Vendredi 28 avril 2017

Vendredi 28 avril 2017
«C’est un peu rapide [de dire ] que deux France se feraient face ! »
Frédéric Gilli
Tourner autour du pot, pour voir le pot sous tous ses aspects…
Osons un peu de complexité, car la vie est complexité.
C’est l’arme des démagogues de tous bords de prétendre que les choses sont simples et que des solutions simples peuvent être trouvées.
Nous aussi sommes complexes :
Faisons-nous partie du peuple du web ou du peuple du mur ?
Sommes-nous libéraux ou non en matière économique, culturelle ou sociétale ?
Sommes-nous des « gens de n’importe où » ou appartenons au « peuple de quelque part ». ?
Mon ami Daniel répondait au mot du jour d’hier fort judicieusement : « j’ai du mal à me retrouver dans [cette] distinction. J’ai le sentiment d’être de quelque part culturellement mais pas physiquement par ailleurs j’aime l’ouverture aux idées tout en conservant mon sens critique. »
Pour ma part, je me sens plutôt faisant partie du peuple du web que du peuple du mur. Mais quand je discute avec mon fils Alexis je n’en suis plus si certain. Je fais certainement beaucoup moins partie du peuple du web que lui ou j’adhère beaucoup moins aux valeurs du peuple du web que lui. Suis-je pour autant du peuple du mur, sans le reconnaître ?
Et je ne me sens certainement pas de n’importe où, je suis plutôt de quelque part.
Je comprends et j’adhère à cet avis que Christophe Guilluy a émis et que j’ai repris dans le mot du jour du 7 octobre 2016 : « Personne au monde, ni en Algérie, ni au Sénégal, ni en Chine, ne souhaite devenir minoritaire dans son village. »
Les raisonnements binaires sont simplistes, or la vie, l’humanité est complexité.
Dans une tribune au « Monde » que vous trouverez en pièce jointe, Frédéric Gilli, chercheur à Sciences Po, estime que la géographie du vote ne dessine pas une claire opposition entre une France des villes vivant bien la mondialisation et une France périphérique en train de dépérir.
Je vous en livre quelques extraits :
« Deux France se feraient face. Une double fracture même, territorialement caractérisée à grand renfort de cartes synthétiques : d’une part les centres-villes s’opposant aux zones pavillonnaires et rurales et d’autre part des régions aux valeurs très différentes démarquées par une ligne Normandie-Provence-Alpes-Côte d’Azur…
C’est peut-être un peu rapide ! […]
Les instituts nous le disent, les électeurs d’Emmanuel Macron sont plus diplômés, plus urbains, plus optimistes… Le yuppie serait ainsi le candidat des bobos béats et de la mondialisation heureuse avec, face à lui, la France périphérique, repliée, xénophobe et fragile ?
[…] en 2017, la présence de Marine Le Pen en tête dans plusieurs départements et dans une majorité de communes occulte la grande diversité des municipalités dans lesquelles Emmanuel Macron réalise des scores très importants : il est arrivé largement en tête à Paris (35 %), la belle affaire ! Il est aussi arrivé en tête dans un département rural traditionnellement de droite comme l’Aveyron (26 % contre 17 % à Le Pen) et un département voisin traditionnellement de gauche comme le Puy-de-Dôme (27 % contre 18 % à Le Pen) et dans des villes moyennes fragilisées comme Bourges (Union des démocrates et indépendants, 28 %), Bar-le-Duc (Parti socialiste, 25 %) ou Châteauroux (Les Républicains, 25 %)…
Creusons donc un peu !
Marine Le Pen en tête dans 19 000 communes C’est indéniablement dans les coeurs des grandes agglomérations que Macron réalise ses meilleurs résultats : il y capitalise 26 % des scrutins exprimés, quand Marine Le Pen n’en recueille que 18 %. Pour autant, si l’on compare les résultats des deux candidats arrivés en tête au premier tour en suivant les grandes catégories territoriales de l’Insee (les grandes aires urbaines, leur périphérie, les villes petites et moyennes, le rural), force est de constater que le paysage électoral est bien moins binaire que celui d’une France à moitié bleu Marine (la candidate FN arrive en tête dans 19 000 communes). Le vote FN croît bien à mesure que l’on s’éloigne du centre : 18 % dans les grandes agglomérations, 25 % à leur périphérie et 27 % au-delà ; 17 % dans les villes petites et moyennes, 22 % à leur périphérie, 29 % au-delà…
Le rural résistant mieux à cette poussée frontiste avec moins d’un quart des suffrages pour Marine Le Pen. On notera toutefois que, si ces chiffres sont indéniablement élevés, elle ne dépasse pas la barre des 30 % dans aucun de ces territoires (en moyenne, il est évident que cela peut masquer des situations municipales variables).
Et Macron dans tout cela ? Uniformité des résultats Eh bien, ses résultats sont particulièrement constants quel que soit le terrain. Il rassemble entre 20 % et 23 % des électeurs dans tous ces territoires : 21 % des ruraux, 22 % des électeurs des petites villes, 23 % des périurbains des grandes agglomérations…
Evidemment cela varie en fonction des communes et de leur composition sociale mais, si deux France se font face à travers Le Pen et Macron, ce ne sont de toute évidence pas la France des villes et celle des campagnes, puisque le candidat d’En marche ! brille plutôt par l’uniformité de ses résultats.
Le constat mérite aussi d’être affiné par grandes régions : une carte nationale montre en effet la nette prééminence du FN dans la moitié nord-est du pays, au-dessus d’une ligne Caen-Grenoble, ainsi que le long du littoral méditerranéen. En Normandie, dans les Hauts-de-France, le Grand-Est, en Bourgogne-Franche-Comté ou dans le Centre, Marine Le Pen arrive en tête, y compris dans les plus grandes aires urbaines (sauf dans l’hyper-centre de plusieurs d’entre elles, disputé par Macron et Mélenchon). Les communes rurales du nord et de l’est de la France composent d’ailleurs la seule grande catégorie territoriale où Marine Le Pen dépasse 30 % des votes en moyenne (31 %), et c’est en même temps les seuls endroits où Emmanuel Macron ne recueille pas en moyenne plus de 20 % des scrutins (et 14 % des inscrits, soit 260 000 bulletins recueillis sur 1 800 000 possibles).
[…] Si le vote FN est plutôt typé géographiquement, cela ne se traduit pas par une France coupée en deux, ni entre le Nord ou l’Est et le Sud ou l’Ouest, ni entre les villes et les campagnes. Et à tout prendre, au vu des cartes, si un vote répond nationalement à celui de Le Pen, ce serait plutôt celui en faveur de Mélenchon. Au contraire, le principal signe de continuité entre ces territoires, c’est précisément le vote Macron, qui est très stable à travers tout le pays, quels que soient les endroits.
Ces raccourcis seraient sans conséquences s’ils ne risquaient pas d’induire des erreurs de jugement.
En l’occurrence, deux erreurs sont possibles
La première serait, pour les analystes, de se méprendre sur l’état du pays. Le pays n’est pas traversé par une guerre de civilisation, ni coupé en deux entre des territoires aux trajectoires opposées. Si Macron est réellement le candidat de la modernité et de la mondialisation que nous présentent les médias, cela voudrait dire que l’on trouve dans ces territoires des gens ouverts au monde, à la création de richesse… ce que démontrent les nombreuses initiatives locales partout en France mais que les politiques de concurrence territoriale et de métropolisation s’obstinent à nier.
[…]
La seconde erreur serait, pour Emmanuel Macron, d’oublier d’ici au second tour mais surtout pendant son mandat qu’il est aussi l’élu de cette France-là. Au total, les quartiers pavillonnaires, les petites villes en déprise, les zones rurales lui donnent 3,6 millions de voix, soit près de la moitié de son électorat !»
Vos idées sont moins claires après avoir lu cette chronique ?
C’est normal, c’est cela la complexité.
Mais c’est beaucoup plus proche de la réalité.

