Vendredi 29 mars 2019

« Reste simplement là. »
David Servan Schreiber

Parallèlement au livre de Simonton, je lis aussi le premier livre de David Servan-Schreiber : « Anticancer ».

C’est un livre qui avait aussi renouvelé l’approche de cette maladie, beaucoup de conseils notamment alimentaires sont donnés, ainsi que des explications sur la manière dont elle se déclare et se développe.

Mais ce qui me fascine, avant tout, dans cet ouvrage, c’est l’humanisme qui s’en dégage.

David Servan Schreiber se décrit, avant, comme un jeune chercheur en neuroscience, ambitieux essayant de trouver des réponses grâce à la technologie la plus moderne, se désintéressant beaucoup des patients, peu enclin à des réflexions humanistes, tellement obnubilés par la réussite de ses recherches qu’il était prêt à sacrifier sa vie personnelle et sentimentale.

Et puis il y a après, après la découverte de son cancer.

Et dans son chapitre 5 « Annoncer la nouvelle », il raconte une histoire et exprime aussi toute l’élévation spirituelle que lui a apporté et fait comprendre ce qui lui arrivait.

Et je voudrais partager le début de ce chapitre.

Souvent quand sait qu’une personne qu’on aime ou simplement qu’on apprécie est touchée par une maladie incurable ou très grave, on ne sait pas comment réagir, on ne sait pas quoi dire, on voudrait aider mais le comment ne nous apparait pas. Quelquefois on est tellement mal qu’on peut aller jusqu’à fuir la présence de cette personne.

En toute simplicité, David Servan Schreiber répond à cette angoisse et peur : « reste simplement là » :

« La maladie peut être une traversée terriblement solitaire. Quand un danger plane sur une troupe de singes, déclenchant leur anxiété, leur réflexe est de se coller les uns aux autres et de s’épouiller mutuellement avec fébrilité. Cela ne réduit pas le danger, mais cela réduit la solitude.

Nos valeurs occidentales, avec leur culte des résultats concrets, nous font souvent perdre de vue le besoin profond, animal, d’une simple présence face au danger et à l’incertitude. La présence, douce, constante, sûre, est souvent le plus beau cadeau que puissent-nous faire nos proches, mais peu d’entre eux en savent la valeur.

J’avais un très bon ami, médecin à Pittsburgh comme moi, avec qui nous aimions débattre sans fin et refaire le monde. Je suis allé un matin dans son bureau pour lui annoncer la nouvelle de mon cancer. Il a pâli pendant que je lui parlais, mais il n’a pas montré d’émotion. Obéissant à son réflexe de médecin, il voulait m’aider avec quelque chose de concret, une décision, un plan d’action. Mais j’avais déjà les cancérologues, il n’avait rien à apporter de plus sur ce plan. Cherchant à tout prix à me donner une aide concrète, il a maladroitement abrégé la rencontre après m’avoir prodigué plusieurs conseils pratiques, mais sans avoir su me faire sentir qu’il était touché par ce qui m’arrivait.

Quand nous avons reparlé plus tard de cette conversation, il m’a expliqué un peu embarrassé : « Je ne savais pas quoi dire d’autre. »

Peut-être ne s’agissait-il pas de « dire ».

Parfois ce sont les circonstances qui nous forcent à redécouvrir le pouvoir de la présence. Le docteur David Spiegel raconte l’histoire d’une de ses patientes, chef d’entreprise, mariée à un chef d’entreprise. Tous deux étaient des bourreaux de travail et avaient l’habitude de contrôler par le menu tout ce qu’ils faisaient. Ils discutaient beaucoup des traitements qu’elle recevait, mais très peu de ce qu’ils vivaient au fond d’eux-mêmes. Un jour, elle était tellement épuisée après une séance de chimiothérapie qu’elle s’était effondrée sur la moquette du salon et n’avait pas pu se relever. Elle avait fondu en larmes pour la première fois. Son mari se souvient : «  Tout ce que je lui disais pour essayer de la rassurer ne faisait qu’aggraver la situation. Je ne savais plus quoi faire, alors j’ai fini par me mettre à côté d’elle par terre et à pleurer aussi. Je me sentais terriblement nul parce que je ne pouvais rien faire pour qu’elle se sente mieux. Mais c’est précisément quand j’ai cessé de vouloir résoudre le problème que j’ai pu l’aider à se sentir mieux. »

« Dans notre culture du contrôle et de l’action, la présence toute simple a beaucoup perdu de sa valeur. Face au danger, à la souffrance, nous entendons une voix intérieure nous houspiller : « Ne reste pas là comme ça. Fais quelque chose ! » Mais dans certaines situations, nous aimerions pouvoir dire à ceux que nous aimons : « Arrête de vouloir à tout prix «  faire quelque chose ». Reste simplement là !  »

Certains savent trouver les mots que nous avons le plus besoin d’entendre. J’ai demandé à une patiente qui avait beaucoup souffert pendant le long et difficile traitement de son cancer du sein ce qui l’avait le plus aidée à tenir moralement. Mish y a réfléchi plusieurs jours avant de me répondre par email :

« Au début de ma maladie, mon mari m’a donné une carte que j’ai épinglée devant moi au bureau. Je la relisais souvent. Sur la carte, il avait écrit : « Ouvre cette carte et tiens-la contre toi…
Maintenant, serre fort. »

A l’intérieur, il avait tracé ces mots : « Tu es mon tout – ma joie du matin, ma rêverie sexy, chaleureuse et rieuse du milieu de la matinée, mon invitée fantôme à déjeuner, mon anticipation croissante du milieu de l’après-midi, ma douce joie quand je te retrouve le soir, mon sous-chef de cuisine, ma partenaire de jeu, mon amante, mon tout »

Puis la carte continuait : « tout va bien se passer. »
Il avait écrit en dessous : « et je serai là, à tes côtés, toujours.»

Je t’aime.

PJ.

Il a été là à chaque pas. Sa carte a tellement compté pour moi.
Elle m’a soutenue tout au long de ce que j’ai vécu.
Puisque vous vouliez savoir…

Mish »

Voilà…simplement … l’essentiel….

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Jeudi 28 mars 2019

« L’effet placebo explique peut-être une partie du bénéfice reçu d’un vrai médicament. »
Carl Simonton

Martine est une ancienne infirmière en unité de cancérologie. Elle m’a conseillé un livre à lire, car c’était un livre qui l’a beaucoup inspiré ainsi que tout son service, par son approche de la maladie et plus encore des thérapies et de la démarche pour donner une chance à la guérison. J’ai donc suivi ce conseil et je suis en train de lire « Guérir envers et contre tout ».

Carl Simonton (1942 – 2009) était un médecin américain, cancérologue et radiothérapeute. Il a écrit ce livre avec son épouse Stéphanie Matthews Simonton, psychologue et James Creighton, psychothérapeute. Il a été publié aux Etats-Unis en 1992.

Dans ce livre il insiste beaucoup sur l’aspect psychologique du malade qui a des conséquences fondamentales sur la qualité de vie ainsi que la durée de survie et même la guérison. Il avait constaté qu’avec le même diagnostic, certains patients mouraient et d’autres non. Et même, avec un pronostic plus pessimiste que d’autres, certains connaissaient des rémissions beaucoup plus longues.

Il a observé que certains patients pouvaient retarder l’échéance fatale. Ceux-là marchandaient avec la mort, par exemple : « Je ne peux pas mourir maintenant, je ne peux pas m’en aller avant que ma fille se marie ». Ils se sentent indispensables et pensent qu’ils doivent être là jusqu’à ce que….

