Mercredi 6 mars 2024

« Mais cette loi (sur l’IVG) on la doit aussi à un homme Valéry Giscard d’Estaing »
Simone Veil

Pour une fois, la France a réalisé un progrès sociétal avant tous les autres : inscrire la liberté des femmes à interrompre une grossesse dans sa loi fondamentale.

Le Chili l’avait tenté lors de la rédaction de sa nouvelle constitution qui devait remplacer celle qui avait été mise en place sous la dictature du sinistre Augusto Pinochet. Mais par deux fois, cette tentative de nouvelle constitution a été rejetée par les électeurs chiliens en 2023. Par voie de conséquence, la disposition concernant l’avortement n’a pas pu entrer en vigueur.

C’est donc la France qui dans l’article 34 de sa Constitution a proclamé :

« La liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse »

Il fallait après le vote positif sur le même texte par l’Assemblée Nationale et le Sénat, que les deux assemblées réunies en Congrès votent la modification à la majorité des 3/5ème

La majorité des 3/5ème représentait 60,1 % des exprimés, le résultat du 4 mars 2024, fut de 91,5% pour l’adoption de la réforme de la constitution.

<L’église catholique a protesté> contre cette expression de la souveraineté d’un pays laïc.

Cette protestation est-elle légitime ?

Je ne le crois pas.

Dans un billet flamboyant <Sophia Aram> a cité un extrait d’une homélie de Michel Aupetit, archevêque de Paris :

« Satan déteste la vie, toute la culture de mort, de l’avortement à l’euthanasie en passant par la destruction d’embryons surnuméraires et la réduction embryonnaire est son œuvre à lui Satan »

C’est sa croyance, c’est son récit. Il a le droit de le croire. Des hommes et des femmes peuvent librement adhérer à ce récit. Ils seront alors catholiques. Et Monsieur Aupetit comme Monsieur Jorge Mario Bergoglio, responsable de cette église peuvent légitimement dire à celles qui adhérent au même récit qu’eux que si elles veulent suivre l’enseignement de cette église, elles ne devraient pas avorter.

Mais l’un comme l’autre n’a rien à dire aux représentants légitimes du Peuple français qui décident quelle est la Loi de la France et quelle est la Constitution de la France.

Il me semble que nous devons reprendre le flambeau de nos libérateurs de la troisième république pour stopper la prétention revigorée des religieux de tout bord, de vouloir imposer leurs croyances, leurs tabous et leurs interdits à la République française qui n’est soumis à aucun Dieu, mais à la volonté du Peuple souverain.

Mais la raison principale de ce mot du jour est autre.

J’aime la vérité historique et quand des faits sont établis clairement, les rappeler.

Pendant cette réforme, seule Simone Veil a été évoquée pour rappeler son rôle dans la loi de 1975 qui n’était pas une loi pour le droit à l’avortement mais une loi qui dépénalisait l’interruption volontaire de grossesse.

Comme le disait Simone Veil elle-même :

« Mais cette loi (sur l’IVG) on la doit aussi à un homme Valéry Giscard d’Estaing »

J’avais expliqué le rôle de Giscard d’Estaing et le hasard que ce soit Simone Veil qui porta cette réforme : « Mémoire et Histoire du droit à l’avortement »

J’ai beaucoup d’admiration et d’affection pour Simone Veil. Je l’ai écrit dans plusieurs mots du jour.

Rien de tel à l’égard de Valéry Giscard d’Estaing.

Mais c’est lui, alors que sa Foi et son milieu familial et politique s’opposaient à cette évolution, qui à l’écoute de l’évolution de la Société et de l’injustice commise à l’égard des femmes qui n’avaient pas les moyens d’aller à l’étranger avorter dans des conditions sanitaires sécurisées, a promis, lors de la campagne présidentielle de 1974, de réaliser cette réforme s’il était élu président de la république.

Il a agi en homme d’État, contre la majorité qui l’avait élu. D’ailleurs, à l’Assemblée Nationale sa majorité présidentielle vota contre la Loi. On lit dans Wikipedia :

« Après quelque vingt-cinq heures de débats animés par 74 orateurs, la loi est finalement adoptée par l’Assemblée le 29 novembre 1974 à 3 h 40 du matin par 284 voix contre 189, grâce à la quasi-totalité des votes des députés des partis de la gauche et du centre, et malgré l’opposition de la majeure partie – mais pas de la totalité des députés de la droite, […] dont est pourtant issu le gouvernement dont fait partie Simone Veil. »

Valéry Giscard d’Estaing est mort deux jours après Anne Sylvestre le 2 décembre 2020, des suites du COVID19, à 94 ans.

Je ne lui avais pas rendu hommage alors parce que j’ai consacré ce moment à Anne Sylvestre.

Car, il mérite qu’on lui rende hommage : il a modernisé la France et réalisé plusieurs évolutions majeures, souvent contre l’avis des groupes politiques qui le soutenaient.

Ainsi il a demandé au parlement d’abaisser l’âge de la majorité. Ce fut une loi du 5 juillet 1974 qui abaissa la majorité à 18 ans alors qu’elle était fixée à 21 ans pour tous depuis 1907 (25 ans auparavant pour les hommes). Cette mesure avait alors permis à près de 2,4 millions de Français concernés d’accéder au droit de vote. Au Royaume-Uni, la mesure était déjà en vigueur depuis 1970, et depuis 1969 en Allemagne.

Il est probable que sa défaite de 1981 contre Mitterrand fut en grande partie causée par cette évolution. Je ne dispose pas du vote au second tour des électeurs de 18 à 21 ans. Mais de celui  des électeurs de 18 à 24 ans et ils votèrent à 63% pour Mitterrand et à 37% pour Giscard d’Estaing.

Valéry Giscard d’Estaing, lors de cette campagne de 1981, refusa la proposition de ses conseillers qui voulaient révéler les rapports troubles de Mitterrand avec le Régime de Vichy et la décoration de la francisque par Pétain. Il rejeta cela parce qu’il trouvait ces méthodes indignes d’une campagne présidentielle.

C’est aussi dans la première année de son mandat, par la loi du 4 décembre 1974, qui comporte plusieurs dispositions relatives à la régulation des naissances, que fut acté le remboursement de la pilule par la Sécurité sociale. Par cette Loi, la contraception devient “un droit individuel”, avec la possibilité de délivrer une contraception aux mineures sans limite d’âge et sans autorisation parentale.

C’est encore sous le mandat de Valéry Giscard d’Estaing qu’est adoptée la loi du 11 juillet 1975 introduisant la notion de « consentement mutuel » dans le divorce. Les demandes devaient être auparavant motivées par une faute commise par l’un des deux époux. « Lorsque les époux demandent ensemble le divorce, ils n’ont pas à en faire connaître la cause », explique le nouveau texte. « Ils doivent seulement soumettre à l’approbation du juge un projet de convention qui en règle les conséquences. »

Il y eut également cette évolution majeure de nos institutions par la révision constitutionnelle du 29 octobre 1974 qui donne aux parlementaires (60 députés ou sénateurs) la possibilité de contester la constitutionnalité d’une loi. Auparavant, seuls le président de la République, le Premier ministre et les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat pouvaient saisir le Conseil constitutionnel. Cette évolution permettra enfin de vérifier que les projets de Loi du gouvernement sont conformes à la Constitution.

Et puis il y eut des épisodes moins glorieux, mais ils n’ont pas la place dans ce mot du jour qui se veut un hommage à un homme qui avait certes des défauts, mais qui avait aussi sa part de lumière que j’ai essayé de mettre en avant aujourd’hui.

Pour en revenir à l’évolution législative concernant l’avortement, c’est sous la présidence de François Mitterrand, en 1982, que la Loi Yvette Roudy, complétant la Loi Simone Veil, ordonnera le remboursement de l’IVG par la Sécurité Sociale.

Lors du vote du Congrès, il y eut aussi cette intervention pleine de sens et d’émotion de Claude Malhuret dont j’admire souvent l’intelligence et la qualité des interventions : « Je reverrai le visage de cette jeune femme dont la vie et celle de son bébé ont été anéanties lorsque j’irai voter. »

<1796>

Lundi 26 février 2024

« Pour résister, il faudrait une armée d’adultes ! »
Judith Godrèche

Nous ne sommes pas sortis de la pédophilie, de l’inceste, de la violence faite aux femmes et aux enfants.

Le mot du jour a souvent parlé de ces sujets, en montrant combien ces crimes sont incroyablement nombreux et ont été odieusement banalisés.

Aujourd’hui c’est Judith Godrèche qui occupe le devant de la scène.

Je l’ai écoutée sur France Inter <Je n’ai jamais été attirée par Benoît Jacquot mais j’ai été son enfant femme>

Elle raconte, l’emprise, la violence, les coups, la peur à la journaliste Sonia Devillers dont j’ai apprécié la qualité d’écoute et la sensibilité pour accompagner ce témoignage avec dignité et douceur.

Interrogé par Le Monde, Benoît Jacquot nie l’ensemble des accusations. Il insiste sur le caractère “amoureux” de cette relation longue.

Et puis, il y eut aussi Jacques Doillon.

Elle a exprimé une parole forte aux César 2024 : <Je parle mais je ne vous entends pas>

La rentrée littéraire fut marquée par un livre remarquable de Neige Sinno : « Triste Tigre », dans lequel elle raconte son inceste subi entre l’âge de 4 à 7 ans.

Entre temps, il y eut les accusations nombreuses et cohérentes contre Gérard Depardieu et aussi Gérard Miller pour des viols et des violences faites aux femmes. Dans le monde du journalisme il y a PPDA

J’ai écouté le témoignage d’Anouk Grinbert, <Depardieu est comme ça parce que tout le monde lui permet d’être comme ça>

L’émission <L’Esprit Public> du 25 février est revenue, de manière plus globale, sur ces sujets : <Metoo du cinéma : le procès d’une époque ?> en soulignant notamment le caractère symbolique du cinéma :

« Le 7ème art a aussi une responsabilité particulière en ceci qu’il véhicule les stéréotypes, comme celui de la jeune fille sexy qui séduit les hommes bien plus âgés qu’elle. »

Ce sont souvent des actes qui ont été commis au vu et au su de beaucoup de monde.

