Mardi 4 octobre 2022

« Le voile n’est pas la liberté. »
Kamel Daoud

C’est une histoire largement diffusée par les médias. Mahsa Amini jeune femme iranienne, kurde, a été arrêtée par la police des mœurs parce qu’elle portait mal son voile selon cette milice d’un autre âge. La jeune femme, originaire de Saqqez, une ville de la province du Kurdistan iranien, était en voyage dans la capitale iranienne avec sa famille lorsqu’elle a été interpellée sous les yeux de son frère. Sur les réseaux sociaux, on la voit malmenée pendant son arrestation, jetée à terre et finalement poussée contre sa volonté dans un véhicule de la police des mœurs. Après trois jours de détention, elle meurt le 16 septembre, à l’hôpital où finalement les policiers l’ont emmenée.

Depuis des manifestations ont éclaté, des femmes brûlent leur voile, coupent leurs cheveux en signe de protestation de cet asservissement qu’elles subissent dans la république islamique d’Iran…

<France 24>, citait le 29 septembre, l’agence officielle iranienne Fars qui affirme qu’environ 60 personnes ont été tuées depuis le début des protestations dans l’ensemble du pays et que 1200 personnes ont été arrêtées.

En principe nous savons quand les voies officielles donnent ce type de chiffres, ils sont toujours minorés.

Et bien sûr les autorités iraniennes accusent les puissances étrangères d’avoir fomenté le mouvement. « L’ennemi a visé l’unité nationale et veut dresser les gens les uns contre les autres », a ainsi prévenu le président ultraconservateur Ebrahim Raïssi mercredi, jugeant « le chaos inacceptable » et accusant les États-Unis, l’ennemi juré de la République islamique, d’attiser la contestation. Elles en profitent aussi pour stigmatiser la minorité Kurde iranienne et celles des pays limitrophes.

<TV5> a interrogé la sociologue Mahnaz Shirali, née en 1965 à Téhéran :

« La mort de Mahsha Amini, cette jeune fille de 22 ans, a déclenché de vives réactions des Iraniens. Mais en même temps, il y a toute une série d’autres facteurs qui se sont accumulés. Sa mort a servi d’étincelle pour faire exploser la rage des Iraniens qui étaient inquiets depuis très longtemps à cause de pleins de problèmes d’injustice, des problèmes économiques et une mauvaise gestion du pays.

[ Danser puis brûler son hijab, ou se couper les cheveux, et partager ces vidéos sur les réseaux sociaux] fait parler. Ça montre que ça attire l’attention. C’est ça le symbolisme : quelque chose qui n’a peut-être pas beaucoup de sens mais qui attire les regards. Ça transmet des sentiments extrêmement forts.

[…] Elles en ont ras-le-bol. Elles ne peuvent plus supporter de ne pas être libre, les contraintes qu’on leur impose au nom de l’Islam et de la loi islamique. »

Il y a peu de chance que le régime iranien et ses sbires cèdent devant la pression de la rue. Ils ont le monopole des armes pour tuer et forcer, le fanatisme du croyant pour se rassurer et évacuer les remords qui pourraient surgir devant tant de violence, les avantages économiques de l’élite religieuse et des forces de sécurité à préserver.

Alors cela repose la question du voile de manière plus générale.

Le voile pourrait être instrument d’asservissement en Iran et symbole de liberté en France ?

Certain(e)s l’affirment.

Et la député LFI Daniele Obono fustige même celles et ceux qui pourraient tenter d’y voir une contradiction et pousser « l’indécence » jusqu’à vouloir s’appuyer sur le combat des femmes iraniennes pour poser des questions sur l’association de «la liberté» et «du voile» en France.

Elle a cette insulte morbide : « mangez vos morts » …

D’autres, sans aller dans ces excès de langage, essayent aussi de surmonter et de résoudre cette contradiction. Sandrine Rousseau qui est de tous les combats est de celui-là aussi.

Je lis toujours avec beaucoup d’intérêt et de plaisir intellectuel l’écrivain algérien Kamel Daoud.

Il m’est arrivé plusieurs fois d’écrire des mots du jour en le mettant en exergue :

Et je l’ai cité longuement dans le mot du jour consacré à ce livre étonnant d’Ibn Tufayl : « Le Vivant, fils de l’Éveillé »

Kamel Daoud a écrit un éditorial, le 3 octobre 2022 dans « Le Point » : <Le voile est un féminicide> :

« Le voile tue. La démocratie, non. La mort de Mahsa Amini et la vague de protestations qu’elle provoque en Iran rappelle une fois de plus cette évidence. […]

« Cela suffit à tout dire et à tout démentir. Ce n’est pas un événement rare, d’ailleurs. Une femme harcelée, violentée, menacée, tuée ou excommuniée parce qu’elle refuse de porter le voile est chose banale dans le monde dit « musulman ». Une femme qui ose arracher ce linceul confessionnel, c’est encore pire que l’apostasie, c’est le choix de la pornographie, de la prostitution, de la désobéissance civile. Il faut être femme dans ces territoires pour le vivre, en mourir et sourire de celles et ceux qui, en Occident, prétendent que le voile est une liberté. »

Kamel Daoud a vu arriver en Algérie, la vague islamiste, le voile qui couvrait toujours davantage les femmes et il se cite à la troisième personne :

« Parce que, vivant dans le « Sud confessionnel », il sait que ce morceau d’étoffe est une prison et une condamnation à mourir une vie entière, un enterrement vertical, le renoncement acclamé à son propre corps. Il sait ce que cela coûte pour les femmes et combien elles le paient. Et écouter l’« engineering de l’islamisme » occidental présenter cela comme une liberté et un choix et rameuter les opinions et les médias pour geindre sur une présumée confiscation de droits provoque la rage. »

Son opinion est claire et tranchante : .

« Un bout de territoire cédé, pas un bout de tissu choisi. Il faut donc rappeler les évidences coûteuses : le voile n’est pas une liberté, mais sa fin. Le voile n’est pas un épiderme qui souffre d’un racisme adverse, mais un uniforme d’enrôlement. Le voile n’est pas le signe d’une identité communautaire, mais un renoncement à toute identité et communauté au bénéfice d’un refus de vivre ensemble, de partager, de s’ouvrir, de s’enrichir mutuellement. Le voile n’est pas une « origine », mais un effacement de soi, des siens, de ses généalogies au bénéfice d’un recrutement. Le voile n’est pas seulement un petit foulard, c’est surtout ainsi qu’il commence. Le refuser, le combattre, n’est pas un acte néocolonial, l’ordre d’un colon. Le dévoilement n’est pas une violence de colonisation reconduite, et l’accepter, c’est concéder le territoire et le corps de ses propres citoyens au bénéfice d’une autre loi. Le voile a bénéficié de la « culpabilité » en Occident, de l’intelligence de l’islamiste occidental expert en droits, ONG et architectures associatives. Il a profité de l’histoire mal soldée des colonisations et recycle les procès en arnaques rusées, les dénis en séparatismes. Il a surtout recyclé le communautaire en confessionnel et le confessionnel en stratégie de conquête. »

Et il pose ce constat : « aujourd’hui, au sud du monde, une femme non voilée est une prostituée et, au nord, une femme non voilée est une traître à sa culture, à ses ancêtres. »

Et il me semble qu’il parle ensuite de certains politiques qu’il ne faut peut être pas appeler islamo-gauchiste mais plutôt islamo-naïf.

« Et il s’en trouvera pour le défendre, naïfs ou fourbes, électoralistes ou populistes. »

Et il finit par cette conclusion :

« Mais qu’on arrête une femme en Iran, qu’on la torture, qu’elle meure à cause de ce « tissu » qui n’est qu’une camisole et tout reprend sens, s’ordonne selon ces évidences à qui on fait une guerre sournoise : le voile n’est pas la liberté, ni l’identité, ni un choix. Il est prétendu choix dans le pays qui a le respect des choix, c’est-à-dire des libertés, c’est-à-dire dans les démocraties. Dans les dictatures, il se montre pour ce qu’il est : un assassinat. Car on aura beau jouer sur les mots, le voile tue. La démocratie, non. Des Iraniennes auraient donné beaucoup pour venir vivre leur liberté en France. Pas pour y renoncer. »

Je partage cet article.

Je partage l’analyse et l’opinion de Kamel Daoud.

La plupart des commentaires de cet article sont favorables. J’en ai cependant lu un portant une critique étrange qui semble nier qu’il est plus doux de vivre dans notre démocratie que dans la théocratie chiite :

« Le voile tue. La démocratie, non.

Kamel Daoud a choisi d’oublier toutes les morts au nom des valeurs de l’occident.
Jusqu’à maintenant, par exemple, c’étaient les pouvoirs démocratiques uniquement qui ont lâché une arme nucléaire sur la population de deux grandes villes.
Qu’apporte la démocratie ?
À partir de 1789 la France a connu une myriade de régimes plus ou moins démocratiques.
Monarchie absolue monarchie constitutionnelle, les 9 régimes de la 1ère République, 3 Empires, Restauration Monarchie, 100 Jours de Napoléon, 2ème Restauration, Monarchie de juillet, 4 Républiques de plus, La France Libre, Comité Française de la Libération, Groupement Provisoire de la République.
et vous croyez que la démocratie venait avec ?
Quelles sont les dates de suffrage universel, de la majorité à 18 ans, des droits des minorités nombreux ?
Les vainqueurs des guerres portent la victoire des plus forts. Non des plus moraux  »

Je me suis permis une réponse : « Simplement Merci de dire ces choses simples. Le voile n’est pas une liberté. Alors je ne crois pas qu’il faille autoritairement l’interdire, mais il faut plutôt être fier de nos valeurs et les défendre. A savoir la liberté, les contre-pouvoirs, l’état de droit, la volonté d’émancipation de l’individu, l’égalité des femmes et des hommes, le droit de penser et de croire différemment et surtout de ne pas croire. Bien sur l’Occident a commis des fautes et des crimes parfois. Cela étant, les autres civilisations n’en sont pas exemptes non plus. Reconnaître des erreurs ne doit pas nous dissuader de défendre la part belle de notre histoire et de notre manière de vivre en société.  »

<1717>

Mercredi 14 septembre 2022

« C’est juste un choc culturel ! »
Bacary Cissé – journaliste sénégalais à propos du refus d’Idrissa Gueye de participer à un match contre l’homophobie

Une civilisation, c’est une culture, ce sont des valeurs spirituelles souvent incarnées par une religion.

C’est une conception de la relation entre les droits individuels et les exigences de la société.

C’est une conception du sacré, des interdits et de ce qui est permis.

Car il y a toujours du sacré, même dans les sociétés très largement athées.

En France par exemple, la flamme du soldat inconnu, le drapeau, les tombes, la shoah sont sacrés, c’est-à-dire qu’ils sont susceptibles de faire l’objet d’un sacrilège, on utilise, dans le langage courant, le terme de profanation.

Idrissa Gueye est un joueur de football de nationalité sénégalaise. Il était dans l’effectif du Paris Saint Germain de 2019 à juin 2022, depuis août 2022 il a rejoint un club anglais.

Le samedi 14 mai 2022, se déroulait la 37e journée du championnat de Ligue 1,  journée dédiée à la lutte contre l’homophobie.

Pour l’occasion, tous les joueurs des 20 équipes arboraient un maillot floqué de l’arc-en-ciel des fiertés LGBT, en marque de soutien.

Idrissa Gueye avait été convoqué pour faire partie de l’équipe du PSG et devait donc porter ces couleurs arc en ciel. Idrissa Gueye n’a pas voulu jouer « pour des raisons personnelles »

La saison précédente, une journée identique avait été organisée et le joueur s’était également abstenu officiellement pour des raisons médicales.

Cette affaire a immédiatement agité le monde associatif qui a fait de la lutte contre l’homophobie une cause essentielle.

Ainsi l’association de lutte contre l’homophobie dans le sport, Rouge Direct, a réagi dès le 15 mai :

« L’homophobie n’est pas une opinion mais un délit. La LFP (Ligue) et le PSG doivent demander à Gana Gueye de s’expliquer et très vite. Et le sanctionner le cas échéant »

Ce message a été suivi par beaucoup d’autres. Je crois qu’on peut dire que quasi toute la France du sport, de la politique et des milieux d’influence s’est mobilisée et indignée devant le comportement de ce joueur.

Le joueur n’a fait aucun commentaire.

Alors, le 18 mai, Le Conseil national éthique (CNE) de la FFF a écrit à Idrissa Gueye:

« En refusant de participer à cette opération collective, vous validez de fait les comportements discriminatoires, le refus de l’autre, et pas uniquement contre la communauté LGBTQI +.
L’impact du football dans la société et la capacité des joueurs à représenter un modèle nous donnent à tous une responsabilité particulière ».

Nous pouvons conclure à une condamnation unanime en France.

Au Sénégal la réaction a été tout autre.

D’abord le président de l’État Macky Sall a affirmé son soutien au joueur :

« Je soutiens Idrissa Gana Gueye. Ses convictions religieuses doivent être respectées ».

