Mercredi 23 décembre 2015

Mercredi 23 décembre 2015
«De ce que j’ai vécu à ce que j’imagine
Je n’en finirai pas d’écrire ta chanson
Ma France »
Jean Ferrat
Comme l’année dernière je vais respecter à partir de demain la trêve des confiseurs et puis je vais prendre quelques jours de congé, début janvier ce qui conduit à ce que le mot du jour, si tout va bien, reviendra le 11 janvier 2016.
J’avais arrêté l’année 2014, le 24 décembre par la dernière phrase de l’Ethique de Spinoza : «Mais tout ce qui est beau est aussi difficile que rare.  »
Puis le 7 janvier il y eut l’attentat de Charlie Hebdo.
Et la France fut à nouveau meurtrie le 13 novembre.
On a beaucoup chanté la marseillaise pendant toute cette période.
Mais pour célébrer la France je trouve  la chanson de Ferrat beaucoup plus poétique et belle.
Jean Tenenbaum, dit Jean Ferrat, est né le 26 décembre 1930 à Vaucresson (Seine-et-Oise). Il y a donc 85 ans, dans 3 jours et il est mort il y a 5 ans, le 13 mars 2010 à Aubenas (Ardèche).
Une de ses plus belles chansons a été consacrée à la France, sa France, notre France.
« De plaines en forêts de vallons en collines
Du printemps qui va naître à tes mortes saisons
De ce que j’ai vécu à ce que j’imagine
Je n’en finirai pas d’écrire ta chanson
Ma France
Au grand soleil d’été qui courbe la Provence
Des genêts de Bretagne aux bruyères d’Ardèche
Quelque chose dans l’air a cette transparence
Et ce goût du bonheur qui rend ma lèvre sèche
Ma France
Cet air de liberté au-delà des frontières
Aux peuples étrangers qui donnaient le vertige
Et dont vous usurpez aujourd’hui le prestige
Elle répond toujours du nom de Robespierre
Ma France
Celle du vieil Hugo tonnant de son exil
Des enfants de cinq ans travaillant dans les mines
Celle qui construisit de ses mains vos usines
Celle dont monsieur Thiers a dit qu’on la fusille
Ma France
Picasso tient le monde au bout de sa palette
Des lèvres d’Éluard s’envolent des colombes
Ils n’en finissent pas tes artistes prophètes
De dire qu’il est temps que le malheur succombe
Ma France
Leurs voix se multiplient à n’en plus faire qu’une
Celle qui paie toujours vos crimes vos erreurs
En remplissant l’histoire et ses fosses communes
Que je chante à jamais celle des travailleurs
Ma France
Celle qui ne possède en or que ses nuits blanches
Pour la lutte obstinée de ce temps quotidien
Du journal que l’on vend le matin d’un dimanche
A l’affiche qu’on colle au mur du lendemain
Ma France
Qu’elle monte des mines descende des collines
Celle qui chante en moi la belle la rebelle
Elle tient l’avenir, serré dans ses mains fines
Celle de trente-six à soixante-huit chandelles
Ma France »
Je joins le fichier des mots du jour du 501ème au 600ème

Mardi 22 décembre 2015

Mardi 22 décembre 2015
« L’or gris ou silver economy»
Nouvel eldorado des investisseurs
Il y a eu l’or et les chercheurs d’or.
Après l’or noir et le pétrole qui n’en finit pas de mourir et de polluer et de réchauffer le climat
Il y a l’or bleu ou les océans qui sont pollués par l’or noir et le plastique qui vient de l’or noir
Il y a aussi l’or blanc  des montagnes mais qui est aussi en danger en raison du réchauffement climatique dû à l’or noir et au charbon pour qui on n’a pas eu l’idée de donner un nom d’or.
Mais maintenant s’ouvre une nouvelle ère : celle de l’or gris, la silver economy, bref l’économie des vieux et même si possible les vieux qui ont du fric.
Personne ne s’étonnera que ce soient le Japon et les allemands qui ont les premiers investi dans ce domaine. Ce sont des pays de vieux !  Comme autrefois on cherchait les rivières qui charriaient l’or on trouvera désormais des pays où on trouve plus de vieux et surtout plus de vieux riches !
Et comme le raconte cet homme d’affaire dans l’article joint du Monde : « Cette révolution démographique génère une demande de produits et services autour du bien-vieillir, c’est un défi sociétal, mais aussi une opportunité de marché ». Un Français sur quatre sera âgé de plus de 60 ans en 2020. 
L’autre article joint, est de Mediapart. Il est plus féroce et donne l’exemple d’une société prospère dans ce domaine : ORPEA
Car les secteurs qui profitent de l’or gris sont :
1)les laboratoires pharmaceutiques (maladies chroniques) et les autres entreprises associées à la santé : pharmacies, vendeurs d’oxygène, taxis/ambulances… Sanofi est devenue la première capitalisation du CAC 40 …
2)le secteur du tourisme, pour les plus fortunés et pendant le 3ème âge (« retraités actifs »)
3)les assureurs, les banques qui gèrent un formidable capital !
4)les entreprises d’aide à la personne pour le 4ème âge, encensées en permanence dans les médias car constituant encore un des rares secteurs qui « embauche »
5) les maisons de retraite, les EHPAD pour le 4ème âge

Lundi 21 décembre 2015

«Frères humains et futurs cadavres, ayez pitié les uns des autres. »
Albert Cohen ; « Ô vous, frères humains » (1972), entame du dernier chapitre de ce livre

Après des élections régionales qui ont montré, une fois de plus, la défiance du peuple des citoyens à l’égard des gouvernants politiques, ceux d’aujourd’hui et d’hier, une rencontre opportune entre deux hommes s’est déroulée dans le nord à Neuville-Saint-Vaast

Le premier est un Président de la république, dont la carrière s’est située à gauche et qui aspirait à une présidence normale mais qui n’arrive à émerger de la médiocrité que lorsque des évènements «anormaux» surgissent ;

Le second est un homme de droite mais qui n’a pu être élu que parce que des électeurs de gauche ont voté pour lui.