Jeudi 27 avril 2017

« Retour à Forbach »
Régis Sauder
Je suis né à Forbach en 1958, j’habitais la ville voisine de Stiring-Wendel. Mais que ce soit le lycée Jean Moulin où j’ai étudié, le conservatoire de musique où mon père enseignait le violon, les librairies que je fréquentais, les cinémas, tous ces équipements se trouvaient dans la ville centre de l’agglomération : Forbach.
Retour à Forbach est un documentaire de Régis Sauder, un forbachois qui montre cette ville aujourd’hui, en laissant parler les habitants de toute origine et expliquer ce qui s’est passé dans cette ville depuis les années 1980.
Ce lundi, après les élections présidentielles, j’ai lu quelques journaux, mais surtout, surtout je suis allé voir ce documentaire qui est sorti en salle le 19 avril 2017.
La Croix écrit : «  Le retour vers les origines figure souvent parmi les aventures les plus périlleuses d’une vie d’homme. Celui de Régis Sauder vers la ville mosellane de son enfance ne fait pas exception à la règle, quant au remuement intérieur qu’il occasionne. Retour à Forbach, le documentaire qui résulte de ce périple aux mille embûches, n’en est que plus fort, impressionnant dans ce qu’il laisse percer de l’admirable éthique de son auteur. »
Les Inrocks parle de la «La désagrégation d’une ville lorraine scrutée par un œil rigoureux. »
A Forbach, Marine Le Pen a atteint 29,65% des voix du vote de dimanche.
Et dans la ville voisine où j’ai passé mon enfance, Stiring-Wendel, encore plus désespérée que la ville centre, la représentante de la France du mur pointe à 37,30%.
Dans mon enfance, les Houillères du Bassin de Lorraine ou HBL régnaient sans partage sur cette agglomération de 80 000 habitants dans laquelle toutes les communes étaient accolées les unes aux autres.
Les mines de charbon étaient la mono industrie, on y travaillait ou on travaillait en sous traitance pour les HBL ou encore on travaillait pour vendre des services ou des biens pour ceux qui y travaillaient.
Tout était pris en charge par les HBL qui avaient leur propre hôpital, leur sécurité sociale spécifique. Les ouvriers étaient logés gratuitement dans des maisons appartenant aux HBL.
La vie culturelle, sportive étaient financées par les HBL.
Et puis, les mines ont fermé et l’économie locale s’est effondrée sur elle même. De nombreux  retraités, avec des revenus honorables mais plus de perspectives pour les jeunes générations.
Ma terre natale a toujours été terre d’immigration, immigration italienne, immigration polonaise. Si mon ascendance paternelle est ancrée dans ce lieu de l’est de la Moselle, ma mère est née polonaise et a accédé à la nationalité française par le mariage. Son père polonais  était d’abord venu travailler en Allemagne dans la Ruhr, à Essen où est née ma maman. Puis des recruteurs venant de Lorraine l’ont convaincu de venir travailler en France, de s’installer à Stiring Wendel en bas de la Rue Croix dans des maisons spécialement construites pour accueillir l’immigration polonaise. 400 m plus haut se trouvait la maison familiale de mon père. Et après les épreuves de la guerre mon père lorrain de souche donc français a épousée l’immigrée polonaise.
A la fin de la période des mines, une immigration maghrébine a aussi été appelée pour venir travailler dans les mines et les métiers autour de la mine. Et les choses se passaient relativement bien.
Mais lorsque l’économie locale s’est effondrée, la cohabitation est devenue plus compliquée.
Le documentaire le montre remarquablement avec des personnages truculents comme la femme qui tient le café du marché, lumineuse comme cette femme qui travaille dans les oeuvres sociales et aussi ces personnes émouvantes d’origine maghrébine qui racontent la difficulté d’aujourd’hui. L’un dit : « Avant quand j’avais besoin d’aide je demandais à mon voisin qui était d’une origine différente de la mienne. Mais aujourd’hui cela ne fonctionne plus alors je vais à la mosquée et c’est là que je trouve de l’aide »
Et puis cet ouvrier qui explique qu’il a un emploi salarié et qu’il a un prêt sur 15 ans pour sa maison, alors selon ses propos : « il courbe l’échine. Quand il esquisse une révolte, son patron lui dit : tu peux partir il y en a 15 qui attendent ». La fierté s’est envolée.
Et je me souviens de mes cousins qui travaillaient au fond de la mine. Travail dur, éprouvant pour la santé mais lorsqu’ils parlaient de leur métier, leurs yeux brillaient de fierté. Ils arrachaient la pierre de la terre pour chauffer les maisons, pour faire tourner les usines. Il y avait l’évidence immédiate de l’utilité de leurs efforts.
La fierté d’hier heurte la résignation d’aujourd’hui.
Le centre ville de Forbach est déserté, un grand nombre de commerces sont fermés. Des panneaux « à louer » sont collés, mais personne n’est dupe ces commerces n’ouvriront plus.
Et les communautés s’observent, probablement avec un peu de peur et en soupçonnant vaguement que c’est l’autre qui est responsable de ce gâchis.
Et les mines qui ont fermé continuent cependant à hanter la région : les nombreuses galeries creusées dans le sous sol entraînent des dégâts miniers et fissurent les maisons nécessitant soit de lourds travaux soit de quitter ces maisons.
Heureusement qu’à 10km se dresse Sarrebruck, la capitale de la Sarre le plus petit des länder de l’opulente Allemagne.
Bien sûr, ce document qui parle de la terre où je suis né me touche particulièrement. Mais je crois que chacun pourra y trouver un début de réponse à cette question mais pourquoi le Front national recueille t’il tant de voix ?
Le documentaire annonce qu’une librairie va rouvrir au centre ville. C’est une note d’espoir.

Mercredi 26 avril 2017

« Les fractures politiques françaises »
Réflexions après le premier tour des présidentielles de 2017
La décision du peuple français conduit donc à un second tour où s’affronteront le peuple du web contre le peuple du mur ou au moins le représentant de chacun de ces peuples.
Mais le premier tour montre ces fractures françaises
D’abord une fracture géographique qui est montrée par cette carte où le département porte la couleur du candidat ayant reçu le plus grand nombre de suffrages .
Il y a donc une ligne de fracture Est/ouest principalement et plus précisément Nord-Est / Sud-Est pour Le Pen et Ouest / Sud-Ouest pour Macron avec quelques tâches supplémentaires pour ce dernier :
D’abord la région parisienne sauf la Seine Saint Denis où Mélenchon a réalisé un score de 34% contre 24% pour Macron et 13,5 pour Le Pen.
Et puis il y a une partie de la Région Rhône-Alpes : Le Rhône, l’Isère et la Savoie ainsi que les Hautes Alpes. Et puis Macron a aussi gagné le centre de la Bourgogne : La Côte d’Or.
La seconde Fracture est celle des métropoles contre la France périphérique qu’a décrite Christophe Guilluy, même si dans le détail cette fracture est peut être plus complexe comme l’explique la géographe Béatrice Giblin et le démographe Hervé Le Bras lors des matins du France Culture de ce lundi. Ainsi Béatrice Giblin a dit lors de cette émission :« Les pauvres, les chômeurs votent Front national, les gagnants, ceux qui sont dans la mondialisation votent Macron. Il faut sortir de cette vision simpliste. Si on veut comprendre les choses, il faut rentrer dans une complexité un peu plus forte et dans des analyses plus fines. Vous pouvez à l’intérieur des métropoles, avoir des gens qui vivent très mal, qui sont aussi au chômage, qui ont du mal à boucler leurs fins de mois mais qui se trouvent au sein d’une dynamique sociale et culturelle qui fait qu’ils vont avoir les outils pour résister au vote Front national. En revanche, quand vous êtes dans une petite ville, dans une zone à 50 habitants au km2, où les activités sont à l’extérieur de la ville, là vous avez un sentiment d’abandon. Mais ce qui ne veut pas dire que vous allez forcément mal !»
Toujours est-il qu’on voit les résultats suivants dans les grandes Métropoles
Le Pen toujours inférieur à 10% et même en dessous de 5% à Paris.
Il y a l’exception de Marseille mais où Mélenchon arrive en tête.
Et quelques autres du Sud Est comme Nice.
Une autre quantification donne un repère : Le Pen a été en tête dans 18 845 communes et Macron que dans  7 222 communes : Les petites contre les grandes.
Vous trouverez en pièce jointe un article du Monde du journaliste  Patrick Roger qui précise cette double fracture
<Sur cette page du Monde réservée aux abonnés> vous trouverez des éléments de sociologie électorale
On constatera que les cadres votent à 34% pour Macron et 13% pour Le Pen, concernant les autres candidats ils votent comme le reste de la France 19% pour Mélenchon et 20 % pour Fillon et un peu plus que la moyenne pour Hamon 8%.
En revanche les ouvriers qui votent le font à 36% pour Le Pen (24% pour Melenchon) et 17% pour Macron.
Les retraités votent à 37% pour Fillon et 26% pour Macron et que 14% pour Le Pen.
Lorsqu’on s’intéresse aux retraités de plus de 70 ans, le vote va à 46% pour Fillon.
Inversement les jeunes de 18-24 ans ont voté pour Mélenchon à 31% et Le Pen à 20% et Emmanuel à Macron qu’à 18%.
Macron est en tête pour les 25-34 ans mais pour les 35-49 ans, c’est-à-dire le centre de la vie professionnelle Marine Le Pen est nettement en tête avec 29% contre 22% et 21% pour Mélenchon et Macron et que 12% pour Fillon.
Tous ces éléments montrent bien des fractures françaises.
Le défi d’un futur Président est en principe de réunifier les français et de parler à la France dans sa globalité.

