Jeudi 27 avril 2023

« Cette résistance à la cruauté du monde, qu’offre la passion aux êtres qu’elle habite. !»
Jean-Guy Soumy

Qu’est-ce qu’un bon livre ?

Probablement que chacun possède sa propre réponse.

Pour moi, c’est un livre qui lorsque j’y entre je n’arrive à en sortir qu’une fois la dernière page atteinte. Il n’est pas possible de s’arrêter avant.

Ce fut le cas pour « Le Silence » de Jean-Guy Soumy, commencé en début d’après-midi, je ne l’ai lâché qu’en début de soirée lorsque je l’avais terminé.

Je ne connaissais pas Jean-Guy Soumy avant que Sophie m’en parle. Elle a marqué tant d’enthousiasme pour cet auteur, que j’ai voulu tenter l’aventure.

Je suis allé dans une des bibliothèques de Lyon qui devait détenir 3 de ses livres. Quand je suis arrivé, deux étaient prêtés, il restait « Le silence », alors je l’ai emprunté.

Jean-Guy Soumy est né le 1er juin 1952 à Guéret dans la Creuse, département dans lequel il habite toujours.

Après ses études, il est devenu professeur de mathématiques.

Sa page Wikipédia nous apprend qu’il est coauteur d’ouvrages de mathématiques parus dans la collection « Vivre les mathématiques » chez l’éditeur Armand Colin.

Mais son grand dessein est d’écrire des romans.

Il fait partie de la « Nouvelle école de Brive » dans laquelle se trouvait aussi Claude Michelet, l’auteur de « Des grives aux loups. » et qui est décédé le 26 mai 2022.

Claude Michelet avait fait auparavant partie de « L’école de Brive » qu’on avait décrit comme un mouvement régionaliste. Ce que Michelet nuançait dans cet article d’« Ouest France » de juillet 2013 :

« Ce n’est pas que ça. Dans nos œuvres, on est allé bien au-delà des terroirs de France. Yves Viollier a écrit des romans qui se déroulent en Russie, moi, j’ai écrit une saga qui se déroule en grande partie au Chili. Ce serait trop réducteur. »

En revanche, il expliquait que ce n’est pas du tout le cas de « la Nouvelle Ecole de Brive » :

« Là, c’est plus informel. Nous sommes quatre, Gilbert Bordes, moi-même, Jean-Guy Soumy et Yves Viollier, qui prenons plaisir à nous voir et nous entraider. Nous n’hésitons pas à nous refiler des tuyaux sur tel ou tel thème qu’un de nous travaille. On dit toujours que les écrivains se détestent. Vous voyez que ce n’est pas vrai ! On a plaisir à se retrouver et à parler littérature ensemble, comme un groupe d’amis. »

Concernant le livre « Le Silence » son action se déroule en grande partie à Chicago où Alexandre Leroy est un mathématicien célèbre, chercheur et professeur universitaire ayant obtenu la Médaille Fields qu’on appelle « Le Nobel » des mathématiciens. La fin du roman ramènera l’action en France, car c’est le pays d’origine d’Alexandre Leroy.

Le roman commence par le désarroi de Jessica son épouse qui est professeur de littérature à l’Université et à qui on vient d’apprendre que son mari Alexandre vient de se suicider dans un motel alors qu’elle pensait qu’il était allé dans leur maison secondaire pour aller travailler, comme il le faisait régulièrement et comme il le lui avait dit avant de partir.

Pourquoi s’est-il suicidé ?

Voici la question. Il n’a pas laissé de lettre.

Jessica qui est le personnage central de ce livre, ne comprend pas.

Tout ce livre est constitué par ses découvertes d’abord fortuites puis conséquence de ses recherches et de sa quête pour essayer de comprendre le geste de l’homme de sa vie.

C’est vraiment remarquable. L’histoire est très forte et l’écriture très fluide avec des fulgurances qui saisissent.

Lors de l’enterrement, Soumy délivre cette description qui s’achève par une conclusion que j’ai utilisée comme exergue

« Des silhouettes s’approchent. Des hommes défilent devant elle. Tous collègues ou étudiants d’Alexandre. Qui rendent hommage à leur maître sans que Jessica puisse deviner si le souvenir laissé par son mari leur est agréable ou pénible. Ils ont en commun quelque chose d’insaisissable qui la renvoie au défunt. Une légèreté d’artiste enfouie sous le simulacre de la gravité. Cette résistance à la cruauté du monde, qu’offre la passion aux êtres qu’elle habite »
Page 16

La passion emporte tout et permet aussi de résister à la cruauté du monde.

Et il est possible d’être passionné par les mathématiques, cette passion qui a mené certains vers la folie.

« Le Point » a posé cette question dans un article de 2018 : « Les mathématiques rendent-elles fou ? »

L’article ne répond pas à cette question, mais cite plusieurs mathématiciens : Kurt Gödel, Georg Cantor, John Nash, Grigori Perelman qui chacun à leur manière avaient perdu le sens des réalités et des relations équilibrées avec les autres humains.