Et disons pour faire simple que le docteur Simonton a développé des méthodes qui se basent sur cette réflexion :

« Puisque les malades qui ont guéri sont des battants qui se persuadent et se voient guérir, je me dois donc d’apprendre à mes patients à devenir des lutteurs.  »

Il donne comme conseil essentiel à tout malade d’être acteur de sa thérapie et de sa guérison et non simple spectateur du travail des médecins.

Mais ce que j’entends partager aujourd’hui, c’est une histoire vraie que Simonton raconte dans son livre et que vous trouverez d’ailleurs rapporter par plusieurs sites qui essaient d’approcher le phénomène de l’effet placebo :

« Un exemple particulièrement spectaculaire et dramatique, de l’effet placebo a été rapporté par le Docteur Bruno Klopfer, un chercheur travaillant à tester le médicament appelé Krebozien. En 1950, le Krebozien reçu une publicité nationale américaine formidable comme « cure » du cancer, et était en train d’être testé par l’association médicale américaine et le service national américain de contrôle des aliments et produits par. Un patient du Docteur Bruno Klopfer avait un lumphosarcome, un cancer généralisé, très avancé, qui touche les ganglions lymphatiques. Le patient avait des masses tumorales énormes partout dans son corps, et il était dans un état physique si désespéré, qu’il avait souvent besoin de prendre de l’oxygène à l’aide d’un masque ; il fallait lui enlever du liquide de sa poitrine tous les deux jours.

Lorsque le patient découvrit que le docteur Klopfer travaillait dans l’équipe de recherche sur le Krebozien, il supplia qu’on lui fasse le traitement au Krebozien.

Klopfer accepta et le rétablissement du patient fut étonnant. En peu de temps, les tumeurs avaient diminué de façon spectaculaire et le patient pu reprendre une vie normale, piloter son avion privé.

Puis lorsque les rapports de l’association médicale américaine et du service national américain de contrôle des aliments et produits pharmaceutiques sur les résultats négatifs du Krebozien commencèrent à être publiés, l’état du patient empire. Croyant les circonstances assez graves pour justifier des mesures exceptionnelles, Klopfer raconta à son patient qu’il avait obtenu un autre Krebozien, super raffiné, doublement puissant et qui produirait les meilleurs résultats.

En fait les injections que fit Klopfer n’étaient que de l’eau distillée.

Néanmoins, le rétablissement du patient fut encore plus remarquable. Encore une fois, les masses malignes fondirent, le liquide dans la poitrine disparut, et il redevint autonome ; même il reprit le pilotage de son avion. Le patient resta libre de tout symptôme durant deux mois. La foi celle du patient, indépendante de la valeur du médicament, avait produit son rétablissement.

Puis d’autres articles sérieux sur les tests, des rapports médicaux (A.M.A.) et gouvernementaux (F.D.A.) parurent dans la presse : « Des tests de portée nationale montrent que le Krebozien est un médicament sans valeur dans le traitement du cancer ». En l’espace de quelques jours, le patient mourut. »

L’effet placebo explique peut-être une partie du bénéfice reçu d’un vrai médicament. L’effet est créé aussi bien par la manière dont le docteur prescrit ou administre le médicament que par le processus par lequel les médicaments sont cautionnés par la profession médicale. Tout le monde sait que dans nos pays les nouveaux médicaments doivent subir au préalable des tests poussés par des laboratoires pharmaceutiques et qu’ils doivent être approuvés par le gouvernement. […] Le rite qui établit la croyance sociale dans le traitement médical est complet, on vient à croire que le médicament ordonné par un médecin doit être efficace.

Voici l’histoire : c’est parce que le malade croit que le médicament va le guérir, que le cancer recule et lorsque définitivement, il n’y croit plus, il meurt.

Dire que la psychologie est essentielle est certes intéressant, mais n’explique pas au fond ce qui se passe.

D’autres livres expliquent parfaitement que tout le monde développe des cellules cancéreuses au cours de sa vie, mais tous ne développent pas cette maladie.

La raison en est connue désormais, c’est parce que le système immunitaire, détecte les cellules anormales et déviantes et les neutralise.

Chez tous ceux qui n’ont pas le cancer, ce mécanisme fonctionne.

Pour ceux qui ont le cancer, il y a eu une faille dans la défense immunitaire.

Dans ce cadre, on peut admettre que le cerveau et donc ce que croit le cerveau a une influence essentielle sur le fonctionnement du système immunitaire.

Le médicament, dans cette hypothèse, ne guérit pas directement, mais aide notre système de défense à se mobiliser davantage et à faire le job.

Au-delà des recherches qui visent à renforcer directement le système immunitaire pour lui permettre de redevenir efficace, il me semble donc essentiel de comprendre que nous disposons, en nous, des outils et des armes pour vaincre la maladie. Il est donc bien important de se sentir acteur de sa guérison. Si on peut espérer que des médicaments peuvent nous aider dans cette tâche, ils ne peuvent pas grand-chose si notre corps ne mène pas la lutte.

Cela ouvre d’ailleurs des perspectives de compréhension dans d’autres domaines de réflexion.

Il est établi que des personnes qui sont allées en pèlerinage à Lourdes, ont été guéries.

Mais quand on sait ce que cette histoire racontée par Simonton nous apprend, nous ne pouvons pas être surpris que des personnes qui manifestent sincèrement une croyance forte à la toute-puissance de Dieu, peuvent dans le rituel du pèlerinage parvenir à mobiliser les ressources de leur corps et de leur défense immunitaire pour guérir.

Cela conduit à une conclusion simple : Dieu est un placebo !

Pour celles et ceux qui seraient choqués par ce constat brutal, il est possible d’exprimer cela de manière plus nuancée :

Les guérisons miraculeuses sont la résultante d’un effet placebo.

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Mercredi 27 mars 2019

« Notre société ne tient que grâce aux gens gentils »
Christophe André

C’est une émission que je ne fréquente pas, je veux parler des « Grandes gueules » de RMC.

Mais une lecture m’a amené vers un cours extrait de l’émission du 29 janvier 2019, dans laquelle avait été invité Matthieu Ricard et Christophe André.

Et c’est un petit extrait que je voudrais partager aujourd’hui. Il se trouve <ICI>

Les participants de l’émission essaient de prendre en défaut le chantre de la bienveillance, Matthieu Ricard mais ce dernier réplique :

« J’aime bien parler de la banalité du bien. Car il est clair la plupart des gens sur Terre se comportent de manière bienveillante les uns envers les autres, et c’est pour ça qu’on est choqués quand ce n’est pas le cas. La banalité du bien, on n’y fait plus attention. Ce qui est un bon signe ! »

Et Christophe André continue :

« Si vous voulez qu’on parle de vous il vaut mieux donner trois claques à quelqu’un que lui faire un compliment.

Je crois que ça veut dire que ça nous angoisse, que nous sommes fascinés par ce qui nous fait peur. Je pense que notre cerveau primitif cherche à voir d’où vient le mal et comment s’en protéger.

Mais en réalité notre société ne tient que grâce aux gens gentils. Ce sont les bienveilleurs, ceux qui font des actes et délivrent des paroles gentilles, sans se faire remarquer, sans rien demander. »

Je crois qu’il a profondément raison, c’est grâce aux gens gentils que notre société peut tenir.

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Mardi 26 mars 2019

« En 1990, le PIB chinois représentait le 1/3 du PIB français. En 2005, ils sont au même niveau. Aujourd’hui il est 4 fois plus important. »
Pascal Boniface

Pascal Boniface est le directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques.

