Jeudi 13 avril 2017

Jeudi 13 avril 2017
« La tentation Mélenchon »
Réflexions personnelles sur une dynamique de campagne
Contrairement à ce qui est répété à satiété, les sondages ne se trompent pas systématiquement. Même en 2002, les instituts de sondage avaient perçu, particulièrement lors de la dernière semaine de campagne (mais les résultats n’étaient plus publics), le tassement de Lionel Jospin et la dynamique du vote Jean-Marie Le Pen.
De la même manière, pendant les primaires de Droite et de Gauche récentes, alors que la population à sonder était particulièrement difficile à saisir, les instituts de sondage avaient détecté la dynamique Fillon ainsi que la dynamique Hamon.
C’est faux de dire que les sondages se trompent systématiquement, le vrai problème c’est qu’ils influent sur le vote et cela pose une question démocratique. Mais je ne développerai pas ce point aujourd’hui.
Car ce qui est mon propos aujourd’hui, c’est de m’intéresser à ce que détecte en ce moment les instituts de sondage : la dynamique du vote pour Jean-Luc Mélenchon, et c’est l’évènement de cette présidentielle désespérante et confuse. Si cette dynamique continue, Jean-Luc Mélenchon sera au second tour.
Je ne développerai pas non plus les circonstances particulières de cette élection qui favorise aujourd’hui cet homme qui est de très loin le meilleur des tribuns de cette compétition et probablement le plus cultivé, celui qui a le plus de consistance humaine.
La meilleure preuve que cette dynamique est réelle et inquiète certains se trouve dans le fait que l’hôte en fin de bail au Palais de l’Elysée qui voulait rester en retrait avant le premier tour pour ne pas trancher entre le candidat désigné par la Primaire de gauche et son ancien conseiller, a décidé de sortir du silence qu’il s’était imposé pour dire d’abord « Cette campagne sent mauvais » puis exprimer sa véritable crainte celle d’un second tour Le Pen / Mélenchon. François Hollande a toujours eu des relations plus que conflictuelles, quasi haineux avec Jean-Luc Mélenchon. Il attaque ainsi son vieil et irréductible ennemi : « Il y a un péril face aux simplifications, face aux falsifications, qui fait que l’on regarde le spectacle du tribun plutôt que le contenu de son texte »
Le président du MEDEF exprime aussi un avis très tranché : «Voter Mélenchon, Le Pen, Hamon, c’est ruine, désespoir et désolation»
L’héritier Gattaz priorise, il préfère le programme de François Fillon, il s’accommode de celui d’Emmanuel Macron mais rejette les autres dont celui de Mélenchon.
Les autres articles de ce même journal sont dans le même esprit, explicites dès le titre :
« Le programme de Mélenchon, un big bang social d’un autre temps »
« Castro, Chavez… Mélenchon, l’apôtre des dictateurs révolutionnaires »
« Éditorial: «Maximilien Ilitch Mélenchon»
Ce dernier faisant bien sûr référence et l’amalgame entre Maximilien Robespierre et Vladimir Ilitch Oulianov dit Lénine, qui il y a exactement 100 ans était en train de préparer la révolution qui allait mener les bolcheviks au pouvoir.
Même le jeune candidat qui reste le favori des sondages perd sa bienveillance pour l’attaquer sur son âge et le traiter de révolutionnaire communiste : «Nous avons le révolutionnaire communiste. Il était sénateur socialiste, j’étais encore au collège.» Et il le caricature sur la politique internationale :«Si la paix que défend Jean-Luc Mélenchon c’est la paix de Vladimir Poutine, très peu pour moi. Si la paix que propose Jean-Luc Mélenchon, c’est de désarmer la France de manière unilatérale devant celles et ceux qui nous attaquent, très peu pour moi.»
Heureusement qu’au milieu de cette violence, Ségolène Royal, toujours décalée par rapport à son ancien compagnon et son entourage ose cette réponse à la question de savoir si la percée de Jean-Luc Mélenchon l’inquiète « Non, pourquoi? Pourquoi une inquiétude? Non, au contraire, je pense que c’est mieux une percée de ce côté-là que du côté de l’extrême droite! Et puis, c’est une authenticité, une passion, je pense, que les Français trouvent dans son message. Et la politique a besoin de passion…»
La politique a besoin de passion ! Sacré Royal !
Ce que nous aimons dans Mélenchon c’est en effet sa passion, et qu’il parle de Politique, de rapports de force, d’injustice, il parle des gens. Et puis qui d’autre que lui est capable à la fin d’un meeting de lire un poème de Victor Hugo devant un public attentif et à l’écoute ? A la fin du meeting de Marseille, il a lu un poème sur la paix d’un écrivain grec : Yannis Ritsos dans la même communion avec la foule de son meeting.
Et le 29 mars, il a déclamé l’albatros de Baudelaire lors de son meeting du Havre.
Mais ce n’est que la conclusion de son meeting, auparavant pendant une heure il construit son discours clair, pédagogique avec très peu de notes mais un immense travail préparatoire.
