Vendredi 31 octobre 2025

« Et pendant le moment de l’accouchement, le papa tient bien fort la main de la maman pour avoir moins peur !»
Une des phrases affichées à l’accueil de la Maternité des Lilas pour faire comprendre aux futurs parents quel était le sexe fort au moment de la naissance.

Michel Rocard avait énoncé cette vérité de vie, les deux ou trois plus beaux moments de votre vie n’ont jamais rien à voir avec l’argent.

Et, chacun de s’interroger : mais si je me penche sur ma vie : quels en sont les plus beaux instants ?

Pour moi, je n’ai pas de doute : ces deux plus beaux moments, je les ai vécus 12 Rue du Coq Français dans la petite commune « Les Lilas » en Seine Saint Denis. le premier a eu lieu dans la nuit du 5 au 6 juin 1991 et le second dans la soirée du 10 janvier 1994.

L’écrin magnifique, magnifique parce qu’il était rempli de l’humanité, de la qualité d’écoute, du dévouement et de la chaleur des personnes qui travaillaient là où ces évènements se sont déroulés, portait le doux nom de « Maternité des Lilas. »

La maternité des Lilas va définitivement fermer ses portes ce 31 octobre 2025.

Il y eut tant de menaces et de luttes pour la maintenir en activité, que beaucoup pensaient qu’elle avait déjà fermé. Ce n’était pas le cas, c’est aujourd’hui que cette aventure de 61 ans va définitivement se terminer.

La maternité des Lilas a été fondée en 1964 par la comtesse Colette de Charnières avec un statut de clinique privée. Elle poursuivait le même objectif que la maternité des bluets située 9, rue des Bluets dans le 11e arrondissement, refuser ce commandement que l’homme, qui a écrit le texte de la Genèse, fait dire à dieu :


« Il dit à la femme: J’augmenterai la souffrance de tes grossesses, tu enfanteras avec douleur, »
La Bible du Semeur 2015 – Genèse 3-16

L’accouchement sans douleur est un ensemble de techniques visant à supprimer l’angoisse et les douleurs de l’accouchement par une préparation durant la grossesse et l’utilisation de techniques complémentaires pendant l’accouchement, et par la création d’un rapport de confiance et de collaboration entre l’équipe médicale et la mère. Ces techniques ont été développées principalement au Royaume-Uni et en URSS au milieu du XXe siècle.

La France était en retard sur ces méthodes. Cette évolution a été introduite en France grâce aux communistes et à la CGT. Le médecin qui en a été le moteur fut le docteur Fernand Lamaze, chef de service de la maternité des Bluets, ouverte en novembre 1947, réalisation sociale des syndicats CGT de la Métallurgie de la région parisienne.

En 1950, le docteur Lamaze avait lu un rapport du professeur russe A.P. Nikolaiev sur la doctrine du physiologiste Pavlov, basée sur la découverte de l’intervention du système nerveux supérieur dans les grandes fonctions de l’organisme ; Nikolaiev démontrait qu’une éducation psychique de la femme enceinte pouvait lui permettre d’accoucher sans douleur.

En 1951 lors d’une mission médicale, F. Lamaze assiste à un accouchement naturel sans douleur, ce qui se pratiquait couramment en URSS :

« Ce fut pour moi un véritable bouleversement de voir cette femme accoucher sans aucune manifestation douloureuse… tous ses muscles étaient relâchés… pas la moindre angoisse dans ses yeux, pas un cri, pas la moindre goutte de sueur ne perlait sur son front, pas une seule contraction du visage. Le moment venu, elle a fait les efforts de pousser sans aucune aide, dans un calme absolu…Après avoir été le témoin d’une chose pareille, je n’avais plus qu’une préoccupation : transplanter cela en France et… cela devenait pour moi une idée fixe »

Il va pouvoir introduire cette méthode avec un confrère, le docteur Vellay, grâce à l’engagement militant de femmes et de membres de la CGT, dans le cadre de la maternité des Bluets.

