Vendredi 6 décembre 2024

« Ça va très mal finir !»
Nicolas Sarkozy à propos de la présidence Macron en octobre 2017

Dès octobre 2017, soit 4 mois après l’élection d’Emmanuel Macron, Nicolas Sarkozy avait émis ce jugement sur le parcours présidentiel de Macron. Vous trouverez cette information dans « Le Point » ou « L’Express ». Cette phrase a été prononcée 1 an avant le début du mouvement des gilets jaunes.

Et, après ce mouvement, après la pandémie du COVID 19, après les guerres d’Ukraine et de Gaza, après une réélection en 2022 sans campagne, sans débat, uniquement pour éviter le Rassemblement National et enfin une dissolution en 2024 donnant une chambre ingouvernable, ces propos inquiétants rencontrent une situation politique que nous voyons dégénérer devant nous.

Nicolas Sarkozy avait donné les raisons de ce jugement :

« Il n’a pas d’emprise sur le pays. Il ne s’adresse qu’à la France qui gagne, pas à celle qui perd. Il est déconnecté. »

Emmanuel Macron a, en effet, une responsabilité immense dans la situation actuelle.

D’abord il a échoué à réaliser sa promesse de faire reculer l’extrême droite au cours de son mandat. Ces 7 ans n’ont été qu’une progression inexorable du rassemblement national, conséquence de la montée des colères, des exaspérations et même de la haine à l’égard du Président de la République.

Macron en 2017Probablement est-il utile de rappeler, ce que le candidat élu, après une longue marche solitaire au milieu de la cour Napoléon du palais du Louvre, va promettre, le 7 mai 2017, à ses partisans dans la joie de son triomphe et aux français dans l’attente d’une nouvelle ère :

« Je sais nos désaccords, je les respecterai mais je resterai fidèle à cet engagement pris : je protégerai la République. […]
Je ferai tout dans les cinq années qui viennent pour qu’ils n’aient plus aucune raison de voter pour les extrêmes.[…]
Je le sais, la tâche sera dure, je vous dirai à chaque fois la vérité, mais votre ferveur, votre énergie, votre courage toujours me porteront. (…) Je rassemblerai et réconcilierai parce que je veux l’unité de notre peuple et de notre pays. […]
Et enfin mes amis, je vous servirai. Je vous servirai avec humilité, avec force. Je vous servirai au nom de notre devise : liberté, égalité, fraternité. Je vous servirai dans la fidélité de la confiance que vous m’avez donnée. Je vous servirai avec amour. »

Chacun jugera de la distance entre les promesses et la réalité du pouvoir exercé par ce jeune homme parvenu au sommet de l’État à 39 ans.

Depuis ce jour de mai 2017, il a eu souvent des propos maladroits, blessants, méprisants rendant son pouvoir encore plus insupportable à beaucoup.

Il a aussi échoué à rétablir les comptes publics, à éviter la dégradation de la balance commerciale et l’augmentation de la dette. Il n’a pas pu faire cesser la politique du « quoi qu’il en coûte » à temps. Et il a laissé le déficit public déraper en 2024 sans réagir ni sur les dépenses, ni sur les recettes. Le déficit, pour lequel la prévision annonçait 4,4 %, ce qui était déjà trop élevé par rapport à l’engagement de 3%, dépasse les 6 % en 2024.

Il n’a pas réagi, le nouvel Obs le raconte dans son article du 3 décembre 2024 : « Les trois fautes de Macron » :

« Le premier acte se noue le 8 avril 2024. Le chef de l’État participe, contrairement à son habitude, à la réunion des présidents de groupes de la majorité qui se tient tous les lundis à l’Elysée. « J’entends parler de projet de loi de finances rectificative. Je n’en vois pas l’intérêt. » Puis, au sujet des pistes d’économies réclamées par son ministre Bruno Le Maire : « Il ne faut pas que ça soit la foire à la saucisse. » […] Alors que depuis la fin de 2023, la direction du Trésor alerte sur une baisse inquiétante des recettes et un déficit qui dérape dangereusement, le président décide… de ne rien faire. Les élections européennes s’approchent, il ne faut surtout pas inquiéter les électeurs qui pourraient se détourner du parti présidentiel. Au lieu d’intervenir en urgence, Emmanuel Macron procrastine. Pendant ce temps, les finances publiques flambent.»

Cette première erreur va en entraîner une seconde, il va prendre la décision de dissoudre la chambre des députés, le soir des élections européennes catastrophiques pour son camp. Il ne veut probablement pas affronter le débat budgétaire de la fin de l’année, avec sa majorité relative et la révélation de ce dérapage budgétaire.
Beaucoup explique qu’il ne pensait pas que les partis de gauche, qui s’étaient déchirés et insultés au cours de la campagne européenne, puissent se réconcilier et présenter un front uni, indispensable pour gagner dans un mode de scrutin uninominal à deux tours. Peut être aussi, c’est une hypothèse personnelle, espérait t’il secrètement une victoire du rassemblement national qui aurait, selon toute vraisemblance, devant la difficulté de la tâche et son manque de compétence évidente, perdu  de sa crédibilité et son principal argument pour gagner les présidentielles : les français n’avaient jamais essayé son programme jusque là.

Lors de ces élections législatives, les français se sont mobilisés et la gauche est arrivée unie aux élections.

L’assemblée qui a été élue est fracturée en 3 blocs à peu près équivalent : La Gauche (NFP) 33% le Bloc central macroniste 29%, l’Extrême Droite 25%, avec une quatrième force, beaucoup plus faible, la droite LR 8%. Chaque bloc refuse de faire alliance avec aucun des deux autres. Les blocs de gauche et central sont même très divisés en leur sein.

Finalement Emmanuel Macron va aussi échouer dans le domaine économique dont pourtant lui-même et ses partisans prétendaient qu’il constituait le point fort de son mandat.

Il a accentué la politique de l’offre qui avait été initié par Hollande. Cette politique repose sur l’idée qu’on peut favoriser la croissance en créant un cadre fiscal et normatif très favorable aux entreprises, ce qui leur permet d’être plus compétitive, rentable, d’investir et in fine de créer de l’emploi.

Cette politique de fiscalité très arrangeante pour les entreprises diminue beaucoup les recettes de l’État sauf si un surcroit important de croissance les augmente en volume bien que les taux soient plus faibles. Cela n’est pas arrivé et aujourd’hui les plans de licenciement sont d’une ampleur telle que le chômage est de nouveau en train de repartir à la hausse.
La responsabilité d’Emmanuel Macron dans cette situation désastreuse d’une France qui s’enfonce dans la crise, de services publics qui se détériorent, avec un déficit abyssal, une dette qui ne sert pas à investir mais à payer les frais de fonctionnement, une crédibilité internationale de plus en plus faible, est immense.
Mais il n’est pas seul responsable, les députés qu’ils soient de son camp comme de l’opposition de gauche ou d’extrême gauche ont aussi une responsabilité énorme. Comment ne pas être choqué par le sourire narquois de Mélenchon en train d’assister, dans les tribunes du palais Bourbon, à la chute de Barnier et qui ne veut aucun compromis, mais espère des présidentielles anticipées qu’il pense pouvoir gagner. Marine Le Pen est dans un état d’esprit similaire. Et les chefs des différents partis du bloc central comme de la droite LR sont aussi, avant tout, préoccupés des élections futures et non de la situation des français et de la France.
Incapable de discuter, de débattre. Chaque fois qu’un plateau de télévision présente deux députés d’un camp différent, il n’y a qu’invectives et dialogue de sourd.
Ce n’est pas une élection présidentielle qui règlera ce problème d’une France divisée en trois et demi et qui ne sait plus se parler, ne sait plus faire société ensemble et se réfugie largement dans le déni des contraintes et des contradictions auxquelles la France doit faire face.