Il cite aussi le cas plus connu par un plus large public de Alexandre Grothendieck :

« En 1966, il reçoit lui aussi la médaille Fields pour avoir refondé la géométrie algébrique… et la refuse  ! Il s’installe dans un village de l’Hérault au sein d’une communauté adepte de la contre-culture. Il devient un chantre de l’écologie. Puis il se retire en Ariège pour vivre tel un ermite, refusant tout contact avec ses anciens amis. Il meurt en 2014, laissant des milliers de pages couvertes de notes. »

Jean-Guy Soumy cite d’ailleurs Grothendieck au début de son ouvrage :

« Ces deux passions, celle qui anime le mathématicien au travail, disons, et celle en l’amante ou en l’amant, sont bien plus proches qu’on ne le soupçonne généralement ou qu’on est disposé à l’admettre. »
Alexandre Grothendieck « Récolte et Semailles »

Mais que celles et ceux pour qui les mathématiques n’ont jamais été une passion mais plutôt une souffrance, se rassurent il n’y pas de mathématiques dans cet ouvrage. C’est simplement un élément de contexte.

L’histoire se déroule à travers le regard de Jessica qui est professeur de littérature et qui doit faire face à ce qu’elle vit comme une trahison. Elle doitt aussi être le roc sur lequel peuvent s’appuyer les deux fils qu’elle a eu avec Alexandre. Le premier a suivi la même carrière que son père, tout en n’en possédant pas le génie, il se sent fragilisé par cet acte incompréhensible. Mais la situation est encore plus compliquée pour le second qui souffre d’autisme.

Soumy met cette phrase dans la bouche de Jessica :

« Et je veillerai sur mon enfant, je le consolerai, je boirai ses larmes, je sécherai ses peines. Une mère est là pour ça »
Page 176

Ce livre, en outre, ouvre vers un auteur étonnant au destin tragique : Armand Robin. Jessica est la spécialiste de cet auteur qu’elle a étudié intensément et dont les écrits auront un rôle à jouer dans l’intrigue.

J’ai voulu en savoir un peu plus sur cet auteur.

Armand Robin est né en 1912 à Plouguernével, en Bretagne et il est mort le 29 mars 1961.

C’est à la fois un écrivain, un traducteur, un journaliste, un critique littéraire et un homme de radio.

Il semble qu’il existe de nombreuses controverses à son sujet. Mais ce qui parait époustouflant c’est sa capacité d’apprendre des langues.

Je cite Wikipedia :

« il entreprend en 1932 l’étude du russe et du polonais, en 1933 de l’allemand, en 1934 de l’italien, en 1937 de l’hébreu, de l’arabe et de l’espagnol, en 1941 du chinois, en 1942, de l’arabe littéral, en 1943 du finnois, du hongrois et du japonais  […]

Écrivain inclassable, libertaire, poète, il traduit en français, depuis une vingtaine de langues, une centaine d’auteurs dont Goethe, Achim von Arnim, Gottfried Benn, Max Ernst, Lope de Vega, José Bergamín, Vladimir Maïakovski, Boris Pasternak, Sergueï Essénine, Alexandre Blok…. »

En 1933, il voyage en URSS. Il en revient anticommuniste.

Et en 1945, il adhère à la Fédération anarchiste et contribue de cette date à 1955 au journal Le Libertaire.

Sa fin tragique nous révèle qu’en 1961 aussi, il était légitime de s’interroger sur la possibilité de violences policières :

Arrêté le 28 mars 1961 après une altercation dans un café, il est conduit au commissariat du quartier et y est « passé à tabac » par les policiers. Transféré à l’infirmerie spéciale du dépôt de la Préfecture de police de Paris, il y meurt seul le lendemain dans des conditions qui n’ont jamais été éclaircies.

Françoise Morvan qui semble une spécialiste de cet auteur a écrit « Armand Robin ou le mythe du poète »

La même écrit sur son blog une page dans laquelle elle entend démonter des contrevérités et falsifications sur « Armand Robin »   

En 2011, France Culture lui a réservé une émission : <Armand Robin bouge encore>

En conclusion, un livre palpitant et l’ouverture vers un autre auteur aussi étrange que fascinant.

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Vendredi 21 avril 2023

« Une librairie qui meurt, ce n’est pas une page qui se tourne, c’est un livre qui se ferme, à jamais !»
Henri Loevenbruck

C’est en me promenant, à Lyon entre la basilique d’Ainay et la Place Bellecour, que j’ai vu l’annonce :

« Fermeture de la Librairie »

C’était une librairie particulière.

Elle avait pour adresse  : 14 Rue du Plat.

Elle avait pour nom : « Raconte-moi la terre »

Librairie du voyage, des cultures du monde et aussi de la transition écologique, c‘était une librairie-café, car on pouvait aussi y aller déguster un café.

Elle disposait même d’une salle de conférence en sous-sol.

Annie l’avait découverte et  y avait organisé, plusieurs fois, des réunions et des rencontres de travail.

Car le lieu était accueillant.

La Grande Librairie l’avait visité et il en reste <une vidéo>.

