricatural, mais cette frontière que représente le périphérique, je ne connais rien de similaire dans des pays développés. On ne retrouve pas ça à Londres, par exemple.»
Nommé N°2 du Monde, il raconte ses frustrations dans ce journal qui n’a en outre recruté aucun Bondy-Blogger, contrairement à TF1, France Inter, Canal + ou France 2. […et il ajoute]
« La France a un système très rodé de reproduction de ses élites, je n’invente rien sur le sujet, et être journaliste en France, contrairement à d’autres pays, notamment la Suisse, c’est appartenir à une élite.
La France, au-delà de ses proclamations d’égalité, c’est aussi une société attachée à ses privilèges, marquée par l’histoire du colonialisme, qui peine à s’ouvrir à l’autre. Et, oui, le banlieusard, dans cette configuration, reste un allogène.
Derrière les proclamations, le beur, le noir, pour beaucoup de journalistes français restent avant tout des sujets. Des collègues, non. Les rédactions font preuve d’une imperméabilité très forte aux gens venus d’ailleurs.»
Si vous voulez en savoir davantage sur cette expérience : https://fr.wikipedia.org/wiki/Bondy_Blog
Et bien sûr le lien vers le bondy Blog : https://www.bondyblog.fr/
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Mercredi, le 28/10/2015
alors pourquoi l’abandonnas-tu, donne m’en la raison »
Mardi, le 27/10/2015
Lundi, le 26/10/2015
Or ces données sont cruciales. Elles ont un impact considérable sur le débat public concernant la crise des migrants et les médias les reproduisent généralement très vite – d’autant plus quand elles révèlent une augmentation soudaine du nombre d’arrivées. Quant aux politiciens anti-immigration, prompts à considérer que l’Europe subit bel et bien une invasion, ils n’attendent que ce genre de chiffres pour appuyer leurs arguments en faveur d’une fermeture des frontières. Depuis quelque temps déjà, je nourrissais des doutes sur la façon dont Frontex collectait, agrégeait et présentait des données issues de diverses sources. Or je me suis aperçu, il y a peu, que l’agence confondait le nombre de passages de frontières avec celui des entrées effectives au sein de l’Union européenne (UE).
Or les deux ne se recoupent pas, comme le montre bien un examen attentif de l’itinéraire utilisé par les migrants depuis la Grèce à travers les Balkans. En effet, les personnes qui arrivent en Grèce sont comptabilisées par Frontex pour avoir franchi les frontières extérieures de l’Europe. Mais les mêmes quittent ensuite le territoire de l’UE pour traverser des pays comme l’Albanie, la Macédoine ou la Serbie, avant de « ré-entrer » en Hongrie ou en Croatie, et de rejoindre leur destination finale (par exemple l’Allemagne). Et si pour une raison ou pour une autre, un des pays européens les renvoie dans un pays de transit (comme la Hongrie l’a fait avec la Serbie voisine), les migrants vont traverser une troisième fois la frontière et être de nouveau comptabilisés par Frontex.
Je décide alors de questionner l’agence via Twitter : (@FrontexEU Comment pouvez-vous être sûrs de votre chiffre : tous les migrants ne sont pas identifiés et ils peuvent passer plusieurs fois la frontière ?)
À ma grande surprise, je reçois une réponse quelques minutes plus tard. Avec une remarquable honnêteté, Frontex admet avoir compté deux fois certains entrants dans l’Union. L’agence concède également que les migrants arrivant en Europe par des voies différentes sont probablement comptabilisés deux fois.
(@nandosigona Nos bilans mensuels incluent tous les franchissements des frontières extérieures de l’UE. Les personnes arrivant en Grèce seront de nouveau comptées si elles entrent en Hongrie.)
Je reste abasourdi de voir que l’agence rend publiques des données si politiquement sensibles (710 000 entrées) et de façon aussi légère. Frontex sait pourtant pertinemment que ces chiffres peuvent avoir des conséquences importantes sur la façon dont l’Europe réagit à la crise en cours. Je n’essaye pas ici de nier l’importance du flux migratoire auquel est actuellement confronté notre continent, mais simplement d’attirer l’attention sur les responsabilités qui incombent à l’agence chargée par l’Union européenne de coordonner la gestion de ses frontières.
