Mercredi 30 juin 2021

« Le vote par Internet, c’est un désastre pour la démocratie. »
Dominique Reynié

Après l’abstention abyssale que la France a connu lors des deux tours des élections pour les conseils régionaux et les conseils départementaux, beaucoup croient dans une solution technique : le vote par Internet.

Ils pensent sans doute que si on rapproche l’acte de voter de l’acte d’acheter chez Amazon, certains seront davantage prêts à passer de l’un à l’autre ?

Le politicologue Dominique Reynié n’est pas de cet avis.

Il évoque le risque de piratage informatique.

Ce risque est réel mais il me semble qu’il existe un autre risque plus important encore.

C’est le second argument qu’il développe : celui de la pression qui peut s’exercer dans le cercle privé. Il dit :

« Le vote par Internet, c’est un désastre pour la démocratie. Vous pouvez voter sous la pression d’un tiers, comme un patron, un acheteur de vote. Le bureau de vote garantit l’autonomie de l’électeur.»

Je m’imagine, plus simplement dans une maison ou un appartement, un caïd ou un autocrate familial  obligeant, par la persuasion autoritaire ou la violence, tous les présents à voter selon ses désirs.

Le vote c’est autre chose.

C’est sortir de sa bulle privée, de son quotidien pour se rendre dans un lieu où on est accueilli par des êtres humains qui sont aussi des citoyens. C’est-à-dire des femmes et des hommes qui s’intéressent au destin de la cité.

Et là en outre, il vous est demandé de prendre au moins deux bulletins et de vous rendre seul dans l’isoloir.

Personne ne peut voir, ce que vous aller voter dans ce moment solennel.

<Sur ce site consacré au vote> il est expliqué :

« Un électeur qui fait son choix publiquement, sans passer par l’isoloir, est peut-être un électeur menacé, soumis à des pressions. L’auteur des pressions lui a intimé l’ordre de voter publiquement afin de pouvoir constater que ses pressions ont réussi.

Il est obligatoire que des membres du bureau de vote interdisent à cet électeur de déposer son enveloppe dans l’urne tant qu’il n’a pas respecté la procédure (prendre au moins deux bulletins différents, se dissimuler dans l’isoloir).

Si aucun membre du bureau de vote n’intervient, et laisse un électeur voter sans confidentialité, le bureau de vote échoue dans sa mission de veiller au respect de la confidentialité.

Il s’agit d’une atteinte au secret du vote qui doit être signalée sur le procès-verbal du bureau de vote.

Dans un bureau de vote où la confidentialité n’est pas garantie, des pressions peuvent s’exercer sur un grand nombre d’électeurs, en particulier les plus faibles.»

Voilà pourquoi, il faut un isoloir et pourquoi on demande que chaque électeur prenne au minimum deux bulletins.

Dominique Reynié explique cela très bien, en quatre minutes, dans l’émission d’Yves Calvi sur Canal + : <l’info du vrai>

Il semble que l’« Isoloir » nous vienne d’Australie.

Les Australiens ont installé des isoloirs dès 1856 pour mettre fin aux fraudes et aux troubles. D’ailleurs, pour désigner le vote secret aux Etats-Unis, on parle d’« Australian ballot ».

En France, le vote est, dans son principe, secret depuis 1795 mais aucun dispositif n’était alors prévu pour le garantir.

Après l’Australie, l’isoloir a été adopté en 1872 par le Royaume-Uni, en 1877 en Belgique, à la fin du XIXème siècle aux Etats-Unis et en 1903 en Allemagne.

Wikipedia précise que :

« En France, où le vote secret est constitutionnalisé depuis 1795, l’électeur remet son bulletin plié au président du bureau qui l’introduit dans l’urne. Ce n’est qu’en 1913 que la loi du 29 juillet introduit l’enveloppe, l’isoloir et le dépôt dans l’urne par l’électeur lui-même. La loi vient après une quarantaine d’années de discussions »

Il me semble qu’il faut toujours se méfier quand on vous propose, pour régler des problèmes profonds qui engagent la personne et l’être de raison que nous sommes, un simple dispositif technique.

Le vote a été inventé par des humains qui croyaient et respectaient l’opinion d’autres humains.

Ce n’est pas l’opinion d’un instant, ce n’est pas un like, ce n’est pas un clic d’achat.

C’est une décision solennelle qui engage.

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Lundi 28 juin 2021

« Quel récit explique le développement d’Amazon ?»
Essai de conclusion sur Amazon

Il serait encore possible d’écrire beaucoup sur Amazon et Jeff Bezos. L’actualité nous donne d’ailleurs, sans cesse, des éléments nouveaux permettant d’autres développements.

Par exemple le 18 juin, j’apprenais que <Jeff Bezos investissait dans le nucléaire et précisément la fusion de l’hydrogène>.

Et puis, il aurait aussi été possible d’insister davantage sur le côté spécifique du modèle d’Amazon qui non seulement vend tout en masse mais est aussi capable de vendre l’exceptionnel, le rare. Par exemple je tire encore du « Un » cet exemple concernant le premier métier du géant de Seattle : la vente de livre.

C’est Aurélien Bellanger qui l’écrit :

« Amazon a plus de références en stock que la bibliothèque du Congrès. Mais les livres modernes, c’est justement ce qui les caractérise, ne sont pas des exemplaires uniques. Et il est vertigineux de comparer la capitalisation boursière d’Amazon à la valeur totale du marché du livre. Elle est dix fois supérieure. Ce qui veut dire, scénario légèrement paranoïaque, que Jeff Bezos pourrait racheter tous les exemplaires en circulation de tous les livres du monde.
J’ai déjà reçu, d’ailleurs, une proposition de rachat, pour un livre qu’il m’avait négligemment vendu – un livre du philosophe Carnap sur l’entropie. Comme s’il s’était aperçu, soudain, qu’il lui manquait précisément celui-ci. J’ai refusé son offre, et je le garde précieusement : c’est désormais le plus précieux de ma bibliothèque, ainsi que le plus incompréhensible, soit dit en passant.

Jeff Bezos pourrait racheter tous les livres du monde, et notre vieille allégorie de l’infini sous la forme d’une bibliothèque apparaît soudain périmée. »

Mais il faut bien clôturer un thème. Je vais le faire modestement avec l’état actuel de mes réflexions.

Faire d’Amazon et de Jeff Bezos l’explication de nos problèmes, c’est-à-dire les boucs émissaires de la dissolution de notre monde constitue une erreur d’analyse.

C’est une simplification erronée de nos contradictions et incohérences

Jamais Jeff Bezos n’est venu poser un pistolet sur la tempe de ses clients pour les obliger à acheter sur son site. Les consommateurs du monde entier, sauf la Chine qui dispose d’Ali baba, sont venus librement acheter sur son site et y sont revenus toujours davantage.

Ils l’ont fait en raison de l’immense qualité et la simplicité du service. Surtout si on compare avec d’autres sites en ligne.

Mon ami Bertrand qui partage ma passion de la musique m’a écrit après la lecture d’un des mots du jour de la série :

« J’ai renoncé à mettre mon nez derrière nombre de coulisses. Je fais partie des « modestes » consommateurs de culture. Je suis gros client des maisons de disques et d’édition, je me sers depuis plusieurs années et quasi exclusivement du génial circuit de distribution mis en place par Bezos pour me procurer ma « dope » musicale (surtout) et littéraire (plus rarement, parce que je privilégie les centres Emmaüs moins chers et avec en plus une bonne action au bout pour me faire pardonner de me compromettre avec Amazon).

Si tu regardes le prix exigé par le circuit de distribution de Diapason ou Classica, tu tombes [à la renverse].

Quand je songe à la difficulté de me procurer jadis même à la Fnac les produits désirés, alors quel soulagement de pouvoir utiliser Amazon. 99,99 % de satisfaction ! Il faut se dire que le monde change, des métiers se perdent, c’est vrai, des disquaires indépendants (et encore, sont-ils indépendants encore en coulisse ?) ça n’existe plus guère dans nos mortes plaines […] Livreurs sous-payés ? Mais diablement efficaces chez Amazon. Il m’est arrivé de commander le dimanche et d’être livré dès le lundi ! […]

En tout cas je me régale à fond, je peux aujourd’hui écouter tous les enregistrements auxquels j’ai renoncé jadis grâce au système : réédition massive d’éditions complètes avec une qualité souvent améliorée et un prix dérisoire. Par exemple, le coffret anniversaire MUTI chez Warner qui sort cette semaine, j’ai réussi à le précommander pour moins de cent euros, un euro par disque ! Tu diras que c’est au détriment des artistes d’aujourd’hui. Mais justement, les artistes d’aujourd’hui (enfin certains d’entre eux) je veux les écouter en concert. Mais ceux d’hier, grâce aux grands groupes, je peux les écouter quand ça me chante à souvent moins cher qu’une cigarette…[…]

Pour conclure : oui, Amazon me fait tant de bien, je ne crache pas dans la main de celui qui me sert si fidèlement. »

Il a raison.

Certains aspects du management de Jeff Bezos sont certes contestables, mais cela appartient aux combats sociaux.

Sa volonté de fuir l’impôt est très générale dans le monde des grands entrepreneurs de la planète, il faut évidemment que les États s’arment et coopèrent davantage pour lutter contre cette fraude et optimisation fiscales organisées. Les États s’y emploient un peu, probablement pas suffisamment.

