Lundi 13 juin 2022

« Les 16 élections législatives de la Vème République. »
Un regard historique sur un scrutin qui se délite

Nous avons donc vécu, ce dimanche, le premier tour de l’élection première, c’est à dire celle des députés à l’Assemblée Nationale, siège du pouvoir de faire la Loi.

C’était la 16ème élection de ce type pour la Vème République

Les français ne savaient pas qu’il s’agissait du moment le plus important de notre vie démocratique.

Ils ne se sont jamais autant abstenus.

Voici l’évolution de la participation au cours de ces 16 élections.

Je voudrais aborder un second sujet dans ce mot du jour écrit un soir d’élection.

Et pour introduire ce point je commence par l’élection de 1958.

Les élections législatives françaises de 1958 ont lieu les 23 et 30 novembre 1958. Il s’agit des premières élections de la Cinquième République.

La constitution de la cinquième république vient d’être approuvée par le référendum du 28 septembre 1958.

À l’issue du scrutin, 579 parlementaires ont été élus. La majorité de l’assemblée est conforme à la majorité présidentielle.

Cette dernière a obtenu 43 % des voix au premier tour et 402 députés.

Le second de cette élection est le Parti Communiste dirigé par Maurice Thorez qui obtient au premier tour 18,90 % des voix et 10 députés.

Nous voyons là, dès la première élection l’effet totalement déformant du scrutin uninominal à deux tours.

Pour élire un député dans une circonscription, il faut au premier tour qu’il puisse rassembler 50% des votants +1. Sinon il y a un second tour qui rassemble au moins les deux premiers et d’autres candidats s’ils ont obtenu au moins un seuil de voix qui a évolué. Aujourd’hui il faut au minimum avoir obtenu 12,5% des inscrits. Ce qui signifie qu’en présence de 50% d’abstention, le candidat doit obtenir 25% des votants.

Les défenseurs de ce mode de scrutin expliquent qu’il permet de favoriser les candidats ou Partis capables de rassembler au second tour des électeurs qui n’avaient pas voté pour eux au premier tour.

En 1958, le Parti Communiste avait un socle électoral de citoyens convaincus mais au second tour il avait du mal à trouver des électeurs non communistes acceptant de voter pour eux.

En chiffre cela donne les résultats suivants :


Vous comprenez que la majorité gaulliste est passé de 43,10% des votants à 69,43 % des députés. Le mode de scrutin a « optimisé » son résultat par 1,6

En comparaison le Parti communiste a divisé son résultat par 10.

Si on veut s’intéresser à deux autres Partis de cette élection :

L’autre Parti de Gauche était à l’époque le SFIO de Guy Mollet qui s’intégrera en 1971 dans le PS de Mitterrand. Il obtient 17,20% des voix au premier tour et 40 députés soit 6,91% de la chambre, l’effet multiplicateur est de 0,40, C’est mieux que le PCF mais cela correspond à un résultat divisé par 2,5.

Et le grand parti du centre le MRP qui avait dominé la IVème république et dont le chef était le maire de Strasbourg, Pierre Pflimlin qui était surtout l’avant dernier premier ministre de la IVème république (le dernier étant De Gaulle qui fera passer le régime à la Vème République)

Le MRP avait obtenu 9,10% des voix au premier tour, donc à peu près la moitié de la SFIO mais avec presque autant de députés 35, soit 6,04%. Il ne dispose donc pas d’une optimisation comme la majorité présidentielle, mais sa moins-value est moindre que celle des deux partis de gauche : 0,66 = 9,10/6,04

Le mode de scrutin qui donne un tel effet est-il utilisé ailleurs ?

Si on observe les principaux pays qui nous sont comparables :

  • La Grande Bretagne pratique le scrutin uninominal à un tour : Le candidat arrive en tête au premier, quel que soit son score, est élu. Le type de déformation qui existe entre la répartition en voix et la répartition en sièges dans le scrutin uninominal à deux tours ne se retrouve évidemment pas dans ce type de scrutin.
  • Les autres Pays de l’Union européenne utilise tous, le scrutin de liste avec élections à la proportionnelle. Ce mode de scrutin selon les modalités d’application (par exemple souvent les listes obtenant moins de 5% n’ont pas d’élus) ont un effet multiplicateur proche de un : la chambre des députés ressemble à la répartition des voix.

J’ai fait des recherches, je n’ai pas trouvé une démocratie sérieuse qui pratique ce mode de scrutin à l’exception peut-être de la Louisiane qui est le seul État des USA qui pratique le scrutin uninominal majoritaire à deux tours, tous les autres États suivent l’exemple britannique du scrutin uninominal majoritaire à un tour.

Je pose une question : La France a-t-elle raison contre le monde entier ou conserve t’elle une singularité incongrue ?

J’ai appliqué la même grille d’analyse à l’ensemble des 16 scrutins :


On constate qu’en moyenne quand la droite gagne elle bénéficie d’un effet multiplicateur, plus important que celle de la gauche.

L’extrême centre a réalisé en 2017 un hold-up avec un effet multiplicateur de 1,88 avec le plus petit pourcentage de voix de tous les scrutins : 32,32%.

Hier, c’est encore pire avec un peu plus de 25% des voix : ¼ des voix. Pour arriver à la majorité absolue des députés de la Chambre, il faudrait un effet multiplicateur de 2 !

Mais ce n’est pas mieux pour NUPES qui se réjouit d’être devant la majorité présidentielle, mais qui prétend vouloir la majorité absolue avec même pas 26% des voix.

Nos élections ne correspondent plus qu’à un vague processus de désignation de députés visant à donner, à n’importe quel prix, une majorité à un parti.

Tout cela pose un problème énorme à la démocratie représentative française.

Il n’est pas possible de continuer ainsi : 4 tours de scrutin pour un tel résultat, une telle déformation du corps électoral !

Ce n’est pas ainsi qu’on peut gouverner un pays de manière apaisée et le réformer.

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2 réflexions au sujet de « Lundi 13 juin 2022 »

  • 14 juin 2022 à 12 h 30 min
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    La démonstration est plus que troublante et montre la dérive d’un système qui donne la majorité à un mouvement (quel qu’il soit) qui aura au final recueilli les voix de seulement 12 à 13% des inscrits… Si on ajoute le fait que beaucoup d’électeurs ne votent pas par adhésion (beaucoup à gauche ont voté nupes sans être mélenchoniste), cela recoupe l’impression que l’on a de ne croiser que peu de macronistes ou mélenchoniste dans notre entourage. Au final, on peut imaginer qu’ils ne forment chacun qu’un groupe d’environ 5% de la population. Mais en représentant 5% de la population, ils se considèrent légitimes à gouverner les autres. Il faut dire que le système et des citoyens désinvestis l’y encouragent.

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    • 14 juin 2022 à 16 h 26 min
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      Oui c’est une dérive très préoccupante.
      Il y a de multiples raisons certainement.
      Force est de constater que pendant ces élections il n’y a eu aucun vrai débat. D’ailleurs Macron ne débat pas, Macron explique !
      Selon lui , il sait. il a raison, il est l’extrême centre !
      Celles et ceux qui ne sont pas d’accord ont mal compris, c’est pour cela qu’il explique. Et celles et ceux qui s’obstinent sont des extrémistes ou des gens de mauvaise foi.
      Macron est bien sur pas seul responsable de cette situation. Il a cependant fait sa part et surtout il a raté son pari de changer la politique et de faire reculer l’extrême droite

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