Mardi 25 avril 2017

« La plupart des hommes politiques ne manquent certainement ni d’intelligence ni de volonté, mais ils manquent beaucoup de sagesse. »
Christophe André

La semaine de l’émission de France Culture « A voix Nue » du 3 au 7 avril 2017 était consacrée au psychiatre Christophe André interrogé par Xavier de la Porte.

Lors de la 5ème et dernière émission, ils ont eu cet échange :

A partir de la 10ème minute :

« Il y a un concept que j’aime beaucoup : c’est le concept d’intériorité citoyenne.

Le premier qui l’a proposé est un psychothérapeute belge qui s’appelle Thomas D’Ansembourg (*) […]

[Sa thèse en simplifiant est que ] Vous ne pouvez pas être un bon citoyen, si vous n’avez pas fait le ménage à l’intérieur de vous-même. C’est-à-dire que si vous êtes quelqu’un de profondément égoïste, impulsif, coléreux […] c’est compliqué pour vous de vous comporter de façon juste, cohérente, constructif avec votre environnement immédiat.

Notre comportement avec nos proches, c’est le début de la politique. Comment je me comporte en public, quels buts je privilégie etc… »

Xavier de la Porte :

« Mais l’Amérique a élu Donald Trump […] Nous sommes dans une époque politique un peu étrange, on se demande si nos dirigeants politiques ne sont pas fous ? »

A cela Christophe André répond :

« En tout cas, ils ne sont pas sages. Je ne sais pas s’ils sont fous, mais ils manquent de sagesse. La sagesse ce n’est pas seulement de l’intelligence ou de l’habileté. Dans la sagesse, il y a la notion d’avoir pacifié son tumulte émotionnel, son tumulte égotique, d’avoir de la bienveillance pour les autres.

Très clairement la plupart des hommes politiques contemporains manque de sagesse. Ils ne manquent certainement ni d’intelligence ni de volonté, mais ils manquent beaucoup de sagesse, sans être fou pour autant. »

Voici les quelques réflexions que je souhaitais partager avec vous au lendemain de cette élection présidentielle française de 2017.

(*) Thomas d’Ansembourg avait déjà été évoqué lors du mot du jour du 10 janvier 2017 : « La paix ça s’apprend » car il était le coauteur avec David Van Reybrouck du petit ouvrage dont le titre complet est  : « La paix ça s’apprend : comment guérir de la violence et du terrorisme » paru à Actes Sud, en novembre 2016.

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Vendredi 21 avril 2017

« Le baiser de l’ouragan »
Marine de Nicola.

Je me demandais quoi écrire comme mot du jour, ce vendredi, à 2 jours du premier tour d’une élection présidentielle qui pourrait être le début d’une époque compliquée et je suis tombé sur un article du Huffington Post consacré à un livre « Le baiser de l’ouragan » qui vient de paraître le 7 avril 2017.

Ce livre est celui de Marine de Nicola qui raconte son histoire. Dans les moments de trouble, il faut revenir à notre humanité et à ce qui est grand dans l’humain.

Marine de Nicola est toulousaine de naissance et elle a eu, au début de sa jeune vie, un parcours étonnant, ponctué de succès. C’est une française passionnée de la Chine qui a appris le mandarin.

A la suite d’un concours elle avait obtenu : « une bourse «Confucius » qui lui permet de défendre ses chances à Pékin dans un télécrochet très populaire. Finaliste, elle décide de rester sur place et de tenter sa chance comme chanteuse. Sélectionnée pour l’équivalent de «La nouvelle Star », elle travaille son image pour gagner en popularité, interprète des chants patriotiques chinois dans des stades remplis de 20 000 personnes. «Je vivais à Pékin, j’étais riche d’un seul coup, populaire, j’allais d’hôtels de luxe en restaurants étoilés, je roulais dans des supers voitures, je partais au bout du monde en voyage, c’était une vie facile. Et puis… »

Alors qu’elle est en Chine, elle ne se sent pas bien et va consulter. Les médecins chinois diagnostiquent un terrible cancer : un cancer du système lymphatique qui a pour nom : « lymphome de Hodgkin ».

Elle explique «Je ne comprenais pas ce que me disaient les médecins, mon mandarin n’était pas assez technique » Et elle est retournée à Toulouse pour se faire soigner et elle a ouvert un blog dont elle a repris le nom comme titre de son livre « Kiss of a hurricane » qui raconte son combat.

Et c’est ce qu’elle écrit et dit que je voudrais partager avec vous, parce que cela permet de distinguer l’essentiel du futile, que cela donne de la force et que c’est un exemple pour chacune et chacun de nous devant les épreuves que nous avons ou que nous pourrons avoir à affronter pour ne jamais renoncer, ne jamais se rendre, ne jamais se démettre de son énergie, de sa confiance et de son esprit d’optimisme et de conquête.

A la Dépêche du midi elle explique : «J’ai souffert, j’ai cru mourir, j’ai pleuré, j’ai mûri. J’ai été envahie de regrets, comme si j’avais 50 ans. Sans ce cancer, ma vie aurait été moins intéressante sur le long terme. On se sent plus heureuse après, on sourit de tout, même d’un petit vent qui souffle dans les cheveux ou du simple fait de ne rien ressentir parce qu’il n’y a plus de souffrance».

Et voici ce que reproduit l’article du Huffington Post :

« Je n’aurais jamais cru que la mort puisse me rendre si vivante.

Jamais la bise du matin n’a été si agréable, les fleurs si odorantes, le ciel si bleu. Les bruits du quotidien sont comme une musique enchanteresse, chaque conversation au détour d’une ruelle devient poésie. Même la laideur devient éclatante de beauté.

Combien de temps me reste-t-il? Peut-être plus beaucoup. Je dois vivre chaque instant pleinement, aimer comme je n’ai jamais aimé, vivre à en crever. Les masques tombent. Je n’ai plus rien à prouver. Plus rien à critiquer, plus rien à haïr. Je n’ai plus rien à posséder. J’ai juste à… être.

J’ai compris que nous sommes tous égaux face à la maladie. Elle est impartiale. Elle frappe au hasard, nous délestant de nos parures scintillantes, de nos chevelures et de nos prises de tête du quotidien. Ses victimes sont catholiques comme musulmanes, gays comme hétéros, riches comme pauvres.

Elle nous oblige à regarder la vérité en face, retourner à la base, à ce qui nous est essentiel. Elle nous emmène au pays où les biens matériels, la reconnaissance sociale sont superflus. Désormais, tout ce qui compte, c’est l’instant présent, et puis l’amour.[…]

Je voudrais dire à toutes les personnes qui se battent qu’elles sont belles.