Le ministre des Sports Matar Bâ s’est aussi joint à la défense du joueur en indiquant que

« Quand on signe (un contrat avec un club), c’est pour jouer au foot, ce n’est pas pour faire la promotion de quoi que ce soit ou mettre de côté ses convictions »

L’écrivain et intellectuel Boubacar Boris Diop, lauréat du très prestigieux Prix Neustadt, affirme, lui, sa

« Solidarité totale avec Idrissa Gana Guèye. Ils sont étranges, ces gens qui se donnent tant de mal pour imposer à tous et à chacun leurs opinions. Au nom, suprême stupidité, de la liberté d’expression. Savent-ils seulement qu’ils font de plus en plus rire ?  »

L’ex-Premier ministre Mahammed Boun Abdallah Dionne encourage Gueye en lui disant:

« Tiens bon, Gaïndé”, lion en langue wolof, surnom de la sélection nationale de football, dans un message sur Twitter accompagné de versets du Coran. »

Le président de la Fédération sénégalaise de football, Augustin Senghor a déclaré :

« Idrissa Gueye est dans son bon droit.  Il est resté ancré dans ses valeurs, dans ses principes, dans sa foi qui font la « sénégalité », qui font l’ africanité » de tout un continent ».

Pour démontrer le consensus politique, il faut citer l’une des principales personnalités politiques nationales et principal opposant au président Macky Sall, Ousmane Sonko:

« Les +toubabs+ (les Blancs, en wolof) croient que nous sommes des ordures et qu’eux seuls ont des valeurs.
Aujourd’hui, il faut qu’ils nous imposent l’homosexualité (…) Eux seuls ont des valeurs. Jusqu’à quand ?
Ce qu’il (Gueye) a fait, c’est un acte de courage. Nous tous, sans distinction de religion, devons le soutenir »

De nombreux Sénégalais ont aussi mis en statut Whatsapp le message de soutien du président sénégalais ou des photos de Gueye en pèlerinage à la Mecque.

L’écrivain El Hamidou Kasse a déclaré sur Twitter soutenir Gueye

« Au nom du principe de la libre croyance et du respect des différences. »

Enfin la Fédération Sénégalaise de Football (FSF) défend le joueur d’abord en affirmant qu’il n’y a pas de preuve qu’il était absent pour la raison qu’on lui reproche et accuse Conseil National Ethique (CNE) de racisme :

« Quand l’éthique se base sur l’hypothétique et le diktat, la liberté individuelle est en péril […]. [Un courrier du CNE que la FSF dit avoir accueilli ] avec une grande surprise (et une grande inquiétude sur le traitement de certains joueurs essentiellement d’origine africaine, disons-le clairement).

[Criant à l’illégalité de la démarche de la FFF, la FSF estime que sa requête revient à] contraindre le joueur à faire ce que son libre arbitre ne l’incline à faire. Est-on vraiment dans cette France que l’on nous avait contée et racontée dans nos écoles, celle qui a comme devise la liberté, la fraternité et de l’égalité pour tous ? Comment une instance qui prétend promouvoir l’éthique dans le Football peut se fonder sur des supputations pour s’adresser à une personne pour lui enjoindre de s’exprimer et pire encore de s’afficher avec le maillot aux couleurs LGBTQI+ pour mettre fin auxdites supputations ?»

Au Sénégal, pays musulman à 95% et très pratiquant, les relations homosexuelles sont interdites. La loi existante dispose que « sera puni d’un emprisonnement d’un à cinq ans et d’une amende de 100.000 à 1.500.000 francs (152 à 2.286 euros) quiconque aura commis un acte impudique ou contre nature avec un individu de son sexe. »

Loi assumée et défendue à 100% par le chef de l’État au nom des spécificités culturelles comme en 2020 alors qu’il recevait le premier ministre canadien Justin Trudeau.

« Ces lois sont le reflet de notre manière de vivre… elles n’ont rien à voir avec l’homophobie ».

On peut ne pas être d’accord avec Macky Sall et constater simplement que cette discrimination, cette violence et ces sanctions exercées à l’égard des homosexuels répond exactement à la définition de l’homophobie.

Un article du monde relate : « Ces derniers mois, la pression s’est accentuée sur la communauté LGBTI+ sénégalaise, mais aussi les militants et tous ceux qui, publiquement, osent réaffirmer les droits de cette communauté. « Avec l’implication nouvelle d’imams et de chefs religieux sur le sujet, l’homophobie a pris une nouvelle ampleur, juge Souleymane Diouf qui dénonce le soutien financier de certains pays – Turquie, Arabie saoudite et Iran –, aux organisations conservatrices. Les combattre demande des moyens dont on ne dispose pas, poursuit-il. Aujourd’hui, le niveau d’insécurité pour les défenseurs des droits LGBT au Sénégal est extrêmement élevé. J’ai dû quitter le pays et plusieurs autres activistes ont fait de même. »

L’excellent site SO FOOT rapporte :

« Invité de L’After Foot sur RMC, Bacary Cissé – journaliste sénégalais est revenu sur la polémique Idrissa Gueye. Le joueur parisien, qui avait refusé de porter un maillot au flocage arc-en-ciel symbole de la lutte contre l’homophobie, avait reçu les foudres de la Fédération française de football et de bon nombre d’associations. Selon le journaliste, il s’agit juste d’un « choc culturel » sur la perception de ce geste. Il assure qu’au Sénégal, les gens ont parfaitement compris son choix : « Aujourd’hui, Idrissa Gana Gueye a le soutien total de tous les Sénégalais, de tous les Africains. »

Cissé développe son explication et estime que la culture du joueur est juste différente du pays dans lequel il évolue. « C’est une incompréhension. Il ne faut pas oublier qu’Idrissa Gana Gueye est né au Sénégal, il y a grandi, il y a été éduqué.
Nous respectons tout ce que font les autres, mais nous ne sommes pas obligés de les suivre dans leur culture, déclare-t-il avant de réfléchir dans le sens inverse. Si Idrissa Gueye avait fait autrement, qu’aurions-nous dit ? On aurait été beaucoup plus choqué. »

Voici les faits et les interprétations.

Que dire ?

Qu’il s’agit bien d’un choc culturel entre l’Occident et un pays africain de civilisation musulmane.

Des deux côtés, il y a une incompréhension totale.

Du côté occidental, on crie au scandale et on explique qu’il ne s’agissait pas de faire la promotion de l’homosexualité, mais simplement de se lever contre les discriminations et les violences contre les personnes ayant des pratiques sexuelles autres qu’hétéro sexuel.

Le comportement du footballeur sénégalais, de ce point de vue, est moralement une faute.

Il faut cependant reconnaître que la prise de conscience occidentale est récente.

  • En 1954, un des plus grands génies scientifiques Alan Turing s’est suicidé parce que la justice britannique après l’avoir condamné à de la prison l’avait ensuite contraint à une castration chimique parce qu’il était homosexuel.
  • En France, ce n’est que le 4 août 1982 que la France dépénalisait l’homosexualité lors d’un vote de l’Assemblée Nationale obtenu par Robert Badinter sous la présidence de François Mitterrand.
  • Et ce n’est qu’en 1990 que l’Organisation mondiale de la santé a supprimé l’homosexualité de la liste des maladies mentales.

Mais peu importe qu’il s’agisse d’une prise de conscience récente, depuis 3 siècles, pour l’Occident quand il avait pris une position morale, il avait l’habitude que cela devienne une position universelle.

Ainsi, concernant la démocratie et les droits de l’homme, notamment de ne pas enfermer les opposants, l’Occident disait le droit, la morale et ce qu’il convenait de faire.

Et ceux qui ne faisaient pas comme l’Occident, s’excusaient de ne pas être arrivé au niveau « civilisationnel » de l’Occident et demandait un peu d’indulgence et de temps pour rejoindre les normes occidentales.

Dans cette affaire, on constate que ce n’est plus du tout le cas.

Tous les intervenants sénégalais cités partent du principe que « l’acceptation de l’homosexualité » est une valeur occidentale qui est contraire à leurs valeurs.

Ils n’envisagent, en aucune façon, une évolution future.

C’est un choc de culture et un choc de valeur.

Dans le monde des civilisations islamiques, cette vision est partagée.

Ainsi pour la coupe du monde de football au Qatar, fin 2022, les autorités qataries ont indiqué que les supporters LGBT qui assisteront à l’événement devront faire preuve de discrétion.

Abdulaziz Abdullah al-Ansari le directeur de la sécurité de la coupe du monde a déclaré :

« Si un supporter brandit un drapeau arc-en-ciel dans un stade et qu’on le lui enlève, ce ne sera pas parce qu’on veut l’offenser, mais le protéger […] il ne s’agit pas là de propos discriminatoires. Si on ne le fait pas, un autre spectateur pourrait l’agresser. Si vous souhaitez manifester votre point de vue concernant la cause LGBT, faites-le dans une société où cela sera accepté »

Dans le pays de l’Islam chiite <Le Parisien> dans un article du 5 septembre 2022, nous apprend que deux lesbiennes et militantes LGBTQ viennent d’être condamnées à mort.

Ces deux femmes, Zahra Sedighi Hamedani, âgée de 31 ans, et Elham Chubdar, 24 ans, ont été condamnées à mort par un tribunal dans la ville d’Ourmia (nord-ouest).

L’Autorité judiciaire a confirmé la condamnation à mort pour « corruption sur terre » des jeunes femmes. Il s’agit de la charge la plus grave du code pénal iranien.

Bien sûr, les ONG nous invitent à protester auprès des autorités iraniennes et de demander l’annulation de la sentence.

Ce sont deux mondes culturels.

Étant donné notre évolution morale en France, le Sénégal, le Qatar sont « des malveillants, des méchants » et pour l’Iran « des criminels ».

Mais pour ces pays, nous, autres occidentaux, sommes des êtres dépravés, immoraux.

Il n’y a plus d’hégémonie morale occidentale.

Alors que faisons-nous ?

Nous n’allons pas faire la guerre pour imposer nos valeurs !

Nous n’allons même pas, envoyer des missionnaires, pour essayer de convertir ces peuples parce ce que venant de l’Occident, ils seraient rejetés.

Mais devons nous accepter dans nos pays que ces représentants d’une autre civilisation transgressent notre morale ?

Parce que personne n’a demandé à Idrissa Gueye de devenir homosexuel, on lui a simplement demander de s’associer à la condamnation du rejet des homosexuels.

Le Qatar exige que les personnes LGBT venant d’Occident se dissimulent, restent discrets, se cachent.

De notre point de vue, dans nos valeurs, ces musulmans sont homophobes.

Alors pourquoi ne pourrait-on pas exiger, quand ils sont en Occident, d’être discrets et de cacher le fait qu’ils sont homophobes ?

Les éléments de ce mot du jour se trouvent derrière ces liens :

https://information.tv5monde.com/info/football-le-joueur-du-psg-idrissa-gana-gueye-au-coeur-d-une-polemique-sur-l-homophobie-456982

https://www.lemonde.fr/sport/article/2022/05/17/l-absence-embarrassante-d-un-joueur-du-psg-lors-de-la-journee-de-lutte-contre-l-homophobie-dans-le-football_6126445_3242.html

https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/le-monde-est-a-nous/derriere-l-affaire-idrissa-gueye-la-question-de-l-homosexualite-au-senegal_5119393.html

https://www.france24.com/fr/sports/20220517-homophobie-dans-le-football-une-absence-d-idrissa-gueye-cr%C3%A9e-la-pol%C3%A9mique

https://www.marianne.net/monde/afrique/acte-de-courage-valeurs-africanite-les-soutiens-a-idrissa-gueye-pleuvent-au-senegal

https://www.letemps.ch/sport/soutien-idrissa-gueye-accuse-dhomophobie-france-ne-faiblit-senegal

https://www.lemonde.fr/afrique/article/2022/05/20/au-senegal-un-soutien-tres-politique-a-idrissa-gueye_6127039_3212.html

https://www.lefigaro.fr/sports/football/ligue-1/la-federation-senegalaise-s-en-prend-violemment-a-la-fff-apres-l-affaire-idrissa-gueye-20220520

https://www.sofoot.com/bacary-cisse-regrette-un-choc-culturel-dans-l-affaire-idrissa-gueye-516111.html

<1708>

Mercredi 16 février 2022

« Il n’y a qu’à l’étranger que je suis français. »
Amar Mekrous, français de confession musulmane qui a quitté son pays

C’est La revue de Presse de Claude Askolovitch <du 14 février 2022> qui m’a fait découvrir l’article du New York Times traduit en français sur son site et accessible gratuitement : < Le départ en sourdine des musulmans de France>

Claude Askolovitch rappelle :

« Qui lit le New York Times le sait, ce journal américain juge souvent la France dont la laïcité jacobine ne lui correspond pas… »

Je serais plus direct : le New York Times n’aime pas la France républicaine et laïque. Il a osé donner pour titre à l’article qui relatait la décapitation de Samuel Paty par un tchétchène se réclamant de l’Islam :

« La police française tire et tue un homme après une attaque mortelle au couteau dans la rue »

J’avais relaté ce fait dans le mot du jour du <28 octobre 2020>

Mais il faut savoir sortir de sa zone de confort et aussi lire et écouter ses adversaires.

D’autant que cette fois, le New York Times ne se contente pas d’asséner ses certitudes mais révèle, pour l’essentiel, le résultat d’une enquête menée par deux de ses journalistes : Norimitsu Onishi et Aida Alami

C’est une enquête qui parle d’exil. Les journalistes évoquent : « La France et son âme meurtrie ».

Il utilisent cette expression pour parler d’un premier exilé qui est un écrivain français, né à Saint-Étienne en 1983, dans une famille d’origine algérienne : Sabri Louatah :

« La France et son âme meurtrie sont le personnage invisible de chacun des romans de Sabri Louatah […] Il évoque son « amour sensuel, charnel, viscéral » pour la langue française et son fort attachement à sa ville d’origine, Saint-Étienne, baignant dans la lumière caractéristique de la région. Il suit de près la campagne des prochaines élections présidentielles.