Vendredi 12 juillet 2024

« Gagner »
Comment gagner ?

Qui gagne ?

Qui perd ?

Jean-Luc Melenchon affirme que le Nouveau Front populaire a gagné et, qu’à l’intérieur du NFP, son parti a gagné .

Il en conclut que c’est au sein du parti le plus à gauche de l’échiquier politique qu’il faut désigner le premier ministre. Et avec tout cela, il veut appliquer son programme, tout son programme.
La secrétaire générale de la CGT Sophie Binet s’insurge 

« Emmanuel Macron veut nous voler la victoire ! ».

D’autres pensent que c’est le Rassemblement National qui a gagné.
D’abord au premier tour comme au second, c’est ce bloc d’extrême droite qui a a obtenu le plus de voix.
Ensuite à l’intérieur de l’hémicycle, si on s’intéresse aux groupes politiques, c’est à dire aux députés qui ont suffisamment de convergence pour accepter de siéger dans un ensemble homogène et identifié au Parlement, le RN est nettement le premier groupe.
En outre,  sa progression entre la législature précédente et celle d’aujourd’hui est la plus importante de toutes les formations.

Il existe aussi des hommes politiques comme Bruno Retailleau  qui prétendent que c’est « la Droite » qui a gagné et qu’il est impossible de nommer un premier ministre de gauche :

« Notre pays est majoritairement à droite ! »

Personne ne s’aventure à dire qu’Ensemble, les formations politiques qui, avant la dissolution, formaient la majorité présidentielle,  a gagné. Il y a des limites à l’outrance. Toutefois, le président de la république pour quelques mois encore, au maximum 34, a écrit une lettre le 10 juillet, dans laquelle on trouve cette phrase :

« Personne ne l’a emporté. »

Et, avec tous ces braves gens comment est-il possible de gouverner la France ?

Emmanuel Macron, Marine Le Pen, Jean-Luc Melenchon et quelques autres sont fondamentalement des autocrates, des bonapartistes, non des démocrates.
Il considère qu’il faut un processus de désignation d’un vainqueur, selon des méthodes quelconques.

Le fait que des électeurs votent pour leur parti pour éviter une catastrophe plus grande, sans partager leurs options politiques fait partie de ces méthodes. Une fois « ce truc de prestidigitateur » ayant donné un résultat, celui qui est premier pense pouvoir gouverner à sa guise, sans tenir compte des autres. Les institutions de la cinquième république donne d’ailleurs quelques outils pour ce faire.

Dans sa lettre du 10 juillet, Emmanuel Macron, exprime des réticences par rapport à cette méthode. Le problème c’est qu’il l’a appliquée depuis 2022, alors que lui aussi n’avait pas gagné les législatives, sa majorité présidentielle était seulement le groupe le plus important de l’Assemblée.

Que ferait des démocrates ?

Les différents groupes se réuniraient pour discuter d’un programme. Non pas pour choisir dans une liste de distribution de gratification,  mais pour répondre à  des questions :

  • Comment envisagez vous la dette de la France ?
  • Que pensez vous qu’on puisse faire pour le pouvoir d’achat des français ?
  • Quel est votre plan pour affronter le défi climatique et écologique ?
  • Quel est votre plan énergétique, sur les énergies renouvelables, sur le nucléaire ?
  • Que pensez vous faire pour la réindustrialisation de la France et l’attractivité du territoire ?
  • Quelle est votre politique européenne ?
  • Quelle est votre position sur la guerre en Ukraine ? et à Gaza ? Quelle est votre position sur le budget de la défense ? Quelle est votre vision par rapport à l’OTAN ?
  • Que proposez vous pour diminuer les tensions à l’intérieur de la société française ? Comment peut on rendre l’immigration compatible avec les craintes des français ? Quelle est votre modèle républicain et votre conception de la laïcité ?
  • Quelle est votre position sur la demande de sécurité des français ?
  • Considérez vous qu’il existe un sujet d’insécurité culturelle des français ou cette question est-elle en dehors de votre analyse ?

On pourrait continuer et notamment parler du scrutin proportionnel qui constitue, dans l’état actuel des choses, une arme efficace contre les autocrates.

Qui a gagné ? Qui a perdu ?

Peut être faut il poser la question autrement comment gagne t’on vraiment ?

Et comment perd t’on dignement. ?

Pour donner une piste, je voudrai évoquer un épisode sportif.

Le 2 décembre 2012, une épreuve de cross-country se déroulait à Burlada, en Espagne.

Le premier de la course, le Kenyan Abel Mutai (médaillé de bronze du 3 000m steeple cet été aux JO de Londres), s’apprête à remporter la course. Pensant avoir franchi la ligne, il coupe sa foulée et regarde son chronomètre… Seulement, il s’est trompé, et la ligne d’arrivée réelle est à quelques dizaines de mètres.

Derrière lui, l’Espagnol Ivan Fernandez Anaya arrive en pleine lancée. Il s’aperçoit immédiatement de la méprise de Mutai, et lui fait signe que la ligne est plus loin. Il essaye de dire  au Kenyan de continuer à courir.

Mutai ne connaissait pas l’espagnol et ne comprenait pas. Alors Fernandez a poussé Mutai à la victoire. A ceux qui lui ont demandé pourquoi il a fait cela, Ivan Fernandez Anaya a déclaré qu’il ne méritait pas de gagner, car il n’aurait jamais pu rattraper Abel Mutai sans son erreur.

Ivan Fernandez Anaya, 24 ans, a été champion d’Espagne espoirs du 5 000 mètres en 2010.

On trouve sur les réseaux sociaux cette belle histoire avec des photos erronées ou des réflexions pleines de sagesse qui aurait été prononcées par l’espagnol et qui ne sont pas exactes.

L’histoire montre simplement un homme qui a une éthique et qui se pose la question : Comment gagne- t-on ? Je crois que c’est une bonne question.

Lundi 8 juillet 2024

« La Gauche est très minoritaire dans le pays ! »
Des chiffres et une analyse factuelle

Certains propos de hier soir ont profondément irrité mon âme démocrate.

Si je me suis réjouis que les citoyens français ont une nouvelle fois, et j’espère que ce ne sera pas la dernière, repoussé la menace de l’arrivée au pouvoir de gens xénophobes, illibéraux et incompétents, il n’est pas décent que des hommes politiques qui combattent cette menace plongent dans la démagogie et le déni.

Quand Jean-Luc Melenchon affirme que son camp a gagné et que le seul choix est d’appliquer son programme, tout son programme et rien que son programme il tient des propos hors sol et dangereux pour la démocratie, parce qu’il ne tient pas compte des autres électeurs.