Amazon a une ambition hégémonique, voire monopolistique. Ce n’est pas nouveau non plus. L’histoire économique libérale est remplie d’entreprises qui ont poursuivi cette quête de supprimer la concurrence et se retrouver seul. Dans ce domaine aussi il faut d’abord une prise de conscience, puis agir pour combattre les monopoles. Mais comme l’a dit Esther Duflo, Amazon est loin d’être un monopole. La preuve en est que je n’achète jamais chez Amazon et que je ne crois pas être privé de quoi que ce soit. Quelquefois, il est vrai, je pourrais peut être trouver moins cher chez Amazon. Mais là je vous renvoie vers mon mot du jour « C’est trop cher ! » qui montre, me semble t’il, la vue à court terme et quasi délétère de cette poursuite du « moins cher » c’est-à-dire le choix systématique du consommateur que vous êtes contre le producteur que vous êtes aussi.

C’est trop facile de dire : c’est la faute d’Amazon.

Amazon a su capter le récit consumériste du monde.

Yuval Noah Harari, nous a raconté combien le récit est consubstantiel d’homo sapiens et que c’est même cette capacité de croire à un récit qui a permis à une espèce, assez faible physiquement, à dominer toutes les autres espèces de la terre.

Il avait écrit ce constat explicatif :

« Jamais vous ne convaincrez un singe de vous donner sa banane en lui promettant qu’elle lui sera rendue au centuple au ciel des singes»

Par cette phrase il se référait aux récits religieux. Ces récits qui ont colonisé des sociétés entières et l’intégralité de la vie des individus dans nos contrées pendant des siècles. Ils continuent encore aujourd’hui dans d’autres contrées à prendre toute la place et même dans certaines familles qui habitent dans nos pays.

Il y eut ensuite les récits nationalistes. C’était un récit particulièrement fort et intense pour conduire à ce que des millions de jeunes hommes acceptent de sacrifier leur vie dans des guerres monstrueuses et insensées. J’avais évoqué ce récit dans le premier mot du jour de la série sur 14-18 <Mourir pour la patrie>.

Il y eut aussi les récits de religions laïques, je veux dire du communisme, du nazisme qui ont aussi conduit à des monstruosités.

Nous percevons la tentative d’autres récits qui sont en gestation : « le récit transhumaniste », « le récit de la collapsologie » voire « le récit d’écologiste millénariste ».

Alors finalement « le récit consumériste » est peut-être le plus doux de tous ces récits qui guident le comportement des humains. Il s’apparente au récit du « doux commerce » de Montesquieu.

Le récit consumériste est celui qui est martelé par le monde de la publicité qui lie le bonheur avec la consommation.

Vous êtes malheureux : achetez tel ou tel produit, service, voyage et vous serez heureux.

Vous voulez être en phase avec votre temps, vos semblables il faut absolument acheter ce smartphone, cet équipement etc.

Et pour que votre désir de consommation soit accompli, il faut deux choses : la certitude que vous achetez le moins cher, sinon vous êtes « has been », et vous devez disposer de votre objet du désir immédiatement.

Jeff Bezos l’a compris, Amazon est sa remarquable réponse à la croyance à ce récit.

Cela pose cependant de multiples problématiques.

La première, pour revenir au doux commerce de Montesquieu, est de s’interroger à la douceur de l’échange d’un clic de souris et de la relation chaleureuse avec une box qui conserve le carton que j’attends.

La principale reste cependant qu’il n’est pas possible de consommer comme nous le faisons, nous autres occidentaux.

Parce que nous ne disposons pas d’une planète capable d’absorber notre demande insatiable de produits et de nouveaux produits, de transports et d’énergie que tout cela nécessite.

Accuser Amazon est simple, faire preuve d’introspection et aussi de réflexion pour essayer de s’interroger sur la place de notre espèce sur la biosphère qui permet la vie sur terre et la planète que nous souhaitons léguer à nos enfants est une question beaucoup plus complexe et beaucoup plus essentielle.

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Vendredi 25 juin 2021

« Le Système Amazon : une histoire de notre futur »
Alec MacGillis

Au centre du magazine « Le Un » consacré à Amazon et qui a guidé ma réflexion au cours de cette série consacrée au géant de la logistique et du commerce créé par Jeff Bezos se trouve un entretien avec Alec MacGillis : « Aucune autre compagnie au monde n’est aujourd’hui aussi dominante »

Alec MacGillis est un journaliste américain qui travaille au journal « le New Yorker  ». Auparavant, il avait travaillé au Washington Post, avant que ce journal ne soit racheté par Jeff Bezos.

Il est l’auteur d’un livre dont la traduction française est parue le 3 juin au Seuil « Le Système Amazon : une histoire de notre futur »

Une autre revue qui s’intéresse à notre avenir numérique « Usbek et RICA » lui a également consacré un article : <Enquête implacable sur le futur selon jeff bezos>

Mardi 22 juillet, il était l’invité de « la Grande Table » de France Culture : < Amazon : un projet tentaculaire>

A France Culture il explique que sa réflexion a commencé en voyant Les inégalité régionales qui s’amplifiaient :

« Mon enquête a commencé à partir des inégalités régionales qui s’amplifient d’années en années : c’est la logique du vainqueur qui rafle toute la mise, des villes comme San Francisco ou Los Angeles, où il devient difficile de vivre tellement la richesse est concentrée. Cet écart régional crée des distorsions dans le pays, jusque dans la politique  »)

Pour MacGillis aucune autre compagnie au monde n’est aujourd’hui aussi dominante :

« Les activités d’Amazon sont devenues si vastes, si diversifiées, qu’il est difficile d’appréhender de façon simple la puissance de l’entreprise. Aucune autre compagnie au monde n’est aujourd’hui aussi dominante, dans autant de secteurs d’activité touchant à la vie concrète de la population. Pour trouver une entreprise comparable, il faudrait remonter à une autre époque, aux grands monopoles du début du xxe siècle, comme la Standard Oil de John D. Rockefeller. Le pouvoir de la Standard Oil venait du fait que Rockefeller contrôlait à la fois des puits de pétrole et les compagnies de chemin de fer qui acheminaient cette ressource, empêchant ainsi ses concurrents de rivaliser avec lui. Amazon est assez similaire de ce point de vue, puisqu’il contrôle les plateformes de vente, ces « places de marché » où n’importe quelle entreprise peut être présente à condition de payer un pourcentage à Amazon sur chaque vente, et opère elle-même sur ces marchés avec des avantages compétitifs évidents. Et la puissance d’Amazon ne se limite désormais plus au seul commerce en ligne, puisque l’entreprise est devenue le leader mondial de l’activité du cloud, qu’elle œuvre aussi dans le domaine de la sécurité, de la santé, des services à la personne, sans oublier la place de plus en plus importante qu’elle prend dans le divertissement »

Je note que la Prix Nobel d’économie Esther Duflo n’est pas de cet avis. Elle ne minimise pas la puissance et l’influence d’Amazon mais elle considère que cette entreprise conserve des concurrents sérieux, alors que pour elle Google et son entreprise holding Alphabet se trouvent en position monopolistique et constitue un danger plus grand encore pour nos libertés.

Mais restons sur Amazon et sur sa diversification :

« La diversification de ses activités permet à Amazon d’utiliser sa domination dans un secteur pour s’assurer le leadership dans un autre. Le Wall Street Journal a récemment révélé une affaire très éloquente quant à la stratégie d’Amazon de ce point de vue : une entreprise vendait un dispositif de surveillance privée sur la « Market Place », la place de marché d’Amazon, et Amazon souhaitait que cette entreprise partage avec lui les données collectées par ce dispositif. Devant les réticences de cette dernière, Amazon a menacé de ne plus vendre son produit sur son site – ce qui, aujourd’hui, vu la puissance d’Amazon, est semblable à une condamnation à mort commerciale. L’entreprise a été contrainte de plier. »

C’est un comportement quasi mafieux conclut la journaliste du Un. Disons que c’est au moins un abus de position dominante.

Il ne s’agit pas de nier la qualité du service d’Amazon pour ses clients, mais il s’agit d’essayer de comprendre les conséquences de l’attitude de cette entreprise :

« Amazon commence par séduire les consommateurs avec des prix bas et une qualité de service remarquable, que ce soit dans la livraison ou dans la relation client. Plus les consommateurs sont nombreux sur le site, plus les entreprises tierces se sentent à leurs tours tenues d’y être présentes, pour y trouver des clients sur la place de marché. La richesse de l’offre entraîne mécaniquement une nouvelle augmentation du nombre de clients, ceux-ci étant presque sûrs de trouver ce qu’ils cherchent sur le site. Et cette demande accrue permet de baisser à nouveau les prix, grâce aux économies d’échelle engendrées. C’est ce cercle vertueux – pour l’entreprise, du moins – qui lui permet de poursuivre sa croissance ininterrompue. En 2004, le chiffre d’affaires d’Amazon était de 6 milliards de dollars. En 2011, 48 milliards. Et en 2020, 386 milliards. C’est vertigineux. »

En France nous pouvons prendre l’exemple de la ligue 1 de football qui a fait contrat avec Amazon pour la diffusion des matchs.

Le président de la Ligue Française Football exprime cette opinion tranchée : « Il faudrait être fou pour refuser Amazon »

Selon des informations de RMC, Amazon demanderait aux passionnés de football de prendre l’abonnement Prime et d’y ajouter la modeste somme de 2 € par mois.