En quelques mots tout est dit.

1990, c’était il y a 30 ans…

Il y a là une dynamique en œuvre que l’on ne sent pas s’arrêter.

Vous savez tous que le Président chinois rend visite à notre Président.

Ajoutons une petite photo d’actualité pour être complet


Imaginez-vous un monde où la première puissance mondiale est un régime dictatorial ?

C’est ce qui se prépare.

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Lundi 25 mars 2019

« J’aime appuyer ma main sur le tronc d’un arbre devant lequel je passe, non pour m’assurer de l’existence de l’arbre – dont je ne doute pas – mais de la mienne. »
Christian Bobin

Nous avons tous un arbre qui a marqué notre vie. Je me souviens du poirier qui se trouvait dans le jardin de mes parents. Et je me souviens aussi avec douleur lorsque je l’ai vu abattu par les nouveaux propriétaires qui avaient racheté la maison. Annie se souvient des 4 magnifiques arbres centenaires qui se trouvent au milieu de la Place de la république de Strasbourg. Wikipedia nous apprend que le nom de ces arbres est ginkgo biloba; et que ces arbres auraient été offerts à Guillaume Ier par l’empereur du Japon Mutsuhito vers 1880.

Car, bien sûr en 1880, Strasbourg était allemande.

Pour en revenir à l’exergue et à la phrase de Christian Bobin, une visite, hier, au Parc de la Tête d’or a permis de réaliser son vœu.

Une émission de France Culture, déjà ancienne, a évoqué cette pensée du poète : <J’ai un arbre dans ma vie>

Et une autre plus récente dont l’un des invités était Peter Wohlleben : <Raconte-moi les arbres !>

Wohlleben qui est l’auteur de « La vie secrète des arbres » dont j’avais parlé lors du mot du jour du <22 décembre 2017>

Peter Wohlleben qui racontent la vie des arbres, des communautés d’arbres qui partagent, coopèrent, communiquent entre eux..

Car l’arbre est un végétal mais c’est avant tout un être vivant.

Et ce sont êtres vivants ayant le plus d’expérience, il existe des arbres qui sont âgés de milliers d’années.

Ce <site> Regard sur le monde énumère, selon les connaissances actuelles, les plus vieux arbres du monde.

3000 ans est un âge relativement fréquent.

Et quand on mesure des colonies d’arbres issues d’une racine mère unique on arrive à des époques encore plus anciennes. Ainsi dans l’Utah, on a détecté une colonie clonale de peupliers qu’on a appelé « Pando ». Cette colonie de 40 hectares est considérée comme l’organisme vivant le plus lourd et le plus vieux de la planète avec un poids estimé à 6 millions de kilogrammes et un âge de 80 000 ans. Toutes les pousses sont issues d’un immense système racinaire unique.

<Cette page de Futura-sciences>. fait aussi le point sur les végétaux les plus anciens de notre planète.

Nous ne pouvons qu’être très humbles devant tant d’expérience.

Et pour finir encore deux photos d’hier :

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Vendredi 22 mars 2019

« Vagabonds du monde, nous avons perdu un sage. Hackers pour le droit, nous sommes un de moins. Parents, nous avons perdu un enfant. Pleurons » »

Les deux premiers mots du jour de la semaine concernait le Web et notamment son inventeur d’il y a 30 ans : Tim Berners-Lee. Pour finir cette semaine je veux évoquer un autre mythe du Web.

Aaron Schwartz est connu par tous celles et ceux qui ont une culture numérique et se sont intéressés au début du Web.

C’était un génie il est né le 8 novembre 1986 et il s’est donné la mort à 26 ans parce que le monde était contre son idéalisme de partage des connaissances et de coopération.

Il était à la fois technicien de l’informatique, inventeur et penseur politique. Il écrivait beaucoup. Un livre paru en 2017 en France : « Celui qui pourrait changer le monde » rassemble ses principaux textes qui reflètent son engagement intellectuel sur des enjeux sociétaux dont le droit d’auteur, la liberté d’accès des connaissances et des savoirs dont les publications scientifiques ou la transparence en politique.

La préface de ce livre de Lawrence Lessig, professeur de Harvard, autre grand penseur d’Internet que j’ai déjà évoqué plusieurs fois.

D’abord en parlant de son célèbre article de 2000 «The code is Law», «le code est Loi». Et aussi par le mot du jour du <23 juin 2017> où il exprimait qu’«Aujourd’hui dans toutes les grandes démocraties, nous avons le sentiment que le système a failli»

Lawrence Lessig était particulièrement admiratif de ce jeune homme.

Wikipédia nous apprend que malgré son jeune âge et bien qu’il n’ait pas les diplômes requis, Lawrence Lessig le nomme chercheur dans le centre de recherche le « Safra Center for Ethics » axé sur la corruption institutionnelle de l’université Harvard. Au début de leur relation, le juriste était comme un professeur pour Aaron, « mais à la fin, c’était lui mon mentor et moi son élève… ».

Lawrence Lessig le présente de la manière suivante :

« Aaron a appris plus de choses que la plupart d’entre nous n’en apprendront jamais et il a élaboré plus de choses que la plupart d’entre nous n’en élaboreront jamais. […] Peu d’entre nous auront jamais une influence, ne serait-ce que vaguement comparable, à celle qu’a eue ce garçon ».

Wikipedia nous rapporte ses actions selon son âge :

  • À 12 ans, il crée The Info Network, une encyclopédie éditée par les internautes, qui repose sur un principe de collaboration ouvert aux internautes comme Wikipédia10.
  • À 13 ans, il reçoit l’ArsDigita Prize, qui récompense les jeunes gens ayant créé des sites non commerciaux « utiles, éducatifs et collaboratifs ». Le titre lui donne droit à un voyage au MIT, où il rencontre des personnalités importantes du web. Cette même année, sa rencontre avec le juriste et théoricien du droit de l’internet, Lawrence Lessig lors d’une conférence TED fut le point de départ d’une longue collaboration.
  • À 14 ans, il participe à l’élaboration de la spécification 1.0 du format RSS, une technologie permettant de recevoir en direct les mises à jour de sites web.
  • À 15 ans, il contribue au développement informatique de la licence Creative Commons, alternative aux licences du droit d’auteur standard. Dans cette perspective de l’accès libre du droit d’auteur, Aaron Swartz était particulièrement admiratif de Tim Berners-Lee, l’un des principaux créateurs du World Wide Web, du fait de son initiative de laisser sa création libre et gratuite pour qu’elle puisse bénéficier à un large public.

Je vous laisse lire tous les détails sur Wikipedia et d’autres liens que je donnerais à la fin de ce mot du jour. Je résume simplement.

Ce que le monde de l’économie lui reprochait c’est qu’il trouvait la propriété intellectuelle moins importante que le partage forcément gratuit des connaissances. Car lui n’était absolument pas intéressé par l’argent.

Alors, il a fait des choses que la Loi américaine ne permettait pas

Durant son jeune âge, il expérimente ce principe de liberté d’accès des contenus encyclopédiques en utilisant les collections numériques de la bibliothèque du Congrès américain. Utilisant une partie de ses économies pour acquérir les droits des collections numériques, il organise la publication sur le Web des archives des millions de documents sur l’histoire et la culture américaine pour les rendre disponibles en ligne, gratuitement.