La Période après Covid a été trop compliquée, l’équilibre financier ne permettait pas de continuer

C’est triste, une librairie qui ferme.

Dans mon monde idéal il y a beaucoup de librairies et il n’y a pas Amazon.

Du moins pas Amazon comme il fonctionne actuellement

Il pourrait peut-être se justifier si son unique objet était de livrer tous les livres du monde à des Librairies avec à l’intérieur des humains, cultivés qui aiment les livres, c’est-à-dire des libraires. Ces libraires qui font partager à celles et ceux qui viennent dans leur magasin le goût de lire et les aide à choisir.

J’avais écrit une série de mots sur Amazon, elle avait débuté le 24 juin 2021 « Amazon nous veut-il du bien ? »

En France, selon <le syndicat de la Librairie> il existe 3.500 librairies indépendantes.

C’est beaucoup plus qu’aux États-Unis. D’après <cette publication> de 2019, sur tout le territoire des États-Unis il existe moins de 2 300 librairies indépendantes.

Dans mon monde idéal, il n’y aurait pas Amazon.

Mais je suis un réaliste, dans notre monde Amazon existe.

Fallait-il pour autant que notre Président, en pleine période de manifestations sur les retraites, décore le fondateur Jeff Bezos ?

Plusieurs journaux nous ont relaté cette incongruité :

Mais il semble que ce soit « Le Point » qui a dégainé le premier : <Les indiscrets – Macron décore Bezos en secret> :

« Cérémonie fastueuse mais confidentielle, jeudi 16 février en fin d’après-midi au palais de l’Élysée : Emmanuel Macron a remis les insignes de la Légion d’honneur à l’Américain Jeff Bezos, 4e fortune mondiale (111,3 milliards de dollars fin 2022), de passage à Paris.
L’événement, prévu depuis plusieurs semaines, ne figurait pas à l’agenda officiel et n’a été suivi d’aucun communiqué.
L’Élysée avait-il peur d’un fâcheux télescopage le jour où des milliers de manifestants défilaient contre la réforme des retraites ?
Seuls quelques invités triés sur le volet ont assisté à la réception.
Beau joueur, le fondateur d’Amazon avait convié le patron de LVMH, Bernard Arnault, qui le devance désormais (1er, selon Forbes, avec 184,7 milliards de dollars). »

La Légion d’honneur naît le 19 mai 1802 par la volonté du Premier consul, Napoléon Bonaparte.

Elle visait à l’époque à récompenser les citoyens français. D’abord pour saluer la bravoure ou la stratégie militaire, mais aussi pour gratifier des civils en raison de leur mérite au profit de la patrie.

Le site de <l’Ordre de la Légion d’Honneur> explique que :

« Les légionnaires œuvrent au bénéfice de la société et non dans leur intérêt exclusif. Les décorés, dans toute la diversité de leurs activités, contribuent au développement de la France, à son rayonnement, à sa défense. »

Il est donc légitime de se poser les questions suivantes :

  • Jeff Bezos œuvre t’il au bénéfice de la société ou dans son intérêt exclusif ?
  • Contribue t’il au développement de la France ? à son rayonnement ? à sa défense ?

Pour contribuer à la Défense, il faudrait déjà qu’il paie les impôts, en France, en proportion de ses profits, ce qui de source sûre n’est pas le cas.

Pourquoi le président de la République a-t’il distingué le fondateur d’Amazon, à l’Élysée, jeudi 16 février, en pleine cinquième journée de mobilisation contre la réforme des retraites ?

Parce qu’il crée de l’emploi en France, semble être l’argument.

Il couvre, en effet, la France d’entrepôts. Cela fait-il rayonner la France ?

Le Monde rappelle que la décoration d’un grand patron étranger par l’Élysée n’est pas sans précédent : Jamie Dimon, le patron de la banque JPMorgan Chase a reçu la Légion d’honneur en novembre 2022.

Et avant Emmanuel Macron,

  • Le fondateur de Microsoft, Bill Gates, avait été fait commandeur de la Légion d’honneur par François Hollande,
  • Le PDG de Microsoft, Steve Ballmer, avait été décoré par Nicolas Sarkozy
  • Jacques Chirac avait distingué Shoichiro Toyoda, le patron du constructeur japonais Toyota.

« Le Monde » analyse que :

« [Cette distinction] accordée par M. Macron à M. Bezos illustre la dualité de la politique du président à l’égard du fondateur d’Amazon. Comme ailleurs, il a pratiqué le « en même temps ». Sous sa présidence, la France a poussé des régulations européennes renforçant les responsabilités et le respect de la concurrence des plates-formes comme Amazon. Elle a instauré une taxation des services numériques et obligé les services comme Prime Video (filiale d’Amazon) à consacrer 20 % de leur chiffre d’affaires à produire des programmes français.