Mais M. Louatah fait tout cela depuis Philadelphie, devenue sa ville d’adoption depuis les attentats de 2015 en France par des extrémistes islamistes qui ont fait 130 victimes et profondément traumatisé le pays. Avec le raidissement de l’opinion qui a suivi à l’égard de tous les Français musulmans, il ne se sentait plus en sécurité dans son propre pays. Un jour, on lui a craché dessus et on l’a traité de « sale Arabe ». »

Et il déclare à ces journalistes :

« C’est vraiment les attentats de 2015 qui m’ont fait partir — j’ai compris qu’on n’allait pas nous pardonner. »

Et le New York Times de révéler que cela fait des années que la France perd des professionnels hautement qualifiés partis chercher plus de dynamisme et d’opportunités ailleurs. Parmi eux, d’après des chercheurs universitaires, on trouve un nombre croissant de Français musulmans qui affirment que la discrimination a été un puissant facteur de leur départ et qu’ils se sont sentis contraints de quitter la France en raison d’un plafond de verre de préjugés, d’un questionnement persistant au sujet de leur sécurité et d’un sentiment de non-appartenance.

Nous devons convenir avec le journal américain que ni les politiciens ni les médias n’évoquent ce flux d’émigration.

Ils citent Olivier Esteves, professeur au Centre d’Études et de Recherches Administratives, Politiques et Sociales de l’Université de Lille qui a mené une enquête auprès de 900 Français musulmans émigrés, dont des entretiens approfondis avec 130 d’entre eux :

« La France se tire une grosse balle dans le pied. »

Le New York Times reprend alors des éléments de ce qui se passe dans notre campagne présidentielle actuelle qui est, selon moi, d’une indigence absolue :

« [Les musulmans] sont associés à la criminalité ou à d’autres fléaux sociaux par le biais d’expressions-choc telles que « les zones de non-France », décrites par Valérie Pécresse, la candidate de centre-droit actuellement au coude-à-coude avec la cheffe de file d’extrême droite Marine Le Pen pour la deuxième place derrière M. Macron. Ils sont pointés du doigt par le commentateur de télévision et candidat d’extrême-droite Éric Zemmour, qui a déclaré que les employeurs avaient le droit de refuser des Noirs et des Arabes. »

Ces exilés vont s’installer aux Royaume-Uni et aux États-Unis, pays pour lesquels Les journalistes américains reconnaissent « [qu’ils] sont loin d’être des paradis libres de discriminations à l’encontre des musulmans ou d’autres groupes minoritaires » mais dans lesquels ces français de religion musulmane affirment trouver davantage d’opportunités et d’acceptation.

Et il cite un autre de ces exilés Amar Mekrous, 46 ans qui s’est installé à Leicester en Angleterre :

« Il n’y a qu’à l’étranger que je suis français. […] Je suis français, je suis marié à une Française, je parle français et je vis français. J’aime la bouffe, la culture françaises. Mais dans mon pays, je ne suis pas français. ».

On apprend que ces chercheurs lillois se sont associés à des chercheurs de trois autres universités (Liège et la KU Leuven en Belgique, et celle d’Amsterdam aux Pays-Bas) pour une étude de l’émigration de musulmans depuis la France, mais aussi depuis la Belgique et les Pays-Bas.

Un de ces chercheurs, Jérémy Mandin, qui a participé à cette étude explique que :

« Nombre de jeunes Français musulmans étaient désenchantés par le fait “d’avoir joué selon les règles, d’avoir fait tout ce qu’on ce qu’on leur avait dit et, au final, de ne pas accéder à une vie désirable. »

Parce qu’il y a une discrimination à l’embauche et aussi un ras le bol de tracasseries dans le quotidien :

« Malgré ses diplômes de droit européen et de gestion de projet, Myriam Grubo, 31 ans, dit qu’elle n’a jamais réussi à trouver d’emploi en France. Après une demi-douzaine d’années à l’étranger — Genève d’abord, à l’Organisation Mondiale de la Santé, puis au Sénégal à l’Institut Pasteur de Dakar — elle est revenue à Paris chez ses parents. Elle cherche un emploi — à l’étranger. « Me sentir étrangère dans mon pays me pose un problème » dit-elle, ajoutant qu’elle a envie qu’on la « laisse tranquille » pour pratiquer sa foi. »

Le New York Times cite encore quelques autres exemples dont Rama Yade qui fut dans le gouvernement, sous la présidence Sarkozy, et qui a également quitté la France.

Aucun des exemples cités par le New York Times ne correspond au profil de cette petite minorité de marchands de haine ou encore de marchands de poupée sans visage ou de croyants archaïques qui prônent des valeurs en contradiction absolue avec nos valeurs républicaines.

Mais pour diverses raisons, les autorités étatiques et municipales n’ont pas agi de manière sérieuse et rigoureuse pour lutter contre ces dérives minoritaires.

Et nous arrivons désormais à une situation dans laquelle les identitaires parviennent à mobiliser de plus en plus largement dans les deux camps : celui des anti-musulmans et celui en face de français de confession musulmane qui sont également entrainés dans un repli sur soi allant jusqu’à des comportements sectaires.

Tout cela au détriment de la plus grande partie des français de confession musulmane qui sont pratiquants ou non mais qui se sentent rejetés, discriminés et comme le dit Amar Mekrous sentent qu’on nie leur appartenance à la nation française.

Claude Askolovitch termine sa citation de l’article du New York Times par cette question :

Est-ce rattrapable ?

Nous devons nous rappeler que l’Histoire de France a connu un autre grand exode pour des raisons religieuses dans le passé. C’était après la révocation de l’Edit de Nantes par Louis XIV. Les français de foi protestante se sont enfuis de France pour rejoindre les élites des Pays-Bas, de la Suisse et de l’Allemagne notamment à Berlin. Ils ont alors enrichis par leur présence, leur dynamisme et leur travail ces pays et la France, en retour, a perdu cette richesse intellectuelle et économique.

Nous ne sommes pas exactement dans le même cas, car à l’époque de Louis XIV les persécutions étaient plus explicites et émanaient directement de l’État central.

Aujourd’hui les discriminations ne sont pas de même niveau et n’émanent pas pour l’essentiel de l’État.

Mais des femmes et des hommes, comme les présentent le New York Times, qui ont le courage et la détermination de quitter le pays où ils sont nés pour aller vivre et réussir leur vie ailleurs sont forcément des personnes de grande qualité et appartiennent à une élite réelle. S’en priver est, comme l’écrit Olivier Esteves, se tirer une balle dans le pied.

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Mercredi 21 juillet 2021

« Il est illusoire de penser qu’en se montrant radical, on fait taire les radicaux. C’est souvent l’inverse qui se produit.»
Amin Maalouf

Parmi les évènements majeurs de l’année 1979, Amin Maalouf cite l’évènement qui s’est passé 16 jours après la prise par des étudiants iraniens de l’ambassade des Etats-Unis à Téhéran : l’envahissement de la grande mosquée de La Mecque par un groupe de fondamentalistes sunnites.

La mosquée al-Harâm ou grande mosquée de la Mecque est  le premier lieu saint de l’islam et la plus grande mosquée du monde. Elle abrite en son centre la Kaaba, le plus important sanctuaire de l’islam, dans lequel est enchâssée la pierre noire : c’est elle que les musulmans tentent de toucher au cours des ṭawāf (circumambulations) qu’ils accomplissent durant leur pèlerinage (hajj) ; et c’est dans la direction de la Kaaba que les musulmans du monde entier (y compris ceux qui se trouvent dans la mosquée al-Harâm) se tournent pour prier.

Il faut d’abord raconter les faits.

Mais avant encore, il faut rappeler quelques éléments d’Histoire.

Je pense que personne n’ignore que l’islam est né sur la péninsule arabique. Sur cette péninsule la croyance islamique a déclaré deux lieux saints Médine et La Mecque.

Plus que des lieux saints se sont des lieux sacrés dans lesquels seuls des musulmans ont le droit de pénétrer. Pour tout autre, il est sacrilège de fouler la terre de ces deux cités.

Ces lieux se trouvent dans un État dont le nom intègre la référence à la dynastie régnante. C’est le seul État au monde qui présente cette particularité. Il est étonnant qu’un pays qui prétend être consacré au Dieu monothéiste absolu, comporte une telle expression de l’ego exacerbé de quelques hommes qui se prétendent croyants.

Pour s’emparer du pouvoir et soumettre les nombreuses tribus de la péninsule Ibn Saoud a fait un pacte avec les religieux fondamentalistes wahhabites : Au roi le pouvoir politique, les affaires étrangères, aux Oulémas les règles sociales, les mœurs et le droit civil et pénal.

Bref, les oulémas étaient les maîtres du récit qui organise la vie !

J’avais déjà évoqué ce pacte lors du mot du jour <La Maison des Saoud> qui renvoyait vers un documentaire.

Et j’ai aussi raconté le conflit et la victoire de la dynastie saoudite qui régnait sur le Nejd avec pour capitale Ryad sur la dynastie hachémite qui régnait sur la La zone côtière, de la mer Rouge qui comprend les villes religieuses de La Mecque et de Médine et s’appelle Hedjaz. Ce fut le mot du jour consacré aux « accords Sykes-Picot»

Les Oulémas et la dynastie régnante étaient donc liés par ce pacte et vivaient les uns et les autres dans un luxe et un confort, fruit du pétrole que le hasard ou Allah avait opportunément enfoui dans les sous-sols de ce pays.

Mais de nombreux membres de la famille régnante aimaient voyager et se complaire dans des mœurs occidentales, voire les dépasser. En toute hypothèse, il s’agissait de comportements très éloignés du récit des oulémas.

Des mouvements sectaires issus de tribus rigoristes s’en indignaient.Et, très probablement, inspirés par la révolution islamique iranienne, vont passer à l’acte.

L’évènement s’est passé aux premières heures du 20 novembre 1979 alors que quelque 50 000 fidèles du monde entier s’étaient rassemblés pour les prières de l’aube.

Nous parlons d’une date du calendrier chrétien, mais dans le calendrier de l’islam qui débute par l’hégire, ce jour correspondait au premier jour de l’an 1400, la dernière année du XVème siècle musulman.

Le nombre d’assaillants n’est pas connu de manière précise :  entre 200 et 600 combattants. Il n’y avait pas que des saoudiens. Le groupe était aussi composé d’Egyptiens, de Yéménites, de Koweïtiens, d’Irakiens et de Soudanais

A leur tête un prédicateur de 40 ans, Juhayman al-Utaybi.

Un journaliste du Wall Street journal, Yaroslav Trofimov, a écrit un livre sur cet évènement : « The Siege of Mecca », livre non traduit en français. Mais <cet article> cite plusieurs fois l’auteur.

« Tout d’abord, le groupe d’Utaybi n’était pas surgi de nulle part: son chef lui-même venait d’une des tribus parmi les plus rigoureusement converties au wahhabisme, qui avaient aidé le roi Abdelaziz ben Abderrahmane Al Saoud, dit Ibn Séoud ou Ibn Saoud (1876-1953) à conquérir le pouvoir, mais s’étaient retrouvées par la suite en opposition avec lui à la fin des années 1920, quand il avait voulu rétablir la paix dans le pays et avec ses voisins, et quand il avait autorisé l’introduction dans son royaume d’innovations modernes telles que le téléphone, le télégraphe, la radio et l’automobile. »

Juhayman al Utaybi était aussi caporal retraité de la Garde nationale saoudienne

Ses hommes, dissimulés derrière des tenues de pèlerins avaient placé des cercueils fermés au centre de la cour, un acte traditionnel de recherche de bénédictions pour les personnes récemment décédées. Mais lorsque les cercueils ont été ouverts, il y avait des armes de poing et des fusils, qui ont été rapidement distribués aux assaillants.

Ils vont donc s’emparer des lieux. Les hommes de Juhayman vont prendre position notamment dans les hauts minarets de la mosquée, qui dominaient la ville, et vont se préparer à défendre leurs positions.

Juhayman avait fondé une association appelée al-Jamaa al-Salafiya al-Muhtasiba (JSM) qui condamnait ce qu’elle percevait comme la dégénérescence des valeurs sociales et religieuses en Arabie saoudite.

Très rapidement il va prendre la parole et utiliser les mégaphones de la grande mosquée pour dénoncer la corruption et l’attitude déviante de la dynastie régnante par rapport aux règles du wahhabisme.

Le journaliste du Monde Jean-Pierre Péroncel-Hugoz écrivait dans <un article du 3 décembre 1979> :

« L’idéologie des insurgés paraît encore plus radicale que celle de l’imam Khomeiny et fait penser à celle de l’organisation Takfir Oua Higra, mouvement clandestin dont le nom, Repentir et Émigration, résume le programme : les musulmans doivent revenir à l’islam originel au moyen de la violence et pour s’y préparer ils doivent quitter provisoirement le monde corrompu dans lequel ils vivent, comme le prophète Mahomet choisit la fuite (Hégire) et s’en alla de La Mecque à Médine. »

Et il va faire une autre annonce plus surprenante : « la venue du Mahdi ». Le Mahdi est une figure messianique de l’islam qui vient à la fin des temps établir sur terre une société juste après une confrontation avec les forces du mal.

