Mardi 23 mai 2017

«Il nous faut de l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace»
Danton

C’est le 2 septembre 1792 que Danton devant l’Assemblée Législative a prononcé ces paroles devenus célèbres.

La France révolutionnaire était très mal, attaqué de partout, Verdun était tombé aux mains des prussiens cette fois-là et Danton est monté à la tribune pour se lancer dans un discours enflammé qui finit par ces mots : «Il nous faut de l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace ». Puis, le 20 septembre 1792, avec la bataille et la victoire de Valmy sur les Prussiens, l’armée française, commandée par le général Charles-François Dumouriez, a arrêté l’invasion.

Vous en lirez davantage sur cette page de l’Assemblée Nationale : <Danton 2 septembre 1792>

Le Président de la République nouvellement élu, Emmanuel Macron s’est exclamé dans son discours au Louvre :

« Oui ce soir nous avons gagné un droit, un droit qui nous oblige. Vous avez choisi l’audace. Et cette audace nous la poursuivrons. Et chaque jour qui vient nous continuerons à la porter, parce que c’est ce que les françaises et les français attendent. Parce que c’est ce que l’Europe et le Monde attendent de nous »

Ce passage du discours, vous le retrouverez (à 14:23) dans l’émission de France 5 « C Polémique », derrière ce lien : <ICI>

Le journaliste Bruce Toussaint se tourne alors vers Jacques Attali et lui pose cette question : « Moi je dirais que c’est du Attali non ? »

Jacques Attali se défend d’abord en disant « Je n’y suis pour rien dans tout ça », puis dit sa confiance en Emmanuel Macron qui appliquera enfin les réformes dont la France a besoin et que lui-même préconise depuis si longtemps. Il pense que Macron aura cette audace et raconte comment les prédécesseurs d’Emmanuel Macron réagissaient lorsqu’il leur demandait des réformes audacieuses : « Si je fais ce que tu dis, ils vont venir me couper la tête ». Il rappelle de manière malicieuse que si aucun n’a été décapité, ils ont tous été virés par les électeurs.

En résumé Jacques Attali pense que nous sommes enfin sur la bonne voie et qu’Emmanuel Macron est l’homme de la situation.

Mais après, Bruce Toussaint donne la parole à Edgar Morin qui est également invité dans cette émission. Et Edgar Morin tient un autre discours (17:00) dont je tente ci-après de vous donner la substance :

« La question de l’audace, c’est l’audace pour qui ? Pour quoi ?

Moi je crois que c’est quelqu’un qui est capable évidemment de faire des grandes choses. […]

Ce petit bonhomme tout seul, cette sorte de Tintin a fait sauter l’énorme édifice. Il n’y est pas arrivé tout seul, dès le début il a eu d’énormes ralliements. Il est arrivé à rassembler ces ralliements hétéroclites.
La question aujourd’hui est que ce côté hétéroclite va avoir une convergence ?
Est-ce qu’il va arriver à donner une convergence à ça ?
Il sera obligé de donner une voie, un chemin qu’il n’a pas encore donné.
Il reste dans le flou, peut-être qu’il aura intérêt à rester dans le flou.
Mais à supposer qu’il ait des véritables pouvoirs après avoir passé l’obstacle des législatives…
Reste à savoir, ce pays qui souffre, il a besoin d’une nouvelle voie, ce qu’il appelle la transformation.

Nous connaissons la direction qu’il faudrait prendre. Nous savons qu’il faut réduire le pouvoir du calcul, de l’argent. Nous savons qu’il faut profiter de problèmes écologiques [à surmonter] pour redonner de la santé, de la vitalité à notre société.

Nous savons qu’il faut donner de la véritable solidarité qu’il faut insuffler par tous les moyens possibles dans un monde où domine le pour soi et l’égoïsme.
Nous savons que la France n’est pas isolée dans le monde.
Il a d’ailleurs dit que le monde attend quelque chose de la France.
Il faudrait que la France renouvelle un message comme celui que Dominique de Villepin avait adressé à l’ONU, lors du refus de participer à la guerre en Irak.
Qu’on sente que la France existe autrement qu’à la remorque des Etats-Unis. »

Voilà ce que ce vieil homme de 95 ans dit avec passion au jeune Président de 39 ans :

L’audace pour qui, pour quoi ?

Dans quel sens allons-nous ?

Sommes-nous convaincus qu’il faut faire reculer le calcul et l’argent et redonner des lettres de noblesse à la solidarité contre l’égoïsme et l’individualisme forcené ?

Bien sûr il faut des réformes de fond, on ne peut continuer comme cela.

Mais quelles sont les valeurs en œuvre ?

Je partage les interrogations d’Edgar Morin.

Je redonne le lien vers l’émission : <ICI>

<898>

Jeudi 11 mai 2017

« [Cette élection] : voilà bien la preuve que la France possède encore un esprit ouvert à la surprise. »
Peter Sloterdijk


Peter Sloterdijk est un philosophe et essayiste allemand né en 1947. Il est d’usage de voir en lui une figure importante de la pensée européenne.

Le Point lui donne la parole pour réagir à l’élection de notre jeune président. Sa pensée n’a pas pour vocation d’être consensuelle mais d’apporter un éclairage décapant et qui peut sans doute heurter quelques sensibilités de gauche. Mais on ne peut progresser qu’en entendant et en comprenant des pensées alternatives qui nous obligent à sortir de notre quiétude de pensée et nos certitudes indolentes.

Vous trouverez cet article derrière ce lien : <Les français ont choisi Macron pour se renouveler eux-memes>

J’en livre quelques extraits :

« [Cette élection] : voilà bien la preuve que la France possède encore un esprit ouvert à la surprise. Ce qui est déjà un constat remarquable dans un pays où politique et administration se sont confondues depuis cinquante ans et où tout se réglait, précisément, par l’élimination de la surprise : partis puissants, candidats ayant fait carrière dans ces outils en place que la philosophe Simone Weil voulait d’ailleurs, notons-le, supprimer chez vous dès la Seconde Guerre mondiale. « Si on confiait au diable l’organisation de la vie publique, il ne pourrait rien imaginer de plus ingénieux », écrivait-elle de ces appareils à reproduire le même… Ce qu’on peut déduire du succès du « marcheur » Macron, c’est que les Français eux-mêmes ont compris que la France ne pouvait pas continuer dans cette voie sans issue.

[…] Du point de vue psychopolitique, c’est une personnalité qui fonctionne comme un émetteur-récepteur : c’est un collecteur de rayons de soleil et de séismes encore peu perceptibles dans le pays, ces « grands événements » qui « arrivent toujours sur des pattes de pigeon », comme disait Nietzsche. Macron me semble incarner le désir de la majorité des Français de sortir de cet état de dépression et d’hystérie qui caractérise les hommes et les femmes de l’Hexagone depuis un bout de temps. Ils l’ont choisi, lui, un représentant si frais, si neuf, afin de pouvoir se renouveler eux-mêmes. […]

Lors d’une émission de radio j’ai entendu cette réflexion d’un commentateur qui m’a interpellé : « Cette campagne pénible et déprimante a finalement accouché d’un vainqueur optimiste  »

Mais ce philosophe ose des éclairages s’appuyant sur l’Histoire européenne plus ancienne. Car rappelons que la Réforme n’a pas pu s’imposer en France et que Louis XIV a rompu avec l’Edit de Nantes de Henry IV ce qui a eu pour conséquence de faire fuir les protestants français hors de France pour enrichir la Suisse, la Prusse et aussi les Pays Bas. Max Weber avait théorisé un lien étroit entre le développement du capitaliste libéral et le protestantisme.

