Lundi 29 juillet 2024

« L’incroyable cadeau français au monde : la cérémonie d’ouverture la plus originale et dynamique de l’histoire des Jeux Olympiques »
Gaston Saiz dans le journal argentin « La Nacion »

Je n’avais pas prévu de regarder la cérémonie d’ouverture des jeux olympiques de Paris du vendredi 26 juillet 2024..

J’étais seul. Annie était aller rendre visite à son amie d’enfance, Rosemarie, à Barcelone. Alors, j’ai d’abord jeté un œil, puis j’ai regardé plus attentivement, pour être finalement captivé par ce spectacle plein de fantaisie et qui a su montrer combien la ville de Paris était belle, le long de la Seine.

Le drapeau français sur le Pont d’Austerlitz

Plus de de 23 millions de téléspectateurs français soit 83,1 % de part de marché entre 19 h 26 et 23 h 30, ont regardé cette cérémonie. Il s’agit de la deuxième meilleure audience de l’histoire de la télévision française, après la finale de la Coupe du monde France – Argentine de 2022, que pour ma part j’ai boycotté.
Dans le monde, ils furent plusieurs milliards à regarder selon le CIO. Les réactions furent plutôt très positives.

Le journal sportif espagnol MARCA a écrit : « Paris livre la meilleure cérémonie de l’histoire des Jeux ! »

La Une de la Nacion

Il y eut d’autres titres dithyrambique dans la presse internationale. Mais celui que j’ai préféré et mis en exergue a été publié par un journal argentin : « La Nacion »

« L’incroyable cadeau français au monde : la cérémonie d’ouverture la plus originale et dynamique de l’histoire des Jeux Olympiques »

La pluie a cependant gâché la fête des 300 000 spectateurs sur place. Ils ont été privés de certains spectacles en directs, ainsi Lady Gaga avait enregistré son numéro de french cancan alors qu’il ne pleuvait pas.

Dès lors, les personnes qui s’étaient déplacés et avaient payés cher leur place n’ont rien vu, sinon ce que tous les téléspectateurs du monde entier ont vu : un spectacle enregistré.

Quand Thomas Jolly avait imaginé son spectacle, il avait pu constater qu’il ne pleuvait quasi jamais un 26 juillet à Paris.

Kantorow sous la pluie

Alexandre Kantorow, quant à lui, a bravé la pluie pour être présent sur le parcours de la cérémonie. Le son qu’on entendait été enregistré aussi, mais lui était là, avec un piano trouvé dans la journée, piano médiocre qui pouvait être sacrifié sous l’eau.

« Le Parisien » rapporte qu’il est tombé, précisément, 16 mm d’eau (soit 16 litres par mètre carré) à la station Paris Montsouris, située dans le sud de la capitale – à noter que le compteur va de 8 heures du matin le 26 à la même heure le lendemain. Cela en fait le quatrième 26 juillet le plus pluvieux depuis près de 150 ans, cette station étant l’une des plus anciennes en France.

En outre, manque de chance, la majorité de la pluie sur la seule journée de vendredi est tombée… dans la soirée, après 20 heures, soit en plein pendant la cérémonie d’ouverture.

En regardant le spectacle j’étais émerveillé. Mais en approfondissant un peu et par la révélation de l’absence de Lady Gaga, il faut bien comprendre que cette cérémonie d’ouverture a été imaginée et créée pour la télévision et non pour les spectateurs massés au bord de la Seine. Eux, étaient les bénévoles nécessaires pour faire passer l’idée d’un spectacle en live retransmis à la télévision.

Le bateau portant les athlètes français au niveau de la place du châtelet.

Mais c’est la première fois qu’on trouve des bénévoles qui paient très chers leur bénévolat en prétendant qu’ils ont acheté une « place de spectacle. ». Les financiers osent tout, c’est à cela qu’on les reconnait…

Peu de journaux ont souligné ce point : des spectateurs lésés au profit de la télévision. Certains journaux anglais comme « Le Daily Mail ». ont insisté sur la pluie qui a gâché la fête :

« Quelle catastrophe, la cérémonie d’ouverture vire au chaos : la pluie couvre la musique, les athlètes et les invités du Royaume sont obligés de porter des protections et les spectateurs de se mettre à l’abri. ».

Des Anglais qui narguent les Français à cause de la pluie, c’est cocasse.

C’est un média brésilien « UOL » qui a regretté l’ambiance d’un stade et désigné l’objectif des organisateurs : un spectacle de télévision :

« Un spectacle déroutant fait pour la télévision […] Sans public rassemblé, cela manque de dynamisme. […] La pluie n’a pas aidé. […] La cérémonie qui se voulait démocratique a vraiment mal tourné et a frustré des milliers de personnes qui ont rêvé de ce moment et ont parcouru un Paris pluvieux pour tenter de voir quelque chose. Dommage. »

Mais d’autres polémiques ont surgi, montrant des tensions au sein de la société française.