Je ne m’arrêterai pas sur cette rencontre pour répondre à des questions du type : s’agit-il d’une amorce d’une autre manière d’organiser l’échiquier politique ?

Ou encore est-ce une manœuvre politicienne ?

Je m’arrêterai à ce qui était peut-être secondaire dans l’esprit de ces deux hommes, mais qui révèle une aspiration humaniste d’une tout autre profondeur. C’est mon ami et complice Albert qui m’a fait, à l’occasion de cette commémoration, cette injonction :

«Alain, il faut faire un mot du jour sur les fraternisations de Noël 1914 »

Le sujet du mot du jour était donc décidé. Mais comment trouver l’exergue(*) introductive ?

Il y avait bien cette citation attribuée à Paul Valéry :

« La guerre, c’est le massacre de gens qui ne se connaissent pas, au profit de gens qui se connaissent et ne se massacrent pas ».

Mais elle avait déjà servi de mot du jour le 28/07/2014.

J’ai trouvé ce propos attribué à Confucius :

«Nous sommes frères par la nature, mais étrangers par l’éducation. » Livre des sentences – VIe s. av. J.-C.

Mais je me suis finalement arrêté sur une phrase d’Albert Cohen, l’auteur de « Belle de Seigneur» :

«Frères humains et futurs cadavres, ayez pitié les uns des autres. »

Le propos de ce livre ne concerne pas la 1ère guerre mondiale, mais la haine entre les gens, ce qui devait aussi être le ferment de la guerre 14-18. Le livre d’Albert Cohen est autobiographique. L’année 1905, il a 10 ans, et l’épisode se passe en France. Il est l’enfant d’une famille juive et il est insouciant comme un enfant de 10 ans.

En revenant du lycée il est attiré par un camelot qui vante la marchandise qu’il vend, un détachant pour habit, et il a beaucoup de succès. Le petit Albert a quelques sous et il veut acheter ce produit pour l’offrir à sa maman. Il s’approche alors du camelot qui l’aperçoit et qui change d’attitude et pointe l’index sur lui en disant : « Toi tu es un youpin, hein ? […] je vois ça à ta gueule, tu ne manges pas du cochon hein ? Vu que les cochons se mangent pas entre eux » et il continue à déverser, sur ce jeune enfant, des torrents de haine.

L’enfant fuit, la foule rit et le livre va narrer l’errance de cet enfant et toutes les pensées qui se bousculent dans la tête de l’innocent qui s’est heurté à la haine incommensurable.

Et puis au bout de l’errance, il y a le dernier chapitre qui commence par ces mots :

«Frères humains et futurs cadavres, ayez pitié les uns des autres. »

La guerre 14-18 est aussi celle de la haine, de la haine qu’on a essayé d’inculquer dans l’esprit des jeunes français à l’égard des allemands qu’ils appelaient systématiquement « les sales boches » et la haine qu’on inculquait dans le cœur et l’esprit des jeunes allemands à l’égard des français.

A Noël 1914, la guerre que chacun des camps avait pensé courte, durait déjà 5 mois, <Déjà plus de 300 000 morts français> et probablement autant du côté allemand.

Ils se massacrent et ne se connaissent pas et puis… il y a Noël.

Des deux côtés on est chrétien et on connaît les mêmes airs, les mêmes chants de Noël même si la langue est différente.

Et ils sortent des tranchées et se rencontrent et s’échangent de petits cadeaux.

Christian Carrion en a fait un film : « Joyeux Noël » en 2005 et ce fut une surprise, car nos manuels d’Histoire nous avait caché ces moments de fraternité, on nous avait parlé de la haine, de l’enthousiasme des soldats pour partir à la guerre contre l’ennemi.

On nous avait parlé aussi des souffrances de la guerre et de la terrible vie dans les tranchées.
Mais qu’il y eut des moments et des lieux de la guerre où les soldats ont laissé tomber les armes pour se parler et se comporter en frères humains, de cela on ne nous avait pas parlé.

Christian Carrion raconte dans un article du Monde :

« En 1992, j’ai découvert les fraternisations de Noël 1914, dans le livre d’Yves Buffetaut, Batailles de Flandres et d’Artois (Tallandier, 1992). J’apprends que des soldats français ont applaudi un ténor bavarois le soir de Noël, que d’autres ont joué au football avec les Allemands le lendemain, qu’il y a eu des enterrements en commun dans le no man’s land, des messes en latin. »

Les «ennemis », en effet, organisèrent même un match de football de Noël 1914 à Comines-Warneton.

Bien sûr, l’état-major, des deux côtés, n’a pas du tout apprécié ces épisodes de fraternisation, la haine est indispensable si on veut que des jeunes gens s’entretuent. On envoya ces cœurs attendris vers d’autres fronts où la destinée de futurs cadavres leur était promise rapidement.

Après la fin de la guerre, ces évènements furent enfouis sous le secret. Ce n’est plus le cas depuis le film Ici vous verrez un court extrait du film «Joyeux Noël» de Christian Carrion et notamment le moment de la fraternisation

On trouve aussi des sites consacrés aux témoignages des soldats qui parlent de ces évènements.

Ici vous pourrez entendre une émission de <2000 ans d’Histoire> qui évoque ces moments où l’humanité l’a emporté, pendant un court moment, sur la sauvagerie

Des gens du Nord soutenus par les participants au film « Joyeux Noël » ont créé un site et une association pour financer le monument qui vient d’être inauguré. Christian Carrion raconte que dans les nombreux témoignages qu’il a lu pour faire son film, un témoignage l’a particulièrement ému.

C’est celui du soldat français Louis Barthas qui a vécu ces évènements, les a raconté dans une lettre qu’il a fini par cette phrase :

«Qui sait ! Peut-être un jour dans ce coin d’Artois, on élèvera un monument pour commémorer cet élan de fraternité entre des hommes qui avaient horreur de la guerre et qu’on obligeait à s’entretuer malgré leur volonté ».