Le 19 juillet 2011, il est accusé d’avoir téléchargé 4,8 millions d’articles scientifiques disponibles sur le site de JSTOR qui est une bibliothèque numérique de publications universitaires payantes. Ce n’est pas l’organisation JSTOR qui a pas pris l’initiative de la démarche judiciaire, mais le procureur des États-Unis Carmen Ortiz qui a engagé des poursuites contre Aaron Swartz dans le but de le faire arrêter. La Justice américaine ne pouvait tolérer cet acte qui constituait une révolution dans le fonctionnement de l’économie de la connaissance.

Après la révélation de ses agissements, Aaron Swartz retourne les disques durs contenant les articles, en promettant de ne pas les diffuser. JSTOR décide alors de ne pas entamer de poursuites judiciaires. Néanmoins le bureau du procureur maintient cependant ses poursuites. Le MIT, traditionnel soutien de l’internet libre, choisit de ne pas soutenir Swartz.

Le 11 janvier 2013, Aaron Swartz s’est pendu dans son appartement de Brooklyn. Son procès fédéral en lien avec ces accusations de fraude électronique devait débuter le mois suivant. En cas de condamnation, il encourait une peine d’emprisonnement pouvant atteindre 35 ans et une amende s’élevant jusqu’à 1 million de dollars.

Lors du mot du jour du mardi j’ai donné le lien vers une émission de France Culture : <Qui a trahi le Web ?>. Parmi les intervenants, Hervé Gardette avait invité Flore Vasseur  auteure du livre : <Ce qu’il reste de nos rêves>.

La <Grande Librairie> a également invité Flore Vasseur pour parler de ce livre, ainsi que <La Librairie Mollat>.

Ce livre est consacré à Aaron Schwartz.

<Le site Le lanceur> parle de ce livre avec ces termes : « Aaron Swartz, lanceur d’alerte sublimé par les mots de Flore Vasseur ». Il donne aussi la parole à Flore Vasseur :

« Aaron était le meilleur d’entre nous.

Il était adoubé par ses pairs, chéri par sa famille et avait assemblé les moyens de sa liberté – la création de REDDIT, 6e site au monde, l’a rendu millionnaire.

Et même lui n’a pas tenu.

À travers ce récit, je pense à celles et ceux qui doutent et s’interrogent sur l’effondrement que nous sommes en train de vivre et les inégalités, la corruption morale qui le sous-tend. Car c’est mon cas depuis le 11 Septembre. Ce doute, cette colère s’incarnent en plein d’endroits, les Gilets Jaunes mais aussi les artistes, les lanceurs d’alerte, les activistes qui se lèvent et agissent. Et cela ne date pas d’hier. Le « système » a passé son temps à nous diviser en faisant passer tous ces gens-là, nous au fond qui doutons, qui ne voulons pas nous conformer, obéir ou accepter, pour des ringards, des anarchistes, des complotistes. Si nous sommes dangereux, c’est uniquement à l’égard d’un système qui veut que rien ne change.

Comme Aaron Swartz l’a été, dangereux, en son temps. Ce qu’il n’a pu comprendre, c’est que nous ne sommes pas seuls, que cela passe par nous mais que nous ne sommes pas tout. Il y a une force incroyable à tirer de l’humilité qui consiste à croire que chacun est un maillon dans la chaîne des changements à opérer.

Snowden dit la même chose : il faut poser sa brique et accepter que cela ne soit que ça. »

Et voici les liens promis :

D’abord une page de « France Culture » : < Aaron Swartz : « Celui qui pourrait changer le monde »> avec des liens vers d’autres pages et émissions

Puis un article de « SLATE » : <Aaron Swartz, les mystères d’un idéaliste>, un très long article publié juste après sa mort en mars 2013

« LE MONDE » me donne l’opportunité de proposer deux articles : <Aaron Swartz, itinéraire d’un enfant du Net> qui présente un documentaire qui lui ait consacré

Cet article cite aussi son père Robert Schwarz :

« Jobs et Wozniak ont lancé Apple en créant des boîtiers pour téléphoner gratuitement en piratant les réseaux. Bill Gates a lancé Microsoft en utilisant les ordinateurs de la fac, ce qui était strictement interdit. La seule différence entre Jobs, Gates et Aaaon, c’est que lui voulait rendre le monde meilleur, pas gagner de l’argent. »

<L’esprit d’Aaron Swartz plane toujours sur le Web> article qui a été publié en 2017.

Et enfin, un article de « Usbek et Rica » le magazine trimestriel qui « explore le futur » et qui constitue une lecture très stimulante : <Aaron Swartz, martyr éternel de l’Internet libre> aussi consacré au livre de Flore Vasseur.

Et je voudrais finir par une photo publiée justement par usbeketrica, elle date de 2001. Aaron Schwarz a 15 ans et il parle au grand Lawrence Lessig qui a 40 ans.


Qu’est ce qui mieux que cette photo qui montre ce moment d’échange entre un professeur reconnu de 40 ans avec un jeune de 15 ans permet de comprendre l’extraordinaire intelligence de ce brillant jeune homme que le monde des rapaces et de l’argent a conduit au suicide.

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Jeudi 21 mars 2019

« Juicers »
Rechargeur de trottinette

La trottinette électrique est devenue tendance en ville. C’est un mode doux, qui permet aux citadins de se déplacer tranquillement, et harmonieusement avec les voitures et les piétons, sans compter les vélos.

Et puis c’est un bel objet qui ressemble à la lettre « L » et qui met en valeur des décors souvent très fades comme ici la pyramide et le Palais du Louvre.

Nous vivons vraiment une époque moderne et formidable !

Selon wikipedia, le terme de trottinette proviendrait du terme de « trottin » qui au XIXe siècle désignait une petite employée de magasins chargée de faire les emplettes au pas de course pour des clients pressés. Elle trottinait donc pour faire sa commission.

Entre mode doux et gens pressés, on constate immédiatement qu’il peut apparaître quelques tensions.

Il y a de petits inconvénients. Certains utilisateurs qui trouvent commode de s’en servir, estiment que dès que leur trajet est terminé, ils peuvent descendre de ce moyen de locomotion pour s’en séparer. Nous voyons que cela peut avoir un lien avec le fait d’être pressés.

Au milieu du trottoir semble être une place appropriée pour des utilisateurs. Que cette décision unilatérale et égocentrée puisse énerver le passant qui utilise également le trottoir, ne semble pas préoccuper les premiers. Cette manière de faire peut énerver le passant moyen, il peut surtout constituer un obstacle risquant de faire tomber des personnes âgées ou des aveugles.

Et récemment le 12 mars je rentrais tranquillement à pied de mon travail et je cogitais sur ces « L » à roulettes quand je me suis retrouvé devant cet engin en haut du Cours Gambetta. Et je n’ai pas résisté à sortir mon smartphone pour agrémenter ce mot du jour d’une photo prise personnellement.

J’ai lu avec dépit sur l’affiche publicitaire lumineuse derrière cet engin « Lyon toujours plus créative », mais peut-être qu’elle ne faisait pas référence à l’invasion des trottinettes…

La vitesse pose aussi problème. Il est vrai que la trottinette se trouve dans une situation inconfortable.

Ce <site spécialisé> précise que la trottinette électrique n’est pas tolérée sur la route. Le vélo est l’exception autorisée et réglementée. Il est assimilé à un véhicule, avec obligation d’aller sur la route (dérogation pour les enfants de moins de 8 ans, tolérés sur le trottoir). Et tout ce qui va sur le trottoir ne doit pas avancer à plus de 6 km/h, donc guère plus vite qu’un piéton marchant d’un bon pas.

La modernité provoque aussi des accidents.