« Le Monde » a publié un article dans lequel il oppose la gauche et l’extrême droite rejoint par une partie de la droite.

Le premier tableau déclenchant les hostilités fut la prestation d’Aya Nakamura. La chanteuse francophone la plus écoutée dans le monde s’est produite, portant une robe à plumes dorées, aux côtés de la garde républicaine, en uniforme, devant l’Académie française.

« Le Monde » cite de nombreuses personnalités de gauche qui ont applaudit à ce mélange audacieux. En revanche, Marine Le Pen avait estimé avant la cérémonie que la présence d’Aya Nakamura était une tentative d’Emmanuel Macron pour « humilier le peuple français ».

Le soir su spectacle, elle a laissé le porte-parole du Rassemblement national, Julien Odoul, porter l’attaque :

« Quelle honte ! Aya Nakamura y a pas moyen ! L’ouverture des Jeux olympiques est un saccage pour la culture française. »

Pour ma modeste part, je n’ai a priori aucun goût à la musique d’Aya Nakamura. Je concède cependant que ce partenariat baroque entre une institution militaire française et une chanteuse portant un visage moderne et coloré de la France m’a beaucoup séduit. Tant que l’esprit républicain est respecté, ce qui fut le cas devant l’Académie française, la diversité enrichit et renforce la France, surtout quand celles et ceux qui sont différents savent s’associer pour réaliser des choses ensembles.

Il y eut ensuite la polémique sur le tableau « Festivité » dans lequel des drag-queens se retrouvent autour une table, scène dans laquelle certains esprits orientés ont reconnu la Cène, avec peu après l’apparition du chanteur Philippe Katerine (presque) nu.

Patrick Boucheron qui fut un des inspirateurs de la cérémonie explique :

« Rien, dans le scénario initial, n’évoque explicitement [la Cène]. Nos références étaient plutôt de jouer des connotations dionysiennes — et du fil qui se tisse entre la Grèce olympique et Paris car Dionysos, ou plutôt Denis, est le père de Sequana [la Seine]. Ainsi, cette grande table est un festin des Dieux, qui devient le podium d’un défilé de mode déjanté. ».

Les politiques d’extrême droite qui se sont exprimés ont, à travers l’appel au récit chrétien, laissé s’exprimer, avant tout, leur homophobie. Marion Maréchal a désigné les jeux sous le nom de « J-Woke 2024 » et a ajouté « A tous les chrétiens du monde qui regardent la cérémonie d’ouverture et se sont sentis insultés par cette parodie drag-queen de la Cène, sachez que ce n’est pas la France qui parle mais une minorité de gauche prête à toutes les provocations. ».

Ce rejet a dépassé les frontières de la France. Dans certains pays comme le Maroc, des images de ce type n’ont pas été diffusées et ont été remplacées par des plans fixes sur les monuments.

Mais il faut lire Alexandre Douguine qui est allé plus loin dans les délires pseudo-mystiques d’un christianisme figé et ayant refusé d’évoluer avec la modernité. Douguine est un intellectuel, idéologue d’extrême droite russe connu pour ses positions ultra-nationaliste. Il semble être un intellectuel influent dans les cercles nationalistes, et il est parfois considéré comme un des inspirateurs de la politique étrangère de Vladimir Poutine. Il a commenté ainsi la cérémonie :

« L’ouverture des Jeux olympiques de 2024 à Paris est le jugement final de la civilisation occidentale moderne. L’Occident est maudit, c’est une évidence. Quiconque ne prend pas immédiatement les armes pour détruire cette civilisation satanique, sans précédent dans son effronterie, en est complice. Mais un autre aspect est également important. Sur ce pôle, il y a l’Occident et son satanisme affiché. Et sur notre pôle, qu’avons-nous ? Quelque chose d’un peu plus décent […] Mais nous y dérivons encore par inertie et ne remettons certainement pas en question l’étape précédente de notre histoire – sommes-nous même dans le bon train si la dernière station du parcours est les Jeux olympiques français de 2024 ? L’Occident est le diable. […] L’Occident (et donc le diable) a commencé à pénétrer systématiquement en Russie au XVIIe siècle…»

Vous pourrez lire l’intégralité de son commentaire délirant dans cet article du « Grand Continent » : « 86 % des Français considère que la cérémonie d’ouverture a été « un succès » ». J’ai l’intuition qu’un grand nombre d’évangélistes qui suivent Trump exprimeraient des condamnations proches de Douguine.