C’est surprenant parce que si le Mahdi est bien une croyance de l’islam mais elle est surtout vivace au sein de la communauté chiite, beaucoup moins chez les sunnites.

Juhayman avait rencontré un prédicateur et l’a convaincu qu’il était le Mahdi. Ce dernier a adhéré à cette croyance et est devenu le beau frère de Juhayman.

Le nom du Mahdi était Mohammed bin Abdullah al-Qahtani.

Les dirigeants saoudiens ont réagi avec lenteur à la saisie de la Grande Mosquée. Le prince héritier Fahd bin Abdulaziz al-Saud était en Tunisie lors du sommet de la Ligue arabe et le prince Abdullah, chef de la Garde nationale – une force de sécurité d’élite chargée de protéger les dirigeants royaux – était au Maroc.

C’est au roi Khaled, malade, et au prince Sultan, ministre de la Défense, qu’il incombait de coordonner une intervention.

Je ne vais pas rentrer dans les détails mais cela se passe mal pour la garde nationale. Les hommes Juhayman sont très bien armés, très bien organisés et prêts au sacrifice. De leurs positions dominantes ils vont commettre un massacre des gardes nationaux désemparés et mal encadrés.

En outre, ils ne peuvent utiliser de gros moyens militaires parce qu’ils sont sur des lieux saints et ne peuvent pas bombarder la grande mosquée, en plus le droit d’asile est a priori accordé aux fidèles qui y trouvent refuge.

Le roi est obligé de faire appel aux Oulémas pour savoir ce qu’il a le droit de faire.

Or, à la tête de la communauté des oulémas se trouve Ibn Baz.

<L’article précité> explique que selon Trofimov, à quelques exceptions près (par exemple l’identification de Qahtani avec le Mahdi), l’essentiel du message des insurgés était le même que celui des oulémas les plus influents d’Arabie saoudite : d’ailleurs, bien que Utaybi se soit éloigné de son allégeance aux oulémas du Royaume vers 1977, les jugeant trop soumis au pouvoir, Ibn Baz lui-même intervint en 1978 pour faire libérer les adeptes d’Utaybi arrêtés par les autorités, qui s’étaient émues des activités de ce réseau clandestin hostile aux Saoud. De l’avis de Ibn Baz, des hommes qui voulaient ainsi rendre le pays plus pieux avaient de bonnes intentions, malgré des excès de langage (Trofimov, pp. 41-42).

Et après plus de 48 heures de délibérations, les oulémas et Ibn Baz vont accorder le droit au Roi de faire usage d’une force sérieuse mais encadrée pour déloger et châtier les personnes qui ont selon eux profanés le lieu saint.

Mais ils vont y mettre plusieurs conditions et notamment que le royaume et la famille régnante deviennent plus pieux.

Je cite à nouveau l’article consacré au livre de Trofimov :

« Dirigé par Ibn Baz, le Conseil suprême des oulémas donna raison au régime saoudien et condamna les insurgés, mais obtenant en échange une série de mesures contre la libéralisation qui s’était amorcée en Arabie saoudite. »

Cet <article de la BBC> cite Nasser al-Huzaimi qui dit :

« L’action de Juhayman a arrêté toute modernisation. Laissez-moi vous donner un exemple simple. Il a notamment exigé du gouvernement saoudien le retrait des présentatrices de la télévision. Après l’incident du Haram, aucune présentatrice n’est réapparue à la télévision »

Et Amin Maalouf explique encore davantage

Une autre conséquence majeure des évènements de La Mecque fut d’ébranler l’Arabie saoudite et d’amener ses dirigeants à modifier radicalement leurs comportements en matière religieuse. Certains observateurs qui s’intéressent de près à l’histoire du royaume, parlent d’un « traumatisme de 1979 » à partir duquel le régime, craignant d’apparaître comme trop mou dans la défense de la foi, dut redoubler d’effort pour propager le wahhabisme et le salafisme à travers le monde, notamment par la construction de mosquées et par le financement d’associations religieuses, de Dakar à Djakarta ainsi qu’en Occident… »
Le Naufrage des civilisations Page 238

A ce stade, il faut rappeler que tous les sanglants actes terroristes qui ont été perpétrés dans les pays occidentaux par des hommes se réclamant de l’islam, tous ces hommes étaient sunnites !

Concernant la reprise de la mosquée par les forces gouvernementales, malgré le blanc sein des oulémas, les forces de sécurité saoudiennes n’arrivent pas au bout des rebelles.

Alors les autorités saoudiennes se tournent vers la France.

Le président Giscard d’Estaing envoie Paul Baril et d’autres membres de la nouvelle unité anti-terroriste, le GIGN.

L’opération devait rester secrète, pour éviter toute critique de l’intervention occidentale dans le berceau de l’Islam.

L’implication des français dans l’action directe contre les insurgés est sujet à controverse.

Alain Bauer le criminologue affirme que les français ont été convertis temporairement et rapidement à l’islam pour pouvoir intervenir. Le monsieur X de France inter dans l’émission  <L’attentat à la Mecque du 20 nov 1979> prétend aussi que le GIGN est intervenu directement.

En tout cas ce sont des armes sophistiquées et notamment des gaz qui ont été massivement utilisés pour mettre fin à l’occupation.

Le plan français s’est avéré un succès. Le 5 décembre, les survivants hagards et à bout de force se sont rendus. Le mahdi était mort. Se croyant invulnérable, il ramassait les grenades dégoupillées et les renvoyait vers les forces gouvernementales, jusqu’à ce que l’une d’entre elles explose et le déchiquète mettant fin à son rêve religieux.

La seule photo certaine de Juhayman a été prise après cet assaut.

Un mois après la fin de l’occupation de la mosquée, 63 des rebelles ont été exécutés publiquement dans huit villes d’Arabie Saoudite. Juhayman a été le premier à mourir.

Il reste encore beaucoup de points obscurs au sujet de cet évènement. Qui a armé et permis l’organisation de ce groupe international ?

Monsieur X avance une hypothèse surprenante : <L’attentat à la Mecque du 20 nov 1979> . Ce serait des iraniens aidés par des américains proches du candidat républicain aux élections Ronald Reagan qui auraient en sous-main tiré les ficelles.

La France a été récompensée. J’ai noté en 1980 :

Beaucoup disent que Juhayman a eu une grande influence sur Oussama Ben Laden. L'<article de la BBC> écrit :

« Dans l’un de ses pamphlets contre la famille régnante saoudienne, [Ben Laden] disait qu’ils avaient ” profané le Haram, alors que cette crise aurait pu être résolue pacifiquement […] je me souviens encore aujourd’hui des traces de leurs empreintes sur le sol du Haram.»

Amin Maalouf exprime cette même idée :

« L’incroyable assaut contre ce lieu saint fut l’acte de naissance d’un militantisme sunnite radical dont on allait entendre parler pendant des décennies. Pour l’heure, certains admirateurs de l’audacieux commando, meurtris par sa défaite s’en furent poursuivre leur combat loin de la péninsule arabique. En Afghanistan, par exemple. Et les autorités saoudiennes, soucieuses de s’en débarrasser, encouragèrent cette diversion. Ce fut notamment le cas d’Oussama Ben Laden ; il s’employa désormais à construire […] Al Qaïda (« La Base » »
Le Naufrage des civilisations Page 237

Je laisserai la conclusion à Amin Maalouf et j’en tire l’exergue du mot du jour

« Sans Doute le royaume espérait-il acquérir de la sorte un « certificat » de piété, qui le préserverait des surenchères. Mais ce n’est pas ainsi que les choses se sont passées. Il est illusoire de penser qu’en se montrant radical, on fait taire les radicaux. C’est souvent l’inverse qui se produit. […] L’enseignement qu’il prodigue ne fait que légitimer une certaine vision du monde que d’autres se hâtent de retourner contre lui. […] Le traumatisme causé par les évènements sanglants de 1979 allait se révéler durable.»
Le Naufrage des civilisations Page 238

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Mardi 3 novembre 2020

« La colère musulmane, la France, la Chine et le football »
Une histoire de colère sélective

Dans de nombreux pays musulmans, des croyants de l’islam manifestent contre la France.

Il est vrai que des dessins ont choqué.

Et que le président de la République française a dit sur Al Jazira qu’il n’était pas question d’interdire ces dessins.

Vous savez qu’Albert Camus, sur lequel je reviendrai bientôt, disait, en d’autres mots, que le football nous apprenait énormément sur le monde.

Claude Askolovitch avait parlé des musulmans, de la Chine et du football dans sa revue de presse <du 27 octobre 2020>. Je cite in extenso :

« On parle d’une disparition…
Celle d’un footballeur qui ne joue plus au football, pourtant un plus doués de notre humanité, l’allemand Mesut Ozil, champion du monde en 2014, mais que son club, Arsenal, a décidé d’écarter cette année, aussi bien des compétitions européennes que du championnat anglais… L’histoire d’Ozil est racontée sur les sites du New York Times, de l’Equipe, de So foot, belle trinité, et elle nous intéresse parce qu’elle n’est pas une simple histoire de sport, quand les muscles ou la volonté se dérobent chez un champion trentenaire, elle est l’histoire d’un homme annihilé par deux monstres politiques…

Le premier est son ami, et fut témoin à son mariage, Recep Erdogan, président turc dont on lit dans le Monde qu’il ne fait plus guère l’unanimité chez lui, mais qui par ses diatribes est encore aujourd’hui dans nos journaux -la croix l’humanité- la figure de l’ennemi…

L’autre monstre est la chine que Ozil a publiquement attaqué, scellant ainsi sa perte…

L’aventure s’est jouée en deux temps… En mai 2018 d’abord, quand Ozil, d’origine turque posait avec Erdogan alors en campagne électorale, cette proximité avec un autocrate choquait la fédération puis l’opinion allemande et, une coupe du monde ratée plus tard, Ozil renoncerait à la sélection qu’il avait si bien honorée, disant avoir été mal considéré en raison de son ascendance…

Une grosse année plus tard, décembre 2019, Ozil défendait sur les réseaux sociaux les Ouïgours, peuple musulman persécuté en chine… Le post était en langue turque, il était communautaire aussi bien qu’humanitaire… Ozil parlait de la « blessure sanglante de la Oummah », la communauté des croyants…

« Ils brulent leurs Corans, ils ferment leurs mosquées, ils interdisent leurs écoles, les hommes sont jetés dans des camps et les femmes sont forcées de vivre avec des hommes chinois, mais les musulmans sont silencieux, ils les ont abandonnés… »

Quelques jours plus tard raconte le NY times, les partenaires chinois de la première ligue refusaient de diffuser un match d’arsenal.

Les commentateurs sportifs chinois cessèrent de prononcer son nom; Son avatar fut retiré des jeux vidéos…

Et Arsenal, le club d’Ozil, et le football anglais, qui dépendent amplement du marché chinois, ne défendirent pas le joueur contre l’empire, pour le nouvel an chinois, Arsenal prit soin d’effacer Ozil des produits de merchandising…

Et c’est ainsi qu’Ozil, après son pays, perdit son club, je vous passe les anecdotes de club et de vestiaire… Ozil n’a plus joué depuis mars. On l’attendrait dit So foot à Istanbul à Fenerbahce, chacun chez soi, à la maison..

On reste rêveur sur le poids des identités… et sur la puissance d’un empire, la Chine.  »

Vous pouvez aussi lire cet article de Courrier International : <Quand Arsenal sacrifie sa star Mesut Özil pour faire plaisir à la Chine>

Concernant la manière dont l’Allemagne a traité son international, champion du monde, on pourra lire cet article : « Sous le feu de la critique, le patron de la Fédération allemande de foot (DFB) a regretté jeudi de ne pas avoir défendu le joueur Mesut Özil, cible de propos racistes après une rencontre avec le président truc. »

Mais ce qui me parait essentiel c’est le silence assourdissant qu’accompagne les persécutions des musulmans Ouighours que mènent le Régime totalitaire de la Chine communiste de Xi Jinping. Silence aussi de ces mêmes foules musulmanes ?

Et lorsque Mesut Ozil dit et écrit des choses évidentes sur ce sujet, la Chine arrive à faire « annuler » le footballeur, comme on dit aujourd’hui au temps de la cancel culture.

De manière plus globale, « Le Monde » avait écrit un éditorial début janvier 2020 < Chine, Inde, Birmanie : silence sur les musulmans persécutés> :

« Face à la situation des minorités musulmanes dans ces pays, ni les indignations sélectives des Occidentaux ni l’indifférence des pays arabes ne peuvent se justifier.

