Mardi 26 mai 2015

Mardi 26 mai 2015
«L’intelligence ce n’est pas quelque chose que l’on reçoit,
c’est quelque chose que l’on construit»
Albert Jacquard
Vous lisez le 500ème mot du jour.
Pour ce moment singulier, je souhaite partager avec vous un entretien qu’Albert Jacquard avait accordé à Elisabeth Martichoux sur France 5 et où la question centrale était de définir ce qu’était la vraie intelligence.
Il commence par des nombres :
«Pour devenir idiot, il suffit d’être passif.
Pour, peu à peu, fabriquer son intelligence, il suffit de faire fonctionner son cerveau.
Le cerveau est un outil extraordinaire.
On a du mal à imaginer ces nombres.
Dans le cerveau d’un bébé qui nait, il y a de l’ordre de 100 milliards de neurones
Et après la naissance, chacun de ces neurones envoie des protubérances vers les voisins.
A la puberté, il y a ainsi 10 000 connexions qui partent de chaque neurone.
Un million de milliards de connexions.
C’est fabuleux ce qu’il y a dans le cerveau d’un adolescent de 15 ans.
Et une façon de se rendre compte combien c’est un nombre énorme, consiste à le rapprocher du temps de vie d’un jeune de 15 ans : Il a vécu environ 400 millions de secondes, ce qui signifie qu’en moyenne au cours de sa jeune vie il a mis en place, chaque seconde, 2 millions et demi de connexion.
[Quand je parle à un enfant et qu’il m’écoute attentivement, je participe à la création de son intelligence à travers ces connexions]»
La journaliste lui pose alors cette question : « il y a quand même des personnes qui sont plus intelligentes que d’autres ?»
La réponse de Jacquard est la suivante :
«Ça, ça ne veut rien dire du tout. […]
Einstein, par exemple, avait horreur de ne pas comprendre et il passait tout son temps à essayer de comprendre ce qu’il n’avait pas encore compris. Et cela prenait souvent beaucoup de temps.
La vraie forme d’intelligence c’est de comprendre qu’on n’a pas encore compris et de faire le nécessaire pour comprendre quand même.»
Et Elisabeth Martichoux de continuer : «Mais quand un enfant est à l’école, on va lui dire tu as tel QI et si tu as untel QI tu réussiras bien. Avec un moindre QI tu réussiras moins bien et cela se vérifie le plus souvent.»
Albert Jacquard explique alors : 
«Évidemment. Si je dis à une fille qu’elle est laide et que je lui répète tous les jours qu’elle est laide. Elle a beau être jolie, elle finira par se croire laide. Et puis, elle prendra une drôle d’allure et elle fera des grimaces et elle deviendra laide.
Cela fait partie des prévisions qui sont auto réalisatrices.
Il est criminel de dire à un enfant : tu n’es pas doué, tu n’es pas capable d’avoir un QI de tant et de tant et par conséquent tu vas rater.
Ce n’est pas vrai ce que vous dites, simplement on le provoque.
Il y a un mot horrible qui a été inventé par les québécois : le mot douance.
Dire à un enfant :  “toi tu as de la douance”, et l’enfant qui est à côté comprend qu’il n’a pas de douance, alors il se prend pour un imbécile et il devient un imbécile.
Par conséquent, il faut savoir que l’intelligence ce n’est pas quelque chose que l’on reçoit, c’est quelque chose que l’on construit.»
et Elisabeth Martichoux revient à la charge pour dire «mais il existe des enfants pour lesquels on dit qu’ils sont surdoués»
et Albert Jacquard de répondre alors :
«On a bien tort de le dire. Ça ne veut rien dire.
Dans “Surdoué” il y a deux syllabes qui sont toutes les deux idiotes.
“Sur” cela veut dire qu’il y a une hiérarchie, or il n’y a pas de hiérarchie dans quelque chose qui est aussi subtile que l’intelligence qui est multi dimensionnelle.
et “Doué”, cela laisse supposer que c’est un don de la nature qui fait qu’on est intelligent. Non, on est doué parce qu’on s’est donné à soi-même son intelligence.
Et nous sommes tous responsables de devenir plus ou moins intelligent. Il faut, peu à peu, la construire. Et bien sûr, tout le monde ne construira pas la même, certains iront plus vite que d’autres.
Mais méfions nous, la vitesse n’est pas une caractéristique tellement remarquable de l’intelligence.
Ceux qui vont vite, en général, ce sont des bluffeurs.
Moi je crois plutôt à celui qui va lentement, qui a l’esprit de l’escalier, qui revient sur lui même et qui arrive peu à peu à acquérir un certain nombre d’outils intellectuels intérieurs. […]
Le plus important est toujours d’avoir compris qu’on n’a pas compris»
Vous trouverez cet entretien sur un grand nombre de sites, par exemple ici : <http://www.universcience.tv/video-albert-jacquard-et-la-vraie-intelligence-5806.html>
Et ici un article sur le même sujet : <Qu’est ce que cela veut dire l’intelligence ?>