Revenons simplement à ce qui s’est passé lors de ces deux tours d’élections législatives qui ont permis d’élire une Assemblée nationale dont la durée de vie se situe entre 1 et 5 ans. Et n’oublions pas qu’il ne s’agit pas d’un jeu mais de gouverner notre vieux pays qui est menacé par la guerre, par les dettes, par le défi climatique, par la détresse sociale, par l’insécurité physique et culturelle.

Tous les résultats se trouvent sur le site du Ministère de l’Intérieur à l’adresse suivante : <Résultats législatives 2024>

Voici d’abord le tableau des résultats du premier tour qui s’est déroulé le dimanche 30 juin 2024. J’ai ajouté une colonne regroupement, pour tenter d’inscrire tous ces mouvements politiques dans notre grammaire républicaine qui classe les tendances politiques entre l’extrême gauche et l’extrême droite. Il est nécessaire, pour une petite part, de distinguer une tendance <autre> notamment pour les divers et régionalistes.


Dès lors lorsque qu’on présente les résultats en voix selon cette typologie on obtient ce tableau. Mais visuellement, c’est par l’intermédiaire d’un graphique qu’on peut le mieux discerner l’état des forces en présence.


Dès lors, il est clair que les mouvements qui se réclament de la gauche sont nettement minoritaires dans l’électorat. Pour espérer obtenir une majorité il faudrait que ces mouvements puissent s’adjoindre, convaincre, s’allier avec la quasi l’intégralité du mouvement de centre droit, plutôt à droite de ce qui reste de la majorité présidentielle macroniste.

Il me semble que toutes les personnes raisonnables qui ont réfléchi à situation politique dans notre pays ont conclu qu’il faudrait abandonner le scrutin uninominal à deux tours qui n’est plus pratiqué qu’en France pour passer au scrutin proportionnel.

Le scrutin proportionnel a également des défauts, notamment celui d’interdire au corps électoral d’écarter un candidat dont il ne veut pas. En effet, la confection des listes étant entre les mains des dirigeants des partis politiques, les députés sont ceux qui sont choisis par ces dirigeants .

En revanche, et cela me semble la qualité essentielle de ce mode de scrutin, il ne permettra jamais à un force politique qui dispose de l’appui d’un tiers de l’électorat,  d’obtenir la majorité absolue des sièges de l’Assemblée nationale et de poursuivre une politique contraire à la volonté des deux tiers des citoyens.

En outre, ce mode de scrutin rend inutile des alliances contre nature entre des partis politiques qui sont en désaccord sur des points fondamentaux. Enfin, il rend indispensable une autre manière de conduire la politique puisqu’il induit la nécessité de coalitions après les élections. Dès lors si on avait appliqué un scrutin proportionnel aux résultats du premier tour, en prenant comme règle que seuls les mouvements disposant au minimum de 5% des voix peuvent obtenir des députés, on arrive à cette assemblée :

Arrivé à ce stade, il  apparait normal de vouloir comparer l’image de cette assemblée avec celle qui est issue du second tour.

Le scrutin uninominal autorise des candidatures locales qui ne se rattachent pas formellement à un des grands partis.

En outre, des dissidents de l’un ou l’autre parti peuvent aussi obtenir le succès qui leur serait refusé dans un scrutin proportionnel.

Pour pouvoir comparer les deux assemblées, il faut évidemment faire des rapprochements que j’ai effectué ci-contre selon les classements du ministère l’intérieur qui a rangé ces députés selon une répartition gauche, droite, centre. Il reste des régionalistes divers qui sont plus difficilement classables. On constate donc que le Rassemblement national a été très défavorisé par le scrutin actuel. Il me semble très pernicieux que celles et ceux qui se réjouissent de cet effet, en raison de leur opposition radicale à ce parti, considèrent qu’il ne faut pas changer le mode de scrutin qui permet cela. Pour ma part, je n’ai pas de doute, il arrivera un jour où le RN profitera à son tour des effets pervers du scrutin uninominal à deux tours pour obtenir un nombre de sièges disproportionné par rapport à son ancrage électoral.

Hier nous avons donc vécu le second tour, car il restait 501 députés à élire. Pour certains ce fut une divine surprise. De manière factuelle voilà la répartition en voix, en siège et en pourcentage. J’ai repris les mêmes regroupements que pour le premier tour.

Nous constatons les effets déformants qu’induit ce mode de scrutin dans la distribution des sièges. Le Rassemblement national arrive encore largement en tête du scrutin avec plus de 10 millions d’électeurs, il fait mieux qu’au premier tour avec 37% des exprimés contre 33% au premier tour.

Avant de lire ces chiffres, étiez vous conscients de cette réalité ?

501 sièges étaient à distribuer. Si on ne s’intéresse qu’au trois grands blocs de cette élection, on constate que si 37% des électeurs lui ont donné leur bulletin, ils n’ont récupéré que 20,8 % des sièges. En parallèle la majorité présidentielle avec 23,15% des voix a récupéré près de 30% des sièges. Le nouveau front populaire a obtenu 25,7% des voix, si on a écouté le démagogue Melenchon, hier juste après 20:00, on avait le sentiment qu’il croyait avoir obtenu 50% des suffrages. Et si on refait un graphique des forces en présence comme pour le premier tour on obtient le schéma suivant :

Hier, La gauche n’était pas minoritaire, elle est très minoritaire. Hier soir, après que mon ancien camarade du PS, Philippe Prieto se réjouissait de la victoire de la candidate socialiste dans la circonscription où je vote, je lui écrivais ce message :

«  Il y a un peu de répit. Mais attention ce sera très compliqué. Certaines prises de position, ce soir, par des membres de NFP sont totalement hors sol. La Gauche est minoritaire en voix en France. Au premier tour elle représente à peu près 32% des exprimés. Au second tour elle pèse encore moins. Ce n’est pas avec cela qu’on applique « son programme », « tout son programme. ».
C’est le temps de l’humilité, des discussions et des compromis intelligents.
Est ce qu’il y a des hommes de gauche lucides et convaincants qui peuvent prendre ce rôle  ».

Oui, il faut de l’humilité et le sens du compromis. Sinon ce que nous redoutions reviendra en boomerang, plus fort encore.

Mercredi 3 juillet 2024

« La brutalité et la tendresse »
Inspiré par François Ruffin.

L’extrême droite c’est le mal !
J’en suis convaincu.

L’extrême gauche c’est le bien ?
J’ai des doutes.

Doute qui s’efface quand j’essaie d’écouter ce clip de rap, publié dans la nuit du 1er juillet, « No Pasaran ». Ce sont 20 strophes ou couplets qui sont alternativement psalmodiés par plusieurs rappeurs.

On commence la première strophe par Sofiane, c’est à dire Sofiane Zermani, né le 21 juillet 1986 à Saint-Denis dans le 93 : 

« La menace vient droit des cités (Ouais, ouais, pah), ma gueule, on vote contre les porcs
Jordan, t’es mort, Jordan, t’es mort ».