Mais des forces réactionnaires, probablement marquées par la Genèse, s’opposent à ces évolutions. À deux reprises, Lamaze et Vellay sont traduits devant le Conseil de l’ordre des Médecins. Enfin, ils seront blanchis en 1954.

Et preuve qu’il ne faut pas désespérer de l’Eglise, le 8 janvier 1956, le pape Pie XII crée la surprise en prenant position en faveur de l’accouchement sans douleur devant sept cents gynécologues et médecins. Il déclare :

« la méthode est irréprochable du point de vue moral ».

Si vous voulez en savoir davantage : « https://francearchives.gouv.fr/pages_histoire/40009 »

La Maternité des Lilas va s’inscrire dans ce mouvement.

Quand en 1991, il fallu choisir une maternité, pour Annie et moi, il n’y avait aucun doute il nous fallait choisir entre ces deux établissements. Finalement, ce fut la maternité des Lilas.

L’accompagnement dont nous avons pu bénéficier jusqu’à l’accouchement fut incroyable.

Nous savions que s’il y avait des difficultés il serait possible de rapidement mobiliser des équipes médicales. Mais quand ce n’était pas nécessaire, ce qui fut notre cas, il n’y avait que l’humain, le toucher, la respiration, la confiance et le miracle de la vie qui naissait au milieu d’un petit groupe d’humains, beaucoup de femmes, mais le père avait toute sa place.

L’accouchement sous péridurale qui existait depuis 1975 était possible, mais le plus souvent inutile : les techniques naturelles apprises étaient suffisantes pour que ce moment de joie fut sans douleur. Le cœur de tout cela était de faire de cet instant : l’arrivée au monde d’un petit humain, non un acte exclusivement technique mais avant tout, un acte d’humanité dans lequel un petit groupe relié par l’amour, la bienveillance, l’attention accueillait, en son sein, un nouveau petit être, une nouvelle vie.

Pour la naissance de 1991 nous habitions près de la Place d’Italie à Paris. En fin de cette année nous avons déménagé dans une résidence, avenue Jean Moulin à Montreuil sous bois. Nous avons eu la surprise d’apprendre, peu à peu, que tous les parents que nous fréquentions régulièrement, étaient allés à la maternité des Lilas, sauf un couple qui était allé à la maternité des Bluets.

En 61 ans d’existence, l’établissement a été pionnier dans le féminisme en étant un haut lieu de l’accouchement physiologique, qui se veut le plus naturel et le moins médicalisé possible. Il a aussi pratiqué des avortements clandestins avant la Loi Veil. Il continuait aujourd’hui de pratiquer de nombreux IVG. En 1990, la maternité des Lilas a fait l’objet d’une attaque du mouvement américain pro-life « commando anti-IVG ». Toujours à la pointe de la lutte pour le droit des femmes de disposer de leur corps, l’établissement a embrassé plus récemment les luttes LGBT.

Le 1er juillet 2025, l’agence régionale de santé avait annoncé sa fermeture pour plusieurs raisons : une baisse d’activité, la perte de sa certification par la Haute Autorité de santé et des difficultés financières.

Les médias se font l’écho de ce jour de deuil qui voit la fermeture de cet établissement de lumière par manque d’argent. Michel Rocard avait raison, toutefois l’argent est quelquefois nécessaire pour rendre possible les choses belles et remarquables.

France info écrit « Pourquoi la fermeture de la maternité des Lilas suscite tant d’émotions et de regrets

La station ICI donne la parole à une maman qui a accouché dans ce lieu : « C’était tellement humain cette maternité, on se sentait comme à la maison ».

Libération publie aussi des témoignages : «Là-bas, je n’étais pas qu’un numéro».

Et le titre de l’article du Monde pour informer sur cette évènement : « Mobilisation contre la fermeture imminente de la maternité des Lilas, pionnière du féminisme ».