Parallèlement, Emmanuel Macron a favorisé l’essor de l’e-commerce, en particulier d’Amazon, dont il a inauguré un entrepôt à Amiens, en 2017. L’Élysée a toujours rappelé que l’entreprise américaine et son patron créaient des emplois en France. En 2020, l’exécutif s’est opposé à un moratoire sur l’ouverture de nouveaux entrepôts d’e-commerce, soutenu entre autres par la convention citoyenne pour le climat, et à un alignement de leur fiscalité sur celle des magasins physiques, réclamée par certains élus. »

Selon l’AFP, la présidence française a justifié aussi cette décoration par le fait que :

Jeff Bezos est « un partenaire des initiatives pour la protection du climat et de la biodiversité menées par la France, en particulier sur la protection des forêts »

A la fin de 2021, M. Bezos était présent à la COP26 de Glasgow, quand le président français a présenté la « grande muraille verte ». Le milliardaire américain a promis de verser 1 milliard de dollars (945 millions d’euros) à ce projet de reforestation en Afrique, qui veut allier action publique et soutien privé.

Bon…

Ne serait-il pas judicieux qu’il cesse plutôt de polluer et d’utiliser de l’énergie pour envoyer des milliardaires faire un tour dans l’espace ?

Et je pense à une autre Librairie lyonnaise en difficulté : « La Librairie Diogène » située au cœur du Vieux Lyon

Cette Librairie a été créée en 1973, dans un immeuble du XVe siècle : la maison Le Viste.

Librairie généraliste, elle propose des livres de toutes époques, sur tous sujets, et de tous prix sur plus de 300 m2, trois niveaux et deux boutiques.

Elle s’adresse au collectionneur, au bibliophile averti à la recherche d’ouvrages de collection mais aussi à tout amoureux du livre qui aime chercher dans cette caverne d’Ali Baba qui renferme des trésors d’intelligence et de culture.

Cette fois ce sont les propriétaires qui veulent l’éviction de la Librairie pour utiliser autrement ces locaux.

Vous pouvez faire comme Annie et moi et les 32897 autres lecteurs qui ont signé <La pétition> qui refuse la fermeture de la Librairie Diogène.

Cette librairie dispose aussi d’un site qui la présente et explique aussi le conflit avec les propriétaires : https://librairiediogene.fr/

Henri Loevenbruck a écrit la phrase que j’ai mis en exergue dans son livre <Le Mystère Fulcanelli>

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Je vous invite à lire en commentaire la réponse de Blanche Gardin à une proposition d’Amazon Prime

Mardi 18 avril 2023

« C’est l’impuissance publique qui est au cœur [de notre crise démocratique !] »
Pierre-Henri Tavoillot

Un des grands risques qui nous guette, dans notre vie sociale, c’est de ne plus discuter qu’avec celles et ceux qui sont d’accord avec nous. Celles et ceux qui partagent nos colères, nos analyses et nos convictions.

Ce risque que Zygmunt Bauman a décrit de la manière suivante  :

« S’enfermer dans […] une zone de confort, où le seul bruit qu’on entend est l’écho de sa propre voix, où la seule chose qu’on voit est le reflet de son propre visage.»

Nous avons le sentiment que le problème de la démocratie française est celui d’un hyper-président qui a trop de pouvoir et qui en abuse.

Il est vrai que le président actuel semble avoir cette conviction de détenir la vérité et de ne pas considérer qu’écouter les corps intermédiaires soit essentiel.

Je ne parle même pas de son style et de ses répliques qui ont souvent blessé un grand nombre de français.

D’après les spécialistes des sondages, il est le Président qui suscite le plus de haine, davantage même que Nicolas Sarkozy qui avait en son temps aussi suscité le rejet d’une part des français.

Mais comme l’explique Pierre-Henri Tavoillot, dans Démocratie, il y a d’un côté le « Démos » c’est-à-dire le Peuple et de l’autre côté le « Kratos » qui est la capacité de décider.

Notre sentiment est que le Kratos est trop fort

Ce n’est pas l’avis de Pierre-Henri Tavoillot.

J’avais déjà évoqué ce philosophe, lors du mot du jour du <23 mars 2020> et la sortie de son livre « Comment gouverner un peuple-roi ? ».

Je l’ai récemment entendu dans deux émissions :

La première dans le « Face à Face » de France Inter du 1er avril 2023 <L’art de gouverner> où il était le seul invité.
Et l’émission de France-Culture, « L’Esprit Public » du dimanche 16 avril 2023 <Comment sortir de la crise démocratique ?> dans laquelle il était un des participants.
Il intervient souvent dans l’émission « C ce soir » de France 5, dans laquelle il constitue souvent une voix dissidente.

Dans l’émission de France Inter il dit (à partir de 41 :20)

« Je crois qu’il faut prendre un peu de recul sur ce qu’est la nature de la crise de la démocratie française.
Personnellement, je suis un libéral. Un libéral, c’est veiller à l’équilibre entre la société et l’État, entre le Demos et le Kratos, entre le peuple et le pouvoir.
Spontanément le libéralisme s’est construit contre les pouvoirs abusifs, contre l’absolutisme.
Il fallait faire baisser le Kratos et faire augmenter le Demos. […]

Je pense qu’aujourd’hui, la crise profonde de notre démocratie ce n’est pas que le Demos soit trop faible et le Kratos trop fort, c’est exactement le contraire.