Un autre <site> donne la parole à Alain Sautet, chef du service d’orthopédie de l’hôpital Saint-Antoine (Paris) qui s’inquiète face à l’augmentation des blessures liées à l’utilisation d’une trottinette électrique. Dans son service, 17 patients ont été admis lors des deux derniers mois, soit deux par semaine, explique-t-il à nos confrères de France TV. « Ce sont des lésions qu’on n’avait pas l’habitude de voir », s’inquiète-t-il. Fractures du poignet ou du fémur sont des fractures répandues chez les personnes d’un âge avancé. Or, Alain Sautet constate ces lésions sur des patients jeunes. Il conseille donc, comme ses confrères, de limiter sa vitesse, et de porter un casque. Selon une étude américaine, 40% des accidents de trottinette touchent la tête.

Mais tout n’est pas rose dans le monde la trottinette, lors de sa revue de presse du vendredi 1 mars 2019 Claude Askolovitch cite le magazine des Echos qui raconte qu’à San Francisco, des habitants brulaient des trottinettes électriques en libre-service qui encombraient leurs trottoirs, ou les jetaient contre les bus privés des grandes compagnies d’internet qui font la navette entre les campus de la baie de San Francisco et le centre-ville où logent les employés des GAFAM… Car les génies de la silicon valley habitent à San Francisco, quand ils ont les moyens…

Et Claude Askolovitch de continuer :

« Car dans le monde entier les trottinettes électriques prennent les villes et sont l’absolue fortune d’un trentenaire milliardaire au visage poupin, qui pose en coupe-vent pas très classe aux couleurs vertes de sa firme, Toby Sun, chinois venu grandir en Amérique et patron de Lime, la start-up des trottinettes qui à Paris aussi scandent le bitume. Elles seraient la réponse au besoin de mobilité et à la pollution… Et voilà que la ville cloaque est cool d’un engin connecté et elle s’adapte avec plaies et bosses, 45 blessés l’an dernier, dans les pages Paris du Parisien, des policiers enseignent aux enfants le maniement de ce jouet du nouveau monde… »

Et ce n’est pas un problème français : Depuis fin 2017 et les débuts de l’utilisation des trottinettes électriques, au moins 1500 personnes ont été blessées dans des accidents aux États-Unis.

Et s’il n’y avait que cela…

Parce que les trottinettes électriques, fonctionne à l’électricité comme nos smartphones et qu’il faut donc les charger.

Et c’est là qu’interviennent les « juicers », en français de base cela pourrait faire penser à des « jouisseurs », mais ce n’est pas du tout cela.

<J’ai trouvé un article du Huffingtonpost> qui explique :

« « Notre métier, c’est comme ‘Pokemon Go’, sauf qu’on est payés! » Renaud, la trentaine, voit son métier de « juicer » comme un jeu vidéo. C’est grâce à des personnes comme lui que les Parisiens peuvent tous les matins trouver leurs trottinettes électriques chargées et soigneusement mises en place près de chez eux. En quoi consiste ce nouveau travail des « juicers » qui, discrets et méthodiques, rechargent les trottinettes électriques pendant que la ville dort?

Les utilisateurs ne se posent même pas la question explique au HuffPost, Renaud, lucide sur le fait que son travail de « juicer » se fait à l’ombre du regard de la société. Comme tous les autres, il a un contrat d’autoentrepreneur, payé à la recharge « entre 5 et 20 euros la batterie rechargée » par les start-ups de location de trottinettes électriques. Il n’est pas salarié et préfère y voir le bon côté des choses: « On a une grande liberté, on travaille quand on veut. On a pas de compte à rendre ».

C’est à la nuit tombée que commence sa tournée des rues parisiennes, à la quête des trottinettes électriques vides. Et il n’est pas le seul à les chasser. Son point de départ commence en Seine-et -Marne, où il habite.

Après avoir fait quarante-cinq minutes de camionnette -pour pouvoir stocker les trottinettes- jusqu’à Paris, Renaud active l’une des applications de location de trottinettes électriques (Lime, Bird, ou plus récemment Bold et Wind). Celle-ci géolocalise les batteries vides ou presque. « Il faut commencer au plus tard à 21 heures, les dernières personnes qui rentrent du travail déposent les trottinettes. Là, il faut être hyperactif. » nous raconte-t-il.

Tout est une question de calcul: Renaud n’a qu’une petite heure pour en amasser un maximum, et « à 22 heures au plus tard, je suis reparti » car il doit vite faire le chemin du retour jusqu’à chez lui pour recharger ses prises du soir. C’est à ce moment-là qu’il trouve un peu de repos: « Je mets entre 4 et 5 heures à recharger une batterie vide ». Quelques heures de repos à peine avant de repartir pour la capitale au petit matin: « Il faut les déposer aux endroits stratégiques que nous indique l’application. »

« Il y a des jours avec et des jours sans, quand il pleut par exemple ». Pendant l’été, le tourisme et les beaux jours pouvaient lui permettre de récolter jusqu’à 30 trottinettes par jour, lui rapportant parfois 200 euros la journée. « Ce sont ceux qui se démènent le plus qui font les meilleurs chiffres », dit-il, conscient que cette quête ressemble en de nombreux points à une chasse.

« L’idée c’est d’aller le plus vite possible: le premier qui scanne est le premier servi » nous dit Renaud, qui malgré cette règle, qui peut paraître assez simpliste, n’a jamais senti de tensions particulières entre les « juicers ». Mais tous ne sont pas du même avis. »

Pour aller plus loin j’ai trouvé un article sur <Numérama> :

« David est ce qu’on appelle, dans le jargon de l’ubérisation, un « Juicer » : un chargeur de trottinettes électriques. Il n’est pas employé par Lime, pas plus qu’il ne l’est par Bird. Pourtant, ce sont bien les trottinettes de ces deux sociétés qu’il s’occupe de recharger presque quotidiennement, une fois sa (première) journée de travail achevée. David est autoentrepreneur : il a passé un contrat avec les deux entreprises qui le rémunèrent à chaque fois qu’il charge une nouvelle trottinette à Paris.

[…]

Sous couvert d’anonymat, David détaille volontiers les étapes qu’il a dû suivre pour offrir ses services à la société : « Il l faut passer un tutoriel pour apprendre comment récupérer les trottinettes. Pour continuer, il faut obligatoirement le valider à 100 %. » Il ajoute que Lime envoie ensuite un mail ou un sms aux futurs juicers qui ont validé le test, afin qu’ils viennent récupérer leurs premiers chargeurs auprès d’un représentant de Lime. »

On apprend que selon la bonne volonté de ces entreprises nouvelles, on peut disposer de 4 à 40 chargeurs de trottinette. Chaque chargeur a la taille d’un ordinateur portable.

« Chacun des appareils permet, selon Lime, de charger complètement une trottinette en quatre heures : leur batterie doit être pleine à 95 % pour que Lime ou Bird considère la mission accomplie. « Dans les faits, il faut plutôt cinq heures de charge », corrige David.

