Mardi 5 juillet 2022

« Les politiques, les contradictions et les erreurs. »
Quelques éléments de langage des politiques examinés par les sciences politiques

Je donne simplement quelques exemples.

Une contradiction :

Emmanuel Macron a été réélu Président de la République, dimanche 24 avril 2022. Le soir de cette victoire, il a tenu un discours au pied de la Tour Eiffel. Et parmi d’autres choses, il <a dit> :

« Je sais aussi que nombre de nos compatriotes ont voté ce jour pour moi non pour soutenir les idées que je porte mais pour faire barrage à celles de l’extrême droite. Et je veux ici les remercier et leur dire que j’ai conscience que ce vote m’oblige pour les années à venir »

Le même homme, après les élections législatives qui ne lui ont pas permis de disposer d’une majorité absolue a fait un discours, de 8 minutes, le 22 juin dans lequel il demandait aux groupes politiques d’opposition de dire « jusqu’où ils sont prêts à aller »

Et dans ce discours il a analysé sa réélection de la manière suivante :

« Le 24 avril, vous m’avez renouvelé votre confiance en m’élisant Président de la République. Vous l’avez fait sur le fondement d’un projet clair, et en me donnant une légitimité claire. »

Et il a ajouté :

« Cela veut dire ne jamais perdre la cohérence du projet que vous avez choisi en avril dernier. C’est un projet d’indépendance pour notre pays, la France et dans notre Europe que nous devons rendre plus forte, qui passe par une défense forte et ambitieuse, une recherche d’excellence, […] »

Il a donc, à 2 mois d’intervalle, d’abord reconnu que son élection a été le fruit d’un rejet de l’autre candidate, ensuite prétendu qu’il a été élu pour son seul programme

Une erreur

Jordan Bardella a affirmé après les élections législatives : « Macron a été mis en minorité »

Dans le troisième point, je reprendrai les chiffres.

Mais ce que dit Jordan Bardella est faux.

En sciences politiques, la situation à l’Assemblée Nationale est, du côté des députés macronistes, celle d’une majorité relative.

C’est-à-dire qu’ils ne disposent pas de la majorité absolue.

La minorité c’est la position d’un parti qui dans une assemblée a, en face de lui, une majorité relative ou absolue

Le Rassemblement National ou la NUPES sont minoritaires, parce qu’ils sont face à la majorité macroniste et qu’ils ne sont pas en capacité de se réunir, ni de se réunir avec un autre Parti pour avoir la majorité, c’est-à-dire plus de députés que le parti macroniste.

La NUPES veut déposer une motion de censure en vue de renverser le gouvernement. Il est peu probable qu’elle y arrive. Mais si elle y arrivait, elle n’aurait pas de majorité alternative pour gouverner à la place des macronistes.

En Allemagne, il n’est pas possible de renverser un gouvernement si on ne peut pas proposer une majorité alternative acceptant de gouverner ensemble.

Une autre erreur

Lors des diverses émissions que j’ai écoutées, plusieurs commentateurs ont affirmé qu’il n’était plus nécessaire d’instaurer la proportionnelle aux élections législatives parce que les français étaient parvenus à élire une assemblée quasi proportionnelle avec le scrutin actuel : scrutin uninominal à deux tours.

C’est d’abord factuellement faux ou très approximatif.

Pour la proportionnelle sur la base du premier tour, il suffit que je reprenne le schéma déjà proposé lors du mot du jour du 14 juin. Et à côté je présente la vraie Assemblée élue.


On voit donc que « Ensemble » dispose bien d’une nette majorité même si elle est relative, ce qui n’est absolument pas le cas s’il y a représentation proportionnelle car alors la NUPES fait jeu égal.

En outre, on constate que 51 députés ont été élus sur aucune des 4 listes qui auraient été seules représentées en cas de proportionnelle intégrale.

Mais il y a surtout une autre erreur, c’est que le scrutin a une influence sur l’organisation politique. Un simple exemple : jamais il n’y aurait eu une coalition NUPES, si le mode de scrutin n’avait pas obligé le PS, les écologistes et le PC de s’allier aux Insoumis pour espérer avoir des députés.

Dans le scrutin uninominal à deux tours, pour lequel je rappelle que quasi personne d’autre que la France ne l’applique, il faut présenter l’autre camp comme un adversaire qui a tous les défauts pour mobiliser. Dans un scrutin proportionnel, on sait qu’il n’y aura pas de majorité et qu’il va falloir discuter avec les autres pour créer, après les élections, une coalition de gouvernement. Les relations avec les adversaires, futurs partenaires potentiels ne sont pas les mêmes.

Enfin, on peut désormais avoir la crainte que si on laisse perdurer le scrutin actuel et étant donné les leçons du dernier scrutin qui a montré une dédiabolisation totale du Rassemblement National, ce dernier pourra bénéficier, à son tour, de l’effet multiplicateur de ce scrutin pour obtenir, la prochaine fois, la majorité absolue. Est-ce cela que nous voulons ?

Le scrutin actuel tant qu’il permettait à une coalition qui représentait plus de 40% du corps électoral à disposer d’une majorité absolue grâce à un coup de pouce du scrutin était tolérable.

Aujourd’hui que le parti majoritaire dispose de moins de 30% des voix exprimés et moins de 15% du corps électoral, cela devient inacceptable. Cette représentation déformée du corps électoral augmente les tensions dans la société et crée des mouvements de contestation de plus en plus violents.

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Vendredi 1 juillet 2022

« Tous les vieux fourneaux prennent les jeunots pour des cons. »
Georges Brassens « Le Temps ne fait rien à l’affaire. »

Aujourd’hui, je voudrais parler du rôle des vieux dans notre société.

Pour agrémenter ce sujet austère, j’ai décidé de l’enrichir de dessins de la série de BD : « Les Vieux Fourneaux » du dessinateur Paul Cauuet et du scénariste Wilfrid Lupano. J’ai aussi convoqué le chat de Geluck, à deux reprises.

« Les Vieux fourneaux » sont une BD absolument géniale dont un ami nous a fait découvrir le tome 1. Et depuis, avec Annie, nous avons acheté tous les autres tomes parus.

Nous reconnaissons une préférence pour les trois premiers dans lesquels l’imagination et la créativité des deux auteurs sont débordantes et infiniment drôles.

Cet <Article> nous apprend que Wilfrid Lupano a trouvé le titre de la série dans une chanson de Georges Brassens : « Le Temps ne fait rien à l’affaire. » :

« Quand ils sont tout neufs,
qu’ils sortent de l’œuf, du cocon,
tous les jeunes blancs-becs prennent les vieux mecs pour des cons.
Quand ils sont devenus des têtes chenues, des grisons,
tous les vieux fourneaux prennent les jeunots pour des cons ».


Manière poétique et piquante de parler du conflit de génération

C’est de la pure fiction. Il n’y a personne derrière «Les Vieux Fourneaux», assure Lupano. Il concède toutefois s’être inspiré des philosophes Edgar Morin et Michel Serres et du diplomate Stéphane Hessel pour imaginer leur personnalité.

Étant donné les trois inspirateurs, souvent cités dans le mot du jour, il est assez intuitif que cette BD me plaise beaucoup.

Les trois vieux qui sont en cœur de la BD sont résolument de gauche tendance anarchiste

Ce type de vieux existe assurément, j’en connais personnellement. Mais il ne me semble pas qu’ils représentent la majorité de cette génération.

Probablement cette majorité a-t-elle pleinement intégré cette formule qu’on attribue à GB Shaw ou à Aristide Briand, c’est selon : « Celui qui n’est pas de gauche à 20 ans n’a pas de cœur, mais celui qui est toujours de gauche à 40 ans n’a pas de tête »

Mais il y a une question préalable : Qui est vieux ?

Longtemps, je n’ai pas eu de doute : Est vieux celui qui est plus âgé que moi !

Et, en parallèle est jeune celui qui est plus jeune que moi. !

Mais aujourd’hui, m’approchant de mes 64 ans et aussi de la retraite, j’ai du mal à ne pas me classer dans la catégorie des vieux.

