Jeudi 21 mai 2015

Jeudi 21 mai 2015
«Le terme inceste est absent du Code pénal depuis 1791»
J’ai fait 4 ans d’études de Droit, dont 2 ans de Droit pénal mais je ne savais pas ou j’ai oublié qu’on ne pouvait pas être condamné pour inceste.
Car il faut savoir qu’en droit pénal, on ne peut sanctionner quelqu’un que si l’acte qu’il a commis est nommément désigné dans le code pénal.
Il y a bien sûr des hommes (peu de femmes) qui ont été condamnés parce qu’il avait commis l’inceste mais ce n’est pas pour inceste, c’était pour viol ou d’autres motifs présents dans le Code.
Vous me direz peu importe, puisqu’ils sont condamnés ?
Pas du tout comme vous l’apprendra cet article <http://leplus.nouvelobs.com/contribution> dont je vous cite des extraits ci-après :
« L’inceste, puni par la loi ? C’est ce que beaucoup croient, mais ce terme est en fait absent du Code pénal depuis… 1791.
Un amendement à la loi sur la protection de l’enfance prévoit de le réintroduire.
Les victimes l’attendent depuis longtemps. Comme Isabelle Aubry, violée par son père jusqu’à ses 14 ans. Elle témoigne :
J’ai été victime de mon père de 6 à 9 ans, puis de 11 à 14 ans.
Comme c’est souvent le cas dans ce type de situation, il a d’abord utilisé le jeu, dans le bain.
Au début, c’était des agressions sexuelles, sans pénétration.
Mon père a arrêté entre mes 9 et 11 ans, alors qu’il était en instance de divorce avec ma mère.
Puis quand j’ai eu 11 ans, alors que mes parents s’étaient séparés entre temps et que mon père a obtenu ma garde, les viols ont commencé, plusieurs fois par semaine.
Un jour, mon père a commencé à m’emmener à des soirées où j’étais agressée par plusieurs personnes. C’est souvent comme ça : on consomme ses propres enfants puis on se rend compte qu’ils ont de la valeur, alors on les vend. L’inceste n’est pas qu’une affaire de famille, c’est une traite d’êtres humains, un marché.
Les gens ignorent que, bien souvent, les images pédopornographiques que l’on trouve sur internet proviennent des familles elles-mêmes. […]
J’ai porté plainte à 15 ans […]
Mon père a été arrêté le lendemain, la police a fait une perquisition chez lui, où les preuves s’accumulaient. Il a avoué.
C’était en 1980, année où laquelle le viol est devenu un crime. Mon père a été jugé en 1981. 
Mon père n’a pas été jugé pour inceste
Mon avocate de l’époque, Gisèle Halimi, m’a dit que mon père pouvait être jugé aux Assises pour crime par un jury populaire et qu’il encourait 20 ans de réclusion.
Il ne pouvait pas être jugé pour inceste, ça n’existait pas dans la loi. Cela a été un premier choc pour moi. Deuxième choc : il fallait que je prouve qu’il m’avait agressée contre ma volonté. Pour que le viol soit qualifié, il fallait à la fois des pénétrations et une absence de consentement.
La juge d’instruction m’a demandé si j’étais consentante au moment des faits. Je ne savais pas ce que ça signifiait, je ne comprenais pas. Elle m’a alors demandé si j’ai dit « non », et ne sachant pas quoi dire, j’ai répondu : « Non, je n’ai pas dit non. »
Mon avocate m’a alors rétorqué que les jurés pouvaient considérer qu’il ne s’agissait pas d’un viol et que mon père pouvait ressortir libre. J’étais terrorisée à l’idée qu’il puisse sortir de prison et me tuer. […]
Le procès n’a donc pas eu lieu aux Assises, mais en correctionnelle, où il encourait non plus 20, mais 10 ans de prison. Il n’a pas été jugé pour agression sexuelle (où on exige le non-consentement), mais pour atteinte sexuelle (agression avec consentement).
Au final, mon père a été condamné pour proxénétisme aggravé à seulement six ans de prison. Il n’en a fait que quatre. Avec ce jugement, il pouvait lui aussi se dire que ce qu’il avait fait n’était finalement pas si grave. On n’en a jamais parlé, il est mort aujourd’hui.
Pour me reconstruire, j’ai dû me débrouiller comme je le pouvais. À 23 ans, alors que j’étais anorexique, que j’avais déjà fait deux tentatives de suicide et que j’étais prête à réessayer une troisième fois, mon médecin généraliste m’a dit : « Il faudrait peut-être que tu ailles voir un psy… » […]
Pour la société, j’étais responsable de ce qui m’était arrivé. J’ai mis longtemps à comprendre qu’il y avait un problème dans la loi.
L’inceste a été enlevé du Code pénal suite à la révolution française, en 1791, car on estimait alors qu’il relevait de l’interdit moral, du cercle familial, et qu’il ne nuisait pas à la société.  
Depuis plus de 200 ans, la société envoie ce message à la population : l’inceste, ça ne nous regarde pas.
Aujourd’hui, la loi punit le viol et l’agression sexuelle, mais il n’est pas qualifié d’inceste. Il l’a été en 2010 pendant 18 mois, mais le Conseil constitutionnel a abrogé la loi suite à une question prioritaire de constitutionnalité (QPC).
Dans la loi actuelle, l’inceste est autorisé entre adultes consentants. Vous pouvez même avoir des enfants, à partir du moment où vous ne vous mariez pas ! Mais l’enfant ne peut être reconnu que par un des deux parents. C’est d’une hypocrisie totale !
L’amendement à la loi de la protection de l’enfance qui vient d’être adopté par les députés prévoit de réinscrire l’inceste dans le Code pénal, mais il demeure très flou. Il définit une liste d’agresseurs pouvant être accusés d’inceste : ascendants, tuteurs. Les cousins ne sont pas dans la liste. Les frères, sœurs, oncles, tantes, neveux, nièces seront quant à eux concernés uniquement s’ils ont sur la victime « une autorité de droit ou de fait ». Pourquoi rajouter cette précision ?
Plus de deux siècles après la révolution française, il est grand temps de réintroduire l’inceste dans le Code pénal. Cette non reconnaissance juridique entraîne une incompréhension des enfants victimes : puisque ce n’est pas qualifié, ça n’existe pas, donc ils ne l’intègrent pas.
Aujourd’hui, il n’y a pas de prévention dans les écoles. Moi j’ai dit à mon fils : « Personne n’a le droit de te toucher, même pas moi ! »
En fait, tous les parents devraient dire ça à leurs enfants.»
Isabelle Aubry a tout raconté dans son livre “La première fois j’avais six ans” (Oh Editions. 2008).
La famille qui est le plus souvent protection, peut se révéler le pire des  enfers.
Il ne saurait exister de consentement lorsque l’inceste est établi.
C’est un crime, un viol aggravé.
Nous avons ici une faille dans notre code pénal