Des parents, des adultes, des femmes et des hommes étaient là !

Ils n’ont rien dit, rien fait, ils n’ont rien empêché.

Dans l’interview avec Sonia Devillers, Judith Godrèche exprime cette supplique :

« Pour empêcher cela il aurait fallu une armée d’adultes. Pour résister il faudrait une armée d’adultes. »

Alors, on peut se lancer dans de multiples analyses sur le patriarcat, sur la libération des mœurs de mai 68 qui a été délétère sur certains points pour les femmes et les enfants.

Aujourd’hui j’en resterai uniquement sur ce point-là : « il faut une armée d’adultes ».

Des adultes qui connaissent la Loi et qui empêchent quand un homme qu’ils connaissent et qu’ils voient ne s’empêche pas.

On en revient à ces mots du père d’Albert Camus : « Non, un homme ça s’empêche. Voilà ce qu’est un homme, ou sinon… »

Albert Einstein, n’a pas toujours été un modèle de vertu et d’éthique, mais il a écrit une phrase très juste :

« Le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui les regardent sans rien faire.
Albert Einstein Comment je vois le monde (1934)

Des adultes qui protègent les enfants !

Mais aussi des adultes qui protègent d’autres adultes quand ce qu’ils voient, entendent ou savent n’est pas acceptable.

Encore faut-il être clair dans sa tête sur ces sujets.

Aussi, je partage aujourd’hui une initiative du département de Seine Saint Denis reprise par  la maison de l’égalité homme femme de Grenoble et qui tente d’évaluer les violences à l’intérieur d’un couple : <Le violentomètre>

Cet outil utilise un code couleur Vert, Orange et Rouge qui qualifie des comportements.

Le vert, correspond à des attitudes qualifiées de saine, comme par exemple : « le partenaire accepte tes décisions et tes goûts »

L’orange correspond à une situation dans laquelle il faut être vigilant et dire Stop, par exemple : « le partenaire rabaisse tes opinions et tes projets »

Pour le rouge qui est le dernier stade, il faut se protéger, demander de l’aide car il y a danger par exemple « Pète les plombs lorsque quelque chose lui déplait ».

Je ne reproduis pas ici cette échelle que vous trouverez derrière ce lien : <Le violentomètre>

Des adultes ce sont des humains qui posent des limites et avant tout qui se posent des limites à eux-mêmes.

<1795>

Mercredi 31 janvier 2024

« Car c’est ainsi que les hommes naissent, vivent et disparaissent. »
Cécile Coulon, début de son livre « La langue des choses cachées »

Ce livre « La langue des choses cachées » commencent ainsi :

« Car c’est ainsi que les hommes naissent, vivent et disparaissent, en prenant avec les cieux de funestes engagements : leurs mains caressent et déchirent, rendent la peau si douce qu’on y plonge facilement des lances et des épées. Rien ne les effraie sinon leur propre mort, leurs doigts sont plus courts que ceux des grands singes, leurs ongles moins tranchants que ceux des petits chiens, pourtant ils avilissent bêtes et prairies, ils prennent les rivières, les arbres et les ruines du vieux monde. Ils prennent, oui, avec une avidité de nouveau-né et une violence de dieu malade, ils posent les yeux sur un carré d’ombre et, par ce regard, l’ombre leur appartient et le soleil leur doit sa lumière et sa chaleur. Ils se nourrissent des légendes qui font la terre ronde et trouée, le ciel bleu et fauve, ils construisent des villes géantes pour des vies minuscules et la haine de cette petitesse les pousse à toutes les grandeurs. En amour, ils ne comprennent rien aux secousses du cœur et du sexe, ils tentent de les apaiser, leurs forces sont fragiles, leurs corps mal préparés aux tempêtes des sentiments. Ils ont trouvé un langage pour tout dire ; avec ce trésor, ils s’épuisent à convaincre qu’ils sont les chefs, les puissants, les vainqueurs.

Qu’importe qu’ils violent des femmes, des enfants, des frères ou des inconnus, qu’importe qu’ils vident des océans et remplissent des charniers, tout est voué à finir dans un livre, un musée, une salle de classe, tout sera transformé en statue, en compétition, en documentaire. Alors, qu’importe qu’ils incendient des bibliothèques, des villages et des pays entiers, qu’ils martyrisent ceux qu’ils aiment, il faut pour vaincre tout brûler, et regarder les flammes monter au-dessus des forêts jusqu’à ce qu’elles forment sous l’orbe des nuages de grandes lettres illisibles. Qu’importe qu’ils passent sur cette terre plus vite qu’un arbre, une maison, une tortue ou un rivage, ils sont si beaux, avec leurs yeux pleins d’amour et leurs mains pleines de sang, ils sont si beaux, avec leurs corps comme des brindilles, ils se tiennent droit, ils imitent les falaises, ils se croient montagnes ou sommets, ils sont si beaux dans leur soif capable de tarir les sources les plus anciennes, ils sont si beaux dans la timidité du premier baiser, cela ne dure qu’une seconde mais après ils ne seront plus jamais grands. Oui, c’est ainsi que les hommes naissent, vivent et disparaissent.

Au milieu de cette foule aveugle, titubante, certains comprennent les choses cachées.»

A l’origine de mon intérêt pour ce livre se trouve un extrait de « la Grande Librairie » que Florence a partagé sur un réseau social : <Cécile Coulon Lit>.

J’ai, ainsi, entendu Cécile Coulon lire le début du prologue de son dernier livre, accompagné par le violoncelle de Victor Julien-Laferrière interprétant un chant de Noël traditionnel catalan : « Le chant des oiseaux »

J’ai trouvé tant de force et de poésie dans cette déclamation de Cécile Coulon que je suis allé visionner l’intégralité de l’émission de la Grande Librairie du 10 janvier 2024 dans laquelle elle intervenait.

Émission très intéressante, comme toujours, dans laquelle Cécile Coulon irradiait de passion, d’intelligence et de lumière.

Alors, je suis allé acheter ce livre de 130 pages. Je l’ai ouvert, j’ai commencé par le prologue.

J’ai d’abord constaté que la déclamation qu’avait faite Cécile Coulon à la grande librairie n’était pas exactement le texte écrit. Il semblerait qu’elle ait prononcé le texte de mémoire, en réalisant quelques petits écarts avec ce qui était écrit.

Pour ma part, dans l’élan de la lecture j’ai continué et terminé sans m’interrompre.

Le récit, mais aussi le style et la poésie m’ont entrainé jusqu’à la fin, sans passer par la case pause.

L’Histoire est celle d’un guérisseur qui est appelé par les gens d’un village pour soigner un enfant malade.

En réalité, c’est sa mère qui est appelée, mais elle n’a plus la force de se déplacer, alors elle envoie, pour la première fois, son fils, qu’elle a initié, réaliser la mission de guérir.

On appelle cette mère ou son fils quand on ne sait plus quoi faire, que même les médecins sont démunis.

Cécile Coulon avoue dans l’émission « Les Midis de Culture » du 26 janvier 2024 <On n’arrivera jamais au bout du langage, c’est sa grande beauté>, sa fréquentation de semblables pratiquants « des soins archaïques », selon l’expression utilisée dans le livre :

« Ils ont une mission. On y croit beaucoup. Quand je dis qu’on ne comprend pas, c’est qu’on a du mal à expliquer exactement, comme on expliquerait un processus médical […] Étant donné que je suis quelqu’un qui va beaucoup plus souvent voir ce genre de personnes que mon médecin traitant […], j’y crois et je m’y sens bien, je me sens rassuré et en sécurité ».

Cette famille de guérisseur est particulièrement extraordinaire dans ses dons de percevoir ce qui n’est pas dit, caché. Il suffit au fils d’entrer dans une pièce pour sentir des choses graves qui se sont passées dans cette pièce des mois ou des années auparavant.

C’est tellement extraordinaire qu’il ne peut s’agir d’un guérisseur que Cécile Coulon a rencontré.

C’est pourquoi Louis Henri de la Rochefoucault, dans « Lire Magazine » décrit ce livre ainsi :

« Un court conte intemporel »

C’est un conte et il est hors du temps, on ne sait pas à quelle époque se déroule cette histoire.

En revanche, le temps du roman est déterminé : tout le récit se passe au cours d’une seule nuit.

Le guérisseur, en dehors de ses dons de guérir, connait aussi la langue des choses cachées.

Cécile Coulon explique dans la grande Librairie :

« La langue des choses cachées ce sont tous les mots qui ne sont pas dits. Tout le langage qui existe dans le silence. C’est une langue qu’on apprend quand on regarde les gens et qu’on décide de se taire. Et qu’on essaye de comprendre ce qui se cache derrière les conversations, ce qui se cache derrière les maisons, dans le corps, sous les corps. Et je crois qu’apprendre la langue des choses cachées, c’est aussi la capacité d’être ouvert et attentif à tout et à tous. »

L’écriture est poétique mais répond aussi à une sorte d’urgence, de frénésie que l’autrice explique ainsi :

« J’ai écrit cette histoire dans un état hypnotique, bouillonnant, fiévreux. Je voulais raconter ce que sont ces lieux, ces endroits sans lois inscrites, sans rien si ce n’est une église et un pont, flanqués de quelques maisons. Je voulais écrire que plus on cache un événement, plus il persiste à travers les générations suivantes. Je suis partie d’un lieu tenu par deux familles et un homme d’Église, j’ai voulu qu’en une seule nuit, dans ce hameau, tout soit défait, jusqu’aux entrailles, jusqu’au sang. »

C’est un conte cruel, un conte dur.

Il est question de violence sociale, de violence qu’on fait aux femmes et aux enfants.

Et il se termine avec une rupture de comportement entre l’action du fils et l’apprentissage que lui a donné sa mère.

Et, vous risquez à la fin du roman, si vous le lisez, d’avoir le même questionnement que moi : Faut il agir comme la mère : se contenter de soigner et éviter d’ajouter du désordre dans la société, ou comme, le fils, au risque du chaos, ne pas laisser les choses en l’état ?

<1788>

Mardi 3 octobre 2023

« Quand la femme est grillagée, toutes les femmes sont outragées ! »
Pierre Perret : « La femme grillagée »

Souvent ce sont les artistes et les poètes qui expriment le mieux la réalité du vécu.