Une trottinette chargée rapporte à David la somme de 8 euros chez Lime. Chez Bird, société pour laquelle il est aussi devenu chargeur, ce paiement est récemment passé à 7 euros. « Avec l’arrivée d’Uber sur ce marché, le prix a tendance à baisser. D’autant que les contrats que j’ai passés avec ces entreprises disent que la rémunération par trottinette peut varier entre 5 et 25 euros. C’est intéressant tant que ça ne passe pas sous la barre des 6 euros. Après, ce n’est plus suffisant pour compenser les coûts d’un véhicule et d’un local qui sont nécessaires à cette activité. » Dans son enquête publiée le 4 octobre, BFM TV raconte également les difficultés de chasser ces trottinettes, qui sont nombreuses à être dissimulées par des particuliers, pour un butin effectivement maigre : après 2 heures et 15 minutes, ils ont récolté 6 euros (soit 2 euros de l’heure en ôtant leurs coûts d’électricité et la cotisation payée à l’URSSAF). »

Il y a des utilisateurs de trottinette qui les laisse au milieu du trottoir et d’autres qui les cachent ou les mettent dans des lieux « baroques » et le travail de juicer est presque clandestin :

Le juicer ne craint pas seulement de se mettre en danger lorsqu’il tente de récupérer un appareil de Lime ou Bird dans des lieux improbables. Il aimerait aussi pouvoir être clairement identifié comme chargeur pour éviter que son comportement semble suspect dans la rue : une personne qui ramasse des trottinettes et les entasse dans son coffre attire l’attention. « Lime refuse de nous donner des gilets, ou un signe distinctif que l’on pourrait porter pour être identifiés. Qu’est-ce que je fais le jour où la police vient me voir ? Je garde mon contrat sur moi, au cas où. »

Les optimistes libéraux, en s’appuyant sur le concept de la « Destruction créatrice » de l’économiste Joseph Schumpeter (1883-1950) veulent être rassurant et disent certes beaucoup de métiers vont disparaître, mais on va en créer d’autres, beaucoup d’autres.

Oui mais ce sont des « emplois à la con » en anglais « Bullshit jobs ».

David Graeber a écrit un livre sur les « Bullshit jobs » mais dans sa définition il ne met pas ce type de travail, car pour lui pour avoir droit à cette appellation, il faut que le job n’ait pas d’utilité. Or il faut reconnaître que le chargeur de batterie de trottinette est utile pour les utilisateurs de trottinette.

Mais est-il judicieux de mettre des trottinettes en libre-service pour la fortune de plateformes ubérisés ?

Pour ma part, la réponse est claire et négative.

<1216>

mercredi 20 mars 2019

« Retour sur les arêtes de poissons »
Sujet déjà évoqué mais une page créée par le Progrès permet d’y revenir

C’était il y a un an, j’ai écrit une série d’articles sur la ville de Lyon. Le deuxième de ces mots du jour était consacré à un sujet étonnant « Les Arêtes de Poisson ».

Il s’agit de galeries creusées sous la colline de la croix rousse à Lyon, qui selon la datation scientifique remonte à l’époque romaine.

En utilisant des outils modernes de présentation, le journal « Le Progrès » a créé une page pour présenter ce mystère lyonnais : <Lyon : l’énigme sous la colline>

Il n’y a aucun élément nouveau, mais une autre manière de présenter ce mystère qui mérite d’être vue, c’est pourquoi je le partage.


<Article sans numéro>

Mardi 19 mars 2019

« [Le web] a été détourné par des escrocs et des trolls, qui l’ont utilisé pour manipuler le reste des internautes à travers le monde  »
Tim Berners-Lee

Je reviens sur le développement du Web, la toile mondiale inventée par Tim Berners-Lee.

Et pour ce faire je vais m’appuyer sur la seconde partie de l’article du Monde cité hier :<Les 30 ans du web de l’utopie à un capitalisme de surveillance>

Et aussi une émission de France Culture Le Grain à moudre du 11 mars :
<Qui a trahi le Web ?>. Parmi les intervenants, Hervé Gardette avait invité Flore Vasseur  auteure du livre :  <Ce qu’il reste de nos rêves>

Revenons au  début Tim Berners-Lee a donc conçu cette immense machinerie de connexion et de mise à disposition d’information et de savoir sur un ordinateur Next.

Ici, il faut peut-être revenir à l’histoire de l’informatique et à ce personnage mythique et controversé, créateur d’Apple avec Steve Wozniak et Ronald Wayne : Steve Jobs.  Ce dernier avait recruté un directeur général John Sculley, avec pour mission de développer l’entreprise. John Sculley s’est rapidement opposé à  Steve Jobs qui a été éjecté de l’entreprise en septembre 1985. Immédiatement Steve, Jobs a créé une nouvelle entreprise NeXT et organisé l’invention d’un ordinateur encore plus performant que ceux créés par Apple. Et c’est sur cet ordinateur révolutionnaire pour l’époque que Tim Berners-Lee put créer les bases du Web. NeXt ne fut pas une entreprise très rentable et ayant un fort développement, ses produits étaient réservés à une élite. Mais La stratégie de John Sculley pour Apple aboutit à un échec et conduisit cette entreprise au bord de la faillite. Steve Jobs reprit les rênes de la marque à la pomme, début 1997. Apple racheta NeXT et devint l’entreprise performante que l’on connaît grâce aux intuitions géniales et à la stratégie menée par Jobs. Les puristes diront qu’il fallut aussi un coup de pouce du vieil ennemi de Steve Jobs, Bill Gates, le patron de Microsoft. Mais ce n’est pas notre propos d’aujourd’hui.

Dans l’émission de France Culture, on apprend que Tim Berners-Lee a déclaré au New York Times :

« Il est devenu évident  que le web n’est pas à la hauteur des espérances qu’il suscitait à ses débuts. Conçu comme un outil ouvert, collaboratif et émancipateur, il a été détourné par des escrocs et des trolls, qui l’ont utilisé pour manipuler le reste des internautes à travers le monde ».

Comme je l’avais rapporté hier, Tim Berners-Lee a tenu à ce que le nouvel outil qu’il avait découvert soit versé dans le domaine public. Il souhaitait que le Web devienne « un espace universel » où n’importe qui, en n’importe quel lieu, peut aller chercher librement des ressources, cela « gratuitement » et « sans permission ».

Il pressent qu’un des plus vieux rêves de l’humanité – rassembler toute la connaissance connue dans un espace que tous puissent explorer, une utopie qui remonte à la bibliothèque d’Alexandrie (fondée par Ptolémée en 288 av. J.-C.) et passe par l’imprimerie de Johannes Gutenberg (1400-1468) – devient possible, à la croisée du Web et d’Internet, et pense qu’il doit être offert au monde.
Une immense Toile qui se tisse

Par la suite, Tim Berners-Lee a quitté le CERN pour fonder, en 1994, avec l’appui du Laboratory for Computer Science du Massachusetts Institute of Technology (MIT), le World Wide Web Consortium (W3C). Organisme à but non lucratif, le W3C se consacre les années suivantes au développement de standards ouverts et gratuits qu’il va élaborer et partager avec les entreprises informatiques afin d’« assurer la croissance à long terme » du Web mondial naissant.

En l’an 2001, date de la création de Wikipedia, l’usage des sites est facilité par de nombreuses améliorations créées par le W3C (interfaces simples, RSS, mots-clés, tags, etc.) qui permettent plus d’interactivité et la production rapide de contenus. C’est l’époque où se créent les blogs, les Web services et les premiers réseaux sociaux – ce qu’on appellera le Web 2.0.

L’article du Monde précise :

« Il met en avant plusieurs idées révolutionnaires. Décentralisation : il n’y a pas de poste de contrôle central du Web. Universalité : pour que quiconque puisse publier sur le Web, tous les ordinateurs doivent parler les mêmes langues. Transparence : le code, comme les normes, ne sont pas écrits par un groupe d’experts, mais développés et enrichis au vu de tous, jusqu’à atteindre un consensus. Son leitmotiv : « Un seul Web partout et pour tous. » Ses principes : accessibilité, développement gratuit, acceptation d’un code d’éthique et de déontologie – « respect, professionnalisme, équité et sensibilité à l’égard de nos nombreuses forces et différences, y compris dans les situations de haute pression et d’urgence ».