Je ne peux m’empêcher d’être triste qu’un tel établissement où les femmes se sentaient respectées, écoutées et accompagnées et où les pères avaient leur place aussi, ne puissent plus continuer à exercer sa noble mission.

Jeudi 23 octobre 2025

« La guerre des récits»
Une part d’explication du monde

Lundi, je rappelais que notre espèce, homo sapiens, se distinguait des autres par le langage qu’elle avait inventé pour communiquer et échanger à l’aide d’une suite de mots. .

Avec ces mots, sapiens a développé un outil d’une puissance inouïe qui lui a permis de s’imposer et de devenir « le maître des espèces sur terre ». Dans la série consacrée à « Sapiens » de Yuval Noah Harari, le mot du jour consacré aux mythes relevait cette belle formule de l’auteur :

« Jamais vous ne convaincrez un singe de vous donner sa banane en lui promettant qu’elle lui sera rendue au centuple au ciel des singes. »

C’est cette faculté d’inventer des histoires, des mythes, des religions qui ont donné à Sapiens les moyens de réunir des groupes, tribus, empires immenses liés par ces croyances communes. Aucune autre espèce n’a jamais été capable de réunir autant d’individus liés par un destin et des objectifs communs.

Les groupes humains, pour faire société, se rassemblent, ainsi, autour de « récits » qui font sens pour eux, donnent le lien qui leurs permettent d’affronter ensemble des défis et construire une communauté, une nation, jusqu’à une civilisation.

Ces récits peuvent devenir le ferment de conflits entre groupes humains : « Nous contre Eux »

« La guerre des récits » est une expression que Christine Ockrent a utilisé, en 2020, dans un livre consacré à la pandémie du Covid 19. Le Grand Continent avait interviewé, à cette occasion, l’autrice : « La Guerre des récits, par Christine Ockrent »

Amélie Férey, professeure à Sciences-Po Paris et à École polytechnique et chercheuse à l’Institut français des relations internationales (IFRI) a donné, en 2024, comme titre à un podcast : « De l’Ukraine à Gaza : la guerre des récits » consacré à son dernier livre dans lequel elle explore comment le langage et les récits jouent un rôle crucial dans la conduite des conflits modernes, y compris les guerres en Ukraine et à Gaza.

Yad Vashem, le mémorial de la Shoah à Jérusalem

Dans le conflit entre Israël et les Palestiniens, j’ai appris et présenté cette douloureuse histoire en me basant sur le récit sioniste : Un peuple, uni par une religion, rejeté et martyrisé par les nations européennes et chrétiennes qui poursuit le projet de se regrouper sur la terre qui est au cœur de son livre sacré autour de la ville de Jérusalem. C’est ce que j’ai développé dans le mot du jour « Le sionisme apparaît parce qu’il y a l’antisémitisme » ou encore dans celui-ci : « Israël est né d’une angoisse de mort comme aucun peuple n’en a connue à ses origines. ».

Mais on peut aussi raconter une autre histoire, un autre point de vue, un récit concurrent.

En 1914, la Palestine faisait partie de l’Empire Ottoman. Sur ce territoire, selon Wikipedia, habitait 525 000 musulmans, 70 000 chrétiens et 60 000 Juifs, soit 80% de musulmans et 9 % de juifs. C’est une population arabe, fier de sa civilisation, qui est sous le joug d’une nation, certes musulmane, cependant honnie : les turcs, peuple guerrier et impérial.

L’élite du peuple arabe souhaite se débarrasser de ces importuns pour se retrouver « entre arabes » et créer, comme en en Europe, une nation arabe. L’erreur de l’Empire Ottoman d’entrer en guerre du côté des empires centraux, l’Autriche-Hongrie et l’Allemagne, constitue pour cette élite, une opportunité de pouvoir se libérer des Ottomans.