Dans ce cas la stratégie est claire, Amazon n’a pas pour objectif de rentabiliser sa diffusion du football en France. Ce qui l’intéresse c’est d’augmenter le nombre d’abonnés Prime et ainsi d’augmenter le nombre d’achats sur son site en ligne. Ce qu’il sait être une conséquence de l’abonnement Prime :

« Dès 2006, Amazon a eu cette intuition géniale : en leur offrant la livraison contre un abonnement annuel, les clients seraient amenés à être fidèles au site et à y commander le plus de choses possibles pour rentabiliser leur abonnement. Aujourd’hui, plus de la moitié des foyers américains sont abonnés au service Prime, soit largement plus de 100 millions de foyers qui payent 119 dollars par an pour avoir droit à des livraisons gratuites, rapides, ainsi qu’à une offre média. Et les abonnés Prime dépensent plus sur Amazon, environ 1 400 dollars en moyenne par an, contre 600 dollars pour les non-abonnés. C’est une manne incroyable pour Amazon ! Et cette explosion des comptes Prime a aussi conduit l’entreprise à se répandre à travers l’ensemble du pays : si vous promettez une livraison en vingt-quatre heures, vous avez besoin d’avoir des entrepôts à proximité. »

MacGillis décrit les conséquences de la domination d’Amazon vers une dichotomie entre les « villes à siège social » et les « villes à entrepôts »,

« Amazon n’est pas seul responsable, mais sa croissance a accompagné un mouvement de relégation des villes secondaires, vidées de leurs magasins et de leurs emplois, et donc de leur vie sociale, tandis que les métropoles florissantes concentrent la richesse captée par le commerce en ligne, les meilleurs jobs, les meilleurs salaires, mais aussi les problèmes de logement, de trafic, de ségrégation géographique. Le fossé s’est creusé entre les « villes à siège social » et les « villes à entrepôts », tandis que l’acte même de consommer a perdu de son humanité : vous ne vous déplacez plus, vous ne rencontrez plus personne. »

Amazon selon un sondage de 2018 est « l’institution la plus respectée des Etats-Unis » :

« Les meilleurs clients d’Amazon sont les populations aisées des grandes villes, celles-là mêmes qui votent le plus à gauche aujourd’hui et qui s’inquiètent des pratiques de Facebook ou d’Apple, par exemple. Pourquoi si peu de critiques ? Sans doute parce que le péché originel est le nôtre : nous apprécions tellement le fait qu’Amazon puisse satisfaire nos désirs de consommation que nous ne voulons pas savoir comment il y arrive. C’est pourtant ce qu’il faudrait faire : comprendre ce qui se joue derrière la facilité de l’achat en un clic, comprendre que l’apparence de la gratuité a un coût, social et humain. »

Pour s’enrichir il faut certes avoir quelques idées disruptives, probablement beaucoup travailler mais surtout pas payer d’impôts. Jeff Bezos refuse l’impôt, le fuit. Il est libertarien. Seul l’individu est grand, le commun ne se trouve pas dans ses préoccupations :

« Amazon recherche les influences privées et refuse toute solidarité par l’impôt, même minimal. En pur et authentique libertarien, Jeff Bezos a la haine des impôts : « Pendant des années, Amazon était resté remarquablement à l’écart des questions politiques et citoyennes de Seattle, un silence d’autant plus étrange à mesure que l’entreprise grandissait. C’était le reflet des opinions libertariennes de son fondateur : le gouvernement n’était pas seulement un obstacle, il était inopérant. […]

À l’étranger, Amazon refuse de déclarer ses résultats par aire géographique pour contourner les impôts locaux. Mais la stratégie est la même aux États-Unis : pour éviter les taxes locales, le patron d’Amazon n’hésite pas à menacer les États qui réclament leur dû : « Les employés d’Amazon éparpillés dans tout le pays avaient des cartes de visite trompeuses, de sorte que l’entreprise ne puisse être accusée d’opérer dans un État donné, et donc forcée d’y payer des impôts. En 2010, l’entreprise alla jusqu’à fermer son unique entrepôt au Texas et à abandonner ses futurs projets de centres de distribution lorsque les élus de l’État la poussèrent à payer 270 millions de dollars d’arriérés, ce qui obligea le Texas à renoncer à cet impôt. En 2017, l’entreprise avait même crée une mission interne secrète consistant à obtenir 1 milliard par an de réduction d’impôts ».

Jeff Bezos refuse l’impôt mais il s’intéresse au personnel politique :

«  Alec MacGillis a travaillé pour le Washington Post jusqu’à ce que le journal soit racheté par Jeff Bezos en 2014. Cette acquisition lui donne une assise très importante dans la capitale fédérale, dans laquelle il passe plus de temps qu’à Seattle. […] Après tout, la commande publique est un marché comme un autre – et même plus gros que les autres. Jeff Bezos surveille notamment de près Ann Rung, cost-killeuse publique qui se vantait d’avoir fait économiser 200 millions de dollars en fournitures de bureau à l’État de Pennsylvanie. De tels états de service lui valurent l’attention de Barack Obama qui, en 2014, la nomma directrice en chef des acquisitions des États-Unis. Dès sa prise de poste, elle encouragea les acheteurs publics à casser les règles et innover. Et en 2016, elle annonçait 2 milliards d’économies pour les comptes publics non sans une certaine fierté… avant de démissionner pour devenir directrice de la division « marché public » d’Amazon Business : « En d’autres termes, la personne qui supervisait l’intégralité des 450 milliards de dépenses gouvernementales en approvisionnement rejoignait une entreprise déterminée à se tailler la plus grosse part de ce gâteau ».

Amazon a largement profité de la pandémie :

« La pandémie a fait exploser les chiffres de l’entreprise de façon exponentielle : plus 40 % sur les ventes cumulées dans l’année, plus 50 % de surface des entrepôts pour assurer ces ventes, 400 000 nouveaux employés pour les seuls États-Unis… Quant à Jeff Bezos, il a vu la valeur de ses actions doubler en un an, et sa fortune a grimpé de 58 milliards de dollars ! »

Il parle surtout des États-Unis et d’une libération d’un reste de culpabilité chez certains américains en raison de la pandémie :

« La tendance était déjà là, qu’on parle de la croissance d’Amazon ou de l’avènement d’une « société du simple clic ». Mais la pandémie a abattu des barrières psychologiques. Une part des Américains pouvaient encore ressentir une forme de culpabilité à acheter en ligne sur Amazon. La pandémie les a non seulement libérés de cette culpabilité, mais a même donné un caractère vertueux à cette forme de consommation : regardez, je reste chez moi, je suis civique dans mes achats ! Ce qui s’est passé depuis un an a accéléré un mouvement de fond vers l’isolation des individus, le repli dans sa bulle, et, par là, une fragmentation du tissu social qui constitue notre société. »

Pour MacGillis, il n’y aucune raison qu’Amazon cesse de croitre sauf si des politiques publiques interviennent :

« Non, il n’y a pas de plafond visible, tant que les pouvoirs publics n’interviennent pas pour brider ou briser Amazon. L’entreprise elle-même s’amuse à rappeler qu’elle est loin d’être aussi dominante qu’on le dit, puisqu’elle contrôle « seulement 4 % du commerce de détail mondial ». Mais cela représente déjà un chiffre énorme, des centaines de milliards de dollars ! Surtout, Amazon ambitionne de capter de plus en plus des 96 % restants. Il reste encore beaucoup de produits à mettre en vente en ligne, de magasins à tuer, de clients à séduire dans le monde. Sans même parler des autres secteurs que le commerce en ligne, dans lesquels Amazon envisage de se lancer. »

Pour MacGillis notre futur est tracé :

« À moins que nous ne déviions de la route sur laquelle nous sommes aujourd’hui engagés, c’est un futur où les inégalités vont croître entre les villes, où le tissu social va continuer de s’effilocher, et où la démocratie se trouvera par conséquent durablement affaiblie. »

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Jeudi 24 juin 2021

« En prenant le contrôle du marché, en en fixant les règles, Amazon n’ambitionne pas seulement de le dominer, il veut « être le marché »
Rapport de l’institut américain de recherche ILSR (Institute for local self-reliance)

Je continue donc modestement à essayer de comprendre comment fonctionne Amazon et les conséquences de l’addiction consumériste qu’Amazon a su capter.

J’essaye d’éviter la posture morale qui me semble inappropriée et contreproductive. La posture morale s’appuie sur un récit qui dicte le bien et le mal. En tant que telle, elle est toujours contestable, car d’autres peuvent avoir une conception différente du bien et du mal.

Dans cette quête que je poursuis j’aime me référer à cette formule pénétrante de Bossuet :

«Dieu se rit des hommes qui se plaignent des conséquences alors qu’ils en chérissent les causes.»

Nul besoin d’être croyant pour comprendre la sagesse de ce propos.

Aujourd’hui je vais partager principalement un article d’opinion publié en 2018 par le site en ligne « AOC » dont j’ai déjà parlé et dont je suis abonné : « Amazon ou la menace proliférante de la loi de la jungle ».
C’est un article écrit par Guillaume Husson, délégué général du Syndicat de la librairie française qui a traduit et diffusé un rapport d’un institut américain de recherche ILSR (Institute for local self-reliance) : < Amazon, cette inexorable machine de guerre qui étrangle la concurrence, dégrade le travail et menace nos centres-villes.>
En voici <la traduction française>.

Ce rapport de l’ILSR vise à contribuer à une prise de conscience du grand public ainsi que des responsables politiques, ces derniers étant appelés à réguler l’emprise d’Amazon avant que les dégâts économiques, sociaux, sociétaux et culturels ne soient irréversibles :

« C’est notre modèle de société en tant que tel, notre relation au travail, nos libertés individuelles, notre capacité à vivre ensemble, qui se trouvent menacés par la stratégie tentaculaire d’Amazon. Face à un tel enjeu, les réactions semblent bien timides quand elles ne se teintent pas d’une fascination pour la réussite commerciale foudroyante de cette multinationale américaine.  »

Quatre types de menaces sont identifiées.