Et pour finir, je ne vous montrerai pas la poignée de main des deux hommes politiques, fugacement évoqué en début de message, mais la photo historique où sur le lieu de la bataille la plus meurtrière de 14-18, le Chancelier de l’Allemagne et le Président de la France se sont donnés fraternellement la main en 1984


(*) exergue du latin exergum (« espace hors d’œuvre ») = Citation placée hors-texte

<621>

Vendredi 18 décembre 2015

Vendredi 18 décembre 2015
«Madeleine project »
Clara beaudoux
Pendant longtemps, l’Histoire fut celle des Grands Hommes. On racontait l’Histoire en s’attachant à décrire les faits, les gestes, les actions et la pensée d’Alexandre le Grand, de César, de Charlemagne etc.
L’Ecole des Annales créée par Lucien Febvre et Marc Bloch, approfondie par Fernand Braudel a conceptualisé l’Histoire à travers tout le reste : les gens qui vivaient en grand nombre à côté des grands hommes, les mœurs de ces époques, la vie quotidienne, c’est à dire l’Histoire vécue par le plus grand nombre.
Dans cette conception de l’Histoire, Alain Corbin a poussé jusqu’au point ultime cette volonté de s’éloigner de l’Histoire des Grands Hommes. Il a choisi au hasard, dans une liste, un nom :  Louis-François Pinagot, né en 1798, mort en 1876. Puis il s’est mis en quête de trouver toutes les informations qu’il pourrait trouver sur cet homme ordinaire. Il en a tiré un livre <Le monde retrouvé de Louis-François Pinagot – Sur les traces d’un inconnu (1798-1876)>.
Sur le site de France Culture, cette enquête est décrite de la manière suivante :
«Né en 1798, mort en 1876, Louis-François Pinagot, le sabotier de la Basse-Frêne, n’a jamais pris la parole et ne savait du reste ni lire ni écrire; il représente ici le commun des mortels. Un jeu de patience infini se dessille, afin d’en reconstituer le destin – mais eut-il jamais conscience d’en avoir un? – d’un Jean Valjean qui n’aurait pas volé de pain. Par cette méditation sur la disparition, l’auteur entendait modestement inverser le travail des bulldozers aujourd’hui à l’œuvre dans les cimetières de campagne. »
L’histoire de Madeleine se rapproche de cette quête : retrouver les traces d’une inconnue et s’y intéresser. Toutefois l’entrée dans cette histoire est très différente de celle de l’Historien.
La personne qui va révéler Madeleine est une journaliste, Clara Beaudoux, qui a besoin d’un appartement pour se loger et qui le trouve. Et puis… elle raconte :
«Quand j’ai loué mon appartement, la bonne surprise c’est qu’il y avait une cave, mais le propriétaire ne savait pas ce qu’il y avait dedans. C’était la cave n°16. Il n’avait plus la clé non plus. J’ai scié le cadenas.
La cave était pleine d’affaires. Celles de la vieille dame décédée après 20 ans dans cet appartement. Dans la boîte aux lettres, une publicité pour une mutuelle m’apprend qu’elle s’appelait Madeleine.
Elle n’a pas de descendant, alors je téléphone à l’unique lien de cette femme, selon le propriétaire : son filleul.
Au téléphone il me dit qu’il avait mandaté une entreprise pour vider l’appartement, elle a semble-t-il oublié la cave.
Les affaires de sa marraine ne l’intéressent pas, il me dit d’en faire ce que je veux.»
L’immense majorité d’entre nous, n’auraient eu qu’une idée en tête : vider au plus vite cette cave en allant jeter le contenu dans une déchetterie.
Mais Clara Beaudoux n’a pas fait cela : 
«J’ai donc une cave pleine des affaires de Madeleine dont personne ne veut. Je vais m’y plonger pour tenter d’en savoir un peu plus sur elle
Madeleine est née il y a un siècle le 7 mars 1915, en pleine première guerre mondiale, et elle est morte en 2011. Elle aurait donc eu 100 ans cette année. C’est une inconnue de l’Histoire
Mais elle avait rangé toute sa vie dans une cave : carnet, photos, souvenirs, bijoux, lettres, vieux journaux… que Madeleine avait classé, emballé, étiqueté dans des enveloppes, des cartons ou des valises.
Pour qui ? Pour quoi ? La vieille dame n’a pas eu de descendant.
A sa mort en 2011, le trésor est resté à l’abandon, il aurait pu finir à la décharge.
C’est l’émission 7h43 de France Inter qui m’a fait découvrir ce « Madeleine Project » qui a déclenché un véritable enthousiasme sur les réseaux sociaux
Et c’est aussi émouvant que captivant.
Impossible de ne pas être happé par cette femme qui fut enseignante –on la voit sur plusieurs photos de classe, école Jean Macé à Aubervilliers- qui collectionnait la revue Historia, les guides touristiques sur la Hollande, les crayons à papier et les carnets Moleskin, avec des paroles de chansons ou des recettes de cuisine, Madeleine qui semble avoir perdu son frère à la guerre en 1941 et un grand amour, Loulou, dont elle a numéroté toutes les lettres consignées dans une valise. Qui écrivait quantités de cartes postales à sa maman, débutant par « Ma petite mère ».
Et beaucoup d’autres choses … Madeleine est née il y a un siècle le 7 mars 1915 et retrouve une deuxième vie sur les réseaux sociaux.
Le cœur de ce récit numérique se trouve sur Twitter avec le hashtag  #madeleineproject mais vous trouverez aussi le récit de cette aventure ici >> https://storify.com/clarabdx/madeleineproject