Certaines infamies suscitent à juste titre des déluges de protestations, d’autres nettement moins. Qui se soucie vraiment des Ouïgours de Chine ? Des musulmans d’Inde ? Des Rohingya de Birmanie ? Ces trois populations minoritaires de pays asiatiques ont en commun d’être musulmanes, persécutées et quasi oubliées. […]

L’indifférence des pays musulmans à l’égard de ces drames est encore plus problématique. Ni l’Arabie saoudite, ni les Emirats ni l’Egypte, ni les pays du Maghreb ne semblent s’émouvoir du sort des Ouïgours, des musulmans d’Inde ou des Rohingya, pourtant parties prenantes comme eux de l’islam sunnite. Ce défaut de solidarité peut résulter d’un calcul économique : l’Arabie saoudite est le principal fournisseur de pétrole de la Chine et l’attrait exercé par les énormes projets chinois d’infrastructures des « nouvelles routes de la soie » est fort dans l’ensemble de la péninsule Arabique. Les pays comme l’Arabie saoudite ou les Emirats, qui disent lutter contre l’« extrémisme » et le terrorisme, sont mal placés pour critiquer la Chine et l’Inde, qui recourent à la même rhétorique. En se solidarisant avec les musulmans persécutés dans ces pays, les pays arabes s’exposeraient enfin à des critiques sur le sort qu’ils réservent à leurs propres minorités. »

TV Monde pose aussi cette question : « Pourquoi le monde musulman ne réagit-il pas face aux persécutions du gouvernement chinois ? »

Cet article cite Dilnur Reyhan , présidente de l’Institut ouïghour d’Europe et qui est bien évidemment musulmane :

« Désolée, mais je ne vous souhaite pas un bon ramadan.” : c’est ainsi que débute la tribune de Dilnur Reyhan […]. Cette phrase d’introduction — qui peut sembler provocante au prime abord — est suivie d’une somme de constats terribles sur le traitement réservé aux musulmans du Xinjian : “A l’heure où des millions de Ouïghours et d’autres musulmans souffrent et meurent dans les camps de concentration chinois, où toute la population turcophone de la région ouïghoure est privée de ramadan, où les musulmans sont contraints par les autorités chinoises de manger du porc, de boire de l’alcool, de renier leur religion, où leurs mosquées millénaires sont démolies, leurs livres en écriture arabe brûlés ; à l’heure où vous, pays musulmans, observez un silence complice ; où vous allez même, pour certains d’entre vous, jusqu’à approuver ce monstrueux crime contre l’humanité afin de préserver vos relations avec la Chine, je ne peux pas vous souhaiter un bon ramadan. »

Pour avoir une idée de ce qui se passe on peut regarder ce documentaire d’ARTE : <Chine Ouïghours, un peuple un danger Arte >

Il y a aussi ces témoignages publiés par un média suisse : <Rescapés de camps de rééducation chinois au Xinjiang, ils témoignent>

Il faut croire que les caricatures françaises sont plus douloureuses que la violence réelle et physique que pratique la Chine, mais aussi l’Inde et la Birmanie.

Ainsi va le monde des religions, les concepts et les idées sont plus importants que la vie et les souffrances terrestres.

<1481>

Mercredi 28 octobre 2020

«Nous sommes bien seuls pour défendre notre conception de la liberté d’expression.»
Le Monde ne comprend pas la France

Je ne m’arrêterai pas aux éructations d’Erdogan qui poursuit d’autres projets que la simple défense des musulmans « maltraités  en France ».

L’Elysée a vivement réagi aux insultes du sultan de Turquie et a rappelé son ambassadeur d’Ankara, un geste diplomatique très fort, le précédent date de 1901.

La Présidence Française a aussi dressé le constat de :

« L’absence de toute marque officielle de condamnation ou de solidarité des autorités turques après l’attentat terroriste de Conflans-Sainte-Honorine »

Mais c’est une vague de fond dans les pays musulmans contre notre liberté de critiquer et de se moquer de toutes les religions.

Il n’existe pas une hiérarchie sunnite, ni quelque chose d’équivalent au Pape dans l’islam sunnite. Cependant l’Université d’Al-Azhar du Caire qui est une institution islamique sunnite d’enseignement, a commencé sa mission en 988, elle est l’un des plus anciens lieux d’enseignement islamiques au monde et constitue une référence.

<Wikipedia> précise que :

« Selon l’article 2 de cette loi, al-Azhar « est un organisme savant islamique qui cherche à préserver, à étudier, à divulguer et à diffuser le patrimoine islamique, à diffuser le message islamique qui a été confié, à tous les peuples et à le promouvoir, à montrer l’islam et son influence sur le progrès de l’humanité, le développement de la civilisation, le maintien de la paix, la tranquillité et la paix d’esprit de tous les peuples, ici et maintenant».

Cette Université est présidée par cheikh Ahmed al-Tayeb qui a condamné mardi 20 octobre la décapitation d’un professeur en France, « un acte criminel odieux» mais il a tout de suite ajouté qu’insulter les religions au nom de la liberté d’expression constitue «un appel à la haine».

<Le Figaro> précise que

« Il s’exprimait à distance dans un discours lu à Rome, sur la célèbre place du Capitole, devant un prestigieux parterre de leaders religieux du christianisme, du judaïsme et du bouddhisme – dont le pape François, le patriarche oecuménique Bartholomée ou encore le grand rabbin de France Haïm Korsia- qui se sont retrouvés mardi pour signer un appel commun à la paix.

«En tant que musulman et grand imam d’Al-Azhar, je déclare que l’islam, ses enseignements et son prophète n’ont rien à voir avec cet acte criminel odieux», déclare en arabe le grand imam sunnite dans ce discours. «Dans le même temps, j’insiste sur le fait qu’insulter des religions et attaquer leurs symboles sacrés au nom de la liberté d’expression est un double standard intellectuel et un appel à la haine», a-t-il ajouté.

«Ce terroriste ne représente pas la religion du prophète Mahomet», a encore commenté le grand imam d’Al-Azhar, dans son discours traduit de l’arabe par l’AFP. L’institution islamique sunnite avait qualifié début septembre d’«acte criminel» la réédition en une du journal français Charlie Hebdo des caricatures du prophète Mahomet à l’occasion du procès des attentats djihadistes de janvier 2015 en France.

Et en octobre elle avait jugé « raciste » le discours du président français Emmanuel Macron contre le « séparatisme islamiste », dénonçant des « accusations » visant l’islam.»

C’est très clair, il ne fallait pas tuer, mais car il y a toujours un mais ce n’est pas bien ce que fait, ce que dit la France sur le rire, la caricature et l’humour sur les religions. Car il s’agit bien de la France, Samuel Paty dans son enseignement était le digne représentant des valeurs de la France. Cela crée bien sur une ambiance, un climat dans lequel des illuminés pensent qu’ils peuvent passer à des actes violents.

Par ailleurs, cheikh Ahmed al-Tayeb a exprimé une demande bien précise : l’adoption d’une législation mondiale sur la « diffamation des religions et de leurs symboles sacrés »

Je ne me lasserai pas de rappeler que si dans la déclaration universelle des droits de l’homme, il n’a pas été mentionné qu’on avait le droit de changer de religion c’est en raison de l’opposition de pays musulmans.

Dans ces domaines nous ne sommes vraiment pas dans le même camp.

Quand sur Twitter, immédiatement après l’assassinat de Samuel Paty, j’ai réagi pour défendre nos valeurs et notre liberté, tout de suite quelqu’un a réagi en me répondant

« Qu’est ce que tu dirais, si on pissait sur ton prophète ? »

Dès lors, on constate que notre position n’est pas admise dans beaucoup de pays musulmans.

Et c’est ainsi que « Le Monde » a publié ce mardi un article : « Colère grandissante du monde musulman contre Macron ». Même les opposants de Macron doivent comprendre qu’ici il n’est pas question de l’homme politique qu’ils combattent mais du Président de la République que les manifestants voient comme l’image de la France.

L’Arabie saoudite ce pays de l’intolérance et des mœurs archaïques ne se tait pas :

« Considérée comme une alliée de la France, l’Arabie saoudite a condamné à son tour les représentations jugées offensantes du prophète Mahomet, rapporte l’agence Reuters. »

Au Bangladesh,

« Des dizaines de milliers de personnes ont manifesté mardi à Dacca, appelant au boycott des produits français et brûlant une effigie d’Emmanuel Macron […]. Selon la police, plus de 40 000 personnes ont participé à cette marche organisée par l’Islami Andolan Bangladesh (IAB), l’un des principaux partis islamistes bangladais […] « Macron fait partie des quelques dirigeants qui adorent Satan », a déclaré à la foule rassemblée à la mosquée Baitul Mukarram un haut responsable de l’IAB, Ataur Rahman. Il a appelé le gouvernement bangladais à « mettre dehors » l’ambassadeur français. Un autre dirigeant islamiste, Hasan Jamal, a pour sa part, déclaré que les protestataires allaient « mettre à terre chaque brique » de l’ambassade si l’ambassadeur n’était pas renvoyé. »

Et aux Emirats :

« Le Conseil des sages musulmans, sis à Abou Dhabi, a, de son côté, annoncé son intention de poursuivre Charlie Hebdo. Ce conseil, regroupant des dignitaires musulmans de divers pays, « a décidé de mettre en place un comité de juristes internationaux pour poursuivre en justice Charlie Hebdo », fait savoir un tweet publié mardi sur le compte de l’institution sunnite Al-Azhar, située au Caire. Le conseil, présidé par le grand imam d’Al-Azhar, affirme qu’il envisage également de « poursuivre en justice quiconque offense l’islam et ses symboles sacrés ».

« La liberté d’expression (…) doit respecter les droits d’autrui et ne devrait pas permettre d’utiliser les religions dans les marchés de la politique ou dans la propagande électorale », affirme le conseil. »

Et en Algérie :

« Décapitation de Samuel Paty : le Haut Conseil Islamique algérien condamne la campagne “enragée” contre la « religion de paix » et fustige les « dépravés qui prétendent s’exprimer au nom de la liberté d’expression » »

Devant cette déferlante sommes nous soutenus par les pays occidentaux ?

Certes ils condamnent tous l’acte terroriste, mais ils ne soutiennent pas la liberté d’expression à la Française.

Les pires sont certainement les américains.

Immédiatement après l’assassinat de Samuel Paty a circulé sur la toile cette photo d’un texte sensé avoir été publié par le New York Times

Mais le site <Des décodeurs> du Monde nous apprend que ce texte est de 2015 et :

« Ce joli texte de soutien à la France, dont on a pu lire qu’il était extrait d’un éditorial, est en fait un commentaire publié dans la nuit de vendredi à samedi sur le site du New York Times »

Ainsi le New York Times officiel a titré après l’attentat terroriste :

« La police française tire et tue un homme après une attaque mortelle au couteau dans la rue »

Ce journal réputé de gauche et progressiste a donc traduit ce qui s’est passé à Conflans saint Honorine comme une vulgaire bavure policière.

La victime principale semble être le terroriste tchétchène.

Heureusement que des américains ont protesté. Ainsi une journaliste américaine Claire Lehmann a twitté :

« Un professeur de collège est décapité pour avoir blasphémé en France – la plus laïque des nations – et le New York Times titre comme cela »

Alors le New York Times a fait un effort et a modifié son titre :

« La police française tue un homme qui venait de décapiter un professeur dans la rue »

Est-ce vraiment mieux ?

Le point essentiel reste que la police a tué un homme.

Ce titre révèle bien sur la condamnation sur le fond. Le New York Times est désormais totalement paralysé par le risque de pouvoir choquer, blesser une communauté particulière qu’il a renoncé de publier des dessins de Presse,

Il n’est pas isolé, cette vision est celle de la plupart des médias que nous pensons progressistes aux Etats-Unis.

Bien sûr, il existe au sein même du monde musulman des hommes et des femmes qui se lèvent et soutiennent la France : Kamel Daoud, Boualem Sansal.

Mais globalement l’air du monde ne sent pas bon.

Le plus probable c’est que par lâcheté, par lassitude, pour l’économie nous allons nous coucher. Il n’y aura plus de caricature, plus que des critiques très modérés de ces machines religieuses qu’on n’aurait pas le droit de blesser.

Je le regrette profondément, les pays dans lesquels la religion est religion d’État que ce soit dans le passé ou aujourd’hui, ne sont pas des pays où il fait bon vivre, rire et réfléchir.

Vous pouvez lire avec beaucoup d’intérêt ce bel entretien de Caroline Fourest :

« Nous sommes l’un des rares pays à regarder le fanatisme dans les yeux »

<1477>

Mercredi 21 octobre 2020

«Qui est islamophobe ? »
Question légitime quand on constate l’abus et les conséquences délétères de l’usage de ce mot

Samuel Paty était accusé d’être islamophobe par certains parents d’élèves musulmans du collège dans lequel il enseignait.

Et il a été assassiné par un fou qui était de religion musulmane et qui croyait cette accusation exacte.

Il existe d’ailleurs, une officine trouble dont j’ai déjà parlé et qui a pour nom Collectif Contre l’Islamophobie en France et dont le site se trouve derrière ce lien : https://www.islamophobie.net/

J’avais déjà exprimé mon malaise par rapport à ce mot piège lors du mot du jour du 6 février 2020 : « islamophobie ».

Une phobie (du grec ancien φόβος / phóbos, frayeur, crainte ou répulsion) est une peur démesurée et dépendant d’un ressenti plutôt que de causes rationnelles, d’un objet ou d’une situation précise.

L’islamophobie est donc la crainte, la frayeur devant l’islam.

Alors, je vais vous soumettre une liste :

2012

Les 11 mars 2012, 13 mars 2012, 19 mars 2012, tueries à Toulouse et Montauban faisant 7 morts dont 3 enfants et 6 blessés.

  • 11 mars 2012 : Mohammed Merah assassine un militaire à Toulouse
  • 15 mars 2012 : Mohammed Merah assassine deux militaires et en blesse un autre à Montauban
  • 19 mars 2012 : Mohammed Merah assassine quatre personnes devant une école juive de Toulouse
  • 19 septembre 2012 : Jérémie Louis Sidney et Jérémie Bailly, membre de la cellule Cannes-Torcy, blessent 1 personne en lançant une grenade dans un épicerie juive de Sarcelles

2013

  • Le 25 mai 2013, un extrémiste islamiste armé d’un couteau attaque et blesse un militaire français dans l’attentat de 2013 à La Défense.