Surtout quand je me souviens qu’alors que j’avais 15 ans, quand je voyais mes tantes et oncles qui avaient 60 ans, je ne les trouvais pas vieux, mais très vieux !

François de Closets, à 88 ans vient de commettre un nouveau livre où il éructe comme d’habitude sur tout ce qui va mal selon lui. Il s’en prend, cette fois, à sa classe d’âge : « La parenthèse boomers ».

Pour de Closets il y a deux types de vieux !

De manière générique, les vieux c’est ceux qui sont à la retraite.

Mais il y a d’abord les profiteurs, ceux dont je ferais bientôt partie. Ils vivent aux frais des jeunes actifs, font des voyages, profitent grassement de tout ce que la société de consommation leur vend et pratiquent des tas d’activités prouvant ainsi qu’ils pourraient parfaitement continuer à travailler et décaler l’âge de la retraite.

Et puis, il y a « les vrais vieux », ceux qui ont perdu leur autonomie et pour lesquels la société n’a pas encore pleinement intégré l’ampleur de ce qu’il conviendrait de faire pour prendre pleinement en charge cette dernière période de la vie.

Sur le second point le « vieux râleur » a raison.

Sur le premier, il est vrai qu’il y a par moment un petit souci, parce que « certains retraités » ne comprennent pas vraiment comment fonctionnent leur retraite. Ils pensent qu’ils ont payé, pendant les années d’emploi, une caisse de retraite qui maintenant leur restitue ce qui a été versé.

C’est évidemment totalement faux. Ils ont payé dans leur jeunesse, alors qu’ils étaient nombreux à une caisse de retraite qui utilisait cet argent pour payer les pensions des retraités qui étaient peu nombreux.

Aujourd’hui, ils sont payés, alors qu’ils sont nombreux, par une caisse de retraite financée par des jeunes qui sont moins nombreux qu’à leur époque.

En revanche, François de Closets ignore superbement que notre économie surtout française ne veut plus des seniors : quand ils sont au chômage ils ne trouvent plus de travail, personne ne veut les embaucher. Les RH pensent probablement qu’ils sont trop lents et inadaptés au monde moderne.

Mais que représentent les vieux dans la société ?

Si on prend d’abord le monde, on peut constater que selon les continents, la répartition entre les classes d’âge est très différente.

Il y a beaucoup plus de vieux en Europe et beaucoup plus de jeunes en Afrique.

Encore faut il préciser que dans les continents il peut exister encore beaucoup de disparité entre les pays. Ainsi, en Asie les chinois et les japonais ont une pyramide des âges qui donne une grande importance aux classes âgées, ce qui n’est pas le cas du moyen orient.

On trouve cela sur le site de l’INSEE : https://www.insee.fr/fr/statistiques/2381482#tableau-figure1

J’en tire cette représentation

On constate quand même que la classe d’âge des 15 à 64 ans reste très largement majoritaire. Certains discours alarmistes semblent quelquefois nous inciter à croire le contraire.

Si on s’intéresse à la France métropolitaine (https://www.insee.fr/fr/statistiques/3303333?sommaire=3353488) et qu’on prend certaines périodes de notre Histoire, en tenant compte évidemment des éléments publiés par l’INSEE


C’est un peu plus clair si on compare simplement la répartition des classes d’âge entre 1980 et 2018 dans le cadre d’une représentation « camembert ».

On voit ainsi les classes d’âge qui progressent et celles qui régressent !

Donc nous sommes dans une société où il y a de plus en plus de vieux.

Et si les vieux occupent de plus en plus de place, ce sont surtout eux qui détiennent le patrimoine.

Dans les salles de concert de musique classique, dans les théâtres et même dans les cinémas après le COVID et NETFLIX la proportion de vieux est de plus en plus importante.

Mais là où la véritable querelle de génération vient d’éclater, au moins sur certains réseaux sociaux c’est la proportion de votants et la nature du vote des vieux.

« France Info » relaie cette proposition de certains : <Pourquoi l’idée d’un âge limite pour le vote des seniors en convainc certains> le titre ajoute : « et scandalise les autres »

Et voilà ce que dit cet article :

« C’est une petite musique qui courait déjà avant le premier tour de l’élection présidentielle, dimanche 10 avril, mais qui s’est renforcée à l’annonce des résultats. “Les jeunes qui ont voté en masse Mélenchon pour leur avenir se font voler leur élection par des vieux retraités qui ont vécu leur meilleure vie et n’ont plus rien à perdre et des vieux bourgeois qui ont tous les privilèges de Macron”, s’exaspérait par exemple un jeune sur Twitter au soir du premier tour. Un autre s’agace aussi, graphiques à l’appui : “Ce sont donc des vieux déjà à la retraite qui vont nous imposer de travailler cinq ans de plus. Merci à eux.” A tel point que certains vont jusqu’à se poser cette question : “Pourquoi diable laissons-nous les plus de 65 ans voter ?”  »

L’article de France Info parle même d’une lame de fond :

«  Elle est une lame de fond plus profonde dans une partie de cette classe d’âge, angoissée et en partie mobilisée sur des thématiques qui ne sont parfois pas le centre d’intérêt des autres classes d’âge, et des seniors en particulier. “Ils ont voté sans penser à nous”, déploraient des étudiants qui bloquaient la Sorbonne à Paris, jeudi 14 avril, dans le podcast de franceinfo Le Quart d’Heure. “On a deux candidats qui méprisent l’urgence sociale, climatique et écologique. Je trouve ça terrible”, exprimait pour sa part, lundi 11 avril Denis, 26 ans, au micro de Manon Mella dans “Génération 2022”. Il disait ressentir « une fracture entre les plus jeunes et les plus vieux »»

Les experts s’en mêlent ainsi le politologue Martial Foucault dans La Croix analyse :

« Pour les plus âgés, les enjeux sont d’abord le pouvoir d’achat, l’insécurité ou encore la délinquance, avant d’être la lutte contre le réchauffement climatique, qui est davantage une priorité pour les jeunes”. »

Nous sommes dans un paradoxe dans lequel les vieux qui devraient être sages et s’inscrire dans le long terme s’inquiètent de l’immédiat et du court terme, alors que les jeunes impétueux qui devraient vivre au présent pensent et s’inquiètent du long terme.

L’article de France Info montre que si, bien sûr les vieux représentent un poids démographique de plus en important dans la société, leur importance dans le vote vient surtout du fait qu’ils vont majoritairement voter alors que les jeunes massivement s’abstiennent.

C’est donc la responsabilité des jeunes qui est en cause car ils ne vont pas voter et prétendent même qu’ils ont bien raison de faire ainsi.

C’est une erreur non pas morale, mais simplement stratégique.

Car comme l’écrit le sociologue Jérémie Moualek :

« Les politiques publiques épousent les revendications des classes d’âge qui votent le plus. »

S’il faut être rassurant pour nous autres vieux, la conclusion de l’article de France Info montrent que la pondération du vote des plus âgés rencontre de vrais obstacles techniques et éthiques Pour l’instant cette idée n’a pas vocation à prospérer.

Dans le vote, il faut reconnaître qu’il existe un vrai <clivage entre les générations>. Ainsi si on analyse le premier tour des élections présidentielles

« Plus d’un tiers des moins de 35 ans ont choisi le leader de la France insoumise. […]

Chez les actifs, de 35 à 65 ans, c’est la candidate du Rassemblement national qui mène les suffrages.

[En revanche Macron] devance la candidate du RN et celui de LFI très nettement dans le vote des électeurs de plus de 60 ans, recueillant selon Ipsos 41% des suffrages chez les plus de 70 ans »

Pour le sociologue Laurent Lardeux

« Si un clivage politique existe bien entre les générations, il se serait surtout créé entre les seniors et le reste de la population, les jeunes inclus. Les seniors vont voter de façon très spécifique par rapport aux autres générations, plus particulièrement sur les valeurs conservatrices auxquelles ils adhèrent plus largement.

