Lundi 21 juin 2021

« La vocation des hommes n’est pas d’occuper les emplois pénibles, le monde serait meilleur, s’il y avait plus de médecins ou de profs – au moins un par enfant – rémunérés grâce à un revenu universel. »
Jeff Bezos cité par Benoit Berthelot

Benoit Berthelot est un journaliste spécialiste des nouvelles technologies au magazine Capital. Il est l’auteur de l’enquête : « Le monde selon Amazon ».

« Le Un » a publié un entretien avec lui, dont le titre est « L’avenir selon Jeff Bezos »

Benoit Berthelot explique d’abord le côté singulier d’Amazon à côté des autres entreprises des Gafa : l’utilisation massive de main d’œuvre.

« [Jeff Bezos] conçoit Amazon comme une entreprise proche des gens. Et de fait, Amazon allie les éléments actuels les plus high-tech – algorithmes, intelligence artificielle ou électronique – à des éléments typiques de l’usine traditionnelle. Si vous allez chez Google ou Facebook, vous trouverez quelques dizaines de milliers d’ingénieurs, Amazon de son côté emploie plus d’un million de cols-bleus. C’est une entreprise monde qui marie aussi bien des éléments du XXème et du XXIème siècle, le salariat de masse et les nouvelles technologies, le territoire et le cloud, les axes routiers et les autoroutes de l’information »

Et en effet, nous avons vu que dans les immenses entrepôts, il y avait encore beaucoup d’humains qui travaillaient à côté des robots.

Le chef robotique d’Amazon, Tye Brady avait même une vision symphonique de ce travail commun.

Mais dans l’esprit de Jeff Bezos, la symphonie de ses entrepôts a vocation dans l’avenir à faire de moins en moins appel aux humains,

« Amazon investit massivement en vue d’avoir les entrepôts les plus connectés possibles : en quelques années, Amazon est passé de 7 à 5 employés pour un robot , et ce ratio va continuer à se resserrer, pour que la présence humaine soit de moins en nécessaire dans ses entrepôts »

Même les livraisons, dans sa vision d’avenir, devront économiser la ressource humaine :

« Jeff Bezos a parié très tôt sur les livraisons par drone, mais celles-ci paraissent difficiles à mettre en œuvre. En revanche, on peut penser que les véhicules autonomes pourront être utilisés pour livrer des colis à moindre coût. Amazon emploie déjà un robot à six roues, Scout, dans quelques villes test pour effectuer des livraisons »

Bien sûr cela aura pour conséquence des licenciements de masse. :

« Amazon a déjà lancé un programme de reconversion de ses salariés vers des métiers de la santé ou de l’éducation. Jeff Bezos a affirmé que la vocation des hommes n’était pas d’occuper les emplois pénibles, mais que le monde serait meilleur, s’il y avait plus de médecins ou de profs – au moins un par enfant -rémunérés grâce à un revenu universel. »

C’est une vision résolument progressiste !

Il faut constater cependant que pour l’instant, Amazon implante des entrepôts dans des territoires en présentant deux arguments : le premier est qu’il pourra ainsi mieux livrer ses clients, le second prétend qu’il crée ainsi de nombreux emplois.

Le premier peut s’entendre.

Le second est plus problématique. Nonobstant que la création d’emploi d’Amazon n’est pas nette car la conséquence de son développement conduit à des suppressions d’emplois dans d’autres commerces. Il y a des discussions sur le fait de savoir si le solde est positif ou négatif. Mais le plus problématique est que ces emplois sont destinés à disparaître.

Je m’interroge sur la multiplication d’emplois de professeurs et de médecin payés grâce à un revenu universel, c’est-à-dire, probablement, très modestement. Il va de soi que la rémunération de Jeff Bezos, quant à elle, n’a que vocation à croitre.

En dehors de ce sujet de la rémunération, est-il envisageable, même avec une formation solide et performante, de pouvoir faire évoluer les femmes et hommes qui travaillent dans ces entrepôts vers des métiers de professeurs, de médecins ou d’infirmiers ?

Je ne voudrais pas apparaître comme le défenseur des métiers pénibles, mais je m’interroge : tout cela est-il bien réaliste ?

Il y encore un peu de temps : « Amazon estime que le remplacement de ses employés par des robots prendra au moins dix ans »

« Si l’utilisation future de l’intelligence artificielle et de la robotique au sein du réseau logistique d’Amazon ne fait aucun doute, reste à savoir quand ces machines prendront en charge la totalité du travail sur les plateformes de la société américaine. La réponse semble toutefois actée, à en croire le Monsieur robots d’Amazon, Scott Anderson. Selon lui, l’automatisation totale des chaines de préparation de commandes au sein des entrepôts de la société ne sera pas effective avant un délai d’au moins dix ans.

Malgré la place avancée prise par les robots et l’automatisation dans des entreprises comme Amazon, il semblerait que le développement de robots capables de gérer correctement et sans encombre une commande de A à Z soit jusqu’ici compliqué. Leurs actions sont pour le moment limitées aux tâches répétitives ou au traitement de certaines marchandises. L’intervention humaine semble quant à elle encore indispensable à la réalisation de travaux spécifiques de reconnaissance et de manipulation, notamment dans la gestion de produits frais. »

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