  1. Une menace pour l’économie
  2. Une menace pour le travail et pour l’emploi
  3. Une menace pour nos libertés
  4. Une menace pour nos territoires

1 une menace pour l’économie

Le rapport de l’ILSR montre comment Amazon menace l’économie par son expansion tentaculaire dans des dizaines de secteurs, sa quête de monopole, la manière dont il étrangle les PME, à commencer par celles qui sont présentes sur sa market-place, ou encore sa politique d’évasion fiscale qui fausse la concurrence et réduit les ressources fiscales pour les territoires où il réalise ses ventes.

« Par la puissance de sa market-place, de ses infrastructures logistiques et de son service de stockage de données (Amazon Web Services), Amazon a dorénavant la faculté de fixer les conditions d’accès au marché pour des milliers d’entreprises dont il est par ailleurs le premier concurrent. Il scrute l’activité des entreprises qu’il héberge et, pour les plus profitables, s’approprie leur connaissance du métier et du produit avant de les racheter à vil prix ou de les concurrencer par des prix imbattables. Le PDG d’une entreprise américaine de jouets illustre cette dépendance en déclarant : « Nous nous sommes rendu compte que nous étions fichus si nous allions sur la market-place d’Amazon et fichus aussi si nous n’y allions pas. »

En France la société Casino joue à ce jeu dangereux : < L’idylle entre Amazon et Casino suit son cours >

« La domination du marché par Amazon atteint, aux États-Unis, des proportions hors normes. L’entreprise de Jeff Bezos y capte en effet la moitié des achats en ligne, certainement les deux tiers à l’horizon 2020. Elle possède des dizaines de filiales : sites e-commerce, livres audio, téléphonie mobile, transport, plateforme de streaming pour jeux en ligne, textile, chaussures, piles à combustible, caméras de surveillance, bases de données, statistiques et « data mining », distribution alimentaire… La moitié des Américains qui vont sur le net pour y faire des achats démarrent dorénavant directement leurs recherches sur Amazon. Plus d’un foyer américain sur deux est abonné à son programme Prime. En prenant le contrôle du marché, en en fixant les règles, Amazon n’ambitionne pas seulement de le dominer, il veut « être le marché ». »

Cette quête monopolistique est alimentée par la capacité à mener, à long terme, une stratégie de vente à perte financée par des investisseurs éblouis et acceptant les pertes comme autant de promesses d’écrasement des marchés au profit de leur champion.

Il semble qu’un esprit de résistance se lève en France. Un article du 17 mars 2021 de « Capital » nous informe qu'<Amazon enregistre une forte baisse de sa part de marché en France> :

« Conséquence de la crise sanitaire liée au Covid-19, les ventes en ligne séduisent de plus en plus les Français. Selon des statistiques dévoilées par Kantar, la vente en ligne ne cesse de progresser, tirée vers le haut par les leaders du marché, à commencer par Amazon. Mais pour le géant du commerce en ligne qui continue de caracoler en tête avec 19% de part de marché, la croissance est bien moins rapide que prévue, analyse Kantar, à savoir que la société de Jeff Bezos perd trois points en 2020. Sa part de marché était en effet de 22% en 2019.

2 Une menace pour le travail et pour l’emploi

La première menace a déjà été largement abordée et concerne les conditions de travail et la pression qu’Amazon exerce sur ces salariés. Autant que possible, Amazon cherche à s’exonérer de ses obligations sociales.

La seconde est celle sur le nombre d’emplois, par la robotisation :

« Le fabricant de robots Kiva, [est devenu] l’un des leaders mondiaux sur ce marché. 45 000 de ces robots sont aujourd’hui produits par Kiva au service exclusif d’Amazon. Ils viennent d’être déployés dans les entrepôts français. Le nombre de nouveaux robots croît plus rapidement (+ 50 % en deux ans) que celui des embauches de salariés. Une étude du MIT, publiée en mars 2017, estime que chaque robot introduit sur le marché du travail détruit six emplois et entraîne une baisse du salaire moyen sur le marché du travail du fait d’une demande accrue de postes. Sur cette base, Amazon aurait déjà détruit près de 300 000 emplois dans le monde, soit autant que le nombre de ses salariés ! »

Mais la destruction d’emplois se trouve aussi dans la concurrence :

« À cela il faut ajouter les dizaines ou centaines de milliers d’emplois détruits chez les concurrents d’Amazon terrassés par sa politique de dumping financée par une capitalisation hors normes. Cette politique prédatrice ne touche pas seulement de grandes chaînes concurrentes mais également des commerçants indépendants dont la présence est essentielle à la vitalité économique et sociale des territoires, et particulièrement des centres-villes que l’expansion d’Amazon contribue à désertifier. »

3°Une menace pour nos libertés

Amazon stocke des milliards de données sur des serveurs que l’entreprise maîtrise exclusivement :

« Amazon est l’un des leaders du stockage de données. Amazon Web Services, dont tout le monde, de Netflix à la CIA, est client, contrôle le tiers de la capacité mondiale de cloud computing, soit plus que Microsoft, IBM et Google combinés…

Il exploite, par ailleurs, l’inépuisable réserve de données personnelles que lui apporte une connaissance fine de nos habitudes d’achat. S’il s’en est servi jusqu’à présent pour se développer sur différents marchés et pour pousser ses propres produits, il pourra, demain, grâce à cette connaissance millimétrique de nos habitudes et de nos goûts, aux possibilités de l’intelligence artificielle sur laquelle il investit massivement et à l’introduction, au cœur de notre vie quotidienne, des appareils connectés qu’il développe, non plus seulement connaître nos choix, mais nous les dicter ! »

4° Une menace pour nos territoires

Amazon par son poids économique financier est capable d’imposer aux territoires des ristournes fiscales et même des subventions pour s’installer.

Je fais juste un pas de côté, pour faire ce constat, en dehors de toute leçon morale, le poids économique et financier d’Amazon provient exclusivement des millions de clients fascinés par la facilité, la rapidité, le confort de l’acte de consommation qui part d’un simple clic pour arriver quasi immédiatement dans la bulle intime de son lieu de vie.

Le rapport dit en effet :

« L’ILSR démontre néanmoins que le réseau logistique d’Amazon a été bâti largement grâce à des subventions publiques, le montant de ces aides dépassant, selon le rapport, les bénéfices d’Amazon depuis l’origine. En France également, les implantations des entrepôts d’Amazon bénéficient systématiquement de soutiens financiers de la part des collectivités locales.

Le même rapport rappelle que 108 000 commerces indépendants ont disparu aux États-Unis durant les quinze dernières années. Si ce déclin a de nombreuses causes, les études montrent qu’Amazon en est, de loin, la principale.

La dévitalisation de nos quartiers, de nos centres-villes, appauvrit l’économie locale, déplace ou supprime des emplois et, au final, nuit gravement à notre capacité d’organiser et d’animer notre vie collective grâce au travail et aux actions éducatives, sociales, culturelles que développent nos communautés. »

Dans l’esprit de résistance française, la place du livre, notamment grâce au prix unique et au réseau de libraires, constitue encore une place forte. « L’Express » dans un article de novembre 2020 <La filière du livre repense sa résistance face à Amazon> explique :

« D’après le Syndicat national de l’édition, [Amazon] réalise en temps normal 50% des ventes en ligne, estimation grossière, ce qui représenterait 10 à 15% des ventes totales. Le Syndicat de la librairie française pense qu’Amazon capte « plus de la moitié » des ventes en ligne et environ 10% au total.

Les confinements, qui ont contraint les librairies à fermer, ont amené la filière à revoir sa stratégie face à la multinationale.

Elle s’est concentrée sur la communication. Ecrivains, jurys littéraires et même responsables politiques ont multiplié les appels à aider les libraires, autorisés à vendre des ouvrages précommandés (« click and collect »). »

Bien sûr les temps ont été difficiles pendant le confinement et sont restés compliquée après. Mais le modèle tient encore :

« Pour autant, le modèle de la librairie en France est bon. C’est le premier secteur qui a subi l’arrivée d’Amazon et alors qu’on taxait les libraires de ringards, rétifs à la numérisation, ils se sont bien armés. L’enjeu est de faire venir du monde en magasin par des outils numériques, et ils y travaillent », ajoute l’auteur d’un «Eloge du magasin» paru en janvier. […]

Nous ne voulons pas remplacer les conseils d’un ou d’une libraire par ceux d’un algorithme, ni collaborer à un système qui met en danger la chaîne du livre par une concurrence féroce et déloyale », détaillent-ils. »

Mais au pays du prix unique du livre, la concurrence se joue sur les frais d’expédition, systématiquement fixés à 0,01 euro chez Amazon.

Cette problématique des frais d’envoi est développée dans un <article du 21 mai 2021> : Le gouvernement veut imposer partout sur internet un même prix, frais de port inclus, pour tous les livres neufs.

