« 30% de calories en moins, c’est 20% de vie en plus ».
Frédéric Saldmann
Evidemment si vous espériez que cette série de mots du jour réponde à la question de savoir si la meilleure huile est l’huile d’olive ou l’huile de colza vous ne pouvez être que déçu.
Mais, dans le premier article qui a introduit cette série, « L’homme est ce qu’il mange » j’avais prévenu :
« Pour celles et ceux qui espèrent trouver des réponses dans ces mots du jour, je ne peux que reconnaître que cet espoir n’a aucune chance de prospérer.
Mais notre expérience nous l’a appris, pour progresser ce qui est fondamental ce n’est pas de trouver les réponses, mais c’est d’abord de poser les bonnes questions. »
Alors pour avoir de bons conseils pour manger, la troisième émission du sens des choses : <Comment faudrait-il manger aujourd’hui pour tirer le meilleur de son corps et de son esprit ?> aurait pu servir à cette fin
Jacques Attali et Stéphanie Bonvicini avaient, dans ce but, invité le médecin nutritionniste Frédéric Saldmann.
En fait, Frédéric Saldmann est un médecin qui a d’abord appris à la faculté de médecine la cardiologie.
Il raconte qu’il souffrait d’obésité et que cela lui a valu des problèmes de santé. Quand il a consulté un confrère ce dernier lui a prescrit tout un paquet de médicaments.
Frédéric Saldmann a décidé de ne pas prendre ces médicaments et de changer radicalement son alimentation. Il a perdu 25 kilos, n’était plus malade, a décidé d’écrire des livres et de devenir nutritionniste.
Tout au long de l’émission, il a lancé des affirmations avec un ton extrêmement convaincant.
Il a parlé notamment de deux patients qui sont venus le voir, tous les deux avaient le cancer.
Et chacun des deux affirmaient manger très sainement et avec beaucoup de soins.
Avec un questionnement approfondi il a pu découvrir que le premier patient buvait des boissons brulantes ce qui est propice au cancer de l’œsophage qu’il avait. Le second faisait beaucoup de barbecue et aimait manger la viande très grillé, brulé. Le cancer du côlon en était la conséquence.
Le conseil est donc de ne pas boire trop chaud et de ne pas manger de la viande carbonisée.
Ceci s’entend, je l’ai lu ailleurs et c’est très probablement exact.
Mais pour la viande carbonisée il affirme : 3 cm de croute brulée c’est comme fumer 200 cigarettes !
C’est probablement plus convainquant avec des chiffres !
Il m’étonnerait beaucoup qu’une étude ait été menée pour parvenir à cette comparaison…
Et puis il a aussi avancé cette « vérité » :
« 30% de calories en moins, c’est 20% de vie en plus ».
D’où sort-il ces chiffres ? Mystère.
C’est le type de message qui immédiatement mobilise mes capteurs d’alertes. Le doute surgit !
Si ce cardiologue devenu nutritionniste avance des arguments de ce type sans preuve peut-on croire le reste de ces affirmations ?
Il dit qu’il ne faut pas seulement se focaliser sur les calories mais aussi sur l’indice glycémique des aliments.
L’index glycémique permet de comparer des portions d’aliments qui renferment le même poids de glucide en fonction de leur capacité à élever le taux de sucre dans le sang (glycémie). Il indique à quelle vitesse le glucose d’un aliment se retrouve dans le sang.
Frédéric Saldmann donne alors comme exemple la pastèque qui a peu de calories mais un index glycémique élevé. Quand vous mangez des pastèques, cela va faire sécréter énormément d’insuline par le pancréas, le sucre va se transformer en graisse et va créer de l’inflammation. Et il compare à un avocat qui a un index glycémique proche de zéro, il n’a aucun effet inflammatoire. Et quand on prend un burger frites, ce qu’il ne faut pas faire selon F.S., l’avocat fait baisser de 30% l’effet inflammatoire de ce mauvais repas. Toujours des chiffres pour crédibiliser l’argument.
Il donne aussi comme conseil au milieu du repas de s’arrêter de manger pendant 3 minutes et au bout de l’attente de vérifier si on a toujours faim. Et bien sûr de s’arrêter si on constate le contraire. C’est certainement un bon conseil.
Comme celui de manger beaucoup de légumes et de fibres.
Il parle des « aliments retards » comme les sardines, les maquereaux, les poivrons grillés qui restent très longuement dans l’estomac et permettent ainsi d’éviter d’avoir faim rapidement.
Par contre quand il conseille de commencer le repas avec une banane nappée de chocolat à plus de 80% pour couper la faim on peut s’interroger.
De mettre de la cannelle sur les pommes ?
Et puis c’est un adepte du jeûne intermittent que lui appelle séquentiel. Il dit :
« On arrive à un moment très paradoxal. Pendant très longtemps les humains se sont battus, ont lutté pour se nourrir, avec leur force. Et aujourd’hui, cette abondance nous nuit.