« L’élection de Macron pourrait être une réponse inconsciente à l’expulsion des protestants par Louis XIV, qui a fermé à la France la voie de la Réforme. Aujourd’hui, on parlerait « des » réformes… C’est le même mot. La France a oublié que le catholicisme a concentré un énorme pouvoir politique et idéologique jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le catholicisme a été le troisième élément dans le trio infernal des antilibéraux qui a marqué l’histoire du XXe siècle, le national-socialisme et le communisme étant les deux autres pôles. En France, on a cru éliminer le catholicisme en le remplaçant par une laïcité acharnée, mais l’attitude antilibérale restait intacte. Vous aurez noté que la Conférence des évêques de France a refusé d’appeler à voter expressément contre le Front national, et encore moins pour Macron. Les démons de l’antilibéralisme sont encore en embuscade. Mais la tragédie de la France remonte à un passé plus profond. Dans ce pays, il a toujours existé deux peuples différents qui malheureusement portent le même nom : les Français enfants de la Révolution et les autres Français, enfants de la France catholique éternelle. La grande force de De Gaulle, c’était d’avoir réconcilié ces deux peuples français. Aujourd’hui, les effets de la réconciliation se délitent, et c’est sans doute pour cela que l’ensemble du petit monde politique, chez vous, en appelle aux mânes de votre Général et prétend même enfiler son costume mythique, au risque de le salir. Oui, c’est cette rupture que l’on sent encore aujourd’hui faire gémir et convulser le pays, et c’est beaucoup plus profond que le clivage gauche-droite, qui n’est pas totalement obsolète mais qui représente, pour moi, plutôt une « façade » folklorique.

Il exprime ensuite des mots très durs pour Mélenchon dont il dit :

« La touche personnelle de Mélenchon, c’est son invention d’un national-anarchisme, et son antigermanisme primaire, son programme économique d’un romantisme vénézuélien qui mise sur un miracle économique artificiel par l’explosion de la dette publique, sa haine de l’argent même gagné par le travail, ce ne sont pas des traits révolutionnaires, mais plutôt fascisants  ! Et je ne parle pas, chez ce fonctionnaire issu du cercle des courtisans de Mitterrand, de son narcissisme hologrammique, »

Et puis il explique avec ses mots sa vision de l’Europe et de la France quant à l’ultralibéralisme qui est exagéré et nous renvoie à notre difficulté de perdre ce qu’il appelle notre « rente de civilisation. »

« Soyons réalistes  ! L’Europe continentale n’a jamais été ultralibérale, et encore moins la France, qui est une nation profondément étatisée reposant sur une fiscocratie ultraperformante. Avec un taux de prélèvements obligatoires de 44  % du PIB, il serait tout simplement aberrant de prétendre que le néolibéralisme est au pouvoir. L’agitation contre le néolibéralisme prétendument dominant n’est qu’une ruse de la rhétorique de gauche pour aller encore plus loin dans la direction du semi-socialisme réel. Le populisme de gauche et de droite qui sévit en France et dans le reste de l’Europe est l’expression d’un ressentiment devant la perte d’un certain nombre de privilèges qui ont été ceux de l’Européen des classes populaires depuis les années 1950. On profitait d’une sorte de « rente de civilisation » qui faisait que, quand on naissait en France ou en Allemagne, on avait des avantages considérables sur un compétiteur né en Inde ou en Chine. À l’époque, des ouvriers peu qualifiés pouvaient se permettre une maison, une voiture, une famille. On pourrait dire, à un moment précaire et intenable de l’évolution économique, qu’on se faisait payer pour le simple fait d’être français ou allemand. Comme le maître de Figaro chez Beaumarchais, on ne s’est longtemps donné que la peine de naître… au bon endroit  ! Avec le progrès de la mondialisation, la rente européenne se dissout. Les masses se mettent en colère contre leurs dirigeants, qui ne peuvent rien au fait que les autres nous rattrapent. L’anomalie de la rente de civilisation va disparaître peu à peu, c’est dans la logique des choses, même si vous me dites que vous êtes insoumis.

Tant mieux, mais expliquez : insoumis à quoi  ? À la compréhension de la situation globale. »

Et il finit par une citation de Goethe :

« Notre sage de Weimar, le vieux Goethe, avait remarqué, le 8 mai 1830, face à un savant polonais : « La nation française est la nation des extrêmes; elle ne connaît en rien la mesure. Équipé d’une énergie puissante, morale et physique, le peuple français pourrait soulever le monde s’il découvrait un point d’appui ; mais il ne semble pas savoir que, lorsqu’on veut soulever de lourdes charges, on doit trouver leur centre de gravité. » Alors, Français, encore un effort si vous voulez être à la hauteur de l’époque  ! » »

Mercredi 10 mai 2017

« Le choc des légitimités »
Autres réflexions et regards sur cette présidentielle qui vient de s’achever

Mon neveu Grégory qui a répondu au mot du jour d’hier avec cette constatation étonnée : « le président est plus jeune que moi ! » avait eu cette belle formule, il y a 5 ans à propos de François Hollande : « Il faut laisser sa chance au produit »

Cinq ans plus tard, la chance est passée…

Nous repartons donc avec un nouveau produit pour 5 ans !

Je vais tenter une analyse froide, neutre de ce qui me semble être la problématique de fond de ce qui va suivre dans notre vie politique nationale.

Emmanuel Macron avait émis deux critiques sur la manière dont François Hollande avait conduit la réforme du code du travail dite « Loi El Khomri » : La première critique était qu’elle arrivait trop tard dans le quinquennat et la seconde qu’elle n’avait pas été annoncée lors de la campagne présidentielle. Et il expliquait que les électeurs de François Hollande pouvaient se sentir trahis parce qu’on ne leur avait rien dit et que dans leur esprit ils ne l’avaient pas élu pour ça.

Sur le fond Emmanuel Macron considère qu’il faut aller beaucoup plus loin dans la dérégulation du droit du travail en permettant de très larges marges de manœuvre au niveau de la négociation dans l’entreprise.

Mais en pleine cohérence avec sa critique de François Hollande, il a, dans sa campagne, annoncé très rapidement qu’il voulait faire évoluer le code du travail dans le sens qu’il souhaitait. En outre, pour aller plus vite il prévoyait de réaliser cette loi par voie d’ordonnances.

Ce qui signifie que l’assemblée nationale donne l’autorisation au gouvernement dans un domaine précis et dans un cadre défini d’écrire la Loi dans le détail, ce qui est normalement du seul ressort du pouvoir législatif. Une fois la loi écrite, le Parlement doit vérifier si le domaine et le cadre ont été respectés et ratifier les ordonnances. Il y a donc bien intervention du parlement, mais le travail de fond et bien sûr les débats qui sont la raison d’être du Parlement lui ont totalement échappé.

Emmanuel Macron considère que le problème principal de la France est le chômage de masse et que l’assouplissement des contraintes du droit de travail constitue une solution essentielle à ce problème.

Il n’a jamais varié sur ce point.

Les Français l’ont élu. Ils ne pouvaient ignorer qu’au centre de son projet il y avait cette réforme à réaliser en toute urgence. Il a voulu être élu pour faire cela, il n’a trompé personne. Devant les demandes explicites de Jean-Luc Mélenchon de renoncer à cette réforme ou au moins de renoncer de la faire par la procédure des ordonnances comme prix ou compromis pour qu’il appelle à voter pour lui, le futur Président a encore répondu négativement.

Il est donc totalement légitime de mettre en œuvre cette réforme puisqu’il a été élu.