Je ne connaissais pas cette chanson de Pierre Perret, je l’ai découverte par hasard hier :

<La femme grillagée> chantée par Pierre Perret

Écoutez ma chanson bien douce
Que Verlaine aurait su mieux faire
Elle se veut discrète et légère
Un frisson d’eau sur de la mousse


C’est la complainte de l’épouse
De la femme derrière son grillage
Ils la font vivre au Moyen Âge
Que la honte les éclabousse


Quand la femme est grillagée
Toutes les femmes sont outragées
Les hommes les ont rejetées
Dans l’obscurité


Elle ne prend jamais la parole
En public, ce n’est pas son rôle
Elle est craintive, elle est soumise
Pas question de lui faire la bise


On lui a appris à se soumettre
À ne pas contrarier son maître
Elle n’a droit qu’à quelques murmures
Les yeux baissés sur sa couture


Quand la femme est grillagée
Toutes les femmes sont outragées
Les hommes les ont rejetées
Dans l’obscurité


Elle respecte la loi divine
Qui dit, par la bouche de l’homme,
Que sa place est à la cuisine
Et qu’elle est sa bête de somme


Pas question de faire la savante
Il vaut mieux qu’elle soit ignorante
Son époux dit que les études
Sont contraires à ses servitudes


Quand la femme est grillagée
Toutes les femmes sont outragées
Les hommes les ont rejetées
Dans l’obscurité


Jusqu’aux pieds, sa burqa austère
Est garante de sa décence
Elle prévient la concupiscence
Des hommes auxquels elle pourrait plaire


Un regard jugé impudique
Serait mortel pour la captive
Elle pourrait finir brûlée vive
Lapidée en place publique


Quand la femme est grillagée
Toutes les femmes sont outragées
Les hommes les ont rejetées
Dans l’obscurité


Jeunes femmes, larguez les amarres
Refusez ces coutumes barbares
Dites non au manichéisme
Au retour à l’obscurantisme


Jetez ce moucharabieh triste
Né de coutumes esclavagistes
Et au lieu de porter ce voile
Allez vous-en, mettez les voiles


Quand la femme est grillagée
Toutes les femmes sont outragées
Les hommes les ont rejetées
Dans l’obscurité

L’ONU considère que le traitement des femmes en Afghanistan, par les Talibans s’apparenterait à un « apartheid sexiste »

Vous trouverez cette publication, du 11 Juillet 2023, sur cette <Page ONU>

Pierre Perret s’inspire d’un poème de Verlaine dont je cite ci-dessous les premières strophes.


Écoutez la chanson bien douce
Qui ne pleure que pour vous plaire.
Elle est discrète, elle est légère :
Un frisson d’eau sur de la mousse !

La voix vous fut connue (et chère ?)
Mais à présent elle est voilée
Comme une veuve désolée,
Pourtant comme elle encore fière,

Et dans les longs plis de son voile
Qui palpite aux brises d’automne,
Cache et montre au cœur qui s’étonne
La vérité comme une étoile.

Elle dit, la voix reconnue,
Que la bonté c’est notre vie,
Que de la haine et de l’envie
Rien ne reste, la mort venue.

Paul VERLAINE : Écoutez la chanson bien douce (1878) Sagesse I/XVI

Ce poème a été mis en musique et la chanson qui en est le fruit <est chantée par Léo Ferré>

<1765>

Mardi 4 octobre 2022

« Le voile n’est pas la liberté. »
Kamel Daoud

C’est une histoire largement diffusée par les médias. Mahsa Amini jeune femme iranienne, kurde, a été arrêtée par la police des mœurs parce qu’elle portait mal son voile selon cette milice d’un autre âge. La jeune femme, originaire de Saqqez, une ville de la province du Kurdistan iranien, était en voyage dans la capitale iranienne avec sa famille lorsqu’elle a été interpellée sous les yeux de son frère. Sur les réseaux sociaux, on la voit malmenée pendant son arrestation, jetée à terre et finalement poussée contre sa volonté dans un véhicule de la police des mœurs. Après trois jours de détention, elle meurt le 16 septembre, à l’hôpital où finalement les policiers l’ont emmenée.

Depuis des manifestations ont éclaté, des femmes brûlent leur voile, coupent leurs cheveux en signe de protestation de cet asservissement qu’elles subissent dans la république islamique d’Iran…

<France 24>, citait le 29 septembre, l’agence officielle iranienne Fars qui affirme qu’environ 60 personnes ont été tuées depuis le début des protestations dans l’ensemble du pays et que 1200 personnes ont été arrêtées.

En principe nous savons quand les voies officielles donnent ce type de chiffres, ils sont toujours minorés.

Et bien sûr les autorités iraniennes accusent les puissances étrangères d’avoir fomenté le mouvement. « L’ennemi a visé l’unité nationale et veut dresser les gens les uns contre les autres », a ainsi prévenu le président ultraconservateur Ebrahim Raïssi mercredi, jugeant « le chaos inacceptable » et accusant les États-Unis, l’ennemi juré de la République islamique, d’attiser la contestation. Elles en profitent aussi pour stigmatiser la minorité Kurde iranienne et celles des pays limitrophes.

<TV5> a interrogé la sociologue Mahnaz Shirali, née en 1965 à Téhéran :

« La mort de Mahsha Amini, cette jeune fille de 22 ans, a déclenché de vives réactions des Iraniens. Mais en même temps, il y a toute une série d’autres facteurs qui se sont accumulés. Sa mort a servi d’étincelle pour faire exploser la rage des Iraniens qui étaient inquiets depuis très longtemps à cause de pleins de problèmes d’injustice, des problèmes économiques et une mauvaise gestion du pays.

[ Danser puis brûler son hijab, ou se couper les cheveux, et partager ces vidéos sur les réseaux sociaux] fait parler. Ça montre que ça attire l’attention. C’est ça le symbolisme : quelque chose qui n’a peut-être pas beaucoup de sens mais qui attire les regards. Ça transmet des sentiments extrêmement forts.

[…] Elles en ont ras-le-bol. Elles ne peuvent plus supporter de ne pas être libre, les contraintes qu’on leur impose au nom de l’Islam et de la loi islamique. »

Il y a peu de chance que le régime iranien et ses sbires cèdent devant la pression de la rue. Ils ont le monopole des armes pour tuer et forcer, le fanatisme du croyant pour se rassurer et évacuer les remords qui pourraient surgir devant tant de violence, les avantages économiques de l’élite religieuse et des forces de sécurité à préserver.

Alors cela repose la question du voile de manière plus générale.

Le voile pourrait être instrument d’asservissement en Iran et symbole de liberté en France ?

Certain(e)s l’affirment.

Et la député LFI Daniele Obono fustige même celles et ceux qui pourraient tenter d’y voir une contradiction et pousser « l’indécence » jusqu’à vouloir s’appuyer sur le combat des femmes iraniennes pour poser des questions sur l’association de «la liberté» et «du voile» en France.

Elle a cette insulte morbide : « mangez vos morts » …

D’autres, sans aller dans ces excès de langage, essayent aussi de surmonter et de résoudre cette contradiction. Sandrine Rousseau qui est de tous les combats est de celui-là aussi.

Je lis toujours avec beaucoup d’intérêt et de plaisir intellectuel l’écrivain algérien Kamel Daoud.

Il m’est arrivé plusieurs fois d’écrire des mots du jour en le mettant en exergue :

Et je l’ai cité longuement dans le mot du jour consacré à ce livre étonnant d’Ibn Tufayl : « Le Vivant, fils de l’Éveillé »

Kamel Daoud a écrit un éditorial, le 3 octobre 2022 dans « Le Point » : <Le voile est un féminicide> :

« Le voile tue. La démocratie, non. La mort de Mahsa Amini et la vague de protestations qu’elle provoque en Iran rappelle une fois de plus cette évidence. […]

« Cela suffit à tout dire et à tout démentir. Ce n’est pas un événement rare, d’ailleurs. Une femme harcelée, violentée, menacée, tuée ou excommuniée parce qu’elle refuse de porter le voile est chose banale dans le monde dit « musulman ». Une femme qui ose arracher ce linceul confessionnel, c’est encore pire que l’apostasie, c’est le choix de la pornographie, de la prostitution, de la désobéissance civile. Il faut être femme dans ces territoires pour le vivre, en mourir et sourire de celles et ceux qui, en Occident, prétendent que le voile est une liberté. »

Kamel Daoud a vu arriver en Algérie, la vague islamiste, le voile qui couvrait toujours davantage les femmes et il se cite à la troisième personne :

« Parce que, vivant dans le « Sud confessionnel », il sait que ce morceau d’étoffe est une prison et une condamnation à mourir une vie entière, un enterrement vertical, le renoncement acclamé à son propre corps. Il sait ce que cela coûte pour les femmes et combien elles le paient. Et écouter l’« engineering de l’islamisme » occidental présenter cela comme une liberté et un choix et rameuter les opinions et les médias pour geindre sur une présumée confiscation de droits provoque la rage. »

Son opinion est claire et tranchante : .

« Un bout de territoire cédé, pas un bout de tissu choisi. Il faut donc rappeler les évidences coûteuses : le voile n’est pas une liberté, mais sa fin. Le voile n’est pas un épiderme qui souffre d’un racisme adverse, mais un uniforme d’enrôlement. Le voile n’est pas le signe d’une identité communautaire, mais un renoncement à toute identité et communauté au bénéfice d’un refus de vivre ensemble, de partager, de s’ouvrir, de s’enrichir mutuellement. Le voile n’est pas une « origine », mais un effacement de soi, des siens, de ses généalogies au bénéfice d’un recrutement. Le voile n’est pas seulement un petit foulard, c’est surtout ainsi qu’il commence. Le refuser, le combattre, n’est pas un acte néocolonial, l’ordre d’un colon. Le dévoilement n’est pas une violence de colonisation reconduite, et l’accepter, c’est concéder le territoire et le corps de ses propres citoyens au bénéfice d’une autre loi. Le voile a bénéficié de la « culpabilité » en Occident, de l’intelligence de l’islamiste occidental expert en droits, ONG et architectures associatives. Il a profité de l’histoire mal soldée des colonisations et recycle les procès en arnaques rusées, les dénis en séparatismes. Il a surtout recyclé le communautaire en confessionnel et le confessionnel en stratégie de conquête. »

Et il pose ce constat : « aujourd’hui, au sud du monde, une femme non voilée est une prostituée et, au nord, une femme non voilée est une traître à sa culture, à ses ancêtres. »

Et il me semble qu’il parle ensuite de certains politiques qu’il ne faut peut être pas appeler islamo-gauchiste mais plutôt islamo-naïf.

