« L’erreur est humaine, persévérer [dans son erreur] est diabolique »»
On retrouve des formes semblables chez des auteurs antérieurs tels :
- Tite Live (Storie, VIII, 35) « Venia dignus est humanus error » (littéralement : « Chaque erreur humaine mérite le pardon ») ;
- Cicéron « Cuiusvis est errare: nullius nisi insipientis, in errore perseverare » (littéralement : « L’erreur est une chose commune ; seul l’ignorant persévère dans l’erreur »).
- Une autre forme assez proche fut publiée par Augustin d’Hipponedans Sermons (164, 14) : « Humanum fuit errare, diabolicum est per animositatem in errore manere » (littéralement : « Commettre des erreurs est le propre de l’humain, mais il est diabolique de persister dans l’erreur par orgueil »).
Je tire ce moment d’érudition de <wikipedia>
Le mot du jour aurait pu être « Passer par 7 proxy » parce que Xavier Porte cité dans le mot du jour d’hier s’est trompé ou a été abusé.
Il explique cela dans une nouvelle chronique publiée aussi sur <rue89> : Passer par sept proxies » et autres expressions
Xavier de La Porte | France Culture :
« Mercredi, j’ai dit une bêtise.
[…] j’ai évoqué l’intervention d’Edward Snowden à la conférence South By South West à Austin (Texas).
L’ancien employé de la NSA à l’origine du dévoilement du système de surveillance mis en place par les Etats-Unis s’y exprimait en visioconférence depuis la Russie où il s’est réfugié.
Et, pour montrer les précautions prises par le jeune informaticien pour que l’origine de la communication ne soit pas identifiable, j’ai repris l’information donnée par son avocat qui a dit en introduction de la conférence qu’il serait « passé par sept proxies » (« through seven proxies »).
Et tout à fait doctement, je vous ai expliqué que les proxies étaient des intermédiaires entre des machines connectées, intermédiaires permettant l’anonymisation de la communication, et que Snowden était donc passé par sept de ces intermédiaires.
Et voici qu’un peu avant 17 heures Mercredi, le site Arrêt sur Image publie sous les doigts de Vincent Coquaz un petit papier instructif.
Où l’on apprend que « passer par sept proxies » (« trough seven proxies ») est une expression, qui ne signifie pas littéralement qu’on est passé par sept proxies, mais juste qu’on a été très prudent.
Bon, déjà, en soi, c’est assez vexant. Mais ce qui est encore plus vexant, c’est que cette expression est une sorte de blague pour se moquer de ceux qui ne comprennent pas grand-chose aux technologies
et qui vont être très impressionnés par le fait qu’on puisse être passé par sept proxies. Et qu’en plus, c’est une vieille blague. Triplement vexant donc.
Même le Guardian s’est fait avoir…
Toute proportion gardée, c’est un peu comme si je vous avais expliqué en détail comment on fait passer un chameau par le chat d’une aiguille ou que je vous avais décrit précisément la route qu’il faut prendre pour se rendre à Pétaouchnok.
Je ne sais pas s’il faut en être rassuré, mais je n’ai pas été le seul à reprendre littéralement cette blague comme s’il s’agissait d’une information : Le Monde, CNN, Forbes et même le Guardian se sont fait avoir.
Une fois passée la blessure d’orgueil, que dire de cela ?
D’abord que même pour ceux que ça intéresse au quotidien, les cultures numériques conservent leur hermétisme.
C’est encore le papier d’Arrêt sur images qui nous l’apprend, cette expression est née sur 4chan. 4chan, c’est un lieu passionnant.
Une sorte d’énorme forum, entièrement anglophone, entièrement anonyme, où des internautes discutent manga, jeux vidéo, musique, mais aussi sexe et politique
(4chan est un des points de ralliement des Anonymous, ces activistes numériques).
Je vous avouerai que c’est un lieu troublant, pour moi assez exotique. Mais s’y élabore une culture numérique, à la fois en termes de pratiques (le forum, le pseudonymat), mais aussi de représentations (la grande place de la culture japonaise) et de vocabulaire.
Avec des mots, des abréviations, et des expressions donc, qui naissent sur 4chan, s’y développent, et parfois en sortent. C’est manifestement le cas de l’expression « through seven proxies ».
« Ingooglelable », « bugger »…
Mais cette expression n’a manifestement pas encore franchi le cap, elle n’est pas encore entrée dans la langue, comme nombre d’autres mots et d’autres expressions provenant d’Internet. Elle a encore moins franchi cette étape supplémentaire, et signe de notre acculturation au numérique, qui consiste à sortir de la culture numérique pour être utilisée dans d’autres contextes que celui de l’informatique et d’Internet.
Regardez comme on parle couramment de « logiciel » pour désigner un corpus idéologique en politique (la droite doit « changer son logiciel ») ; de plus en plus on reproche à quelqu’un de « troller » une réunion ou une conversation (c’est-à-dire de s’y être comporté comme un troll sur un forum internet, en pourrissant la discussion), on dit aussi de quelqu’un qui se met soudainement à raconter n’importe quoi qu’il « bug ». Et tout le monde voit très bien ce qu’on entend par là.
Il faut se rassurer, ce phénomène n’est pas limité au français. En suédois, quand une personne est discrète au point qu’on a du mal à savoir quelque chose d’elle, on dit qu’elle est « ingooglelable ». En turc, j’aime beaucoup, les jeunes disent qu’ils ont « paramétré quelqu’un » quand ils l’ont remis à sa place, qu’ils lui ont cloué le bec (« paramétrer » quelqu’un sur un réseau social, c’est en gros lui limiter l’accès à une partie de nos contenus). En turc toujours, quand quelqu’un reste sans voix ou tient des propos incompréhensibles, on dit « Error vermek », mélange de turc et d’anglais qui signifie à peu près « il affiche erreur », comme un écran d’ordinateur. »
Bref nous sommes ainsi plus savant et nous ne répéterons pas avec « assurance » une expression qui ne correspond pas à la réalité.
Nous devons ce rectificatif à Vincent, heureux destinataire de ce mot du jour, et qui veillait au grain.
Que le ciel vous tienne en joie et vous éloigne de la persévérance dans l’erreur
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