A contrario, le vote de la jeunesse a plutôt tendance à être proche du vote des 35-65 ans. “On voit qu’il y a plutôt un rapprochement générationnel entre les jeunes et la population active »

Et en effet, contrairement aux Vieux fourneaux de la BD qui considérerait probablement que même Melenchon n’est pas assez à gauche, les vieux votent à droite.

Le journal « Libération » posait déjà en 2018 la question : <Pourquoi les personnes âgées votent à droite ?>

La réponse :

« Les seniors sont plus conservateurs et attachés à la transmission de leur patrimoine, des valeurs traditionnellement mises en avant par la droite. […]

Première raison : les seniors sont aussi les plus conservateurs […]

Deuxième raison: le patrimoine. Les plus âgés sont aussi ceux qui détiennent le plus de patrimoine en France. […]. De fait, ils sont donc plus sensibles aux politiques proposant de diminuer les impôts sur la succession, faciliter les donations ou encore supprimer ou modifier l’ISF. […]

Leur demande de stabilité est absolument centrale. Quand elle propose un report de l’âge légal pour le départ à la retraite (jusqu’à 65 ans pour le candidat Juppé), la droite rassure ainsi les seniors car cela pérennise le système et donc leurs pensions. Une logique qui vaut pour tout ce qui peut contribuer à assurer leurs revenus – alors qu’eux-mêmes ont généralement bénéficié d’une retraite à 60 ans. C’est d’autant plus vrai que les seniors ne paient pas les contreparties de telles réformes, celles-ci pesant sur les actifs et le marché du travail bien davantage que sur le niveau des pensions ou le système de santé.

En résumé, les seniors votent à droite car ils sont plus conservateurs et attachés à la transmission de leur patrimoine, selon les chercheurs ayant travaillé sur ces sujets. »

Je résumerai ainsi cette analyse : les vieux votent majoritairement à droite, parce que majoritairement c’est leur intérêt.

Et pour régler cela pacifiquement et intelligemment il faut tout simplement que les jeunes qui restent plus nombreux dans notre société comme le montre les camemberts publiés, ne doivent pas laisser faire, s’ils ne sont pas d’accord, en allant voter.

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Mercredi 22 juin 2022

« La réalité du pouvoir minoritaire de Macron est [enfin) apparue. »
Jérôme Sainte-Marie, politologue

Depuis deux jours, des commentateurs politiques se désolent du fait qu’il n’y ait pas de majorité absolue à l’Assemblée Nationale.

Tout tourne autour de cette question.

Certains supporters de la NUPES expriment l’idée qu’ils sont passés à côté d’une victoire possible et de l’objectif d’envoyer Melenchon à Matignon pour mettre en œuvre son programme.

Et tout le monde de s’étonner qu’après une victoire nette à l’élection présidentielle, les français n’aient pas confirmé leur vote en envoyant une majorité confortable à ce président réélu.

D’autres dissertent ensuite sur les erreurs que Macron a commises depuis son élection et qui expliquent cette déconvenue.

Dans l’émission de France 5 « C en l’air » du 20 juin, on apprend que Macron au lendemain du second tour plutôt que de consacrer son temps et son énergie à nommer une Première Ministre et préparer le futur gouvernement pour mener la bataille électorale, a passé son précieux temps à examiner dans le détail la liste de 577 candidats de sa coalition « Ensemble » aux élections législatives. Il semble que cet exercice devait lui permettre de s’assurer, personnellement, de la fidélité de chacune et chacun d’entre eux. L’objectif étant d’essayer de dénicher des candidats susceptibles de rejoindre, par la suite, son allié Edouard Philippe dont il se méfie. On dit que son ancien premier ministre occupe beaucoup de son temps de cerveau disponible.

Tout ceci ne me convenait pas.

Je pensais à cette pensée de la sagesse chinoise :

« Quand le sage montre la lune, l’idiot regarde le doigt »

Quel est le problème ?

Le problème est qu’un mouvement politique qui a obtenu 28 % des voix exprimés aux Présidentielles et 26 % aux législatives puisse vouloir prétendre obtenir la majorité absolue à l’Assemblée Nationale, puis appliquer son programme comme si la majorité du corps électoral avait fait ce choix.

Et encore, nous avons constaté pendant les derniers cinq ans où ce mouvement politique était au pouvoir que les députés de la majorité jouait un rôle accessoire sur l’élaboration des textes et de la politique mise en œuvre. La seule vraie mission de cette majorité était de voter sans discuter ce que la petit équipe de l’Elysée avait décidé.

Je m’empresse d’ajouter que la prétention de la NUPES de gouverner seule était encore plus insensée : Le corps électoral français qui s’exprime penche à droite.

Alors j’ai enfin été rassuré quand j’ai regardé l’émission « C ce soir » du lundi 20 juin : « Macron : le grand saut dans le vide »

Karim Rissouli avait invité Franz-Olivier Giesbert, Géraldine Muhlmann, Jérôme Sainte-Marie, Gilles Finchelstein et Céline Calvez, députée LREM.

Ce débat correspondait aux questions qui me semblaient importantes à poser.

Et c’est le politologue Jérôme Sainte Marie qui a avancé cette analyse :

« Un pouvoir qui était structurellement minoritaire depuis 5 ans, avait gagné massivement, en 2017, au second tour face à une de ses oppositions.

Parce que les autres oppositions préféraient encore voter pour Macron que pour Marine Le Pen.

Cela a duré pendant 5 ans et puis cela a duré encore pendant l’élection présidentielle de 2022 : 28% au premier tour puis 58 % au second Tour.

Mais là la machine s’est grippée.

Ce dimanche, les différentes oppositions ne se sont pas mobilisées les unes contre les autres.

Et la réalité du pouvoir minoritaire d’Emmanuel Macron apparait et nous place au Parlement dans une situation inextricable. »

Après 10 min d’émission

Voilà c’est dit !

Je l’exprime autrement : Un pouvoir minoritaire a pu obtenir un pouvoir majoritaire parce que ses oppositions se combattaient les unes les autres.

Alors il faut bien gouverner ?

Certes !

Mais il ne faut pas gouverner en faisant semblant de croire qu’une majorité de français approuvait la politique poursuivie.

Dans un élan de bienveillance on peut encore admettre que pendant 5 ans « on a donné sa chance au produit » comme dirait mon neveu.

Mais au bout de 5 ans, il faut arrêter les faux semblants.

Un quart du corps électoral, les nantis, les seniors et retraités, les gagnants de la mondialisation et ceux qui espèrent en faire partie, soutiennent ce mouvement politique. Tous les autres n’ont pas voté Macron mais ont voté contre Melenchon et contre Le Pen .

Et puis tout repartait comme avant : « Les Français m’ont fait confiance et maintenant il me faut une solide majorité pour mettre en œuvre mon programme ».

Les français ont dit non à cette prétention.

Ils ont donné au mouvement dominant le nombre de députés le plus important mais n’ont pas donné la majorité absolue.

Et c’est bien et normal ainsi.

Il faut gouverner autrement.

Cela devient certes plus compliqué, mais il est beaucoup plus sain que les débats aient lieu au Parlement, plutôt qu’ailleurs.

Gilles Finchelstein a fait ce constat :

« C’est une crise politique : incapacité de trouver une majorité.

C’est une crise française, pour tous les autres pays européens cette situation est normale et ne conduit pas à une crise mais à une coalition.

C’est une crise inédite, elle n’a rien de comparable avec le gouvernement minoritaire de Rocard en 1988 qui disposait sur ses deux ailes d’opposants moins vindicatifs qu’aujourd’hui.

C’est une crise sérieuse parce que nous ne voyons pas le chemin d’une solution. »

On ne voit pas, mais il faut chercher.

C’est la responsabilité de la majorité présidentielle, mais c’est aussi la responsabilité des oppositions.

Mais l’émission est restée dans une tonalité optimiste : peut être que de cette crise sortira du mieux.

La 5ème république dérivait de plus en plus vers un pouvoir de l’extrême centre sans opposition en capacité d’alternance. Cette situation créait des tensions de plus en plus fortes dans la société.