Mais face à cette légitimité, celles et ceux qui refusent cette réforme en opposent une autre en expliquant qu’au premier tour Emmanuel Macron n’a obtenu que 24% des voix et qu’une grande partie de ces électeurs n’ont pas fait un vote d’adhésion mais un vote d’évitement : éviter que face à la candidate d’extrême droite se trouve un candidat dont il voulait encore moins que Macron.

Le second tour étant quant à lui un véritable vote de rejet de l’autre candidate et d’aucune manière une approbation du programme proposé par notre jeune Président.

Il y a donc choc des légitimités.

Mais comment reprocher à Emmanuel Macron de vouloir appliquer le programme qu’il a annoncé et qui selon lui règle une grande part du problème qui est posé à la France à savoir le chômage de masse.

Comment sort-on d’une telle contradiction ?

Très simplement en allant voter aux élections législatives et non pas en s’abstenant comme cela s’est toujours passé lors des épisodes précédents de ce feuilleton qui n’existe qu’en France où il faut voter 4 fois avant d’avoir un pouvoir exécutif et législatif en capacité de fonctionner. Ce feuilleton auquel s’ajoutent 2 autres tours si on participe à des primaires.

Donc il faut voter aux législatives :

Si vous voulez qu’Emmanuel Macron puisse mettre en œuvre le programme auquel il croit, il faut voter pour la ou le candidat qui soutient le Président.

Si vous voulez le contraire, il faut voter pour la ou le candidat qui veut le contraire.

Et après cet exercice démocratique, le choix des français s’imposera dans un sens ou dans l’autre.


 

Mardi 9 mai 2017

« Tu te sens très vieux le jour où tu t’aperçois que le président de la République a 20 ans de moins que toi »
Réflexions personnelles après l’élection de dimanche

La première fois que j’ai eu conscience de la politique c’était en 1969, j’étais un très jeune enfant, et les français avaient élu Georges Pompidou qui évidemment m’apparaissait très vieux.

En 1974, j’avais 16 ans et je n’avais pas le droit de vote mais je me suis très intéressé à cette bataille électorale.

A partir de 1974, jusqu’en 2007, c’est-à-dire 33 ans, donc pour l’instant plus de la moitié de ma vie, la Présidence de la République a été accaparée par 3 hommes Giscard d’Estaing né en 1926, Mitterrand né en 1916 et Chirac né en 1932.

Même si Giscard est arrivé au pouvoir jeune, à 48 ans, il était beaucoup plus vieux que moi. Le plus jeune des 3 avait 26 ans de plus que moi.

Mitterrand et Chirac, lors des grandes cérémonies mondiales étaient souvent les vieux de ces aréopages.

En 2007 et 2012, les élus devenaient davantage mes contemporains, Sarkozy était né 3 ans avant moi et Hollande 4 ans.

Tout ceci était fort raisonnable, je ne m’attendais donc pas en 2017 à une telle rupture générationnelle.

D’ailleurs Emmanuel Macron, sera le benjamin lors du prochain G20.

Les politiques français ne m’avaient pas préparé à un tel choc, et le monde n’était pas habitué que la France puisse apparaître aussi jeune.

Jusqu’à présent c’était eux qui se moquaient de notre incapacité à renouveler notre personnel politique.

Mais maintenant avec un Président de 39 ans, c’est la France qui fait rayonner sa jeunesse.

Tony Blair est devenu premier ministre anglais à 44 ans, comme David Cameron.

Comme José Zapatero, premier ministre espagnol à 44 ans, battu par son prédécesseur José Maria Aznar 43 ans.

Le premier ministre canadien Justin Trudeau l’est devenu à 44 ans aussi.

Et c’est finalement en Italie qu’on trouve Matteo Renzi qui était devenu premier ministre à 39 ans.

Mais maintenant la France peut dire, nous avons élu un président de 39 ans.

Sa jeunesse est un atout, il peut certainement mieux comprendre le monde du XXIème siècle que ceux qui sont restés dans leurs schémas du XXème siècle !

Saura t’il pour autant trouver les voies pour réconcilier les français et faire évoluer l’Europe dans le sens de la protection de ses habitants ?

Ce sont des défis énormes, il faut bien l’enthousiasme et l’énergie d’un jeune homme brillant et cultivé de 39 ans pour espérer s’approcher de ces objectifs.

Mercredi 3 mai 2017

Mercredi 3 mai 2017
« C’est […] en Emmanuel Macron que s’expriment le mieux les affres d’une époque mourante mais qui ne veut pas mourir. »
Frédéric Lordon
Hier, j’ai fait appel à un vieux sage, Edgar Morin, pour parler de cette élection qui fait l’objet de toutes les conversations du moment.
Aujourd’hui, je vous livre les réflexions d’un plus jeune philosophe, moins apaisé qu’Edgar Morin mais déployant aussi une réflexion riche et assez loin de la pensée dominante des technocrates : Frédéric Lordon.
Ce n’est pas la première fois que je le cite.

 