Jeudi 17 décembre 2015

Jeudi 17 décembre 2015
« La coolitude, Airbnb et le profit »
Guillaume Erner
12/11/2015 le billet de Guillaume Erner.
Guillaume Erner : 
« La nouvelle publicité de Airbnb est cool, très cool.
Vous l’avez probablement vu dans les magazines.
Des jeunes cools qui louent leur appartement pour financer leurs passions : jouer dans un groupe de rock, avoir une moto cool.
Chacune des images de cette campagne en témoigne : on est très loin de l’image du capitaliste cupide. C’est une sorte de preuve par l’image de l’ouvrage de Jeremy Rifkin,  publié il y a quelques mois, où il expliquait que la vraie gauche serait sauvée par l’économie du partage, par Airbnb.
Mais voilà, ces jeunes cool découvrent, à leur insu, les vertus du capital.
Le grand message de Airbnb consiste à dire : vous avez des capitaux dormants, vous devez exiger des rendements de ces capitaux. Pourquoi vous satisfaire d’un poste de dépenses quand vous pouvez en faire une source de profit ?
En d’autres termes, vous n’habitez pas une maison mais un vrai business unit, un vrai centre de profit potentiel. Et le jeune cool de croquer dans la pomme du profit. Il comprend qu’il est entouré de business unit qu’il pourrait prêter sa voiture, sa perceuse, son temps de cerveau disponible, bon j’arrête là.
La ruse de Airbnb c’est de nous expliquer, sous couvert d’être cool, que nous pouvons tous être de vrais capitalistes, c’est-à-dire exiger un vrai rendement de notre capital.
François Mitterrand tonnait contre ceux qui s’enrichissaient en dormant, Airbnb nous incite précisément à nous enrichir en dormant ailleurs. La devise des jeunes cools est désormais : réveillez-vous, ne laissez pas dormir votre capital. »

Si vous voulez aller voir leur site, c’est ici et c’est cool : https://www.airbnb.fr/

Mercredi 16 décembre 2015

Mercredi 16 décembre 2015
« Léon ne veut pas rentrer à la maison ! »
Corine Lesnes
Correspondante du Monde aux Etats-Unis basée à San Francisco
Ainsi un site donne une visibilité à cette initiative : http://www.reviensleon.com/
Un article du Monde nous explique que pour l’instant ce programme n’a pas beaucoup de succès. (Article en pièce jointe)
Nous apprenons que « Reviens Léon a été lancée en mai par Blablacar et une dizaine d’autres start-up (Captain Train, SigFox, LaFourchette, iAdvize…) pour encourager les expatriés à rentrer. Thème de la campagne : la France a « beaucoup changé ». Fini la morosité hexagonale, « c’est là que ça se passe »… Le titre est un clin d’œil à une publicité de 1986 pour les raviolis Panzani. Béret sur la tête, Léon-le-fermier est irrésistiblement attiré par la sauce aux herbes de Provence du fabricant de pâtes. Sa femme tente de s’interposer. « Reviens, Léon ! crie-t-elle. J’ai les mêmes à la maison ! »
Pourquoi un clip aussi franchouillard pour illustrer la modernité de la French Tech ? « Notre cible, ce sont les personnes expérimentées, les cadres seniors », explique Diane Prebay, la coordinatrice des relations publiques de Blablacar. Bref, les éventuels nostalgiques des années Léon. « En France, ce qui nous manque, ce sont ceux qui ont vu des sociétés passer de la taille de Blablacar à dix fois Blablacar, ajoute Nicolas Brusson. Ce type de talents, on n’en trouve plus en Europe. Ils sont ici. » L’entrepreneur sait de quoi il parle. Il a passé sept ans à San Francisco, au début des années 2000. Son ami Frédéric Mazzella, cofondateur de Blablacar, a, lui, suivi un master à Stanford, au cœur de la Silicon Valley. « On a fini par revenir, sourit Nicolas Brusson. En fait, tous les deux, on est des Léon. »
L’association Reviens Léon est financée pour moitié par les start-up qui participent à la campagne (avec une cotisation modulée sur le chiffre d’affaires). L’autre moitié provient de fonds publics par l’intermédiaire de la French Tech, l’initiative du gouvernement français pour développer le numérique. Elle propose des offres d’emploi et des aides personnalisées aux candidats au retour (grande question : seront-ils assujettis à l’ISF ?). En septembre, LVMH a rejoint le groupe initial, dans l’espoir d’attirer vers le luxe des spécialistes du commerce en ligne ou du marketing digital ayant fait leurs classes à l’étranger.
Mais quatre mois après le lancement, le résultat n’est pas particulièrement concluant. Malgré la campagne médiatique (et la promesse du fabricant de desserts frais Michel et Augustin de remplir le réfrigérateur des « revenants » pendant trois mois), les candidats au retour ne se bousculent pas. Pas un Léon ne s’est présenté, confirme Diane Prebay, qui chapeaute l’initiative chez Blablacar.
Selon UBIFrance, l’agence française pour le développement international des entreprises, 135 000 Français ayant une formation équivalente à un master sont installés aux Etats-Unis, dont 40 000 dans la région de San Francisco. Pour ces expatriés, rentrer ou pas est un dilemme récurrent. Grégory Boutté, l’ancien directeur général d’eBay France, a noté deux catégories d’entrepreneurs : « Ceux qui ont fui la France et ce qu’ils estiment être sa réalité dysfonctionnelle. Et ceux qui sont partis pour vivre une expérience intéressante ailleurs. »»
Un interlocuteur pense que c’est peut-être encore un peu tôt pour conclure, les Léons reviendront peut être un peu plus tard.
Mais quelle drôle d’idée de donner le nom de « Léon » à ce programme.