« Et il s’en trouvera pour le défendre, naïfs ou fourbes, électoralistes ou populistes. »

Et il finit par cette conclusion :

« Mais qu’on arrête une femme en Iran, qu’on la torture, qu’elle meure à cause de ce « tissu » qui n’est qu’une camisole et tout reprend sens, s’ordonne selon ces évidences à qui on fait une guerre sournoise : le voile n’est pas la liberté, ni l’identité, ni un choix. Il est prétendu choix dans le pays qui a le respect des choix, c’est-à-dire des libertés, c’est-à-dire dans les démocraties. Dans les dictatures, il se montre pour ce qu’il est : un assassinat. Car on aura beau jouer sur les mots, le voile tue. La démocratie, non. Des Iraniennes auraient donné beaucoup pour venir vivre leur liberté en France. Pas pour y renoncer. »

Je partage cet article.

Je partage l’analyse et l’opinion de Kamel Daoud.

La plupart des commentaires de cet article sont favorables. J’en ai cependant lu un portant une critique étrange qui semble nier qu’il est plus doux de vivre dans notre démocratie que dans la théocratie chiite :

« Le voile tue. La démocratie, non.

Kamel Daoud a choisi d’oublier toutes les morts au nom des valeurs de l’occident.
Jusqu’à maintenant, par exemple, c’étaient les pouvoirs démocratiques uniquement qui ont lâché une arme nucléaire sur la population de deux grandes villes.
Qu’apporte la démocratie ?
À partir de 1789 la France a connu une myriade de régimes plus ou moins démocratiques.
Monarchie absolue monarchie constitutionnelle, les 9 régimes de la 1ère République, 3 Empires, Restauration Monarchie, 100 Jours de Napoléon, 2ème Restauration, Monarchie de juillet, 4 Républiques de plus, La France Libre, Comité Française de la Libération, Groupement Provisoire de la République.
et vous croyez que la démocratie venait avec ?
Quelles sont les dates de suffrage universel, de la majorité à 18 ans, des droits des minorités nombreux ?
Les vainqueurs des guerres portent la victoire des plus forts. Non des plus moraux  »

Je me suis permis une réponse : « Simplement Merci de dire ces choses simples. Le voile n’est pas une liberté. Alors je ne crois pas qu’il faille autoritairement l’interdire, mais il faut plutôt être fier de nos valeurs et les défendre. A savoir la liberté, les contre-pouvoirs, l’état de droit, la volonté d’émancipation de l’individu, l’égalité des femmes et des hommes, le droit de penser et de croire différemment et surtout de ne pas croire. Bien sur l’Occident a commis des fautes et des crimes parfois. Cela étant, les autres civilisations n’en sont pas exemptes non plus. Reconnaître des erreurs ne doit pas nous dissuader de défendre la part belle de notre histoire et de notre manière de vivre en société.  »

<1717>

Mardi 28 juin 2022

« Le côté obscur des religions.. »
Imposer aux autres ce qu’on croit ou peut être même feint de croire

Ils ont osé !

L’Amérique des évangéliques, celle qui vote massivement Trump est arrivée à son objectif : annuler l’arrêt rendu par d’autres juges de la Cour Suprême des États Unis en 1973 : « l’Arrêt Roe v Wade »

« Roe v. Wade », 410 U.S. 113 est un arrêt historique rendu par la Cour suprême des États-Unis en 1973 sur la question de la constitutionnalité des lois qui criminalisent ou restreignent l’accès à l’avortement. La Cour statue, par sept voix contre deux, que le droit à la vie privée, en s’appuyant sur le quatorzième amendement de la Constitution des États-Unis, s’étend à la décision d’une femme de poursuivre ou non sa grossesse, mais que ce droit doit être mis en balance avec les intérêts de l’État dans la réglementation de l’avortement : protéger la santé des femmes et protéger le potentiel de la vie humaine.

Roe v. Wade est devenu l’un des arrêts de la Cour suprême les plus importants politiquement, divisant les États-Unis entre personnes se disant « pro-choice » (« pro-choix », pour le droit à l’avortement) et « pro-life » (« pro-vie », anti-avortement).

Et depuis 1973, méthodiquement avec la persévérance, la patience de ceux qui croient en l’Éternité, ces régressifs ont poursuivi leur lutte, pas à pas, en infiltrant les cercles de pouvoirs ou en faisant un lobbying incessant auprès des élus et en usant de toutes les opportunités même les plus invraisemblables. Ils ont finalement utilisé Donald Trump, qui est tellement loin de tous les principes moraux qu’ils prétendent mettre en œuvre, pour parvenir au but qu’ils s’étaient fixés.

Et c’est ainsi que cet ignoble personnage a pu écrire :

« C’est la volonté de Dieu ».

Dans un communiqué, Donald Trump a estimé que la décision historique sur l’avortement, après celle de jeudi consacrant le droit au port d’armes en public, a été rendue possible « seulement car j’ai tenu mes promesses ».

Il a en effet nommé trois juges conservateurs, pendant les 4 années de son mandat, dont un en tout fin de mandat.

Alors que les lobbys évangéliques et républicains sont arrivés à empêcher Obama de nommer un juge progressiste, en prétendant qu’en fin de mandat un Président n’était plus légitime à nommer un juge à vie.

Et le milliardaire cynique et inculte a ajouté :

« Ces victoires majeures montrent que même si la gauche radicale fait tout ce qui est en son pouvoir pour détruire notre pays, vos droits sont protégés, le pays est défendu et il y a toujours un espoir et du temps pour sauver l’Amérique ».

Je n’approfondirai pas cette organisation juridique si particulière des États-Unis, dans laquelle ce sont les 9 juges de la Cour Suprême qui fixent les règles en se basant sur l’interprétation de la constitution des États-Unis.

En France, c’est une Loi, la fameuse Loi Simone Veil qui a fixé les règles qui encadraient le droit des femmes à recourir à l’interruption volontaire de grossesse.

Aux États-Unis ce n’est ni le Congrès fédéral, ni le Sénat fédéral qui sont intervenus, mais la Cour Suprême Fédéral qui, en 1973, a contraint les gouvernements des États fédérés de tolérer l’avortement.

Par son jugement du 24 juin 2022 et par 6 voix contre 3, la Cour donne raison à l’État du Mississippi qui l’avait saisi et révoque Roe v. Wade. Les États sont désormais libres de définir la politique relative à l’avortement dans leur juridiction.

Cette même Cour avait la veille, le 23 juin 2022, autorisé tous les Américains à sortir dans la rue, armés d’une arme de poing, dissimulée sous leurs vêtements. Ce qui était interdit, par exemple, dans les rues de New York.

Et il semble qu’elle a même l’intention de ne pas s’arrêter en si bon chemin et envisage à revenir aussi sur la contraception, en interdisant la délivrance des pilules contraceptives, permises depuis 1955 – soit 2 ans avant la France !

Nous sommes dans un pays où comme l’écrit, en 2014, <Le Monde> :

« Un quart des Américains (26 %) ignorent que la Terre tourne autour du Soleil et plus de la moitié (52 %) ne savent pas que l’homme a évolué à partir d’espèces précédentes d’animaux. C’est ce que révèle une enquête aux résultats édifiants, menée auprès de 2 200 personnes par la Fondation nationale des sciences américaine et publiée vendredi 14 février. »

En France, sommes-nous à l’abri de telles dérives ?

J’ai reproduit le tweet ainsi qu’un ajout qu’a écrit cette dame qui a été député pendant 21 ans et ministre du logement pendant deux ans dans le gouvernement de Fillon sous la présidence de Sarkozy.

Et elle n’est pas seule, il suffit de se rappeler de ce furent les manifestations contre le mariage pour tous.

Simone de Beauvoir écrivait

« N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant »

Tout ceci ne serait pas possible s’il n’existait plus des populations complètement aveuglées par des récits écrits par des hommes, je veux dire des mâles humains, et que ceux qui croient continuent à penser qu’il s’agit de textes dictés directement par leur dieu.

Il y a quelques mois, en allant au travail, juste après avoir posé le vélo’v à sa station, j’ai été interpellé par 3 jeunes hommes en costume, portant écusson qui portait cette mention : « L’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours ».

Ce qui est le nom « scientifique » des Mormons.

Ils ont souhaité engager la conversation, j’y consentis.

