Hier, j’ai parlé de ce mot imprononçable : « l‘ultracrépidarianisme »
Cette mauvaise évaluation de sa compétence personnelle ou surconfiance a été étudiée scientifiquement et a finalement fait l’objet, après une série d’expériences qu’ils ont dirigées, de la publication d’un article par les psychologues américains David Dunning et Justin Kruger en 1999.
<Wikipedia> qui comme toujours est précis, écrit :
« Leurs résultats ont été publiés en décembre 1999 dans la revue Journal of Personality and Social Psychology ».
Et c’est ainsi que depuis 1999 on parle de l’effet Dunning-Kruger.
J’aurai pu mettre cette expression effet Dunning-Kruger, en exergue du présent mot du jour, mais j’ai préféré citer les trois étapes de cet effet :
- Montagne de la stupidité
- Vallée de l’humilité
- Plateau de la consolidation
Il arrive aussi qu’on parle aussi de «surconfiance».
Ils ont démontré que les personnes non qualifiées ont plutôt tendance à surestimer leur niveau. Pendant cette période de la montagne de la stupidité, non seulement la personne incompétente tend à surestimer son niveau de compétence mais en outre ne parvient pas à reconnaître la compétence de ceux qui la possèdent véritablement.
De manière corollaire, les personnes les plus qualifiées ont plutôt tendance à sous-estimer leur niveau de compétence.
<Etienne Klein> explique ce paradoxe par le fait qu’il faut être compétent pour mesurer l’incompétence. Ainsi l’incompétent n’a pas la qualité pour mesurer son incompétence, alors que le compétent comprend les limites de son savoir.
Ils ont donc réalisé ce tableau qui montre l’évolution dans le temps de la confiance en soi, au fur et à mesure de l’acquisition des compétences. Le tableau est très explicite, mais notons que lorsque l’acquisition de la compétence permet d’atteindre le plateau de la consolidation, la confiance ne se situe pas au niveau de la montagne de stupidité du début.
<Clément Viktorovitch > a expliqué cela très bien lors d’une émission de Canal+ –
L’article de Wikipedia ajoute une précision selon l’espace culturel des personnes observées
« Les études sur l’effet Dunning-Kruger ont surtout été réalisées sur des Occidentaux. Une étude sur des sujets est-asiatiques suggère que pour ces personnes un effet inverse (sous-estimation de sa propre valeur et motivation pour s’améliorer) pourrait être à l’œuvre ».
Cette observation doit probablement être affinée, mais si elle était confirmée elle montrerait, en moyenne, une attitude plus humble et donc plus propice à l’acquisition sérieuse de compétences de la part des sujets asiatiques.
<1459>
J’aime beaucoup ce commentaire sur notre incapacité à nous rendre compte de nos capacités et incapacités. A ce sujet, il ne faudrait pas oublier de noter qu’il existe de multiples échelles de compétence. Or j’ai souvent noté dans mon environnement universitaire, peuplé de nombreux experts « reconnus », que l’expertise d’un domaine de compétence donnait l’impression à celui qui en était le détenteur, une capacité à être expert en toute chose. Une expertise, souvent de qualité, dans un domaine ciblé, donne le droit à certains de se penser au dessus des autres dans tous les domaines. J’ai donc l’impression que pour certaines personnes très qualifiées, la montagne de stupidité arrive bien vite, car il faut l’avouer, on sort très vite de son domaine d’expertise. Et j’ai malheureusement l’impression, que c’est aussi vrai en dehors de l’université, que ce soit en politique, dans les médias, dans les entreprises. Si il y a une chose qui est bien partagé, c’est notre prétention à nous croire supérieurs aux autres.
Pour l’avoir gravi si souvent (et à des hauteurs inaccessibles à nombre de mes congénères), sachez mes amis que la vue est à couper le souffle…
Merci Alain pour ces mots du jour qui me redonnent immanquablement le moral.