Vendredi 20 mars 2015

Vendredi 20 mars 2015
«Ce n’est pas une partie de la population musulmane française qui se tourne vers le djihad et le terrorisme, c’est une collection d’individus et de solitaires »
Olivier Roy
Je dois dire que je n’ai pas bien compris pourquoi Roger Cukierman avait été  si violemment critiqué lorsqu’il a déclaré que «toutes les violences antisémites sont commises par des jeunes musulmans». Il me semblait qu’il disait une évidence et je trouvais suspect qu’on ne puisse dire ces choses.
Mais j’ai changé d’avis quand j’ai réécouté Olivier Roy, philosophe, chercheur et spécialiste de l’Islam qui avait été l’invité de Patrick Cohen en janvier sur France Inter.
Son analyse était la suivante : «Ce n’est pas une partie de la population musulmane française qui se tourne vers le djihad et le terrorisme, c’est une collection d’individus et de solitaires.
Il y  a beaucoup plus de musulmans dans les forces de sécurité, dans l’armée et la gendarmerie que dans les réseaux d’Al-Qaeda ou des autres organisations terroristes.
D’ailleurs ces musulmans sont aussi la cible puisque Merah à Toulouse comme lors de l’attentat contre Charlie, des musulmans appartenant à ces institutions ont été froidement abattus.
Ce n’est pas une dérive de la population musulmane, c’est une dérive de la jeunesse, y compris une partie non musulmane qui alors se convertit pour faire le djihad.
C’est un mouvement de jeunes qui sont souvent, mais pas toujours en position d’exclusion sociale, et qui dans ce dernier cas s’auto-excluent pour rentrer dans la radicalité, une dérive sectaire où ils ne se retrouvent plus qu’avec des gens comme eux et qui se montent la tête avec des vidéos, des grands récits de guerre et cherchent sur Internet une cause et passent à la violence.
Ils ne sont en rien une avant-garde d’une communauté musulmane de France qui n’existe pas. »
C’est bien un problème de jeunes qui cherchent une cause pour laquelle ils peuvent se battre, nourrir leur soif de violence et mourir.
Et c’est ainsi que s’explique, le grand nombre de convertis qui se trouve dans cette dérive terroriste.
Dans un article de Libération, il a cette expression « marketing » : <Aujourd’hui, le jihad est la seule cause sur le marché.> :
«Ce sont des jeunes qui cherchent leur guérilla, comme nous dans les années 60. A l’époque, notre cause était la révolution, maintenant, c’est le jihad mondial. Dans son essai The Terrorist in Search of Humanity, l’historien Faisal Devji explique que, mis à part le fait que les terroristes tuent, il n’y a pas de différence fondamentale entre un humanitaire et un gars d’Al-Qaeda. Ce sont des militants d’un monde global, des nomades, souvent déracinés. Mais si on veut vraiment comprendre l’enrôlement des jihadistes, il faut regarder du côté de la fusillade du lycée de Columbine, en 1999, et des jeunes gens qui se perdent dans une même violence autodestructrice. En Orient comme en Occident, il existe une jeunesse fascinée par ce nihilisme suicidaire. L’islam donne une dimension globale, peut-être aussi mystique, un nom à une cause.
Aujourd’hui, le jihad est la seule cause sur le marché. Nous ne voulons pas voir les points communs, mais seulement les différences, et préférons nous enfermer dans une lecture monomaniaque du monde musulman. On se réfugie dans le choc des cultures sans voir l’aspect mondialisé du phénomène. Or, ces conflits sont le symptôme d’un même effondrement culturel. »
Je pense qu’Olivier Roy a raison, ce n’est pas le fait d’être né musulman qui constitue un risque de verser dans le terrorisme, mais le fait d’être un jeune déboussolé, qui cherche une cause qui lui paraisse adéquate pour sacrifier sa vie avec au préalable pouvoir laisser s’exprimer sa pulsion de violence et de mort.
Comme pour faire écho à ces propos d’Olivier Roy, une femme a appelé pendant l’émission pour dire le désarroi de sa famille catholique non pratiquante qui a vu son neveu s’engager dans le djihad et partir en Syrie.