Alors oui il fascine. Il écrase la concurrence sur ce plan du discours, du charisme et je dirai plus de l’Humanité.
Cela se voit d’autant plus qu’en face il y a de la médiocrité, celui qui se prétend l’assistant de Paul Ricoeur s’égosille et gesticule, le fils du notaire sarthois est incapable d’empathie avec des infirmières qui lui expliquent la difficulté de leur travail et je ne parle pas de celle qui éructe à longueur de meeting à la recherche de boucs émissaires et pour qui la France est une vierge qui n’a jamais commis le mal. Il y a bien Benoit Hamon pour sauver quelque peu le niveau, car lui aussi parle et s’intéresse aux gens. Il se trouve hélas dans une position politique intenable et il n’a pas le talent de jean-Luc Mélenchon qui s’est en outre assagi par rapport à la dernière campagne.
La France est le pays de la politique et la tentation Melenchon se comprend ainsi.
Le point révèle dans un article du 12 avril un sondage dans lequel Jean-Luc Mélenchon « recueille 56  % de bonnes opinions. […] sa popularité actuelle relève de l’improbable : 61  % chez les cadres (devant Macron, à 57  %), 76  % auprès des sympathisants PS (dont il devient le nouveau champion). Même chez les sympathisants LR, Mélenchon enregistre une percée inattendue : 39  % (+ 17 points). Il y a cinq ans, lors de sa première campagne présidentielle, celui qui était alors le candidat du Front de gauche totalisait 47 % de bonnes opinions lors de la dernière mesure précédant le scrutin.»
Evidemment <Les marchés financiers réagissent très négativement à cette dynamique>, ils n’aiment pas du tout cette volonté de Jean-Luc de Mélenchon de rediscuter les traités européens et de vouloir faire voler en éclats l’Europe «libérale». Je crois qu’ils prennent très au sérieux la menace de Jean-Luc Mélenchon qui instruit des leçons du premier ministre grec Tsipras annonce que s’il ne parvient pas à faire infléchir suffisamment la politique européenne mettra en œuvre son plan B qui est de sortir de l’Euro et de l’Union européenne.
Le pari qu’exprime Jean-Luc Melenchon est que les autres pays européens et en particulier l’Allemagne céderont en raison de poids de la France car elle ne veut pas la dislocation de l’Union européenne qui ne pourra survivre à la sortie de la France.
Il n’est pas évident que l’Union européenne ne survivrait pas à la sortie de la France mais ce ne serait plus la même Union qui ressemblerait de plus en plus à une Allemagne élargie.
Jean-Luc Melenchon compare son plan B à la dissuasion nucléaire, la menace suffit pour obtenir des résultats il n’est pas nécessaire de l’utiliser.
C’est un pari audacieux.
Il aura contre lui quasi tous les gouvernements des autres pays européens ainsi que l’ensemble des forces économiques mondiales.
Il faudrait aussi pour qu’il puisse mettre en œuvre son plan qu’il dispose d’une majorité parlementaire. Car c’est une chose de pouvoir obtenir 20% disons 22 ou 23% des votants puis de gagner l’élection au second tour en raison du rejet de l’autre candidat et de disposer d’une majorité de députés élus par la majorité des français.
Le reste de son programme s’appuie sur une augmentation des salaires, des retraites plus généreuses et plus précoces, une augmentation de la fiscalité et de la redistribution qui s’opposent totalement aux règles de fonctionnement du système économique actuel et semble peu crédible. Il prend aux Etats-Unis l’idée d’un impôt universel : tout membre de la nation française doit l’impôt sur les revenus à la France même s’il est expatrié. Il doit alors payer la différence entre l’impôt qu’il aurait payé en France et celui qu’il acquitte dans son pays de résidence.
Enfin, il veut mettre en œuvre une constituante qui va permettre à mettre en place une autre constitution transformant la 5ème république en une vraie république parlementaire avec de nouvelles règles d’intervention et de participation des citoyens à la décision publique et aussi de possibilités de révoquer les élus.
On peut s’interroger sur la pertinence de mettre tant d’énergie sur nos règles constitutionnelles alors que la France sera en pleine tumulte économique en raison de l’affrontement du gouvernement français avec les forces économiques mondialisées.
Il est aujourd’hui, et de loin,  le meilleur candidat, serait t’il le meilleur président ? C’est la question.
Jean-Luc Melenchon avait accusé François Hollande d’être un capitaine de pédalo.
La situation internationale et économique est de plus en plus tendue, et étant donné sa personnalité et son programme s’il devait être élu, nous serions dans un navire au milieu d’une immense tempête.
Serait t’il capable d’être le capitaine du bateau pour affronter cette tempête ?
Et nous ?
Sommes nous prêts à de telles tempêtes ?
C’est la question que pose la tentation Mélenchon.
Mais si nous en avons vraiment marre du système actuel, cette tentation est certainement plus désirable que celle de l’héritière d’extrême de droite.
Vous trouverez ci-après un <Un documentaire de Gérard Miller : L’homme qui avançait à contre-courant> que j’ai regardé avec beaucoup d’intérêt et de plaisir.