Mardi 5 juillet 2022

« Les politiques, les contradictions et les erreurs. »
Quelques éléments de langage des politiques examinés par les sciences politiques

Je donne simplement quelques exemples.

Une contradiction :

Emmanuel Macron a été réélu Président de la République, dimanche 24 avril 2022. Le soir de cette victoire, il a tenu un discours au pied de la Tour Eiffel. Et parmi d’autres choses, il <a dit> :

« Je sais aussi que nombre de nos compatriotes ont voté ce jour pour moi non pour soutenir les idées que je porte mais pour faire barrage à celles de l’extrême droite. Et je veux ici les remercier et leur dire que j’ai conscience que ce vote m’oblige pour les années à venir »

Le même homme, après les élections législatives qui ne lui ont pas permis de disposer d’une majorité absolue a fait un discours, de 8 minutes, le 22 juin dans lequel il demandait aux groupes politiques d’opposition de dire « jusqu’où ils sont prêts à aller »

Et dans ce discours il a analysé sa réélection de la manière suivante :

« Le 24 avril, vous m’avez renouvelé votre confiance en m’élisant Président de la République. Vous l’avez fait sur le fondement d’un projet clair, et en me donnant une légitimité claire. »

Et il a ajouté :

« Cela veut dire ne jamais perdre la cohérence du projet que vous avez choisi en avril dernier. C’est un projet d’indépendance pour notre pays, la France et dans notre Europe que nous devons rendre plus forte, qui passe par une défense forte et ambitieuse, une recherche d’excellence, […] »

Il a donc, à 2 mois d’intervalle, d’abord reconnu que son élection a été le fruit d’un rejet de l’autre candidate, ensuite prétendu qu’il a été élu pour son seul programme

Une erreur

Jordan Bardella a affirmé après les élections législatives : « Macron a été mis en minorité »

Dans le troisième point, je reprendrai les chiffres.

Mais ce que dit Jordan Bardella est faux.

En sciences politiques, la situation à l’Assemblée Nationale est, du côté des députés macronistes, celle d’une majorité relative.

C’est-à-dire qu’ils ne disposent pas de la majorité absolue.

La minorité c’est la position d’un parti qui dans une assemblée a, en face de lui, une majorité relative ou absolue

Le Rassemblement National ou la NUPES sont minoritaires, parce qu’ils sont face à la majorité macroniste et qu’ils ne sont pas en capacité de se réunir, ni de se réunir avec un autre Parti pour avoir la majorité, c’est-à-dire plus de députés que le parti macroniste.

La NUPES veut déposer une motion de censure en vue de renverser le gouvernement. Il est peu probable qu’elle y arrive. Mais si elle y arrivait, elle n’aurait pas de majorité alternative pour gouverner à la place des macronistes.

En Allemagne, il n’est pas possible de renverser un gouvernement si on ne peut pas proposer une majorité alternative acceptant de gouverner ensemble.

Une autre erreur

Lors des diverses émissions que j’ai écoutées, plusieurs commentateurs ont affirmé qu’il n’était plus nécessaire d’instaurer la proportionnelle aux élections législatives parce que les français étaient parvenus à élire une assemblée quasi proportionnelle avec le scrutin actuel : scrutin uninominal à deux tours.

C’est d’abord factuellement faux ou très approximatif.

Pour la proportionnelle sur la base du premier tour, il suffit que je reprenne le schéma déjà proposé lors du mot du jour du 14 juin. Et à côté je présente la vraie Assemblée élue.


On voit donc que « Ensemble » dispose bien d’une nette majorité même si elle est relative, ce qui n’est absolument pas le cas s’il y a représentation proportionnelle car alors la NUPES fait jeu égal.

En outre, on constate que 51 députés ont été élus sur aucune des 4 listes qui auraient été seules représentées en cas de proportionnelle intégrale.

Mais il y a surtout une autre erreur, c’est que le scrutin a une influence sur l’organisation politique. Un simple exemple : jamais il n’y aurait eu une coalition NUPES, si le mode de scrutin n’avait pas obligé le PS, les écologistes et le PC de s’allier aux Insoumis pour espérer avoir des députés.

Dans le scrutin uninominal à deux tours, pour lequel je rappelle que quasi personne d’autre que la France ne l’applique, il faut présenter l’autre camp comme un adversaire qui a tous les défauts pour mobiliser. Dans un scrutin proportionnel, on sait qu’il n’y aura pas de majorité et qu’il va falloir discuter avec les autres pour créer, après les élections, une coalition de gouvernement. Les relations avec les adversaires, futurs partenaires potentiels ne sont pas les mêmes.

Enfin, on peut désormais avoir la crainte que si on laisse perdurer le scrutin actuel et étant donné les leçons du dernier scrutin qui a montré une dédiabolisation totale du Rassemblement National, ce dernier pourra bénéficier, à son tour, de l’effet multiplicateur de ce scrutin pour obtenir, la prochaine fois, la majorité absolue. Est-ce cela que nous voulons ?

Le scrutin actuel tant qu’il permettait à une coalition qui représentait plus de 40% du corps électoral à disposer d’une majorité absolue grâce à un coup de pouce du scrutin était tolérable.

Aujourd’hui que le parti majoritaire dispose de moins de 30% des voix exprimés et moins de 15% du corps électoral, cela devient inacceptable. Cette représentation déformée du corps électoral augmente les tensions dans la société et crée des mouvements de contestation de plus en plus violents.

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