Et voici la teneur de cet échange, cité de mémoire. Je pense que vous n’aurez aucune peine à distinguer mes propos de ceux des trois jeunes aspirant à devenir des saints des derniers jours :

  • Bonjour
  • Bonjour
  • Nous sommes…
  • Oui je sais, j’ai vu votre écusson
  • Croyez-vous en l’existence de Dieu ?
  • Je ne sais pas si Dieu existe ou s’il n’existe pas.
  • Si vous examinez le monde, le soleil, l’univers vous croyez vraiment que tout cela peut exister par hasard, sans qu’il y ait quelqu’un qui a créé tout cela ?
  • Oui c’est possible que le hasard ait fait cela. Mais si c’est vraiment Dieu qui a réalisé cela, cet univers gigantesque avec des milliards d’étoiles, de planètes, de trous noirs, croyez vous vraiment que ce Dieu puisse manifester le moindre intérêt pour un animal vaguement évolué, habitant une petite planète du système solaire situé en périphérie de la galaxie de la voie lactée, une parmi des milliards d’autres ? Ne manifestez-vous pas ainsi un orgueil incommensurable ?
  • Mais si, Dieu s’intéresse à nous, nous entoure de son amour et nous guide pour notre bien.
  • Vous êtes sérieux ? Qu’avez-vous compris de l’histoire récente des humains, simplement depuis le début du XXème siècle. Qu’a fait ce Dieu dont vous me parlez à Auschwitz ?
  • Il était là, mais il a laissé les humains agir selon leur volonté.
  • Évidemment, c’est une hypothèse commode, mais elle ne me convainc pas. Je vous ai dit que je ne sais pas si Dieu existe. Mais je suis convaincu ou je crois si vous préférez que votre Dieu, celui dont il est question dans la bible ou dans le coran, lui il n’existe pas ! Ce qui existe ce sont des organisations humaines qui sont hiérarchisées, qui profitent à ceux qui les dirigent et qui sont grisés par le pouvoir qu’ils en tirent et quelquefois même des revenus et un patrimoine substantiel. En général ce sont d’ailleurs des hommes qui par le récit et les règles qu’ils racontent ont parmi leur objectif principal de soumettre les femmes.
  • Mais non ce n’est pas ainsi et croyez-vous en l’existence de Jésus ?
  • Jésus, l’homme a peut-être existé, mais il n’y a aucune source autre que celles écrites par les chrétiens qui atteste de son existence.
  • Mais si, il y a d’autres sources…
  • Alors là jeune homme ce sont des découvertes récentes dont je n’ai pas connaissance, parce que vous comprenez c’est un sujet qui m’intéresse.
  • Il y a l’historien Flavius Josephe qui parle de Jésus.
  • Oui, mais là ce n’est pas une source externe, Flavius Josephe cite des chrétiens qu’il a rencontré et rapporte ce qu’ils lui ont dit. En revanche, il y a une stèle qu’on a retrouvé au proche orient qui évoque l’existence de Ponce Pilate. Mais savez-vous que le Dieu monothéiste a été inventé par les juifs il y a environ 2500 ans. Et que notre espèce homo sapiens a environ 100 000 ans d’existence. Notre race humaine a donc su se passer, la plus grande partie de son existence, de ce Dieu éternel, unique et qui s’intéresserait à vous ?

  • Bon il faut que je me rende à mon travail. Si je peux me permettre un conseil : si le fait de croire vous fait du bien n’hésitez pas à continuer, mais garder toujours éveillé le germe fécond du doute et surtout n’imposez jamais votre croyance et vos règles par la contrainte. Bonne journée !
  • Bonne journée.

Alors il peut exister un coté lumineux de la religion, celle qui s’intéresse au spirituel, à ce qui nous dépasse et à ce qui transcende le matériel.

Régis Debray, à ce stade, pense que l’absence de Dieu est pire que sa présence.

Il y aussi ce propos qu’aurait tenu Jaurès à des radicaux qui étaient très anticléricaux au début du XXème siècle :

« Pourquoi voulez-vous faire taire cette petite voix consolante qui fait tant de bien aux pauvres humains qui sont dans la peine ? »

Car oui, c’est une source de consolation pour beaucoup qui souffrent, qui sont dans le deuil ou sont au seuil de cette terrible inconnue qu’est la mort.

Mais le côté obscur des religions c’est celui qui veut imposer sa règle à tous, obliger tout le monde à respecter les règles que les adeptes de ce récit auquel ils croient s’imposent à eux-mêmes.

Et dans ce cas quand ils sont puissants, les religieux sont même capables des pires crimes pour imposer leurs règles.

Combien de crimes ont été ainsi commis au nom de ces religions qui prétendent œuvrer pour la paix et d’amour du prochain ?

Il faut arrêter d’être naïf.

Et en France, au moins, il est essentiel de respecter les croyances, permettre à chacun de vivre librement sa Foi tant qu’elle n’est pas en contradiction avec la Loi de la République.

Mais de manière réciproque ; il faut défendre avec fermeté, lucidité et force s’il le faut, la liberté de faire et penser autrement quand les religions de toute obédience veulent imposer aux autres, à leur famille puis aux voisins puis à tout le monde les règles qu’ils s’appliquent à eux même parce qu’ils adhèrent à un récit particulier.

Nous devons arrêter de regarder les responsables ou autorités religieuses avec les yeux de Chimène en leur reconnaissant une quelconque autorité morale générale.

Nous devons les regarder avec les yeux du doute que je décrirai ainsi :

Je reconnais ton droit absolu de croire. Est-ce que tu reconnais réciproquement la liberté des autres à ne pas croire ce que tu crois et est-ce que tu renonces définitivement à imposer aux autres et à la société les règles qui ne concernent que ta foi et ceux qui y adhèrent ?

<La journaliste Ana Kasparian> synthétise tout cela très bien.

<1689>

Mercredi 4 août 2021

« Mon histoire parle d’espoir »
Nadia Nadim

Bien sûr, le football est devenu insupportable à cause de l’argent dans lequel il se vautre et les compromissions dans lesquelles il s’abîme

Mais le football constitue aussi, pour certains, un formidable moyen d’émancipation. Il permet à des jeunes qui se trouvent dans des conditions difficiles, au moment de leur naissance et de leur enfance, de sortir de leur condition et d’accéder à une vie et à un confort auxquels ils n’auraient jamais pu prétendre sans leur réussite sportive.

Certains s’y perdent, il est vrai. Mais il y a aussi de belles histoires.

Dans la série sur l’année 1979, j’ai parlé de l’Afghanistan et je n’ai fait qu’effleurer les conditions de vie que les talibans ont fait subir aux femmes afghanes.

Les américains ont décidé de fuir ce « cimetière des empires » après 20 ans de guerre sans issue. Les spécialistes comme Gilles Dorronsoro, professeur de sciences politiques à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, auteur de “Le gouvernement transnational de l’Afghanistan. Une si prévisible défaite” en 2021, et Elie Tenenbaum, directeur du centre des études de sécurité à l’IFRI n’ont pas beaucoup de doute sur <La victoire et le retour inéluctable des talibans au pouvoir en Afghanistan>

Et l’histoire que je partage aujourd’hui est celle d’une jeune afghane qui est arrivée à sortir du guêpier taliban et à accéder à un destin plus doux grâce au football.

Nadia Nadim s’est enfuie de l’Afghanistan après que les talibans aient tué son père, elle a pu se réfugier au Danemark. Elle s’est intégrée dans un club de football et est devenu internationale dans l’équipe féminine du Danemark. Elle poursuit parallèlement des études médecine.

Elle a écrit un livre pour raconter: « Mon Histoire »

Sur le <site de LCI>, j’ai trouvé cet interview réalisé par Yohan ROBLIN et publié le 5 juillet 2021. Elle raconte :

« La raison pour laquelle je prends à chaque fois mon temps, c’est parce que je veux transmettre ce brin d’espoir, cette petite étincelle, à la personne qui m’écoute ou me lit »

Au moment de cet entretien elle était encore joueuse du Paris Saint Germain, elle s’est engagée pour la nouvelle saison dans un club américain.

Le journaliste la présente ainsi :

« À 33 ans, Nadia Nadim a surmonté tous les obstacles. Née à la fin des années 80 à Hérat, en Afghanistan, elle a fui le régime autoritaire des Talibans “pour survivre”, après l’assassinat de son père, général de l’armée afghane. Au prix d’un long et dangereux périple, depuis sa terre natale jusqu’en Europe, elle a trouvé refuge dans un centre d’accueil au Danemark, avec sa mère et ses quatre sœurs. Là-bas, elle a découvert une nouvelle vie, “un pays sans guerre” où les femmes pouvaient jouer au football en public. Douée balle au pied, elle en a fait sa passion puis son métier. Pendant plus d’une demi-heure, mêlant anglais et français, la jeune femme, qui mène de front sa carrière et des études de médecine, a partagé son histoire. »

Dans un régime dans lequel la religion occupe toute la place et s’immisce partout jusque dans les familles, dans les appartements, s’intéressant même à ce qui se passe dans la chambre à coucher, la vie est triste et la peur omniprésente :

« Nous vivions dans la peur (…) c’était une vie très très triste »

Elle explique pourquoi elle a écrit son livre :

« Tout le monde parlait de mon histoire, je pensais qu’il fallait que je la raconte avec mes propres mots. C’est la raison pour laquelle j’ai voulu écrire ce livre. Dans le monde dans lequel nous vivons, vous voyez peu d’histoires positives. Je voulais donner de l’espoir aux enfants, qui sont dans la situation dans laquelle j’étais ou qui rencontrent des difficultés. J’avais aussi envie d’éduquer les personnes, qui peuvent avoir des préjugés, en leur racontant ce que j’ai traversé, ce que j’ai enduré pour en arriver là. Ce livre est une manière de leur dire : “Si vous leur donnez une seconde chance, elles peuvent vous surprendre.” J’en suis la preuve vivante : j’ai eu une autre chance, j’ai surpassé mes difficultés et, aujourd’hui, j’aide la société. […]

Cette histoire, mon histoire, parle d’espoir, même dans les moments les plus sombres, de la nécessité de croire en soi et de ne jamais baisser les bras. Plus elle sera racontée et diffusée, plus il y a de chances que quelqu’un, quelque part, en ressortira quelque chose de bon. »

Et elle raconte ce qu’elle a vécu en Afghanistan. Quand elle a eu 10 ans, les Talibans ont convoqué son père, qui était un général de l’armée. Il s’est rendu à ce rendez-vous, mais il n’est jamais rentré à la maison…

« Nous avons appris sa mort très longtemps après. Une personne l’a dit à quelqu’un d’autre, et ainsi de suite, jusqu’à ce que ça nous revienne. L’un des officiers, qui était là-bas quand ils l’ont assassiné, a raconté ce qu’il s’était passé à mes grands-parents, qui l’ont ensuite dit à ma mère. Ma mère, qui n’avait pas encore 35 ans, est devenue folle. Elle a essayé de le chercher pendant plusieurs mois. Je n’ai jamais vu de corps ou de tombe. L’endroit, où les Talibans avaient l’habitude d’exécuter les gens, était un désert sauvage. Les animaux mangeaient les restes. Pendant très longtemps, je n’y ai pas cru. Je pensais qu’il allait réapparaître un jour. Dans mes yeux, il était ce général, une sorte de James Bond, puissant et immortel. Je me disais que ce n’était pas possible, mais tout doucement j’ai commencé à réaliser que je ne le reverrai plus jamais. […]

Tout a changé après la disparition de mon père. Avant la guerre et qu’il soit tué, les souvenirs que je garde sont ceux d’une vie calme, des moments heureux. Nous étions très protégées, nous avions une bonne vie. Après, tout s’est écroulé. On ne savait plus à quoi allait ressembler le futur, ce qu’il allait advenir de nous. On se posait des milliers de questions : “Est-ce que notre maison est sûre ? Combien de temps allons-nous vivre ainsi ? Est-ce quelqu’un va dénoncer notre mère et l’emmener loin de nous ?” Enfant, toutes ces pensées m’ont traversée. C’était dangereux d’être dehors. À chaque fois qu’on voulait sortir, il fallait toujours être accompagnée d’un homme. Nous vivions dans la peur qu’il nous arrive quelque chose, d’être tuées. »

Mais sa mère s’est rebellée et a voulu et a pu fuir le pays des fous de Dieu.