Mardi 15 décembre 2015

Mardi 15 décembre 2015
«Pendant ce temps-là, nous nous sommes vieux, divisés, et […] nous ne travaillons plus, nous n’avons plus d’idées.
La droite est une langue morte ce soir, nous n’avons plus d’ossature idéologique.»
Jean-Baptiste Blanc, élu Les Républicains (LR) dans le Vaucluse
Mediapart organise le soir des élections une soirée électorale en vidéo, filmée avec des moyens plus légers que la télévision et avec des échanges et des analyses souvent d’un grand intérêt.
Le 13 décembre ils avaient invité Jean-Baptiste Blanc, vice-président Les Républicains (LR) au conseil départemental du Vaucluse, un des départements de PACA. Je ne le connaissais pas mais sa description et son analyse de la capacité du Front National de séduire l’électorat et de plus en plus de militants politiques de droite me parait du plus grand intérêt.
Vous trouverez cet échange ici : https://www.youtube.com/watch?v=SyMsWS0kp_M
Vous trouverez en pièce jointe les principaux points de son intervention
Il dit notamment :
« Il y a urgence absolue, ce n’est pas la victoire ce soir qui va changer la donne. Je m’en réjouis bien sûr, que ce front républicain, même si c’est un mot tabou, ait fonctionné. […] pour moi le problème est intact : dans mon département ce soir, Marion Le Pen est encore en tête, dans ma ville elle gagne 850 voix entre les deux tours, dans les villages aux alentours elle est à 60. Donc le mal est profond, il est viscéral, et il est déjà très tard. Donc pour moi c’est une victoire pas en demi-teinte, mais au goût amer.
Cette critique vaut pour la gauche aussi. Nous sommes des vieux partis, nous sommes vieillissants, divisés, nous ne nous sommes pas renouvelés, alors qu’en face oui, ils sont en train de faire du RPR années 1990. Il n’y a qu’à voir la page Facebook de Marion Le Pen : 300 000 personnes la suivent et au soir du premier tour 110 000 personnes ont liké, évidemment que des jeunes. Donc les jeunes, les classes populaires, et chez nous les vieux partis divisés. C’est quoi, à l’échelle de PACA ? Des maires, très implantés, très anciens, à Marseille, à Aix. Dans mon département, c’était Marie-Josée Roig [ancienne maire d’Avignon – ndlr], Thierry Mariani [ancien député du Vaucluse – ndlr], et depuis plus grand-chose, si ce n’est quelques élus, dont je fais modestement partie, qui essayent de survivre, et survivre à quelles conditions ? Cela se joue là.
Alors qui vote pour nous ? Un électorat vieillissant aussi, et c’est bien cela le problème. On fait 16 %, la gauche 17 % dans mon département, le Vaucluse, qui est un département très à part. On en a l’image du festival d’Avignon, du Lubéron, du Ventoux, une image très heureuse, très belle, ce qui est le cas, qui cache la réalité : le 7e département le plus pauvre de France, 20 000 Vauclusiens au RSA, le plus faible taux de diplômés en France, etc. Pourquoi ? Parce qu’on a eu une agriculture très riche, et pas d’après. L’histoire d’après, nous ne l’avons pas écrite. Parce que nous n’avons pas eu de chef, nous ne nous sommes pas renouvelés, nous sommes donc vieux, fatigués. Je me souviens de l’ancienne assemblée départementale (2008-2014) : sur 24 élus, on était deux à avoir moins de 50 ans, il y avait trois femmes dont deux d’extrême droite – on ne peut pas dire que ça représente les femmes –, zéro issu de l’immigration – au moins le problème est réglé –, et on devait être deux à avoir une activité professionnelle. Qu’est-ce que cette assemblée départementale-là pouvait avoir comme sens des réalités? En quoi était-elle représentative ? En rien. […] C’est un peu le Rotary Club
[La droitisation], ce n’est pas la bonne stratégie, la preuve avec les scores que nous faisons. En même temps, nous sommes obligés de nous livrer à cet exercice parce que nos propres militants, ou le peu qu’il en reste, nous ne pouvons les garder que si nous tenons ce discours dur-là. Je me souviens aux élections départementales avoir passé mon temps – ce n’est pas très heureux de ma part –, à parler de répression de la fraude en ce qui concerne le RSA, là dernièrement à parler de suspension des mesures d’accueil des réfugiés syriens dans les HLM du Vaucluse. Si nous ne faisons pas ça, nous n’avons définitivement plus aucun militant.
[…]
« La nouveauté depuis les élections départementales de mars, c’est la porosité et une parole publique qui s’est libérée. Je la niais auparavant, je la constate maintenant fortement : il y a des bataillons de militants et de jeunes trentenaires et quadras qui filent au Front national parce que c’est très attractif. […] Comme ils arrivent à séduire, les vannes sont ouvertes. […] Ils ont des mandats, donc ils ont des tribunes, et ils les utilisent. Il y a, au département, des élus Front national extrêmement présents, qui vont dans tous les dossiers, qui captent la parole en séance publique et qui vont sur le terrain partout : office départemental HLM, les collègues, etc., à chaque fois avec un discours extrêmement travaillé. Très facile, là, d’attraper une nouvelle clientèle : des professeurs par-ci, par-là, des quadras apparatchiks ex-Républicains qui n’ont pas trouvé de places dans un cabinet ou un conseil municipal, un peu frustrés, et qui voient là la possibilité de rebondir. Et comme pendant ce temps-là, nous nous sommes vieux, divisés, et que nous ne travaillons plus, nous n’avons plus d’idées. La droite est une langue morte ce soir, nous n’avons plus d’ossature idéologique. […] Ils sont très attractifs et nous, nous ne représentons plus grand-chose. »
Je pense que si un élu de gauche parlait avec la même liberté  que Jean-Baptiste Blanc, il ne pourrait que dire des choses analogues : nous sommes vieux, ne travaillons plus [les élus sont dans la réaction aux évènements et dans la stratégie électorale], n’avons plus d’idées…