Frédéric Lordon sur son blog du Monde diplomatique a écrit le 12 avril une chronique : <Macron, le spasme du système>
Le grand mot d’ordre de cette élection est d’être contre le « système ».
Ils se présentent d’ailleurs tous contre le système.
Je commence par une anecdote : j’ai vu lors d’une émission de télévision Rachida Dati répondre simplement à la question, Connaissez-vous Emmanuel Macron ?, « Oui nous avons un ami commun : Jean-Pierre Jouyet. »
Jean-Pierre Jouyet est né à Montreuil en 1954, il a fait l’ENA dans la fameuse promotion Voltaire : Hollande, Royal, Villepin et quelques autres.
Il est un ami de François Hollande et il est maintenant son principal collaborateur comme secrétaire général de la présidence de la République.
Avant cela, il fut Secrétaire d’État aux Affaires européennes du gouvernement de François Fillon entre 2007 et 2008, puis président de l’Autorité des marchés financiers de 2008 à 2012. Il a occupé ensuite les fonctions de directeur général de la Caisse des dépôts et consignations et de président de la banque publique d’investissement (BPI) entre 2012 et 2014.
J’en avais fait le sujet principal du mot du jour du 9 octobre 2014 « La Bourgeoisie d’Etat » à la suite de la lecture d’un article du Monde de de Raphaëlle Bacqué et Ariane Chemin consacré au couple Jouyet : Jean-Pierre Jouyet et son épouse Brigitte Taittinger issue de la famille champenoise célèbre dans le monde entier. Je remets, une seconde fois, en pièce jointe, cet article.
Lors de ce mot du jour j’écrivais : « Cet article qui rapporte des faits et des comportements, des amitiés et des connivences, des trahisons et des réconciliations, provoque chez le citoyen de base que je suis comme un malaise. Le fait que l’élite, quel que soit son bord politique, discute entre elle peut paraître plutôt positif. « Chez les Jouyet, les soirs d’élections, que la gauche ou la droite l’emporte, on trouve toujours une moitié de convives pour fêter la victoire au champagne rosé… Taittinger. »
Mais il y a autre chose qui se dégage, un entre soi, un groupe homogène qui vit comme en autarcie.
Ils n’ont pas l’air méchant, plutôt affable et sympathique. Mais vivent-ils ou ont-ils le sentiment de vivre un destin commun avec les français que nous sommes ? Ou vivent-ils ailleurs ? »
Je fais cette incise pour vous rappeler ou vous apprendre qu’Emmanuel Macron avait intégré en 2004, à l’issue de ses études à l’ENA, le corps de l’Inspection générale des Finances (IGF). Et…
Celui qui dirigeait cette honorable maison était M Jean-Pierre Jouyet.
Wikipedia nous apprend qu’il va devenir le protégé de cet homme affable à l’aise avec les femmes et hommes du système de droite et les femmes et hommes du système de gauche et aussi du centre…Il sera son vrai mentor.
Et c’est probablement grâce à Jean-Pierre Jouyet, alors dans le gouvernement de Fillon/Sarkozy qu’il est nommé, en août 2007, rapporteur adjoint de la fameuse Commission pour la libération de la croissance française dite « commission Attali ». Attali deviendra aussi un de ses principaux soutiens.
<Jacques Attali qui avait prophétisé, dans l’Express le 17/09/2015 : le prochain président sera un inconnu>. En septembre 2015, Macron n’était ministre de l’économie que depuis 1 an.
Existe-t’il une meilleure institution que l’Inspection des Finances qui puisse symboliser le fameux « Système français » ?
En 2004 Ghislaine Ottenheimer leur avait consacré un livre : « Les Intouchables » : grandeur et décadence d’une caste : l’Inspection des Finances, Albin Michel, 2004
Mais revenons à Frédéric Lordon, la chronique dans son entier est longue et touffue (comme d’habitude). Elle se trouve <ICI> :
Je vais essayer d’en picorer quelques extraits particulièrement incisifs :
 ««Je vais être très clair »… Probablement ignorant des logiques élémentaires du symptôme, Emmanuel Macron semble ne pas voir combien cette manière répétitive de commencer chacune de ses réponses trahit le désir profond de recouvrement qui anime toute sa campagne. « Entre le flou et le rien, continuez de baigner », voilà ce qu’il faut entendre en fait à chacune de ses promesses de clarté.
[…] la plupart des candidats finissent par s’accommoder de ce long et mauvais moment à passer, et que le mensonge de campagne est un genre bien établi qui ne devrait plus rien avoir pour surprendre quiconque. Le problème pour Emmanuel Macron prend cependant des proportions inédites car il ne s’agit plus simplement de faire passer en douce une ou deux énormités, fussent-elles du calibre de « la finance, mon ennemie » : c’est sa campagne dans son intégralité, et jusqu’à sa personne même comme candidat, qui constituent une entreprise essentiellement frauduleuse. […]
C’est pourtant en Emmanuel Macron que s’expriment le mieux les affres d’une époque mourante mais qui ne veut pas mourir. Il était certain en effet qu’un monde pourtant condamné mais encore bien décidé à ne rien abandonner finirait par se trouver le porte-voix idoine, l’individu capable de toutes les ambivalences requises par la situation spéciale : parler et ne rien dire, ne rien dire mais sans cesser d’« y » penser, être à la fois parfaitement vide et dangereusement plein. […]
 […]  il fallait en effet impérativement un candidat du vide, un candidat qui ne dise rien car ce qu’il y aurait à dire vraiment serait d’une obscénité imprésentable : les riches veulent rester riches et les puissants puissants. C’est le seul projet de cette classe, et c’est la seule raison d’être de son Macron. En ce sens, il est le spasme d’un système qui repousse son trépas, sa dernière solution, l’unique moyen de déguiser une continuité devenue intolérable au reste de la société sous les apparences de la discontinuité la plus factice, enrobée de modernité compétitive à l’usage des éditorialistes demeurés. […]
De là ce paradoxe, qui n’en est un que pour cette dernière catégorie : Macron, auto-proclamé « anti-système » est le point de ralliement où se précipitent, indifférenciés, tous les rebuts du système, tous les disqualifiés qui se voyaient sur le point d’être lessivés et n’en reviennent pas d’une telle faveur de la providence : la possibilité d’un tour supplémentaire de manège. […]
Il faudra bien en effet toute cette entreprise de falsification à grande échelle sous stéroïdes médiatiques pour recouvrir comme il faut l’énormité de ce qu’il y a à faire passer en douce : politiquement le pur service de la classe, « techniquement » l’intensification de tout ce qui a échoué depuis trois décennies. Ironie caractéristique de l’hégémonie au sens de Gramsci, le parti de ceux qui se gargarisent du « réalisme » se reconnaît précisément à ceci que son rapport avec la réalité s’est presque totalement rompu, alors même qu’il parvient encore invoquer la « réalité » comme son meilleur argument.
À l’époque du néolibéralisme, « réalisme » nomme la transfiguration continuée de l’échec patent en succès toujours incessamment à venir. Ce que la réalité condamne sans appel depuis belle lurette, le « réalisme » commande non seulement de le poursuivre mais de l’approfondir, donnant pour explication de ses déconvenues qu’elles ne sont que « transitoires », qu’on « n’est pas allé assez loin », qu’on s’est contenté de « demi-mesures » et que la « vraie rupture » est toujours encore à faire – et ça fait trente ans que ça dure. La parfaite identité argumentative dans ce registre entre Fillon et Macron devrait suffire à indiquer où le second se situe réellement et, de son « de droite / de gauche », quel est le terme surnuméraire. […]
Ainsi les traités de libre-échange, européens et internationaux, s’ils détruisent la base industrielle et disloquent des régions entières, ont-ils surtout l’insurpassable avantage de tenir le salariat en respect par la pression concurrentielle et la menace permanente de la délocalisation. L’eurozone fait montre des mêmes excellentes propriétés disciplinaires quoique par des voies différentes, il importe donc de n’y surtout pas toucher : la fermeture organisée de tous les degrés de liberté des politiques économiques ne laisse plus que l’instrument de « la dévaluation interne », c’est-à-dire de l’ajustement salarial par le sous-emploi, pour tenter de survivre dans le jeu idiot de la compétitivité (et en fait d’y périr presque tous) — mais c’est cela même qui la rend désirable. Le « réalisme » étant affranchi depuis longtemps de toute réalité, il tient pour rien le désastre social qui s’en suit, mais n’omet pas au passage d’encaisser, sur les gravats, les bénéfices réellement poursuivis — que de variations possibles autour du « réel »… —, à savoir la mise au pas des salariés.
La facticité générale commande cependant de feindre le mouvement. On ira donc donner un entretien à Libération pour expliquer qu’en Europe la meilleure stratégie du changement, c’est de ne rien changer : « la France ne peut entraîner l’Allemagne que si elle a une crédibilité sur le plan économique et financier». Comprenons : pour obtenir de l’Allemagne l’autorisation de faire autre chose, il faut d’abord lui montrer que nous sommes décidés à ne rien modifier. Laurent Joffrin, entièrement séduit par « l’originalité » de la méthode Macron qui consiste à perfectionner deux décennies à se rouler par terre en s’aplatissant davantage encore, commente : « Commençons par donner des gages de bonne gestion et de sages réformes, alors nous pourrons demander des concessions». Oui, commençons par ramper, c’est ainsi que nous apprendrons la liberté — bonheur parfait de la rencontre d’une complexion et d’une idéologie. »
Si vous voulez tout lire, je vous redonne le lien : <Macron, le spasme du système>
Je mesure bien que les destinataires de ce mot, électeurs de Jean-Luc Mélenchon au premier tour, sont convaincus par cette lecture.
Que celles et ceux qui au contraire se méfient de Mélenchon ou même l’abhorrent, sont scandalisés.
Mais qui peut prétendre que l’analyse de Frédéric Lordon ne rencontre pas une grande part de la réalité du monde ?
Il y a cependant un point qui ne me convainc pas dans cette analyse, car Lordon ne parle que de la responsabilité de l’élite oligarchique, alors que nous sommes aussi grandement responsables.
Nous aimons tellement consommer des objets technologiques, des voyages, des loisirs et toutes ces choses que le système nous vend  que nous ne pouvons-nous exonérer trop rapidement du système.
Personne n’a contraint des milliards de terriens d’acheter des smartphones pour le plus grand bénéfice d’Apple, de Samsung, de Foxconn.
Ce n’est pas non plus suite à un complot ou un pistolet sur la tempe que des millions de gens modestes, pour la plus grande part, payent cher pour aller au stade voir jouer des millionnaires qui courent après une balle de foot ou s’abonnent à des chaines télés payantes ou encore achètent à des prix fous des maillots ou d’autres colifichets de leurs idoles de cette nouvelle religion des temps modernes. Ce n’est que parce qu’il y a des consommateurs qui achètent tout cela qu’il existe des footballeurs millionnaires et des agents de joueurs qui le sont aussi.
Je me souviens d’avoir lu Raymond Aron dans les années 80 qui disait à peu près : tout se passe comme si nous étions dans un véhicule qui va de plus en plus vite vers quelque chose qui nous effraie mais que nous ne savons arrêter.
Lordon n’exprime pas la vérité, il donne une part de vérité. Nous avons à l’entendre aussi pour approcher la complexité de la réalité du monde.