Dans les années 1990, les penseurs du Web avaient peur de l’intervention des États. Pour la Chine, cette question reste plus que jamais d’actualité.

En 1996, John Perry Barlow va ainsi faire une déclaration qui va faire date la « Déclaration d’indépendance du cyberespace ».

« Gouvernements du monde industriel, géants fatigués de chair et d’acier, je viens du cyberespace, nouvelle demeure de l’esprit. (…) Vous n’avez aucun droit de souveraineté sur nos lieux de rencontre. (…) Nous créons un monde où chacun, où qu’il se trouve, peut exprimer ses idées, si singulières qu’elles puissent être, sans craindre d’être réduit au silence ou à une norme. (…) »

Mais en 1996, il y a aussi les futurs poids lourds de l’industrie numérique qui entrent en scène Amazon, Microsoft, Internet Explorer de Microsoft devient le navigateur dominant du Web, bientôt concurrencé par Google et son moteur de recherche.

Et finalement ce sont les grandes entreprises mondialisées et numériques qui vont prendre ce pouvoir que John Perry Barlow voulait refuser aux Etats.

Tim Berners-Lee, s’est dit « dévasté » par l’affaire Cambridge Analytica, quand Facebook a transmis les données personnelles de 80 millions d’« amis » à une société d’analyse alors mandatée par le futur président américain Donald Trump . Dans une lettre ouverte saluant le 28e anniversaire du Web, en 2017, il avertissait :

« Nos données personnelles sont désormais « conservées dans des silos propriétaires, loin de nous » et « nous n’avons plus de contrôle direct sur elles ». »

Et le Monde de raconter :

« Tim Berners-Lee déchante, sa créature lui a échappé. Il ne s’y résout pas. Il a lancé en novembre 2018, avec la Web Foundation, la campagne #fortheweb en vue de proposer « un nouveau contrat pour un Web libre et ouvert », et travaille au projet Solid, qui « vise à changer radicalement le mode de fonctionnement actuel des applications Web ». Berners-Lee n’est pas le seul à s’inquiéter. Un autre pionnier du monde numérique, le chercheur en intelligence artificielle (IA) Jaron Lanier, est plus radical encore.

En mai 2018, il publie Ten Arguments for Deleting Your Social Media Accounts Right Now (« dix arguments pour fermer immédiatement vos comptes sur les réseaux sociaux », Bodley Head, non traduit). Il dresse ce réquisitoire grinçant contre Facebook :

« Pourquoi les gens doivent-ils être bombardés de messages de guerre psychologique bizarres avant les élections ou après une fusillade dans une école ? Pourquoi tout un chacun doit-il être soumis à des techniques de modification du comportement provoquant chez lui une dépendance simplement parce qu’il veut regarder des photos de ses amis et de sa famille ? » […]

Le lanceur d’alerte français Guillaume Chaslot, un informaticien qui a travaillé trois ans chez Google et dix mois sur l’algorithme de YouTube, dit, lui aussi, des choses graves.

« La démocratie a été oubliée en chemin par le Web », confie-t-il au Monde. Il a observé de l’intérieur comment l’extraordinaire média social qu’est YouTube, avec ses 1,8 milliard d’utilisateurs connectés en 2018, a dérapé dès qu’il s’est politisé. Avec l’aide de l’outil exploratoire qu’il a cofondé, Algo Transparency, Chaslot s’est aperçu que plus de 80 % des vidéos politiques recommandées par YouTube pendant la campagne électorale américaine étaient favorables à Trump.

Il devient concevable de manipuler une élection avec des campagnes ciblées et passionnelles sur le Web[…]

Au-delà des atteintes à la démocratie du fait de la viralité tapageuse des fausses nouvelles, le Web, dominé par les géants informatiques et le capitalisme de plates-formes, suit une autre pente fatale : il fonctionne sur un nouveau modèle économique qui s’appuie sur l’extraction et l’exploitation massive de nos données personnelles à des fins commerciales.

Cette économie du big data et des algorithmes, basée sur l’accompagnement permanent, la manipulation et la prédiction des comportements individuels, l’ex-professeure d’administration de la Harvard Business School Shoshana Zuboff l’appelle le « capitalisme de surveillance » (The Age of Surveillance Capitalism, 704 pages, Public Affairs, 2019, non traduit), et en fait une analyse implacable et pionnière.

Ce nouveau capitalisme, « issu, dit-elle, de l’accouplement clandestin entre l’énorme pouvoir du numérique, avec l’indifférence radicale et le narcissisme intrinsèque du capitalisme financier, et de la vision néolibérale », se fonde sur une idée forte : vendre, heure après heure, en temps réel, « l’accès à toute notre vie », tous nos comportements, en captant et décryptant nos épanchements sur les réseaux sociaux, en analysant et accompagnant toutes nos activités numériques par le biais de Google Maps, Google Agenda, Google Actualités, sans oublier les capteurs des objets connectés – c’est-à-dire au prix d’« une surveillance généralisée de notre quotidienneté ».

Ce véritable casse mondial sur nos vies privées s’est fait, constate l’économiste, sans rencontrer beaucoup de résistance, appuyé sur des « parodies de contrats » en ligne, fondés sur des chantages au service.

Cette appropriation, cette marchandisation et cette connaissance fine de l’autre lui fait dire que nous ne sommes pas dans le contrôle total des comportements « à la Big Brother », mais à la « Big Other » : « Big Other est un régime institutionnel, omniprésent, qui enregistre, modifie, commercialise l’expérience quotidienne, du grille-pain au corps biologique, de la communication à la pensée, de manière à établir de nouveaux chemins vers les bénéfices et les profits » (Journal of Information Technology, vol. 30, 2015).

C’est la nouvelle loi du capitalisme numérique, qui a fait du Web rêvé par Tim Berners-Lee un immense magasin en ligne, une gigantesque Matrix commerciale où nous évoluons, connectés, géolocalisés, recommandés, déchiffrés par les algorithmes, tous nos désirs les plus intimes traqués, flattés, devancés et assouvis. »

<1215>

Lundi 18 mars 2019

« Vague mais prometteur »
Mike Sendall à Tim Berners-Lee, quand ce dernier lui apporta un document décrivant le Web en mars 1989

Le Web est né il y a 30 ans.

Tout le monde accepte de reconnaitre l’informaticien britannique Tim Berners-Lee qui travaillait à l’époque au CERN, comme son inventeur.

Le CERN (Conseil Européen pour la Recherche Nucléaire) est une organisation européenne située près de Genève et qui a été créé par 11 gouvernements européens. Il s’agit donc d’une organisation administrative et hiérarchique. C’est pourquoi Tim Berners-Lee avait un supérieur hiérarchique du nom de Mike Sendall. Et c’est pourquoi ce remarquable inventeur déposa, sur le bureau de son chef, un document donnant les bases du World Wide Web (WWW), appelé désormais le Web, pour obtenir son avis et validation. Sendall qualifia alors le travail de Tim Berners-Lee de :

« Vague, mais prometteur ».

A ce moment, je ne peux m’empêcher de rapporter ce « joke » (plaisanterie en français) que j’ai entendu de la bouche de Michel Serres : Une jeune fille incrédule demanda à sa mère : « – Maman tu m’as bien dit que vous n’aviez pas d’ordinateur à la maison quand tu avais mon âge. – Oui ma chérie ! – Mais alors comment faisiez-vous pour aller sur le Web ? »

Si vous n’êtes pas à l’aise avec tous ces concepts, un rappel s’impose.