La crise politique actuelle ne vient pas d’un vote « fantasque » des français.

Elle est le révélateur d’une situation politique devenue intenable.

La promesse de Macron de dépasser les clivages s’est heurtée au mur des réalités et des tensions internes de la société française.

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Vendredi 17 juin 2022

« Nous vivons un avant-goût de notre futur climatique. »
Christophe Cassou, chercheur CNRS au Centre européen de recherche et de formation avancée en calcul scientifique

Nous vivons une canicule dont le pic est prévu samedi 18 juin.

J’ai trouvé cette carte sur le site de <Oise Hebdo>

Météo-France a annoncé, jeudi 16 juin, que douze départements ont été placés en vigilance rouge canicule et 25 départements en vigilance orange canicule à partir de vendredi 14 heures, lors de la canicule la plus précoce jamais enregistrée en France. Au total, trente-sept départements sont en vigilance, soit un tiers du pays, et 18 millions de personnes sont concernées.

Les départements en vigilance rouge se situent principalement le long de la façade atlantique :

  • Le Tarn, la Haute-Garonne, le Gers, le Tarn-et-Garonne, le Lot-et-Garonne, les Landes, la Gironde, la Charente, la Charente-Maritime, les Deux-Sèvres, la Vienne et la Vendée.

Quant aux vingt-cinq départements en alerte orange, ils se situent des Pyrénées au sud de la Bretagne, à la Drôme et à l’est du pays :

  • Morbihan, Ille-et-Vilaine, Loire-Atlantique, Mayenne, Maine-et-Loire, Sarthe, Loir-et-Cher, Indre-et-Loire, Indre, Cher, Creuse, Haute-Vienne, Dordogne, Corrèze, Puy-de-Dôme, Cantal, Lot, Haute-Loire, Aveyron, Ardèche, Drôme, Pyrénées-Atlantiques, Hautes-Pyrénées, Ariège, Aude.

<Le Monde> nous apprend qu’il s’agit de la quatrième fois que la vigilance rouge canicule est activée depuis 2003, date de la mise en place du dispositif, après les leçons tirées de la canicule historique qui avait causé, cette année-là, la mort de plus de 15 000 personnes en France.

Mais, cette fois-ci, le phénomène survient plus tôt dans la saison que d’ordinaire.

Le thermomètre a grimpé, jeudi, à 40°C à Saint-Jean-de-Minervois, dans l’Hérault – un record de précocité pour la France métropolitaine hors Corse. Ce record a été enregistré à 16 h 32, a précisé Météo-France

Le ministère de la santé a activé un numéro gratuit Canicule info service (08.00.06.66.66) afin de répondre aux interrogations et donner des conseils.

Grâce à <Libération> nous apprenons que ce qui nous arrive est une « plume de chaleur » et non un « dôme de chaleur » .

Le « dôme de chaleur » nous avait été expliqué, l’été dernier, lors de l’épisode record de chaleur au Canada.

Les deux phénomènes peuvent causer des canicules infernales, mais ils sont différents.

Le dôme de chaleur d’abord :

« Il est statique : une masse d’air chaude se bloque sur un territoire à cause de fortes pressions en altitude, qui la plaquent vers le sol. Comprimée, elle monte ensuite en température sur place comme si elle était dans une cocotte-minute. Là, l’épisode de fortes chaleurs peut durer plusieurs semaines, jusqu’à ce que des vents chassent la bulle d’air. »

C’est ce phénomène qui était en œuvre lors de la canicule d’août 2003, évoquée ci-dessus.

La plume de chaleur se déplace :

« La plume de chaleur, qui va faire grimper le thermomètre en France jusqu’à ce week-end, ressemble à un panache, un coup de chalumeau, une langue ou encore un tentacule. Elle vient du sud du globe. La bande d’air chaud s’est formée au Sahara, puis s’est détachée et est montée en latitude à cause de vents puissants. La vagabonde est d’abord passée sur l’Espagne avant de gagner l’Hexagone. Elle est tractée vers le Nord par une dépression, une « goutte froide », située au large de la péninsule ibérique, qui l’aspire tel un engrenage ou une pompe à chaleur en tourbillonnant dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. Les plumes de chaleur, très mobiles, ont cependant tendance à ne pas s’éterniser sur un même territoire. L’épisode devrait durer cinq jours en France. »

Le journal écologiste « Reporterre » nous raconte que « La canicule est un avant-goût de notre futur climatique » :

« Cette vague inédite, si tôt dans la saison, alarme les spécialistes. L’exception devient peu à peu la norme. En 2019, une canicule avait déjà frappé la France, en juin, et battu des records absolus de température. Cette année, la canicule arrive deux semaines en avance par rapport à 2019. Pour le climatologue Christophe Cassou, « nous vivons un avant-goût de notre futur climatique ».

La situation actuelle doit être replacée dans un contexte plus général de réchauffement climatique. Les sept dernières années ont été les plus chaudes jamais enregistrées. Tout s’accélère et s’intensifie. Nous avons connu autant de vagues de chaleurs entre 1960 et 2005 (en 45 ans) que de 2005 à 2020 (en 15 ans) : on compte 4 vagues de chaleur avant 1960, 4 entre 1960 et 1980, 9 entre 1980 et 2000, et enfin 26 depuis 2000. En ce début du XXIe siècle, les épisodes caniculaires sont devenus sensiblement plus nombreux que ceux de la période […] Dans son dernier rapport, le Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) est formel sur le sujet. L’ampleur des extrêmes de température augmente plus fortement que la température moyenne mondiale. Et l’influence humaine favorise l’émergence de phénomènes d’ordinaire très rares et exceptionnels.

Ce n’est qu’un début, selon une étude publiée par la revue Science en septembre 2021, les enfants nés en 2020 subiront 7 fois plus de vagues de chaleur, 2 fois plus de sécheresses et incendies de forêt, 3 fois plus d’inondations et de mauvaises récoltes qu’une personne née en 1960.

Et Reporterre partage les prévisions des scientifiques :

« Les sécheresses s’aggravent, alerte l’ONU. Notre quotidien est bouleversé. En France, la fréquence des canicules devrait doubler d’ici à 2050. Selon Météo France, « en fin de siècle, les vagues de chaleur pourraient être non seulement bien plus fréquentes qu’aujourd’hui mais aussi beaucoup plus sévères et plus longues » et « se produire de mai à octobre ». »

À court terme, la vague de chaleur qui s’abat sur la France pourrait déjà avoir de graves conséquences : accélérer la maturité des cultures et en brûler une partie, accélération de la pénurie d’eau sur certaines parties de notre territoire

Alors que le climatologue Christophe Cassou sonne l’alerte :

« Les faits sont clairs. Ne pas être à la hauteur est aujourd’hui irresponsable. Il faut réduire nos émissions de gaz a effet de serre de manière immédiate, soutenue dans le temps et dans tous les secteurs. Pas dans trois ans, maintenant ! »

Le gouvernement manifeste des ambitions plus modestes : Il y a une semaine, sur LCI, la ministre de Transition écologique, Amélie de Montchalin avait seulement invité les Français à « être sobres » et à « ne pas surutiliser leur climatiseur pour lutter contre le dérèglement climatique ».

Dans ce contexte, le truculent Willy Schraen a fait une déclaration remarquée dans ce haut lieu de la culture et de l’émulation intellectuelle qu’est l’émission de RMC « Les grandes gueules ».

Je connais des chasseurs sympathiques et intelligents.

Chaque corporation, chaque famille possède son lot de « cas particulier » qu’on essaye de réguler et de cacher un peu.

L’ennui, c’est quand la corporation met ce type de personnage à sa tête !

Car M Willy Schraen qui a déclaré avoir voté pour Emmanuel Macron dès le premier tour est le président de la Fédération nationale des chasseurs depuis août 2016.

Qu’a-t-il dit ?