Lundi 14 décembre 2015

Lundi 14 décembre 2015
«COP21 : un immense succès diplomatique, mais un échec climatique»
Frédéric Lewino sur le site du Point
Au soir du samedi 12 décembre les médias français disposaient de 3 sujets principaux pour la publication d’informations : L’accord de Paris suite aux négociations de la COP21, les élections régionales françaises de dimanche et… le tirage au sort des groupes du premier tour de l’Euro 2016 de football en France. Je n’ai pas réalisé une étude scientifique mais un simple survol des principaux médias  me fait penser que c’était cette dernière actualité qui occupait le plus de place…
Mais soyons juste, la COP21 a quand même occupé une place très importante et on a vu les embrassades et les applaudissements, les larmes de Fabius pour qui la concrétisation de cet accord est probablement le plus grand succès de sa longue carrière d’homme politique.
Que penser de cet accord ?
Selon le débat organisé par MEDIAPART, hier soir, pour l’instant nous sommes toujours dans une logique de réchauffement supérieur à 3°C d’ici la fin du siècle ce qui rendra la vie sur terre très compliquée dans certaine région du Globe et conduira à des migrations massives de population à côté desquelles, la crise migratoire modeste actuelle en Europe est dérisoire. L’accord de Paris, que vous trouverez en pièce jointe, se base sur des « promesses » de chacun d’essayer de faire des efforts pour parvenir en dessous de 2°C, il y a même tentative de s’approcher de 1,5°.
Les 29 articles de l’accord devront encore être ratifiés par chacun des pays signataires dans le respect des procédures prévues dans chacun des Etats. Ainsi la ratification de ce traité par le Sénat des Etats Unis est loin d’être acquis.
« Le mode de vie des Américains n’est pas négociable », affirmait, en 1992 lors de la conférence de Rio, Georges Bush (père), alors président des Etats-Unis.
<J’ai trouvé cet article du Point> qui me semble donner un éclairage intéressant et dont j’ai tiré le mot du jour d’aujourd’hui :
«L’accord contre le réchauffement est réellement historique. Reste que pour y arriver, de nombreux compromis ont vidé le texte de sa substance.
Hier, c’était le temps de l’euphorie. Nous n’avons pas eu le cœur de gâcher la fête. Même Laurent Fabius n’a pu retenir une petite larme au moment d’annoncer l’accord. La France, mais aussi le monde entier, craignait tellement de ne pas y parvenir. Après l’échec cuisant de la COP de Copenhague en 2009, toutes les délégations, toutes les organisations non gouvernementales s’étaient dit « Plus jamais ça ! » Mission remplie. Il y a eu un accord. Il fallait voir le ministre chinois tomber dans les bras de John Kerry. Ségolène Royal, presque danser la gigue avec Ban Ki-moon. Toute la soirée, les tweets ont chauffé. Manuel Valls : « Une victoire pour la planète. » Cécile Duflot : « Formidable ! C’est maintenant que tout commence ! Aux actes ! » Barack Obama : « C’est énorme : la quasi-totalité des pays du monde ont signé l’accord de Paris sur le changement climatique. »
Pendant quelques heures, la planète a oublié ses conflits, ses épidémies, ses inondations. Gloire à Laurent Fabius qui a su faire un triomphe planétaire d’un accord vidé d’une grande part de sa substance. S’il existait un césar de la diplomatie, il le mériterait mille fois. Il a su rallier tous les récalcitrants en multipliant les compromis. Bref, la COP21 s’achève sur un immense succès diplomatique, voilant une retraite climatique. Sans vouloir jouer les rabat-joie, faut-il vraiment s’extasier devant un objectif de contenir l’augmentation de la température de la planète à 2 °C (et de même de poursuivre les efforts pour viser 1,5 °C, afin d’avoir les voix des petits états insulaires) alors que la réalité est bien autre ? Dans le même temps, les engagements de réduction des gaz à effet de serre pris par 187 pays conduisent à un réchauffement supérieur à 3 °C d’ici à la fin du siècle. […] L’accord ne mentionne aucune date pour un pic d’émissions mondiales de gaz à effet de serre. « Aussi tôt que possible » est-il seulement mentionné. Pour cacher ce flou, l’accord fait miroiter une révision à la hausse des engagements. Laurent Fabius l’aurait voulu dès 2017. Il faudra attendre 2025. Bien trop tard, selon les climatologues, si l’on veut endiguer un réchauffement porteur de graves perturbations climatiques.
De même, pour ne pas perdre en route l’Arabie saoudite et le Venezuela qui dépendent du pétrole pour leurs ressources économiques, a-t-il fallu laisser dans le flou la date finale d’utilisation du pétrole. Quant à la création d’une taxe carbone, il n’y est plus fait mention dans l’accord. Certaines grandes ONG demandaient une date pour le remplacement des énergies fossiles par les énergies renouvelables. On l’a oublié. Qu’en est-il enfin du fameux fonds vert de cent milliards de dollars annuels que les pays riches se sont engagés à verser aux pays pauvres à partir de 2020 à Copenhague. Il reste toujours à l’appréciation des futurs donateurs, sans obligation contraignante. Pour calmer les pays du Sud, il a fallu mentionner dans l’accord que cette somme de cent milliards devra être un plancher pour l’après 2020 avec un nouvel objectif chiffré devant être défini au plus tard en 2025. Des promesses, rien que des promesses… Combien de temps encore les pays du Sud s’en contenteront-ils ?
Petite anecdote significative des compromis qu’il a fallu admettre. Le texte original de l’accord comprenait cette phrase : « Les pays développés doivent continuer à être en première ligne pour mener à bien des plans nationaux de réduction d’émissions de gaz à effet de serre. » Dans la version anglaise, le terme employé pour « doivent » est « shall ». En lisant cela, John Kerry saute au plafond, car « shall » est juridiquement contraignant. Le Sénat américain à majorité républicaine n’aurait alors pas ratifié l’accord. Bref, dans la version définitive, le « shall » est devenu « should » (devrait), qui n’est plus contraignant. Cette correction a ulcéré le Nicaragua qui refusait de signer l’accord avant que des interventions personnelles d’Obama et de Raul Castro auprès de son gouvernement ne l’amènent à se coucher.
De toute façon, on ne voit pas trop comment l’accord pourrait être contraignant. Il faudrait déjà être capable de mesurer exactement les émissions de gaz à effet de serre, ce qui n’est pas une mince affaire, même en utilisant des satellites. Mais, surtout, qui se chargerait d’imposer des sanctions au pays fautif ? Par exemple, qui oserait demander des comptes au géant chinois, qui encore récemment, a avoué qu’il avait sous-évalué sa consommation de charbon de plusieurs centaines de millions de tonnes ? Néanmoins, il faut reconnaître deux grandes avancées à la COP21. Celui d’avoir uni tous les pays de la planète (hormis une poignée, dont la Corée du Nord) dans une même croisade climatique. Même s’il arrive tardivement, ce premier pas est appréciable. Enfin, la conférence de Paris a marqué une implication exceptionnelle de tous les acteurs de la société civile : les entreprises, les villes, les associations, les particuliers. Si on devait, par miracle, échapper à un dérèglement climatique majeur, ce serait surtout à ceux-ci qu’on le devrait. Reste maintenant pour les 195 parties impliquées (194 nations plus l’Europe) à ratifier l’accord de Paris dans les mois à venir. Et là, de mauvaises surprises peuvent encore surgir…»
Restons positif, il vaut mieux que la conférence de Parais ait abouti à un accord contrairement à la < triste conférence de Copenhague de 2009 >. Au moins, grâce à ces accords un processus est engagé et les discussions continuent.
Toutefois, on sent bien que ce qu’il faudrait faire demanderait des évolutions considérables dans notre manière de vivre et de nous comporter. Y sommes-nous prêts ?

