Bien sûr, le football est devenu insupportable à cause de l’argent dans lequel il se vautre et les compromissions dans lesquelles il s’abîme
Mais le football constitue aussi, pour certains, un formidable moyen d’émancipation. Il permet à des jeunes qui se trouvent dans des conditions difficiles, au moment de leur naissance et de leur enfance, de sortir de leur condition et d’accéder à une vie et à un confort auxquels ils n’auraient jamais pu prétendre sans leur réussite sportive.
Certains s’y perdent, il est vrai. Mais il y a aussi de belles histoires.
Dans la série sur l’année 1979, j’ai parlé de l’Afghanistan et je n’ai fait qu’effleurer les conditions de vie que les talibans ont fait subir aux femmes afghanes.
Les américains ont décidé de fuir ce « cimetière des empires » après 20 ans de guerre sans issue. Les spécialistes comme Gilles Dorronsoro, professeur de sciences politiques à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, auteur de « Le gouvernement transnational de l’Afghanistan. Une si prévisible défaite » en 2021, et Elie Tenenbaum, directeur du centre des études de sécurité à l’IFRI n’ont pas beaucoup de doute sur <La victoire et le retour inéluctable des talibans au pouvoir en Afghanistan>
Et l’histoire que je partage aujourd’hui est celle d’une jeune afghane qui est arrivée à sortir du guêpier taliban et à accéder à un destin plus doux grâce au football.
Nadia Nadim s’est enfuie de l’Afghanistan après que les talibans aient tué son père, elle a pu se réfugier au Danemark. Elle s’est intégrée dans un club de football et est devenu internationale dans l’équipe féminine du Danemark. Elle poursuit parallèlement des études médecine.
Elle a écrit un livre pour raconter: « Mon Histoire »
Sur le <site de LCI>, j’ai trouvé cet interview réalisé par Yohan ROBLIN et publié le 5 juillet 2021. Elle raconte :
« La raison pour laquelle je prends à chaque fois mon temps, c’est parce que je veux transmettre ce brin d’espoir, cette petite étincelle, à la personne qui m’écoute ou me lit »
Au moment de cet entretien elle était encore joueuse du Paris Saint Germain, elle s’est engagée pour la nouvelle saison dans un club américain.
Le journaliste la présente ainsi :
« À 33 ans, Nadia Nadim a surmonté tous les obstacles. Née à la fin des années 80 à Hérat, en Afghanistan, elle a fui le régime autoritaire des Talibans « pour survivre », après l’assassinat de son père, général de l’armée afghane. Au prix d’un long et dangereux périple, depuis sa terre natale jusqu’en Europe, elle a trouvé refuge dans un centre d’accueil au Danemark, avec sa mère et ses quatre sœurs. Là-bas, elle a découvert une nouvelle vie, « un pays sans guerre » où les femmes pouvaient jouer au football en public. Douée balle au pied, elle en a fait sa passion puis son métier. Pendant plus d’une demi-heure, mêlant anglais et français, la jeune femme, qui mène de front sa carrière et des études de médecine, a partagé son histoire. »
Dans un régime dans lequel la religion occupe toute la place et s’immisce partout jusque dans les familles, dans les appartements, s’intéressant même à ce qui se passe dans la chambre à coucher, la vie est triste et la peur omniprésente :
« Nous vivions dans la peur (…) c’était une vie très très triste »
Elle explique pourquoi elle a écrit son livre :
« Tout le monde parlait de mon histoire, je pensais qu’il fallait que je la raconte avec mes propres mots. C’est la raison pour laquelle j’ai voulu écrire ce livre. Dans le monde dans lequel nous vivons, vous voyez peu d’histoires positives. Je voulais donner de l’espoir aux enfants, qui sont dans la situation dans laquelle j’étais ou qui rencontrent des difficultés. J’avais aussi envie d’éduquer les personnes, qui peuvent avoir des préjugés, en leur racontant ce que j’ai traversé, ce que j’ai enduré pour en arriver là. Ce livre est une manière de leur dire : « Si vous leur donnez une seconde chance, elles peuvent vous surprendre. » J’en suis la preuve vivante : j’ai eu une autre chance, j’ai surpassé mes difficultés et, aujourd’hui, j’aide la société. […]
Cette histoire, mon histoire, parle d’espoir, même dans les moments les plus sombres, de la nécessité de croire en soi et de ne jamais baisser les bras. Plus elle sera racontée et diffusée, plus il y a de chances que quelqu’un, quelque part, en ressortira quelque chose de bon. »
Et elle raconte ce qu’elle a vécu en Afghanistan. Quand elle a eu 10 ans, les Talibans ont convoqué son père, qui était un général de l’armée. Il s’est rendu à ce rendez-vous, mais il n’est jamais rentré à la maison…
« Nous avons appris sa mort très longtemps après. Une personne l’a dit à quelqu’un d’autre, et ainsi de suite, jusqu’à ce que ça nous revienne. L’un des officiers, qui était là-bas quand ils l’ont assassiné, a raconté ce qu’il s’était passé à mes grands-parents, qui l’ont ensuite dit à ma mère. Ma mère, qui n’avait pas encore 35 ans, est devenue folle. Elle a essayé de le chercher pendant plusieurs mois. Je n’ai jamais vu de corps ou de tombe. L’endroit, où les Talibans avaient l’habitude d’exécuter les gens, était un désert sauvage. Les animaux mangeaient les restes. Pendant très longtemps, je n’y ai pas cru. Je pensais qu’il allait réapparaître un jour. Dans mes yeux, il était ce général, une sorte de James Bond, puissant et immortel. Je me disais que ce n’était pas possible, mais tout doucement j’ai commencé à réaliser que je ne le reverrai plus jamais. […]
Tout a changé après la disparition de mon père. Avant la guerre et qu’il soit tué, les souvenirs que je garde sont ceux d’une vie calme, des moments heureux. Nous étions très protégées, nous avions une bonne vie. Après, tout s’est écroulé. On ne savait plus à quoi allait ressembler le futur, ce qu’il allait advenir de nous. On se posait des milliers de questions : « Est-ce que notre maison est sûre ? Combien de temps allons-nous vivre ainsi ? Est-ce quelqu’un va dénoncer notre mère et l’emmener loin de nous ? » Enfant, toutes ces pensées m’ont traversée. C’était dangereux d’être dehors. À chaque fois qu’on voulait sortir, il fallait toujours être accompagnée d’un homme. Nous vivions dans la peur qu’il nous arrive quelque chose, d’être tuées. »
Mais sa mère s’est rebellée et a voulu et a pu fuir le pays des fous de Dieu.