La seconde est confiée au rappeur Zola, de son vrai nom Aurélien N’Zuzi Zola né le 16 novembre 1999 à Évry en Essonne :

« Yeah, j’propose un octogone à Bardella
Ferme les frontières mais la dope remontera d’Marbella quand même (Quand même)
Donc, ouais, c’est pour ça qu’je les ken, donc ouais, c’est pour ça qu’j’ai la paye (Ouais, ouais) »

La troisième, Kerchak, anciennement Zolal, originaire de Bois-Colombes, est né le 19 février 2004. Il exprime les sentiments suivants :

« J’suis pas les politiciens genre j’fais pas trop le Mandela (Nan, nan)
Mais tout c’que j’sais, c’est qu’on vote pas Marine et baise la mère à Bardella (Rrrah) »

Je joins le texte intégral <No Pasaran> et je dévoile encore quelques passages fleuris :

Le rappeur Alkpote, nom de scène d’Atef Kahlaoui, né le 3 février 1981 dans le 10e arrondissement de Paris :

« J’recharge le Kalachnikov, en Louis Vuitton comme Ramzan Kadyrov (Clique, clique)
Nique l’imam Chalgoumi et ceux qui suivent le Sheitan à tout prix (Trogneux)
Marine et Marion, les putes, un coup de bâton sur ces chiennes en rut (Vlan)»

Sauf pour la dernière phrase qui devrait faire hurler toutes les féministes de droite et de gauche !!!! Il faut peut être quelques notes explicatives. Ramzan Kadyrov est le président de la Tchétchénie, alliée de Poutine il a pris le pouvoir après que les troupes russes aient massacré la population tchétchène qui voulait s’émanciper du colonialisme russe.

Ramzan Kadyrov applique dans sa république un islamisme rigoriste, il avait minimisé l’acte terroriste de son compatriote qui avait décapité Samuel Paty.

L’imam Chalgoumi est celui de Drancy qui est menacé de mort depuis des années pour ses prises de position républicaines. « Sheitan » est un mot arabe qui signifie : Satan ou démon.

J’ignore ce que vient faire le nom de Trogneux dans ce morceau de haine, nous savons que c’est le nom de naissance de l’épouse du président de la République.

Ce même rappeur continue sa logorrhée par ces propos complotistes :

« Nique tous ces députés, on sait qu’ils manipulent les statistiques (Menteurs) […]
Font du mal à nos enfants, ils veulent nous injecter une puce dans l’sang (Antéchris) »

Les francs-maçons sont aussi leurs ennemis : Strophe 8 : « Fuck ******** ******, c’est tous des francs-maçons » Strophe 13 « Espèce de franc-maçon, tu te nourris du sang qu’tu consommes Dans leurs ambassades, c’est le Sheitan qui les passionne Ouais, la France, c’est nous (C’est nous), fuck Eric Zemmour».

Quand ces personnes qui sont françaises et ont leur place en France crient, après toutes leurs invectives, « Ouais, la France, c’est nous » ils en sont au même stade d’exclusion que ceux du RN qui disent « La France, c’est nous ». Il y a alors deux France face à face, ce n’est pas ainsi qu’on fait société, et ces jeunes gens sont aussi coupables que ceux qu’ils veulent combattre.

Je trouve tout cela affligeant. Ce n’est pas ma Gauche.

Le Parisien évoque sobrement « des paroles particulièrement virulentes contre le Rassemblement national ou ses dirigeants ». Sur le site de France Info, on lit que « les rappeurs utilisent des paroles incisives pour dénoncer la montée de l’extrême droite », Le Monde est un peu plus incisif : « les mots souvent excessifs voire insultants, les propos misogynes et complotistes, au risque de brouiller leur message. »

Il faut se tourner vers l’hebdomadaire Marianne : <« No Pasaran » : le morceau indigeste et contre-productif des rappeurs qui veulent s’opposer au RN> ou Le Point <« No Pasaran » : les rappeurs du déshonneur et leurs suiveurs> pour obtenir une analyse qui parvient à trouver des mots qui me parlent, après ce déchainement de haine, de sexisme, d’islamisme et de laideur.

Dans mon éthique, il n’est pas possible de tenter de dénicher toutes les dérives extrémistes et racistes que les élus et militants du RN ont semé sur la toile et ne pas dénoncer avec autant de force ce monument de bêtise et de violence de ceux qui prétendent combattre l’extrême droite.

Je me sens beaucoup plus proche de cette injonction de François Ruffin, au moment de la réforme des retraites d’Emmanuel Macron : « Il faut de la tendresse pour notre pays. » car il jugeait la réforme « brutale ».

Vendredi 28 juin 2024

« En politique le choix est rarement entre le bien et le mal, mais entre le pire et le moindre mal. »
Nicholas Machiavel

Je n’ai pas retrouvé cette citation d’un ministre allemand qui avait dit :

« Les gens croient que mon job est de choisir entre une bonne décision et une mauvaise décision. Presque toujours je dois choisir entre une mauvaise décision et une décision pire. »

Mais je me suis souvenu de cette phrase que j’ai souvent vu attribuer à Machiavel, sans citer la source exacte.

Il me semble que c’est très juste. Je peux donner un exemple récent. L’Union européenne a augmenté les droits de douane sur les véhicules électriques chinois. <Le Monde> donne des précisions à ce sujet.

Le problème vient du fait que l’Union européenne est submergée par ces voitures chinoises et qu’il est quasi certain que les industries qui les produisent, soient largement subventionnées par l’Etat chinois. Donc bonne décision !

Mais non, mauvaise, car la Chine va répliquer :

« la viande de porc provenant de l’Union européenne est désormais dans la ligne de mire de Pékin. Une enquête antidumping sur les importations de produits porcins est au cœur d’un bras de fer commercial entre l’Europe et la Chine.
La France pourrait-elle perdre des parts de marché ?
Un éleveur de truie en Ille-et-Vilaine réalise 10 à 15% de ses ventes grâce à des exportations en Chine. Les Chinois sont en effet friands de parties du cochon qui sont peu consommées ailleurs dans le monde, comme les oreilles ou les pieds.
Une douche froide pour la filière française porcine  […]
Au total, l’an passé, la France a exporté 115 700 tonnes de viande de porc vers la Chine, soit plus de 16% de ses exportations.»

Il faudra donc arbitrer entre deux mauvaises décisions.

On pourrait dire de même pour la guerre en Ukraine, il n’y a pas de bonne décision mais une décision « entre le pire et le moindre mal.»

Il en va de même pour nous, en tant qu’électeur, ce dimanche : nous devrons choisir entre le pire et le moindre mal. La seule chose que nous devrions nous interdire, c’est de ne pas choisir.

Pour finir ces pensées de Christian Bobin :

« Il semblerait que la nuit doive s’épaissir encore un peu plus pour qu’on puisse apercevoir quelques étoiles.
Après, on verra les étoiles, par contraste.
Il faut que le noir s’accentue encore pour que les premières étoiles – les premières, ça veut dire qu’il y en aura d’autres – apparaissent.
Il est possible qu’une catastrophe économique soit une grâce, une chance.
Ça nous dessoulera, ça nous sortira d’une ivresse, de l’irréel, de l’avidité, de la consommation. Mais on n’y est pas encore »
Le Plâtrier siffleur, page 13

Mercredi 26 juin 2024

« Moi ou le chaos » et en fait « moi et le chaos »
Daniel Muraz dans le journal « Courrier Picard » du 18 juin

Et maintenant, il parle du risque de guerre civile !