Internet n’est pas le Web, il est le réseau qui permet le Web, mais il est aussi le support du courrier électronique, de la messagerie instantanée, du pair-à-pair. Donc confondre le World Wide Web et Internet constitue une erreur. Internet est le réseau informatique mondial accessible au public. C’est un réseau de réseaux, à commutation de paquets, sans centre névralgique, composé de millions de réseaux aussi bien publics que privés, universitaires, commerciaux et gouvernementaux, eux-mêmes regroupés en réseaux autonomes.

Internet existait déjà quand Tim Berners-Lee a inventé le Web.

Le terme d’origine américaine « Internet » est dérivé du concept d’internetting (en français : « interconnecter des réseaux ») dont la première utilisation documentée remonte à octobre 1972 par Robert E. Kahn, à Washington.

Les origines exactes du terme « Internet » restent à déterminer. Toutefois, c’est le 1er janvier 1983 que le nom « Internet », déjà en usage pour désigner l’ensemble d’ARPANET et de plusieurs réseaux informatiques, est devenu officiel.

Wikipedia vous expliquera cela très bien et vous contera l’histoire d’Arpanet qui est l’ancêtre d’internet et qui a été mis au point par des chercheurs américains pour leurs propres besoins et les besoins de l’armée.

Sur le réseau mondial il a donc été possible de créer le World Wide Web (WWW), littéralement la « toile (d’araignée) à l’échelle mondiale ». Le Web permet de consulter, avec un navigateur, des pages accessibles sur des sites. L’image de la toile d’araignée vient des hyperliens qui lient les pages web entre elles. Il crée donc les hyperliens, le langage html, le concept de serveur http, l’adresse IP. Bref, tout ce qui vous permet de venir sur ce blog et de lire les articles que je rédige à partir de mon ordinateur personnel, dans mon appartement après avoir moi-même navigué sur le Web pour trouver toutes les informations qui me sont nécessaires pour alimenter et éclaircir mon propos.

<Le Monde> décrit cet échange et ce qui s’en suivit de la manière suivante :

« Le 12 mars 1989, l’informaticien britannique Tim Berners-Lee dépose sur le bureau de son chef de service, Mike Sendall, un topo de quelques pages intitulé « Gestion de l’information : une proposition ». Il y décrit sommairement les moyens de consulter directement l’énorme base de données du CERN, le laboratoire de physique nucléaire européen, stockée sur plusieurs ordinateurs, en allant chercher à son gré, grâce à des liens hypertextes, toute l’information disponible.

Les bases techniques d’une circulation souple dans les données numérisées sont jetées : le Web est inventé. « Vague, mais prometteur », lui répond Sendall.

Dans l’année, Berners-Lee conçoit le protocole « http », pour localiser et lier les documents informatisés, le « html », pour créer de nouvelles pages, l’« URL », l’adresse unique qui permet d’identifier une ressource. Puis il crée le premier serveur Web sur le réseau interne du CERN, affiché sur un outil « navigateur » qu’il nomme « worldwideweb ». Rapidement, les chercheurs du CERN s’en emparent.

Depuis, l’humanité est entrée dans l’âge de l’information et de la connexion instantanée, tissant la vertigineuse « Toile » mondiale – tout en donnant un immense pouvoir sur nos existences aux géants du numérique. […]

En avril 1993, Tim Berners-Lee obtient du prestigieux laboratoire européen qu’il enregistre le nouvel outil dans le domaine public, publie son code source et l’ouvre au « réseau des réseaux » mondial en gestation, l’Internet. Il est persuadé que le « véritable potentiel » du Web ne peut être libéré que s’il devient « un espace universel » où n’importe qui, en n’importe quel lieu, peut aller chercher librement des ressources, cela « gratuitement » et « sans permission ».

Il pressent qu’un des plus vieux rêves de l’humanité – rassembler toute la connaissance connue dans un espace que tous puissent explorer, une utopie qui remonte à la bibliothèque d’Alexandrie (fondée par Ptolémée en 288 av. J.-C.) et passe par l’imprimerie de Johannes Gutenberg (1400-1468) – devient possible, à la croisée du Web et d’Internet, et pense qu’il doit être offert au monde. »

Mais le CERN étant une vraie administration, Tim Berners-Lee n’avait pas qu’un chef mais aussi une superviseuse : Peggie Rimmer. Et <Libération> l’a interrogée à l’occasion du trentième anniversaire du Web.

«  Peggie Rimmer a passé une grande partie de sa carrière au Cern, «La Mecque de la physique des particules». Cette fille de mineur, pionnière parmi les femmes dans une discipline qui n’en compte aujourd’hui encore que 10%, a supervisé le jeune Tim Berners-Lee dans les années qui ont précédé son invention révolutionnaire, le «Word wide web». Avec humour, elle revient sur la genèse du Web, qui fête cette semaine ses 30 ans.

Ma petite équipe s’appelait le Read Out Architecture (RA), on le voit mentionné sur le schéma en forme d’arbre généalogique que Tim a dessiné dans son document devenu célèbre : «Projet de Management de l’Information», qui deviendrait la base du Web. Au Cern, nous étions passés d’expériences réunissant 10 personnes à des groupes de quelques centaines de personnes, et bien sûr, ces personnes utilisaient 10 à 15 ordinateurs, tous différents. Notre tâche consistait à écrire un logiciel pour lire et stocker des données extraites des détecteurs. Cela impliquait notamment de définir des standards, des règles communes. Ce terrain était vraiment fertile pour accueillir l’idée de Tim, qui n’était pas tant liée au champ de la physique qu’au monde de l’informatique. C’est lui qui a choisi de nous rejoindre, donc j’imagine qu’il a senti que ce serait un bon endroit pour lui… Il avait des idées incroyables et il était très sympathique.

Au département, nous avions des réunions hebdomadaires. Pendant les interventions de Tim, au bout de quelques minutes, nous n’avions plus la moindre idée de ce qu’il racontait. Au début, on a cru que c’était à cause de son débit de parole, et nous écrivions sur des petits bouts de papier : «Va plus lentement, Tim.» C’est simple, la seule fois où je l’ai vu parler distinctement, c’est quand je l’ai vu jouer, un Noël, dans une pièce de théâtre. Mais la vitesse n’était pas le seul facteur. Aujourd’hui, quand il parle du Web, on peut deviner de quoi il s’agit, parce qu’on sait déjà à quoi ça ressemble, mais à l’époque… on se disait juste : mais de quoi il parle ?

[…] Ma plus grande contribution, pour ne pas dire l’unique, ça a été de dire à Tim que ses idées ne passeraient pas le seuil du laboratoire s’il ne prenait pas la peine de construire en dessous des règles, des définitions, des standards sur lesquels tout le monde pourrait se mettre d’accord pour utiliser son système. Il fallait, lui ai-je dit, que ces règles soient claires comme le cristal pour que, par exemple, quelqu’un à Vladivostok qui ne parle pas anglais puisse les implémenter facilement. Il n’était pas vraiment ravi. Mais quelque temps après, il a écrit les spécifications du HTML, du HTTP et de l’URL, qui se sont révélés suffisamment bonnes pour qu’aujourd’hui encore, ils soient fonctionnels. »

C’est ce qu’on appelle un génie ! Et c’est la jeune fille du « joke » qui l’explique le mieux : quand un  génie invente, il change le monde et l’appréhension que l’on a du monde. On a du mal à s’imaginer le monde d’avant cette invention.

Mais Tim Berners-Lee était un idéaliste, il n’aime ce que le web est devenu.

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