Vendredi 11 décembre 2015

Vendredi 11 décembre 2015
«Dîtes aux gens que vous aimez, que vous les aimez.»
La famille de Yannick Minvielle une des victimes du bataclan
Il n’est pas possible et pas très raisonnable d’avoir tous les jours un mot de la consistance intellectuelle de celui consacré au discours de Helmut Schmidt en décembre 2011.
Celui d’aujourd’hui à une consistance moindre en intellect, mais il est tout aussi profond pour ce qui est essentiel et donne goût à notre vie terrestre.
C’est la revue de presse de Frédéric Pommier du 5 décembre qui a cité Libération qui m’a poussé à écrire ce mot :
«Dans LIBERATION, vous lirez les remerciements de la famille de Yannick Minvielle. Il allait avoir 40 ans, et il compte parmi les victimes de la tuerie au Bataclan. Et ce sont donc ses proches qui ont rédigé quelques lignes publiées dans le journal… Ses parents, sa sœur, son frère, son petit prince de fils…
« Merci, le mot est bien faible, écrivent-ils, pour vous exprimer toute la chaleur, la douceur que vous nous avez apportées pour accompagner Yannick. Malgré les centaines, voire le millier et plus, de marques de sympathie, par votre présence, votre pensée, vos messages, vos fleurs, soyez assurés que nous avons tout vu, lu, entendu et retenu. Nous regrettons sincèrement de ne pouvoir répondre à chacun. Mais si Yannick vous a apporté du bonheur, redistribuez-l : il vous a aimé. Partagez largement cet amour et surtout, c’est important : « Dîtes aux gens que vous aimez, que vous les aimez. » »
Frédéric Pommier a fini son émission en faisant écouter la chanson chantée par la famille Chedid : <On ne dit jamais assez aux gens qu’on aime qu’on les aime dans une version live à Bercy>    <Ou ici une version enregistrée en studio>
Le Monde a décidé de publier un article sur chacune des victimes des attentats de Novembre :
<615>

Jeudi 10 décembre 2015

Jeudi 10 décembre 2015
«  Nous n’aurions pas pu nous imaginer en 1918, en 1933, ni même en 1945, que la majeure partie de l’Europe jouirait des droits de l’homme et de la paix.
Travaillons et luttons pour que cette Union européenne historique puisse sortir de cette période de faiblesse actuelle, plus stable et plus confiante en ses propres capacités ! »
Helmuth Schmidt

L’actualité se bouscule ces derniers temps à un tel point qu’il reste peu d’espace pour s’arrêter et se pencher sur des moments hors du temps.

Il y a quelques semaines Helmut Schmidt est mort à 96 ans.

Il était né en 1918 et il est décédé le 10 novembre 2015.

Il fut un grand chancelier d’Allemagne et participa énormément à la construction européenne, grâce à une remarquable entente avec Giscard d’Estaing.

Dans plusieurs des mots du jour, de manière explicite ou implicite, j’oppose l’homme d’État qui pense aux générations futures et l’homme politique qui pense aux élections futures.

Ici nous avons un homme d’Etat qui possède la compréhension de l’Histoire et qui réfléchit à l’action dans ce cadre.

Il a prononcé fin 2011, au congrès du SPD, à 93 ans, en chaise roulante, un discours exceptionnel que celles et ceux qui comprennent l’allemand trouveront  <ICI>.

Pour ma part je l’ai découvert presque immédiatement après qu’il eut été prononcé et je souhaitais en faire un mot du jour. Mais il fallait traduire ce discours qui dure plus d’une heure, traduction que je n’ai pas trouvée alors.

Il était au-dessus de mes forces et disponibilités actuelles de la réaliser moi-même.

Mais après son décès, des traductions sont apparues, vous trouverez en <ICI le discours d’Helmut Schmidt traduit> l’une d’entre elles.

Je vous conseille de lire ce discours dans son intégralité et dans la force de l’argumentation intégrale sans passer par les quelques extraits que je vous propose ci-après pour convaincre celles et ceux qui ne le seraient pas spontanément de l’intérêt de lire un tel acte d’intelligence où il décrit la position de l’Allemagne au centre de l’Europe, des conséquences de cette géographie, de la responsabilité allemande et du manque de clairvoyance des politiciens actuels sur les déséquilibres qui avantagent à court terme l’Allemagne mais ne saurait être de bon augure pour l’avenir.

«  […] Vue d’Europe centrale, l’histoire de l’Europe peut s’interpréter comme une succession quasiment interminable de conflits entre la périphérie et le centre et entre le centre et la périphérie.

Le centre de l’Europe ayant toujours été le champ de bataille prépondérant. Lorsque les dirigeants ou les peuples du centre de l’Europe s’affaiblissaient, leurs voisins de la périphérie se jetaient sur le centre affaibli. La guerre de 30 ans, entre 1618 et 1648, qui s’est déroulée essentiellement sur le sol allemand, s’est soldée par un bilan sans équivalent, tant en termes de destruction matérielle qu’en nombre de pertes humaines. A l’époque, l’Allemagne n’était qu’un terme géographique, les pays germanophones étaient mal délimités. Arrivèrent ensuite les Français, d’abord sous Louis XIV et une seconde fois sous Napoléon. Les Suédois ne sont pas revenus une seconde fois ; mais les Anglais sont venus à plusieurs reprises, tout comme les russes, la dernière fois en date ayant été sous Staline.

Mais lorsque les dynasties ou les États du centre de l’Europe étaient forts, ou lorsqu’ils pensaient l’être, ils se jetaient à leur tour sur la périphérie. Ce fut déjà le cas pour les croisades, qui étaient des campagnes de conquêtes, pas uniquement en direction de l’Asie Mineure et de Jérusalem, mais aussi en direction de la Prusse orientale et des trois pays baltes actuels. A l’époque des temps modernes, cela fut le cas lors de la guerre contre Napoléon et des trois guerres qui ont éclaté sous Bismarck, en 1864, 1866, 1870/71.