En effet, dans un entretien au podcast «Génération Do It Yourself» diffusé lundi 24 juin, le président de la République a attaqué ses rivaux des «deux extrêmes», et pour ajouter à l’angoisse générale, prophétise la possibilité de la guerre civile !

Nous sommes passés de la promesse de « Moi ou le chaos » au constat du « Moi et le chaos ».

Un Président de la République ne devrait pas dire cela !

Il ne devrait pas attiser les braises mais au contraire apaiser, essayer de rassembler. Daniel Muraz écrit dans le journal « Courrier Picard » du 18 juin :

« En dramatisant les enjeux et en renvoyant caricaturalement dos-à-dos le front populaire de gauche et l’extrême droite. Face à ces « extrêmes » également diabolisées et traités de « fous », le chef de l’extrême centre en a appelé à créer ce « bloc central » qu’il n’a jamais réussi à construire depuis deux ans.
Quant au projet politique, rien de neuf. Bref, c’est juste « moi ou le chaos ». Et en fait « moi et le chaos ».
Chaos sinon créé, du moins accentué par sa dissolution. Chaos évident à droite chez les Républicains. Chaos à gauche ou les rancœurs réapparaissent. Une clarification politique répondrait certes l’Élysée. Mais chaos aussi au sein d’une ex-majorité présidentielle déboussolée, qui a subi deux ans éprouvants à l’Assemblée et qui se voit contrainte de repartir au front dans la pire des situations, avec un RN au plus haut et une gauche qui, déjouant les espérances élyséennes des « gauches irréconciliables », est quand même parvenue à afficher son unité.
Image chaotique encore renvoyée à l’étranger, notamment aux partenaires européens, affaiblissant le poids de la France dans les négociations qui s’ouvrent à Bruxelles pour renouveler les instances européennes. Chaos et K.O. politique surtout pour un président qui s’engageait en 2017 à tout faire pour que les Français n’aient plus aucune raison de voter pour le RN… »

Parmi toutes les nombreuses causes à la présence de l’Extrême droite aux portes du pouvoir, ce président ne se rend il pas compte de ce que sa manière d’agir, de gouverner en solitaire et de parler a pu irriter au plus haut point les français ?

Il n’aurait pas pu gagner les élections présidentielles de 2017 ou de 2022 sans l’apport de millions d’électeurs qui n’étaient pas d’accord avec les solutions qu’il proposait,  mais voulaient juste éviter le chaos.

En 2022, les électeurs sont allés plus loin, il n’ont donné qu’une majorité relative à son camp. En réponse, il n’a jamais cherché à faire une coalition, il voulait des ralliements pour pouvoir continuer à agir comme lors de son premier mandat, avec une assemblée de députés soumis qui votaient tout ce que ses conseillers et lui proposaient.

Et le sommet de cette dérive fut la gestion de la Loi sur les retraites. Il n’a même pas voulu parler et négocier avec Laurent Berger, l’homme du compromis et de la modération.

Au moment de son départ de la CFDT Laurent Berger a expliqué au JDD, en parlant d’Emmanuel Macron :

« Je ne veux pas tomber dans l’ultra personnalisation des choses, mais on n’a pas la même conception de la démocratie sociale, ni sans doute de la démocratie […] On n’a pas la même conception du modèle social qui doit être le nôtre pour accompagner les Français, les parcours ».

Emmanuel Macron ne nous a pas préservé du chaos, il a été un accélérateur de chaos.

Vendredi 21 juin 2024

« Timeo hominem unius libri »
Parole attribuée à Saint Thomas d’Aquin et qui signifie « Je crains l’homme d’un seul livre »

Thomas d’Aquin est considéré comme l’un des plus grands maîtres de la théologie catholique. Les procédures religieuses l’ont proclamé « Docteur de l’Eglise » catholique.

Il est né autour des années 1225 en Italie et il est mort le 7 mars 1274 à l’abbaye de Fossanova dans les États pontificaux. C’était un religieux de l’ordre dominicain.

Il aurait dit :

« Je crains l’homme d’un seul livre. »

La rigueur nous oblige à dire qu’il n’est pas certain que cette citation soit exacte.

<Cette page anglaise> prétend que c’est l’évêque Jeremy Taylor (1613-1667), qui affirmait que Thomas d’Aquin aurait prononcé cette phrase.

Aujourd’hui, il est devenu banal de citer cette phrase et de l’attribuer au théologien dominicain du XIIIème siècle.

Ainsi Delphine Horvilleur a écrit sur un réseau social, en utilisant un dessin de Plantu, le 29 octobre 2020 :

« Thomas d’Aquin a écrit un jour: « je crains l’homme d’un seul livre ». Le fanatique est toujours un mono-lecteur. Ce soir, tandis que nos portes se ferment, promettons-nous de lire DES livres, et surtout ceux qui nous délivrent. »

La citation n’est pas certaine, mais l’Histoire nous a appris qu’elle était juste.

Un <mot du jour récent> a rappelé le combat noble, visionnaire et juste de Simon Leys contre Mao et les maoïstes. Ces fanatiques intolérants étaient les prisonniers intellectuels du « Petit livre Rouge ».

Spontanément on songe aux livres des religions monothéistes : La Torah, la Bible, le Coran qui au cours des siècles et encore aujourd’hui ont nourri des fanatiques qui en croyant comprendre et puiser à une seule source ont commis ou commettent des crimes sans l’once d’un doute ou d’une humanité.

L’ironie de cette citation est que son invention dans le monde chrétien catholique conduisait à une toute autre explication.

On voulait souligner par cette phrase que :

« L’homme qui ne connaît qu’un livre unique mais le connaît à fond est redoutable par la parfaite connaissance qu’il en a…. »

Ce sens primitif, sans grand intérêt, a donc évolué vers deux interprétations :

  • Tout d’abord l’idée qu’il faut craindre l’homme qui ne connaît ou ne jure que par un seul livre ce qui conduit à des visions simplistes et intolérantes du monde en prétendant que leur opinion ou leur croyance constitue « la vérité ».
  • Ensuite pour fustiger ceux qui n’ayant lu qu’un seul livre croient tout connaître et se retrouvent sur la Montagne de la stupidité, première étape de l’effet Dunning-Kruger

Nous sommes dans une situation très préoccupante : Par la décision solitaire du Prince élu qui nous gouverne, la France peut être, le 8 juillet de cette année, dirigée par un parti démagogue, xénophobe et très peu outillé pour comprendre la complexité de notre monde d’interdépendance, de conflictualité, dans lequel l’arrogance de l’Occident est de plus en plus dénoncée et son leadership contesté par des forces puissantes et déterminées.

Et pour expliquer cette situation, beaucoup ne donne qu’une raison principale, voire unique.

Pour quelles raisons, les citoyens français qui se sont exprimés, ont donné près de 40% des suffrages à des partis d’extrême droite ?