Anne Martelle, présidente du Syndicat de la librairie française et directrice générale de la librairie Martelle à Amiens explique :

« Même si les libraires sont présents de longue date sur Internet, le développement de leur site est freiné par la politique de dumping des grandes plateformes comme Amazon. Quand Amazon facture un centime d’euro pour expédier un livre, il en coûte pour le même envoi, en moyenne 6,50 euros au libraire

Et si le libraire répercute ces frais d’expédition à son client, il le perd au profit d’Amazon. Et si le libraire prend en charge les frais d’expédition, il perd de l’argent à chaque fois qu’il expédie un livre. C’est une situation intenable pour libraires et puis, il faut noter qu’il n’y a que sur le livre qu’Amazon offre la quasi-gratuité de l’expédition sans minimum d’achat. Ça prouve qu’il existe de la part de cette société une volonté délibérée d’attaquer les libraires indépendants et d’attaquer aussi de manière détournée le prix unique du livre. »

L’illusion de la gratuité est d’une grande perversité, elle cache toujours un coût que quelqu’un doit payer. Quelquefois c’est même le climat et la biodiversité qui paie :

« Le sujet qui est actuellement en discussion prévoit plutôt une tarification minimale, ce qui obligerait Amazon à ne plus facturer un centime d’euro, mais peut-être quatre, cinq euros ou trois euros, ça rétablirait l’équilibre. Ça permettrait aussi de remettre dans le jeu le vrai prix d’un transport, quel qu’il soit, du livre ou d’autre chose. Le fait [pour Amazon] de facturer un centime d’euro donne aux clients l’impression que ça ne coûte rien, ni à l’environnement ni à son porte-monnaie. Eh bien, c’est faux. »

« Dieu se rit des hommes qui se plaignent des conséquences alors qu’ils en chérissent les causes. » Bossuet

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Mardi 22 juin 2021

« Notre dépendance à Amazon n’est pas algorithmique, mais bien humaine »
Aurélie Jean

Dans le mot du jour du 15 juin, j’insistais sur l’énorme pression que mettait Jeff Bezos sur ses collaborateurs proches : les informaticiens et logisticiens qui développent les algorithmes et imaginent la stratégie pour faire encore grandir Amazon : «  Vous devez être capable d’agir trois fois plus vite que les gens les plus compétents »

Hier, c’était plutôt le remplacement des humains par des solutions de plus en plus automatisées et plus robotisées qui constituait le sujet central.

Mais pour l’instant, la réussite d’Amazon dépend en grande partie de la productivité des « associés des robots » qui travaillent dans les entrepôts.

« Le UN » a demandé à une numéricienne, Aurélie Jean d’écrire un article qui a pour titre « L’asservissement est ailleurs ».

Aurélie Jean est l’auteure d’un livre qui a été très remarqué : « De l’autre côté de la machine, Voyage d’une scientifique au pays des algorithmes ». Livre qui avait notamment fait l’objet de deux émissions de France Culture : <Le virtuel, porte d’entrée sur le réel ?> et <Je recherche à démystifier les algorithmes>

Elle conclut son article dans le UN ainsi :

« Reste que derrière cette logistique, si finement conçue soit-elle, il n’y a pas que des algorithmes. Il se trouve toujours des individus en chair et en os qui décident de la stratégie. Il se cache, aussi, des hommes et des femmes qui travaillent, pour certains, dans l’ombre d’une gestion difficile. Troubles musculo-squelettiques, pression de toujours faire mieux, et productivité inconditionnellement croissante, les terribles conditions auxquelles sont soumis les travailleurs des entrepôts font couler beaucoup d’encre. Contre toute attente, notre dépendance à Amazon n’est pas algorithmique, mais bien humaine. »

Ce site qui a pour nom « siècle digital » a publié le 2 juin 2021 : « Les employés d’Amazon se blessent plus que dans les autres entreprises »

Dans cet article on lit :

« Le Strategic Organizing Center (SOC), qui regroupe quatre syndicats américains, a dévoilé (pdf) le mardi 1er juin 2021 un chiffre inquiétant concernant Amazon. En effet, dans son rapport, elle indique que le taux de blessures dans les entrepôts de la firme est presque deux fois plus élevé que dans ceux des autres entreprises du même secteur.

Si Amazon est le deuxième employeur des États-Unis, il détient la première place dans une tout autre catégorie : la fréquence à laquelle ses travailleurs se blessent. Le rapport du SOC divulgue qu’en 2020, il y a eu 5,9 blessures graves durant 200 000 heures de travail, représentant 100 employés des entrepôts d’Amazon. Un chiffre qui est presque 80% plus élevé que dans les autres firmes.

À titre de comparaison, son concurrent Walmart enregistre 2,5 blessures pour 200 000 heures travaillées, soit moitié moins que la société de Seattle. Cela oblige certains employés à s’absenter, ou à faire des tâches moins contraignantes pour ne pas se blesser davantage. »

Toutefois l’objectivité doit nous faire constater qu’Amazon a fait du progrès, avant c’était pire :

« Malgré tout, le taux de blessures d’Amazon est moins important qu’en 2019. Un rapport du Center for Investigative Reporting, publié par Reveal, révèle qu’il y a deux ans, l’entreprise enregistrait 7,7 blessures graves pour 100 employés.

Même si une diminution peut être constatée, les chiffres de 2020 n’en restent pas moins inquiétants, et Amazon est toujours la firme avec les résultats les plus mauvais. Par ailleurs, les révélations qui ont été faites concernant les mauvaises conditions de travail au sein de ses entrepôts n’arrangent pas son cas. Jeff Bezos a récemment admis que l’entreprise devait en faire plus pour ses employés, notamment pour atteindre son objectif, qui est de réduire de 50% les accidents du travail d’ici 2025.

« Bien qu’un incident soit un incident de trop, nous apprenons et constatons en permanence des améliorations grâce à des programmes ergonomiques, des exercices guidés sur les postes de travail des employés, des équipements d’assistance mécanique, la configuration et la conception de ces postes, ainsi que la télématique des chariots élévateurs et des rampes, pour n’en nommer que quelques-uns », a déclaré la porte-parole d’Amazon, Kelly Nantel, dans un rapport.

Il reste à voir si les efforts d’Amazon pour diminuer les accidents de travail, mais aussi améliorer le quotidien de ses travailleurs s’avèreront bénéfiques. Pour le moment, les « AmaZen », de petites cabines censées réduire le stress de ses employés, n’ont pas eu l’effet escompté et n’ont séduit ni les internautes ni les travailleurs. »

Je dois reconnaître que depuis que je m’intéresse vraiment à Amazon j’apprends énormément de choses : par exemple l’invention des AmaZen.

« Slate » qui reprend une information de la BBC se sent obligé de mettre en sous-titre « Ceci n’est pas un canular » (article du 29 mai 2021).

« Amazon a annoncé à la mi-mai la mise en place d’un dispositif visant officiellement à améliorer leur bien-être. Dans une vidéo publiée sur son compte Twitter, l’entreprise a rendu publique la création de cabines nommées AmaZen, destinées à favoriser la santé mentale du personnel de ses entrepôts.

AmaZen est partie intégrante du programme Working Well, dont l’objectif est de fournir aux employé·es «des activités physiques et intellectuelles, des exercices de bien-être, et des conseils nutritionnels». Utilisables pendant les pauses, les cabines décrites par la BBC permettent de visionner de courtes vidéos qui incluent des séances de méditation, des scènes calmes avec des sons apaisants…

Face au déferlement de réactions négatives qui ont suivi sa publication sur Twitter, la vidéo a été rapidement supprimée par Amazon. On pouvait y voir une sorte de cabine téléphonique sans téléphone, mais avec une chaise, un petit écran et quelques plantes en pot. Au plafond, un ciel bleu orné de jolis nuages blancs.

Une telle installation semble en effet bien dérisoire face aux conditions de travail souvent exécrables proposées dans les entrepôts. Le fait que l’AmaZen semble y avoir été déposée un peu au hasard, comme un cheveu sur la soupe, est assez symbolique : cela ressemble à un coup de communication foireux plutôt qu’à une réelle tentative de bien traiter celles et ceux qui suent sang et eau pour la firme de Jeff Bezos.

Avant d’être supprimée, la vidéo avait été téléchargée par des internautes. Depuis, elle fait l’objet de nombreux détournements, qui insistent sur le côté dystopique de l’AmaZen ou imaginent qu’il s’agit en fait d’une cabine prévue pour que le staff de l’entrepôt puisse aller pleurer en toute discrétion. »

Aux États-Unis, il y a bien eu des employés qui ont voulu créer un syndicat pour défendre les employés d’Amazon. Mais les salariés ont voté contre cette initiative à une large majorité.

Ce sujet a été abondamment commenté sur les médias français :

RTL : <États-Unis : pourquoi des ouvriers Amazon ont-ils refusé la création d’un syndicat ?>

Challenges : <Echec de la tentative historique de syndicalisation d’un entrepôt d’Amazon aux Etats-Unis>

Le Monde <Le syndicalisme ne fait pas son entrée chez Amazon aux Etats-Unis>

Ce vote concernait les salariés de l’entrepôt Amazon de Bessemer, bourgade pauvre située au sud de l’ancienne cité minière de Birmingham, en Alabama. Le rejet a été net : Le non à la syndicalisation l’a emporté avec 1 798 voix, contre 738 votes en faveur du RWDSU, le syndicat national de la distribution que des employés voulaient rejoindre.

Le monde explique cependant :

« Amazon a mené une campagne agressive contre la syndicalisation de son site, qui aurait été une première sur le territoire des Etats-Unis : par le biais des réseaux sociaux, elle demandait à ses salariés l’intérêt qu’ils avaient à dépenser 500 dollars de cotisation par an. L’entreprise de Jeff Bezos a pu profiter aussi des scandales de corruption qui ont frappé, depuis deux ans, les syndicats de l’automobile à Detroit. »

Mais, il faut sur ce sujet être équilibré. Amazon n’est pas la seule entreprise américaine à ne pas avoir de syndicats. Boeing, entre autres, est dans le même cas. Pourtant Joe Biden s’est ouvertement déclaré pro-syndicat.