Mardi 2 mai 2017

Mardi 2 mai 2017
« Partout, deux barbaries se conjuguent,
la vieille barbarie de la haine, du mépris, de la cruauté,
et la barbarie glacée du calcul qui veut contrôler tout ce qui est humain. »
Edgar Morin
Edgar Morin est un de nos plus grands penseurs contemporains.
Il est né le 8 juillet 1921, vous pouvez calculer il a 95 ans, presque 96.
Wikipédia le définit d’abord comme le penseur de la complexité.
Il fut un grand résistant. C’est à cette époque qu’il a pris le nom de Morin, car son nom de naissance est Nahoum, il est d’origine juive séfarade, descendant d’un père commerçant juif de Thessalonique.
Le journal Le Monde  vient de publier un entretien avec cet homme qui m’inspire beaucoup : « Cette élection est un saut dans l’inconnu » que vous trouverez en pièce jointe.
Il ne fait aucun doute que cet homme profondément humaniste, votera sans ambigüité pour Macron.
je trouve particulièrement intéressant la deuxième partie de cet entretien, lorsqu’il répond à la question du journaliste : « Quels sont les grands problèmes et les grands thèmes absents de cette campagne ?  »
« Le premier grand absent est le monde qui nous enveloppe et nous emporte dans des conflits et des régressions qui s’aggravent. Les Etats-Unis et la Russie accroissent leur arsenal nucléaire. Trump et Kim ne sont pas Kennedy et Khrouchtchev, qui avaient évité le conflit nucléaire. L’organisation Etat islamique prépare des attentats partout, y compris chez nous.
Partout, deux barbaries se conjuguent, la vieille barbarie de la haine, du mépris, de la cruauté, et la barbarie glacée du calcul qui veut contrôler tout ce qui est humain.
Partout, y compris en Europe, la régression politique a fait naître des postdémocraties autoritaires, que le mot « populisme » qualifie très mal, et nous sommes nous-mêmes ici menacés en ce moment historique.
Les politiques sont somnambules comme l’ont été les politiques de 1933 à 1940. La France ne devrait-elle pas prendre des initiatives pour la paix ? Beaucoup attendent le retour d’une diplomatie française dans le monde telle que l’avait exprimée Dominique de Villepin dans son célèbre discours à l’ONU. La France ne devrait-elle pas chercher une nouvelle voie pour résister aux régressions qui nous envahissent ?
Pour vraiment « barrer la route au FN », il faudrait prendre une autre route. La politique de Macron a d’autant plus besoin d’une pensée sur ce monde qu’elle se veut d’ouverture ; la politique de fermeture sur soi de Marine Le Pen n’a pas besoin de penser le monde car pour elle l’extérieur est une menace (mondialisation, Europe, étranger, immigré) et la solution est la fermeture sur soi. »
Et à cette autre question : « Les débats sont-ils à la hauteur de ces enjeux historiques et de cette dépression politique ? », il répond :
« Le mythe de l’Europe est faible. Le mythe de la mondialisation heureuse est à zéro. Le mythe euphorique du transhumanisme n’est présent que chez des technocrates.
Nous sommes dans un creux historique d’incertitudes et d’angoisses, qui provoquent les régressions de repli. Seule la conception d’une voie salutaire pourrait ressusciter une espérance qui ne soit pas illusion.
Macron devrait à mon sens mettre en question les cadres classiques dans lesquels il semble se situer naturellement : la subordination de la politique à l’économie, la réduction de l’économie à l’école néolibérale, l’excroissance du pouvoir de l’argent.
Une des causes profondes du mal contemporain est l’hégémonie de la finance et des lobbies économiques non seulement sur la société, mais aussi sur la politique.
Une nouvelle voie économique est possible qui ferait reculer progressivement l’omnipotence du profit, du calcul, de la standardisation, et nous conduirait vers un mieux-être : la menace écologique a ouvert la perspective de la généralisation des énergies propres, de la dépollution des villes (développement des voitures électriques, piétonisation, parkings aux portes de villes), de la dépollution de notre consommation alimentaire par la régression de l’agriculture et de l’élevage industrialisés et le redéploiement des exploitations fermières et agroécologiques.
Le développement de la conscience des consommateurs urbains, qui a commencé, favoriserait l’alimentation saine et savoureuse. Du coup, les progrès de la santé dans toute la nation susciteraient d’énormes économies budgétaires.
En même temps, l’Etat devrait favoriser l’économie sociale et solidaire, l’entreprise citoyenne, l’économie collaboratrice (qui s’ébauche dans les Blablacar, les AMAP, etc.), l’économie circulaire, l’artisanat. Il devrait favoriser la production du durable et faire régresser celle du jetable. Il devrait favoriser la compétitivité qui s’obtient par la débureaucratisation et l’humanisation au sein de l’entreprise, plutôt que par les contraintes qui conduisent aux burn-out.
Enfin, l’union des Français à laquelle aspire Macron nécessite la prise de conscience de la réalité multiculturelle de notre nation, composée d’abord de cultures provinciales issues de peuples hétérogènes au départ, ensuite de cultures d’origine immigrée se symbiotisant dans la grande culture nationale. Il faudrait inscrire dans la Constitution « la France est une République une et multiculturelle ».
De manière plus immédiate, il fait cette analyse du combat électoral en cours :
« Macron bénéficie d’un élan propre pour le renouveau et d’un fort antilepenisme. Mais il a éveillé un antimacronisme de gauche et un antimacronisme de droite qui iront vers l’abstention ou vers Marine Le Pen.
Cela dit, il y aura encore des aléas et des surprises.
Les forces profondes de régénération qui travaillent le pays, en même temps que le travaillent les angoisses, les peurs et les colères (qui favorisent Le Pen), sauront-elles se décanter et trouver un chemin en Macron ?
Le dynamisme de la marche risque d’être stérile si on ne sait pas quel espoir se trouve dans l’« en avant ». De toute façon, nous sommes dans l’aventure, cette élection est un saut dans l’inconnu.
D’un côté, le déjà-connu, de l’autre, l’incertain. Il faut savoir que tout vote sera un pari risqué.
L’abstention est elle-même un pari. Cette conscience doit nous donner vigilance et éviter bien des illusions et des déceptions. »
Je voterai Macron.
Je ne condamnerai pas celles et ceux qui s’abstiennent.
Emmanuel Macron n’a fait aucun effort, pour l’instant, pour rassembler sauf à dire qu’il est le candidat anti-Le Pen, ce qui est beaucoup, mais ce qui n’est pas tout.
Il faut lutter contre la marchandisation du monde.
Car comme l’écrit Edgar Morin il existe bien sûr la  la vieille barbarie de la haine, du mépris, de la cruauté.
Mais si on ne lutte pas contre la barbarie glacée du calcul qui veut contrôler tout ce qui est humain nous aurons tôt ou tard la vieille barbarie.

