Lundi 18 mai 2015

Lundi 18 mai 2015
« Quand je viendrai en Haïti,
j’acquitterai, à mon tour, la dette que nous avons »
François Hollande, Président de la République
Discours pour l’inauguration du Mémorial dédié à la mémoire de la traite et de l’esclavage à Pointe à Pitre
Vous savez que la France s’enorgueillit d’avoir érigé le plus grand centre à la mémoire de l’esclavage dans le Monde, en Guadeloupe. Le Président de la République l’a inauguré dimanche 10 mai. Vous trouverez son discours en pièce jointe.
Dans ce discours il a rappelé l’histoire d’Haïti, Etat dans lequel il allait se rendre après l’inauguration et il a eu ce propos qui est le mot du jour.
Propos qui a fait l’objet de polémique parce que dans l’esprit de François Hollande, la dette était morale, alors que dans l’esprit des Haïtiens et de beaucoup d’autres il s’agissait bien d’une dette monétaire.
Pour comprendre cela, il faut encore une fois revenir à l’Histoire.
Aujourd’hui cette île est divisée en 2 :  Haïti et la république de Saint Domingue. AU XVIIème siècle l’île s’appelait dans son intégralité Saint Domingue.
Wikipédia nous apprend :
 «Vers 1790, c’était la colonie française la plus riche de toute l’Amérique grâce aux profits immenses de l’industrie sucrière et de celle de l’indigo générés par le travail des esclaves. Des dizaines de milliers d’Africains avaient été amenés comme esclaves pour faire fonctionner ces industries. Leur sort est juridiquement encadré par le code noir, mais, dans les faits, ils subissent des traitements souvent pires que ceux dudit code. Leur nombre (400 000) est dix fois plus élevé que celui des blancs.
La Révolution française entraîne de graves bouleversements sociaux dans les petites Antilles comme à Saint-Domingue. Le plus important est la révolte des esclaves qui aboutit en 1793 à l’abolition de l’esclavage […] décision avalisée et généralisée à l’ensemble des colonies françaises par la Convention six mois plus tard (première abolition de l’esclavage le 16 pluviôse an II, donc le 4 février 1794).
Toussaint Louverture, nommé gouverneur général à vie de Saint-Domingue par la France, après avoir rétabli la paix, chassa les Espagnols et les Anglais qui menaçaient la colonie, rétablit la prospérité par des mesures audacieuses. La promulgation d’une constitution autonomiste provoque une réaction de la France : Napoléon Bonaparte […] envoie une expédition de 30 000 hommes sous les ordres de son beau-frère le général Leclerc avec pour mission de démettre Louverture et rétablir l’esclavage.[Finalement] les troupes françaises […] sont battues à la bataille de Vertières par Jean-Jacques Dessalines, qui a rejoint l’insurrection.
[…] la Déclaration d’indépendance du pays est proclamée le 1er janvier 1804. Le nom d’Haïti (ancien nom de l’île du temps des Indiens Caraïbes) est donné au pays. Haïti est le premier pays au monde issu d’une révolte d’esclaves.
[Haïti a besoin d’une reconnaissance internationale et] initie des négociations pour la reconnaissance d’Haïti en 1814. Elles durent jusqu’en 1824. Le 11 juillet 1825, le roi de France Charles X promulgue une ordonnance reconnaissant l’indépendance du pays contre une indemnité de 150 millions de franc-or (la somme sera ramenée par Louis-Philippe Ier en 1838 à 90 millions de francs).»
Donc, la France a exigé et obtenu de ses anciens esclaves, de ces hommes et de ces femmes qu’elle maltraitait pour le plus grand bénéfice de ses marchands (Combien de fortunes françaises actuelles puisent le début de la richesse de leur patrimoine dans ce commerce odieux ?) une somme astronomique à l’époque, en compensation du manque à gagner de l’abandon de la colonie pour qu’Haïti puisse exister pacifiquement au niveau international.
La somme recalculée aujourd’hui représenterait 17 milliards d’euros.
Mais le Président République, soutenu je pense par la plus grande partie des forces politiques françaises, n’entend pas donner un prix à une dette morale : (extrait de son discours dont vous avez l’intégralité dans la pièce jointe :
«Oui, l’histoire doit être donnée pour ce qu’elle est ; l’histoire des insurrections, l’histoire des soumissions, l’histoire de l’esclavage, l’histoire aussi de l’abolition, la bataille tarda à s’engager mais elle fut menée courageusement par l’abbé GREGOIRE en 1794, première abolition, puis incomparablement définitivement par Victor SCHŒLCHER en 1848. Ces hommes, ces écrivains, ces philosophes, méritent l’hommage que la Nation leur a rendu. […]
Je veux aussi rappeler ce droit inaliénable à la liberté que Toussaint LOUVERTURE fit à Saint-Domingue, première colonie libre où l’esclavage fut définitivement aboli en 1793. Haïti devint en 1804 la première République noire ayant militairement fait échec au rétablissement de l’esclavage décidé en 1802 par BONAPARTE. Monsieur le Président MARTELLY, nous sommes heureux, nous sommes fiers que vous soyez là, parmi nous, rappelant ce qu’a été l’exceptionnel combat pour la liberté d’Haïti, à qui nous serons toujours, éternellement reconnaissants. Non pas pour les malheurs d’hier, mais pour les bonheurs que vous avez su donner au peuple pendant des décennies pour leur liberté. […]
Cela s’est produit sous la monarchie Charles X en 1825, qui réclama même à la jeune République d’Haïti une indemnisation d’Etat de 150 millions de francs afin d’indemniser les anciens colons qui le réclameraient. Certains ont appelé cette exigence la rançon de l’indépendance ; eh bien quand je viendrai en Haïti, j’acquitterai à mon tour la dette que nous avons.
Mesdames et Messieurs, je sais le débat sur les réparations. Il n’est pas épuisé. J’ai repris à mon compte il y a déjà longtemps les mots d’Aimé CESAIRE quant à la nature irréparable du crime. Cependant, en lui donnant un nom et un statut par une loi, la loi de 2001, le Parlement français a accompli un acte de vérité, de courage et de justice. Première des réparations : en inscrivant dans les programmes scolaires à tous les niveaux d’enseignement, conformément à cette loi, réparation est faite de l’oubli et de l’occultation. Mais il reste à explorer l’incommensurable legs de toutes les générations qui ont permis que notre patrimoine, le patrimoine commun, le patrimoine de l’humanité puisse être élargi. […]
Nous avons ici la seule dette qui doit être réglée, c’est de pouvoir faire avancer l’humanité ; c’est ce que ce mémorial nous rappelle au nom de nos valeurs, au nom de nos valeurs d’émancipation et de dignité et encore davantage au nom des générations d’hommes, de femmes, d’enfants qui furent privées d’une vie de dignité. Au nom de la mémoire, nous devons faire vivre l’espérance pour l’avenir de l’humanité.»
Lien vers le site de l’Elysée publiant le discours du Président de la République au Mémorial Acte et rapportant les moments forts de cette visite : http://www.elysee.fr/chronologie/#e9340,2015-05-10,d-placement-en-guadeloupe-pointe-pitre-
Hélas cette question de l’asservissement d’êtres humains n’est pas qu’une question de mémoire car l’esclavage est encore une réalité dans le monde : <Près de 36 millions d’esclaves dans le monde>
Après le week end de l’Ascension, voici une manière de redescendre sur terre…