Probablement faut-il en revenir à ce constat du grand écrivain John Steinbeck qui disait :

« Il n’y a pas de socialisme en Amérique, parce qu’on n’a pas de prolétaires mais des capitalistes momentanément dans l’embarras. »

C’était le mot du jour du <4 mars 2020>

Plus prosaïquement, Alec MacGillis, journaliste au New Yorker et auteur d’un livre d’enquête sur Amazon sur lequel je reviendrais, écrit :

« Seuls 5 % des salariés sont syndiqués aux États-Unis, et Amazon a une telle puissance qu’il lui est facile de manipuler les opinions des uns et des autres. Mais cela tient aussi à la nature des emplois chez Amazon : ce sont des jobs de transition où les gens restent un an en moyenne, à s’user le corps pour 15 dollars de l’heure. Personne ne fait carrière chez Amazon, donc pourquoi s’engager dans un syndicat ? »

Selon une enquête du New York Times repris par ce <site> une des explications du management imposé par Jeff Bezos aux salariés de ses entrepôts, viendrait de la conviction de ce dernier que ses employés sont fondamentalement paresseux :

« Selon une longue enquête du New York Times, reprise par Business Insider, cette mécanique certes bien huilée et hautement profitable mais humainement destructrice ne trouverait pas seulement sa source dans la pure nécessité économique et productiviste.
Sans pitié pour des employés dont elle trace implacablement les moindres mouvements (pause pipi incluse), le système mis en place par la firme découlerait également de la croyance intime de Jeff Bezos en la fainéantise consubstantielle à l’être humain.
C’est ce qu’explique au quotidien new-yorkais David Niekerk. L’Américain connaît son sujet: avant de quitter l’«everything store» après plus de seize ans de loyaux services, il a participé à la conception de l’architecture physique et logicielle quasi carcérale de ses entrepôts géants.
Selon Niekerk, dont les révélations sont sans pitié, Bezos croit ainsi fermement que les salariés s’engagent progressivement dans une «marche vers la médiocrité». «Il pouvait par exemple dire que la nature humaine est de dépenser le moins d’énergie possible pour obtenir ce que l’on veut», rapporte ainsi crûment l’Américain.

L’un des risques que redoutait –ou fantasmait– particulièrement Bezos était celui d’une masse laborieuse s’enfonçant dans cette économie de moyens et l’insatisfaction.
Selon le New York Times, c’est la raison pour laquelle la firme organise ses ressources humaines autour du court-terme, n’offre volontairement que peu de perspectives d’évolution interne aux personnes occupant le bas de l’échelle, voire les incite financièrement à aller voir aussi rapidement que possible si l’herbe n’est pas plus verte ailleurs.
Les salariés sont ainsi traités comme des robots dispensables –quand les vraies machines, elles, progressent à grands pas. Leur productivité est tracée minute par minute et geste après geste par le système informatique de la plateforme, et la moindre journée de méforme peut être sanctionnée sans même qu’un superviseur humain n’ait à intervenir.

Dans sa guerre contre cette « marche vers la médiocrité», telle que définie par Bezos, la firme essore tant les personnes qu’elle emploie que certains cadres de l’entreprise craignent qu’elle ne finisse pas assécher tout à fait le réservoir de cette main-d’œuvre corvéable à merci.
Avant de quitter la tête d’Amazon pour aller chatouiller ses rêves d’apesanteur, un Bezos grand seigneur –au sens presque féodal du terme– a annoncé qu’Amazon se lançait dans un plan massif pour améliorer les conditions de travail au sein de ses entrepôts. »

Je finirai par une réflexion un peu désabusée qui n’a peut-être rien à voir avec le sujet abordé aujourd’hui. Quoi que, j’ai des doutes. C’est une histoire de chiffres.

Selon Capital près d’un Français sur trois (quasiment 22 millions de Français) achète sur Amazon.
Le corps électoral français, selon l’INSEE, comptait 47,7 millions d’électeurs en février 2020.

Nous avons appris qu’il y a eu une abstention aux élections régionales de plus de 66 %, donc moins de 34% de votants.Or, 34% de 47,7 millions représentent 16,2 millions d’électeurs.

Il existe donc en France plus de consommateurs pour acheter les produits qui sortent des entrepôts Amazon que de citoyens qui pensent qu’il y a une démocratie à honorer et des droits politiques et sociaux à préserver.

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Lundi 21 juin 2021

« La vocation des hommes n’est pas d’occuper les emplois pénibles, le monde serait meilleur, s’il y avait plus de médecins ou de profs – au moins un par enfant – rémunérés grâce à un revenu universel. »
Jeff Bezos cité par Benoit Berthelot

Benoit Berthelot est un journaliste spécialiste des nouvelles technologies au magazine Capital. Il est l’auteur de l’enquête : « Le monde selon Amazon ».

« Le Un » a publié un entretien avec lui, dont le titre est « L’avenir selon Jeff Bezos »

Benoit Berthelot explique d’abord le côté singulier d’Amazon à côté des autres entreprises des Gafa : l’utilisation massive de main d’œuvre.

« [Jeff Bezos] conçoit Amazon comme une entreprise proche des gens. Et de fait, Amazon allie les éléments actuels les plus high-tech – algorithmes, intelligence artificielle ou électronique – à des éléments typiques de l’usine traditionnelle. Si vous allez chez Google ou Facebook, vous trouverez quelques dizaines de milliers d’ingénieurs, Amazon de son côté emploie plus d’un million de cols-bleus. C’est une entreprise monde qui marie aussi bien des éléments du XXème et du XXIème siècle, le salariat de masse et les nouvelles technologies, le territoire et le cloud, les axes routiers et les autoroutes de l’information »

Et en effet, nous avons vu que dans les immenses entrepôts, il y avait encore beaucoup d’humains qui travaillaient à côté des robots.

Le chef robotique d’Amazon, Tye Brady avait même une vision symphonique de ce travail commun.

Mais dans l’esprit de Jeff Bezos, la symphonie de ses entrepôts a vocation dans l’avenir à faire de moins en moins appel aux humains,

« Amazon investit massivement en vue d’avoir les entrepôts les plus connectés possibles : en quelques années, Amazon est passé de 7 à 5 employés pour un robot , et ce ratio va continuer à se resserrer, pour que la présence humaine soit de moins en nécessaire dans ses entrepôts »

Même les livraisons, dans sa vision d’avenir, devront économiser la ressource humaine :

« Jeff Bezos a parié très tôt sur les livraisons par drone, mais celles-ci paraissent difficiles à mettre en œuvre. En revanche, on peut penser que les véhicules autonomes pourront être utilisés pour livrer des colis à moindre coût. Amazon emploie déjà un robot à six roues, Scout, dans quelques villes test pour effectuer des livraisons »

Bien sûr cela aura pour conséquence des licenciements de masse. :

« Amazon a déjà lancé un programme de reconversion de ses salariés vers des métiers de la santé ou de l’éducation. Jeff Bezos a affirmé que la vocation des hommes n’était pas d’occuper les emplois pénibles, mais que le monde serait meilleur, s’il y avait plus de médecins ou de profs – au moins un par enfant -rémunérés grâce à un revenu universel. »

C’est une vision résolument progressiste !

Il faut constater cependant que pour l’instant, Amazon implante des entrepôts dans des territoires en présentant deux arguments : le premier est qu’il pourra ainsi mieux livrer ses clients, le second prétend qu’il crée ainsi de nombreux emplois.

Le premier peut s’entendre.

Le second est plus problématique. Nonobstant que la création d’emploi d’Amazon n’est pas nette car la conséquence de son développement conduit à des suppressions d’emplois dans d’autres commerces. Il y a des discussions sur le fait de savoir si le solde est positif ou négatif. Mais le plus problématique est que ces emplois sont destinés à disparaître.

Je m’interroge sur la multiplication d’emplois de professeurs et de médecin payés grâce à un revenu universel, c’est-à-dire, probablement, très modestement. Il va de soi que la rémunération de Jeff Bezos, quant à elle, n’a que vocation à croitre.

En dehors de ce sujet de la rémunération, est-il envisageable, même avec une formation solide et performante, de pouvoir faire évoluer les femmes et hommes qui travaillent dans ces entrepôts vers des métiers de professeurs, de médecins ou d’infirmiers ?

Je ne voudrais pas apparaître comme le défenseur des métiers pénibles, mais je m’interroge : tout cela est-il bien réaliste ?

Il y encore un peu de temps : « Amazon estime que le remplacement de ses employés par des robots prendra au moins dix ans »

« Si l’utilisation future de l’intelligence artificielle et de la robotique au sein du réseau logistique d’Amazon ne fait aucun doute, reste à savoir quand ces machines prendront en charge la totalité du travail sur les plateformes de la société américaine. La réponse semble toutefois actée, à en croire le Monsieur robots d’Amazon, Scott Anderson. Selon lui, l’automatisation totale des chaines de préparation de commandes au sein des entrepôts de la société ne sera pas effective avant un délai d’au moins dix ans.

Malgré la place avancée prise par les robots et l’automatisation dans des entreprises comme Amazon, il semblerait que le développement de robots capables de gérer correctement et sans encombre une commande de A à Z soit jusqu’ici compliqué. Leurs actions sont pour le moment limitées aux tâches répétitives ou au traitement de certaines marchandises. L’intervention humaine semble quant à elle encore indispensable à la réalisation de travaux spécifiques de reconnaissance et de manipulation, notamment dans la gestion de produits frais. »

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Vendredi 18 juin 2021

« Une symphonie d’humains et de machines travaillant ensemble. »
Tye Brady chef robotique d’Amazon,

Au centre de la réussite d’Amazon, se trouve l’entrepôt ultra moderne, construit, réalisé et pensé avec les outils modernes.

Car Amazon n’est pas une épicerie, ce n’est pas non plus une librairie avec des femmes et des hommes qui lisent des livres, possèdent une culture littéraire, une sensibilité artistique et qui pourront vous conseiller et vous trouver le livre que vous aimerez. Et il en va de même pour la musique ou tous les autres produits vendus.