Vendredi 28 avril 2017

Vendredi 28 avril 2017
«C’est un peu rapide [de dire ] que deux France se feraient face ! »
Frédéric Gilli
Tourner autour du pot, pour voir le pot sous tous ses aspects…
Osons un peu de complexité, car la vie est complexité.
C’est l’arme des démagogues de tous bords de prétendre que les choses sont simples et que des solutions simples peuvent être trouvées.
Nous aussi sommes complexes :
Faisons-nous partie du peuple du web ou du peuple du mur ?
Sommes-nous libéraux ou non en matière économique, culturelle ou sociétale ?
Sommes-nous des « gens de n’importe où » ou appartenons au « peuple de quelque part ». ?
Mon ami Daniel répondait au mot du jour d’hier fort judicieusement : « j’ai du mal à me retrouver dans [cette] distinction. J’ai le sentiment d’être de quelque part culturellement mais pas physiquement par ailleurs j’aime l’ouverture aux idées tout en conservant mon sens critique. »
Pour ma part, je me sens plutôt faisant partie du peuple du web que du peuple du mur. Mais quand je discute avec mon fils Alexis je n’en suis plus si certain. Je fais certainement beaucoup moins partie du peuple du web que lui ou j’adhère beaucoup moins aux valeurs du peuple du web que lui. Suis-je pour autant du peuple du mur, sans le reconnaître ?
Et je ne me sens certainement pas de n’importe où, je suis plutôt de quelque part.
Je comprends et j’adhère à cet avis que Christophe Guilluy a émis et que j’ai repris dans le mot du jour du 7 octobre 2016 : « Personne au monde, ni en Algérie, ni au Sénégal, ni en Chine, ne souhaite devenir minoritaire dans son village. »
Les raisonnements binaires sont simplistes, or la vie, l’humanité est complexité.
Dans une tribune au « Monde » que vous trouverez en pièce jointe, Frédéric Gilli, chercheur à Sciences Po, estime que la géographie du vote ne dessine pas une claire opposition entre une France des villes vivant bien la mondialisation et une France périphérique en train de dépérir.
Je vous en livre quelques extraits :
« Deux France se feraient face. Une double fracture même, territorialement caractérisée à grand renfort de cartes synthétiques : d’une part les centres-villes s’opposant aux zones pavillonnaires et rurales et d’autre part des régions aux valeurs très différentes démarquées par une ligne Normandie-Provence-Alpes-Côte d’Azur…
C’est peut-être un peu rapide ! […]
Les instituts nous le disent, les électeurs d’Emmanuel Macron sont plus diplômés, plus urbains, plus optimistes… Le yuppie serait ainsi le candidat des bobos béats et de la mondialisation heureuse avec, face à lui, la France périphérique, repliée, xénophobe et fragile ?
[…] en 2017, la présence de Marine Le Pen en tête dans plusieurs départements et dans une majorité de communes occulte la grande diversité des municipalités dans lesquelles Emmanuel Macron réalise des scores très importants : il est arrivé largement en tête à Paris (35 %), la belle affaire ! Il est aussi arrivé en tête dans un département rural traditionnellement de droite comme l’Aveyron (26 % contre 17 % à Le Pen) et un département voisin traditionnellement de gauche comme le Puy-de-Dôme (27 % contre 18 % à Le Pen) et dans des villes moyennes fragilisées comme Bourges (Union des démocrates et indépendants, 28 %), Bar-le-Duc (Parti socialiste, 25 %) ou Châteauroux (Les Républicains, 25 %)…
Creusons donc un peu !
Marine Le Pen en tête dans 19 000 communes C’est indéniablement dans les coeurs des grandes agglomérations que Macron réalise ses meilleurs résultats : il y capitalise 26 % des scrutins exprimés, quand Marine Le Pen n’en recueille que 18 %. Pour autant, si l’on compare les résultats des deux candidats arrivés en tête au premier tour en suivant les grandes catégories territoriales de l’Insee (les grandes aires urbaines, leur périphérie, les villes petites et moyennes, le rural), force est de constater que le paysage électoral est bien moins binaire que celui d’une France à moitié bleu Marine (la candidate FN arrive en tête dans 19 000 communes). Le vote FN croît bien à mesure que l’on s’éloigne du centre : 18 % dans les grandes agglomérations, 25 % à leur périphérie et 27 % au-delà ; 17 % dans les villes petites et moyennes, 22 % à leur périphérie, 29 % au-delà…
Le rural résistant mieux à cette poussée frontiste avec moins d’un quart des suffrages pour Marine Le Pen. On notera toutefois que, si ces chiffres sont indéniablement élevés, elle ne dépasse pas la barre des 30 % dans aucun de ces territoires (en moyenne, il est évident que cela peut masquer des situations municipales variables).
Et Macron dans tout cela ? Uniformité des résultats Eh bien, ses résultats sont particulièrement constants quel que soit le terrain. Il rassemble entre 20 % et 23 % des électeurs dans tous ces territoires : 21 % des ruraux, 22 % des électeurs des petites villes, 23 % des périurbains des grandes agglomérations…
Evidemment cela varie en fonction des communes et de leur composition sociale mais, si deux France se font face à travers Le Pen et Macron, ce ne sont de toute évidence pas la France des villes et celle des campagnes, puisque le candidat d’En marche ! brille plutôt par l’uniformité de ses résultats.
Le constat mérite aussi d’être affiné par grandes régions : une carte nationale montre en effet la nette prééminence du FN dans la moitié nord-est du pays, au-dessus d’une ligne Caen-Grenoble, ainsi que le long du littoral méditerranéen. En Normandie, dans les Hauts-de-France, le Grand-Est, en Bourgogne-Franche-Comté ou dans le Centre, Marine Le Pen arrive en tête, y compris dans les plus grandes aires urbaines (sauf dans l’hyper-centre de plusieurs d’entre elles, disputé par Macron et Mélenchon). Les communes rurales du nord et de l’est de la France composent d’ailleurs la seule grande catégorie territoriale où Marine Le Pen dépasse 30 % des votes en moyenne (31 %), et c’est en même temps les seuls endroits où Emmanuel Macron ne recueille pas en moyenne plus de 20 % des scrutins (et 14 % des inscrits, soit 260 000 bulletins recueillis sur 1 800 000 possibles).
[…] Si le vote FN est plutôt typé géographiquement, cela ne se traduit pas par une France coupée en deux, ni entre le Nord ou l’Est et le Sud ou l’Ouest, ni entre les villes et les campagnes. Et à tout prendre, au vu des cartes, si un vote répond nationalement à celui de Le Pen, ce serait plutôt celui en faveur de Mélenchon. Au contraire, le principal signe de continuité entre ces territoires, c’est précisément le vote Macron, qui est très stable à travers tout le pays, quels que soient les endroits.
Ces raccourcis seraient sans conséquences s’ils ne risquaient pas d’induire des erreurs de jugement.
En l’occurrence, deux erreurs sont possibles
La première serait, pour les analystes, de se méprendre sur l’état du pays. Le pays n’est pas traversé par une guerre de civilisation, ni coupé en deux entre des territoires aux trajectoires opposées. Si Macron est réellement le candidat de la modernité et de la mondialisation que nous présentent les médias, cela voudrait dire que l’on trouve dans ces territoires des gens ouverts au monde, à la création de richesse… ce que démontrent les nombreuses initiatives locales partout en France mais que les politiques de concurrence territoriale et de métropolisation s’obstinent à nier.
[…]
La seconde erreur serait, pour Emmanuel Macron, d’oublier d’ici au second tour mais surtout pendant son mandat qu’il est aussi l’élu de cette France-là. Au total, les quartiers pavillonnaires, les petites villes en déprise, les zones rurales lui donnent 3,6 millions de voix, soit près de la moitié de son électorat !»
Vos idées sont moins claires après avoir lu cette chronique ?
C’est normal, c’est cela la complexité.
Mais c’est beaucoup plus proche de la réalité.