En dépit de cette clarification et son aveu qu’une « grande partie » des personnes avaient été comptées deux fois, les gros titres de la presse ont continué à laisser penser que 710 000 migrants étaient bel et bien entrés au sein de l’Union européenne. Combien de journaux ont nuancé ce chiffre avec la mise en garde ajoutée à la hâte par Frontex ? Et combien l’ont tout simplement ignorée pour ne publier que le chiffre en question ?
Vendredi, le 23/10/2015
Le type I correspond à une civilisation qui aurait réussi à collecter l’ensemble de l’énergie disponible sur une même planète. Notre civilisation est presque à ce niveau, bien qu’il nous faudrait multiplier environ par 100 000 notre production énergétique pour y parvenir (de préférence avec des énergies renouvelables…)
Le type II, c’est une civilisation qui pourrait récolter toute l’énergie produite par une étoile.
Le type III, enfin, est celui d’une civilisation qui collecte l’énergie à l’échelle d’une galaxie.
Jeudi 22 octobre 2015
Aujourd’hui, je partage avec vous un article de Libération : <Perturbateurs endocriniens : comment les lobbys ont gagné>.
L’expression «perturbateur endocrinien» a été créée par Theo Colborn pour désigner tout agent chimique qui agit sur le système hormonal, et peut, de ce fait, être la cause d’anomalies physiologiques et de reproduction.
« Theo Colborn » est une femme comme son prénom ne l’indique pas. Américaine, elle était zoologiste et épidémiologiste. Née en 1927 à Plainfield, elle est décédée le 14 décembre 2014.
C’est en 1991, que Theo Colborn rassemble des scientifiques afin d’étudier l’effet des produits chimiques sur les hormones. L’expression perturbateur endocrinien est issue de leurs travaux.
Depuis lors, les effets des perturbateurs endocriniens sont recherchés puis observés : agissant à très petites doses, ils ont des effets sur la santé en altérant des fonctions telles que la croissance, le développement, le comportement et l’humeur, la production, le sommeil, la circulation sanguine, la fonction sexuelle et reproductrice.
Ces substances ont pour nom :
- parabènes,
- phtalates,
- bisphénol A,
- dioxines…
On les retrouve un peu partout, tant au travers des objets que nous utilisons quotidiennement, que par le biais de l’environnement. Ces perturbateurs endocriniens sont ainsi présents dans des produits aussi banals que des packagings de l’alimentation, des bouteilles en plastique, des lingettes pour bébés… et même dans les produits cosmétiques (crèmes, parfums, vernis, etc.).
L’article de Libération présente un livre qui décrit les méthodes des industriels pour obtenir de la Commission européenne l’inaction.
L’auteure est Stéphane Horel qui est journaliste indépendante et documentariste et qui explore l’impact du lobbying et des conflits d’intérêts sur les décisions politiques.
Son livre s’appelle <Intoxication> publié aux éditions de la découverte en octobre 2015.
Dans ce livre elle revient « sur un épisode récent (entre 2010 et fin 2013) et largement occulté, qui explique en grande partie l’immobilisme actuel : la guerre qui a eu lieu au sein des directions de la Commission européenne et qui a abouti à un enterrement du dossier. Ou plus exactement, dans le jargon, à lancer une «étude d’impact» qui a permis de repousser les échéances. Une histoire qui révèle les terribles batailles d’influence autour de la santé à Bruxelles.»
Stéphane Horel explique :
«Je passe des heures, des jours et des nuits à tout lire pour essayer de comprendre en direct ce qui se passe, et comment travaillent en direct les lobbys de toutes sortes».