Nous lisons sur le <site de l’Obs> ses propos :

«  Il faut reconnaître qu’il va faire chaud pendant trois jours. Bizarre, on est entre le premier et le deuxième tour […]

On nous explique du matin jusqu’au soir depuis deux jours « Attention, l’écologie machin… » Bon, dites-le carrément au niveau de la météo : votez la Nupes ! On va gagner du temps, on a bien compris, on est quand même pas débile !»

La canicule serait donc selon cet homme vigilant qui refuse de se laisser abuser, une stratégie de la NUPES pour obtenir des voix !

Il fallait y penser.

Il fallait oser le dire.

Mais les c.. ça ose tout c’est à cela qu’on les reconnait. Il y a bien longtemps, le 6 décembre 2013, j’avais publié la version originale de ce mot d’Audiard. Elle est de Saint Thomas d’Aquin et se décline ainsi : « Tous les imbéciles et ceux qui ne se servent pas de leur discernement, ont toutes les audaces. »

<1684>

Jeudi 16 juin 2022

« Le délit de clameur. »
Délit prévu par l’article L98 du Code électoral

Il se passe des choses étranges en France.

Il y a déjà eu le fiasco du Stade de France pour la finale de la Ligue des Champions de football qui a montré des difficultés d’organisation, des lacunes pour rapidement prendre la mesure de ce qui se passe et réagir et enfin l’incapacité de nos gouvernants a reconnaître simplement que les choses se sont mal passées et s’en excuser. J’y reviendrai peut-être

Mais aujourd’hui, je voudrais narrer simplement ce qui s’est passé, lors du premier tour des élection législatives, dans le bureau de vote nº 13, de la 9e circonscription de Paris, place Jeanne-d’Arc dans le quartier de la Gare du 13ème arrondissement.

Plusieurs journaux ont narré cette histoire, le journaliste Stéphane Foucart, dans « Le Monde » l’a décrit de manière assez détaillée : <Une nuit en garde à vue pour avoir alerté d’une confusion possible>.

Je reprends ses explications

Dans cette 9ème circonscription, la NUPES avait présenté l’écologiste Sandrine Rousseau que tout le monde connait depuis qu’elle a failli battre Jadot à la primaire écologiste et qu’elle a multiplié des déclarations qui ont interpellé et surpris par leur radicalité.

Cette femme politique irrite beaucoup de monde notamment le Mouvement de la ruralité qui est le nouveau nom de ce parti politique qui avait pour objet de lutter contre les tentatives trop modernistes  «  Chasse, pêche, nature et traditions ».

Ce mouvement, dans le but évident de nuire à Sandrine Rousseau, a investi dans la même circonscription une « novice » écrit le Monde, je comprends une parfaite inconnue mais qui avait pour singularité de porter le même nom et prénom que la candidate écologiste.

Un retraité de l’enseignement supérieur (université Paris-I), historien d’art, Patrick de Haas, vote dans ce bureau :

« C’est en arrivant dans le bureau de vote nº 13, place Jeanne-d’Arc à Paris, que M. de Haas et sa compagne remarquent que, sur la table de décharge, le premier bulletin disposé au nom de Sandrine Rousseau, « sans photographie de la candidate », dit-il, n’est pas celui de la candidate écologiste investie par la Nupes. « Les bulletins de la candidate de la Nupes se trouvaient à l’autre bout de la table et j’ai été abusé par cette disposition, raconte-t-il. Il était évident que des votants allaient se tromper et prendre le premier bulletin au nom de Sandrine Rousseau sans réaliser qu’il s’agissait de la candidate investie par le Mouvement de la ruralité.

L’historien demande alors de meilleures indications aux assesseurs et au président du bureau de vote. Une signalétique spéciale est refusée au motif qu’elle serait irrégulière, risquant de créer un régime de faveur pour les deux Sandrine Rousseau. Choqué, M. de Haas décide alors de prévenir les votants à leur arrivée au bureau de vote, que deux piles de bulletins au nom de Sandrine Rousseau sont disposées. « Je ne suis pas militant politique, je n’ai, à aucun moment, dit à quiconque quoi faire ou comment voter, explique-t-il. Tout se passait dans le plus grand calme. J’avais le sentiment d’accomplir un devoir citoyen en avertissant les autres de la situation. »

M de Haas pensait faire œuvre utile pour informer les électeurs de la confusion possible.

Ce n’était pas ainsi que le député sortant macroniste, Buon Tan analysait la situation :

« En milieu de journée, le député sortant, Buon Tan (La République en marche), passe dans le bureau de vote : il signale, lui aussi, la présence d’une personne sur la voie publique alertant les votants du piège homonymique. Mécontent, le parlementaire demande que l’information soit consignée dans le procès-verbal des opérations de vote. M. Tan n’a pas donné suite aux sollicitations du Monde. Craignant une irrégularité, le président du bureau appelle alors le service ad hoc de la Mairie de Paris pour s’informer sur la marche à suivre. Il lui est conseillé de contacter la police nationale, pour demander une intervention. »

Et c’est ainsi qu’une voiture de la police nationale s’arrête devant le bureau de vote. Trois gardiens de la paix lui intiment de s’éloigner.

« Je leur ai demandé s’il m’était possible de me mettre à une cinquantaine de mètres du bureau et ils n’y ont pas vu d’inconvénient », raconte-t-il. Mais, alors qu’il s’est éloigné et qu’il continue à alerter les personnes qui se dirigent vers le bureau, les trois gardiens de la paix changent d’avis.

Ils sont revenus vers moi un quart d’heure plus tard pour me dire qu’ils s’étaient trompés et que même à 50 mètres du bureau de vote je n’avais pas le droit de prévenir les gens, poursuit-il. Je n’ai pas protesté, ni même discuté, et je suis rentré chez moi, à 150 mètres de là. » Les trois mêmes gardiens de la paix, changeant manifestement une nouvelle fois d’opinion, le retrouvent au pied de son immeuble, le cueillent et lui disent qu’il doit passer devant un officier de police judiciaire (OPJ). « Une fois au commissariat, je n’ai alors pas pu dire un mot, j’ai eu le sentiment d’être traité comme un criminel de guerre. [L’OPJ] a refusé de m’entendre et m’a signifié que j’étais placé en garde à vue pour des faits de “clameurs, attroupement et menaces”, raconte l’historien. Tout cela étant complètement faux, j’ai refusé de signer le procès-verbal. »

Au matin, après une nuit de garde à vue et une demi-heure d’entretien avec un avocat commis d’office, M. de Haas est entendu par un autre OPJ qui ne conserve que les faits de « clameurs », prévu par l’article L98 du code électoral, qui punit « les atteintes à l’exercice du droit électoral ou à la liberté du vote ».

Le Monde précise que

« Contactée lundi 13 juin en début d’après-midi, la préfecture de police de Paris n’avait pas donné suite, mardi en fin de matinée, aux sollicitations du Monde. »

Je suis donc allé consulter l’article L98 du code électoral sur le site de <Legifrance> Je le cite intégralement :

« Lorsque, par attroupements, clameurs ou démonstrations menaçantes, on aura troublé les opérations d’un collège électoral, porté atteinte à l’exercice du droit électoral ou à la liberté du vote, les coupables seront punis d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 15 000 euros. »

On comprend bien que si on suit la description des faits il ne saurait être question de « démonstration menaçante » ni « d’attroupement », il restait donc « la clameur ».

A ce stade j’ai trouvé judicieux de chercher la définition exacte de clameur.

« Le Larousse » après avoir précisé qu’il s’agissait d’un nom féminin le définit ainsi :

« Cris violents et tumultueux indiquant, en particulier, une véhémente protestation, un grand enthousiasme, etc. : Les clameurs de la foule. »

Et donnent pour synonymes :

« huée – hurlement – tollé – tumulte – vocifération »

Il ne me semble pas que le comportement du professeur retraité puisse être décrit par cette définition.

Il tentait au contraire d’instiller de la clarté, là où régnait la confusion.

La Préfecture de Police ne me semble pas avoir agi avec discernement dans cette affaire, je n’en dirai pas davantage.