Jeudi 27 avril 2017

« Retour à Forbach »
Régis Sauder
Je suis né à Forbach en 1958, j’habitais la ville voisine de Stiring-Wendel. Mais que ce soit le lycée Jean Moulin où j’ai étudié, le conservatoire de musique où mon père enseignait le violon, les librairies que je fréquentais, les cinémas, tous ces équipements se trouvaient dans la ville centre de l’agglomération : Forbach.
Retour à Forbach est un documentaire de Régis Sauder, un forbachois qui montre cette ville aujourd’hui, en laissant parler les habitants de toute origine et expliquer ce qui s’est passé dans cette ville depuis les années 1980.
Ce lundi, après les élections présidentielles, j’ai lu quelques journaux, mais surtout, surtout je suis allé voir ce documentaire qui est sorti en salle le 19 avril 2017.
La Croix écrit : «  Le retour vers les origines figure souvent parmi les aventures les plus périlleuses d’une vie d’homme. Celui de Régis Sauder vers la ville mosellane de son enfance ne fait pas exception à la règle, quant au remuement intérieur qu’il occasionne. Retour à Forbach, le documentaire qui résulte de ce périple aux mille embûches, n’en est que plus fort, impressionnant dans ce qu’il laisse percer de l’admirable éthique de son auteur. »
Les Inrocks parle de la «La désagrégation d’une ville lorraine scrutée par un œil rigoureux. »
A Forbach, Marine Le Pen a atteint 29,65% des voix du vote de dimanche.
Et dans la ville voisine où j’ai passé mon enfance, Stiring-Wendel, encore plus désespérée que la ville centre, la représentante de la France du mur pointe à 37,30%.
Dans mon enfance, les Houillères du Bassin de Lorraine ou HBL régnaient sans partage sur cette agglomération de 80 000 habitants dans laquelle toutes les communes étaient accolées les unes aux autres.
Les mines de charbon étaient la mono industrie, on y travaillait ou on travaillait en sous traitance pour les HBL ou encore on travaillait pour vendre des services ou des biens pour ceux qui y travaillaient.
Tout était pris en charge par les HBL qui avaient leur propre hôpital, leur sécurité sociale spécifique. Les ouvriers étaient logés gratuitement dans des maisons appartenant aux HBL.
La vie culturelle, sportive étaient financées par les HBL.
Et puis, les mines ont fermé et l’économie locale s’est effondrée sur elle même. De nombreux  retraités, avec des revenus honorables mais plus de perspectives pour les jeunes générations.
Ma terre natale a toujours été terre d’immigration, immigration italienne, immigration polonaise. Si mon ascendance paternelle est ancrée dans ce lieu de l’est de la Moselle, ma mère est née polonaise et a accédé à la nationalité française par le mariage. Son père polonais  était d’abord venu travailler en Allemagne dans la Ruhr, à Essen où est née ma maman. Puis des recruteurs venant de Lorraine l’ont convaincu de venir travailler en France, de s’installer à Stiring Wendel en bas de la Rue Croix dans des maisons spécialement construites pour accueillir l’immigration polonaise. 400 m plus haut se trouvait la maison familiale de mon père. Et après les épreuves de la guerre mon père lorrain de souche donc français a épousée l’immigrée polonaise.
A la fin de la période des mines, une immigration maghrébine a aussi été appelée pour venir travailler dans les mines et les métiers autour de la mine. Et les choses se passaient relativement bien.
Mais lorsque l’économie locale s’est effondrée, la cohabitation est devenue plus compliquée.
Le documentaire le montre remarquablement avec des personnages truculents comme la femme qui tient le café du marché, lumineuse comme cette femme qui travaille dans les oeuvres sociales et aussi ces personnes émouvantes d’origine maghrébine qui racontent la difficulté d’aujourd’hui. L’un dit : « Avant quand j’avais besoin d’aide je demandais à mon voisin qui était d’une origine différente de la mienne. Mais aujourd’hui cela ne fonctionne plus alors je vais à la mosquée et c’est là que je trouve de l’aide »
Et puis cet ouvrier qui explique qu’il a un emploi salarié et qu’il a un prêt sur 15 ans pour sa maison, alors selon ses propos : « il courbe l’échine. Quand il esquisse une révolte, son patron lui dit : tu peux partir il y en a 15 qui attendent ». La fierté s’est envolée.
Et je me souviens de mes cousins qui travaillaient au fond de la mine. Travail dur, éprouvant pour la santé mais lorsqu’ils parlaient de leur métier, leurs yeux brillaient de fierté. Ils arrachaient la pierre de la terre pour chauffer les maisons, pour faire tourner les usines. Il y avait l’évidence immédiate de l’utilité de leurs efforts.
La fierté d’hier heurte la résignation d’aujourd’hui.
Le centre ville de Forbach est déserté, un grand nombre de commerces sont fermés. Des panneaux « à louer » sont collés, mais personne n’est dupe ces commerces n’ouvriront plus.
Et les communautés s’observent, probablement avec un peu de peur et en soupçonnant vaguement que c’est l’autre qui est responsable de ce gâchis.
Et les mines qui ont fermé continuent cependant à hanter la région : les nombreuses galeries creusées dans le sous sol entraînent des dégâts miniers et fissurent les maisons nécessitant soit de lourds travaux soit de quitter ces maisons.
Heureusement qu’à 10km se dresse Sarrebruck, la capitale de la Sarre le plus petit des länder de l’opulente Allemagne.
Bien sûr, ce document qui parle de la terre où je suis né me touche particulièrement. Mais je crois que chacun pourra y trouver un début de réponse à cette question mais pourquoi le Front national recueille t’il tant de voix ?
Le documentaire annonce qu’une librairie va rouvrir au centre ville. C’est une note d’espoir.