Je fais tout sauf pitié. Je n’ai honte de rien. Je marcherai dans la rue le menton haut et le crâne au vent. Aux regards des curieux, je répondrai avec un grand sourire. Ce sera ma manière à moi de changer le regard sur la maladie. Pour qu’on n’ait plus peur de prononcer le mot « Cancer » et qu’on puisse même en rire.

Je voudrais dire à toutes les personnes qui se battent qu’elles sont belles. Leur histoire, leur humanité, leur fragilité les rend beaux. Je voudrais leur dire qu’ils n’ont pas besoin de se cacher, qu’ils ne sont pas obligés de rentrer dans le moule. Ils ont le pouvoir de transformer leur faiblesse en véritable force.

Si je dois être malade, je le serai avec tout le panache dont je suis capable.

Je m’appelle Marine, j’ai 24 ans, je suis humaine, chauve et belle. J’ai décidé de raconter mon histoire en regardant le monde droit dans les yeux.

Vous qui la lirez peut-être, je vous invite à vous décentrer et à vous mettre, pour quelques heures, dans la peau d’une canc-heureuse. »

« Je voudrais dire à toutes les personnes qui se battent qu’elles sont belles. »

La vraie beauté, celle qui vient de l’intérieur et qui rejaillit à l’extérieur.

En 2015, elle avait été invitée à TF1 le 28 juin 2015 pour raconter ses combats et elle dit cette phrase pleine de joie et de philosophie de vie :

«Quand on s’en sort, on se rend compte que c’était un cadeau, un cadeau mal emballé, mais un cadeau. Je n’ai plus rien à voir avec la personne que j’étais avant. »

La tumeur a été vaincue, elle se trouve en période de rémission c’est à dire sous surveillance car cette maladie sournoise peut resurgir.
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Jeudi 20 avril 2017

Jeudi 20 avril 2017
«Pourquoi mes rêves ne seraient-ils pas vos rêves ?»
J.M.G. Le Clézio, écrivain
Écrivain français d’origine mauricienne, J.M.G. Le Clézio a reçu le Prix Nobel de littérature en 2008

http://le1hebdo.fr/journal/numero/1/vos-reves-ne-seraient-pas-mes-reves-55502-79.html

J’ai plusieurs fois parlé de ce journal étonnant et intéressant : «Le Un».
Fin 2016, a paru un petit livre qui reprenait certains des articles parus dans ce journal : «Le malaise français»
Aujourd’hui, je voudrais partager avec vous le premier article repris dans ce livre.
Il s’agit d’un article écrit le 13 février 2014 par le prix Nobel de littérature Le Clézio :
«J’ai grandi dans un pays imaginaire. Je ne savais pas qu’il l’était à ce point.
Mes lectures, c’était Capitaine Corcoran, Barnavaux, soldat de France, et bien sûr l’Histoire de France de Lavisse.
D’un autre côté mon père, citoyen britannique (alors on ne parlait pas des Mauriciens comme d’une identité réelle), lisait des livres sur le vaudou, était assuré que Jeanne d’Arc n’était rien qu’une sorcière, cruellement mise à mort par l’Inquisition, et que de Gaulle avait menti aux Français.
Ma mère avait vécu la guerre, elle avait une sorte de vénération pour celui qu’elle avait écouté à la radio lancer son appel à la résistance, parce qu’elle avait haï absolument la voix du Führer.
Être adolescent en France, cela voulait dire découvrir Sartre, Huysmans, Lautréamont, Rimbaud (ah, Un cœur sous une soutane, merveilleux petit roman), et bien sûr lire Les Fleurs du mal comme tout le monde. On pouvait nous faire croire à l’école que Racine était un grand tragédien et que Hugo était un libertador. La vérité c’est que le grand tragédien était William Shakespeare, par quelque bout qu’on le prenne, et que les abolitionnistes étaient tous anglais, voire anglaises.
Je ne dis pas que la France aura été le plus accompli des pays colonialistes : l’Angleterre, la Belgique et la Hollande n’ont rien à lui envier. Mais il se trouve que c’est en France qu’on a eu le plus de mal à se guérir de cette maladie infantilisante.
Le monde a tourné : quand j’avais dix-huit ans, un jeune homme, qui aimait l’art et la fête, parce qu’il travaillait mal en classe, était envoyé en Algérie pour se battre contre un peuple qui voulait être libre. Il pouvait déserter, aller en Suède, feindre la folie, il a préféré partir puisque c’était son devoir. Il l’a payé de sa vie.
Dans ce même pays, l’Algérie, l’armée française pratiquait la torture et les exécutions sommaires, et balançait sur les villages rebelles ce qu’on appelait pudiquement les « bidons spéciaux » – le napalm. Les rebelles d’ailleurs ne s’appelaient pas des rebelles, ils s’appelaient officiellement des HLL – des hors-la-loi.
À cette même époque (1960), une jeune fille, parce qu’elle attendait un bébé dont elle ne voulait pas, confiait son corps à une matrone qui la transperçait d’une aiguille à tricoter, et on appelait ça une faiseuse d’anges.
La France d’aujourd’hui, Dieu merci, a changé. On n’y cultive plus le racisme ordinaire – juste un peu honteux, ce qui est un abîme de progrès. On ne croit plus guère à la mission civilisatrice des Blancs sur le reste du monde – si peu, ce qui est miraculeux. On y pratique une certaine tolérance, à condition de ne pas exagérer. On y invente la parité, dans la douleur bien sûr. Bref tout va sans doute pour le mieux. Pourtant, la faillite du système pour ce qui concerne le chômage des jeunes, l’exclusion des pauvres, l’expulsion des métèques, tout cela ne s’améliore pas. Tout d’un coup on se prend à imaginer : et si l’on changeait ?
La faute est à la crise. La crise, parlons-en : des économistes donnent chaque jour leur précieux avis. La relève serait pour demain. Le bonheur pourra bientôt reprendre. Mais quel bonheur ? Celui d’un retour en arrière, d’une France identifiée comme l’héritière d’une longue culture, bénéficiant d’un « art de vivre ». Le modèle du village français résistant aux barbares n’existe pas. Il n’a jamais existé. Au début du xxe siècle, quand Bécassine la Bretonne vient travailler comme domestique à Paris (en ce temps les Bretonnes sont les Mauriciennes et les Philippines de la France), elle perçoit comme salaire, logée et nourrie, environ un franc par an. Le chemin de fer entre Paris et Nice coûte deux fois cette somme. Il est vrai, l’on est alors « entre soi ». La police ne fait pas de contrôles « au faciès », et tout le monde, peu ou prou, se retrouve le dimanche à la messe.
J’aimerais une France dont la puissance ne reposerait pas sur les armes, sur le joujou atomique, sur la réserve d’or dont on dit qu’elle dépasse celle de Fort Knox. Une France dont la puissance serait celle des idées, des idéaux, des œuvres, des cerveaux. Elle en a les moyens : qu’on songe seulement à ce que représentent la poésie de Christine de Pisan, les nouvelles de Marguerite de Navarre, les romans de George Sand. Qu’on pense à Colette, à Nathalie Sarraute, à Sartre, à Camus. Ou si l’on préfère, qu’on se souvienne de Jacques Cazotte, de Lautréamont, d’Artaud, de Paul Éluard. Ou encore d’Impressions d’Afrique ou du Captain Cap. Est-ce que tout cela a été dit pour rien ? Est-ce que tout cela ne constitue pas un trésor, notre seul trésor ?
Je songe à un pays – mon pays, puisque j’y suis né et que j’ai sucé le lait de sa langue – qui cesserait de se bercer dans son sommeil hypnotique avec les airs mélancoliques du passé. Un pays qui déciderait de mettre fin une fois pour toutes à son pouvoir régalien, à son aristocratie et à ses privilèges exorbitants. L’histoire coloniale ne pourra pas être réécrite : elle est inhérente à la fortune de la France, comme la richesse de ses grandes cités portuaires est due au trafic d’esclaves.
En revanche, s’ouvrir au monde, s’ouvrir au partage et se reconnaître comme culture plurielle pourraient donner à notre nation la confiance qu’elle a perdue.
Aujourd’hui, la France connaît de grandes difficultés à abandonner l’ère de l’uniculturel. Le racisme a officiellement disparu, mais cela reste toujours aussi difficile pour un Français d’origine antillaise ou africaine de trouver un job et un logement. Le paysage culturel est en train de changer mais la France reste un club fermé.
Il faut admettre qu’elle n’est plus seulement le pays de Voltaire et de Condorcet, de Michelet et de Lamartine. C’est aussi le pays d’Aimé Césaire et d’Édouard Glissant, le pays de Boualem Sansal et de Laabi, par la langue le pays d’Yambo Ouologuem et d’Abdourahman Waberi. La langue française est un être vivant, qui change et se modifie sans cesse. Elle n’existe que par ses adaptations, ses rencontres, ses inventions. Sa force n’est pas dans on ne sait quel « rayonnement », elle est dans ce changement. La reconnaissance des torts causés aux minorités – en vérité majoritaires dans tous les lieux névralgiques de notre pays – n’est pas un fantasme caritatif, ni une expiation : ce serait la seule chance pour cette culture ancienne, largement métissée, de continuer son aventure dans la complexité du monde. Nous y sommes, c’est le point de non-retour : ou bien l’on ouvre les ghettos, et l’on partage le bon air de la mixité, ou l’on se dessèche sur les ruines archéologiques d’une histoire devenue imaginaire.
Je suis un binational franco-mauricien qui vit une partie de son temps comme un émigré. Pourquoi mes rêves ne seraient-ils pas vos rêves ?
Albuquerque, le 13 février 2014 »