C’est l’impuissance publicque qui est au cœur. »

Au cœur du récit démocratique, il y a cette promesse que la nation, en tant que souverain, est maître de ses choix et peut décider librement de son destin.

Cette promesse n’a jamais été totalement respectée.

Mais aujourd’hui, elle est devenue extrêmement faible et encore plus pour un pays de moyenne importance comme la France.

Nos grands défis sont planétaires : réchauffement climatique, crise de la biodiversité, crise de l’eau, paix entre les nations.

Notre pays se trouve dans un maillage de dépendance pour sa consommation, son financement, ses investissements, sa défense.

Cette dépendance qui est contrainte par de nombreux Traités, par notre appartenance à l’Union européenne, réduit d’autant les marges de manœuvre de nos gouvernants.

Jancovici prétend que nous sommes déjà en décroissance, sans nous en apercevoir, que dès lors les choix que nous devons faire pour financer les grandes politiques publiques que nous demandons à nos gouvernants (Santé, Éducation, Transition écologique etc…) deviennent encore plus difficiles, car il faut prendre à l’un pour donner à l’autre.

Depuis bien longtemps nous consommons plus que nous produisons, et cachons ce déséquilibre par de l’emprunt et une augmentation de la dette.

Notre société est fracturée, il devient quasi impossible de générer des consensus suffisamment larges.

Je ne développe pas, mais on constate bien un problème d’impuissance publique, dès que le candidat se trouve dans le bureau du gouvernant.

C’est-à-dire que ce soit Emmanuel Macron ou Jean-Luc Melenchon et je ne cite pas la troisième, aucun ne dispose des moyens et possibilités d’honorer les promesses qu’il fait pour être élu.

Bien sûr, il reste possible de gouverner autrement que le fait le Président actuel et d’éviter certaines provocations et écart de langage.

Et il est un point que ne développe pas Tavoillot et dont je suis intimement persuadé, rien ne sera possible si on ne s’attaque pas au creusement des injustices sociales.

Car dans un monde où il faudra aller vers plus de sobriété, en rabattre sur notre soif de consommation et d’hubris, il faut que le sentiment de l’équité et de la justice grandissent dans l’esprit du plus grand nombre.

Et probablement qu’il faudrait aussi plus d’honnêteté de la part des candidats politiques dans la promesse de ce qu’ils sont capables de réaliser et une plus grande maturité de la part des citoyens pour accepter de l’entendre.

<1744>

 

Lundi 17 avril 2023

« Il y a un mantra dans la vie quotidienne du Conseil Constitutionnel, c’est une citation de Vedel ou de Badinter […] : C’est une mauvaise Loi, mais elle n’est pas contraire à la constitution ! »
Dominique Schnapper

Le Conseil Constitutionnel n’a donc pas censuré la Loi sur l’âge légal de la retraite, il a simplement censuré 6 dispositions comme l’index sénior pour lesquelles, il a considéré qu’elles n’avaient pas leur place dans cette loi de financement.

On parle de « cavalier budgétaire », autrement dit on utilise comme support une Loi de financement qui permet au gouvernement de disposer de quelques instruments pour accélérer l’adoption de Loi, ce qu’il a fait dans le cas de cette Loi, pour faire adopter des dispositions qui ne doivent pas bénéficier des mêmes instruments et règles.

Alors, Samedi matin, nous avons tous entendu : « Emmanuel Macron a promulgué la Loi cette nuit à 3:28 !»

A cette nouvelle j’étais partagé entre deux sentiments :

1° Quel bosseur, il ne s’arrête jamais de travailler. En même temps, il surmène ses collaborateurs.

2° Je trouvais très inquiétant que notre président ne dorme pas et travaille au-delà du raisonnable ce qui peut conduire à craindre des décisions peu éclairées et irrationnelles.

Mais revenons au sens du verbe : « promulguer »

Le fait de promulguer une loi c’est donner l’ordre de l’exécuter, la loi devient exécutoire.

En pratique, l’acte de promulguer la Loi se concrétise par le fait que l’Autorité exécutive signe le texte

En l’occurrence, en France, le texte est signé par le président de la République et contresigné par le Premier ministre et les ministres qui seront chargés d’appliquer la loi.

Je suppose qu’aujourd’hui cette signature est électronique.

Ces choses étant rappelées, la Loi N° 2023-270 n’a pas été promulguée à 3:28, samedi.

Il est tout à fait possible et même raisonnable de penser qu’Emmanuel Macron dormait à cette heure-là.

Si vous allez sur le site « LEGIFRANCE » pour consulter <cette Loi> vous constaterez que son entête est la suivante :

« LOI no 2023-270 du 14 avril 2023
de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 »

Cet entête nous montre que la Loi a été promulguée le vendredi 14 avril et non samedi 15 avril qui est le jour qui correspondait à 3:28.