En ce début octobre, dans la revue Endocrine Reviews (la plus ancienne revue et importante société savante spécialisée travaillant à la recherche sur les hormones et la pratique clinique de l’endocrinologie), un travail de synthèse a été réalisé, dont les conclusions sont sans appel :
«L’accroissement des données examinées enlève tout doute sur le fait que les perturbateurs endocriniens contribuent à l’augmentation de la prévalence de maladies chroniques liées à l’obésité, le diabète sucré, la reproduction, la thyroïde, les cancers, les problèmes neuroendocriniens et affectant les fonctions neurologiques du développement.»
Les chercheurs précisent même que
«Les cinq dernières années représentent un bond en avant dans notre compréhension des modes d’actions des PE sur la santé et la maladie du système endocrinien».
En 2006, la Commission a entamé sa révision de la réglementation des pesticides. Et elle a décidé d’y inclure les PE. Problème : comment les distinguer, comment les définir ? Le Parlement s’y penche, et demande à la Commission de présenter une définition scientifique des PE avant la fin 2013. […]
Au même moment, en 2006, les instances européennes adoptent Reach, un vaste programme dont le but est de protéger la santé et l’environnement en mettant un peu d’ordre dans le grand bazar chimique qu’est devenu le monde contemporain. «Les PE font-ils partie des substances préoccupantes
?» s’interroge alors Reach.
La question, là encore, reste en suspens, mais Reach demande à la commission de trancher, avec la même date limite : juin 2013.
L’industrie pétrochimique sent le danger.
«Elle se met, alors, sur le pied de guerre, écrit Stéphane Horel, l’industrie aurait souhaité que les politiques européennes se désintéressent du dossier. Elle a perdu cette première bataille, mais elle va se mobiliser pour faire en sorte que la définition des PE soit aussi limitée que possible, parce qu’elle veut continuer à mettre ses produits sur le marché sans que n’intervienne le moindre régulateur.» Commence donc une bataille d’influence. Homérique mais discrète, elle aura pour cadre les couloirs de la Commission européenne, à Bruxelles. Et c’est cet affrontement que nous décrit, dans son livre enquête, Stéphane Horel, et en particulier les derniers épisodes en 2012 et 2013. Un affrontement larvé, torve, terriblement féroce entre deux grandes directions de la Commission européenne, celle sur la santé et celle sur l’environnement. […] »
Pendant des mois et des mois, les deux directions vont s’invectiver en secret autour de la question d’une étude d’impact que pousse habilement l’industrie pétrochimique. Une étude d’impact, quoi de mieux, en effet, pour enterrer une décision ?
[…] «Le but des industriels est de techniciser à outrance le débat, pour arriver à le rendre incompréhensible, et surtout à le rendre indéchiffrable aux yeux des citoyens», analyse Stéphane Horel.
[…] Les médias ? «Pendant ces années de lobbying, ils ont joué un rôle très limité, constate Stéphane Horel, et puis en France, dès qu’il s’agit d’un sujet européen, les journaux ont peur d’ennuyer.»
Juin 2013, la date couperet. Le lobby des industries a gagné, comme le raconte Stéphane Horel. La Commission européenne a tranché.
Et a demandé une étude d’impact. Ceux qui s’alarmaient sur l’intérêt d’un tel travail ont eu raison : deux ans plus tard, rien n’a bougé.
On en est toujours là.
Et on attend toujours.
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Mercredi, le 21/10/2015
La commissaire européenne chargée du commerce et donc des négociations du TTIP ou TAFTA
Mardi 20 octobre 2015
Cette photo montre une image du matériau le plus léger du monde : le micro-lattice en suspension au-dessus des aigrettes d’un pissenlit.
Un matériau 100 fois plus léger que le polystyrène et capable d’absorber de grandes quantités d’énergie.
«Nous avons réussi à créer le matériau le plus léger au monde», affirme la chercheuse Sofia Young. Il a été développé par les laboratoires HRL
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lundi 19 octobre 2015
La violence n’a jamais cessé sur la terre de Palestine et d’Israël, mais <Une nouvelle étape a été franchie et on parle désormais d’une intifada des couteaux>
Samedi <Les Echos> comptaient 41 palestiniens et 7 israéliens tués en deux semaines.
