Aujourd’hui, je vais parler d’une bande dessinée en trois tomes que je viens de lire : « Charlotte et moi »
C’est une Bd plutôt de jeunesse, mais qui peut se lire à tout âge.
Les éditions « Makaka » qui publient ce livre écrivent malicieusement qu’elle est à destination de lecteurs de « 10 à 109 ans ».
J’aurais dû lire ces 3 livres depuis longtemps, puisque le tome 1 est paru en novembre 2016 et que le tome 3 a été publié en septembre 2018.
Pourquoi aurais-je du lire ces 3 livres depuis plusieurs années ? C’est ce que je vais narrer dans la suite de ce mot du jour.
Mais je voudrais d’abord dire que j’ai été conquis par cette BD pleine de sensibilité, d’humanité et aussi de rebondissements qui rendent sa lecture à la fois agréable et pleine d’intérêt jusqu’au bout de l’Histoire.
Son auteur qui a écrit le texte et dessiné les personnages présente cette histoire dans <Ouest France> de la manière suivante :
« [C’est l’histoire] d’un petit garçon, Gus, dont les parents divorcent. Il part vivre avec sa mère dans un petit immeuble de province. Il n’a pas envie. C’est juste avant la rentrée des classes et il s’ennuie. Il se met à observer les habitants de son immeuble. En particulier Charlotte, une grosse bonne femme timide qui ne parle pas, lui fait un peu peur et sur laquelle ragotent les gens du village. Il l’espionne. Cette BD, c’est l’histoire de Gus, de Charlotte et des gens de leur immeuble. Avec un effet domino : les actions des uns ont des conséquences sur la vie des autres. »
En faisant une recherche sur le site des bibliothèques de Lyon j’ai pu constater que les 3 Tomes étaient présents dans 10 des 16 établissements de la ville et que 5 de ces 10 exemplaires sont empruntés actuellement.
Cela donne la double preuve que les administrateurs de la bibliothèque de Lyon ont beaucoup aimé la série et que les abonnés de la bibliothèque l’apprécient toujours, 5 ans après sa sortie.
Sur ce <Site> j’ai trouvé cet avis qui fait écho avec ce que j’ai ressenti à la lecture de ces pages qui racontent une histoire de quête :
« Cette bande dessinée en 3 tomes est une merveille de tendresse, d’humour et d’aventures. […] La rencontre entre ces deux êtres sera pourtant le point de départ d’une aventure extraordinairement émouvante, autour d’une quête commune : celle des origines. Leur amitié se construira peu à peu, nous donnant l’envie de croiser le chemin d’une Charlotte et d’un Gus, un jour ou l’autre… Mention spéciale pour le dessin, la colorisation et le fourmillement de petits détails auxquels prêter attention, notamment au niveau des transitions entre les scènes.
Ode au vivre-ensemble et à la lutte contre les préjugés, voici une BD à mettre entre toutes les mains. »
Mais l’histoire que je veux partager et qui s’entremêle avec celle de Gus et de Charlotte a commencé au milieu des années 1990.
Je travaillais alors dans l’administration centrale d’une Direction qui n’existe plus depuis 2008 et qui était la Direction Générale des Impôts. Mon bureau était situé au cinquième étage, du bâtiment Turgot, celui qui était le plus loin des bureaux des Ministres et le plus proche de la gare de Lyon.
Mon bureau était juste à côté des ascenseurs, facilement accessible et ma porte était toujours ouverte.
Ce devait être en avril ou mai, nous étions à la fin de la journée, André est venu me rendre visite après une réunion à laquelle je n’avais pas assisté. Pendant notre discussion qui fut assez longue dans mon souvenir, le soleil s’était couché lentement, les fenêtres étaient orientées sud-ouest.
La lumière chaude nous enveloppait et rendait ce moment inoubliable, c’est pourquoi son souvenir ne m’a pas abandonné.
André était mon ainé de douze ans. Le travail commun nous avait rapproché, il y avait de l’affection parce que nous nous reconnaissions mutuellement la capacité de nous écouter, la volonté de nous comprendre et d’aboutir à une solution qui nous convenait à tous les deux et que nous pourrions défendre devant notre hiérarchie. Il était responsable d’une équipe d’informaticiens et moi je représentais la maîtrise d’ouvrage qui écrivait les cahiers des charges et exerçait la recette des applications c’est-à-dire leur réception et leur test.