La conciergerie

Le dernier tableau qui fut l’objet des critiques les plus sévères fut celle de la reine Marie-Antoinette, tête décapitée qui chantait « ça ira, ça ira, ça ira, les aristocrates on les pendra. »

C’est en passant devant la conciergerie, où fut enfermée la reine pour ses derniers jours, que ce tableau qui associe le groupe de metal Gojira et la chanteuse d’art lyrique Marina Viotti est réalisé.

Certains s’insurgent en trouvant que cette image est porteuse de division des français. Elle porte aussi le côté rebelle et souvent révolté de la nation française. C’est du théâtre et c’est un instant de l’Histoire française et qui est intimement lié avec ce monument de Paris.

Et puis il y eut 4 tableaux de rêve, de poésie et de force.

D’abord la jeune et lumineuse chanteuse Axelle Saint-Cirel qui a interprété la Marseillaise.

Elle ne s’est pas retirée comme Lady Gaga, mais a choisi dans des conditions de sécurité compliquées, sous une pluie battante, de monter comme il était prévu sur le toit du Grand Palais et de chanter Une Marseillaise réorchestrée par Victor le Masne et magnifiquement interprétée avec un chœur de femmes.

Patrick Boucheron écrira dans l’article précité :

« Pour moi, c’est une des images les plus fortes — celle du courage, de la jeunesse, du talent. »

 

Le deuxième tableau qui m’a ébloui fut celui, près du pont Alexandre III, quand sont apparues, émergeant une à une de leur socle au son de la Marseillaise, dix grandes statues dorées représentant des femmes ayant marqué l’histoire de France dans les domaines des sciences, des arts, des lettres, de la politique ou du sport.

Simone Veil et les autres femmes remarquables

Il s’agissait de Simone de Beauvoir (1908–1986) ; la magistrate et femme politique française Simone Veil (1927–2017), rescapée de la Shoah et qui obtint la légalisation de l’avortement en France en 1975 après une âpre lutte ; l’écrivaine et militante anarchiste Louise Michel (1830–1905), figure majeure de la Commune de Paris ; l’avocate et femme politique Gisèle Halimi (1927–2020) ; et la dramaturge et activiste Olympe de Gouges (1748–1793), qui plaida en faveur du droit des femmes et des esclaves durant la Révolution française. D’autres, moins connues du grand public, ont été mises en lumière à cette occasion : la philosophe et poétesse Christine de Pizan (1364–1431) qui fut l’une des premières femmes de lettres en Europe ; l’exploratrice et botaniste Jeanne Barret (1740–1807), première femme à avoir fait le tour du monde, déguisée en homme ; l’athlète Alice Milliat (1884–1957), qui œuvra pour l’inclusion des femmes dans le sport en organisant les premiers Jeux mondiaux féminins en 1922 ; la journaliste et écrivaine Paulette Nardal (1896–1985), figure du mouvement de la négritude et l’une des premières femmes noires à avoir étudié à la Sorbonne ; et la réalisatrice, scénariste et productrice Alice Guy (1873–1968), pionnière du cinéma narratif.

Le troisième tableau fut le plus poétique, le plus créatif, comme un conte : un cheval métallique monté par une cavalière qui apporte le drapeau olympique. Je laisse encore la parole à Patrick Boucheron :

Zeus et sa cavalière sur la Seine

« Ces douze minutes de traversée de Paris à cheval devaient passer comme un rêve : celui de notre propre rapport à l’imaginaire. La cavalière est ce vous voulez qu’elle soit : elle peut être la déesse gauloise Sequana qui donne naissance à la Seine, elle peut ressembler à Jeanne d’Arc si vous le souhaitez, mais si vous pensez au cheval de Beyoncé cela va très bien aussi. Impossible là encore de discipliner ses connotations : l’essentiel est qu’elle file sur l’eau noire, vite et droit, comme un trait de lame. […] C’est dans cette superposition de strates imaginaires, sans la dénotation ou la précision de la référence sur le plan historique, que se produit une image pour le monde entier. Entre la pop culture, l’histoire de Paris et son « fluctuat nec mergitur », ce symbole parle à un Japonais, à une Américaine, à un Nigérien ou à une Norvégienne. »

Le quatrième tableau fut celui de l’élévation, de la légèreté, celui de la flamme olympique qui s’élance dans le ciel de Paris.

La Flamme olympique dans le ciel de Paris

Cette cérémonie fut pour moi un acte de création, avec beaucoup d’Histoire, un peu de magie et le plus souvent une immense poésie.

Une France qui regarde vers son passé et qui accepte de se tourner vers la modernité et toute la richesse de ses enfants qui peuvent venir d’ailleurs mais qui ont choisi ce pays, cette nation.

Une réflexion au sujet de « Lundi 29 juillet 2024 »

  • 12 avril 2025 à 1 h 04 min
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    Ce mot du jour devait être écrit le 29 juillet. Je n’en ai pas eu le temps. Je l’écris donc en avril 2025, mais avec la description du 29 juillet 2024.

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