Je m’interroge beaucoup à un sujet qui est le jeûne séquentiel.
C’est-à-dire entre 12 à 16 heures, vous décidez d’arrêter de vous alimenter. Vous buvez beaucoup d’eau de la tisane, du thé. Vous arrêtez de diner à 21 heures et vous déjeunez à 13 heures.
A ce moment-là, vous vous apercevrez que le teint est plus clair, que vous êtes plus tonique, qu’il y a moins d’asthme et moins de rhumatisme.
Qu’est ce qui se passe ?
A chaque seconde, on produit 20 000 000 de cellules, pour remplacer nos cellules usées ou mortes. Le problème c’est que plus on avance en âge, plus le nombre d’erreur de copies augmentent, donnant lieu à des cancers. Quand on jeûne, on renforce son ADN, on diminue le nombre d’erreurs de copie. »
<Il répète cette injonction dans cet entretien>
Mais parallèlement, dans ce même entretien il prétend qu’il faut le faire de manière occasionnelle, une fois par semaine peut être. Et aussi qu’il faut le faire avec l’accord du médecin traitant.
Mais, en même temps, il prétend que 3 repas c’est trop dans une journée et il préconise deux repas. C’est-à-dire que si vous faites au plus équilibré, il y aura au moins douze heures entre deux repas Et si vous équilibrez moins la journée, vous arriverez à plus de 12 heures pour l’un des entractes entre les deux repas. Or, le jeûne séquentiel est justement une interruption entre les deux repas entre 12 et 16 heures.
Il parait donc contradictoire de prétendre d’une part qu’il faut que le jeûne séquentiel soit épisodique et d’autre part en faire une norme.
Ceci m’a conduit à essayer de cerner le sérieux et l’activité de ce docteur Saldmann
J’ai d’abord trouvé cet article très critique de Libération pour la sortie de son ouvrage « «Le meilleur médicament, c’est vous !» : <Avaler des évidences plutôt que des cachets> et cet autre article <Astuces du Dr Saldmann pour mourir en forme> sur un autre livre, best-seller du cardiologue reconverti : « Prenez votre santé en main ! »
Nous pouvons penser que « Libération » est injuste avec ce « nutritionniste » mondialement connu.
A priori <Wikipedia> soutient Libération :
« Frédéric Saldmann, […] est un médecin cardiologue, nutritionniste et chef d’entreprise français. Il a présidé les sociétés commerciales SPRIM et EQUITABLE jusqu’en 2014.
Il est l’auteur de nombreux ouvrages sur la santé et l’hygiène alimentaire, et intervient régulièrement dans les médias.
Certaines affirmations contenues dans ses ouvrages sont critiquées, concernant l’interprétation peu rigoureuse qu’il fait de recherches et statistiques. […]
Il a présidé les sociétés de conseil en affaires et gestion SPRIM — laquelle conseille des multinationales de l’agroalimentaire comme Danone, Nestlé, Coca-Cola, Herta ou encore Blédina — et EQUITABLE jusqu’en 2014.
Sa troisième épouse, Marie Saldmann, préside les deux sociétés depuis cette date. […]
Il dirige avec Gérard Friedlander, une société commerciale, l’Institut européen d’expertise en physiologie (IEEP) qui fait « l’interface entre groupes industriels et monde académique ». L’IEEP est largement financé par les dépenses de recherche de Coca-Cola, ayant reçu près de 720 000 euros au cours de la période 2010-2014 pour un « projet de recherche sur les édulcorants intenses », alors que « la multinationale aménage de multiples clauses pour exercer une influence sur les travaux scientifiques qu’elle sponsorise. ». […]
Lors de plusieurs prises de positions, Frédéric Saldmann émet des recommandations alimentaires basées sur des études observationnelles. Bien que ce type d’étude permette de mesurer des corrélations (par exemple entre comportement et état de santé), cela ne suffit pas à établir un lien de causalité et permet tout au plus d’aider à proposer des actions de prévention et non d’établir un traitement.
Il affirme que le chocolat noir 100 % permet de réguler son poids, notamment grâce à son effet coupe-faim dans le livre « Le Meilleur Médicament c’est vous », ainsi que lors de la promotion du livre dans les médias. Il cite pour cela une étude réalisée par Beatrice Golomb de l’Université de Californie à San Diego ayant relevé une corrélation entre poids et la consommation régulière de chocolat. Cependant, l’étude est critiquée pour sa méthodologie car celle-ci ne permet pas d’établir un lien de cause à effet. Elle est également citée comme principal exemple de mauvaise interprétation des recherches scientifiques dans le documentaire Pour maigrir, mangez du chocolat ! Vérité scientifique ou manipulation ? (Arte, 2015). Cette corrélation du chocolat est connue dans le milieu scientifique comme un exemple caricatural de junk science (« science poubelle », publications racoleuses et peu fiables destinées essentiellement à la viralité médiatique). »
La journaliste Sophie des Déserts lui a consacré également un article documenté et peu favorable : « Docteur Frédéric Saldmann, médecin et gourou du Tout-Paris »
C’est un article est très long. Je n’en tire que 3 extraits : d’abord sur la clientèle.