2014

  • Le 20 décembre 2014, attaque contre un commissariat de Joué-lès-Tours de 2014. Un homme criant « Allahu akbar » attaque un poste de police avec un couteau. Il blesse trois policiers avant d’être abattu5,6,

2015

  • Du 7 au 9 janvier 2015, attentats en France. Une série d’attaques terroristes islamistes qui se déroule entre les 7 et 9 janvier 2015 en France, visant le comité de rédaction du journal Charlie Hebdo, des policiers et des Français de confession juive fréquentant une supérette cacher. Dix-sept personnes sont assassinées et vingt sont blessées ; les trois terroristes sont abattus par les forces de l’ordre le 9 janvier.
  • Le 3 février 2015, trois militaires en faction devant un centre communautaire juif à Nice sont agressés au couteau par Moussa Coulibaly, demeurant à Mantes-la-Jolie (Yvelines). Il exprime en garde à vue sa haine de la France, de la police, des militaires et des Juifs.
  • Le 10 avril 2015, un soldat français est attaqué et blessé dans les toilettes de l’aéroport d’Orly.
  • Le 19 avril 2015, affaire Sid Ahmed Ghlam. Une femme de 32 ans (Aurélie Châtelain) est assassinée par un étudiant algérien de 24 ans qui prévoyait un attentat dans une église de Villejuif, le projet de ce dernier ayant été déjoué peu de temps après.
  • Le 26 juin 2015, attentat de Saint-Quentin-Fallavier en Isère, 1 mort décapité (Hervé Cornara, 55 ans) et 2 blessés. Brandissant un drapeau islamiste, un homme conduit son véhicule contre des bonbonnes de gaz stockées dans la cour de la filiale française du groupe américain Air Products.
  • Le 21 aout 2015, attentat du train Thalys sur la ligne reliant Amsterdam à Paris, mené par un ressortissant marocain et déjoué par plusieurs passagers, on compte 3 blessés.
  • Le 13 novembre 2015, une série de sept attaques, à Paris et en Seine-Saint-Denis, perpétrée par au moins dix terroristes avec au moins une vingtaine de complices, provoque la mort de 130 personnes et fait 413 blessés, dont 99 dans un état très grave. Les tueries sont revendiquées par l’État islamique.

2016

  • Le 7 janvier 2016, un islamiste marocain portant une fausse ceinture explosif attaque des policiers à l’aide d’un couperet à viande, il est abattu.
  • Le 11 janvier 2016, un adolescent turc âgé de 15 ans agresse à la machette un enseignant juif. L’auteur dit avoir agi « au nom d’Allah » et de l’organisation État islamique. Un blessé.
  • Le 13 juin 2016, double meurtre à Magnanville. Un commandant de police et sa compagne, fonctionnaire du ministère de l’intérieur (Jean-Baptiste Salvaing et Jessica Schneider), sont assassinés devant leur domicile à Magnanville par Larossi Abballa. L’attentat est revendiqué par l’organisation État islamique.
  • Le 14 juillet 2016 à Nice, le jour de la fête nationale, un Tunisien, Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, fonce dans la foule au volant d’un camion sur la promenade des Anglais, tuant 86 personnes et en blessant 458, avant d’être abattu par les forces de l’ordre. L’État islamique revendique cet acte.
  • Le 26 juillet 2016, lors d’une messe, deux islamistes munis d’armes blanches prennent en otage plusieurs personnes dans l’église de Saint-Étienne-du-Rouvray, près de Rouen. Un prêtre est égorgé, et un paroissien est blessé. Les deux terroristes sont abattus par les forces de l’ordre, l’un d’eux était fiché S. Selon le Président de la République, « les deux terroristes se réclament de Daesh ». L’attentat est revendiqué via Amaq, l’agence de presse de l’État islamique.

2017

  • Le 3 février 2017, attaque contre des militaires au Carrousel du Louvre à Paris fait deux blessés.
  • Le 18 mars 2017, un homme s’empare de l’arme d’un militaire à Orly avant d’être abattu. Même s’il a affirmé au moment de son geste vouloir « mourir par Allah » et a été signalé pour « radicalisation » lors d’un séjour en prison en 2011-2012, ses motivations restent floues (il ne souhaitait plus retourner en prison) et le lien avec le terrorisme islamiste non démontré.
  • Le 20 avril 2017, un homme ouvre le feu à l’arme automatique sur des policiers le long de l’avenue des Champs-Élysées, vers 21 heures, L’un d’entre eux est tué pendant l’attaque, deux autres ainsi qu’une passante sont blessés. L’assaillant est abattu et l’État islamique revendique l’attaque dans la soirée.
  • Le 6 juin 2017, un homme attaque avec un marteau un policier et le blesse légèrement devant la cathédrale Notre-Dame de Paris. Les policiers répliquent et le blessent. L’assaillant, Farid Ikken, un Algérien de quarante ans, ancien journaliste disposant d’un visa étudiant, se déclare « soldat du califat ».
  • Le 19 juin 2017, un homme armé percute un fourgon de la Gendarmerie sur les Champs-Élysées. Aucun mort n’est à déplorer, excepté l’assaillant, un fiché S. Le 13 juillet, l’État islamique revendique l’attaque.
  • Le 9 août 2017, attaque à la voiture bélier qui blesse 6 militaires à Levallois-Perret en région parisienne.
  • Le 15 septembre 2017, un homme armé d’un couteau attaque un militaire en patrouille à la station de métro Châtelet à Paris. L’auteur tient des propos faisant référence à Allah : « Allah akbar, vous êtes des mécréants ».
  • Le 1er octobre 2017, un Tunisien en situation irrégulière connu pour différents crimes égorge deux jeunes femmes dans la gare de Saint-Charles à Marseille avant d’être abattu par les des militaires de l’opération Sentinelle. L’attaque est revendiquée par l’État islamique.

2018

  • Le 23 mars 2018, un homme tue 4 personnes dont Arnaud Beltrame, lors d’attaques et une prise d’otage dans un supermarché dans l’Aude, à Carcassonne et Trèbes. L’homme, qui est par la suite abattu, est un Franco-Marocain se réclamant de l’État islamique, qui revendique l’attentat le jour même.
  • Le 12 mai 2018 à Paris, vers 21 h un individu attaque à l’arme blanche des passants en criant « Allah Akbar », il tue une personne, en blesse quatre autres dont deux gravement, il se dirige ensuite vers une patrouille de police qui décide de l’abattre. L’attaque est revendiquée par l’État islamique.
  • Le 11 décembre 2018 dans la soirée, à proximité du marché de Noël de Strasbourg, un homme déambule dans les rues du centre-ville, tue cinq passants et en blesse une dizaine d’autres. L’assaillant, un Franco-Algérien de 29 ans, est abattu le 13 décembre à Strasbourg par la police. L’attaque est revendiquée par l’État islamique.

2019

  • Le 5 mars 2019, Attentat de la prison de Condé-sur-Sarthe, 3 personnes, dont un terroriste, sont blessées et 1 terroriste est mort lorsque 2 surveillants pénitentiaires sont attaqués au couteau en céramique. L’auteur a prêté allégeance à l’État islamique.
  • Le 24 mai 2019, attentat de la rue Victor-Hugo de Lyon, 14 blessés. L’auteur reconnaît avoir prêté allégeance à l’État islamique.
  • Le 3 octobre 2019, attentat de la préfecture de police de Paris, 4 policiers ont été tués dans une agression au couteau de cuisine à la préfecture de police de paris par un individu qui y travaillait. Il était converti à l’islam depuis 2008, le Parquet national antiterroriste s’est saisi de l’affaire.

2020

  • Le 3 janvier 2020, dans le parc des Hautes-Bruyères à Villejuif, un jeune homme de 22 ans, attaque à l’arme blanche des passants, en répétant “Allah Akbar”, tuant un homme et blessant gravement 2 femmes. L’individu sera par la suite neutralisé par une patrouille de policiers. Le jeune homme récemment converti à l’islam a perpétré cette attaque d’une « extrême violence » avec une « extrême détermination », selon les déclarations du Parquet national antiterroriste qui s’est saisit de l’affaire.
  • Le 5 janvier 2020, un individu connu de la DGSI et fiché S, armé d’un couteau et criant « Allah Akbar », est interpellé à Metz après avoir tenté d’agresser des policiers.
  • Le 4 avril 2020, à Romans-sur-Isère , un réfugié soudanais, Abdallah Ahmed-Osman, crie « Allah Akbar », tue au couteau deux passants et en blesse cinq autres, leur demandant s’ils sont de confession musulmane.
  • Le lundi 27 avril 2020, en fin d’après-midi à Colombes (Hauts-de-Seine), le conducteur d’une voiture a percuté volontairement deux motards de la police à vive allure, les blessant gravement. L’auteur a fait allégeance à l’état islamique.
  • Le vendredi 25 septembre 2020 , deux personnes sont grièvement blessées à l’arme blanche près des anciens locaux du journal Charlie Hebdo. Le Parquet national antiterroriste a ouvert une enquête pour “tentative d’assassinat en relation avec une entreprise terroriste, association de malfaiteurs terroriste criminelle”. Selon l’AFP citant des sources concordantes, l’assaillant de nationalité pakistanaise assurait “assumer son acte qu’il situe dans le contexte de la republication des caricatures (de Charlie Hebdo, ndlr) qu’il n’a pas supportée”.
  • Le 16 octobre 2020, un enseignant est décapité devant un collège de Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines). Son agresseur présumé est abattu par la police dans la ville voisine d’Eragny (Val-d’Oise)

Evidemment c’est un peu long, mais ce n’est pas de mon fait.

Si vous voulez des liens et des précisions sur cette énumération, vous la trouverez sur cette page <Wikipedia>

Mais au bout de cette énumération, de ce qui s’est passé en France depuis 2012,  n’est-il pas légitime d’avoir peur, d’avoir une phobie ?

D’ailleurs, je concède lorsque parfois je vois entrer, dans le métro, un homme barbu vêtu d’une longue tunique que je crois être un « qamis » une peur instinctive me saisit. Peur que je raisonne, en me disant qu’il n’y a aucune raison que cet homme ait de mauvaises intentions, comme 99,x % des musulmans habitant en France.

Mais pendant quelques secondes je deviens ainsi « islamophobe », mais non « anti-musulman ».

Bien sûr, il y a stigmatisation des musulmans en France, il existe une haine anti musulman que professent certains.

Il en est même qui leur envoie l’injonction de retourner chez eux, en Musulmanie je suppose, alors que la plupart à qui est adressée cette vilenie, sont français.

L’islam constitue une réalité française, des citoyens sont musulmans et ont autant de valeur et d’importance que des citoyens chrétiens, juifs, athées et tous les autres.

Mais l’usage du mot islamophobie est une imposture, une volonté délibérée de refus de critiquer et de se moquer des religions comme de toute autre doctrine.

Derrière ce mot se cache une intolérance, une violence, un dessein secret.

J’ai beaucoup aimé la chronique de Sophia Aram de ce lundi, dans laquelle après avoir longuement remercié les enseignants qu’elle a eu au cours de sa scolarité elle dit cela :

« Je pense à notre responsabilité et à notre devoir de lutter contre les véritables promoteurs de ces attentats.

Notre rôle à l’égard de tous ceux qui entretiennent, encouragent et organisent la posture victimaire en expliquant qu’ils sont choqués, blessés, meurtris, par… Par un DESSIN.

Je pense à ce père d’élève faussement « dévasté » et claaamant sa peiiiine sur les réseaux sociaux tout en créant les conditions d’une mise à mort en publiant le nom et le lieu de travail de sa cible…

Je pense à cet agitateur qui se prétend Imam et qui l’accompagne dans cette entreprise macabre. Je pense à son petit air triste et tout chamboulé, horrifié par le dessin du cucul étoilé du prophète mais pas du tout gêné par son appel, dont il sait déjà qu’il fera office de condamnation à mort.

Mais comment ces deux faussaires arriveraient-ils à faire croire à leur blessure et à condamner à mort un homme, s’il n’y avait pas une cohorte de lâches prêts à comprendre, à justifier et à légitimer quotidiennement l’hypothèse qu’un croyant puisse être sincèrement blessé, meurtri et humilié par UN DESSIN.

Comment y arriveraient-ils sans tous ceux qui leur préparent le terrain en assimilant la caricature d’un prophète ou d’un symbole religieux à du racisme ?

Comment y arriveraient-ils sans les promoteurs du concept d’islamophobie ?

Sans ces associations communautaires et religieuses spécialisées dans la plainte victimaire ?

Enfin, comment y arriveraient-ils sans tous ces décérébrés, qu’ils soient militants, universitaires ou animateurs télé, venant dégouliner leur compassion morbide sur les musulmans pour leur expliquer « qu’il est normal, compréhensible d’être bouleversé, meurtri, blessé par un putain de DESSIN.

Je pense à vous, à vos faux semblants, à vos appels au meurtre à peine voilés, à votre médiocrité et votre condescendance.

Sachez que du plus profond de mon être je ne crois pas un seul instant à votre douleur.