« Je suis heureuse et fière d’avoir eu une femme comme ma mère à mes côtés. Si elle avait été plus faible, qu’elle avait baissé les bras et abandonné, je n’aurais pas eu cette vie. Elle était jeune, elle aurait pu choisir une voie plus facile. Elle a choisi le chemin le plus dangereux pour nous donner, à mes sœurs et à moi, une autre chance dans la vie. Je lui en suis reconnaissante. »
Elle a payé des passeurs pour rejoindre l’Europe, dans l’espoir d’atteindre Londres où vivait des proches. Mais cela ne s’est pas passé comme prévu. Et Nadia Nadim dit :
« Nous avons pris l’avion au Pakistan pour l’Italie, avec des faux passeports. Ensuite, nous sommes montées à l’arrière d’un camion, qui devait nous emmener en Angleterre. On devait rejoindre de la famille à Londres. Il nous a finalement arrêtées au Danemark. Cela ne s’est pas fini comme on le voulait, mais ce n’était pas trop grave. Le plus important, c’est que nous étions saines et sauves. Nous étions en vie et nous pouvions avoir une nouvelle chance. J’ai toujours cru que si une chose arrive, c’est qu’elle arrive pour une raison. Bien évidemment, cela a été très difficile de tout quitter, d’abandonner derrière nous tout ce qu’on possédait. Vous avez des amis, une famille, une identité et vous arrivez ailleurs, en repartant de zéro. C’est sans doute la chose la plus difficile à laquelle on peut être confronté. Il a fallu d’abord réapprendre l’alphabet puis les mots, pour enfin comprendre comment la société fonctionnait… J’étais en décalage avec les enfants du même âge. Les mathématiques étaient mon seul pont avec ma vie d’avant. Pour tout le reste, j’avais l’impression d’être sur une autre planète. Tout était différent, alors j’ai baissé la tête et je me suis mise à travailler pour m’intégrer au plus vite. »
Le fait qu’elle ait eu envie et quelques dons pour le football, elle le doit à son père :
« Mon père était un grand fan de sports. Il aimait le football. Quand il nous a appris à jouer, mes sœurs et moi, ce n’était pas pour qu’on devienne footballeuse. Ça n’existait pas en Afghanistan. […] Peut-être que le fait de me sentir, à nouveau, proche de mon père est l’une des raisons pour lesquelles j’ai commencé à jouer au football. C’est possible, mais, au moment où j’ai vu ses petites filles, balle au pied, j’ai surtout pensé : « Pourquoi ça ne serait pas moi ? ». Quand vous êtes enfant, que vous voyez un nouveau jouet, vous voulez jouer avec. C’est ce que j’ai ressenti. Ce qui est beau, c’est que le football est venu à moi. J’ai découvert le jeu, j’ai commencé à m’entraîner dans la rue, partout. Petit à petit, après quelques mois, j’ai pris confiance jusqu’au jour où j’ai demandé de pouvoir jouer avec elles. J’ai eu de la chance qu’elles m’acceptent. »
Bien sûr dans cette histoire la courageuse mère joue un rôle déterminant.
Et elle est devenu au bout du travail et de l’entrainement la première joueuse étrangère à porter le maillot de l’équipe nationale du Danemark.
« Des fois, il y a des murs qu’on ne voit pas autour de nous. Certains ont plus que d’autres. Votre prison est probablement différente de la mienne. C’est toujours difficile de s’échapper de ces murs, cela demande beaucoup d’efforts. Encore, encore et encore. Je pense que je suis née dans un endroit avec beaucoup de murs. J’ai essayé de les faire tomber, un par un. »
L’Unesco l’a choisi en 2019 pour être une ambassadrice pour l’éducation des filles et jeunes femmes.
Parallèlement elle étudie la médecine, plus précisément la chirurgie réparatrice.
Je vous renvoie vers l’intégralité de l’article : <Mon histoire parle d’espoir>
J’ai aussi trouvé ces deux articles : <Nadia Nadim raconte son incroyable destin> et <Le football m’a offert une nouvelle vie>.
L’histoire d’une vie. L’histoire d’un courage, d’une détermination et de beaucoup de travail et forcément d’un peu de chance.
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