« Le docteur Saldmann reçoit sur rendez-vous, deux ou trois matinées par semaine, à l’hôpital européen Georges Pompidou, joyau de la médecine publique. Deuxième étage, service des « explorations fonctionnelles ». Il n’est pas souvent là mais il est réputé pour son goût des lumières (des caméras de télé le filment souvent, aux yeux de tous, sur la passerelle du grand hall) et pour la renommée de sa patientèle. Quand on évoque celle-ci, il oppose un strict secret professionnel et refuse de donner le moindre nom. Isabelle Adjani ou Roman Polanski ? « Des amis », se contente-t-il de préciser. Mais dans le couloir, on peut croiser Bernard Tapie, Jack Lang, Claude Lelouch ou Charlotte Rampling. »
Bien sûr, selon votre degré de célébrité vous n’êtes pas reçu dans les mêmes délais.
« Cardiologue, nutritionniste, expert autoproclamé en médecine prédictive (une discipline non reconnue par la faculté de médecine), fondu de médecine chinoise et de méditation, Saldmann est le nouvel oracle du bien-être et de l’éternelle jeunesse. Cet homme-là prétend que tout est affaire de volonté et d’attention à son corps. Que la retraite est la pire des défaites. Que l’on peut à tout âge faire l’amour et gravir des montagnes. Vivre cent cinquante ans et bientôt peut-être plus encore. Les baby-boomers adorent, a fortiori quand ils sont célèbres, fortunés, puissants mais tellement démunis pour affronter les affres du temps. Saldmann est leur Dieu, non pas parce qu’il consulte au tarif sécu (la plupart de ses patients n’ont pas de problèmes de fins de mois), mais parce qu’il leur offre, sous le label de l’assistance publique, une médecine haute couture, un service personnalisé, rapide et efficace. Un patient recommandé peut être reçu dans les quarante-huit heures. Pour le quidam, c’est évidemment beaucoup plus long. « J’ai un rendez-vous le 15 novembre à 14 heures », m’a proposé sa secrétaire d’une voix désabusée. Nous étions en décembre, s’agissait-il d’une erreur?? « Non, c’est bien cela, comptez un peu moins d’un an. Le planning est plein. » »
Il sait parler de tout, a un avis sur tout et surtout gère bien ses affaires.
L’ouvrage est à son image, un curieux mélange de pragmatisme et d’érudition, d’argumentations solides et de fantaisies. On y trouve des citations de Montaigne, Woody Allen, Pierre Dac (« L’éternuement est l’orgasme du pauvre »), des leçons de choses, d’hygiène, des recettes de grands-mères, quelques envolées futuristes, de la psychologie positive et beaucoup de bonnes nouvelles. La génétique ne pèse que 15 %, la libido masculine s’entretient ad vitam æternam et la ménopause, avec une bonne hygiène de vie, peut reculer de sept ans?! Il est question de sexe, de stress, d’épices, de méditation et même de constipation. « Avec un petit tabouret devant soi sur le trône, jambes allongées, l’angle ano-rectal est moins fermé, le transit facilité. On gagne une heure par semaine et un ventre plat?! […]
Pédagogue, toujours disponible, il est devenu ce qu’on appelle un « bon client ». Il peut causer de tout, des bienfaits de l’écharpe, de la carotte et du poivre, des allergies, de l’éjaculation précoce, de la chirurgie esthétique et du réchauffement climatique. Et pendant ce temps, loin des projecteurs, le cardiologue mène tranquillement son autre vie, de businessman. »
On apprend aussi qu’il est un grand ami de BHL et bien d’autres informations très surprenantes sur cet homme énigmatique qui a l’air de tout comprendre et de tout savoir sur l’alimentation.
Pour ma part je suis très sceptique sur l’accumulation des livres, des conseils, et détails chiffrés que présente ce médecin, devenu homme d’affaires.
C’est très compliqué de rencontrer des personnes sérieuses sur ce sujet.
La série sur l’alimentation n’est pas terminée par cet article, il y a encore beaucoup à dire sur le sucre, l’obésité, la capacité de la terre de nourrir 10 milliards d’individus, de la grandeur et des « arrangements » du bio et de tant d’autres sujets.
Mais provisoirement je suspends cette série.
A partir de vendredi, le mot du jour se mettra dans une longue pause estivale.
D’ici là, j’ai prévu 3 mots du jour sur d’autres sujets, à partir de demain.
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