C’est alors qu’en Europe, un petit groupe de chrétiens protestants mu en partie par des mythes religieux sous la direction de celui qui est le ministre des affaires étrangères du gouvernement de l’Empire Britannique prend l’initiative de produire, ex nihilo, « la  déclaration Balfour » qui soutient l’implantation en Palestine d’un « Foyer National Juif »

Il faut considérer cette affaire. Vous êtes musulman arabe, vous voulez vous libérer de l’emprise ottomane. Et voilà, que sur un autre continent, à Londres, le gouvernement occidental, chrétien, de la plus grande puissance colonisatrice européenne de l’histoire de l’humanité déclare la chose suivante : Nous soutenons l’implantation d’une partie de la population européenne, de confession juive, sur la terre que vous habitez. Et c’est ainsi que dans un plan organisé et financé, des juifs européens viennent s’installer sur la terre entre la Méditerranée et le Jourdain. Ce sont certes des juifs, reliés à cette terre, par leurs mythes religieux, mais ils sont très différents de la communauté juive de Palestine, des juifs orientaux qu’on appelle « le vieux Yichouv ». Ils ne se mélangent d’ailleurs pas.

Comment ne pas comprendre que cette histoire est vécue par les habitants arabes de la Palestine, comme une « colonisation » européenne de peuplement, sous la protection de la plus grande puissance coloniale occidentale.

Des mots du jour ont été écrits sur ce sujet. L’analyse cinglante d’Arthur Koestler « Une nation a solennellement promis à une seconde le territoire d’une troisième. » Et puis plus saisissant encore cette confidence du premier des israéliens David Ben Gourion rapportés par son ami Nahum Goldmann : « Ils ne voient qu’une chose : nous sommes venus et nous avons volé leur pays. Pourquoi l’accepteraient-ils ? ». Et cette synthèse qu’en a fait Dominique Moïsi : «Quand Israël naît […] en 1948, […] Pour le monde Arabe, c’est le dernier phénomène colonial de l’histoire européenne qui est anachronique. Pour les Israéliens, c’est avec quelque retard, le dernier phénomène national de l’histoire européenne du 19ème siècle.[…] Et en fait ce conflit de calendrier n’a jamais été surmonté.»

Goulag, une histoire Soviétique documentaire de Patrick ROTMAN

Dominique Moïsi nous entraîne dans une transition plus globale encore entre occidentaux et non occidentaux. L’historien Timothy Snyder, plusieurs fois cités dans les mots du jour, a écrit un ouvrage de référence : « Terres de sang » dans lequel il parle de l’Europe et des meurtres de masse communistes et nazis : Le goulag et la shoah. Pour les occidentaux ce sont les récits des deux plus grandes tragédies du monde.

Les européens depuis leur colonisation de l’Amérique, commencée en 1494, dont ils ont tiré un récit « La découverte de l’Amérique », ont dominé pendant des siècles le monde puis ont passé le relais à leur colonie de peuplement : « Les Etats-Unis ». Cet Occident a dominé, a exploité les richesses du monde, a imposé ses valeurs et ses récits. Les deux grands malheurs de l’humanité furent la shoah et le goulag.

L’Occident domine moins, on lui impose d’autres récits. Pour le reste du monde les deux grands malheurs de l’humanité sont la colonisation et l’esclavage.

Les bateaux négriers Transportent 300 à 400 Noirs réduits en esclavage.Ces hommes, entassés entre deux ponts.
L’absence d’hygiène fait mourir 10 à 15 % des passagers.
À l’arrivée, les Noirs sont exposés et vendus.

Un jour je suis tombé sur cette interview que Thierry Ardisson a fait de Dieudonné. Elle s’intitule « la dernière interview de Dieudonné » car le polémiste antisémite n’a plus,depuis, été invité à la télévision. Dieudonné raconte sa dérive à partir d’un moment particulier de son existence. Il voulait faire un film sur l’esclavage des noirs africains et il s’est heurté, selon son témoignage, à un mur financier qui lui a refusé de faire ce film. Selon son récit dès qu’il s’agit de sujets sur la shoah, les financements sont faciles à obtenir, dès qu’il s’agit de parler de l’esclavage, il n’y a plus personne.