Et hier dimanche, un attentat s’est produit à la gare des autobus de Beer Sheva, dans le sud d’Israël. Deux Palestiniens ont tiré dans la foule et poignardé plusieurs personnes, avant que les forces de sécurité ne répliquent.
Et en France, nous se sommes informés qu’en partie des faits de violence qui se déroulent sur ces lieux.
Avant ces faits, le conflit israélo palestinien était sorti des radars, on ne parlait plus que de la Syrie, de l’Irak et même du Yemen mais plus de la Palestine. Obama dans son discours à l’ONU, il y a quelques jours, n’a pas eu un mot pour la Palestine. Mahmoud Abbas a dit cette même tribune de l’ONU que les accords d’Oslo étaient enterrés et qu’il faudrait peut-être dissoudre l’Autorité Palestinienne.
Comment mieux dire qu’il n’y croit plus.
Depuis l’assassinat de Rabin, il n’y a plus d’homme d’Etat capable du côté israélien de mener son peuple à la paix et il faut bien le reconnaître il n’y a pas non plus d’homme d’Etat de ce niveau du côté palestinien.
Il y a quelques jours j’avais emprunté un mot du jour à une parole de Dominique Moïsi sur la guerre en Syrie et je fais à nouveau appel à lui aujourd’hui.
Il a, en effet, été l’invité de l’émission de Nicolas Demorand du 14 octobre 2015 :
Dominique Moïsi est juif, il a cru en l’Etat d’Israël et il a cru en la paix. Et aujourd’hui au bout des désillusions il se pose des questions existentielles et analyse les regards croisés et hostiles de ces deux peuples à l’aune de l’Histoire.
Dans le début l’émission, il fait d’abord parler son émotion et son désespoir en parlant de «la chronique d’une catastrophe annoncée»
Et il ajoute :
«Je ne suis pas surpris. On s’attendait à une telle explosion. Personne ne s’intéresse plus au problème israélo-palestinien. Les jeunes palestiniens en particulier ceux de Jérusalem ne croient plus à la politique, ni au Hamas, ni à l’autorité palestinienne. C’est une manière à eux de se rappeler à l’actualité. Il y a eu des événements qui ont attisé le ressentiment d’abord le bébé de 19 mois brûlé vif dans sa maison enflammée par des colons israéliens. Ses deux parents sont morts aussi. Et puis il y a ces rumeurs sur le changement de statut du Dôme du rocher, de la mosquée Al Aqsar. Cela ramène le conflit à un niveau qu’on avait oublié et qui le rend encore plus impossible à régler : c’est un conflit religieux.»
Demorand lui dit alors : «Je vous sens accablé»
Moisi :
« Oui ! Oui ! Il y a quelque chose de désespérant pour quelqu’un qui comme moi a cru profondément aux accords d’Oslo.
J’ai un souvenir : J’ai passé une nuit à boire du champagne avec le poète palestinien Mahmoud Darwich. Nous nous sommes embrassés. Nous avons cru qu’entre juifs et palestiniens, le problème pouvait être dépassé.
Et là…
Est-ce que nous avons rêvé ? Depuis le début ? Depuis l’assassinat d’Yitzhak Rabin ? Est-ce que nous avons continué à rêver en pensant que la communauté internationale et les Etats-Unis allaient imposer une solution ?
Aujourd’hui, il y a un sentiment de vide absolu. Il n’y a pas de petite lumière au fond du tunnel.
Il n’y a pas de pression qui va venir de l’extérieur.
Chacun est laissé, seul :
– face à sa peur du changement, sa volonté de préserver à tout prix le statu quo du côté israélien;
– face à son absence totale d’espoir du côté palestinien.»
Et il décrit « Une glaciation longue entre les deux parties, avec des murs des check points partout transformant Jérusalem en Berlin de la guerre froide.» Cela lui semble l’hypothèse la plus vraisemblable.