LFI prétend que c’est la question sociale : le pouvoir d’achat, la peur du déclassement et les politiques « ultra libérales » du gouvernement français.

Les médias d’extrême droite prétendent que cette raison est à trouver dans les flux migratoires qui submergent notre pays, l’insécurité qu’ils provoqueraient et l’attaque de notre identité nationale par des groupes venant d’autres pays et portant une vision de la société et des valeurs incompatibles avec la République.

D’autres font porter toute la responsabilité à l’Union européenne et son droit de la concurrence libre et non faussée et les traités de libre échange qu’elle négocie.

Enfin les plus simplistes expliqueront que tout est de la faute d’Emmanuel Macron.

Je crois qu’il est alors possible de reprendre la citation attribuée à Saint Thomas d’Aquin en l’adaptant de la manière suivante : « Je crains l’humain qui croit que le problème complexe qui se pose à lui n’est la conséquence que d’une seule cause. »

Parce que si on est persuadé comme je le suis que l’arrivée au pouvoir du RN serait une catastrophe pour la France, parce qu’il n’a aucune solution réaliste aux problèmes qui se posent et qu’en outre les valeurs qui sous-tendent son action sont xénophobes, racistes, il faut bien comprendre les raisons de ce vote pour essayer de trouver des solutions réalistes et conformes aux valeurs humanistes.

La complexité du vote RN, notamment dans les campagnes, est un peu approchée par Camille Bordenet, journaliste au Monde, chargée des ruralités et Benoit Coquard Sociologue à l’INRAE à Dijon dans « les Matins de France Culture » du mercredi 19 juin 2024 : <Vote RN>

La première raison évoquée est le recul des services publics, la lente désaffection des services publics dans nos campagnes.

Camille Bordenet a observé ce phénomène et explique :

« Des guichets de poste, écoles, centres des impôts, services de maternité et d’urgence ou encore des tribunaux, ont progressivement fermé au gré des plans de restructurations nationaux des vingt dernières années. [C’est un processus] très douloureusement vécu par les habitants et les élus et qui entraîne un sentiment de déclassement et de désengagement de la puissance publique »

Le gouvernement a tenté de pallier ce manque par des guichets France Service qui ont pour vocation de constituer, en un lieu unique, un accueil de premier niveau de quasi tous les services publics. Il ne s’agit, pour l’essentiel, pas de résoudre et de répondre aux besoins des gens mais de les accompagner vers des outils numériques qui constituent, dans l’esprit des technocrates qui nous administrent, le dispositif efficace pour répondre aux demandes de services publics des usagers.

Selon la journaliste ni les habitants ni les agents ne sont à l’aise avec cette organisation : pour les uns le service est insuffisant, pour les autres ils se sentent débordés par l’exigence des populations.

Ce dispositif se heurte aussi au problème de la « fracture numérique » car énormément de personnes dans notre pays ne sont pas à l’aise avec le tout numérique

«  Ils sont alors renvoyés à un sentiment d’incapacité qui peut nourrir une aigreur ».

De cette insatisfaction, le Rassemblement national s’est nourri construisant le récit des deux France : celle des villages abandonnés par l’État face à celle de la « France des banlieues nécessairement immigrée et trop aidée » décrit Camille Bordenet.

Benoit Coquard insiste sur l’implantation locale des militants RN et le message délétère qu’ils propagent :

« [Le discours] reconnait que les gens ont beaucoup perdu, assure que la France est en décrépitude et que plus rien ne fonctionne. Mais il rassure aussi en promettant qu’il y aura toujours plus bas socialement que soi ». Un nouvel bouc émissaire est donc créé, la figure de l’assisté social vivant sur les aides d’État, et dont les représentations se recoupent souvent avec celles de l’immigré. »

Il y a donc les difficultés économiques, la peur de s’appauvrir et que les enfants soient encore plus mal lotis, le sentiment de déclassement personnel et du pays, le constat d’être délaissé par l’État, si important en France, la fracture numérique et plus généralement de la modernité.

Mais ce n’est pas tout.

Une grande dame de la Culture, âgée de 85 ans, fondatrice du théâtre du Soleil a publié une Tribune dans « Libération » le 12 juin 2024 :

«A quel moment doit-on cesser de faire du théâtre sous un gouvernement RN ?»

Ariane Mnouchkine fustige l’acte d’Emmanuel Macron :

« et soudain, ce geste du président de la République – ce geste d’adolescent gâté, plein de fureur, de frustration et d’hubris […] Il déverse un bidon d’essence sur le feu qui, déjà, couvait. Il met le feu à notre maison, à notre pays, à la France. »

Elle exprime un espoir à l’égard du nouveau front populaire, mais dit son rejet de la NUPES :

«Je ne pourrais accepter ce qui ne serait qu’un nouveau masque de certains leaders de cette Nupes qui nous a fait tant de mal, car la politique ne doit pas être que tactique cynique au service de convictions plus brutales que sincères. Elle doit se fonder sur la vérité et l’amour de l’humanité. »

Mais elle fait surtout cet aveu :

«Macron est bien trop petit pour porter, à lui seul, la totalité du désastre. Je nous pense, en partie, responsables, nous, gens de gauche, nous, gens de culture. On a lâché le peuple, on n’a pas voulu écouter les peurs, les angoisses. Quand les gens disaient ce qu’ils voyaient, on leur disait qu’ils se trompaient, qu’ils ne voyaient pas ce qu’ils voyaient. Ce n’était qu’un sentiment trompeur, leur disait-on. Puis, comme ils insistaient, on leur a dit qu’ils étaient des imbéciles, puis, comme ils insistaient de plus belle, on les a traités de salauds. On a insulté un gros tiers de la France par manque d’imagination. L’imagination, c’est ce qui permet de se mettre à la place de l’Autre. Sans imagination, pas de compassion. »

Elle parle d’un déni.

Elle parle aussi d’une posture, celle d’un camp du bien, d’un camp « qui sait » et qui traite de salauds celles et ceux qui ne sont pas d’accord.

On évoque là l’insécurité physique et l’insécurité culturelle dont la gauche ne veut pas parler.

Melenchon vante la vertu de la créolisation, c’est-à-dire du mélange des cultures. Cela peut se révéler pertinent sur la longue durée, mais pas en l’espace d’une génération.

Le nouveau front populaire, parle de lutte contre « l’islamophobie », c’est une erreur, il faudrait parler de la lutte contre le racisme anti-musulman.

Il veut abroger la Loi sur le séparatisme, c’est une autre erreur, il faut peut-être l’amender, non la supprimer.

Il faut défendre avec vigueur et force, la laïcité, les sciences, l’Histoire dans l’éducation nationale contre toutes les menaces, les pressions qui s’exercent contre elle par des hommes fanatisés qui croient trouver toutes les réponses dans un seul livre et dans une seule interprétation de celui-ci.

Et puis parallèlement, « les beaux esprits » de la gauche des villes, exactement comme les croyants d’un seul livre, proclament des opinions comme s’il s’agissait de la vérité : s’agissant du colonialisme, du genre, de la culture woke dont ils prétendent, en outre, qu’elle n’existe pas etc…

Sur tous ces sujets, il faut s’éloigner du déni, du dogme et trouver des réponses de gauche, humanistes, universalistes.