Mercredi 26 avril 2017

« Les fractures politiques françaises »
Réflexions après le premier tour des présidentielles de 2017
La décision du peuple français conduit donc à un second tour où s’affronteront le peuple du web contre le peuple du mur ou au moins le représentant de chacun de ces peuples.
Mais le premier tour montre ces fractures françaises
D’abord une fracture géographique qui est montrée par cette carte où le département porte la couleur du candidat ayant reçu le plus grand nombre de suffrages .
Il y a donc une ligne de fracture Est/ouest principalement et plus précisément Nord-Est / Sud-Est pour Le Pen et Ouest / Sud-Ouest pour Macron avec quelques tâches supplémentaires pour ce dernier :
D’abord la région parisienne sauf la Seine Saint Denis où Mélenchon a réalisé un score de 34% contre 24% pour Macron et 13,5 pour Le Pen.
Et puis il y a une partie de la Région Rhône-Alpes : Le Rhône, l’Isère et la Savoie ainsi que les Hautes Alpes. Et puis Macron a aussi gagné le centre de la Bourgogne : La Côte d’Or.
La seconde Fracture est celle des métropoles contre la France périphérique qu’a décrite Christophe Guilluy, même si dans le détail cette fracture est peut être plus complexe comme l’explique la géographe Béatrice Giblin et le démographe Hervé Le Bras lors des matins du France Culture de ce lundi. Ainsi Béatrice Giblin a dit lors de cette émission :« Les pauvres, les chômeurs votent Front national, les gagnants, ceux qui sont dans la mondialisation votent Macron. Il faut sortir de cette vision simpliste. Si on veut comprendre les choses, il faut rentrer dans une complexité un peu plus forte et dans des analyses plus fines. Vous pouvez à l’intérieur des métropoles, avoir des gens qui vivent très mal, qui sont aussi au chômage, qui ont du mal à boucler leurs fins de mois mais qui se trouvent au sein d’une dynamique sociale et culturelle qui fait qu’ils vont avoir les outils pour résister au vote Front national. En revanche, quand vous êtes dans une petite ville, dans une zone à 50 habitants au km2, où les activités sont à l’extérieur de la ville, là vous avez un sentiment d’abandon. Mais ce qui ne veut pas dire que vous allez forcément mal !»
Toujours est-il qu’on voit les résultats suivants dans les grandes Métropoles
Le Pen toujours inférieur à 10% et même en dessous de 5% à Paris.
Il y a l’exception de Marseille mais où Mélenchon arrive en tête.
Et quelques autres du Sud Est comme Nice.
Une autre quantification donne un repère : Le Pen a été en tête dans 18 845 communes et Macron que dans  7 222 communes : Les petites contre les grandes.
Vous trouverez en pièce jointe un article du Monde du journaliste  Patrick Roger qui précise cette double fracture
<Sur cette page du Monde réservée aux abonnés> vous trouverez des éléments de sociologie électorale
On constatera que les cadres votent à 34% pour Macron et 13% pour Le Pen, concernant les autres candidats ils votent comme le reste de la France 19% pour Mélenchon et 20 % pour Fillon et un peu plus que la moyenne pour Hamon 8%.
En revanche les ouvriers qui votent le font à 36% pour Le Pen (24% pour Melenchon) et 17% pour Macron.
Les retraités votent à 37% pour Fillon et 26% pour Macron et que 14% pour Le Pen.
Lorsqu’on s’intéresse aux retraités de plus de 70 ans, le vote va à 46% pour Fillon.
Inversement les jeunes de 18-24 ans ont voté pour Mélenchon à 31% et Le Pen à 20% et Emmanuel à Macron qu’à 18%.
Macron est en tête pour les 25-34 ans mais pour les 35-49 ans, c’est-à-dire le centre de la vie professionnelle Marine Le Pen est nettement en tête avec 29% contre 22% et 21% pour Mélenchon et Macron et que 12% pour Fillon.
Tous ces éléments montrent bien des fractures françaises.
Le défi d’un futur Président est en principe de réunifier les français et de parler à la France dans sa globalité.

mercredi 19 avril 2017

mercredi 19 avril 2017
« L’article 16 de la constitution »
Un article liberticide de la constitution qu’il ne faudrait pas mettre entre toutes les mains.
Grâce à Manuel Valls nous connaissons l’article 49-3 de la constitution, article qui permet d’obliger l’Assemblée Nationale d’accepter qu’un texte de Loi soit adopté sans le discuter, sauf à voter une motion de censure qui renverserait le gouvernement et très probablement conduirait à une dissolution de l’Assemblée ce qui aurait comme conséquence fâcheuse de ramener chaque député devant ses électeurs.
Grâce à François Asselineau qui est ce candidat qui à chaque question dégaine un article d’un Traité ou de la Constitution, nous sommes familier de l’article 5 de la constitution qu’il cite le plus souvent, celui qui donne au Président de la République l’injonction d’être « le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités.»
Mais l’article le plus problématique de la Constitution n’est pas beaucoup cité.
François Mitterrand a écrit au moment de la création de la Vème république un livre : « Le coup d’Etat permanent » dans lequel il fustigeait la 5ème république et dénonçait notamment l’article 16 de la constitution.
Il a été 14 ans au pouvoir sous cette constitution et il n’a pas voulu ou pas pu abroger cet article.
Tout à fait à la fin de son mandat, il a eu cette sentence : « Les institutions ont été dangereuses avant moi et le redeviendront après moi ».
Vous trouverez ces information sur l’excellent site de l’Institut François Mitterrand :  http://www.mitterrand.org/Qu-est-ce-que-le-mitterrandisme.html
Avant de continuer, citons in extenso cet article qu’aucun pays démocratique libéral et sérieux ne nous envie :
« Lorsque les institutions de la République, l’indépendance de la Nation, l’intégrité de son territoire ou l’exécution de ses engagements internationaux sont menacés (1) d’une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu, le Président de la République prend les mesures exigées par ces circonstances, après consultation officielle du Premier ministre, des Présidents des Assemblées ainsi que du Conseil constitutionnel.
Il en informe la Nation par un message.
Ces mesures doivent être inspirées par la volonté d’assurer aux pouvoirs publics constitutionnels, dans les moindres délais, les moyens d’accomplir leur mission. Le Conseil constitutionnel est consulté à leur sujet.
Le Parlement se réunit de plein droit.
L’Assemblée nationale ne peut être dissoute pendant l’exercice des pouvoirs exceptionnels.
Après trente jours d’exercice des pouvoirs exceptionnels, le Conseil constitutionnel peut être saisi par le Président de l’Assemblée nationale, le Président du Sénat, soixante députés ou soixante sénateurs, aux fins d’examiner si les conditions énoncées au premier alinéa demeurent réunies. Il se prononce dans les délais les plus brefs par un avis public. Il procède de plein droit à cet examen et se prononce dans les mêmes conditions au terme de soixante jours d’exercice des pouvoirs exceptionnels et à tout moment au-delà de cette durée. »
L’historien François Durpaire et le dessinateur Farid Boudjellal, ont fait une BD dont vient de paraître le 3ème tome : « La Présidente » où ils imaginent Marine Le Pen élue présidente le 7 mai 2017.
L’historien prévient que Marine Le Pen ressemble à Donald Trump, mais Donald Trump a contre lui un vrai pouvoir judiciaire qui l’arrête, stoppe ses décrets, un Parlement qui ne vote pas comme il le souhaite bien que son parti dispose de la majorité. Et même les membres du gouvernement qu’il nomme peuvent être récusés ou devoir démissionner dès qu’on s’aperçoit qu’il existe des conflits d’intérêts  Enfin c’est un Etat fédéral et les états fédérés comme la Californie peuvent largement s’éloigner des injonctions du pouvoir fédéral et disposent d’une large autonomie.
Il n’y a rien de tel pour arrêter Marine Le Pen qui en outre dispose de l’article 16.
Une fois au pouvoir, il y aura probablement de grands désordres.
Elle pourra alors considérer que les conditions de la mise en œuvre de l’article 16 sont réunies.

<Un journaliste de Challenges développe cette hypothèse>

Il y a deux dispositions de nature à freiner ce pouvoir absolu :
Un avis public du Conseil constitutionnel.
Le Parlement est réuni et l’Assemblée ne peut être dissoute.
Notez qu’il n’est pas prévu qu’une autorité mette fin, de manière autoritaire, aux pouvoirs exceptionnels contre l’avis du Président de la république !
Tout ceci me paraît bien léger … aucune comparaison possible avec les Etats-Unis…
Vous trouverez d’ailleurs sur ce thème et en pièce jointe, une tribune parue dans « Le Monde » le 11 avril et rédigée par un collectif composé de juristes qui estime que la Ve République permet au président de cumuler les pouvoirs législatif et exécutif et que confier une telle autorité à Marine le Pen ferait courir un grave danger à la démocratie.