Il envisage ensuite le conflit du point de vue des Arabes et les solutions qui ont été envisagées :
« Une grande partie des palestiniens et des arabes rêvent que le problème israélien va disparaître. Qu’en gros les israéliens sont en Palestine, comme les Français étaient en Algérie et qu’à un moment donné, ils se retireront. Dans une partie du discours arabe : Ce sont les croisés du Royaume de Jérusalem ils vont partir et le sable du désert recouvrira leurs constructions arrogantes et intolérantes.
Mais ce n’est pas la réalité et le rapport des forces sur le plan militaire joue toujours majoritairement en faveur des israéliens.
Plus personne ne croit à la solution des deux Etats qui étaient la seule légitime et qui faisait sens.
Un Etat binational semble aussi totalement hors de portée étant donné les haines actuelles.
Certains imaginent une 3ème solution d’une confédération avec un 3ème acteur qui est la Jordanie. Cette confédération pourrait se réunir sur l’Economie. Mais cette solution ne semble pas non plus viable dans le contexte actuel.»
Il n’existe donc pas de solution aux yeux de Moisi.
Et c’est alors qu’il plonge dans le cœur du problème et dévoile une question existentielle. Voici la suite de ce dialogue entre Nicolas Demorand (ND) et Dominique Moïsi (DM)
« DM – Pas de solutions, c’est un échec absolu et qui bien entendu vous amène à vous poser des questions fondamentales, existentielles.
ND – Lesquelles ?
DM – Et si c’était une fausse bonne idée que d’avoir créé l’état d’Israël, dès le départ ?
ND – Vous dîtes cela vous ?
DM – Je dis qu’en réalité, c’est une question que les historiens se poseront. Parce qu’il y a un conflit de calendrier fondamental.
Quand Israël naît sur les fonts baptismaux de la communauté internationale en 1948, c’est au moment où commence le grand mouvement de décolonisation dans le monde. Pour le monde Arabe, c’est le dernier phénomène colonial de l’histoire européenne qui est anachronique.
Pour les Israéliens, c’est avec quelque retard, le dernier phénomène national de l’histoire européenne du 19ème siècle. Les Allemands ont un état, les Italiens ont un état.
Pourquoi pas les juifs ?
Et en fait ce conflit de calendrier n’a jamais été surmonté.
Dès le début, une immense majorité des arabes n’accepte pas que l’Europe paye ses péchés sur le dos des Palestiniens.
Et une grande partie des Israéliens a du mal à intégrer le fait qu’en réalité, il y a les Palestiniens sur ces territoires. (…) »
En 1950, Einstein publia la déclaration suivante sur la question du sionisme. Ce discours avait été initialement prononcé devant la National Labor Committee for Palestine (Commission national de travail pour la Palestine), à New York, le 17 avril 1938, mais Einstein l’avait ressortie en 1950, après la création de l’État d’Israël :
« Je verrais bien davantage un arrangement raisonnable avec les Arabes, sur base d’une coexistence pacifique, que la création d’un État juif. En dehors des considérations pratiques, ma connaissance de la nature essentielle du judaïsme résiste à l’idée d’un État juif avec des frontières, une armée et un projet de pouvoir temporel, aussi modeste soit-il. J’appréhende les dégâts internes que pourra provoquer le judaïsme – particulièrement à partir du développement d’un nationalisme étroit dans nos propres rangs et contre lequel il nous a déjà fallu nous battre sans État juif. »
Je finirais par Arun Gandhi, petit fils du Mahatma Gandhi qui vient de publier un livre «Mon Grand Père était Gandhi» et il dit : «Pour obtenir la paix, le pardon reste incontournable. Si nous ne pardonnons pas, nous ne grandirons pas».
Mais le pardon semble si loin.
Même si je comprends la peur et l’angoisse des juifs israéliens devant cette situation, il n’est pas possible de ne pas répéter que s’il faut être deux pour faire la paix, la plus grande part de la responsabilité est du côté d’Israël notamment par sa politique de colonisation insensée et intolérante qui rend impossible les deux États, seule solution légitime dit Moïsi.
L’existence de l’État d’Israël peut-elle rester légitime, en l’absence de son alter ego Palestinien ?
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