Ce sont aussi des raisons qui expliquent le vote RN.

Mardi 18 juin 2024

« Deux français sur trois. »
Valéry Giscard d’Estaing

Valéry Giscard d’Estaing avait écrit un livre en 1984 : « Deux français sur trois » dans lequel il estimait que pour gouverner la France, il fallait convaincre deux français sur trois.

Aujourd’hui, nous en sommes loin.

Nous savons qu’il y a trois blocs qui sont, selon leurs programmes, leurs alliances et les hommes qui les composent, totalement incapables de travailler ensemble ou simplement d’accepter de dire que le programme des deux autres blocs, bien que différent, constitue une alternative acceptable. Les autres sont soient des salauds, des incompétents ou des factieux.

Le bloc le mieux placé peut espérer 33% des voix.

Comment peut-on espérer rassembler les français ainsi.

J’ai déjà écrit deux mots du jour ancien qui d’une part montrait toutes les limites de la 5ème république : <mot du 8 février 2017> et un autre, en 2022, qui expliquait la perversité, dans le contexte actuel, du scrutin uninominal à deux tours : « Les 16 élections législatives de la Vème République : Un regard historique sur un scrutin qui se délite »

Ce scrutin pouvait se concevoir tant que la France était divisée en deux coalitions qui se combattaient mais se respectaient.

Aujourd’hui c’est une catastrophe.

Parce qu’il est envisageable que le Rassemblement National avec 33% des voix puissent, au second tour, avoir la majorité absolue des sièges, alors de 77% des électeurs ne veulent pas de ce programme. Je veux dire qu’ils n’en veulent absolument pas.

Il en va de même pour le nouveau front populaire, qui pourrait avoir, avec 30% des voix, la majorité absolue des sièges alors que tous les autres sont radicalement contre.

Nous avons déjà suffisamment de problèmes pour ne pas y ajouter un type de scrutin qui permet une telle distorsion de la volonté du corps électoral.

Dans l’Union européenne, nous sommes les seuls à ne pas avoir le scrutin proportionnel et nous avons tort.

Avec un scrutin proportionnel, le PS, le PC et les verts n’auraient pas besoin de s’associer à LFI.

Les républicains ne se rallieraient pas au Rassemblement National.

Et les divers partis ne s’ostraciserait pas comme actuellement, car ils sauraient qu’après les élections il faudrait trouver des coalitions.

Ces coalitions éviteraient les mesures excessives et trop décalées par rapport aux autres mouvements politiques.

Il est urgent de passer à la Proportionnelle.

Vendredi 14 juin 2024

« Consultation »
Que signifie ce mot ?

Quelquefois on se pose des questions sur des mots qui nous semblent de la langue courante, mots qu’on utilise sans y penser.

Et puis arrive un évènement qui nous interpelle et on commence à douter du sens de ce mot.

Récemment c’est le mot « consultation » qui m’a conduit à une telle interrogation.

Au départ, il y a cet article du « Canard enchaîné » du 12 juin 2024 :

« Après avoir annoncé aux ténors de la majorité sa décision de dissoudre, Macron leur donne la parole, comme s’ils avaient encore leur mot à dire. Première à s’exprimer, pour des raisons protocolaires Yaël Braun-Pivet, sonnée par la nouvelle, jette un pavé dans la mare.
« Monsieur le Président, selon l’article 12 de la Constitution , vous devez consulter les Présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat. »
Réponse dudit Président :
« Je suis en train de te consulter…
– Pas comme ça. Je vous demande un entretien en tête à tête »
Demande accordée, Macron et Braun-Pivet s’éclipsent dans un salon voisin, où la présidente de l’Assemblée dit tout le mal qu’elle pense de la dissolution.
« J’ai fait mon choix «  réplique le chef de l’État qui appelle dans la foulée Gérard Larcher, président du Sénat, pour le « consulter » lui aussi. »

Nous avons bien entendu le Président de la République nous dire le 9 juin

« C’est pourquoi, après avoir procédé aux consultations prévues à l’article 12 de notre Constitution, j’ai décidé de vous redonner le choix de notre avenir parlementaire par le vote »,

Que dit cet article 12 ?

Article 12 de la Constitution :

«  Le Président de la République peut, après consultation du Premier ministre et des présidents des assemblées, prononcer la dissolution de l’Assemblée nationale. Les élections générales ont lieu vingt jours au moins et quarante jours au plus après la dissolution. »

Yaël Braun-Pivet, avait donc raison, en omettant toutefois le premier ministre, il faut une consultation préalable de trois autorités avant la décision par le Président de la République.

Mais que signifie consultation ?

Selon le dictionnaire Larousse, « consultation » est un nom féminin dont la définition est la suivante :

« Action de consulter quelqu’un, de lui demander son avis »

Selon ce même dictionnaire « consulter » répond à la définition suivante :

« Demander à quelqu’un son avis, son conseil, chercher des renseignements auprès de lui, interroger ».

<Le dictionnaire du CNRS> donne l’étymologie :

« Empr. au lat. class. consultare « délibérer »

Il s’agit donc de délibérer, de discuter, d’échanger des arguments…

Le Canard enchaîné a raconté la réaction du Président du Sénat :

« En fait de consultation a raconté Gérard Larcher, vingt-quatre heures plus tard en Conférence des présidents, « J’ai eu un coup de fil du chef de l’État pour « m’informer » qu’il allait dissoudre. Je n’ai pu qu’en prendre acte ». Larcher, afin qu’il y ait « une trace » de cette conversation en a fait consigner le contenu dans les archives du Sénat »

Le Président a informé les trois autorités, il ne les a pas consultés.

L’esprit de l’article 12 et donc de la Constitution n’a pas été respecté.

Soazig de la Moissonnière, la photographe officielle de la Présidence, a immortalisé l’annonce de la décision de dissolution lors de la fameuse réunion de l’Élysée :

On y voit la sidération de Yaël Braun-Pivet, de Gabriel Attal et de Gérald Darmanin.

Que signifie, en terme de communication, le fait de rendre public cette photo officielle ?

Je trouve cela étrange.

Autre incongruité de l’organisation de la République française, que j’ai essayée de décrire dans un mot du jour de 2017 : « La cinquième République »

Le vote sanction des électeurs français a été réalisé contre le Président de la République puisque c’est lui qui décide de tout.

Mais la réponse n’est pas sa dissolution, c’est-à-dire sa démission, mais la dissolution et donc le renvoi des députés. Il faut savoir sacrifier les autres !

Il y a quelques jours, le premier ministre britannique, Rishi Sunak, a demandé la dissolution du Parlement. Mais cette décision s’applique à lui, si le peuple britannique envoie une autre majorité au Parlement, Rishi Sunak ne sera plus premier ministre.

Et il en irait de même en Allemagne, en Espagne, en Italie, au Danemark, bref dans tous les pays comparables.

Sauf aux États Unis, où le Président a beaucoup de pouvoirs comme en France, mais ne peut pas dissoudre la chambre des représentants.

« Il y a quelque chose de pourri au Royaume du Danemark » écrivait Shakespeare dans « Hamlet ».