mercredi 19 avril 2017

mercredi 19 avril 2017
« L’article 16 de la constitution »
Un article liberticide de la constitution qu’il ne faudrait pas mettre entre toutes les mains.
Grâce à Manuel Valls nous connaissons l’article 49-3 de la constitution, article qui permet d’obliger l’Assemblée Nationale d’accepter qu’un texte de Loi soit adopté sans le discuter, sauf à voter une motion de censure qui renverserait le gouvernement et très probablement conduirait à une dissolution de l’Assemblée ce qui aurait comme conséquence fâcheuse de ramener chaque député devant ses électeurs.
Grâce à François Asselineau qui est ce candidat qui à chaque question dégaine un article d’un Traité ou de la Constitution, nous sommes familier de l’article 5 de la constitution qu’il cite le plus souvent, celui qui donne au Président de la République l’injonction d’être « le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités.»
Mais l’article le plus problématique de la Constitution n’est pas beaucoup cité.
François Mitterrand a écrit au moment de la création de la Vème république un livre : « Le coup d’Etat permanent » dans lequel il fustigeait la 5ème république et dénonçait notamment l’article 16 de la constitution.
Il a été 14 ans au pouvoir sous cette constitution et il n’a pas voulu ou pas pu abroger cet article.
Tout à fait à la fin de son mandat, il a eu cette sentence : « Les institutions ont été dangereuses avant moi et le redeviendront après moi ».
Vous trouverez ces information sur l’excellent site de l’Institut François Mitterrand :  http://www.mitterrand.org/Qu-est-ce-que-le-mitterrandisme.html
Avant de continuer, citons in extenso cet article qu’aucun pays démocratique libéral et sérieux ne nous envie :
« Lorsque les institutions de la République, l’indépendance de la Nation, l’intégrité de son territoire ou l’exécution de ses engagements internationaux sont menacés (1) d’une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu, le Président de la République prend les mesures exigées par ces circonstances, après consultation officielle du Premier ministre, des Présidents des Assemblées ainsi que du Conseil constitutionnel.
Il en informe la Nation par un message.
Ces mesures doivent être inspirées par la volonté d’assurer aux pouvoirs publics constitutionnels, dans les moindres délais, les moyens d’accomplir leur mission. Le Conseil constitutionnel est consulté à leur sujet.
Le Parlement se réunit de plein droit.
L’Assemblée nationale ne peut être dissoute pendant l’exercice des pouvoirs exceptionnels.
Après trente jours d’exercice des pouvoirs exceptionnels, le Conseil constitutionnel peut être saisi par le Président de l’Assemblée nationale, le Président du Sénat, soixante députés ou soixante sénateurs, aux fins d’examiner si les conditions énoncées au premier alinéa demeurent réunies. Il se prononce dans les délais les plus brefs par un avis public. Il procède de plein droit à cet examen et se prononce dans les mêmes conditions au terme de soixante jours d’exercice des pouvoirs exceptionnels et à tout moment au-delà de cette durée. »
L’historien François Durpaire et le dessinateur Farid Boudjellal, ont fait une BD dont vient de paraître le 3ème tome : « La Présidente » où ils imaginent Marine Le Pen élue présidente le 7 mai 2017.
L’historien prévient que Marine Le Pen ressemble à Donald Trump, mais Donald Trump a contre lui un vrai pouvoir judiciaire qui l’arrête, stoppe ses décrets, un Parlement qui ne vote pas comme il le souhaite bien que son parti dispose de la majorité. Et même les membres du gouvernement qu’il nomme peuvent être récusés ou devoir démissionner dès qu’on s’aperçoit qu’il existe des conflits d’intérêts  Enfin c’est un Etat fédéral et les états fédérés comme la Californie peuvent largement s’éloigner des injonctions du pouvoir fédéral et disposent d’une large autonomie.
Il n’y a rien de tel pour arrêter Marine Le Pen qui en outre dispose de l’article 16.
Une fois au pouvoir, il y aura probablement de grands désordres.
Elle pourra alors considérer que les conditions de la mise en œuvre de l’article 16 sont réunies.

<Un journaliste de Challenges développe cette hypothèse>

Il y a deux dispositions de nature à freiner ce pouvoir absolu :
Un avis public du Conseil constitutionnel.
Le Parlement est réuni et l’Assemblée ne peut être dissoute.
Notez qu’il n’est pas prévu qu’une autorité mette fin, de manière autoritaire, aux pouvoirs exceptionnels contre l’avis du Président de la république !
Tout ceci me paraît bien léger … aucune comparaison possible avec les Etats-Unis…
Vous trouverez d’ailleurs sur ce thème et en pièce jointe, une tribune parue dans « Le Monde » le 11 avril et rédigée par un collectif composé de juristes qui estime que la Ve République permet au président de cumuler les pouvoirs législatif et exécutif et que confier une telle autorité à Marine le Pen ferait courir un grave danger à la démocratie.

Mardi 18 avril 2017

«La Chanson de Craonne »
Chanson des soldats de la bataille du chemin des dames

Le dimanche 16 avril 2017 était le jour de la Pâques chrétienne. C’était Pâques parce qu’il s’agissait du premier dimanche qui suivait la première pleine lune après l’équinoxe de printemps.

Lundi 20 mars 2017 fut le jour de l’équinoxe de printemps.

La pleine lune eut lieu mardi 11 avril (la précédente était le 12 mars, vous trouverez toutes les informations sur les phases de la lune sur ce site).

Et donc le dimanche suivant était le 16 avril et c’est ainsi que chaque année est déterminée Pâques.

Et chaque année, les catholiques et les protestants fêtent la «résurrection du Christ» le premier dimanche qui suit la première pleine Lune après l’équinoxe de Printemps.

En 1917, le 16 avril tombait un lundi, 8 jours après le dimanche de Pâques.

Ce lundi 16 avril 1917, un criminel qui ne fut jamais jugé, même si le tribunal de l’Histoire le condamne, a ordonné à 6 heures du matin le début de la bataille appelé la bataille du chemin des dames. Ce criminel avait pour nom Robert George Nivelle, il ne fut jamais jugé parce qu’il portait l’uniforme de général de l’armée française et qu’il avait agi dans ces fonctions.

La bataille du chemin des dames !

Le chemin des dames est une route qui se situe dans le département de l’Aisne et qui relie, d’ouest en est, les 25,9 km séparant les communes d’Aizy-Jouy et de Corbeny.