Dans cette 9ème circonscription, la participation a été de 54,80%, donc supérieure à la moyenne nationale

Malgré ces manœuvres Sandrine ROUSSEAU est arrivée largement en tête avec 42,90% des voix devant le député sortant Buon TAN 26,77%.

La manœuvre du Mouvement de la ruralité ne semble pas avoir d’effet.

Quoique ! L’autre Sandrine Rousseau a quand même reçu 1,88% des voix devançant 6 autres candidats.

Sans aucune notoriété, aurait-elle eu le même résultat sans la confusion dénoncée par M De Haas ?

<1683>

Mercredi 15 juin 2022

« Représentation du corps électoral français. »
Ce que vote ou ne vote pas les français

Un dessin ou un schéma valent mieux qu’un long discours.

C’est doublement positif : c’est facile à lire et à appréhender et c’est facile à écrire. C’est du gagnant / gagnant comme disent les « winners ».

Revenons d’abord à la représentation des bulletins exprimés lors du premier tour des législatives.

Je reprends les mêmes chiffres qu’hier, ceux qui ont été publiés par le journal « Le Monde »


On voit deux quartiers qui dominent, mais qui si on regarde de près ne représente guère qu’un plus de la moitié du disque. Mais quand on montre les choses ainsi, on omet une grande partie de la réalité.

Ce décompte doit d’abord être complété des bulletins Blancs. Puis il faut aussi y ajouter les bulletins nuls dont on ne sait jamais si l’électeur pensait voter blanc ou a commis une erreur de votation. Ensuite pour que l’image du corps électoral soit plus conforme à la réalité il faut aussi ajouter les abstentionnistes.

Et pour enfin disposer d’une vision complète il faut aussi prendre en compte toutes les personnes en âge de voter et qui ne sont pas inscrites sur les listes électorales. J’ai trouvé un article de  « Libération » : <Combien de personnes en âge de voter ne sont pas inscrites sur les listes électorales ?> qui narre cela :

« Les dernières données mises à jour datent de mai 2021. A ce moment-là, «47,9 millions de personnes sont inscrites sur les listes électorales françaises hors Nouvelle-Calédonie, dont 1,4 million résidant hors de France et inscrites sur une liste consulaire», indique l’Insee dans un focus consacré à ce sujet. Soit 94 % des Français en âge de voter. Au total, seulement 6 % des personnes concernées n’étaient donc pas inscrites sur les listes électorales en mai 2021. Les données devraient être réactualisées à la fin du mois de mars, une fois que la date limite pour l’élection présidentielle sera passée, d’après l’Insee. »

Donc nous connaissons une estimation, c’est 6 % du corps électoral. Le reste est un simple calcul arithmétique et nous arrivons au tableau et à la représentation de ce que le corps électoral français a vraiment exprimé et non exprimé ce dimanche.


Dans cette représentation NUPES ou Ensemble représente chacun environ 11,5% du corps électoral. Et cette représentation montre que c’est vraiment peu !

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Mardi 14 juin 2022

« Que se passerait-il à l’Assemblée Nationale s’il y avait un autre mode de scrutin ?»
Un exercice intellectuel et spéculatif

Si vous avez lu le mot du jour d’hier, vous avez pu comprendre que nous utilisons en France un mode de scrutin que peut être tout le monde nous envie (quoique ce n’est pas certain) mais que personne n’utilise (ça c’est un constat).

Alors je tente aujourd’hui un exercice intellectuel et spéculatif qui consiste à partir des résultats de ce dimanche d’imaginer le résultat en nombre de sièges si nous appliquions un autre mode de scrutin.

Je veux insister sur le fait que cette démarche est spéculative et n’a aucune vocation à prédire ce qui se passerait si on changeait de mode de scrutin.

Tant il est vrai que le mode de scrutin induit des organisations et des comportements politiques qui sont très différents les uns des autres.

Autrement dit, si nous avions un autre mode de scrutin les acteurs politiques auraient un comportement différent.

S’il fonctionne bien, ce qui n’est plus le cas en France, le scrutin uninominal à deux tours induit une organisation de blocs de Partis, idéalement deux blocs, et une multiplication de Partis. Au premier tour, il y a de nombreux partis qui se présentent dans chaque circonscription. Et puis au second tour, il reste un candidat par bloc, celui qui était le mieux placé au premier tour, tous les autres partis du même bloc se désistant pour lui. Cela fonctionnait très bien quand il y avait un bloc de gauche et un bloc de droite

Si on reprend le tableau que j’ai présenté hier auquel j’ajoute une colonne pour faire la somme des voix du vainqueur et du second, 9 scrutins sur 16 sont dans ce cas avec deux blocs qui représentent 75% des votants


En 1981, les deux blocs représentaient 97,23% des Voix.

Le scrutin uninominal à 1 tour induit l’existence de très peu de Partis, 2 ou 3 avec quelques partis régionalistes. Parce qu’au-delà il n’y a aucune chance d’être élu, puisqu’il faut être premier dès le premier tour. L’organisation par Bloc n’a pas de sens pour ce mode de scrutin. En réalité, dans ce cas les blocs se réunissent tout de suite en Parti. C’est le cas en Grande Bretagne et aux États-Unis.

Le scrutin par liste à la proportionnelle peut prend plusieurs formes selon la circonscription qui peut être nationale ou infra nationale et selon l’existence d’un seuil en deçà duquel on ne peut avoir d’élu.

Ainsi en Israël, il n’y a pas de seuil. Cette situation a pour conséquence la création de beaucoup de petits partis, surtout religieux qui en contrepartie d’une ou deux concessions pour satisfaire les fantasmes de leurs électeurs acceptent de se joindre à une coalition pour lui apporter la majorité nécessaire pour appliquer sa politique. Cela peut créer des relations et des coalitions assez toxiques pour l’intérêt général du pays.

Mais le plus souvent le mode de scrutin est assorti comme en Allemagne d’un seuil, ce qui élimine la tentation des petits partis et favorise les coalitions de quelques Partis sérieux.

Avec toutes ces précautions, commençons cet exercice intellectuel.

1/ Si La France votait comme les britanniques ou les américains.

Nous sommes donc en présence du scrutin uninominal majoritaire à un tour.

Celui qui arrive en tête gagne l’élection.

« Le Monde » a publié cette carte accompagnée de la liste des Tendances politiques arrivées en tête au premier tour des législatives.


Donc en reprenant ces chiffres et en faisant quelques regroupements envisageables, voilà ce que cela donnerait :


2/ Si la France votait comme les allemands

Cette fois il s’agit d’un scrutin proportionnel sur une liste nationale avec la nécessité d’un seuil de 5% des voix.

Il faut savoir que les allemands aux législatives votent deux fois : une fois pour un député et une seconde fois pour la liste d’un Parti.

Cette manière de faire permet à chaque allemand d’avoir un député dédié.

Mais la règle fondamentale est bien la proportionnelle intégrale.

Autrement dit c’est la répartition selon le scrutin par liste qui détermine la répartition des sièges. Les listes présentées par les Partis complètent les députés élus sur leur nom pour arriver à une stricte répartition proportionnelle.

Reprenons « Le Monde » et les Résultats officiels qu’il a publié :

Le Monde ne reprend pas les résultats du Ministère de l’intérieur qui donnent un peu d’avance à Ensemble, la coalition macroniste.

Je ne rentrerais pas dans cette querelle qui consiste à écarter certains candidats de la coalition NUPES.

Tout ceci n’est que spéculatif et n’a qu’une vocation à donner une idée du fonctionnement d’un mode de scrutin.

On constate que si on applique le seuil des 5%, Reconquête, le parti de Zemmour n’aurait pas de députés.

Je pense que cet exemple montre toutes les nuances et limites à apporter à ma démonstration.

Il est vraisemblable que des électeurs qui se sentaient plus proche de Reconquête que du Rassemblement National, ont pourtant voté pour le second choix en pratiquant un vote utile. Le mode de scrutin français est très exigeant pour arriver au second tour. Pour ne pas risquer qu’il n’y ait pas de candidat d’extrême droite au second tour, ils ont voté pour le candidat de cette tendance ayant le plus de chance d’accéder au tour suivant.