La confiance et surtout l’écoute de l’autre permet de passer à un autre niveau de dialogue, plus engageant et qui touche davantage l’intime.
Nous parlions de nos enfants, mais les miens étaient encore dans leurs toutes premières années.
André Clert était particulièrement préoccupé par son fils qui était dans l’année de son baccalauréat et qui ne travaillait pas assez pour la réussite de cet examen selon les critères de son père. Il me disait et je sentais une angoisse dans sa voix :
« Tu comprends Alain, il trouve beaucoup plus important de dessiner toute la journée. Il s’est pris de passion pour les dessins animés et la bande dessinée. J’essaie de lui expliquer de travailler pour son Bac et puis de dessiner après. »
Et il a ajouté cette phrase qui m’est resté :
« Nos enfants et nous les parents n’avons décidément pas les mêmes priorités ! »
Après mon départ de Paris pour Lyon et même après sa retraite nous avons continué à échanger par courriel.
Et puis le 21 novembre 2016, j’ai reçu, avec d’autres, un message provenant de l’adresse courriel d’André, mais ce n’était pas lui qui écrivait :
« C’est avec une immense tristesse que je vous annonce le décès brutal d’André survenu samedi soir dans un restaurant de Toulouse où nous étions pour quelques jours.
Un séjour pour circuler dans Toulouse où il a fait ses études et qu’il aimait beaucoup, et aussi pour aller à un festival de bandes dessinées où notre fils Olivier dédicaçait sa bande dessinée qui vient d’être publiée (il en était heureux et fier).
Nous avions passé une merveilleuse journée…
Malgré une retraite pleine d’occupations, il ne vous a pas oubliés et nous gardons un excellent souvenir de nos années parmi vous. »
André est donc décédé le 19 novembre 2016, le Tome 1 de « Charlotte et moi » était paru exactement le 4 novembre 2016.
Le tome 2 paru en avril 2018, porte cette simple dédicace : « Pour mon père »
Dans l’article d’Ouest France déjà cité, Olivier Clert expliquait en 2017 les différentes facettes de son activité professionnelle :
« J’ai 36 ans et je vis à Paris. J’ai toujours dessiné. Après le lycée, j’ai fait une fac d’arts plastiques et préparé le concours de l’école des Gobelins. Je me suis formé au film d’animation, notamment en participant à un court-métrage collectif de fin d’études, Blind Spot. Je me suis occupé de l’histoire et de la mise en scène. J’ai ensuite travaillé comme animateur sur plusieurs longs-métrages comme Un monstre à Paris […]
Être storyboarder, c’est travailler sur le script des réalisateurs et en faire une BD du film. »
Et il raconte comment est né la BD :
« J’ai eu une fenêtre entre deux projets d’animation. J’ai commencé Charlotte et moi, puis je l’ai proposée à des éditeurs.
[… J’ai des idées de BD mais très vagues : il faut que je plonge dedans. En dessin animé, je travaille sur Klaus (paru en 2019). Faire un film, c’est très long : environ cinq ans. On est nombreux à travailler : cela permet à la fois une émulation intéressante, c’est pour ça qu’il y a souvent beaucoup de gags et de trouvailles visuelles, mais ça peut aussi être très laborieux car on est beaucoup. Alors que quand on fait une BD, on est seul, on dessine et ça peut aller vite. C’est la façon la plus simple de raconter une histoire. Ça tombe bien, c’est mon métier ! »
Gus et Charlotte qui ont vécu beaucoup d’aventures ensemble, vont se quitter, avant la fin du Tome 3 parce que Charlotte va continuer sa quête seule, loin de France.
La manière dont Olivier Clert dessine cet instant me fait revenir en mémoire la parole d’Eleanor Roosevelt l’épouse du Président Franklin D. Roosevelt :
« The future belongs to those who believe in the beauty of their dreams.
– L’avenir appartient à ceux qui croient à la beauté de leurs rêves. »
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