«Un tuteur malhonnête ou négligent, qu’il travaille dans un hôpital, une association, ou qu’il exerce en libéral, agit toujours avec la complicité active ou passive des «charognards de la tutelle» écrit l’auteur, notaire, marchand immobilier ou commissaire priseur, juge et autre directeur de pompes funèbres.
Tout un petit monde susceptible de prendre sa part de marché tutélaire, cet «or gris» si facile à ramasser, et encore plus si un médecin vient poser un diagnostic de paranoïa, coupant court à toute protestation. Siphonage d’une assurance-vie, maison de famille revendue à des prix sans rapport avec ceux du marché, vol de meubles : aucune statistique à ce jour sur cette pagaille lucrative.
Dans ce mal contemporain, qui s’abat sur l’handicapé psychique à qui on «oublie» de verser son pécule de survie comme sur le vieillard maltraité en maison de retraite, que son protecteur officiel ne défendra pas dans un réflexe de soutien à l’institution, Valérie Labrousse, en lectrice attentive d’Hannah Arendt, entrevoie les symptômes de la banalité du mal – servilité, relativisme de l’horreur, refus du jugement moral et rationalisme bureaucratique sur fond d’indifférence à la souffrance de l’autre.
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Mois : mars 2015
Lundi 30 mars 2015
Pierre Le Coz est professeur de philosophie et dirige le département des sciences humaines de la Faculté de médecine de Marseille. Il a publié en 2014 un livre : «Le gouvernement des émotions»
Cette réflexion sur les émotions telles que la compassion, la peur, l’angoisse, l’indignation ou la complaisance morbide immergées dans un bain médiatique me paraît particulièrement appropriée à la fin d’une semaine d’hystérie médiatique autour d’un acte meurtrier produit probablement par un déséquilibré isolé et extrêmement rare.
Ainsi, sur tous les médias on n’entendait plus que cette histoire mille fois répétée, avec un ton anxiogène et l’impression que c’était devenu le problème le plus important de l’Humanité : comment éviter qu’une personne prise de folie meurtrière et suicidaire, aux commandes d’un avion, puisse le détruire avec tous ses passagers.
Dans l’émotion certains ont pris immédiatement des mesures : Il faut une deuxième personne dans le cockpit.
Un commandant de bord a expliqué combien cela apparaissait délirant :
On allait imposer une contrainte qui dans 99,9999% des cas est inutile.
Et si dans le cockpit le pilote ou celui qui le surveille ont décidé de faire cet acte insensé, il dispose d’une hache qui se trouve dans l’habitacle, pour sans crier gare, exécuter d’abord l’empêcheur de leur acte puis réaliser exactement le même délire. Et même sans la hache, d’autres moyens existent pour neutraliser l’autre.
En outre, on peut estimer qu’il y a dans ce cas un double risque : dans un groupe de deux personnes il y a rationnellement deux fois plus de chance qu’il y ait un fou que dans un singleton.
Il y a même un journaliste qui a émis cette idée géniale qu’on pourrait prévoir un système qui permette de prendre les commandes de l’avion à distance. Donc pour répondre à un risque extrêmement faible on ouvrirait une possibilité à des milliers de hacker, pour qui ce serait évidemment un défi exaltant de parvenir à prendre le contrôle d’un avion en vol pour jouer, obtenir une rançon ou plus brutalement perpétrer un acte terroriste.
Tout cela alors que, contrairement à l’impression que les médias peuvent donner : l’aviation civile entraîne de moins en moins de morts chaque année bien qu’il y ait de plus en plus de personnes qui prennent l’avion.
Vous prenez beaucoup plus de risque, quand vous prenez chaque matin votre voiture. Mais ce raisonnement est rationnel.
L’émotion permet la manipulation et entraîne des réactions souvent peu pertinentes comme le montre cette fausse bonne idée de doubler les personnes présentes dans le cockpit.
L’émotion de celles et ceux qui sont touchés par ce drame est naturelle et digne de compassion, mais l’émotion planétaire que veulent déclencher les médias n’est en aucune façon guidée par l’intérêt public ou la noblesse des sentiments. C’est uniquement un évènement qui leur permet de « faire de l’audience et donc du fric » alors que leur rôle devrait être de prioriser l’information pour l’intérêt de tous.