L’important pour Amazon c’est d’avoir tous les produits, tous les livres que les gens veulent acheter

Si vous avez besoin d’un conseil, Amazon se tournera vers les millions de données qu’il a engrangés dans ses big data. Il pourra ainsi dire quels sont les produits les plus vendus, mais aussi dans des domaines beaucoup plus ciblés que si vous achetez ce livre, peut être que cet autre livre peut vous intéresser parce qu’il existe 10, 15 ou peut être 100 personnes qui ont acheté le premier livre et qui ont aussi acheté le second. Nul besoin de faire appel à un spécialiste ou simplement à quelqu’un qui a un peu lu ce livre pour en connaître le contenu et se trouve capable, grâce à son expérience de faire des liens cognitifs avec un autre livre.

Le numérique ouvre d’autres perspectives, mais pour cela il faut penser de façon différente comme l’avait dit jadis Steve Job : « think différent ».

Jeff Bezos et ses collaborateurs ont mis en pratique cette manière d’être disruptif.

Je reconnais que l’être de culture peut être choqué voire révolté de la manière dont j’ai décrit les conseils de lecture que sait donner le numérique. Il faut être juste : grâce à l’intelligence artificielle il est possible d’analyser le contenu d’un ouvrage et s’il s’agit d’un document technique d’en tirer un jugement pertinent. Mais revenons au cœur du sujet : l’entrepôt Amazon.

Quand vous disposez du numérique, d’immenses bases de données et

  • que vous êtes capables d’identifier chaque produit dont vous disposez par un code barre
  • que vous êtes capable de repérer chaque petit endroit sur une étagère, dans un lieu précis de l’entrepôt. Bref de connaître exactement une adresse d’une cellule de rangement

L’efficacité commande à ce que vous rangiez de manière différente. Vous n’allez plus ranger les livres avec les livres et les produits vaisselles entre eux. Vous allez simplement ranger le produit qui vous arrive, au premier endroit libre qui peut l’accueillir. C’est ce qu’on appelle le rangement aléatoire. Grâce aux outils numériques vous trouverez le produit que vous cherchez immédiatement.

Et je vous laisse visionner <cette video> qui vous expliquera beaucoup de choses et à 3:50 vous révélera pourquoi cette manière de ranger, de manière aléatoire et répartiesur tout le site, est beaucoup plus efficace et rapide pour mobiliser les produits au moment des commandes.

Sur nos ordinateurs, nous autres archaïques avons l’habitude comme à l’époque des dossiers papier, de ranger nos fichiers dans des répertoires, sous répertoires, sous sous répertoires etc.

C’est très bien de faire ainsi, c’est rassurant, cela nous rappelle notre jeunesse. Mais ce n’est pas efficace. Ce qu’il convient de faire, c’est de donner des noms précis et intelligibles aux fichiers puis de les enregistrer n’importe où ou plutôt dans un répertoire unique. Ensuite vous utilisez les outils de recherche numérique pour retrouver votre fichier. C’est beaucoup plus efficace et rapide.

Amazon n’est donc pas une librairie, ni une épicerie mais une formidable, une exceptionnelle entreprise de logistique.

Ces entrepôts se modernisent de plus en plus, les robots prennent de plus en plus de place et la place de l’humain régresse.

D’ailleurs les entrepôts sont désormais divisés en deux : l’espace des robots et l’espace des humains, avec à la frontière des lieux d’échanges.

Jeff Bezos qui se voit comme bienfaiteur de l’humanité souhaite que les robots déchargent les humains de toutes les tâches ingrates et pénibles pour leur laisser le temps et le loisir de s’occuper de tâches et d’activités intéressantes et valorisantes.

Actuellement il existe encore beaucoup de tâches ingrates faites par les humains mais ils sont aidés par les robots.

Et j’ai trouvé la phrase que j’ai mise en exergue sur <cette page> sur laquelle on lit :

« Amazon robotic chief, Tye Brady, has an optimistic view: « The efficiencies we gain from our associates and robotics working together harmoniously — what I like to call a symphony of humans and machines working together — allows us to pass along a lower cost to our customer. »

Ce qui doit pouvoir se traduire ainsi :

« Le chef robotique d’Amazon, Tye Brady, a une vision optimiste : « L’efficacité que nous tirons de la collaboration harmonieuse de nos associés et de la robotique – ce que j’aime appeler une symphonie d’humains et de machines travaillant ensemble – nous permet de répercuter un coût inférieur sur notre client. »

Vous verrez dans cette vidéo «Amazon ou le territoire des robots » une intervention de cet homme résolument optimiste qu’est Tye Brady.

On m’a raconté que les élèves ingénieurs revenant d’un stage dans un entrepôt Amazon sont le plus souvent fascinés par l’intelligence et l’organisation qu’ils y rencontrent.

Amazon n’appelle pas ces lieux des entrepôts mais des « centres de distribution »

L’amélioration, la robotisation de plus en plus poussé n’ont qu’un but : satisfaire toujours mieux le consommateur à un prix toujours plus concurrentiel. La conséquence en est un chiffre d’affaires et des bénéfices en perpétuel hausses.

Nous ne vivons pas dans le monde des bisounours. La pression et les conditions de travail des associés humains des robots peut être pénible comme le raconte sur « Brut » une ancienne employée

Dans « Le Un » est cité un extrait de «Nomadland», le livre de Jessica Bruder qui avait fait l’objet du <mot du jour du 7 mars 2019> et qui parle de ces seniors qui voyagent dans leur mobil home à travers les États-Unis pour trouver un job.

Jessica Bruder raconte son expérience dans ces entrepôts d’Amazon dans lesquels, même les robots peuvent sortir de leur rôle et participer à des actions anarchiques. J’en partage un extrait :

« Ma formation commence un mercredi matin : trente et une personnes sont réunies dans une salle de classe sur le site logistique d’Amazon. « Vous allez effectuer un travail très physique, nous prévient notre instructrice. Vous allez sans doute vous agenouiller mille fois par jour, et je n’exagère pas. Fessiers en acier, nous voilà ! Compris ? » Des ricanements éclatent dans l’assistance. […]

Notre formatrice, elle-même nomade en camping-car [explique…] « Les campeurs sont appréciés pour leur intégrité, leur ponctualité et la qualité de leur travail. Nous savons ce qu’est le boulot. Et Amazon compte sur des gens comme nous. Des gens qui ont de l’expérience, et qui assurent un max ! », […]

Tous ensemble, nous allons être formés pour travailler dans une unité appelée Inventory Control Quality Assurance, ou ICQA. Le boulot n’est pas très compliqué en soi : il s’agit de scanner la marchandise pour vérifier l’état de l’inventaire. Mais nous découvrirons très vite que notre entrepôt (le plus grand de tout le réseau Amazon, d’après notre formatrice, et comparable en taille à plus de dix-neuf stades de football réunis) est un véritable labyrinthe. Plus de trente-trois kilomètres de tapis roulants acheminent des paquets à travers le site. Ils font un fracas de train de marchandises et s’enrayent pour un rien. […]

Durant notre formation, nous apprenons également que notre usine est l’un des dix centres de distribution Amazon où est testée l’utilisation de robots « sherpas ». Ces engins orange pèsent plus de cent vingt kilos et ressemblent à des aspirateurs automatiques géants. Techniquement, ce sont des « unités motrices » mais, pour la plupart des employés, ce sont simplement les « Kiva », du nom du fabricant imprimé sur chacun d’eux en gros caractères d’imprimerie. Ils se déplacent à l’intérieur d’une immense cage sombre – après tout, les robots n’ont pas besoin de lumière pour voir – dans une zone appelée « atelier Kiva ». Leur mission : transporter des blocs de linéaires garnis de marchandises vers les postes de travail des humains, situés en périphérie de leurs cages. Personne, hormis les membres de l’unité « Amnesty », n’est autorisé à accéder à l’atelier Kiva, même quand les produits dégringolent des étagères. […]

J’ai déjà entendu tout et son contraire à propos de ces fameux robots Kiva. Ils incarnent soit le fantasme de tout expert de l’efficacité, une innovation censée libérer l’humanité des besognes exténuantes, soit le funeste présage d’une dystopie où le travail manuel deviendra obsolète et le fossé de séparation entre les riches et les pauvres, un abîme infranchissable. La réalité, moins polémique et plus cocasse, est digne d’une version contemporaine des Temps modernes de Charlie Chaplin. Nos formateurs nous régalent d’anecdotes de robots indisciplinés. Comme le jour où les Kiva ont tenté de s’échapper par un trou dans le grillage. Ou la fois où ils ont essayé d’emporter une échelle sur laquelle était monté un employé. En de rares occasions, il a pu arriver que deux Kiva se rentrent dedans – alors qu’ils transportaient chacun trois cent soixante-quinze kilos de matériel – tels deux supporters de foot ivres. Parfois, ils font tomber des marchandises. Et parfois, même, ils les écrasent. En avril, une bombe de spray anti-ours (grosso modo, une bombe lacrymogène puissance industrielle) est tombée d’un linéaire pendant son transport et s’est fait rouler dessus par un autre robot. L’entrepôt a dû être évacué. Les infirmiers ont soigné sept ouvriers à l’extérieur. Un autre a été conduit aux urgences, en proie à des problèmes respiratoires.[…]