Peut-être y a-t-il quelque chose de pourri dans la Vème République française ?

Jeudi 13 juin 2024

« Le sexe d’un côté et le fric de l’autre et on arrive à ça ! »
Roselyne Bachelot

C’est dans l’émission <Face à Alain Duhamel> du 12 juin que Roselyne Bachelot explique le chaos actuel de la manière suivante :

« Cette dilution de la vie politique française vient de loin. Elle n’est pas à imputer à Emmanuel Macron. Emmanuel Macron est l’effet de cette dilution, il n’est pas la cause.
Parce que les ferments de la distorsion de la vie politique française, ils ont commencé avec le scandale de Dominique Strauss Kahn, qui fait que l’élection présidentielle de 2012 choisit François Hollande qui n’était pas le bon candidat et qui scelle la mort du PS. Ils ont continué avec le scandale de François Fillon qui tue la Droite républiaine. Donc ces deux éléments, ces deux colonnes vertrébrales de la vie politique française s’effondrent à cause de la faute de deux hommes.
Le sexe d’un côté et le fric de l’autre et on arrive à ça. »

Ainsi parle Roselyne Bachelot avec sa gouaille et son sens des formules.

Elle, qui fut ministre de la Culture, post COVID, sous la présidence d’Emmanuel Macron, de 2020 à 2022.

Mais elle fut préalablement, ministre de la Santé et des Sports de 2007 à 2010 et ministre des Solidarités et de la Cohésion sociale de 2010 à 2012 sous la présidence de Nicolas Sarkozy

Et encore avant, cette Docteure en pharmacie, née le 24 décembre 1946 à Nevers, eut sa première expérience gouvernementale, de 2002 à 2004, comme ministre de l’Écologie et du Développement durable. Jacques Chirac était alors Président de la République.

Elle a raison sur un point, Emmanuel Macron est devenu Président de la République suite à un concours de circonstances : un quinquennat raté de François Hollande et une campagne ratée de François Fillon qui proclamait qu’il fallait faire des économies drastiques dans le train de vie de l’État mais qui n’appliquait pas cette règle pour ses besoins personnels et familiaux.

Sans ces deux aventures, Emmanuel Macron n’aurait jamais été élu Président de la République en 2017, malgré ses talents, son ambition et sa bonne étoile.

Dans son discours de la victoire de 2017, il avait fait la promesse suivante :

« Je veux avoir un mot pour les Français qui ont voté simplement pour défendre la République face à l’extrémisme. Je sais nos désaccords, je les respecterai, mais je serai fidèle à cet engagement pris : je protègerai la République.
Et je veux enfin avoir un mot pour ceux qui ont voté aujourd’hui pour Madame LE PEN – ne les sifflez pas, ils ont exprimé aujourd’hui une colère, un désarroi, parfois des convictions. Je les respecte. Mais je ferai tout, durant les cinq années qui viennent, pour qu’ils n’aient plus aucune raison de voter pour les extrêmes. »

Le résultat des élections européennes du 9 juin 2024 qui a fait monter le Parti de Mme Le Pen à 31,4% des suffrages exprimés et en y incluant les autres mouvements, l’extrême droite à près de 40% des voix, montre que la promesse n’a pas été tenue.

Mais « Le sexe d’un côté et le fric de l’autre » ne suffisent pas à expliquer pourquoi « on arrive à ça ! », c’est-à-dire à une extrême droite devant la porte entrouverte du pouvoir.

Rappelez-vous les dernières années crépusculaires de François Mitterrand, puis les 12 ans de Chirac pour lesquels on se rappelle avec reconnaissance l’opposition à la guerre en Irak, mais qui sur le plan interne ne sut et ne put rien faire sur l’inexorable déclin de la France, l’angoisse de la classe moyenne et l’augmentation des tensions au sein de la société française.

Son successeur, Nicolas Sarkozy, qui a traité son prédécesseur de « roi fainéant » malgré son activisme et son énergie n’a pas davantage réussi à rendre confiance aux français.

Entre temps, il y eut les 5 ans de cohabitation de 1997 à 2002 pendant lesquels Lionel Jospin fut un premier ministre sérieux, rigoureux qui pensait que ses résultats économiques lui permettraient d’accéder, sans difficultés, à la Présidence de la république contre « un Chirac fatigué ».

Que Nenni…

Pour la première fois un représentant de l’extrême droite s’invita au second tour de la Présidentielle.

Puis il y eut François Hollande qui échoua jusqu’au point de ne pouvoir se présenter à sa réélection, trahi il est vrai, par un jeune fougueux qui croyait connaître la solution aux problèmes et qui s’est fracassé, à son tour, au mur des réalités de son impuissance politique, plombé et rejeté avec d’autant plus de force que son arrogance apparait grande.

Je ne crois pas un instant que l’élection de Strauss Kahn en 2012 ou de Fillon en 2017 aurait changé quoi que ce soit de fondamental dans cette évolution.

Pourquoi ?

Je peux essayer d’avancer quelques pistes :

Nous sommes en face d’une impuissance politique, dans laquelle pour se faire élire les politiques promettent des choses qu’ils ne pourront tenir.

Nous n’avons plus ni la démographie, ni la productivité, ni la croissance économique pour faire progresser notre État providence et même le maintenir.

Concernant la démographie, nous avons besoin d’immigration mais nous n’avons plus l’énergie et la force pour intégrer ceux qui viennent et même les enfants de ceux qui sont déjà là. Cette situation crée des tensions identitaires, une montée du communautarisme, alimentée par des groupuscules qui sont hostiles à nos valeurs occidentales, créant en réaction, un rejet de plus en plus fort d’une société en plein doute.

Notre pays s’est désindustrialisé et se trouve bien faible dans un monde interdépendant, mondialisé et financiarisé.

Et je n’ai même pas évoqué le défi climatique et plus généralement de la biodiversité et de l’écologie.

Il faudrait encore parler de notre faiblesse militaire dans un monde de prédateurs carnivores qui se moquent de notre comportement d’herbivores feignant de croire que les normes, les règles de droit sont en capacité d’arrêter ou de faire fléchir ces fauves, ces empires qui nous regardent d’un air narquois.

Mais de tout cela les Politiques ne veulent pas parler et les français probablement ne veulent pas en entendre parler.

Quand des hommes politiques, non démagogues, ont tenté de se faire élire, ils ont été balayés ou empêchés de se présenter. On peut parler de Rocard et de Delors à gauche ou de Barre et de Balladur à droite. Ils n’avaient pas de solutions miracles à proposer, bien sûr, mais ils disaient davantage la vérité.

Interrogé par France Inter Jean-Louis Bourlanges que je qualifierai aussi de Politique à démagogie très modérée, a eu cette phrase :

« Ce que je constate et c’est très dur à dire : c’est un divorce profond entre les besoins du pays et les attentes du pays. Les attentes c’est plus de pouvoir d’achat, c’est plus de subvention, c’est plus de « care » comme disait Mme Martine Aubry. Tout un ensemble de soins et de choses. Et les besoins c’est renforcer les budgets militaires, renforcer l’investissement, renforcer la technologie, accroitre la compétitivité des entreprises. »