Cette route fut baptisée ainsi à la fin du XVIIIème alors qu’il ne s’agissait que d’un petit chemin, peu carrossable parce qu’il fut emprunté entre 1776 et 1789 par Adélaïde et Victoire, filles du roi Louis XV, également appelées Dames de France qui, venant de Paris, se rendaient fréquemment dans un château des environs.

Cette route traverse le village de Craonne qui fut un lieu particulièrement meurtrier de cette bataille qui se déroula du 16 avril jusqu’en juin 1917.

Craonne fut déjà le nom d’une bataille de Napoléon Ier en 1814 où les français battirent les Prussiens et les Russes, au prix de 5 400 morts parmi ses jeunes recrues que l’on appelait les Marie-Louise.

Mais « l’offensive Nivelle » fit beaucoup plus de morts : on estime à près de 200 000 hommes côté français tués au bout de deux mois d’offensives et un chiffre équivalent du côté allemand. Et l’armée française n’avança quasi pas. Tous ces jeunes ont été envoyés à la mort pour aucun résultat. On appela Nivelle « le boucher » du fait de son obstination et son peu de considération pour la souffrance et la mort de ses hommes.

Les hommes exaspérés se révoltèrent, on appela cela des mutineries.

Il y eut de nombreuses condamnations et 43 mutins furent fusillés.

Ils furent fusillés parce que des officiers le décidèrent et parce qu’il y eut suffisamment d’hommes de troupes qui plutôt que de tourner leurs fusils contre leurs officiers, acceptèrent cette décision parce qu’ils croyaient que l’amour et la défense de la Patrie justifiaient ce sacrifice pour l’exemple et la poursuite des combats.

Et c’est à cette occasion que des soldats écriront et chanteront « la chanson de Craonne » une des chansons les plus anti militaristes qui soit.

Elle fut interdite jusqu’en 1974.

Et encore, le 1er juillet 2016, lors de la cérémonie d’anniversaire commémorant les 100 ans de la bataille de la Somme, un secrétaire d’État aux anciens combattants, parfaitement inconnu, Jean-Marc Todeschini refusa que soit entonnée la Chanson de Craonne.

Mais en ce dimanche de Pâques, lors de la commémoration officielle de la bataille du chemin des dames, présidée par François Hollande, la chanson de Craonne put enfin être entonnée en mémoire des soldats morts encore plus inutiles que les autres morts de la première guerre mondiale.

Si le boucher Nivelle subit un moment de disgrâce avérée, en décembre 1917, il fut pleinement réhabilité après la guerre puisqu’il est nommé au Conseil supérieur de la guerre, élevé à la dignité de Grand’croix dans l’ordre de la Légion d’honneur et décoré de la médaille militaire. Il est mort dans son lit en 1924 aux n°33-35 rue de la Tour dans le 16e arrondissement de Paris où une plaque lui rend hommage. 7 ans plus tard, il est même transféré aux Invalides lors d’une cérémonie présidée par le ministre de la Guerre qui était alors André Maginot qui devint célèbre pour une autre immense erreur militaire française.

Voici un lien vers l’interprétation de la <chanson de Craonne par Marc Ogeret>

Et voici ce texte :

Quand au bout d’huit jours le repos terminé
On va reprendre les tranchées,
Notre place est si utile
Que sans nous on prend la pile
Mais c’est bien fini, on en a assez
Personne ne veut plus marcher
Et le cœur bien gros, comm’ dans un sanglot
On dit adieu aux civ’lots
Même sans tambours même sans trompettes
On s’en va là-haut en baissant la tête

Refrain :

Adieu la vie, adieu l’amour,
Adieu toutes les femmes
C’est bien fini, c’est pour toujours
De cette guerre infâme
C’est à Craonne sur le plateau
Qu’on doit laisser sa peau
Car nous sommes tous condamnés
Nous sommes les sacrifiés

Huit jours de tranchée, huit jours de souffrance
Pourtant on a l’espérance
Que ce soir viendra la r’lève
Que nous attendons sans trêve
Soudain dans la nuit et dans le silence
On voit quelqu’un qui s’avance
C’est un officier de chasseurs à pied
Qui vient pour nous remplacer
Doucement dans l’ombre sous la pluie qui tombe
Les petits chasseurs vont chercher leurs tombes
C’est malheureux d’voir sur les grands boulevards
Tous ces gros qui font la foire
Si pour eux la vie est rose
Pour nous c’est pas la même chose
Au lieu d’se cacher tous ces embusqués
F’raient mieux d’monter aux tranchées
Pour défendre leurs biens, car nous n’avons rien
Nous autres les pauv’ purotins
Tous les camarades sont enterrés là
Pour défendr’ les biens de ces messieurs là

Refrain :

Ceux qu’ont le pognon, ceux-là reviendront
Car c’est pour eux qu’on crève
Mais c’est fini, nous, les troufions
On va se mettre en grève
Ce sera vot’ tour messieurs les gros
De monter sur le plateau
Si vous voulez faire la guerre
Payez-la de votre peau

Le mot du jour du 28/07/2014 citait Paul Valéry « La guerre, c’est le massacre de gens qui ne se connaissent pas, au profit de gens qui se connaissent et ne se massacrent pas ».

<Ali Baddou a reçu sur France Inter Nicolas Offenstadt qui a parlé de cette bataille et de la chanson>