Je ne sais pas quelle crédibilité apporter à ce récit, mais je suis certain qu’il s’agit d’un ressenti fort d’une grande partie du monde et d’une partie de notre société française.

Guillaume Erner a tenté de rapprocher les récits lors de sa matinale du mardi 21 octobre. Il a invité l’essayiste indien Pankaj Mishra qui défend l’idée que « La création de l’État d’Israël s’est faite à rebours d’un processus de décolonisation » dans son livre « Le Monde après Gaza ».

Erner a essayé d’engager un dialogue entre Pankaj Mishra et François Zimeray, président de l’Association française des victimes du terrorisme, l’AFVT, ancien ambassadeur en charge des droits de l’Homme qui défendait davantage le récit occidental.

Daniel Schneidermann voit cette image, au Musée de l’armée. Sur la base de cette image il va écrire un essai « Cinq têtes coupées » L’image est une gravure réalisée d’après photographie et reproduite dans le journal L’illustration, numéro 2511 du 11 avril 1891. Les soldats coloniaux trouvaient commode de décapiter les récalcitrants, cela permettait d’imposer la soumission aux autres. Ils ne s’en cachaient pas, comme le montre cette publication de 1891.

Force est de constater que cet échange fut très compliqué, parce que chacun est resté sur son récit et n’a pas voulu ou su accueillir le récit de l’autre.

Cela me permet d’arriver à une conclusion provisoire.

Les récits dont il est question ne constituent jamais « la vérité », ils dévoilent une vérité.

Pour que le récit fonctionne, il faut qu’il s’inscrive dans des faits réels, mais il faut aussi une part de conte, de refus d’entrer dans les détails et les nuances. Patrice Boucheron a écrit récemment dans un article de Libération

« La meilleure façon de gâcher une fête traditionnelle, c’est d’y inviter un historien. Rien de tel pour doucher vos enthousiasmes »:

C’est folie que de croire que notre récit explique par lui seul la complexité du monde ou son malheur.

Il nous faut comprendre cette force du récit, être capable d’un saisir, même imparfaitement, les limites. Et surtout, surtout comprendre qu’il peut exister d’autres récits, être en capacité de les accueillir pour tenter de construire ensemble, à partir de nos points de vue différents.

Dans le mot du jour consacré au « Concert de Ramallah », Daniel Barenboim a magnifiquement résumé ce conflit de récit en Palestine :

« Nous avons le choix : nous entretuer ou apprendre à partager ce qui peut se partager. »

Lundi 20 octobre 2025

« Ainsi parlait Donald Trump »
Un clin d’œil à un célèbre ouvrage de Friedrich Nietzsche

J’aime les mots. Je crois que nous sommes nombreux à aimer les mots, ceux qui ont du sens, qui permettent d’exprimer de la profondeur, un raisonnement ou la beauté poétique du monde.

Le langage élaboré, structuré est un des éléments essentiels qui distingue notre espèce « homo sapiens » des autres espèces. C’est le moyen que notre espèce a inventé pour communiquer, pour échanger, pour se comprendre.

Manifestation « No king » du 18 octobre 2025 à Los Angeles

Et puis, nous qui vivons aujourd’hui dans un monde d’une complexité qui s’épaissit chaque jour, un monde qui est confronté à des défis de plus en plus redoutable, nous voyons l’homme, que le pays le plus puissant de la planète, a mis à sa tête utiliser des mots simplistes, prononcer des discours effarants.

Un clone d’Ubu roi qui appauvrit la langue, exprime des banalités avec force superlatifs, ment ou dit simplement des choses qui n’existent pas dans la vie réelle.