Il en fut de même lors de la seconde guerre de trente ans, de 1914 à 1945, mais aussi tout particulièrement lorsqu’Hitler entreprit des avancées jusqu’au Cap Nord, dans le Caucase, en Crète, jusqu’au sud de la France et même jusqu’à Tobrouk, ville située à proximité de la frontière entre la Lybie et l’Égypte. La catastrophe européenne provoquée par l’Allemagne englobe le massacre des juifs européens et la destruction de l’état national allemand.

Auparavant, les Polonais, les États baltes, les Tchèques, les Slovaques, les Autrichiens, les Hongrois, les Slovènes et les Croates, partageaient le destin des Allemands, souffrant depuis des siècles de leur position géopolitique centrale sur ce petit continent européen. Ou, pourrait-on dire : Nous, les Allemands, avons maintes fois fait souffrir d’autres peuples de par notre position de puissance centrale. […]

Il me semble primordial, pour nous Allemands, que quasiment tous les voisins de l’Allemagne, ainsi que tous les Juifs du monde, se souviennent de l’Holocauste et des infamies commises à l’époque de l’occupation allemande dans les pays de la périphérie. Nous, Allemands, ne sommes pas assez conscients du fait qu’il règne, chez presque tous nos voisins, et sans doute pour plusieurs générations encore, un sentiment latent de méfiance à l’égard des Allemands. Les générations nées après la guerre doivent elles aussi vivre avec ce fardeau historique. Et les générations actuelles ne doivent pas oublier que c’est cette méfiance à l’égard du futur développement de l’Allemagne qui a mené, en 1950, aux débuts de l’intégration européenne.

En 1946, le discours de Churchill prononcé à Zurich et invitant les Français à se réconcilier avec les Allemands et à constituer ensemble les États-Unis d’Europe, était motivé par deux raisons : premièrement, une défense commune contre l’Union soviétique jugée menaçante et, deuxièmement, l’intégration de l’Allemagne dans un réseau occidental plus vaste. Car Churchill prévoyait le renforcement de l’Allemagne. […]

Je me permets d’ouvrir ici une petite parenthèse personnelle. J’ai écouté le discours de Jean Monnet à l’occasion de son comité « Pour les États-Unis d’Europe ». C’était en 1955. Je considère Jean Monnet comme l’un des Français les plus visionnaires qu’il m’ait été donné de rencontrer, en particulier en termes d’intégration, par son concept d’une approche progressive de l’intégration européenne. Depuis ce jour, je suis devenu et je suis resté partisan de l’intégration européenne, par conscience de l’intérêt stratégique de l’Allemagne et non par idéalisme, un partisan de l’intégration de l’Allemagne. […]

Si, aujourd’hui, en 2011, l’on observe l’Allemagne depuis l’extérieur, avec les yeux de nos voisins proches et plus éloignés, on constate que l’Allemagne suscite, depuis une dizaine d’années, un certain malaise, et depuis peu, une inquiétude politique. Au cours des dernières années, des doutes importants sont apparus s’agissant de la continuité de la politique allemande. La confiance en la fiabilité de la politique allemande a été atteinte.

Ces doutes et ces inquiétudes sont également à mettre sur le compte des erreurs de politique étrangères de nos politiciens et gouvernements allemands. Ils reposent, d’autre part, sur la surprenante force économique de l’Allemagne réunifiée. A compter des années 1970, l’économie du pays, qui était encore divisée, s’est développée pour devenir l’une des plus fortes d’Europe. C’est l’une des économies les plus solides au monde sur le plan technologique, financier et social. Notre puissance économique et notre paix sociale toute aussi stable ont toutefois suscité des jalousies, d’autant plus que notre taux de chômage et notre taux d’endettement se situent dans la fourchette normale au niveau international.

Mais nous ne sommes pas suffisamment conscients du fait que notre économie, intégrée dans le Marché commun et mondialisée, est dépendante de la conjoncture mondiale. Il faut donc s’attendre à ce que les exportations allemandes n’augmentent pas particulièrement au cours de l’année à venir.

Cela a simultanément engendré une tendance désastreuse : des excédents à la fois énormes et durables de notre balance commerciale et de notre balance des opérations courantes. Depuis des années, ces excédents représentent 5% de notre produit national brut. Ils sont aussi importants que les excédents de la Chine. Nous avons tendance à l’oublier, car les excédents s’expriment non plus en DM mais en Euros. Il est toutefois temps que nos politiciens prennent conscience de la situation.

Car tous nos excédents sont en réalité les déficits des autres. Nos créances sont leurs dettes. Il s’agit d’une fâcheuse atteinte à l’idéal légitime que, jadis, nous prônions : « l’équilibre des échanges extérieurs ». Cette atteinte ne peut qu’inquiéter nos partenaires. Et lorsque s’élèvent des voix étrangères, souvent américaines mais aussi d’autres pays, pour demander à l’Allemagne de jouer un rôle moteur en Europe, de nouvelles craintes s’éveillent chez nos voisins. Et ce n’est pas sans rappeler de mauvais souvenirs. […]

Lorsque je repense à l’année 1945 ou à l’année 1933, je venais d’avoir 14 ans, les progrès réalisés jusqu’à présent me semblent presqu’incroyables. Les progrès accomplis par les Européens depuis le Plan Marshall en 1948, le Plan Schumann en 1950, grâce à Lech Walesa et Solidarnosc, grâce à Vaclav Havel et à la Charte 77, grâce à chaque Allemand à Leipzig et à Berlin Est depuis le Grand Tournant en 1989/91. Nous n’aurions pas pu nous imaginer en 1918, en 1933, ni même en 1945, que la majeure partie de l’Europe jouirait des droits de l’homme et de la paix. Travaillons et luttons pour que cette Union européenne historique puisse sortir de cette période de faiblesse actuelle, plus stable et plus confiante en ses propres capacités ! »

Un homme d’État, je vous dis. Mais il faut lire son discours dans son intégralité pour suivre le cheminement de sa pensée.

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