« Partout, deux barbaries se conjuguent,
la vieille barbarie de la haine, du mépris, de la cruauté,
et la barbarie glacée du calcul qui veut contrôler tout ce qui est humain. »
la vieille barbarie de la haine, du mépris, de la cruauté,
et la barbarie glacée du calcul qui veut contrôler tout ce qui est humain. »
Edgar Morin
Edgar Morin est un de nos plus grands penseurs contemporains.
Il est né le 8 juillet 1921, vous pouvez calculer il a 95 ans, presque 96.
Wikipédia le définit d’abord comme le penseur de la complexité.
Il fut un grand résistant. C’est à cette époque qu’il a pris le nom de Morin, car son nom de naissance est Nahoum, il est d’origine juive séfarade, descendant d’un père commerçant juif de Thessalonique.
Le journal Le Monde vient de publier un entretien avec cet homme qui m’inspire beaucoup : « Cette élection est un saut dans l’inconnu » que vous trouverez en pièce jointe.
Il ne fait aucun doute que cet homme profondément humaniste, votera sans ambigüité pour Macron.
je trouve particulièrement intéressant la deuxième partie de cet entretien, lorsqu’il répond à la question du journaliste : « Quels sont les grands problèmes et les grands thèmes absents de cette campagne ? »
« Le premier grand absent est le monde qui nous enveloppe et nous emporte dans des conflits et des régressions qui s’aggravent. Les Etats-Unis et la Russie accroissent leur arsenal nucléaire. Trump et Kim ne sont pas Kennedy et Khrouchtchev, qui avaient évité le conflit nucléaire. L’organisation Etat islamique prépare des attentats partout, y compris chez nous.
Partout, deux barbaries se conjuguent, la vieille barbarie de la haine, du mépris, de la cruauté, et la barbarie glacée du calcul qui veut contrôler tout ce qui est humain.
Partout, y compris en Europe, la régression politique a fait naître des postdémocraties autoritaires, que le mot « populisme » qualifie très mal, et nous sommes nous-mêmes ici menacés en ce moment historique.
Les politiques sont somnambules comme l’ont été les politiques de 1933 à 1940. La France ne devrait-elle pas prendre des initiatives pour la paix ? Beaucoup attendent le retour d’une diplomatie française dans le monde telle que l’avait exprimée Dominique de Villepin dans son célèbre discours à l’ONU. La France ne devrait-elle pas chercher une nouvelle voie pour résister aux régressions qui nous envahissent ?
Pour vraiment « barrer la route au FN », il faudrait prendre une autre route. La politique de Macron a d’autant plus besoin d’une pensée sur ce monde qu’elle se veut d’ouverture ; la politique de fermeture sur soi de Marine Le Pen n’a pas besoin de penser le monde car pour elle l’extérieur est une menace (mondialisation, Europe, étranger, immigré) et la solution est la fermeture sur soi. »
Et à cette autre question : « Les débats sont-ils à la hauteur de ces enjeux historiques et de cette dépression politique ? », il répond :
« Le mythe de l’Europe est faible. Le mythe de la mondialisation heureuse est à zéro. Le mythe euphorique du transhumanisme n’est présent que chez des technocrates.
Nous sommes dans un creux historique d’incertitudes et d’angoisses, qui provoquent les régressions de repli. Seule la conception d’une voie salutaire pourrait ressusciter une espérance qui ne soit pas illusion.
Macron devrait à mon sens mettre en question les cadres classiques dans lesquels il semble se situer naturellement : la subordination de la politique à l’économie, la réduction de l’économie à l’école néolibérale, l’excroissance du pouvoir de l’argent.
Une des causes profondes du mal contemporain est l’hégémonie de la finance et des lobbies économiques non seulement sur la société, mais aussi sur la politique.
Une nouvelle voie économique est possible qui ferait reculer progressivement l’omnipotence du profit, du calcul, de la standardisation, et nous conduirait vers un mieux-être : la menace écologique a ouvert la perspective de la généralisation des énergies propres, de la dépollution des villes (développement des voitures électriques, piétonisation, parkings aux portes de villes), de la dépollution de notre consommation alimentaire par la régression de l’agriculture et de l’élevage industrialisés et le redéploiement des exploitations fermières et agroécologiques.
Le développement de la conscience des consommateurs urbains, qui a commencé, favoriserait l’alimentation saine et savoureuse. Du coup, les progrès de la santé dans toute la nation susciteraient d’énormes économies budgétaires.
En même temps, l’Etat devrait favoriser l’économie sociale et solidaire, l’entreprise citoyenne, l’économie collaboratrice (qui s’ébauche dans les Blablacar, les AMAP, etc.), l’économie circulaire, l’artisanat. Il devrait favoriser la production du durable et faire régresser celle du jetable. Il devrait favoriser la compétitivité qui s’obtient par la débureaucratisation et l’humanisation au sein de l’entreprise, plutôt que par les contraintes qui conduisent aux burn-out.
Enfin, l’union des Français à laquelle aspire Macron nécessite la prise de conscience de la réalité multiculturelle de notre nation, composée d’abord de cultures provinciales issues de peuples hétérogènes au départ, ensuite de cultures d’origine immigrée se symbiotisant dans la grande culture nationale. Il faudrait inscrire dans la Constitution « la France est une République une et multiculturelle ».
De manière plus immédiate, il fait cette analyse du combat électoral en cours :
« Macron bénéficie d’un élan propre pour le renouveau et d’un fort antilepenisme. Mais il a éveillé un antimacronisme de gauche et un antimacronisme de droite qui iront vers l’abstention ou vers Marine Le Pen.
Cela dit, il y aura encore des aléas et des surprises.
Les forces profondes de régénération qui travaillent le pays, en même temps que le travaillent les angoisses, les peurs et les colères (qui favorisent Le Pen), sauront-elles se décanter et trouver un chemin en Macron ?
Le dynamisme de la marche risque d’être stérile si on ne sait pas quel espoir se trouve dans l’« en avant ». De toute façon, nous sommes dans l’aventure, cette élection est un saut dans l’inconnu.
D’un côté, le déjà-connu, de l’autre, l’incertain. Il faut savoir que tout vote sera un pari risqué.
L’abstention est elle-même un pari. Cette conscience doit nous donner vigilance et éviter bien des illusions et des déceptions. »
Je voterai Macron.
Je ne condamnerai pas celles et ceux qui s’abstiennent.
Emmanuel Macron n’a fait aucun effort, pour l’instant, pour rassembler sauf à dire qu’il est le candidat anti-Le Pen, ce qui est beaucoup, mais ce qui n’est pas tout.
Il faut lutter contre la marchandisation du monde.
Car comme l’écrit Edgar Morin il existe bien sûr la la vieille barbarie de la haine, du mépris, de la cruauté.
Mais si on ne lutte pas contre la barbarie glacée du calcul qui veut contrôler tout ce qui est humain nous aurons tôt ou tard la vieille barbarie.