Il est parfaitement ridicule. Mais personne n’ose lui dire, au contraire les autres chefs d’état ou d’organisation internationale le flatte et n’ont qu’une crainte : le contrarier.

C’est effrayant !

Je sais bien que ces actes et ses décisions en interne comme à l’international sont encore plus effrayants. Mais aujourd’hui, je m’arrêterai au langage utilisé par cet homme, car il faut oser lire ce qu’il dit.

A la Knesset une partie du public porte des casquettes rouges « Trump The Peace President »

Après avoir obtenu un cessez le feu, fragile, au moyen-orient, la libération des otages israéliens et de prisonniers palestiniens, il s’est rendu à Jérusalem pour faire un discours à la Knesset, le 13 octobre. Vous trouverez des larges extraits publiés par le site « Le Grand Continent » : « C’est la fin de la guerre ».

Il commence son discours pour prétendre que tout cela est inhabituel, incroyable et que finalement tout va s’arranger bientôt :

« C’est une victoire incroyable pour Israël et pour le monde entier que tous ces pays aient travaillé ensemble en tant que partenaires pour la paix. C’est assez inhabituel, mais c’est ce qui s’est passé dans ce cas précis. C’était un moment très inhabituel, un moment brillant. Dans plusieurs générations, on se souviendra de ce moment comme celui où tout a commencé à changer, et à changer pour le mieux, comme aux États-Unis actuellement. Ce sera l’âge d’or d’Israël et l’âge d’or du Moyen-Orient. Tout va fonctionner ensemble. »

Nous savons que rien n’est réglé et que si cette étape est indiscutablement une merveilleuse nouvelle pour ceux qui souffraient, c’est la plus simple dans un processus de paix qui doit permettre de faire coexister deux peuples qui pour la plus grande part se haïssent aujourd’hui.

Pour continuer, comme souvent il évoque Dieu mais pas le peuple palestinien :

« Les gens disaient autrefois que cela n’existerait pas. Ils ne le disent plus aujourd’hui, n’est-ce pas ? Pourtant, si la sécurité et la coexistence peuvent prospérer ici, dans les ruelles sinueuses et les chemins anciens de Jérusalem, alors la paix et le respect peuvent certainement s’épanouir parmi les nations du Moyen-Orient au sens large. Le Dieu qui habitait autrefois parmi son peuple dans cette ville nous appelle encore, selon les paroles de l’Écriture, à nous détourner du mal et à faire le bien, à rechercher la paix et à la poursuivre. Il murmure donc toujours la vérité dans les collines, les coteaux et les vallées de sa magnifique création. Et Il inscrit toujours l’espoir dans le cœur de ses enfants partout dans le monde. C’est pourquoi, même après 3 000 ans de souffrances et de conflits, le peuple d’Israël n’a jamais cessé d’être exposé à toutes sortes d’autres menaces. Vous voulez la promesse de Sion. Vous voulez la promesse du succès, de l’espoir et de l’amour. Et Dieu et le peuple américain n’ont jamais perdu la foi en la promesse d’un avenir grand et béni pour nous tous. »

Ensuite arrive un moment de révélation de sa part sur l’activité d’une milliardaire américaine ouvertement membre du lobby pro-Netanyahou. Il remercie Miriam Adelson, veuve du milliardaire Sheldon Adelson, à la tête d’une des plus grandes fortunes américaines, elle avait significativement contribué à la campagne de Trump en 2024, avec un don de 106 millions de dollars. Le travail de lobbying existe, mais jamais un président ne l’a ouvertement reconnu comme Trump :