Le journal « Libération » l’affirme : <Non, Emmanuel Macron n’a pas promulgué la loi retraites au milieu de la nuit>

Et donne ces explications :

« La loi de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2023, qui modifie le système de retraite français, a bien été publiée dans le Journal officiel du samedi 15 avril, paru au milieu de la nuit. Samedi, à 3 h 28 exactement, les personnes inscrites dans la boucle électronique relative aux parutions du Journal officiel ont ainsi reçu un mail les en informant.

Tous les textes législatifs promulgués, comme les actes réglementaires adoptés par l’exécutif, sont rendus publics par leur inscription au Journal officiel de la République française (JORF), qui paraît du mardi au dimanche depuis 1869, par voie électronique uniquement depuis 2016. Même si sa sortie «ne connaît pas d’horaire officiel défini», «l’usage, les obligations politiques et juridiques ont conduit à une parution matinale du JORF (en moyenne entre 2 et 7 heures)», précise le site de la Direction de l’information légale et administrative. Ce qui ne veut pas dire que les textes sont promulgués dans la nuit.

Ainsi, la promulgation de la loi réformant le système des retraites, elle, est intervenue la veille de la publication. Comme l’indique d’ailleurs l’intitulé du texte, qui mentionne une loi datant « du 14 avril 2023». […]

Dans le cas de la réforme des retraites, la promulgation serait survenue à 19 h 30 – un horaire cité dans le commentaire d’une utilisatrice de Twitter et depuis largement relayé sur le réseau social. Dans un sujet diffusé au journal de 13 heures de samedi, une journaliste de TF1 relate : « Il est environ 17 h 30 vendredi quand le président de la République prend connaissance de la décision du Conseil constitutionnel. Selon nos informations, moins de deux heures plus tard, avant 20 heures donc, Emmanuel Macron signe la loi retraite. »

L’information donnée confondait donc la Promulgation qui nécessite l’acte d’humains pour signer avec la publication au journal officiel qui est automatisée, au moins pour la partie qui s’est déroulée dans la nuit.

Il faut toujours bien nommer les choses !

Albert Camus avait bien raison.

Cette confusion a conduit des gens à dire des billevesées.

Jean-Luc Mélenchon, a tweeté : « Macron a voulu intimider toute la France dans la nuit. » et Laurent Berger a déclaré au Parisien que « Le message d’Emmanuel Macron avec cette promulgation en pleine nuit, c’est jusqu’au bout le mépris à l’égard du monde du travail et la déconnexion avec la réalité. ».

Mais sur le fond que peut-on dire ?

Le constitutionnaliste Dominique Rousseau que j’avais déjà cité pour dire qu’il faisait partie des spécialistes qui pensaient possible la censure globale du texte, s’entête et écrit dans Le Monde : <La décision du Conseil constitutionnel s’impose mais, […] elle est mal fondée et mal motivée en droit !>

Et il cite des extraits de la décision pour s’en étonner :

« § 65. En dernier lieu, la circonstance que certains ministres auraient délivrée, lors de leurs interventions à l’Assemblée nationale et dans les médias, des estimations initialement erronées sur le montant des pensions de retraite qui seront versées à certaines catégories d’assurés, est sans incidence sur la procédure d’adoption de la loi déférée dès lors que ces estimations ont pu être débattues. »

Et

« § 69. D’autre part, la circonstance que plusieurs procédures prévues par la Constitution et par les règlements des assemblées aient été utilisées cumulativement pour accélérer l’examen de la loi déférée, n’est pas à elle seule de nature à rendre inconstitutionnel l’ensemble de la procédure législative ayant conduit à l’adoption de cette loi. »

Et aussi

« § 70. En l’espèce, si l’utilisation combinée des procédures mises en œuvre a revêtu un caractère inhabituel, en réponse aux conditions des débats, elle n’a pas eu pour effet de rendre la procédure législative contraire à la Constitution. Par conséquent, la loi déférée a été adoptée selon une procédure conforme à la Constitution. »

Enfin

« § 11. D’autre part, si les dispositions relatives à la réforme des retraites, qui ne relèvent pas de ce domaine obligatoire, auraient pu figurer dans une loi ordinaire, le choix qui a été fait à l’origine par le Gouvernement de les faire figurer au sein d’une loi de financement rectificative ne méconnaît, en lui-même, aucune exigence constitutionnelle. Il n’appartient pas au Conseil constitutionnel de substituer son appréciation à celle du législateur à cet égard, mais uniquement de s’assurer que ces dispositions se rattachent à l’une des catégories mentionnées à l’article L.O. 111-3-12 du Code de la sécurité sociale. »

Et Dominique Rousseau s’étonne que le Conseil Constitutionnel reconnaisse que des ministres ont délivré des « estimations erronées » que lors des débats parlementaires plusieurs procédures ont été utilisées « cumulativement » pour accélérer l’adoption de la loi et que l’utilisation combinée des procédures mises en œuvre a un « caractère inhabituel » et conclut cependant que le principe de clarté et de sincérité des débats parlementaires avait été respecté. Et il trouve également singulier que le texte de la réforme aurait pu figurer dans une Loi ordinaire mais que le fait de le faire figurer dans une loi de financement rectificative ne trouble pas le Conseil.