Et les politiques ! Que viennent faire dans ce lieu de l’émotion légitime des familles, le président français, la chancelière allemande et le premier ministre espagnol. Ils sont élus pour nous préparer au monde de demain, aux bouleversements que va créer dans l’économie les problèmes écologiques terribles qui sont prégnants, un monde où l’automatisation de plus en plus intense des processus intellectuels vont conduire à un monde avec de moins en moins d’emplois, sans compter un monde de vieux en trop grand nombre pour les capacités de nos systèmes sociaux. Et sur tous ces sujets ils sont absents, constants dans leurs recettes anciennes qui ne sont plus adaptées au monde d’aujourd’hui et de demain.
Face à leur vacuité devant les problèmes vraiment importants, ils se réfugient dans un rôle d’assistants psychologues pour drames médiatisés !
Et que dire du Ministre de l’intérieur qui débarque dans cet endroit pour annoncer devant la presse, (toujours la presse !) qu’il allait coordonner l’ensemble des services de sécurité et de secours.
Il n’y a pas de préfet ? Ce haut fonctionnaire est devenu incompétent ? Le ministre de l’intérieur va s’installer pendant 5 jours dans les Alpes de Haute Provence pour remplacer le préfet ?
Ecoutez donc Pierre Le Coz dans cette émission de France Inter : <La tête au carré : le gouvernement des émotions>
Sur la page de cette émission on peut lire la débauche «d’excitations sensorielles soulève des enjeux éthiques majeurs. Car, quand nos émotions sont dévoyées, ce sont nos jugements de valeur qui se trouvent pervertis.»
Ou plus court cette vidéo de 4 minutes : <Le gouvernement des émotions – Pierre Le Coz> . Il dit notamment que
« L’émotion a toujours été le cheval de Troie de toutes les manipulations»
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Vendredi 27 mars 2015
Récemment j’ai assisté à la fin d’une discussion entre deux jeunes filles où l’une des deux avait cet argument définitif :
« Tu ne peux pas le contester, c’est scientifique ! »
C’est « scientifique » était, dans son esprit, la meilleure manière de clore la discussion.
Puisque c’est scientifique, il n’y a rien à ajouter, c’est la Vérité !
Et bien cette formule est une ânerie et ne vaut guère mieux qu’une autre formule entendue souvent :
« C’est vrai, puisqu’ils l’ont dit à la télé ! »
Il y a en effet, une idée absolument fausse qui consiste à croire que la démarche scientifique c’est élaborer conceptuellement une hypothèse et la vérifier par des expériences.
Karl Popper (1902-1994), philosophe de la science a montré que la seule démarche scientifique possible consiste à pratiquer des expériences susceptibles de montrer qu’une théorie est fausse.
Ce qui signifie qu’une théorie scientifique n’est jamais exacte mais simplement la plus satisfaisante, à un moment donné, parce qu’on n’est pas encore arrivé à la réfuter, c’est à dire à prouver qu’elle était fausse.
Cette réalité ne peut rendre que le scientifique modeste et la science respectable.
Ce qui n’est pas toujours le cas, notamment dans le monde médical.
Pour Popper, la démarcation entre « la science » et la « non science » est justement la capacité de concevoir et de pouvoir réaliser des tests capables de réfuter une théorie.
Si de tels tests existent, nous sommes dans le domaine de la science, sinon nous n’y sommes pas.
Cette introduction pour partager avec vous, une conférence que m’a indiquée, il y a plusieurs mois mon ami Didier et où ce remarquable pédagogue qu’est Hubert Reeves illustre parfaitement la démarche scientifique :
Il nous explique qu’on n’est pas sûr que la théorie du big bang soit la bonne et il nous donne l’ensemble des observations et des tests (11) qui ont été réalisés et qui étaient en mesure de la réfuter.
Or pour l’instant, aucune de ces observations ou tests ne l’a réfutée.
Elle est donc la meilleure, pour l’instant car on n’a pas pu prouver qu’elle était fausse !
<La crédibilité de la théorie du big bang par Hubert Reeves>
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