« Je suis heureuse et fière d’avoir eu une femme comme ma mère à mes côtés. Si elle avait été plus faible, qu’elle avait baissé les bras et abandonné, je n’aurais pas eu cette vie. Elle était jeune, elle aurait pu choisir une voie plus facile. Elle a choisi le chemin le plus dangereux pour nous donner, à mes sœurs et à moi, une autre chance dans la vie. Je lui en suis reconnaissante. »

Elle a payé des passeurs pour rejoindre l’Europe, dans l’espoir d’atteindre Londres où vivait des proches. Mais cela ne s’est pas passé comme prévu. Et Nadia Nadim dit :

« Nous avons pris l’avion au Pakistan pour l’Italie, avec des faux passeports. Ensuite, nous sommes montées à l’arrière d’un camion, qui devait nous emmener en Angleterre. On devait rejoindre de la famille à Londres. Il nous a finalement arrêtées au Danemark. Cela ne s’est pas fini comme on le voulait, mais ce n’était pas trop grave. Le plus important, c’est que nous étions saines et sauves. Nous étions en vie et nous pouvions avoir une nouvelle chance. J’ai toujours cru que si une chose arrive, c’est qu’elle arrive pour une raison. Bien évidemment, cela a été très difficile de tout quitter, d’abandonner derrière nous tout ce qu’on possédait. Vous avez des amis, une famille, une identité et vous arrivez ailleurs, en repartant de zéro. C’est sans doute la chose la plus difficile à laquelle on peut être confronté. Il a fallu d’abord réapprendre l’alphabet puis les mots, pour enfin comprendre comment la société fonctionnait… J’étais en décalage avec les enfants du même âge. Les mathématiques étaient mon seul pont avec ma vie d’avant. Pour tout le reste, j’avais l’impression d’être sur une autre planète. Tout était différent, alors j’ai baissé la tête et je me suis mise à travailler pour m’intégrer au plus vite. »

Le fait qu’elle ait eu envie et quelques dons pour le football, elle le doit à son père :

« Mon père était un grand fan de sports. Il aimait le football. Quand il nous a appris à jouer, mes sœurs et moi, ce n’était pas pour qu’on devienne footballeuse. Ça n’existait pas en Afghanistan. […] Peut-être que le fait de me sentir, à nouveau, proche de mon père est l’une des raisons pour lesquelles j’ai commencé à jouer au football. C’est possible, mais, au moment où j’ai vu ses petites filles, balle au pied, j’ai surtout pensé : “Pourquoi ça ne serait pas moi ?”. Quand vous êtes enfant, que vous voyez un nouveau jouet, vous voulez jouer avec. C’est ce que j’ai ressenti. Ce qui est beau, c’est que le football est venu à moi. J’ai découvert le jeu, j’ai commencé à m’entraîner dans la rue, partout. Petit à petit, après quelques mois, j’ai pris confiance jusqu’au jour où j’ai demandé de pouvoir jouer avec elles. J’ai eu de la chance qu’elles m’acceptent. »

Bien sûr dans cette histoire la courageuse mère joue un rôle déterminant.

Et elle est devenu au bout du travail et de l’entrainement la première joueuse étrangère à porter le maillot de l’équipe nationale du Danemark.

« Des fois, il y a des murs qu’on ne voit pas autour de nous. Certains ont plus que d’autres. Votre prison est probablement différente de la mienne. C’est toujours difficile de s’échapper de ces murs, cela demande beaucoup d’efforts. Encore, encore et encore. Je pense que je suis née dans un endroit avec beaucoup de murs. J’ai essayé de les faire tomber, un par un. »

L’Unesco l’a choisi en 2019 pour être une ambassadrice pour l’éducation des filles et jeunes femmes.

Parallèlement elle étudie la médecine, plus précisément la chirurgie réparatrice.

Je vous renvoie vers l’intégralité de l’article : <Mon histoire parle d’espoir>

J’ai aussi trouvé ces deux articles : <Nadia Nadim raconte son incroyable destin> et <Le football m’a offert une nouvelle vie>.

L’histoire d’une vie. L’histoire d’un courage, d’une détermination et de beaucoup de travail et forcément d’un peu de chance.

<1601>

Mardi 3 août 2021

« Cecilia Payne »
Une scientifique oubliée

Connaissez-vous Cecila Payne ?

Moi je ne la connaissais pas. Je n’en avais jamais entendu parler.

C’est une publication sur un réseau social qui a fait cette énumération :

« Chaque lycéen sait qu’Isaac Newton a découvert la gravité, que Charles Darwin a découvert l’évolution et qu’Albert Einstein a découvert la relativité du temps. Mais quand il s’agit de la composition de notre univers, les manuels scolaires disent simplement que l’atome le plus abondant de l’univers est l’hydrogène. Et personne ne se demande comment on le sait. »

Personne ne le sait probablement parce que c’est une femme qui est à l’origine de cette découverte.

Cecilia Payne-Gaposchkin (1900 – 1979) est une astronome anglo -américaine qui a été la première astronome à soutenir que les étoiles sont majoritairement composées d’hydrogène contre le consensus scientifique.

Le mot du jour du 13 avril 2018 avait pour exergue : « ni vues, ni connues » et parlait de ses nombreuses femmes qui ont eu une influence déterminante dans l’Histoire notamment des sciences mais n’ont pas été mentionnées ou ont été oubliées.

C’est sur le site « l’Histoire par les femmes » qu’on peut lire son histoire.

Cecilia Helena Payne est née à Wendover en Angleterre le 10 mai 1900. Sa mère était peintre et son père avocat et historien. Elle est l’aînée de trois enfants. Son père meurt alors qu’elle n’a n’a que quatre ans, et sa mère doit s’occuper seule de sa famille. Et comme les ressources sont limitées, sa mère préfère miser sur les études de ses deux fils, plutôt que sur sa fille.

On ne dira jamais assez qu’une part du manque de valorisation des destins féminins a été portée par les mères qui ont mis beaucoup de temps avant de devenir féministe.

J’avais déjà écrit que ma mère m’a appris énormément de choses mais pas le féminisme.

La jeune fille est remarquablement intelligente et travaille beaucoup.

Une anecdote relatée par <Wikipedia> me plait beaucoup

« Sa précocité intellectuelle se manifeste dès l’école primaire. À cette période, elle met au point un protocole scientifique pour vérifier l’effet de la prière, en comparant les résultats à un examen de deux groupes, dont l’un est composé de personnes ayant prié pour le succès et l’autre non. Le groupe qui n’avait pas prié s’est avéré avoir plus de succès. Cecilia Payne sera dès lors agnostique. »

Comme sa mère ne l’aide pas, elle a l’opportunité à décrocher une bourse en sciences naturelle au Newnham College de l’Université de Cambridge en 1919 ; elle y apprend la botanique, la physique et la chimie. Là, elle assiste à une conférence d’Arthur Eddington au sujet de son expédition dans le Golfe de Guinée pour photographier une éclipse solaire ; cette conférence est alors une révélation et Cecilia décide de travailler dans l’astronomie.

Autre information factuelle qu’il nous faut apprendre. Nous sommes donc au début du XXème siècle après la première guerre mondiale : Cecilia Payne achève ses études mais sans obtenir de diplôme ; l’Université de Cambridge ne délivre alors pas de diplômes aux femmes.

Réalisant que ses options de carrière en Angleterre sont limitées, elle rencontre Harlow Shapley, directeur de l’Observatoire de l’université Harvard, et part travailler pour lui aux États-Unis en 1923. Sous sa direction, elle se lance dans un doctorat et travaille sur la température des étoiles. Ses travaux l’amènent à établir que, si les étoiles ont une composition en éléments lourds semblable à la Terre, elles sont majoritairement composées d’hydrogène, ce qui va à l’encontre des idées de l’époque.

En 1924, elle écrit un article en ce sens et le fait relire par l’astronome Henry Russell, ancien professeur d’Harlow Shapley. Pas convaincu, ce dernier la dissuade de publier sa découverte.

<Wikipedia> raconte :

« Or Russell a été le professeur de Harlow Shapley, qui est le patron de Cecilia Payne, et s’il n’est pas convaincu, personne ne le sera : elle s’incline.

En 1925, Cecilia soutient cependant sa thèse, intitulée « Stellar Atmospheres, A Contribution to the Observational Study of High Temperature in the Reversing Layers of Stars », où elle présente ses travaux et conclusions, mais laisse de côté la question de l’hydrogène.

Après avoir atteint les mêmes conclusions par d’autres moyens, Russell réalise que Cecilia a raison. Dans une publication parue en 1929, il reconnaît l’antériorité de la découverte de Payne. Néanmoins, cette découverte lui est souvent attribuée ».

Ainsi, bien qu’il ait l’honnêteté de la citer, pendant longtemps on lui attribue la découverte. Probablement parce que c’est lui qui a publié l’article, ou simplement parce que c’était un homme.

En 1925, Cecilia obtient brillamment son doctorat et se lance dans l’étude des étoiles de haute luminosité, de la structure de la Voie Lactée et des étoiles variables. En raison de son sexe, son avancement professionnel reste cependant compliqué.

En 1931, Cecilia Payne devient citoyenne américaine. En 1933, en Allemagne, elle rencontre l’astrophysicien russe Sergei I. Gaposchkin. Elle l’aide alors à obtenir un visa pour les Etats-Unis ; ils se marient en mars 1934 et auront trois enfants.