Alors ne me parlez plus de votre blessure, elle est indécente face à la douleur bien réelle de tous ceux, dessinateurs, professeurs ou autres qui ont un jour fait le choix d’essayer de vous rendre moins cons. »

Elle a appelé sobrement sa chronique <Samuel Paty>

Et si vous souhaitez écouter une émission plus conceptualisée et historicisée, vous pouvez écouter le grand historien Michel Winnock qui était l’invité des matins de France Culture de ce mardi : <Où s’apprend la laïcité ? Avec Michel Winock>

Michel Winnock exprime les mêmes réticences devant l’utilisation suspecte du terme d’islamophobie, ce mot utilisé par des intolérants qui n’aiment pas la France, ni la culture et les mœurs de notre vieux pays.

<1474>

Mardi 20 octobre 2020

«Cela fait des siècles que les fanatiques haïssent « l’humour »
Guillaume Erner dans sa chronique du 19/10/2020

La terreur islamiste a de nouveau frappé la France. Une fois de plus le prétexte fut le rire, un dessin, une caricature.

En janvier 2015, après les attentats des 7, 8 et 9 janvier à Charlie Hebdo, Montrouge et à l’Hyper Cacher, j’avais écrit le mot du jour du <12 janvier 2015> qui était une réflexion sur le rire, sur sa force et l’arme qu’il constitue contre les intolérants, les totalitaires de toute obédience et parmi lesquels les fanatiques religieux constituent une des pires espèces.

Pour ce faire, je m’étais appuyé sur «le nom de la Rose» d’Umberto Ecco et cette diatribe du moine fanatique qui empoisonnait ses frères religieux qui s’intéressaient à un livre qui évoquait le rire :

« Le rire libère de la peur du diable, […]
Le rire distrait, quelques instants de la peur.
Mais la loi s’impose à travers la peur, dont le vrai nom est crainte de Dieu. […]
Et que serions nous, nous créatures pécheresses, sans la peur, peut être le plus sage et le plus affectueux des dons divins ? »

Ce lundi matin Guillaume Erner en se basant lui aussi sur «le nom de la Rose» a également parlé du rire dans sa chronique : « L’Humeur du matin par Guillaume Erner  » :

<Qu’est ce qui a été visé en Samuel Paty ? >

Et la réponse de Guillaume Erner est :

« A peu près tout ce que nous aimons, le savoir, le partage, la tolérance, mais aussi, le rire, le rire qui récapitule probablement ce qui précède, le savoir, le partage et la tolérance. »

Et il ajoute :

« […] Le terroriste qui a frappé au nom de l’islam ne s’est pas seulement attaqué à un enseignant professant le dialogue et l’ouverture, la laïcité et la coexistence, il s’en est pris à quelqu’un qui enseignait le rire.

Ce qu’il y a de plus singulier dans ces assassinats, tellement nombreux hélas, depuis le premier attentat contre Charlie Hebdo, c’est que ces terroristes visent le rire. Ces fanatiques ne s’en sont pas pris à des prêcheurs d’intolérance, à des promoteurs de la haine, non ils s’en sont pris à des dessinateurs de crobar, ou à ceux qui montraient ces petits crobars. Pourquoi cette obsession ? Pourquoi cette réaction inouïe face à des dessins humoristiques ? […]

En réalité, cela fait des siècles que les fanatiques haïssent « l’humour ». Cette haine est d’ailleurs au cœur de l’un des plus grands romans historiques du XXe siècle, “Le nom de la rose”, d’Umberto Eco. Souvenez-vous, dans le « nom de la rose », le personnage central Guillaume De Baskerville est un jeune franciscain amoureux du rire, il affronte le vieux moine aveugle, contempteur du rire, Jorge de Burgos. D’ailleurs il est largement question, dans le nom de la rose, non pas des caricatures de Mahomet, mais d’un de leurs équivalents pour l’église du Moyen Âge, le texte parodique et truculent des « Cena Cypriani », rédigé au IX e siècle, ou il est notamment question d’un banquet ou Jésus mange un âne à belles dents…

Or l’église condamne le rire ; il n’y a pas de passage présentant Jésus riant, et la règle monastique de Saint Benoit interdit « le rire prolongé ou aux éclats ».

Pourquoi cette haine du rire ?

Parce que le rire est la libre interprétation – il doit permettre une lecture au premier, deuxième ou troisième degré ? On peut rire ou ne pas rire, le rire est de la liberté, et souvent on n’y peut rien : il n’y a rien de pire que de se forcer à rire.

D’où ce que Guillaume de Baskerville répond au moine Jorge de Burgos dans la scène finale : « le diable est la foi sans sourire (…). Je te hais Jorge, et si je pouvais je te mènerai en bas sur le plateau, nu avec des plumes de volatile enfilées dans le trou du cul, et la face peinte comme un jongleur et un bouffon, pour que tout le monastère rie de toi, et n’ait plus peur ».

Guillaume avait raison, rire des fanatiques est la meilleure manière de les montrer pour ce qu’ils sont, des bouffons. »

Cette chronique renvoie aussi vers un article qui évoque le sujet du rire et de la religion, dans le Nom de la Rose : <Problématique du rire dans Le Nom de la Rose d’Umberto Eco (1980)>

<1473>

Lundi 19 octobre 2020

«Miséricordieux»
Mot souvent utilisé par des croyants en évoquant le dieu auquel ils croient

Selon le dictionnaire du <CNRS>, la miséricorde se définit ainsi :

« 1remoitié du xiies. misericorde «bonté par laquelle Dieu pardonne aux hommes. […] Emprunté au latin misericordia «compassion, pitié», dér. de misericors «qui a le cœur (cors) sensible à la pitié».»

Nous sommes donc dans la combinaison des trois mots latins suivants :

  • miser (« malheureux »)
  • misereor (« avoir pitié »)
  • cor, cordis (« cœur »)

Le Littré donne encore d’autres explications : <Miséricorde>

Mais le mot utilisé par les religieux est « miséricordieux ».

Le dictionnaire <CNRS> définit ce mot de la manière suivante :

« Plein de miséricorde, qui pardonne généreusement ».

L’assassin de Samuel Paty a tweeté sur son compte après son sinistre forfait, comme le relate <Le Monde> :

« Un message de revendication a été publié sur un compte Twitter, vendredi, quelques minutes après le drame. Un compte sous le pseudonyme @Tchetchene_270 sur lequel apparaissait une photo de la tête décapitée du professeur avec le message : « Au nom d’Allah, le tout miséricordieux, le très miséricordieux, (…) à Macron, le dirigeant des infidèles, j’ai exécuté un de tes chiens de l’enfer qui a osé rabaisser Muhammad, calme ses semblables avant qu’on ne vous inflige un dur châtiment. » »

Alors, on explique que la miséricorde décrite ainsi est l’acceptation chrétienne de ce mot, dans laquelle le pardon est au cœur du sentiment.

Mais il semble que l’islam ne donne pas la même définition.

<Wikipedia> explique ainsi que :

« Rahma » est un concept coranique souvent associé à la miséricorde divine et se traduisant par « la sensibilité »ou « la bonté, la bienveillance » Présent 114 fois dans le Coran, ce terme concerne Allah, sauf trois fois où le terme est utilisé pour des humains :« les fils envers leurs père et mère (XVII, 24), les époux entre eux (XXX, 21), les Chrétiens entre eux (LVII, 27). »
La traduction la plus courante de ce concept est “miséricorde”. Pour D. Gimaret, elle « est inadéquate, pour la raison que dans le français actuel, et notamment dans le vocabulaire religieux, «miséricorde» inclut fondamentalement l’idée de pardon ». Alors que le principe de pardon divin est généralement absent du concept de Rahma. »

Nous avons plus de précisions sur ce <site>

« « Au nom d’Allah le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux ». Le Coran s’ouvre par ces mots, ainsi que 113 des 114 sourates qui le composent. Une sourate entière, la 55, porte le nom de ar-Rahmân, « le Tout Miséricordieux ». En outre, la Fâtiha (la première sourate) est récitée par les musulmans à chacune de leurs cinq prières quotidiennes. Enfin, la liste des 99 « beaux noms de Dieu » de la tradition islamique, commence par : Dieu (Allâh), le Bienfaiteur (ar-Rahîm), le Miséricordieux (ar-Rahmân). La notion de miséricorde est donc très présente dans l’islam.

Que signifie-t-elle au juste ?

[…] On l’a vu, à proprement parler, la miséricorde en islam désigne davantage la compassion ou la bienveillance (d’Allah ou des croyants) que le pardon des fautes. Interpréter ces versets coraniques avec la compréhension chrétienne du terme « miséricorde » serait faire un profond contresens. L’Encyclopédie de l’islam ne craint pas d’affirmer que l’idée de pardon « est totalement absente des emplois coraniques de rahma », même si le Coran associe parfois ces notions : Ton Seigneur est celui qui pardonne : Il est le maître de la miséricorde (XVIII, 58).

D’ailleurs, l’islam est aussi très loin de l’idée chrétienne d’un pardon illimité s’étendant à toutes les fautes et à tous les hommes ! Il suffit de comparer la parabole du débiteur impitoyable auquel le maître remet 10 000 talents, ou la réponse de Jésus à Pierre « Je ne te dis pas [de pardonner] jusqu’à sept fois, mais jusqu’à soixante-dix fois sept fois » (cf. Mt 18,21-22) avec ce verset coranique : […] Il pardonne à qui Il veut. (IV, 116). Non seulement, Dieu ne pardonne qu’aux musulmans, auxquels il réserve son paradis, mais ce pardon s’étend arbitrairement sur « qui il veut » […] A cinq reprises, le Coran affirmera : « Dieu pardonne à qui Il veut ; Il châtie qui Il veut » (II, 284 ; III, 129 ; V,18 ; V,40 ; XLVIII, 14)  »

Mais ceci est de l’ordre religieux.

En France, ce n’est pas la loi religieuse qui s’impose, mais la Loi de la République.

Et nous la défendons fort mal.

Ce professeur, Samuel Paty a fait son devoir, il a voulu expliquer à ses élèves ce qu’était la liberté d’expression, comme le voulait le programme de l’éducation nationale.

Mais pour que cet enseignement ne s’abime pas dans le concept, il a voulu expliquer en quoi les caricatures de Mahomet constituent une expression de cette liberté.

Il a même pris la précaution de suggérer à des élèves qui pourraient être « choqués » par ces dessins de se cacher les yeux ou de quitter momentanément la classe.

Il a accompli sa mission, l’apprentissage des Lois de la République.

Et que lisons-nous dans cet <article de Libération ?>

« Libération a pu consulter une note du renseignement territorial des Yvelines (RT78) rédigée le 12 octobre. Elle établit une chronologie précise des événements depuis le 5 octobre, et le cours tenu par Samuel Paty, durant lequel le professeur d’histoire a montré une caricature de Mahomet à des élèves de 4e. La note affirme que l’épisode a déclenché «une vive polémique chez certains parents de confession musulmane, considérant qu’il s’agit d’une véritable offense». Le RT des Yvelines envisage alors des «menaces de sit-in et de manifestations», et transmet ses observations à sa centrale (SCRT), à l’antenne yvelinoise de la Direction générale de la sécurité intérieure (DDSI), aux préfectures des Yvelines et de Paris.

Le document confirme que Samuel Paty a préalablement demandé aux élèves «qui pourraient être offensés par cette image, de fermer les yeux ou de sortir de la classe quelques secondes en présence d’une auxiliaire de vie scolaire». C’est la présence, à ce moment-là, d’une accompagnante d’un élève en situation de handicap (AESH) qui permet de confirmer les détails de la scène. Le lendemain, une mère de famille « contactait la principale en pleurs », affirme la note du RT78, «lui rapportant que sa fille avait été mise à l’écart dans le couloir sous prétexte qu’elle était musulmane», et qu’elle «vivait cette situation comme une discrimination». La cheffe d’établissement demande alors à Samuel Paty de rencontrer la mère en fin de semaine, et de revenir avec la classe concernée sur son enseignement «controversé», en l’invitant également à «s’excuser s’il avait été maladroit». L’intéressé s’exécute, précise le document du renseignement.

Pour autant, la tension ne retombe pas. Selon le RT78, la cheffe d’établissement reçoit le 7 octobre «des messages anonymes de protestation, via la boîte mail de l’établissement». L’un d’entre eux mettait en exergue le climat de défiance envers les musulmans: «Face au climat actuel de la France, où un climat d’islamophobie s’est installé, pourquoi cherchez-vous à diviser en plus dès le plus jeune âge?»

La principale rencontre ensuite le père de famille et le prédicateur du collectif Cheikh-Yassine, Abdelhakim Sefrioui, actuellement en garde à vue après la diffusion de vidéos virales sur les réseaux sociaux. Sefrioui y qualifie notamment Samuel Paty de «voyou ». Lors de l’entrevue avec la cheffe d’établissement, ils font part de leur colère et refusent de rencontrer Samuel Paty. Cette dernière demande alors, selon la note du RT78, «l’intervention de l’équipe Laïcité et Valeurs de la République [personnels d’accompagnement et de prévention de l’Académie, ndlr]». Par ailleurs, la venue d’un inspecteur est programmée le 9 octobre à 13h45, afin «d’accompagner la principale lors d’un entretien avec le professeur pour notamment lui rappeler les règles de laïcité et de neutralité». En outre, poursuit le document, «cela permettait de préparer la rencontre programmée entre le professeur, la principale puis les parents d’élèves».