Selon lui :

« A l’évidence, la conclusion ne découle pas logiquement des prémisses et ce décalage ouvre un espace au doute sur le bien-fondé juridique de la décision. »

« Le Monde » publie deux autres articles :
Denis Baranger, professeur de droit public, considère que
« le Conseil constitutionnel a perdu une chance de rétablir un degré d’équilibre entre les pouvoirs », en confortant une vision très large des prérogatives données à l’exécutif face au Parlement.
Concernant le rejet de la proposition de référendum d’initiative partagée, la juriste Marthe Fatin-Rouge Stefanini estime qu’il semble condamner l’utilisation du RIP, en restreignant considérablement les conditions de son utilisation.

En revanche lors de l’émission « l’Esprit Public du dimanche 16 avril » la sociologue Dominique Schnapper, ancienne membre du Conseil Constitutionnel affirme :

« La décision était prévue, prévisible, normale. Hier après-midi au ministère de l’éducation nationale, nous avons été quelques-uns à annoncer ce qu’il y aurait dans la décision, sans avoir aucune information et c’est exactement celle qui a été adoptée, parce qu’elle s’inscrit directement dans la jurisprudence du Conseil Constitutionnel. »

Pour ma modeste part, je porte un grand crédit aux propos de la fille de Raymond Aron et cela non en raison de son hérédité, mais de sa hauteur de vue et ses analyses toujours très argumentées

Parce qu’évidemment les citoyens qui contestaient la Loi souhaitaient une décision politique : il ne fallait pas que l’âge légal de départ à la retraite passe de 62 ans à 64.

Mais les décisions du Conseil Constitutionnel sont juridiques et non politiques.

La décision du Conseil constitutionnel signifie que la Loi qui modifie l’âge légal de départ en retraite de 62 ans à 64 ans n’est pas contraire à la constitution.

Et, Dominique Schnapper nous apprend qu’il existe un mantra au Conseil constitutionnel, c’est-à-dire une formule sacrée dotée d’un pouvoir spirituel :

« Il y a un mantra dans la vie quotidienne du Conseil Constitutionnel, c’est une citation de Vedel ou de Badinter […] : C’est une mauvaise Loi, mais elle n’est pas contraire à la constitution ! »

Les sages ont donc été sage !

Mais dans l’émission « C Politique de ce dimanche » Thierry Pech, le directeur général de « Terra Nova » a posé cette question :

« Était-il sage, d’être sage ? »

Et il explique cette question par ce développement

« Est-ce que cela nous suffit ?
Est-ce que lorsqu’on dit d’un texte qu’il est constitutionnel, on peut dire qu’il est démocratique ?
Ce n’est pas la même chose, et c’est cela mon problème.
Aucun des articles mobilisés pendant l’élaboration de ce texte n’est contraire à la constitution.
[…] Ils y figurent tous.

Notre constitution est une armurerie extrêmement riche d’instruments pour brider la liberté du Parlement. Tous ces éléments sont donc constitutionnels.

Leur accumulation fait-elle un processus démocratique ?

Ma réponse est franchement non !»

Et plus tard quand on l’interroge sur ce que devrait dire et faire Macron, il demande au Président de donner du sens à son affiche de campagne : « Avec vous »


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Jeudi 6 avril 2023

« Il y a chez lui une arrogance nourrie d’ignorance sociale et de méconnaissance de l’histoire des démocraties. »
Pierre Rosanvallon parlant de notre Président de la République

Ce jeudi 6 avril 2023 constitue la 11ème journée nationale de mobilisation, depuis le 19 janvier, contre la réforme des retraites.

Élisabeth Borne a reçu les organisations syndicales, ce mercredi, dans un dialogue de sourd dans lequel, au bout d’une heure, la partie syndicale a quitté la réunion.

Tout au long de ces semaines, la cheffe de gouvernement n’a pas négocié avec les représentants sociaux, elle a préféré négocier avec le parti des républicains, pensant cette manière de faire plus efficace. Bref, elle a cherché un compromis politique et non un compromis social. Et, elle a échoué.

Il semblerait que le Président Macron parie sur un essoufflement du combat syndical : l’inflation, le manque à gagner des jours de grève et la lassitude conduisant à une diminution de la mobilisation. Et, si en outre, parmi les derniers manifestants, la violence se déchaine, rapidement la majorité des français qui aiment l’ordre se détourneront de ce mouvement qui les inquiétera, dès lors.

Il reste la décision du Conseil Constitutionnel, le Conseil pourrait-il censurer l’intégralité de la Loi ?

Les constitutionnalistes ne sont pas d’accord.

<France Inter> avait réuni deux d’entre eux.

Dominique Rousseau pense qu’une telle censure totale est possible, parce que selon lui :

« Il y a dans la procédure d’adoption de la loi sur les retraites une accumulation d’outils qui font que personne ne peut contester que le débat a été peu clair et insincère »

Il s’appuie sur une décision du Conseil Constitutionnel qui exigeait que pour l’adoption d’une loi il fallait qu’il y eut un débat clair et sincère. Or selon lui, les explications avancées par le Gouvernement sur des points précis comme la retraite minimale de 1200 euros ou comme l’utilisation de tous les arcanes de la Constitution pour raccourcir le temps d’examen du texte peuvent conduire à cette sanction.