« Miriam et Sheldon venaient au bureau. Ils m’appelaient. Je pense qu’ils se sont rendus à la Maison-Blanche plus souvent que n’importe qui d’autre à ma connaissance. Regardez-la, assise là, l’air si innocent. Elle a 60 milliards à la banque. 60 milliards. Et elle aime Israël, mais elle l’aime vraiment. Ils venaient, et son mari était un homme très agressif, mais je l’aimais. Il était très agressif — mais il me soutenait beaucoup. Et il m’appelait pour me demander s’il pouvait venir me voir. Je lui disais : « Sheldon, je suis le président des États-Unis. Ça ne marche pas comme ça. » Il venait quand même. Ils ont joué un rôle très important dans beaucoup de choses, notamment en me faisant réfléchir au plateau du Golan, qui est probablement l’une des meilleures choses qui soient jamais arrivées. Je lui ai demandé un jour si elle préférait Israël et les États-Unis. Elle n’a pas répondu — ce qui signifie qu’elle préfère peut-être Israël.»

Que dire devant un président qui parle ainsi devant les caméras du monde entier ?

Lorsqu’il parle de la guerre contre l’Iran cela donne ces propos d’adolescent attardé :

« En frappant l’Iran, nous avons écarté un gros nuage du ciel du Moyen-Orient et d’Israël, et j’ai eu l’honneur d’y contribuer.
Ils ont pris un gros coup, n’est-ce pas ? N’est-ce pas qu’ils ont pris un gros coup ? Bon sang, ils l’ont pris d’un côté, puis de l’autre. Et vous savez, ce serait formidable si nous pouvions conclure un accord de paix avec eux. Et je pense que c’est peut-être possible. Seriez-vous satisfait de cela ? Ne serait-ce pas formidable ? Je pense que oui, car je pense qu’ils le veulent, je pense qu’ils sont fatigués. […]
Ce que nous avons fait en juin dernier, l’armée américaine a fait voler sept de ces magnifiques bombardiers B2. Ils sont soudainement devenus si beaux. Ils l’ont toujours été. Je trouvais simplement que c’étaient de jolis avions. Je ne savais pas qu’ils pouvaient faire ce qu’ils ont fait. En fait, nous venons d’en commander vingt-huit autres. »

C’est affligeant et effrayant à la fois !

Après la Knesset, le président américain s’est rendu en Egypte, à Charm-el-Cheik, le 14 octobre, où l’attendait quasi tous les chefs d’Etat ou de gouvernement des pays de la Région et des principaux pays occidentaux. Il s’est lancé dans un nouveau discours sans structure et consistance. Ce discours est traduit intégralement par le Grand Continent : « Trump en Egypte »

Il commence par prouver qu’il ignore ce que signifie le mot « paix » entre les nations :

« Ensemble, nous avons réalisé ce que tout le monde disait impossible. Nous avons enfin la paix au Moyen-Orient. C’est une expression très simple : la paix au Moyen-Orient. Nous l’entendons depuis de nombreuses années, mais personne ne pensait qu’elle pourrait un jour devenir réalité. Et maintenant, nous y sommes. »

Après il raconte un conte pour enfants :

« L’aide humanitaire afflue désormais, notamment des centaines de camions chargés de nourriture, de matériel médical et d’autres fournitures, […] Les otages retrouvent leurs proches. C’est magnifique ! Je regarde tout cela depuis les coulisses, l’amour et la tristesse qui s’expriment. Je n’ai jamais rien vu de tel. C’est incroyable, quand on voit qu’ils n’ont pas vu leur mère ou leur père depuis si longtemps et qu’ils ont vécu dans un tunnel, un très petit et très profond tunnel ; l’amour qui s’exprime est tout simplement incroyable. C’est magnifique à voir. D’un côté, c’est horrible que cela ait pu se produire, mais d’un autre, c’est tellement beau à voir. Un nouveau jour magnifique se lève. Et maintenant, la reconstruction commence. »

La photo « souvenir » du sommet de Charm-el-Cheik

Puis il va passer la plus grande partie de son discours à parler des différents présents de la manière suivante :