Je commence à scanner les codes-barres d’une myriade d’articles allant des godemichés (fabricant : « Cloud 9 », modèle « Delightful Dong ») aux kits de revêtement adhésif pour armes à feu de chez Smith & Wesson (texture lisse ou granulée) en passant par les cartescadeaux cinéma à 25 dollars (il y en a cent quarante-six au total, et il faut toutes les scanner). Un jour, je vois un robot Kiva transportant un bloc de linéaires se diriger vers mon poste de travail. Des relents nauséabonds me sautent aux narines à son approche. Bizarrement, cette odeur m’évoque… la fac. Une fois sa cargaison déposée devant moi, je découvre dix-huit boîtes d’encens au patchouli attendant d’être scannées. Leur parfum m’imprègne les doigts. Je lutte contre la nausée, termine mon travail et appuie sur un bouton pour renvoyer le robot. Trois autres attendent déjà leur tour, rangés derrière lui telle une fratrie de labradors bien dressés. Tandis que le bloc d’étagères parfumées s’éloigne, un autre, frais et inodore, prend sa place. Hélas, cinq minutes plus tard, le robot patchouli revient. Je re-scanne toutes les boîtes d’encens et le renvoie une deuxième fois. Pour le voir revenir quelques minutes plus tard. Je me pose une question : puis-je m’appuyer sur cette expérience pour affirmer que les humains sont plus intelligents que les robots ? ou le robot me traite-t-il par le mépris en m’imposant de revérifier sans cesse mon travail, histoire de choisir le meilleur résultat entre les trois ? »

Dans une approche rapide, Amazon est attentif au confort et à l’hygiène de ses employés. Si on creuse un peu, il semble surtout qu’Amazon tient à conserver une main d’œuvre efficace et servile pour continuer à faire tourner l’entrepôt et les livraisons à une cadence infernale :

« En plus des robots rebelles, il nous est recommandé de faire attention au surmenage. « PRÉPAREZ-VOUS AUX COURBATURES ! » met en garde une affiche dans la salle. L’un de nos instructeurs nous explique d’un air goguenard qu’on peut s’estimer heureux d’avoir connu une bonne journée au travail « si on n’a pas dû avaler plus de deux cachets de Tylenol le soir ». Des distributeurs automatiques proposent des boîtes d’analgésiques génériques aux employés. Si vous préférez une marque précise, ou si vous carburez plutôt aux boissons énergisantes, vous pouvez aussi en acheter en salle de pause. […] Un immense calendrier révèle qu’à ce stade du mois de novembre, il y a eu au moins un « incident » par jour lié à des problèmes de sécurité. Notre guide nous désigne le « mur de la honte » où sont affichés les profils anonymes d’anciens travailleurs déshonorés. Chacun est illustré d’une image au format clipart : la silhouette noire d’un crâne barrée du mot « ARRÊTÉ » ou « LICENCIÉ » en lettres rouges. Un employé a volé des iPhone qu’il cachait dans ses boots à bouts métalliques. Un autre s’est fait prendre en train de manger de la marchandise au lieu de la ranger dans une alvéole (pour la somme de 17,46 dollars, précisait-on sur sa fiche). Le mot d’ordre est « discipline ».

On nous demande de marcher le long de sentiers balisés au sol par du scotch vert ; si quelqu’un coupe un virage, notre guide le sermonne.

Dans les toilettes, je découvre à l’intérieur de ma cabine un nuancier de couleurs allant du jaune pâle à un terrifiant rouge marron. La légende me propose d’identifier laquelle correspond le plus à celle de mon urine. Verdict : je ne bois pas assez d’eau. »

Entre fascination et rejet, le cœur de la machine à satisfaire le consommateur nous révèle ainsi son ingéniosité mais aussi le coût humain de cette quête de l’efficacité et de la démesure »

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Jeudi 17 juin 2021

« Amazon, c’est bizarre à dire, est désormais obligé de faire des bénéfices. »
Mounar Mahjoubi, ancien secrétaire d’État chargé du Numérique de 2017 à 2019

Mounir Mahjoubi s’exprime ainsi dans « Le UN » déjà évoqué, lors d’un entretien essentiellement consacré à l’optimisation fiscale que pratique la firme de Seattle. Il insiste sur le fait que c’est par volonté d’éviter l’impôt qu’Amazon a cherché à minimiser voire effacer les bénéfices :

« Amazon, c’est bizarre à dire, est désormais obligé de faire des bénéfices. Pendant vingt ans, l’entreprise a réinvesti ses revenus de manière à présenter en permanence une situation de déficit, mais ceux-ci sont aujourd’hui tellement importants que c’est devenu impossible »

Mais au-delà de la vision fiscale, Amazon n’a pas cherché à faire des bénéficies à court terme. Amazon a commencé son activité en 1995 et a attendu presque 10 ans pour avoir ses premiers bénéfices.

Nous lisons dans article de 2004 de « L’EXPRESS » : <Amazon enfin rentable> :

« C’est un évènement pour le groupe. Pour la première fois depuis sa création en 1995, Amazon.com affiche un bénéfice net sur l’année entière. Le leader mondial du commerce électronique a réalisé un bénéfice net  »

Jeff Bezos a créé une entreprise qui a fait des pertes pendant 10 ans, sans perdre la confiance de ses actionnaires.

Il est même aller plus loin : il n’a jamais payé de dividendes à ses actionnaires.

<Pourquoi Amazon ne paie pas de dividendes ?> :

« Les marchés ont des attentes différentes des différentes entreprises. Les investisseurs dans les industries matures, les banques et les entreprises de services publics s’attendent à ce qu’ils partagent la plupart de leurs bénéfices sous forme de paiements aux actionnaires – sous forme de dividendes ou de rachats.

Cependant, les investisseurs ont des attentes différentes des entreprises à forte croissance, en particulier dans le secteur de la technologie. […] Jeff Bezos n’a pas été un fan des dividendes et des rachats d’actions. Bien qu’Amazon ait procédé à des rachats d’actions dans le passé, ils sont assez faibles compte tenu de la taille de l’entreprise. Au lieu de cela, Bezos s’est penché sur les acquisitions et la croissance. Amazon dépense énormément en croissance sur certains marchés internationaux comme l’Inde. »

Jeff Bezos est indiscutablement un génie et Amazon est une entreprise qui a emmené la perfection logistique à un niveau inégalé.

C’est le contraire d’un homme d’affaire qui a une vision à court terme. Pour lui, c’est le long terme qui est essentiel. Il construit ainsi, année après année, la croissance de son entreprise par des investissements gigantesques.

Les actionnaires et les marchés ont continué à lui faire une totale confiance. Ainsi les actionnaires ont pu bénéficier de l’augmentation du cours de l’action.

« Bien qu’Amazon ne verse actuellement pas de dividende, l’appréciation du cours de son action a plus que compensé l’absence de dividende. »

Il a pendant longtemps eu un autre problème de rentabilité : Cela coute cher de livrer chaque client, où qu’il soit dans un délai record et avec un cout concurrentiel. Au démarrage les pertes liées à l’activité de livraison d’Amazon étaient très importantes. C’est alors qu’« Andrew Jassy » qui venaient d’entrer à Amazon a eu une idée remarquable. Pour organiser les commandes, les livraisons et aussi la logistique des entrepôt, Amazon avait besoin de serveurs numériques considérables. Il fallait donc les acquérir et les installer dans des fermes à serveurs. Alors à moins de frais on pouvait augmenter la taille de ses serveurs.

<Challenge> explique :

« Né en 1968 dans une famille aisée de New York, Andrew Jassy fait ses études à Harvard avant de rejoindre Amazon en 1997, trois ans après sa création. C’est alors une simple librairie en ligne qui perd de l’argent. Qu’importe, il rejoint l’équipe et comprend vite que la clé de la réussite passe par la technologie.

Les serveurs qu’Amazon installe un peu partout pour gérer les commandes en ligne coûtent un argent fou. Comment réduire les coûts ?

Andrew Jassy propose de les rentabiliser en les louant et en vendant des services en ligne aux entreprises. C’est ainsi que naît en 2003 Amazon Web Services (AWS), dont Andrew Jassy devient directeur général en 2016. L’activité cloud est la plus rentable du groupe, pesant près des deux tiers du résultat net pour 20 % du chiffre d’affaires. »

<Les Echos> dans un article de 2020 le confirme :

« A ce propos, c’est sur AWS, la filiale « dans les nuages », que repose la rentabilité du groupe. Au début des années 2000, Jeff Bezos, le PDG, a compris que les entreprises voudraient déléguer le stockage de leurs données au lieu d’avoir leurs serveurs dans leurs locaux. C’était trop cher, trop peu efficace et pas assez flexible. En développant sa propre technologie, Amazon a pu proposer ce type de services. Il est ainsi devenu l’un des leaders mondiaux du cloud. Cette activité prospère aide à financer le développement de l’e-commerce, une activité à faible marge et qui perd de l’argent à l’international. »

Et quand Jeff Bezos décide de prendre du recul, c’est Andy Jassy qu’il choisit comme remplaçant.

<Jeff Bezos passera le flambeau à Andy Jassy (AWS)> :

« Or l’homme d’affaires a bien d’autres projets en cours. C’est d’ailleurs la raison invoquée pour expliquer qu’il va quitter son poste de CEO d’Amazon. La transition aura lieu au cours du troisième trimestre de l’année, après quoi il restera toujours présent comme président exécutif du conseil d’administration.

« Je disposerai du temps et de l’énergie dont j’ai besoin pour me concentrer sur Day One Fund, le Bezos Earth Fund, Blue Origin, Washington Post et mes autres passions ». « Je n’ai jamais eu autant d’énergie et il ne s’agit pas de prendre ma retraite », prévient Jeff Bezos (57 ans) dans sa lettre. »

Jeff Bezos a donc d’autres projets que travailler uniquement à la croissance d’Amazon. Mais il faut reconnaître ses talents de visionnaire et aussi ses capacités d’entrainement pour croire en une entreprise qui ne faisait pas de bénéfices pendant 10 ans puis en a réalisé grâce à une activité annexe.

Mais maintenant il faut qu’Amazon apprenne à gérer ses bénéficies et peut être à payer des impôts dans les États dans lesquels il réalise ses chiffres d’affaires.

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