L’autre constitutionnaliste, Anne Levade, ne croit pas à cette hypothèse. Pour l’instant, le Conseil constitutionnel n’a censuré intégralement que deux textes un en 1979 et l’autre en 2012.

Dès lors, s’il n’y a pas censure intégrale et si comme le croit le Président, la contestation sociale s’essoufle, la Loi sera promulguée et entrera en vigueur.

Cette victoire légale, si elle a lieu, me semble pleine de danger politique.

Je crois que, dans ce cas, le cœur du corps social français gardera un profond ressentiment de toute cette affaire.

Les rocardiens et même Michel Rocard avant sa mort ont exprimé beaucoup de soutien à Emmanuel Macron.

Je crois que ce temps est révolu.

L’un d’entre eux : l’historien Pierre Rosanvallon exprime dans « Libération » dans un article publié le 3 avril 2023 :

« Or, le grand problème d’Emmanuel Macron est qu’il n’a qu’une expérience sociale et politique limitée, étant passé directement de l’ombre à l’Elysée. Il y a chez lui une arrogance nourrie d’ignorance sociale et de méconnaissance de l’histoire des démocraties. Il est certain que dans l’optique d’une refonte des institutions, le comportement actuel du chef de l’Etat pose la question de la mise en œuvre constitutionnelle d’autres moyens de résolution des crises qui partent d’en bas. Le référendum d’initiative partagée n’en est qu’une modalité trop modeste. Faute de cela, le temps des révolutions pourrait revenir ou bien ce sera l’accumulation des rancœurs toxiques qui ouvrira la voie au populisme d’extrême droite. »

Pour Rosanvallon Macron doit faire « demi-tour » sur le recul de l’âge de départ à la retraite. Et il ajoute :

« Rarement un projet de réforme gouvernemental aura été aussi mal préparé et envisagé sur un mode aussi technocratique et idéologique, alors qu’il y a une discussion complexe et argumentée à mener sur le financement des retraites. Sur le fond, le débat a été escamoté en étant rétréci à la question de l’âge de départ. Cette approche ne prend pas en compte la diversité des situations et des conditions de travail. Le rapport au travail aurait ainsi dû être abordé en préalable à toute discussion sur le financement. La retraite, c’est le rétroviseur de la vie. Cette dimension existentielle n’est pas prise en compte dans le projet actuel. »

Dans un autre article de Libération publié le même jour, le journal constate que :

« Alors qu’il avait dans un premier temps séduit les milieux intellectuels, le Président voit de plus en plus d’anciens soutiens s’élever publiquement contre lui. Jusque dans ses relais les plus proches. »

Et parmi ceux-ci, celui qui a été en quelque sorte son mentor : Jacques Attali qui l’avait présenté à François Hollande en 2010, évènement essentiel dans le parcours exceptionnel de celui qui allait devenir notre jeune président en 2017.

Jacques Attali écrivait simplement, le 15 mars 2023, toujours dans Libération : « Cette réforme des retraites est mal faite et injuste. » et précisait :

« Non, reculer l’âge de départ n’est pas la bonne méthode. J’ai toujours été favorable à la retraite à points, un système plus juste et plus équitable. Autrement, on peut se concentrer sur la durée de cotisation. Je ne suis pas du tout favorable au report de l’âge légal de départ à 64 ans, d’autant plus qu’il s’agit d’un âge fictif. Quelqu’un qui a besoin de 43 années de cotisation et qui a commencé à travailler à 25 ans partira à la retraite à 68 ans alors que celui qui a commencé à travailler plus tôt est pénalisé. Avec l’augmentation de l’âge de départ, le gouvernement s’est focalisé sur quelque chose d’absurde… »

«Reculer l’âge de départ à 65 ans est à la fois injuste et inefficace», observait, toujours dans Libération, quelques mois plus tôt Philippe Aghion, l’économiste qui avait été un des principaux inspirateurs du programme d’Emmanuel Macron en 2017.

Dans le mot du jour du 24 juin 2022 « Macron ou les illusions perdues. » j’évoquais le livre de son ancien professeur François Dosse, qui avait été celui qui avait présenté le jeune homme à Paul Ricoeur. François Dosse avait été enthousiaste par l’arrivée de Macron à la présidence de la République avant de déchanter.
Libération précise que François Dosse n’a loupé aucune manifestation contre la réforme des retraites et qu’il a donné cette opinion sur son ancien élève :

« Sa capacité d’absorption des choses et de maîtrise fait qu’il ne connaît pas la marche arrière, il est toujours sûr d’avoir raison. »

Devant un tel déluge de critiques, un homme raisonnable devrait s’interroger.

Mais le Président Macron est il raisonnable ou s’est-il laissé enfermer derrière les murs de l’Élysée dans une prison de certitudes dont la plus dangereuse est qu’il soit le seul à comprendre ce qui est utile et nécessaire à la France et aux français ?

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