– Maîtresse, c’est un champ de fleurs !
Et toi, maîtresse, tu es très belle ! »
Longtemps, j’ai lu beaucoup de livres. Aujourd’hui, j’en lis peu.
Je pourrais ajouter : et maintenant je me couche de bonne heure.
Ceux qui ont de la culture comprendront…
Toutefois, j’ai acheté «et si on aimait la France » de Bernard Maris et j’ai commencé à le lire.
En voici un extrait :
« Nous sommes dans une école de banlieue, dans cette si joliment nommée Ile-de-France, qui fut autrefois le paradis des rois.
La maîtresse est douce, avec son museau pointu sous ses lunettes.
« Les enfants, savez-vous ce qu’est un champ lexical ? » Elle attend, souriante « Alors ? »
Elle n’espère pas de réponse, bien sûr….
La classe de CE1 est sage.
Mais une main de petit garçon se lève :
« Maîtresse, c’est un champ de fleurs ! »
Un champ de fleurs…Elle rit. Comme c’est mignon, un champ de fleurs, quel charmant petit garçon !
Elle secoue la tête, va pour expliquer, mais le petit crépu ajoute :
« Et toi, maîtresse, tu es très belle »
Cette histoire m’a été racontée par mon ami Michel Bernard, écrivain, et de belle langue.
J’ignorais ce qu’était un « champ lexical »
Renseignement pris, on parle de champ lexical pour désigner « un ensemble théorique de noms, de substantifs, d’adjectifs et de verbes appartenant à une même catégorie syntaxique et liés de branches par leur domaine de sens »
[et il donne un exemple] « Le médecin guérit le malade » est un champ lexical de trois substantifs. [D’après mon expérience récente, cette phrase est fausse, mais c’est un champ lexical].
Doit-on assener une telle horreur à des enfants ?
Des enfants qui ne demandent qu’à être ce qu’ils sont, des poètes, comme ce petit garçon qui voit d’abord un champ de fleurs, et dans ces fleurs une jolie maîtresse…»
« Doit-on assener de telle horreur à des enfants. »
Moi aussi je ne connaissais pas le champ lexical jusqu’à ce mes enfants entrent au collège et subissent des cours de français.
J’ai aimé lire la somptuosité des textes de Victor Hugo, j’ai été saisi par les poèmes de Baudelaire et tant de fois subjugué par la langue française, par Flaubert, Balzac, Zola et tant d’autres.
Mais je ne savais pas ce qu’était un champ lexical.
Et cela ne me manquait pas, comme tant d’autres concepts certainement intéressants, utiles, allons jusqu’à indispensables au niveau universitaire quand on veut étudier techniquement la langue.
Mais totalement inapproprié avant.
Et Bernard Maris de continuer :
« Dans notre classe de CM1, notre maître M. Vergniaud – c’était un maître très sévère- nous faisait la lecture chaque vendredi soir, en récompense d’une semaine studieuse. C’était la Guerre du feu de Rosny aîné, ou Un marin de Surcouf de Louis Garneray. Bras croisés, muets de terreur et d’émotion, nous écoutions les courses et les ruses du Malouin qui échappait toujours aux Anglais. Il n’usait pas de « champs lexicaux » ou autres inconvenances. Il nous donnait simplement envie de lire.»
« Il nous donnait simplement envie de lire. »
Vous savez ce que disait Montaigne ?
« Je n’enseigne pas, je raconte. »
Laissons la conclusion à l’inoubliable Bernard Maris qui écrit un peu plus loin, page 31,
« La réponse du petit garçon était très encourageante et… très française. Il charmait sa maitresse par une phrase poétique. Il tournait un compliment. Bref, il parlait à une femme.»
A propos, à Lyon ce weekend end il y a des champs de fleurs sur toute les places. <Des champs de roses>
Et si vous voulez appeler cela des champs lexicaux, comme le jeune garçon, personne ne vous en voudra.
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