<Patrick Cohen a aussi évoqué cette chanson ce même vendredi>

Et <ICI> vous trouverez un site commémoratif de la bataille du chemin des Dames

<876>

Vendredi 14 avril 2017

Vendredi 14 avril 2017
« Web people vs wall people
Le peuple du web contre le peuple du mur»
Thomas Friedman article du New York times
C’est lors de l’émission du Grain à moudre du 7 avril que j’ai été orienté vers un article du Point de Brice Couturier qui analysait le point de vue d’un journaliste du New York Times qui avait essayé d’expliquer la victoire de Trump par cette opposition entre celles et ceux qui font partie du peuple du Web et celles et ceux qui appartiennent au peuple du mur.
L’article du New York Times se trouve derrière ce lien : https://www.nytimes.com/2016/07/27/opinion/web-people-vs-wall-people.html?_r=0
L’émission du Grain à Moudre avait pour objet ce sujet :  <Le non au référendum de 2005 sera-t-il entendu en 2017 ?>
Thomas Friedman que Brice Couturier présente comme le chantre de la mondialisation (La terre est plate, Saint-Simon, 2006) a caractérisé les récentes élections américaines comme une lutte politique entre le « peuple du mur » (Wall People) et le « peuple du Web » (Web People).
De manière intuitive on comprend bien cette opposition entre ceux qui souhaitent construire  des murs pour se protéger ainsi que leur espace territorial des influences étrangères, de la concurrence de tout ce qui peut remettre en cause leur manière de vivre, leurs traditions, leurs nations et ceux qui à l’aise dans le monde numérique s’attachent moins à l’adresse territoriale qu’à l’ouverture vers le monde, les échanges et au destin individuel.
Thomas Friedman décrit les membres du peuple du mur comme
«revendiquant des communautés d’appartenance stables, l’insertion dans le cadre d’une histoire et d’une géographie particulières qui confèrent à leur vie un horizon de sens. Ils veulent « vivre et travailler au pays ». Et en compagnie de gens qui leur ressemblent…» alors que les membres du peuple du web « comprennent qu’à une époque de changements rapides les systèmes ouverts sont plus souples, plus résilients, qu’ils confèrent de l’élan.»
Et il ajoute :
«Les premiers rêvent de se protéger par de hauts murs. Les seconds répliquent que toutes les lignes Maginot de l’Histoire ont été contournées.»
Si le premier tour des présidentielles est conforme aux sondages actuels, nous aurons un second tour qui n’opposera pas un candidat de gauche et un candidat de droite mais un représentant du peuple du web contre une représentante du peuple du mur.
De sorte que ce ne serait plus le classement droite/gauche qui est déterminant mais le rapport à la mondialisation qui redéfinirait les clivages politiques. Cette vision est partagée par Marine Le Pen et Emmanuel Macron qui tous deux estiment le clivage droite/gauche obsolète alors qu’il reste le ciment de François Fillon, Jean-Luc Mélenchon et Benoit Hamon.
Brice Couturier écrit :
«Marine Le Pen appelle « les patriotes de gauche et de droite » à la rejoindre. Contre « la mondialisation dérégulée » et « l’immigration massive », elle présente un programme souverainiste intégral : priorité nationale, monnaie nationale, solidarité nationale. Pour elle, le clivage droite-gauche a perdu toute signification. Celui qui compte oppose désormais les élites mondialisatrices et les peuples, en mal de sécurité et de protection. La PME lepéniste a achevé sa mue. Sous la férule du couple Marine Le Pen-Florian Philippot, le Front national est parvenu à s’emparer de l’espace politique que convoitait Jean-Pierre Chevènement (qui fut le premier modèle de Florian Philippot) il y a quinze ans : « ni de droite ni de gauche », comme le « pôle républicain » du « Che ». La preuve, c’est que l’antipode de son programme ne se situe plus à l’extrême gauche, chez Jean-Luc Mélenchon, mais bien du côté d’Emmanuel Macron. Celui-ci est, en effet, le seul candidat à présenter l’intégration européenne et la mondialisation comme autant de chances pour la France.
Le fondateur de la start-up politique En marche ! fait le constat que la droite et la gauche sont divisées en leur sein quant aux réponses à apporter aux révolutions du XXIe siècle : robotisation, ubérisation, nouvelle donne internationale. À ses yeux, le conflit politique central oppose désormais ceux qui veulent accompagner ces bouleversements, afin d’en tirer parti, à ceux qui croient possible de s’y opposer. Les progressistes et les conservateurs, selon sa typologie. L’affrontement droite-gauche ? Une survivance. Une manière pour les professionnels de la politique de justifier une rente de situation.
La fin du cycle historique ordonné à la distinction droite-gauche.»
Dans son article Brice Couturier fait une revue des idées et des livres sur ce sujet :
« Cette distinction recoupe en bonne part celle qu’établit Alain de Benoist dans son dernier livre, Le Moment populiste. Droite-gauche, c’est fini ! (Pierre-Guillaume de Roux). Selon lui, nous vivons la fin du cycle historique ordonné à la distinction droite-gauche. Et le « moment populiste » est « le révélateur d’une crise ou d’un dysfonctionnement grave de la démocratie libérale ». Les « élites libérales », sûres de la supériorité morale de leur programme « d’ouverture », préféreraient « gouverner sans le peuple – et finalement contre lui », selon Alain de Benoist.
 » Nos gouvernements ne nous représentent plus, ils nous surveillent « , déplore, de son côté, le libéral-conservateur Pierre Manent. En effet, généralement acquises au multiculturalisme, les élites dirigeantes des démocraties occidentales ont longtemps fait la leçon à des populations réticentes. Elles ont été relayées par des médias peuplés de directeurs de (bonne) conscience qui instrumentalisent l’antiracisme pour imposer le politiquement correct. […]
Alain de Benoist estime que la gauche et la droite se sont trahies toutes les deux. La première, en faisant exploser le « front de classe » en une myriade de mouvements revendicatifs identitaires qui n’aspirent plus à transformer la société, mais à s’y faire une meilleure place au détriment des autres. Il rejoint ainsi Marcel Gauchet, pour qui la transformation de la gauche en un « parti des droits » est une manière, dégradée, de « recycler son projet d’émancipation ». La seconde, parce qu’elle s’est donnée, par méfiance envers le peuple, au libéralisme. Or celui-ci provoque, selon Benoist, la destruction de tout ce qui aurait mérité d’être conservé. Et en particulier les peuples en tant que communautés culturellement homogènes et corps politiques se gouvernant eux-mêmes. Le capitalisme mondialisé provoque la désaffiliation des individus (Robert Castel) ; il liquéfie les liens sociaux (Zygmunt Bauman) ; il sape toutes les identités, en particulier celles qui, émanant des appartenances de classe (Jean-Claude Michéa), soutenaient les grands ensembles politiques – libéralisme versus socialisme. […]
L’historien des idées Arnaud Imatz, auteur de Droite-gauche. Pour sortir de l’équivoque (P.-G. de Roux, 2016), montre que, sur la plupart des grands thèmes, gauche et droite n’ont cessé d’échanger leurs positions au cours du temps. Le colonialisme, en France, a été une entreprise de gauche, que la droite dénonçait comme une diversion dans la nécessaire revanche contre l’Allemagne. La défense de l’individu est née à gauche, avant de passer à droite. Aujourd’hui, des questions fondamentales comme la place de l’islam et la laïcité, les rapports avec la Russie ou la forme que doit prendre la poursuite du projet d’intégration européenne divisent non la gauche et la droite, mais chacune d’entre elles. […] »
En réalité il peut exister deux lectures négatives de la mondialisation celles par les classes sociales et celle par l’identité.
Celles par les classes sociales met en avant l’effet de la mondialisation dans le creusement des inégalités dans nos pays en créant des gagnants et des perdants. Cette lecture avantage la Gauche car c’est une analyse qui met en avant l’étude des revenus et des patrimoines.
La lecture par l’identité. Elle met l’accent sur la perte de repère en raison de l’ouverture des frontières, des migrations du bousculement des habitudes par l’étranger. Cette lecture avantage la Droite.
Et Marine Le Pen qui a bien compris cette dichotomie est naturellement attirée par la lecture identitaire mais ne néglige pas la lecture par classe sociale.
Et en face il y a la lecture positive et optimiste de l’ouverture que présente Emmanuel Macron.
Cette confrontation a déjà eu lieu une fois, en France : c’était le référendum sur le traité constitutionnel européen en 2005.
Cette fois-là, ce ne fut pas les partisans de l’ouverture qui l’emportèrent mais bien l’union de la lecture de la mondialisation par les classes sociales avec ceux de la lecture par l’identité. Ce fut la victoire du peuple du mur selon la terminologie de Friedman.
Les choses ont elles tellement évolué, la détestation de Marine Le Pen est-elle si grande que la victoire du peuple du Web, prédit par les sondages, va se réaliser cette fois ?