Il est donc probable que si ce mode de scrutin existait en France, le parti Reconquête aurait atteint les 5%. Mais tenons-nous strictement aux résultats.

On aboutit alors ce résultat


3/ Mais la France vote à la manière des Français

Donc il y aura un second tour.

5 députés sont déjà élus : 4 NUPES et 1 Ensemble.

Nous savons qui sera présent au second tour dans chacune des 572 circonscriptions qui restent à pouvoir.

Des analystes politiques se sont donc risqués à faire des prévisions pour le second tour.

On trouve cette projection dans « Le Monde »

A partir de ces éléments, je peux donc tenter une troisième répartition.

Les analystes proposent des fourchettes.

Je reste simple, je prends le milieu de la fourchette.

Et on comprend donc, par le dessin, le système français.

Les députés macronistes flirtent avec la majorité absolue, ce sera un peu en dessous ou un peu au dessus.

Certains diront peut-être que les deux premières représentations correspondent à des situations ingouvernables, alors qu’ici gouverner reste possible.

C’est un argument assez risqué.

La démocratie est aussi la gestion de la conflictualité.

Si on insiste sur l’efficacité et la capacité de gouverner, je crains que le régime chinois qui repose sur les décisions d’un petit comité de 7 responsables répond mieux à ce désir

Dans cet exemple français, nous avons un gouvernement qui a pour opposant 75% des électeurs qui se sont prononcés et dont le pouvoir de prendre des décisions et très peu limité.

Tout ceci reste une spéculation intellectuelle.

Et le mode de scrutin qui est un vrai problème en France n’est pas le seul problème de notre démocratie.

L’hyper présidentialisation en est une autre.

Et puis, et peut être surtout les contraintes des interdépendances, la mondialisation, la financiarisation de la Société laissent peu de marge de manœuvre au Politique, surtout à l’échelle d’un petit pays comme la France…

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Lundi 13 juin 2022

« Les 16 élections législatives de la Vème République. »
Un regard historique sur un scrutin qui se délite

Nous avons donc vécu, ce dimanche, le premier tour de l’élection première, c’est à dire celle des députés à l’Assemblée Nationale, siège du pouvoir de faire la Loi.

C’était la 16ème élection de ce type pour la Vème République

Les français ne savaient pas qu’il s’agissait du moment le plus important de notre vie démocratique.

Ils ne se sont jamais autant abstenus.

Voici l’évolution de la participation au cours de ces 16 élections.

Je voudrais aborder un second sujet dans ce mot du jour écrit un soir d’élection.

Et pour introduire ce point je commence par l’élection de 1958.

Les élections législatives françaises de 1958 ont lieu les 23 et 30 novembre 1958. Il s’agit des premières élections de la Cinquième République.

La constitution de la cinquième république vient d’être approuvée par le référendum du 28 septembre 1958.

À l’issue du scrutin, 579 parlementaires ont été élus. La majorité de l’assemblée est conforme à la majorité présidentielle.

Cette dernière a obtenu 43 % des voix au premier tour et 402 députés.

Le second de cette élection est le Parti Communiste dirigé par Maurice Thorez qui obtient au premier tour 18,90 % des voix et 10 députés.

Nous voyons là, dès la première élection l’effet totalement déformant du scrutin uninominal à deux tours.

Pour élire un député dans une circonscription, il faut au premier tour qu’il puisse rassembler 50% des votants +1. Sinon il y a un second tour qui rassemble au moins les deux premiers et d’autres candidats s’ils ont obtenu au moins un seuil de voix qui a évolué. Aujourd’hui il faut au minimum avoir obtenu 12,5% des inscrits. Ce qui signifie qu’en présence de 50% d’abstention, le candidat doit obtenir 25% des votants.

Les défenseurs de ce mode de scrutin expliquent qu’il permet de favoriser les candidats ou Partis capables de rassembler au second tour des électeurs qui n’avaient pas voté pour eux au premier tour.

En 1958, le Parti Communiste avait un socle électoral de citoyens convaincus mais au second tour il avait du mal à trouver des électeurs non communistes acceptant de voter pour eux.

En chiffre cela donne les résultats suivants :


Vous comprenez que la majorité gaulliste est passé de 43,10% des votants à 69,43 % des députés. Le mode de scrutin a « optimisé » son résultat par 1,6

En comparaison le Parti communiste a divisé son résultat par 10.

Si on veut s’intéresser à deux autres Partis de cette élection :

L’autre Parti de Gauche était à l’époque le SFIO de Guy Mollet qui s’intégrera en 1971 dans le PS de Mitterrand. Il obtient 17,20% des voix au premier tour et 40 députés soit 6,91% de la chambre, l’effet multiplicateur est de 0,40, C’est mieux que le PCF mais cela correspond à un résultat divisé par 2,5.

Et le grand parti du centre le MRP qui avait dominé la IVème république et dont le chef était le maire de Strasbourg, Pierre Pflimlin qui était surtout l’avant dernier premier ministre de la IVème république (le dernier étant De Gaulle qui fera passer le régime à la Vème République)

Le MRP avait obtenu 9,10% des voix au premier tour, donc à peu près la moitié de la SFIO mais avec presque autant de députés 35, soit 6,04%. Il ne dispose donc pas d’une optimisation comme la majorité présidentielle, mais sa moins-value est moindre que celle des deux partis de gauche : 0,66 = 9,10/6,04

Le mode de scrutin qui donne un tel effet est-il utilisé ailleurs ?

Si on observe les principaux pays qui nous sont comparables :

  • La Grande Bretagne pratique le scrutin uninominal à un tour : Le candidat arrive en tête au premier, quel que soit son score, est élu. Le type de déformation qui existe entre la répartition en voix et la répartition en sièges dans le scrutin uninominal à deux tours ne se retrouve évidemment pas dans ce type de scrutin.
  • Les autres Pays de l’Union européenne utilise tous, le scrutin de liste avec élections à la proportionnelle. Ce mode de scrutin selon les modalités d’application (par exemple souvent les listes obtenant moins de 5% n’ont pas d’élus) ont un effet multiplicateur proche de un : la chambre des députés ressemble à la répartition des voix.

J’ai fait des recherches, je n’ai pas trouvé une démocratie sérieuse qui pratique ce mode de scrutin à l’exception peut-être de la Louisiane qui est le seul État des USA qui pratique le scrutin uninominal majoritaire à deux tours, tous les autres États suivent l’exemple britannique du scrutin uninominal majoritaire à un tour.

Je pose une question : La France a-t-elle raison contre le monde entier ou conserve t’elle une singularité incongrue ?

J’ai appliqué la même grille d’analyse à l’ensemble des 16 scrutins :


On constate qu’en moyenne quand la droite gagne elle bénéficie d’un effet multiplicateur, plus important que celle de la gauche.

L’extrême centre a réalisé en 2017 un hold-up avec un effet multiplicateur de 1,88 avec le plus petit pourcentage de voix de tous les scrutins : 32,32%.

Hier, c’est encore pire avec un peu plus de 25% des voix : ¼ des voix. Pour arriver à la majorité absolue des députés de la Chambre, il faudrait un effet multiplicateur de 2 !

Mais ce n’est pas mieux pour NUPES qui se réjouit d’être devant la majorité présidentielle, mais qui prétend vouloir la majorité absolue avec même pas 26% des voix.

Nos élections ne correspondent plus qu’à un vague processus de désignation de députés visant à donner, à n’importe quel prix, une majorité à un parti.

Tout cela pose un problème énorme à la démocratie représentative française.

Il n’est pas possible de continuer ainsi : 4 tours de scrutin pour un tel résultat, une telle déformation du corps électoral !

Ce n’est pas ainsi qu’on peut gouverner un pays de manière apaisée et le réformer.