En dépit de la diffusion des vidéos qui ont animé les réseaux sociaux, la note du RT78 conclut: « La communication entre la direction et les familles a visiblement permis d’apaiser les tensions, lesquelles sont principalement du fait de la famille C. [le père actuellement en garde à vue, ndlr]. Précisons que pour l’heure, les responsables de la communauté musulmane locale ne sont pas manifestés. […] Au sein du collège, aucune tension majeure n’est palpable, tant du côté de la communauté éducative que de la fédération des parents d’élèves qui, tout en reconnaissant une certaine maladresse du professeur (bien apprécié par sa hiérarchie), ne le désavoue pas pour autant »

Je lis donc qu’on a demandé à ce remarquable professeur de s’excuser auprès de parents en plein délire et même qu’un inspecteur avait l’intention de lui rappeler les règles laïcité et de neutralité !

C’est inadmissible !

On ne peut pas mettre sur un même plan le rôle de ce professeur et la sensibilité exacerbée d’une famille.

L’Éducation Nationale, L’État Français n’ont pas dit le Droit, pas fait parler la République.

Alors, depuis il y a eu le meurtre et maintenant le langage est différent.

Comme la Mosquée de Pantin qui a diffusé la vidéo d’un père de famille revendicatif.

Après avoir supprimé cette diffusion, après l’acte de terrorisme, la Mosquée de Pantin a appelé à manifester pour la paix !! ??

Les responsables de la Mosquée reconnaissent avoir diffusé l’appel <la mosquée de Pantin reconnaît avoir diffusé la vidéo du père de famille >

La défense du président de la Mosquée interrogé est surprenante :

«Je n’ai pas été choqué par les caricatures. Qu’elles soient publiées ou non, on s’en fiche maintenant.» […] Ce qui aurait motivé M Henniche, c’est la discrimination imposée, selon lui, aux élèves musulmans dans le cadre du cours donné le 5 octobre par Samuel Paty. «Je ne comprends pas que l’on demande à des enfants de la République de sortir d’une classe», déclare Henniche. »

Mais comme l’écrit Libération :

« Cette lecture des événements ne correspond pas tout à fait à ce qui s’est passé au collège du Bois-d’Aulne. De fait, Brahim C., le père de famille, semble avoir entretenu une certaine ambiguïté dans sa vidéo postée le 7 octobre. Quoi qu’il en soit, M’hammed Henniche endosse la responsabilité d’avoir diffusé la vidéo. Mais il réfute avoir démultiplié son audience. «Elle était déjà virale dans les milieux musulmans», assure-t-il. »

On apprend ainsi que le président de la mosquée est une figure connue en région parisienne. A la tête de l’Union des associations musulmanes de Seine-Saint-Denis, M Henniche est influent auprès de responsables locaux de lieux de culte et de personnalités politiques du département. L’affaire est plus qu’embarrassante pour la future grande mosquée de Pantin. Sa construction aurait dû démarrer cet été mais a été retardée à cause de la pandémie de Covid-19. […] En attendant, les prières ont toujours lieu dans les anciens locaux très fréquentés, il y a quelques années, par des groupes de jeunes salafistes. «Cela a beaucoup changé», assure Henniche. Pourtant, l’imam salafiste Ibrahim Abou Talha y est toujours en poste. D’origine malienne, il s’est formé au sulfureux centre de Dammaj au Yémen qui avait vu passer l’un des frères Kouachi.

Mais sa défense ultime est que :

«Personne, dit-il, vraiment personne, ne pouvait imaginer, le 9 octobre quand je l’ai postée, que cela se terminerait par cet assassinat».

Et il en va de même avec Abdallah Zekri (Observatoire de lutte contre l’islamophobie) qui prétend qu’« Il faut faire bloc autour de la République ».

Ce triste sire est le même qui a affirmé que la jeune Mila « l’avait bien cherché ». J’avais parlé de cette autre affaire de lâcheté républicaine lors du mot du jour du <6 février 2020>.

Le Point est revenu il y a 4 jours sur cette lâcheté <Affaire Mila : une défaite française> qui explique dans quelles conditions elle doit vivre aujourd’hui.

Rien ne peut justifier cette violence, ces menaces et ces comportements.

Nous n’avons peut-être pas un problème avec l’Islam en France, mais nous avons clairement un grave problème avec certains musulmans en France !

Je finirai par cette réponse d’une jeune fille sur Twitter :


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Jeudi 7 mai 2020

«Rendre lisible un texte du VIIe siècle à un lecteur du XXIe siècle en usant d’une langue simple.»
Quête poursuivie par Malek Chebel dans sa traduction du Coran

Dans l’entretien évoqué hier, Malek Chebel revient assez longuement sur sa traduction du Coran et répond aussi aux questions que lui pose Léna Mauger sur son interprétation du livre sacré de l’Islam.

J’ai trouvé plus opérant de faire, de cette partie, un mot du jour spécifique.

Je l’ai déjà écrit, je dispose de sa traduction du Coran sur ma tablette. Mon objectif n’est pas de lire ou de m’approprier le Coran. Mais à plusieurs reprises j’ai éprouvé le besoin d’aller vérifier ce qu’il y avait vraiment d’écrit dans ce livre sur un sujet particulier ou plus encore vérifier quand on se référait précisément à une sourate du Coran.

Il me fallait donc disposer d’une traduction en laquelle je pouvais avoir confiance. Confiance que j’accorde à Malek Chebel.

J’ai d’ailleurs cité lors d’un mot du jour sa traduction du verset 32 de la Sourate V : « Celui qui sauve un seul homme est considéré comme ayant sauvé tous les hommes »

Malek Chebel explique d’abord pourquoi il a entrepris une traduction en français du Coran

« Après le 11-Septembre, j’ai été sidéré par la méconnaissance de ce texte d’une beauté extraordinaire, truffé d’images élégantes et de métaphores. Les imams, « ceux qui dirigent la prière », bloquent l’accès au Coran. Ils sont pour la plupart de simples répétiteurs d’un texte qu’ils ne comprennent pas. Les actuelles traductions du Coran sont absconses ou vieillies. Celles qui passent pour être acceptables utilisent une langue obsolète : trop savante, trop maniérée ou trop décalée. J’ai donc voulu traduire ce texte, pas pour le « détraduire », mais pour le rendre dans une langue rigoureuse, sobre, belle, actuelle et sans concession. […]

 Il m’a fallu démarrer ce travail avec une peau lisse. Il m’a pris dix ans, et j’en suis sorti plein de rides. Je m’étais fixé deux objectifs : rendre lisible un texte du VIIe siècle à un lecteur du XXIe siècle en usant d’une langue simple avec de nombreuses notes de bas de page, et le vendre à moins de 25 euros.»

Il nous apprend que même certains professeurs de l’école coranique avouent ne pas comprendre ou même tenter de comprendre leur texte sacré :

« Jeune, j’avais appris ce texte par cœur, en l’ânonnant comme tous les enfants de mon âge tenus par la peur des châtiments corporels en terre musulmane. Je suis tombé un jour sur mon professeur de l’école coranique, je l’ai interrogé sur un problème d’exégèse, il m’a pris par le coude : « Je peux t’avouer quelque chose ? Moi j’ai appris le Coran phonétiquement, sans rien y comprendre. »

Le Coran est un texte prescriptif :

« Il dicte précisément un ensemble de devoirs et d’interdits. Le Coran dit que le ramadan dure un mois, que les prières doivent être pratiquées cinq fois par jour, que l’aumône doit être prélevée et donnée aux pauvres, que les mécréants doivent être châtiés… La codification de l’inceste est très rigoureuse. »

Mais selon Malek Chebel on attribue des fausses prescriptions au Coran

« L’exigence de la circoncision ne figure pas dans le texte, c’est une tradition. L’excision est aussi absente. Et on ne trouve nulle recommandation sur la taille et la forme de la barbe, qui relève simplement d’une volonté d’imiter le Prophète. Mais il faut faire attention : d’une interprétation à l’autre, les écarts sont nombreux. […]

Le Coran ne dit rien sur la virginité. C’est la tradition bédouine patriarcale qui l’a imposée : elle faisait office de livret de famille, de filet de sécurité pour s’assurer de la paternité d’une grossesse et assurer les héritages. Les imams et les théologiens se sont appuyés au IXe siècle sur ce doute pour le cristalliser. Depuis personne n’a remis en cause leur parole, même si les mœurs ont évolué. […]

Les musulmanes étaient indépendantes à l’origine. On l’oublie souvent, mais Khadidja, la première épouse du Prophète et première musulmane, était plus âgée que lui, veuve et femme d’affaires. C’est elle qui l’a engagé comme caravanier. Sur les dix épouses du Prophète, six n’étaient pas vierges.

[Les femmes musulmanes n’ont pas d’obligation de se voiler] Seuls deux versets et demi du Coran évoquent le voile en utilisant le mot « djilbab », qui peut aussi bien se traduire par « fichu », l’accessoire traditionnel des vieilles dames en Orient. Les représentations les plus proches de l’époque coranique montrent des femmes tantôt découvertes, tantôt voilées, mais jamais intégralement.

Le voile intégral du type tchador ou burqa est apparu au XIXe siècle avec l’essor en Arabie Saoudite du wahhabisme, une vision puritaine et rigoriste de l’islam. L’obligation s’est rigidifiée avec le temps. En 1923, l’Égyptienne Huda Sharawi, leader du féminisme arabe, pouvait retirer son voile au Caire, suivie par des centaines de femmes, sans encourir de sanctions. »

Des prédicateurs affirment aujourd’hui qu’une femme non voilée n’est pas un être humain, mais une exhibitionniste, voire une hystérique. Soyons sérieux ! S’il faut voiler la femme pour en faire une musulmane, que faire des millions de femmes dévoilées pendant quatorze siècles ? Étaient-elles de mauvaises musulmanes ? Et les -Asiatiques non voilées, et les Africaines non -voilées, sont-elles encore musulmanes ?

Je défends un islam du cœur, pas un islam du fichu.

Il avait pris position contre le port du voile mais il s’est heurté aux conservateurs et aux archaïsmes instillés par les traditions des pays musulmans influents

« Oui, j’y suis allé la fleur au fusil. Je voulais montrer que l’islam était affaire de choix, que le voile est étranger à la religion.

Mais les conservateurs ont réussi leur travail de sape. Les idées des prédicateurs envoyés dans les banlieues françaises à partir des années 1970 ont infusé dans les mosquées, les salons, les mariages. Il n’y a plus de -mobilisation. Des mères nées dans les pays arabes et jamais voilées de leur vie imitent la quête identitaire de leurs filles. L’interdiction à l’école du port du foulard, selon un principe de laïcité, est défiée. Et ce, au moment même où des femmes des pays arabes revendiquent leur liberté. Au Qatar, plusieurs familles ont demandé à leurs filles de ne plus porter le voile à l’école. »

Il explique aussi la différence entre la charia et le Coran :

« Le Coran est un livre sacré ; comme tel, il donne des prescriptions relativement précises sur le dogme. La charia, en revanche, est une déclinaison, une transposition juridique du texte sacré. Elle rassemble un ensemble de normes définies par des hommes : la famille, la sexualité, l’héritage, l’éducation des enfants, l’obéissance aux préceptes dictés par les imams… De fait, elle est plus rigoriste. Œuvre des théologiens du VIIIe et du IXe siècle, elle traduit fatalement leur imaginaire et le degré d’acceptation de l’époque.

Les califes ont gouverné pendant des siècles avec la charia. Seuls les régimes musulmans les plus conservateurs l’appliquent aujourd’hui en totalité ou partie. On n’accepte plus aussi facilement que l’on coupe la main au voleur, que l’on lapide, que l’on excommunie pour une opinion…

Les fondamentalistes ne font aucune différence entre la charia et le Coran. Ces groupuscules populistes religieux envoient des gamins à la boucherie en présentant le djihad comme un impératif de la foi musulmane, alors que le Coran interdit strictement la guerre entre musulmans !

Le djihad ne peut être qu’une guerre d’autodéfense visant à protéger ses femmes, sa terre et ses enfants.

On peut aussi interpréter le djihad dont parle le Prophète comme une guerre spirituelle contre soi-même et ses mauvais penchants, un peu dans l’esprit du bouddhisme. »

Malek Chebel a introduit sa traduction du Coran par un texte daté du 23 février 2009, cité également dans le livre d’entretien de la revue XXI.

J’en cite le début et la conclusion pleine d’humilité et de retenue :

« Tous ceux qui maîtrisent la langue arabe savent qu’il est extrêmement difficile de comprendre le Coran et que sa traduction passe pour être une vraie gageure. D’ailleurs, on ne traduit pas le Coran comme une œuvre profane, on en interprète seulement les idées, on cherche à les comprendre et, si besoin est, à les restituer aux lecteurs d’une autre langue. […]

L’Islam cherche sa place dans le cadre d’une mondialisation des échanges humains et d’une circulation rapide des idées.
Faut-il le préserver de cette dynamique ?
Qui peut d’ailleurs croire qu’il en serait prémuni pour autant ?
Aussi, pour ne pas pratiquer une politique d’omission volontaire et d’autisme, j’ai cherché les voies possibles d’une cohérence de la compréhension du monde d’aujourd’hui avec les préceptes coraniques, sans dénaturer l’esprit de la Révélation ni méconnaître les réalités complexes qui influencent la présence au monde des musulmans.
Et c’est avec la plus grande bonne foi que j’ai agi, un peu dans l’esprit de ce que Goethe disait lorsqu’il écrivit ces mots – peut-être pensait-il au Coran :
«Ce livre sacré qui, chaque fois que nous le prenons, nous rebute de nouveau, puis nous attire, nous plonge dans l’étonnement et finit par exiger le respect. »

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