Cecilia, contrairement aux mœurs de l’époque qui voulaient qu’une mère reste au foyer, n’arrête pas sa carrière d’enseignante et de chercheuse.

<Ce site> relate qu’il lui faut attendre 1956 pour être nommée professeure de la faculté d’Harvard dont elle dirigea le département d’astronomie. Elle fut la première femme cheffe du département d’astronomie de Harvard.

A la fin de sa carrière elle fut davantage reconnue et reçût diverses distinctions honorifiques. Mais on oublia par la suite son apport important à la science.

Si vous voulez en savoir plus sur cette femme remarquable je pense que cet article de trois pages en dira un peu plus

Cecilia Payne-Gaposchkin meurt en 1979 d’un cancer du poumon. Un astéroïde a été nommé en son honneur.

Je crois qu’il est juste de connaître son nom dans le panthéon des scientifiques.

<1600>

Mercredi 9 juin 2021

« Osez Joséphine »
Titre d’une pétition

« Osez Joséphine » est une chanson et un album d’Alain Bashung paru en 1991.

Mais, en ce moment, « Osez Joséphine » présente une autre signification.

Aujourd’hui, c’est une pétition qui demande l’entrée au Panthéon de Joséphine Baker..

Le magazine « ELLE » explique dans son article : « Osez Joséphine » :

« À l’occasion de la fête de l’Armistice du 8 mai 1945, l’essayiste Laurent Kupferman a décidé de mettre en place cette pétition. Pour lui, l’artiste et militante est un symbole d’unité nationale. […] Joséphine Baker, première star internationale noire, a un parcours assez atypique. Muse des cubistes dans les années 1930, elle devient ensuite résistante dans l’armée française durant la Seconde Guerre mondiale et activiste aux côtés de Martin Luther King pour les droits civiques aux États-Unis d’Amérique et en France aux côtés de la Licra »

Pour l’instant, il n’y a que 5 femmes qui reposent au Panthéon, contre 75 hommes.

Dans <le mot du jour du 17 mai 2021> j’avais évoqué les obstacles qui se dressent sur le chemin de la panthéonisation de Gisèle Halimi.

Outre son genre, Joséphine Baker présente deux autres caractéristiques absentes au Panthéon : Sur ces 80 résidents, il n’y a aucun artiste de spectacle vivant et aucune personne racisée

Je dois avouer que je ne savais pas grand-chose de Joséphine Baker.

Mais j’ai d’abord été informé de la pétition par <le billet du 4 juin> de François Morel :

« Entre ici, Joséphine Baker avec ton amoureux cortège de plumes et de bananes et d’enfants adoptés et de combats contre le racisme et de courage.

Car Joséphine fit partie de ce “désordre de courage” comme le disait André Malraux devant le cercueil de Jean Moulin, évoquant la résistance.

Entre ici Joséphine avec tes chansons de Vincent Scotto et ton parcours admirable d’icone des années folles devenue militante du Mouvement des droits civiques de Martin Luter-King. […]

Entre ici Joséphine, avec ton cortège de danses et de chansons, de rythmes et de rêves de music-hall.

Rentre ici, pas parce que tu es une femme, pas parce que tu es une noire mais parce que, toi aussi, tu avais fini par devenir un visage de la France.

Et parce qu’étant femme, et parce qu’étant noire, tu peux réussir à transmettre un message à une jeunesse qui sans doute n’a jamais entendu parler de toi. “Aujourd’hui, jeunesse, puisses-tu penser à cette femme”.

Entre ici Joséphine qui, ne pouvant avoir d’enfants, en adopta douze, de toutes origines, qu’elle appelle “sa tribu arc-en-ciel”. Comme disait à peu près Mark Twain “Elle ne savait pas que c’était impossible, alors elle l’a fait”.

Entre ici Joséphine si affectueuse avec les animaux en liberté dans sa maison du Vésinet, les chats, les chèvres, les cochons et, tenue en laisse, un guépard, Chiquita qui, à la ville, comme à la scène l’accompagne. »

Puis j’ai entendu une émission sur France Musique : Musicopolis : < Joséphine Baker, une américaine à Paris > qui revient davnatage sur sa carrière musicale quand elle est arrivée à Paris>

Elle arrive à 19 ans et avec une troupe de 25 chanteurs et danseurs noirs va obtenir un succès retentissant avec un spectacle appelé « la “Revue Nègre »
Oui ! parce qu’à cette époque on avait le droit d’utiliser le terme de nègre.

Ces deux émissions m’ont conduit à m’intéresser à la vie et au destin de Joséphine Baker.

Grâce à Wikipedia on peut avoir une vision assez complète de ce destin.
Joséphine Baker est née Freda Josephine McDonald le 3 juin 1906 à Saint-Louis, dans le Missouri, dans un pays ségrégationniste et profondément raciste.

Elle est née dans une famille très pauvre. La jeune femme passe une partie de son enfance à alterner l’école et les travaux domestiques pour des gens aisés chez qui sa mère l’envoie travailler.

Elle se marie une première fois à 13 ans. Ce mariage ne durera pas longtemps et Joséphine Baker a une passion pour la danse. Elle va intégrer diverses troupes. Lors d’une tournée, elle va rencontrer à Philadelphie Willie Baker, qu’elle épouse en 1921, donc à 15 ans. Elle gardera ce nom pour la suite de sa vie bien qu’elle divorcera à nouveau et contractera encore d’autres mariages.

Elle vivra son arrivée à Paris comme une libération. Elle dira :

« Un jour j’ai réalisé que j’habitais dans un pays où j’avais peur d’être noire. C’était un pays réservé aux Blancs. Il n’y avait pas de place pour les Noirs. J’étouffais aux États-Unis. Beaucoup d’entre nous sommes partis, pas parce que nous le voulions, mais parce que nous ne pouvions plus supporter ça… Je me suis sentie libérée à Paris »

Elle éblouira Paris et la France par sa vélocité et l’enthousiasme de ses danses et puis elle commencera à chanter.

Elle participera activement à la résistance. Elle s’acquitte durant la guerre de missions importantes, et reste connue pour avoir utilisé ses partitions musicales pour dissimuler des messages. Lors de sa première mission à destination de Lisbonne, elle cache dans son soutien-gorge un microfilm contenant une liste d’espions nazis, qu’elle remet à des agents britanniques.

Un autre aspect de sa vie est étonnante. Elle épousera un homme riche du nom de Jo Bouillon, et achètera avec lui le château des Milandes en Dordogne où elle vivra jusqu’en 1969. Elle y accueille douze enfants de toutes origines qu’elle a adoptés et qu’elle appelle sa « tribu arc-en-ciel ». La fin de sa vie fut obscurcie par de très grandes difficultés financières.

Elle mourra d’une hémorragie cérébrale à 68 ans le 12 avril 1975, juste après un dernier spectacle qu’elle aura donné le 9 avril 1975 à Bobino dans le cadre d’une série de concerts célébrant ses cinquante ans de carrière.

Dans le Magazine « Elle  » on lit que l’auteur de la pétition Laurent Kupferman, donne la raison de son initiative :

« Une femme libre, féministe, une résistante et une personnalité engagée contre le racisme. De son vivant, la France a déjà décoré cette femme d’exception. Elle a reçu quatre médailles, dont celle de Chevalier de Légion d’honneur à titre militaire. Sa panthéonisation serait un puissant symbole d’unité nationale, d’émancipation et d’universalisme à la française »

France Inter a aussi publié une page sur cette initiative : <“Osez Joséphine”, la pétition qui plaide pour l’entrée de Joséphine Baker au Panthéon>

<1571>

Vendredi 2 avril 2021

« Pas de révolution sans les femmes »
Carolyn J. Eichner

Dans la revue « L’histoire » de janvier 2021, consacrée à la commune, c’est une historienne américaine Carolyn J. Eichner qui a rédigé un article « Pas de révolution sans les femmes » mettant en évidence le rôle des femmes pendant la Commune de Paris.

Louise Michel n’était pas seule.

Carolyn Eichner est professeure à l’université du Wisconsin à Milwaukee et a publié en février 2020 un livre sur ce sujet : « Franchir les barricades » et qui avait pour sous-titre « Les femmes dans la commune de paris »

Dans ce livre, l’historienne s’était concentrée sur trois cheffes de file : André Léo, Élisabeth Dmitrieff et Paule Mink.

A ce stade, il faut parler d’un outil qui existe sur Internet : <Le Maitron> et que j’ai découvert à l’occasion de mes recherches sur cette série sur la Commune. C’est Raphaël Meyssan l’auteur de la BD et du film diffusé sur ARTE <Les damnés de la Commune>. et que j’ai évoqué lors du premier mot du jour de la série qui m’a fait découvrir cette somme de connaissances libre d’accès

Le nom « Maitron » fait référence à Jean Maitron  (1910 – 1987), historien qui s’est passionné pour l’histoire ouvrière en France. Avant lui, les historiens étudiaient surtout les rois, les chefs de guerre et les batailles. Il a fait entrer l’Histoire des ouvriers dans l’université et a énormément travaillé sur les bases d’archives.

Et c’est ainsi qu’il est à l’origine du « Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français », ouvrage de référence qu’on a nommé en son honneur « le Maitron ».

Ce travail augmenté des apports de ses successeurs en historiographie se trouve désormais sur un site internet dont je redonne l’adresse : : <Le Maitron>

Et grâce à ce site, nous avons immédiatement des informations sur ces trois femmes

<André Léo>a pour nom d’état civil Léodile Champseix mais on l’appelle André Léo.

Elle est née en 1824 à Lusignan (Vienne). C’est une écrivaine ; socialiste et féministe ; communarde, présidente de la commission de l’enseignement professionnel des jeunes filles.

Elle reçut une excellente éducation. Son grand-père avait été fondateur, en 1791, de la Société des Amis de la Constitution.

Après le coup d’État de décembre 1851, elle fit la connaissance de Grégoire Champseix, un Limousin, qui vivait exilé à Lausanne où il était professeur et avec qui elle se maria.

En 1860 le couple alla habiter à Paris. Mme Champseix entreprit alors une carrière de romancière : Elle signait ses ouvrages André Léo, pseudonyme formé du nom de ses deux enfants jumeaux.