Jeudi 13 avril 2017

Jeudi 13 avril 2017
« La tentation Mélenchon »
Réflexions personnelles sur une dynamique de campagne
Contrairement à ce qui est répété à satiété, les sondages ne se trompent pas systématiquement. Même en 2002, les instituts de sondage avaient perçu, particulièrement lors de la dernière semaine de campagne (mais les résultats n’étaient plus publics), le tassement de Lionel Jospin et la dynamique du vote Jean-Marie Le Pen.
De la même manière, pendant les primaires de Droite et de Gauche récentes, alors que la population à sonder était particulièrement difficile à saisir, les instituts de sondage avaient détecté la dynamique Fillon ainsi que la dynamique Hamon.
C’est faux de dire que les sondages se trompent systématiquement, le vrai problème c’est qu’ils influent sur le vote et cela pose une question démocratique. Mais je ne développerai pas ce point aujourd’hui.
Car ce qui est mon propos aujourd’hui, c’est de m’intéresser à ce que détecte en ce moment les instituts de sondage : la dynamique du vote pour Jean-Luc Mélenchon, et c’est l’évènement de cette présidentielle désespérante et confuse. Si cette dynamique continue, Jean-Luc Mélenchon sera au second tour.
Je ne développerai pas non plus les circonstances particulières de cette élection qui favorise aujourd’hui cet homme qui est de très loin le meilleur des tribuns de cette compétition et probablement le plus cultivé, celui qui a le plus de consistance humaine.
La meilleure preuve que cette dynamique est réelle et inquiète certains se trouve dans le fait que l’hôte en fin de bail au Palais de l’Elysée qui voulait rester en retrait avant le premier tour pour ne pas trancher entre le candidat désigné par la Primaire de gauche et son ancien conseiller, a décidé de sortir du silence qu’il s’était imposé pour dire d’abord « Cette campagne sent mauvais » puis exprimer sa véritable crainte celle d’un second tour Le Pen / Mélenchon. François Hollande a toujours eu des relations plus que conflictuelles, quasi haineux avec Jean-Luc Mélenchon. Il attaque ainsi son vieil et irréductible ennemi : « Il y a un péril face aux simplifications, face aux falsifications, qui fait que l’on regarde le spectacle du tribun plutôt que le contenu de son texte »
Le président du MEDEF exprime aussi un avis très tranché : «Voter Mélenchon, Le Pen, Hamon, c’est ruine, désespoir et désolation»
L’héritier Gattaz priorise, il préfère le programme de François Fillon, il s’accommode de celui d’Emmanuel Macron mais rejette les autres dont celui de Mélenchon.
Les autres articles de ce même journal sont dans le même esprit, explicites dès le titre :
« Le programme de Mélenchon, un big bang social d’un autre temps »
« Castro, Chavez… Mélenchon, l’apôtre des dictateurs révolutionnaires »
« Éditorial: «Maximilien Ilitch Mélenchon»
Ce dernier faisant bien sûr référence et l’amalgame entre Maximilien Robespierre et Vladimir Ilitch Oulianov dit Lénine, qui il y a exactement 100 ans était en train de préparer la révolution qui allait mener les bolcheviks au pouvoir.
Même le jeune candidat qui reste le favori des sondages perd sa bienveillance pour l’attaquer sur son âge et le traiter de révolutionnaire communiste : «Nous avons le révolutionnaire communiste. Il était sénateur socialiste, j’étais encore au collège.» Et il le caricature sur la politique internationale :«Si la paix que défend Jean-Luc Mélenchon c’est la paix de Vladimir Poutine, très peu pour moi. Si la paix que propose Jean-Luc Mélenchon, c’est de désarmer la France de manière unilatérale devant celles et ceux qui nous attaquent, très peu pour moi.»
Heureusement qu’au milieu de cette violence, Ségolène Royal, toujours décalée par rapport à son ancien compagnon et son entourage ose cette réponse à la question de savoir si la percée de Jean-Luc Mélenchon l’inquiète « Non, pourquoi? Pourquoi une inquiétude? Non, au contraire, je pense que c’est mieux une percée de ce côté-là que du côté de l’extrême droite! Et puis, c’est une authenticité, une passion, je pense, que les Français trouvent dans son message. Et la politique a besoin de passion…»
La politique a besoin de passion ! Sacré Royal !
Ce que nous aimons dans Mélenchon c’est en effet sa passion, et qu’il parle de Politique, de rapports de force, d’injustice, il parle des gens. Et puis qui d’autre que lui est capable à la fin d’un meeting de lire un poème de Victor Hugo devant un public attentif et à l’écoute ? A la fin du meeting de Marseille, il a lu un poème sur la paix d’un écrivain grec : Yannis Ritsos dans la même communion avec la foule de son meeting.
Et le 29 mars, il a déclamé l’albatros de Baudelaire lors de son meeting du Havre.
Mais ce n’est que la conclusion de son meeting, auparavant pendant une heure il construit son discours clair, pédagogique avec très peu de notes mais un immense travail préparatoire.
Alors oui il fascine. Il écrase la concurrence sur ce plan du discours, du charisme et je dirai plus de l’Humanité.
Cela se voit d’autant plus qu’en face il y a de la médiocrité, celui qui se prétend l’assistant de Paul Ricoeur s’égosille et gesticule, le fils du notaire sarthois est incapable d’empathie avec des infirmières qui lui expliquent la difficulté de leur travail et je ne parle pas de celle qui éructe à longueur de meeting à la recherche de boucs émissaires et pour qui la France est une vierge qui n’a jamais commis le mal. Il y a bien Benoit Hamon pour sauver quelque peu le niveau, car lui aussi parle et s’intéresse aux gens. Il se trouve hélas dans une position politique intenable et il n’a pas le talent de jean-Luc Mélenchon qui s’est en outre assagi par rapport à la dernière campagne.
La France est le pays de la politique et la tentation Melenchon se comprend ainsi.
Le point révèle dans un article du 12 avril un sondage dans lequel Jean-Luc Mélenchon « recueille 56  % de bonnes opinions. […] sa popularité actuelle relève de l’improbable : 61  % chez les cadres (devant Macron, à 57  %), 76  % auprès des sympathisants PS (dont il devient le nouveau champion). Même chez les sympathisants LR, Mélenchon enregistre une percée inattendue : 39  % (+ 17 points). Il y a cinq ans, lors de sa première campagne présidentielle, celui qui était alors le candidat du Front de gauche totalisait 47 % de bonnes opinions lors de la dernière mesure précédant le scrutin.»
Evidemment <Les marchés financiers réagissent très négativement à cette dynamique>, ils n’aiment pas du tout cette volonté de Jean-Luc de Mélenchon de rediscuter les traités européens et de vouloir faire voler en éclats l’Europe «libérale». Je crois qu’ils prennent très au sérieux la menace de Jean-Luc Mélenchon qui instruit des leçons du premier ministre grec Tsipras annonce que s’il ne parvient pas à faire infléchir suffisamment la politique européenne mettra en œuvre son plan B qui est de sortir de l’Euro et de l’Union européenne.
Le pari qu’exprime Jean-Luc Melenchon est que les autres pays européens et en particulier l’Allemagne céderont en raison de poids de la France car elle ne veut pas la dislocation de l’Union européenne qui ne pourra survivre à la sortie de la France.
Il n’est pas évident que l’Union européenne ne survivrait pas à la sortie de la France mais ce ne serait plus la même Union qui ressemblerait de plus en plus à une Allemagne élargie.
Jean-Luc Melenchon compare son plan B à la dissuasion nucléaire, la menace suffit pour obtenir des résultats il n’est pas nécessaire de l’utiliser.
C’est un pari audacieux.
Il aura contre lui quasi tous les gouvernements des autres pays européens ainsi que l’ensemble des forces économiques mondiales.
Il faudrait aussi pour qu’il puisse mettre en œuvre son plan qu’il dispose d’une majorité parlementaire. Car c’est une chose de pouvoir obtenir 20% disons 22 ou 23% des votants puis de gagner l’élection au second tour en raison du rejet de l’autre candidat et de disposer d’une majorité de députés élus par la majorité des français.
Le reste de son programme s’appuie sur une augmentation des salaires, des retraites plus généreuses et plus précoces, une augmentation de la fiscalité et de la redistribution qui s’opposent totalement aux règles de fonctionnement du système économique actuel et semble peu crédible. Il prend aux Etats-Unis l’idée d’un impôt universel : tout membre de la nation française doit l’impôt sur les revenus à la France même s’il est expatrié. Il doit alors payer la différence entre l’impôt qu’il aurait payé en France et celui qu’il acquitte dans son pays de résidence.
Enfin, il veut mettre en œuvre une constituante qui va permettre à mettre en place une autre constitution transformant la 5ème république en une vraie république parlementaire avec de nouvelles règles d’intervention et de participation des citoyens à la décision publique et aussi de possibilités de révoquer les élus.
On peut s’interroger sur la pertinence de mettre tant d’énergie sur nos règles constitutionnelles alors que la France sera en pleine tumulte économique en raison de l’affrontement du gouvernement français avec les forces économiques mondialisées.
Il est aujourd’hui, et de loin,  le meilleur candidat, serait t’il le meilleur président ? C’est la question.
Jean-Luc Melenchon avait accusé François Hollande d’être un capitaine de pédalo.
La situation internationale et économique est de plus en plus tendue, et étant donné sa personnalité et son programme s’il devait être élu, nous serions dans un navire au milieu d’une immense tempête.
Serait t’il capable d’être le capitaine du bateau pour affronter cette tempête ?
Et nous ?
Sommes nous prêts à de telles tempêtes ?
C’est la question que pose la tentation Mélenchon.
Mais si nous en avons vraiment marre du système actuel, cette tentation est certainement plus désirable que celle de l’héritière d’extrême de droite.
Vous trouverez ci-après un <Un documentaire de Gérard Miller : L’homme qui avançait à contre-courant> que j’ai regardé avec beaucoup d’intérêt et de plaisir.