L’émir du Qatar

« C’est un homme extrêmement respecté. Son Altesse le cheikh Tamim est respecté par tous. Il est respecté par tous et de la manière la plus positive qui soit. Non seulement grâce à son pouvoir, mais aussi grâce à son cœur. Il a un cœur d’or, c’est un grand leader et son pays l’aime. Merci beaucoup d’être ici. C’est un honneur. »

Le Président turc Erdogan :

« Il est toujours là quand j’ai besoin de lui. C’est un homme très dur. Il est aussi dur qu’on peut l’être. Mais nous l’aimons. Et quand ils ont un problème avec vous, ils m’appellent toujours pour que je m’en occupe. Et généralement, j’y parviens. Nous avons tout simplement une bonne relation. Et ce, depuis le début. Je tiens donc à vous remercier chaleureusement et à saluer votre épouse, votre magnifique épouse. C’est formidable d’être avec vous.. »

Les présidents arméniens et d’Azerbaïdjan :

« Nous avons l’Arménie. Oh, et l’Azerbaïdjan. C’est une petite guerre que nous avons arrêtée. C’est une petite guerre. Les voilà. Regardez-les. Ils étaient aussi assis quand je les ai rencontrés, dans le Bureau ovale. Ils se sont battus pendant trente-et-un ans, ou un autre nombre délirant. Et il y en avait un assis de ce côté du Bureau ovale, un assis de l’autre côté, et quand nous avons terminé au bout d’une heure, ils s’étreignaient tous les deux. Et maintenant, ils sont amis et s’entendent très bien. Regardez ça. Je tiens donc à vous remercier tous les deux. C’est incroyable. Vraiment incroyable. »

Il va passer ainsi tout le monde en revue et il dira pour la première ministre italienne Giorgia Meloni, :

« En Italie, nous avons une femme, une jeune femme qui est… Je ne peux pas le dire, car généralement, si vous le dites, c’est la fin de votre carrière politique. C’est une belle jeune femme. Aux États-Unis, si vous utilisez le mot « belle » pour qualifier une femme, c’est la fin de votre carrière politique. Mais je vais tenter ma chance. Où est-elle ? La voilà. Ça ne vous dérange pas qu’on vous dise que vous êtes belle, n’est-ce pas ? Parce que vous l’êtes. Merci beaucoup d’être venue. Nous vous en sommes reconnaissants. Elle voulait être ici, elle est incroyable et elle est très respectée en Italie. C’est une politicienne qui a beaucoup de succès. »

Il présente ensuite l’avenir sous une vision radieuse « orientée vers une paix formidable, glorieuse et durable. ».

Il s’inscrit dans les millénaires et s’il est écrit dans les évangiles que le Christ permettait aux aveugles de voir, Trump lui parvient à réaliser que ceux qui ne s’entendaient pas s’entendent désormais.

« Et depuis 3 000 ans, il y a eu ici des conflits, pour une raison ou une autre ; d’énormes conflits, toujours et encore. Mais aujourd’hui, pour la première fois de mémoire d’homme, nous avons une chance unique de mettre derrière nous les vieilles querelles et les haines tenaces. Elles sont la raison pour laquelle tant de personnes dans cette salle ne s’entendaient pas. Certaines s’entendaient, d’autres non, mais toutes s’entendent maintenant. Cela a rapproché les gens. C’est la première fois que la crise au Moyen-Orient rapproche les gens au lieu de les diviser, pour leur faire déclarer que notre avenir ne sera pas régi par les luttes des générations passées, ce qui serait insensé. »

Je crois qu’il faut s’astreindre à lire les discours de Trump pour réaliser à quel point ils sont vides, d’une vacuité absolue.

Bien entendu que la Paix ne peut pas se trouver au bout d’un tel néant de la pensée.

Hakim El Karoui, auteur de « Israël Palestine, une idée de paix » explique dans un long article du Grand Continent : « La paix de Trump n’aura pas lieu ».

La principale raison étant qu’aucune perspective n’est offerte au peuple palestinien pour reconnaître sa dignité et son existence sur cette terre.