Dans les dernières années du Second Empire, elle se lança dans la bataille politique et sociale. C’est chez elle que fut élaboré en 1868 le programme de la « Société de revendication des droits de la femme », avec la participation d’Élie Reclus et de Marthe Noémie Reclus.

En 1870, elle fréquenta les clubs. Elle se rangea parmi les combattants de la Commune en 1871. Avec Mme Jaclard, elle fonda le journal La Sociale (31 mars-17 mai 1871) où, tout en protestant contre certains excès du Comité central, elle soutint avec énergie les droits de Paris ; elle y publia son « appel aux travailleurs des champs ». Elle appartint à l’Union des Femmes pour la défense de Paris et les soins aux blessés et à la commission instituée par Édouard Vaillant  « pour organiser et surveiller l’enseignement dans les écoles de filles ». Avec Louise Michel et Paule Minck, elle fit partie du Comité de Vigilance des citoyennes de Montmartre. Dans le journal La Commune, elle formula ainsi son programme (10 avril 1871) :

« La terre au paysan, l’outil à l’ouvrier, le travail pour tous ».

Après l’entrée des Versailles dans Paris, elle se rendit en Suisse. Elle vécut à Genève où elle put ainsi se soustraire à la condamnation prononcée par les conseils de guerre. Elle collabora au journal La Révolution sociale, en 1871, dans lequel elle se livra à de violentes attaques contre Marx. Elle publia la même année, à Neuchâtel, La Guerre sociale où elle racontait l’histoire de la Commune.

Elle mourut en 1900. Elle a légué par testament une rente à la première commune de France qui voudra faire un essai de collectivisme par l’achat d’un terrain communal, travaillé en commun avec partage des fruits.

<Élisabeth Dmitrieff>, née de l’union irrégulière d’un ancien officier de hussards et d’une jeune infirmière, reçut une bonne éducation et apprit à parler couramment plusieurs langues. Elle habitait Saint-Petersbourg, participait aux discussions passionnées qui étaient fréquentes dans la jeunesse intellectuelle russe de l’époque, et rêvait d’émancipation pour elle-même et pour les autres.

Elle effectua un mariage blanc pour partir pour l’étranger : la Suisse d’abord, où elle milita dès 1868, puis Londres à la fin de l’année 1870. Elle y fréquenta la famille de Karl Marx et Marx lui-même qui l’envoya à Paris, en mars 1871, en mission d’information. Un rapport de police la décrit alors ainsi :

« Mesurant 1,66 m ; cheveux et sourcils châtains ; front légèrement découvert ; yeux gris bleu ; nez bien fait ; bouche moyenne ; menton rond ; visage plein, teint légèrement pâle ; démarche vive ; habituellement vêtue de noir et toujours d’une mise élégante. »

Elle cofonda pendant cette période l’Union des Femmes pour la défense de Paris et les soins aux blessés. Union constituée en avril et dont les membres s’étaient mises à la disposition de la Commune, prêtes « à combattre et vaincre ou mourir » . Elle appartint à sa commission exécutive. Au nom de l’Union, Élisabeth Dmitrieff élabora un rapport d’inspiration socialiste sur une organisation du travail à base d’associations de production fédérées ; ce rapport fut envoyé à la commission du Travail et de l’Échange de la Commune que dirigeait Frankel.

Élisabeth Dmitrieff représentait un féminisme socialiste qui empruntait à la fois au populisme des coopératives féministes russes et à l’autorité centralisée marxiste (elle fut, parmi les communards socialistes, une des rares influencées par Marx). Saisissant le moment révolutionnaire afin d’enclencher le changement, elle avait pour objectif de donner aux ouvrières le contrôle de leur propre travail. L’Union des femmes fut la seule organisation à obtenir les ressources financières demandées au gouvernement de la Commune.

Élisabeth Dmitrieff participa aux derniers combats de rue ; le 25 mai. Elle put échapper à l’arrestation. Le 6e conseil de guerre la condamna par contumace, le 26 octobre 1872, à la déportation dans une enceinte fortifiée ; elle fut graciée le 8 avril 1879 sous condition d’un arrêté d’expulsion.

Elle avait trouvé refuge en Suisse en juin. En octobre 1871, elle réussit à rentrer en Russie. Elle épousa un condamné à la déportation qu’elle suivit en Sibérie, où elle mourut à une date indéterminée, entre 1910 et 1918.

<Paule Mink>est née en 1839 à Clermont-Ferrand. Elle était d’origine polonaise, son nom véritable était Adèle Pauline Mekarski. Elle était la sœur de Jules Mekarski. Son père, Jean, Népomucène Mekarski, était de haute noblesse polonaise, neveu du général prince Joseph, Antoine Poniatowski et cousin de Stanislas II Poniatowski, dernier roi de Pologne.

Sa mère, Jeanne, Blanche Cornélie Delaperrierre, était issue d’une famille française de comédiens.

Très tôt, Pauline fit montre de sentiments républicains, écrivant des articles, participant à des réunions publiques. Elle fut notamment l’auteur d’un petit pamphlet Les Mouches et l’Araignée dirigé contre Napoléon III (l’araignée) dévorant le peuple (les mouches). Vers 1868, elle se trouvait à Paris et créa une organisation féministe et révolutionnaire à forme mutualiste, la ” Société fraternelle de l’ouvrière “.

L’article du Maitron cite une description que fait d’elle Gustave Lefrançais qui était un élu de la commune :

« Parmi les femmes qui prennent habituellement la parole dans les réunions, on remarque surtout la citoyenne Paule Mink, petite femme très brune, un peu sarcastique, d’une grande énergie de parole. La voix est un peu aigre, mais elle s’exprime facilement. Elle raille avec esprit ses contradicteurs plutôt qu’elle ne les discute et ne paraît pas, jusqu’alors, avoir des idées bien arrêtées sur les diverses conceptions qui divisent les socialistes. Mais elle est infatigable dans sa propagande. »

Elle est connue comme l’oratrice des clubs. Après la semaine sanglante elle s’exile en Suisse. Elle revient en France après l’amnistie et poursuivra le combat féministe et socialiste.

Vers 1900, elle était une des trois femmes membres du conseil d’administration du Syndicat des journalistes socialistes. Elle mourut le 28 avril 1901. Elle fut incinérée le 1er mai au Père-Lachaise.

Carolyn J. Eichner précise :

« Les femmes, tout en étant absentes du gouvernement de la Commune, furent très actives dans les clubs, les journaux ou sur les barricades. Loin du mythe de la pétroleuse, elles participèrent aux différents courants du socialisme féministe. »

Elle rappelle opportunément que les femmes jouèrent un rôle éminent dès le début de la Commune :

« Au petit matin du 18 mars 1871, après que Thiers eut donné l’ordre, dans la nuit, de récupérer les canons de la Garde nationale à Montmartre, ce sont les femmes déjà levées qui s’interposèrent les premières entre les troupes et l’artillerie. Faisant primer la solidarité de classe sur la loyauté nationale, elles persuadèrent les soldats de se rallier à elles. Ces fraternisations mirent le feu aux poudres. »

Elle cite enfin l’Union des femmes :

« Au 50e des 72 jours que dura la Commune, la commission exécutive de l’Union des femmes pour la défense de Paris et les soins aux blessés déclara : « Les femmes de Paris prouveront à la France et au monde qu’elles aussi sauront, au moment du danger suprême – aux barricades, sur les remparts de Paris –, donner leur sang et leur vie pour la défense et le triomphe de la Commune, c’est-à-dire du peuple ! »

Pendant longtemps, l’histoire de la Commune qu’on racontait, montrait, d’un côté, des hommes faisant la révolution et, de l’autre, des femmes, hystériques, mettant le feu à Paris au moment de la Semaine sanglante : c’est ainsi que s’est imposée la figure de la pétroleuse.

« Pétroleuse » Le mot a été inventé dans les jours qui ont suivi la Semaine sanglante. La presse versaillaise a accusé les communardes d’avoir allumé des incendies dans les rues où l’on ne se battait plus.

Et l’historienne américaine d’analyser :

« En réalité, des milliers de femmes jouèrent un rôle déterminant dans la Commune de Paris. Dès la fin des années 1860, au moment de la libéralisation du Second Empire, des organisations féministes et socialistes avaient créé les conditions préalables à leur soulèvement. Durant la courte vie de la Commune des militantes ont constitué des clubs politiques populaires, des comités de vigilance, ralliant les brigades militaires, soulageant et nourrissant les blessés, publiant des journaux, développant des écoles mixtes, organisant des soupes populaires et fondant des coopératives de production.

Deux raisons expliquent leur marginalisation dans l’histoire de la Commune. D’abord, l’activisme des femmes a toujours été dévalorisé quand il n’était pas tout simplement ignoré précisément parce qu’il s’agissait de l’activisme de femmes. Ensuite, lorsque les femmes se sont impliquées politiquement, ce fut en dehors de la structure gouvernementale officielle, qui n’était constituée que d’hommes. La Commune, en effet, n’a pas accordé le droit de vote aux femmes – et les communardes n’ont pas cherché à l’obtenir, non plus qu’un rôle officiel dans le gouvernement.

Pour elles, la Commune devait être une transition vers une nouvelle société égalitaire du point de vue social. Or, les historiens ont longtemps minimisé l’importance de ces actions militantes au ras du sol. Quant aux observateurs contemporains, en plus de sous-évaluer les initiatives des femmes, ils les ont diabolisées, pointant leur comportement non féminin et irrationnel. […] Ces représentations rejettent les militantes hors de l’humanité.

La réalité est tout autre. La plupart des communardes étaient des ouvrières travaillant dans des métiers liés au textile, comme Marie Rogissart, couturière, qui organisa les femmes pour arrêter les réfractaires qui refusaient de défendre la Commune, ou Marie Lemonnier, apprêteuse de neuf, qui servit comme ambulancière sur le champ de bataille et éleva ensuite des barricades. Elles s’engagèrent dans une révolution qui, très vite, renversa toute hiérarchie de pouvoir. »

<Cet article> parle d’une autre ambulancière Alix Payen qui a écrit un livre sur son expérience lors de la Commune

Il n’y a pas de révolution sans les femmes.

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