Vendredi 14 juin 2024

« Consultation »
Que signifie ce mot ?

Quelquefois on se pose des questions sur des mots qui nous semblent de la langue courante, mots qu’on utilise sans y penser.

Et puis arrive un évènement qui nous interpelle et on commence à douter du sens de ce mot.

Récemment c’est le mot « consultation » qui m’a conduit à une telle interrogation.

Au départ, il y a cet article du « Canard enchaîné » du 12 juin 2024 :

« Après avoir annoncé aux ténors de la majorité sa décision de dissoudre, Macron leur donne la parole, comme s’ils avaient encore leur mot à dire. Première à s’exprimer, pour des raisons protocolaires Yaël Braun-Pivet, sonnée par la nouvelle, jette un pavé dans la mare.
« Monsieur le Président, selon l’article 12 de la Constitution , vous devez consulter les Présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat. »
Réponse dudit Président :
« Je suis en train de te consulter…
– Pas comme ça. Je vous demande un entretien en tête à tête »
Demande accordée, Macron et Braun-Pivet s’éclipsent dans un salon voisin, où la présidente de l’Assemblée dit tout le mal qu’elle pense de la dissolution.
« J’ai fait mon choix «  réplique le chef de l’État qui appelle dans la foulée Gérard Larcher, président du Sénat, pour le « consulter » lui aussi. »

Nous avons bien entendu le Président de la République nous dire le 9 juin

« C’est pourquoi, après avoir procédé aux consultations prévues à l’article 12 de notre Constitution, j’ai décidé de vous redonner le choix de notre avenir parlementaire par le vote »,

Que dit cet article 12 ?

Article 12 de la Constitution :

«  Le Président de la République peut, après consultation du Premier ministre et des présidents des assemblées, prononcer la dissolution de l’Assemblée nationale. Les élections générales ont lieu vingt jours au moins et quarante jours au plus après la dissolution. »

Yaël Braun-Pivet, avait donc raison, en omettant toutefois le premier ministre, il faut une consultation préalable de trois autorités avant la décision par le Président de la République.

Mais que signifie consultation ?

Selon le dictionnaire Larousse, « consultation » est un nom féminin dont la définition est la suivante :

« Action de consulter quelqu’un, de lui demander son avis »

Selon ce même dictionnaire « consulter » répond à la définition suivante :

« Demander à quelqu’un son avis, son conseil, chercher des renseignements auprès de lui, interroger ».

<Le dictionnaire du CNRS> donne l’étymologie :

« Empr. au lat. class. consultare « délibérer »

Il s’agit donc de délibérer, de discuter, d’échanger des arguments…

Le Canard enchaîné a raconté la réaction du Président du Sénat :

« En fait de consultation a raconté Gérard Larcher, vingt-quatre heures plus tard en Conférence des présidents, « J’ai eu un coup de fil du chef de l’État pour « m’informer » qu’il allait dissoudre. Je n’ai pu qu’en prendre acte ». Larcher, afin qu’il y ait « une trace » de cette conversation en a fait consigner le contenu dans les archives du Sénat »

Le Président a informé les trois autorités, il ne les a pas consultés.

L’esprit de l’article 12 et donc de la Constitution n’a pas été respecté.

Soazig de la Moissonnière, la photographe officielle de la Présidence, a immortalisé l’annonce de la décision de dissolution lors de la fameuse réunion de l’Élysée :

On y voit la sidération de Yaël Braun-Pivet, de Gabriel Attal et de Gérald Darmanin.

Que signifie, en terme de communication, le fait de rendre public cette photo officielle ?

Je trouve cela étrange.

Autre incongruité de l’organisation de la République française, que j’ai essayée de décrire dans un mot du jour de 2017 : « La cinquième République »

Le vote sanction des électeurs français a été réalisé contre le Président de la République puisque c’est lui qui décide de tout.

Mais la réponse n’est pas sa dissolution, c’est-à-dire sa démission, mais la dissolution et donc le renvoi des députés. Il faut savoir sacrifier les autres !

Il y a quelques jours, le premier ministre britannique, Rishi Sunak, a demandé la dissolution du Parlement. Mais cette décision s’applique à lui, si le peuple britannique envoie une autre majorité au Parlement, Rishi Sunak ne sera plus premier ministre.

Et il en irait de même en Allemagne, en Espagne, en Italie, au Danemark, bref dans tous les pays comparables.

Sauf aux États Unis, où le Président a beaucoup de pouvoirs comme en France, mais ne peut pas dissoudre la chambre des représentants.

« Il y a quelque chose de pourri au Royaume du Danemark » écrivait Shakespeare dans « Hamlet ».

Peut-être y a-t-il quelque chose de pourri dans la Vème République française ?

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