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Mercredi 8 juin 2022

« Si on considère que l’objet d’une élection est d’attribuer le pouvoir, alors les élections législatives sont les plus importantes. »
Gilles Finchelstein

J’ai, à plusieurs reprises, accablé Lionel Jospin d’avoir par la combinaison de la réforme du quinquennat et de l’inversion du calendrier électoral, abaissé les élections législatives et en avoir fait une simple annexe de l’élection présidentielle.

Il a considéré que l’élection présidentielle était majeure et l’élection législative seconde.

Plus précisément il a dit en parlant de l’élection présidentielle :

« On ne peut pas faire de cette élection majeure l’élection seconde. »

Si vous voulez lire l’ensemble de son argumentaire pour justifier cette mesure : < déclaration du 19 décembre 2000. >

Certains évoquent l’idée que Jospin était persuadé de gagner l’élection présidentielle contre Chirac et avait davantage de craintes d’obtenir une majorité législative. Dans cette hypothèse, il avait parfaitement prévu ce qui allait se passer : une élection législative au rabais qui confirme et amplifie le résultat des présidentielles.

Je ne sais pas si cette hypothèse est fondée mais force est de constater que la responsabilité de nous avoir mis dans cette situation lui incombe.

Ce fut une erreur.

Comme je le rappelais dans <le mot du jour du 31 mai> nos institutions restent avant tout parlementaires.

Et si on revient aux principes ce qui est premier c’est le pouvoir de faire la Loi : le pouvoir législatif.

Le pouvoir secondaire est celui qui exécute, l’exécutant des Lois, c’est-à-dire le pouvoir exécutif.

Et puis, de manière plus pratique, en cas de divergence entre le Président de la République et l’Assemblée Nationale c’est cette dernière qui a le dessus. Sauf si le Président use de son pouvoir exorbitant de dissoudre l’Assemblée Nationale. Mais dans ce cas il n’est jamais certain que les citoyens français lui envoient une majorité à sa convenance.

C’est cette primauté du législatif que Gilles Finchelstein, Directeur de la fondation Jean Jaurès, a exprimé sur l’antenne de France Inter dans l’émission <Face à Face du samedi 4 juin 2022> :

« Ce qui est fascinant, c’est que si on considère que l’objet d’une élection est d’attribuer le pouvoir, alors les élections législatives sont les plus importantes. Parce que l’essentiel du pouvoir dépend de l’élection législative. La meilleure preuve a contrario, c’est que en 1986, en 1993 et en 1997, lorsqu’il y a eu une discordance entre la majorité législative et la majorité présidentielle, le pouvoir était transféré du président de la république au premier Ministre.

Donc ce sont les élections premières et pourtant elles sont devenues de plus en plus des élections secondes. Elles le sont dans le calendrier […] elles viennent dans la foulée des présidentielles. Elles le sont dans la participation par une chute de la participation entre les présidentielles et les législatives. […] Et elles le sont dans l’intensité, la campagne, quelle campagne ? »

Oui quelle campagne !

L’émission a fait entendre l’avis de Brice Teinturier, politologue, directeur général d’IPSOS :

« On a du mal à qualifier cette campagne, puisque qu’en réalité il n’y a pas vraiment de campagne qui se soit construite sous nos yeux. Ce n’est même pas que les français n’écoutent pas ou n’entendent pas ; C’est que véritablement nous en sommes à un moment où c’est un non objet. »

Et nous sommes désormais à quelques jours du premier tour.

Hubert Vedrine a aussi exprimé son désarroi devant cette situation la trouvant « malsaine ». Il a notamment suggéré l’idée d’organiser de manière concomitante les deux élections. Ainsi le fait de les réunir, lors de deux même tours, aurait pour conséquence mécaniquement d’augmenter la participation aux législatives. Et aussi paradoxalement les réunir serait les rendre indépendants l’une de l’autre.

Il a exprimé cela lors de l’émission <L’Esprit public du 5 juin 2022>

<1677>

Mercredi 30 juin 2021

« Le vote par Internet, c’est un désastre pour la démocratie. »
Dominique Reynié

Après l’abstention abyssale que la France a connu lors des deux tours des élections pour les conseils régionaux et les conseils départementaux, beaucoup croient dans une solution technique : le vote par Internet.

Ils pensent sans doute que si on rapproche l’acte de voter de l’acte d’acheter chez Amazon, certains seront davantage prêts à passer de l’un à l’autre ?

Le politicologue Dominique Reynié n’est pas de cet avis.

Il évoque le risque de piratage informatique.

Ce risque est réel mais il me semble qu’il existe un autre risque plus important encore.

C’est le second argument qu’il développe : celui de la pression qui peut s’exercer dans le cercle privé. Il dit :

« Le vote par Internet, c’est un désastre pour la démocratie. Vous pouvez voter sous la pression d’un tiers, comme un patron, un acheteur de vote. Le bureau de vote garantit l’autonomie de l’électeur.»

Je m’imagine, plus simplement dans une maison ou un appartement, un caïd ou un autocrate familial  obligeant, par la persuasion autoritaire ou la violence, tous les présents à voter selon ses désirs.

Le vote c’est autre chose.

C’est sortir de sa bulle privée, de son quotidien pour se rendre dans un lieu où on est accueilli par des êtres humains qui sont aussi des citoyens. C’est-à-dire des femmes et des hommes qui s’intéressent au destin de la cité.

Et là en outre, il vous est demandé de prendre au moins deux bulletins et de vous rendre seul dans l’isoloir.

Personne ne peut voir, ce que vous aller voter dans ce moment solennel.

<Sur ce site consacré au vote> il est expliqué :

« Un électeur qui fait son choix publiquement, sans passer par l’isoloir, est peut-être un électeur menacé, soumis à des pressions. L’auteur des pressions lui a intimé l’ordre de voter publiquement afin de pouvoir constater que ses pressions ont réussi.

Il est obligatoire que des membres du bureau de vote interdisent à cet électeur de déposer son enveloppe dans l’urne tant qu’il n’a pas respecté la procédure (prendre au moins deux bulletins différents, se dissimuler dans l’isoloir).

Si aucun membre du bureau de vote n’intervient, et laisse un électeur voter sans confidentialité, le bureau de vote échoue dans sa mission de veiller au respect de la confidentialité.

Il s’agit d’une atteinte au secret du vote qui doit être signalée sur le procès-verbal du bureau de vote.

Dans un bureau de vote où la confidentialité n’est pas garantie, des pressions peuvent s’exercer sur un grand nombre d’électeurs, en particulier les plus faibles.»

Voilà pourquoi, il faut un isoloir et pourquoi on demande que chaque électeur prenne au minimum deux bulletins.

Dominique Reynié explique cela très bien, en quatre minutes, dans l’émission d’Yves Calvi sur Canal + : <l’info du vrai>

Il semble que l’« Isoloir » nous vienne d’Australie.

Les Australiens ont installé des isoloirs dès 1856 pour mettre fin aux fraudes et aux troubles. D’ailleurs, pour désigner le vote secret aux Etats-Unis, on parle d’« Australian ballot ».

En France, le vote est, dans son principe, secret depuis 1795 mais aucun dispositif n’était alors prévu pour le garantir.

Après l’Australie, l’isoloir a été adopté en 1872 par le Royaume-Uni, en 1877 en Belgique, à la fin du XIXème siècle aux Etats-Unis et en 1903 en Allemagne.

Wikipedia précise que :

« En France, où le vote secret est constitutionnalisé depuis 1795, l’électeur remet son bulletin plié au président du bureau qui l’introduit dans l’urne. Ce n’est qu’en 1913 que la loi du 29 juillet introduit l’enveloppe, l’isoloir et le dépôt dans l’urne par l’électeur lui-même. La loi vient après une quarantaine d’années de discussions »

Il me semble qu’il faut toujours se méfier quand on vous propose, pour régler des problèmes profonds qui engagent la personne et l’être de raison que nous sommes, un simple dispositif technique.

Le vote a été inventé par des humains qui croyaient et respectaient l’opinion d’autres humains.

Ce n’est pas l’opinion d’un instant, ce n’est pas un like, ce n’est pas un clic d’achat.

C’est une décision solennelle qui engage.

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